N° 77
2015/2
Revue de recherche et d’information publiée sous l’égide de l’Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités (APAHAU), avec le soutien de la Direction générale des patrimoines, de l’École du Louvre, de l’Institut national d’histoire de l’art et du Centre allemand d’histoire de l’art
SOMMAIRE DU N°77 – 2015/2 Mini/Maxi. Questions d’échelles 3
Jean-Marie Guillouët et François Queyrel Introduction
Perspectives 7
Estelle Galbois Le colossal et la miniature comme mode d’expression du pouvoir : le portrait royal dans le monde grec antique (ive-iiie siècle av. J-C.)
19
Cyrille Lécosse Du petit art à l’art du petit. Le portrait miniature et son public sous la Révolution (1791-1799)
Études 31
Élisabeth Goussard La miniature et l’offrande, réflexions autour des armes miniatures celtiques
43
Pierre Charrey Les poids de balances romaines dans l’Antiquité chrétienne. La miniaturisation d’une symbolique profane
55
François Miran Le Livre dans le Livre. Les miniatures de la Bible syriaque de Paris : questions d’échelles et fonctions de l’image
69
Ambre Vilain Quand le tout petit contient le grand : la virtuosité sigillaire au Moyen Âge
79
Alice Delage De la coupole de Brunelleschi à la croix de Pollaiolo : un dialogue du grand et du petit à Florence au xve siècle
89
Raphaël Tassin Monumentalisation du modèle ou miniaturisation du monument ? Questions d’échelle entre maquette et architecture réelle (xve-xviiie s.)
101
Lise Constant « Cette vénérable et charmante petite statue ». Les statues miraculeuses de la Vierge dans les anciens Pays-Bas
115
Corinne Laoues Le « devenir spectacle » de la grande image à Paris dans la seconde moitié du xviiie siècle
125
Isabelle Le Pape Du livre au cosmos : monumentalité et démesure dans l’œuvre d’Anselm Kiefer
Méthode 137
Christian Freigang Qualité imageante et transcendance de genre dans l’architecture autour de 1300
varia [Publié en ligne sur le blog de l’APAHAU]
Lamia Balafrej Survivance de l’image. Notes sur les limites de l’iconoclasme en Islam
informations 153 157
Résumés/Abstracts Auteurs ayant participé à ce numéro
introduction
Jean-Marie Guillouët et François Queyrel
Mini/Maxi
Mini mini ça manque d’air Mini, Mini, Mini Mini, Mini, Mini, mini Moi je préfère les maxis Maxi-moke et maxi-jupe Jacques Lanzmann / Jacques Dutronc
Sous le titre « mini/maxi », la revue Histoire de l’art a souhaité s’interroger sur la taille et sur l’échelle des œuvres, entre surdimensionnement colossal et miniaturisation précieuse. Cet intérêt n’est pas nouveau ni isolé en histoire de l’art mais, au contraire, rencontre celui porté par bien des initiatives récentes et contemporaines dans la discipline. Si l’ouvrage de Susan Stewart1 avait, dès 1984, abordé cette question dans une perspective large à caractère anthropologique et marxisant en faisant surtout porter l’intérêt sur l’époque contemporaine, à partir de 2000 et plus récemment encore, différents travaux ont soulevé de nouvelles questions à propos des échelles des œuvres : le travail de John Mack2 a ainsi largement inspiré le colloque tenu les 21 et 22 septembre 2009 à l’université de Reading qui tirait son titre – The god of small things – de celui choisi en 1997 par la romancière indienne Arundhati Roy3. Dernièrement, la recherche sur l’échelle des œuvres a été jalonnée par différents événements tels que les colloques du Kunsthistorisches Institut de Florence (Size Matters: Questions of Scale in Art History, 2012) ou de la Hochschule der Künste de Zurich (Too big to scale, 2015). C’est d’ailleurs dans la continuité de la rencontre italienne que la revue Art History a consacré en 2015 un numéro à ce thème sous le titre « To scale4 ». En France, citons enfin le colloque consacré à La miniature en Europe à Chantilly, en 2007 puis en 2012, comme celui, tout récent, tenu à l’université Jean Jaurès de Toulouse5. Si les historiens de l’art se sont donc déjà interrogés sur la question de l’échelle, ces réflexions ont d’abord concerné les époques modernes et contemporaines alors que médiévistes et antiquisants (archéologues ou historiens de l’art) ont manifesté plus récemment leur intérêt pour ces questions : pour l’art antique, Michael Squire explore la miniaturisation du grand genre de l’épopée homérique dans la « coque de noix » des Tables iliaques aux reliefs et inscriptions minuscules6 ; pour le Moyen Âge, il convient de citer la rencontre accueillie à la fin 2014 par l’Institut national d’histoire de l’art et ayant abordé la Microarchitecture et les figures du bâti7. C’est donc en partie pour s’inscrire dans une perspective transhistorique nouvelle que ce numéro a été conçu et qu’il s’ouvre par une introduction de deux spécialistes de ces périodes anciennes. Nous aurions en effet l’un et l’autre mauvaise grâce à ne pas reconnaître que le regard porté sur leurs objets par les spécialistes de ces hautes époques n’est pas imprégné d’une sorte de « mystique de la taille », même si celle-ci a prioritairement concerné l’extrémité monumentale de l’échelle. Fascinés par le « mirage égyptien » les Grecs avaient depuis longtemps connu et admiré le gigantisme du royaume des monuments pharaoniques. Avec les conquêtes d’Alexandre l’élargissement des limites du monde connu des Grecs renouvelle l’intérêt pour les HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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questions d’échelle, tout d’abord des cadres spatiaux où se meut l’homme : à partir du iie siècle avant J.-C., les textes du canon des Sept Merveilles du monde antique constituent certainement la plus connue des célébrations de ces réalisations humaines, dans lesquelles la taille gigantesque et les performances techniques que cette dernière implique jouent un rôle essentiel. Dans la littérature ancienne et par la suite encore, la valeur accordée à l’échelle monumentale repose fondamentalement moins sur des critères esthétiques que sur l’admiration suscitée par ces prouesses techniques de l’esprit humain, tendant à rivaliser avec les grandes œuvres de la nature. Il en va de même dans le processus de réduction de la maquette architecturale, image d’une architecture en devenir à l’époque moderne, comme le montre Raphaël Tassin (p. 89-100). Cette conception est tout à fait actuelle : de la monumentalité de l’œuvre au microcosme du livre, le même ressort meut une création qui introduit l’homme à l’infini, comme l’illustre l’étude d’Isabelle Le Pape sur Anselm Kiefer (p. 125-136) ; les images du livre tissent aussi des liens forts avec l’espace du livre, comme le montre François Miran en étudiant les miniatures d’une Bible syriaque (p. 55-68). La taille monumentale est dès lors un des attributs nécessaires du chef d’œuvre8. Les auteurs cultivent le goût pour l’hyperbole dans le gigantisme, comme l’illustre le projet de sculpter le mont Athos en forme d’une statue gigantesque d’Alexandre. Nourris par le théâtre classique et ses modèles antiques, les artistes de la seconde moitié du xviiie siècle illustrent la grandeur du sujet d’histoire dans le grand format du tableau qui s’épanouit avec le néo-classicisme (voir Corinne Laoues, p. 115-124). Ce mode héroïque de la création, ce gigantesque qui a, pour Susan Stewart, toujours à faire avec le mensonge9 a bien été compris comme étant un objet historique. L’une des traces les plus évidentes de cette mystique de l’échelle est la comparaison déjà anciennement faite entre la course à la hauteur des constructeurs gothiques jusqu’à l’effondrement de Beauvais et la compétition verticale des paysages urbains contemporains. Souvenons-nous en effet que les premières réhabilitations du gothique, chez Christopher Wren ou l’abbé Laugier, prennent d’abord le chemin d’une admiration pour cette conquête du gigantesque et du monumental et pour les défis techniques qu’implique cette conquête. En ce sens, le sublime médiéval semble bien héritier d’une syntaxe monumentale antique remontant à ce canon des sept merveilles du monde puis de son incorporation dans le corpus des doctrines de la pensée chrétienne, à travers le modèle des fondations constantiniennes de Terre Sainte10. Pour autant, il serait abusif et trompeur de dissocier ces logiques du gigantisme des mécanismes conjoints de la réduction et de la miniaturisation. Paul Binski a ainsi dernièrement souligné la concomitance – au moins chronologique – entre l’accroissement en taille des grands chantiers religieux gothiques, entre le xiie siècle et le début du xive siècle, et l’étonnante hyper-miniaturisation de nombreuses formes artistiques telles que les ivoires parisiens ou l’enluminure contemporaine11. De telles œuvres réduites s’inscrivent, pour leur part, dans la longue durée d’une fascination pour les objets et les images minuscules, reposant sur ces effets de multum in parvo. Cet « art des petites choses », ainsi que le qualifie John Mack12, s’il relève plus souvent de l’intime et des plaisirs privés, n’en entretient pas moins des liens étroits avec toutes les formes monumentales. Le poète Posidippe, dans l’Alexandrie des premiers Ptolémées, consacrait ainsi une partie de son recueil – retrouvé et publié en 2001 – aux œuvres de glyptique, passant de la gemme la plus miniaturisée à la grotte immense et précieuse : ce jeu constant entre gigantisme et miniature porte la marque de la nouvelle esthétique artistique à partir d’Alexandre, avec l’oxymore qui unit les contraires. Il en va également ainsi des petites statuettes de la Vierge à l’Enfant des anciens Pays-Bas dont la taille réduite exprime autant une humilité vertueuse qu’elle relève d’une logique de mise en réserve de la puissance sacrale, nécessairement incommensurablement grande (Lise Constant, p. 101-114). Ces deux extrémités de l’échelle de l’œuvre ne peuvent donc se concevoir l’une sans l’autre et paraissent constituer deux aspects opposés mais complémentaires d’un même registre héroïque du geste créateur. Ainsi, les historiens de l’esthétique ont notamment souligné combien la poétique comme la littérature latine et médiévale ont réservé une place et une importance égales, à côté de l’amplificatio et de la dilitatio, à la pratique de l’abbreviatio, c’est-à-dire à la diminution et la miniaturisation13. C’est bien ce que suggère 4
MINI/MAXI
le survol d’une partie de la documentation textuelle mais aussi d’une partie – plus importante encore – de la documentation matérielle et archéologique : le mode de la grande échelle monumentale et celui de la miniature et du minuscule ne sont pas antithétiques mais constituent deux aspects absolument interdépendants de toutes « les choses admirables » qui sont « unis dans un même destin », ainsi que l’écrit Alice Delage dans sa contribution à ce numéro (p. 79-88). Gaston Bachelard ne disait d’ailleurs pas autre chose lorsqu’il écrivait que « le minuscule, porte étroite s’il en est, ouvre un monde nouveau, d’un monde qui, comme tous les mondes, contient les attributs de la grandeur » et que « la miniature est un des gîtes de la grandeur »14. Dans une perspective historique, bien des facteurs doivent être convoqués pour expliquer ces performances de nanotechnologie comme ces concurrences monumentales. Celles-ci paraissent par exemple indissociables des logiques de la compétition artisanale ou des stratégies d’individuation et de distinction sociale ou économique des acteurs – créateurs comme commanditaires – dont elles sont le support. Le cas des matrices de sceaux médiévaux, étudié ici par Ambre Vilain (p. 69-78), est exemplaire de cette surenchère dans les savoir-faire de miniaturisation qui font entrer l’œuvre dans cette catégorie des « technologies de l’enchantement », telles qu’Alfred Gell les envisageait : l’œuvre miniature devient d’autant plus efficace que cette efficacité repose sur ce que Gell désigne comme le « halo de la difficulté technique15 » (the Halo-Effect of Technical ‘Difficulty’), c’est-à-dire la résistance qu’oppose l’œuvre à la compréhension immédiate et analytique et cela en raison de sa taille vertigineusement grande ou petite. Dans la droite ligne de cette réflexion, Pierre Charrey (p. 43-54) éclaire la diffusion des images classiques et impériales miniaturisées et vulgarisées dans les poids de balances de Constantinople. Dans une perspective complémentaire, Élisabeth Goussard (p. 31-42) s’interroge sur l’efficience des pratiques rituelles celtiques à partir de l’étude d’armes miniatures. La performance technique virtuose que suppose le produit miniature comme l’œuvre monumentale est bien une composante essentielle des effets de l’échelle, composante à laquelle l’historien de l’art doit être attentif pour en comprendre la nature et le rôle. Ces effets d’échelles présents dans l’œuvre – ou constitutifs de celle-ci – sont ainsi employés comme les outils d’une captatio benevolentiae destinée à susciter la fascination du spectateur (ou l’admiratio du fidèle pour la scolastique médiévale), comme dans la sculpture de Ron Mueck ou, à l’autre extrémité du spectre, dans les minuscules noix de prière flamandes du xvie siècle. Ils n’en sont pas moins les produits d’un dispositif souterrainement hiérarchique impliquant la perception de l’ordre du monde, au sein duquel le corps humain doit prendre la place qui est la sienne. Peut-être est-ce là d’ailleurs l’un des apports les plus importants de la Renaissance que d’avoir installé cette mesure de l’échelle dans un système de valeurs durable. Encore faut-il bien noter en dernière analyse que cette dialectique du monumental et du minuscule entretient un rapport qui ne peut être qu’asymptotique avec les limites matérielles et physiques de la création. Le titre donné à ce numéro (mini /maxi) est conçu pour signaler que c’est précisément par l’effacement de ces limites du (très) grand et du (très) petit que le maximum et le minimum de l’œuvre prennent toute leur force d’inspiration.
Jean-Marie Guillouët, maître de conférences en histoire de l’art médiéval, université de Nantes François Queyrel, directeur d’études, EPHE
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1. S. Stewart, On Longing: Narratives of the Miniature, the Gigantic, the Souvenir, the Collection, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1984. 2. J. Mack, The Art of Small Things, Londres, British Museum Press, 2007. 3. http://www.reading.ac.uk/ure/godsofsmallthings/smallthings_ programme.pdf 4. Art History, vol. 38-2 (2015), p. 246-403. 5. Penser le petit de l’Antiquité au xixe siècle. Approches textuelles et pratiques de la miniaturisation artistique, Sophie Duhem, Estelle Galbois et Anne Perrin Khelissa (dir.), université de Toulouse-Jean Jaurès, 1-2 octobre 2015. 6. The Iliad in a Nutshell: Visualising Epic on the Tabulae Iliacae, Oxford, New York, Oxford University Press, 2011. 7. Microarchitecture et figures du bâti : l’échelle à l’épreuve de la matière, Clément Blanc-Riehl, Jean-Marie Guillouët et Ambre Vilain (dir.), Institut national d’histoire de l’art, université de Nantes, Archives nationales, Institut universitaire de France. 8. W. Cahn, Masterpieces: Chapters on the History of an Idea, Princeton, Princeton University Press, 1979, p. 29-31. 9. Autant que l’exagération verbale (Stewart, On Longing…). 10. Voir, sur ces questions, l’introduction de C. Stephen Jaeger à Magnificence and the Sublime in Medieval Aesthetics: Art, Architecture, Literature, Music, C. Stephen Jaeger (dir.), New York, Palgrave Macmillan, 2010, p. 1-16. 11. P. Binski, « The Heroic Age of Gothic and the Metaphors of Modernism », Gesta, 52, n° 1 (2013), p. 3-19. 12. Mack, The Art of Small Things. 13. Ernst R. Curtius, European Literature and the Latin Middle Ages, Bollingen Series 26, Princeton, Princeton University Press, 1990, p. 487-94 ; cité par Binski, « The Heroic Age… », p. 10. 14. G. Bachelard, La Poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957, p. 148. 15. Idée qu’il élabore précisément à partir du souvenir qu’il gardait d’une visite enfant de la cathédrale de Salisbury, monument qui l’avait laissé indifférent alors qu’il avait été fasciné par un modèle réduit, une maquette miniature en allumettes de la même cathédrale qui était alors présentée dans une chapelle latérale (A. Gell, « The Technology of Enchantment and the Enchantment of Technology », dans J. Coote et A. Shelton (dir.), Anthropology, Art and Aesthetics, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 40-63 ; p. 47).
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MINI/MAXI
perspectives études
Estelle Galbois
Le colossal et la miniature comme modes d’expression du pouvoir : le portrait royal dans le monde grec antique (ive-ier siècle av. J-C.)
Des travaux et des manifestations scientifiques récents ou à venir témoignent de l’intérêt des chercheurs pour les problématiques liées aux modes de représentation et plus particulièrement aux questions d’échelle. Ce champ de recherche, fécond, dépasse largement le domaine de l’histoire de l’art et rassemble historiens, philologues, philosophes, littéraires ou encore anthropologues, comme en témoignent le colloque international « Microarchitecture et figures du bâti : l’échelle à l’épreuve de la matière » (2014), la journée d’étude « Mondes miniatures et régénération de la vie. Variations d’échelle dans les Andes et en Mésoamérique » (2015) ou encore le colloque international et pluridisciplinaire « Penser le ‘petit’ de l’Antiquité au xixe siècle. Approches textuelles et pratiques de la miniaturisation artistique » (2015). Des réflexions, il est vrai, marginales, sur les rapports d’échelle dans l’Antiquité ont par ailleurs été engagées. Cette thématique a fait l’objet d’un dossier de la revue Ktéma (2004) et a été abordée à partir d’une documentation variée (glyptique, peinture vasculaire et statuaire), sur le long terme, et dans une aire géographique vaste (monde grec ancien, Proche-Orient et Égypte). Antoine Hermary, dans un volume édité par Francis Prost et Jérôme Wilgaux, Penser et représenter le corps dans l’Antiquité (2006), s’est quant à lui intéressé à la question du corps colossal et à la valeur hiérarchique des tailles aussi bien dans la littérature que dans la sculpture de l’époque grecque archaïque1. Mentionnons aussi les actes d’un colloque qui s’est tenu à Reading, au Royaume Uni (2009), « The Gods of Small Things », dont la problématique portait sur les petits objets et les miniatures de l’Antiquité, découverts dans les sanctuaires et les tombes. La deuxième partie de l’ouvrage s’est concentrée sur les transformations dues au changement d’échelle. Jean-Marc Luce a ainsi interprété les changements de taille de certains objets (chaudrons en bronze, épingles en bronze, céramique), les uns devenant gigantesques, les autres miniatures, comme les conséquences du processus de défonctionnalisation (ou perte de l’utilisation initiale de l’objet) des offrandes déposées dans les tombes et les sanctuaires2. Les objets miniatures, loin d’être des copies serviles des objets géants, ont souvent été retrouvés dans des tombes d’enfants, ce qui induit un usage spécifique3. Stefanos Gimatzidis a étudié l’évolution des pratiques cultuelles en montrant comment les vases ornementaux ou de grandeur nature, dédiés aux divinités dans les sanctuaires grecs, ont été remplacés à partir des années 760700 av. J.-C. par des vases miniatures4. Il est parvenu à la conclusion que le corpus abondant des céramiques miniatures correspondait à une plus grande participation aux activités religieuses de la part d’une clientèle plus large, issue de groupes sociaux variés, au début de l’époque archaïque5. Marie-Françoise Boussac et Merwatte Seif el-Din ont consacré une étude à des objets miniatures en plomb conservés à Alexandrie, au musée gréco-romain6. Le corpus est constitué de pendentifs, de plaquettes, de statuettes et essentiellement d’objets miniatures (vaisselle pour le banquet et les ablutions, armes, objets du quotidien). Ces objets peu coûteux, qui se rencontrent souvent sur le pourtour du bassin méditerranéen, ont été HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 1. Ptolémée IV, Paris, musée du Louvre © cliché de l’auteur. Fig. 2. Un des derniers rois lagides, Paris, musée du Louvre © cliché de l’auteur. Fig. 3. Ptolémée XII, Paris, musée du Louvre, © cliché de l’auteur. 12
Le colossal et la miniature comme mode d’expression du pouvoir
études
Cyril Lécosse
Du petit art à l’art du petit Le portrait miniature et son public sous la Révolution (1791-1799)
Tu regrettes que je n’ai pas fait comme Isabey et moi aussi car […] je suis sûr que la miniature ferait plus que la peinture en grand1. Antoine-Jean Gros à sa mère, le 15 novembre 1795
En 1769, le critique de L’Année littéraire énonce que le portrait en « miniature est rarement exécuté par des artistes d’un ordre supérieur », ajoutant qu’une « pratique aisée, du soin et quelques tons agréables, en font ordinairement tout le mérite »2. La même année, Pierre Pasquier, miniaturiste estimé, est surnommé le « petit Pasquier3 » par un Diderot quelque peu sarcastique. Inversement, quand le talent est trop important, les frontières de la miniature ne peuvent le contenir. Pierre-Adolphe Hall, dépeint comme « le Van Dyck » de la peinture sur ivoire dans les années 1780, devient ainsi « trop grand pour un art trop petit4 ». Cet artiste reste d’ailleurs persuadé qu’une pratique exclusive de la miniature « rétréci[t] les idées » et recommande de peindre tous les ans de grands « portraits à l’huile »5. Ces jugements sévères, contrebalancés il est vrai par quelques évocations plus flatteuses6, reflètent une opinion assez largement répandue dans la seconde moitié du xviiie siècle : l’art de la miniature serait « le refuge ordinaire de ceux qui, fatigués d’avoir fait des efforts inutiles pour avancer dans une carrière plus distinguée, se voient forcés de prendre une route plus facile7 ». Ces a priori qui alimentent une problématique déjà ancienne – la miniature est-elle une œuvre d’art ou un succédané de peinture ? – sont partagés par bien des commentateurs lorsque débute la Révolution française. En 1791, Quatremère de Quincy jette ainsi l’anathème sur ceux qu’il nomme les « pygmées8 » de l’art, comme si le principe même de la miniaturisation picturale induisait, non pas une miniaturisation, mais une réduction du talent. Cette confusion entre « art du petit » et « petit art » contraste toutefois avec le succès très vif remporté par les portraits miniatures auprès des contemporains. Si le goût pour la peinture sur ivoire9 se diffuse dans la société mondaine à partir des années 1770, rejoignant le dessin, la musique et la danse dans la liste des loisirs appréciés par l’aristocratie, la mode du petit portrait réalisé sur des supports de quelques centimètres (ivoire, papier ou vélin) se répand aussi « par le bas10 », dans des milieux plus modestes. Entre 1780 et 1789, la prolifération de ces œuvres dans les expositions parallèles au Salon officiel, dans les foires ou dans les vitrines des marchands merciers, est le meilleur témoignage d’un intérêt croissant pour cette production artistique que l’on assimile souvent à « une bagatelle de mode »11. Le phénomène se poursuit et s’accélère sous la Révolution. À la faveur de l’ouverture du Salon à tous les artistes en 1791, le portrait miniature s’impose peu à peu comme une des formes d’art les plus prisées au tournant des xviiie et xixe siècles. Il s’agira ainsi, dans cet essai, de comprendre en quoi le contexte artistique de la période s’est avéré très favorable à la production de portraits de petites dimensions. Dans quelle mesure le choix de la miniature relève-t-il alors d’une stratégie de conquête du marché ? Quelle clientèle était précisément visée par les artistes ? Le succès du petit portrait autour de 1800 a-t-il contribué à hausser le statut d’œuvres souvent considérées comme mineures ? HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 6. Fr. Gérard, Portrait du miniaturiste Isabey et sa fille, 1795, huile sur toile, 1,9 x 1,3 m, Paris, musée du Louvre. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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études
Élisabeth Goussard
La miniature et l’offrande, réflexions autour des armes miniatures celtiques1
Les pratiques rituelles accompagnent, encore aujourd’hui, les principales étapes de la vie d’un groupe ou d’un individu : elles ont par exemple lieu au cours d’un baptême, lors de l’entrée de l’individu dans une communauté, ou à sa mort, lorsqu’il la quitte. Ces pratiques peuvent être définies comme le cadre stabilisateur, le passage obligé, conforme à un modèle normatif et répétitif2, pour surmonter un traumatisme de groupe. Bien qu’essentiels à la compréhension d’une société, les rituels sont difficilement perceptibles par l’archéologie, en raison de leur caractère en partie immatériel. Par l’étude de certains objets en relation étroite avec leur contexte, il est toutefois possible de déceler certaines de ces pratiques au sein de la population celtique, peuplant un territoire allant de la péninsule ibérique à l’Europe de l’Est, des Alpes italiennes aux îles Britanniques et présente durant neuf siècles, entre le Hallstatt C (vers 800 à 620 av. J.-C.) et La Tène D (vers 150 à 27 av. J.-C.). La restitution de rituels, en archéologie, repose en effet sur des artefacts, disposés de façon particulière dans un lieu. Ainsi, l’étude du mobilier déposé en sanctuaire a apporté de précieuses informations sur la caractérisation des pratiques rituelles celtiques. Gérard Bataille, en établissant un historique de l’évolution des ensembles de mobilier métallique issus de sanctuaires de l’Est de la Gaule, a notamment mis en évidence l’existence de trois grandes phases chronologiques, entre la période celtique indépendante et les premiers temps de l’Empire romain3. En effet, entre le iiie et le milieu du iie siècle av. J.-C, les dépôts des sanctuaires sont principalement composés d’armes et de parures. Puis, au moment où émergent les villes celtiques, les oppida, une modification des rituels est perceptible : la présence de vaisselle et d’ustensiles culinaires semble indiquer que des pratiques alimentaires collectives se déroulent au sein des lieux de culte ; des objets appartenant à la sphère de l’artisanat intègrent également le mobilier consacré. Entre le deuxième et le dernier quart du ier siècle av. J.-C., un nouveau type d’offrande apparaît, « l’offrande par destination4 ». Une offrande est tout d’abord un objet entièrement consacré à une fonction votive. Il peut s’agir d’un objet détourné de sa fonction première, retiré du monde profane pour être transformé en objet votif, comme c’est le cas dans les deux premières phases mentionnées ci-dessus. Des exemples de ce type d’offrandes, qualifiées « d’offrandes par transformation5 », ont été retrouvés à Gournay-sur-Aronde, en Picardie. Dans ce sanctuaire, principalement actif à La Tène C et D1 (de 150 à 80 av. J.-C. environ), ont été déposées des armes volontairement dégradées, découpées ou pliées à l’aide d’une forge6. Elles ont ainsi perdu leurs propriétés fonctionnelles et sont devenues des offrandes. Il existe également des objets produits, dès leur élaboration, dans le but d’être offerts, les « offrandes par destination ». C’est par exemple le cas des ex-voto anatomiques gallo-romains retrouvés dans les HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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études
Pierre Charrey
Les poids de balances romaines dans l’Antiquité chrétienne La miniaturisation d’une symbolique profane
Dans l’ensemble du monde gréco-romain dès le iiie siècle avant J.-C. on pouvait voir fonctionner dans chaque port et chaque marché les grandes balances romaines, balances asymétriques qui permettaient par un ingénieux système de levier de peser les marchandises qui circulaient de cités en cités : poissons, amphores, viandes, fruits et légumes, et autres denrées essentielles du commerce méditerranéen (fig. 1). De grands contrepoids, simples sphères de plomb ou bustes finement travaillés à l’effigie de l’empereur et des dieux du panthéon romain, glissaient le long des axes gradués des balances et garantissaient la juste pesée de quantités importantes de biens1. Avec la christianisation de l’Empire, probablement au tournant des ve et vie siècles, ces bustes ne semblent plus présenter que des types iconographiques restreints et généralisés inexistants auparavant. En effet, apparaissent alors deux principaux types récurrents : les poids représentant des « impératrices » et ceux à l’effigie d’Athéna, auxquels s’ajoutent un groupe restreint d’empereurs en trône2 et quelques unica à l’iconographie incertaine.
Fig. 1. Balance romaine, ve-viie siècle, bronze, 62,5 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, inv. no. 22.139.14 © www.metmuseum.org.
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Ces objets, fondus à la cire perdue et remplis de plomb, peuvent atteindre une hauteur d’une trentaine de centimètres et un poids de plus de quatre kilogrammes. Tous uniques et de qualité artistique variable, ils sont conservés en grand nombre dans les musées du monde entier et dans des collections privées, constituant un corpus de près de cent cinquante artefacts. Si la plupart d’entre eux nous sont parvenus via le marché de l’art et des fouilles clandestines, un petit nombre a été découvert ces dernières années lors de diverses fouilles méthodiques, bénéficiant du développement important de l’archéologie urbaine et subaquatique3. Mais bien qu’une grande partie vienne certainement d’Asie Mineure leur provenance précise n’est que rarement établie. Dans un empire chrétien où les cultes païens s’effacent et où la figure féminine par excellence devient la Théotokos, il est légitime d’interroger la présence de stéréotypes féminins à l’allure païenne sur un objet usuel et populaire. Or à d’autres échelles les modèles pour ces images ne manquent pas : de nombreuses figures féminines et d’imposantes personnifications païennes, de la statuaire monumentale à l’univers domestique, sont omniprésentes aux yeux des citoyens chrétiens de l’Empire. Dans le cadre d’une tentative d’interprétation anthropologique de cet élément de culture matérielle, nous tairons l’approche interne et stylistique pour examiner la perception de ces représentations, l’aspect performatif, ainsi que le rôle que jouent les jeux d’échelles dans la transmission d’une symbolique et d’une agentivité4. De même, à travers les notions de polysémie des images et de perméabilité iconographique, on s’attachera à éclairer les raisons économiques et sociales pour lesquelles cette mystérieuse imagerie profane que l’on connaît dans tout son gigantisme des immenses statues de Constantinople aux rutilantes mosaïques d’Antioche, subit une telle réduction et vient s’incarner dans le commerce byzantin sous la forme de ces bustes miniatures et hiératiques, scrutant négociants et clients depuis les nombreux étals des marchés.
Des poids aux statues : l’impératrice, une figure urbaine et populaire Comment étaient perçues les représentations assignées à ces poids ? Dans un premier temps, l’image de l’impératrice, personnage politique et séculier, semble la plus simple à interroger. En effet la représentation de celle-ci peut parfois sembler d’une symbolique évidente sur un poids ou une monnaie, cependant le parallèle certain avec la production de poids en forme d’Athéna suggère ici la possibilité d’une signification bien plus large et plus complexe qu’une simple manifestation de l’autorité impériale sur le commerce. Si l’étude de l’image impériale s’est parfois concentrée sur les arts somptuaires au risque de négliger la dimension populaire et quotidienne, il n’en demeure pas moins que certains objets d’apparence ordinaire et de taille réduite comme les contrepoids de balance romaine diffusent ces images à un public bien plus large et constituent, par leurs dimensions plus modestes, un indice révélateur du rôle social de ces représentations. L’histoire de la recherche concernant ces poids a consisté pendant plus d’un demi-siècle en une accumulation d’interprétations successives. En 1933, Richard Delbrueck5 a été le premier à identifier par un rapprochement avec la numismatique chaque contrepoids avec une impératrice historique, les classant alors tous comme des portraits du ve siècle, unique période de représentation de l’impératrice sur le monnayage de l’Antiquité tardive. Cependant une théorie dépendante des portraits numismatiques6 sous-entendrait alors que la disparition du portrait de l’impératrice sur les monnaies s’accompagnerait de la disparition de celui-ci sur les poids, ce que l’archéologie a largement démenti7. Bien que la numismatique puisse permettre des comparaisons d’ordre iconographique, on peut en effet douter de la pertinence de cette identification et d’un tel raisonnement circulaire qui risque par des rapprochements stylistiques subjectifs de compromettre toute tentative de datation sérieuse. Alors que ce système d’identification reste parfois fermement ancré dans les consciences8, l’étude systématique et complète du corpus des poids de balances romaines par Norbert Franken en 19949 a pourtant permis d’unifier le traitement de ces poids, alors compris comme des images génériques plutôt que comme des portraits officiels. Il devient à cet instant évident que leur production massive relève d’un type iconographique qui ne permet 44
Les poids de balances romaines dans l’Antiquité chrétienne
études
François Miran
Le Livre dans le Livre Les miniatures de la Bible syriaque de Paris : questions d’échelles et fonctions de l’image
Dans l’univers des manuscrits tardo-antiques enluminés, une œuvre relativement méconnue nous semble mériter une attention particulière ; son décor suscite de nombreuses interrogations quant à la fonction de l’image biblique et du livre illustré. La Bible syriaque de Paris est le fragment d’une Bible complète enluminée sur parchemin, réalisée entre la fin du vie et le début du viie siècle. Donnée au fonds syriaque de la Bibliothèque nationale de France en 1909 par Mgr Addaï Scher1, elle est conservée au département des Manuscrits sous la cote Syriaque 341. Unique Bible complète illustrée de cette période, elle ne présente cependant pas la facture ambitieuse de ses pairs comme les évangiles de Rossano2 et de Sinope3 : ni encres métalliques, ni fond pourpré, ni miniature à pleine page. En dépit de ce moindre luxe et du caractère quelque peu répétitif de ses illustrations, elle n’en demeure pas moins d’une qualité remarquable et constitue un témoignage majeur de l’art du livre antique. Elle est probablement l’œuvre d’un monastère de Haute-Mésopotamie, région partagée dans l’Antiquité tardive entre plusieurs Églises de langue syriaque, autocéphales et indépendantes. Pour cette raison, la Bible syriaque de Paris fut longtemps considérée comme la copie provinciale d’un manuscrit grec4 et est restée peu étudiée, surtout dans le cadre d’ouvrages de synthèse5. Le manuscrit comprend les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament selon la Peshitta, version « simple », élaborée à partir du iie siècle. Le début et la fin du volume sont perdus : la Genèse manque dans sa quasi-totalité, et il ne subsiste du Nouveau Testament que quelques feuillets, contenant la fin de la deuxième épître de saint Paul à Timothée et la dernière page de son épître à Tite. Rédigé sur trois colonnes, le texte comporte des espaces ménagés pour accueillir des illustrations de dimensions variées ; le format des colonnes de texte conditionne le format longitudinal des images, qui occupent la largeur d’une ou deux colonnes. Les vingt-quatre miniatures subsistantes sont insérées dans le corps du texte au début de chaque livre, à la manière de frontispices. Elles mesurent entre 5 x 10 cm et 23,5 x 12 cm et peuvent être classées selon quatre types : scènes narratives, images dogmatiques, portraits d’auteurs et culs-de-lampe. Les miniatures qui ornaient la Genèse, le Lévitique, Samuel, les Rois, Isaïe, Amos, Malachie, les Psaumes, Esther, les Maccabées et tout le Nouveau Testament ont disparu, à l’exception du portrait de l’apôtre Jacques. Les choix iconographiques semblent répondre à un projet d’ensemble, tenant compte de l’ampleur et du caractère du livre. Ainsi, les illustrations ne suivent pas le texte pour l’illustrer, comme c’est le cas dans la Genèse de Vienne6 ou l’Évangile de Rossano, mais semblent désigner le contenu des livres. Le manuscrit devait rassembler à l’origine environ trois cent cinquante feuillets, et constituait une œuvre volumineuse. Face à un livre d’apparence massive, le nombre relativement restreint de ses miniatures et leurs dimensions réduites semblent paradoxaux ; ils remettent en question les rapports qu’entretiennent HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 4. Évangile d’Etschmiadzine, fol. 229 ro. Arménie, viie siècle, Erevan, Matenadaran, Ms. 2734, cliché de l’auteur d’après S. Der Nersessian, L’Art arménien, Paris, Arts et métiers graphiques, 1977.
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Le Livre dans le Livre
études
Ambre Vilain
Quand le tout petit contient le grand : la virtuosité sigillaire au Moyen Âge
À partir de la fin du xie siècle, les hommes du Moyen Âge prennent l’habitude d’authen tifier les actes qu’ils contractent par l’apposition d’un sceau. Il s’agit d’un système compo site formé par un acte rédigé sur un parchemin et un sceau en cire, relié au document par une attache textile. Le sceau est la combinaison d’une image centrale et d’un texte périphérique, tous deux obtenus à l’aide d’un outil : la matrice. Le choix de l’image figu rant au centre du sceau est mu par un mobile d’identification que ce soit par le renvoi à une fonction, à un état ou à un ordre. Ajoutons que la pratique du sceau se diffuse très largement au cours des xiie, xiiie et xive siècles pour atteindre la totalité des couches de la société médiévale. Ainsi, nous disposons d’un corpus considérable d’objets ayant appartenu à des personnes physiques ou morales issues de toutes les couches de la société. En outre, c’est une production qui possède l’immense avantage d’être précisément datée par l’acte auquel ces objets sont appendus. Par conséquent, il est possible de dater la gravure d’une matrice à l’année de la confirmation d’un évêque par exemple. Dans bien d’autres cas on dispose également de fourchettes chronologiques relativement étroites correspondant à la durée de l’existence de tel ou tel individu. À tout le moins, lorsque nous ne possédons aucun élément biographique sur le personnage en question, nous connaissons par la date de l’acte, sinon la date de gravure, au moins celle du façonnage de la cire. Cet élément de datation fiable permet en outre de former des référentiels de comparaisons permettant de dater d’autres productions artistiques ou d’autres pratiques culturelles1. Parce qu’il est régi par un certain nombre de règles formelles liées à sa fonction taxino mique2 et que l’expression artistique des graveurs est limitée par un support de petite taille devant condenser un discours nécessairement précis et efficace, le sceau permet de poser de manière claire la problématique de la représentation à échelle réduite. Pour toutes ces raisons, le corpus sigillaire entre parfaitement en résonnance avec les thématiques déve loppées dans un volume dédié aux questions d’échelle. En outre, par son abondance ce même corpus permet de mettre en lumière une évolution du processus de miniaturisation conduisant à la mise au point de procédures techniquement virtuoses.
Vers la virtuosité technique L’opération de fabrication du sceau (le scellage) se déroule selon un cérémonial ritualisé plaçant au centre un geste technique. Ce faisant, l’opérateur, qu’il s’agisse du sigillant luimême ou d’un spécialiste à qui il en délègue la façon, fabrique une image combinant une validation juridique et l’expression d’une identité personnelle et fonctionnelle3. Le scellage est un point d’aboutissement de différentes chaînes opératoires produisant l’acte scellé dans sa dimension fondamentalement composite. Nous sommes face à un outil qui, de par sa nature, fabrique du droit, mais aussi un outil social permettant de formaliser une identité. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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1a.
1b.
Fig. 1a et b. Sceau de Maurice de Sully, 1170, Arch. nat., sc/D 6782 (moulage et revers d’empreinte de cire). Fig. 2. Sceau d’Hugues II de Morville, 1210, Arch. nat., sc/D 6589. Fig. 3a et b. Sceau de l’ordre des Trinitaires, 1395, Arch. nat., J/88/55.
2.
3a.
3b. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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études
Alice Delage
De la coupole de Brunelleschi à la croix de Pollaiolo : un dialogue du grand et du petit à Florence au xve siècle
L’homme, nous dit Pascal, est un être perdu entre le vertige de l’infiniment grand et le mystère de l’infiniment petit, qui l’effrayent autant qu’ils l’intriguent1. En pratique, cette fascination ne s’exerce pas toujours de façon aussi symétrique. Ainsi, le grand ou le gigantesque bénéficient d’un intérêt vif et constant tandis que le petit ou le minuscule suscitent une attention plus ponctuelle. Pourtant, ces dernières années, l’histoire de l’art a montré un regain d’intérêt pour la microarchitecture2. Les liens qui unissent le grand et le petit en architecture sont le plus souvent étudiés pour la fin du Moyen Âge, depuis l’article fondateur de François Bucher, paru en 19763. Selon l’historien de l’art, la microarchitecture a pu constituer un laboratoire des formes du style gothique tardif. Cette théorie a récemment été remise en cause par Paul Binski qui a montré que l’esthétique gothique se fonde sur un principe dynamique d’amplification et de réduction qui englobe toutes les échelles4. Si une littérature relativement fournie considère le grand et le petit unis dans un même destin au Moyen Âge, les études se raréfient soudainement en ce qui concerne la Renaissance. Ce désintérêt s’explique-t-il par une évolution des pratiques artistiques qui sonnerait le glas de la microarchitecture médiévale ? Ou relève-t-il surtout de l’existence – ou plutôt de l’absence – d’une tradition historiographique ancrée ? Le présupposé – certes rejeté depuis longtemps – qui veut que la Renaissance soit le passage du monde médiéval théocentré, dont Dieu serait la seule mesure, à un monde anthropocentré n’y est sans doute pas étranger5. Pour Alberti qui cite l’adage de Protagoras, c’est bien l’homme, et non Dieu, qui sert d’échelle universelle pour comprendre par comparaison les « accidents » qui affectent les objets du monde réel, comme par exemple la taille. Cette « force de la comparaison » fait que « le grand est ce qui l’emporte sur le petit et l’immense ce qui l’emporte sur le grand », et tout s’articule et se définit à partir des dimensions d’un être humain de stature moyenne. Par cette thèse, l’humaniste illustre un procédé pictural permettant d’indiquer l’échelle relative des personnages et des architectures, à l’instar du peintre Timanthe qui représente des satyres près d’un cyclope pour en mettre en valeur le gigantisme6. Toutefois, cette démonstration ne s’accompagne pas d’une hiérarchisation qui établirait une incommunicabilité radicale entre les échelles. La présente étude se propose donc d’explorer la permanence et les modalités de mise en œuvre des liens entre le grand et le petit à la Renaissance. Deux œuvres florentines illustrent parfaitement la complexité de ces liens : la coupole de la cathédrale Santa Maria del Fiore et une croix d’autel en argent, réalisée pour le baptistère, qui en reproduit l’architecture en petit. Mises en comparaison, ces œuvres montrent comment s’effectue le passage du grand au petit et mettent en lumière les spécificités HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Raphaël Tassin
Monumentalisation du modèle ou miniaturisation du monument ? Questions d’échelle entre maquette et architecture réelle
Depuis l’Antiquité et jusqu’à nos jours, la maquette s’est vue assigner des fonctions variées et complémentaires, que ce soit dans le processus de conception de l’objet architectural, dans le cadre du chantier ou bien comme moyen de représentation, voire de prestige. Bien que plusieurs ouvrages, expositions et colloques aient exploré et approfondi ses différentes formes et typologies, le phénomène est encore loin de bénéficier d’une connaissance exhaustive1. En effet, si le rôle du modèle d’architecture en tant qu’outil lors de l’élaboration d’un projet, comme medium au sein du dialogue entre un artiste et son commanditaire, ou a contrario comme moyen de diffuser et faire connaître d’ambitieuses réalisations, ont largement retenu l’attention de la communauté scientifique, la question de l’échelle et des rapports qu’entretiennent entre eux le modèle et le bâtiment effectivement construit est restée un peu ouverte. Ainsi, sans revenir sur la fonction conceptuelle du modello, l’objectif de cet article est d’interroger la dialectique que celui-ci entretient avec l’architecture « réelle » et de se demander si le processus de monumentalisation de la maquette est le seul qui unisse cette dernière à la construction, ou si la proposition peut également être inversée, c’est-à-dire que l’architecture monumentale peut elle-même être miniaturisée sous forme de maquettes. Au cours de cette étude, il s’agira donc de mettre en évidence les divers cas de figure quant à la relation qui unit le modèle avec le bâtiment qu’il représente, qu’il soit antérieur, postérieur, ou éventuellement complètement indépendant de toute réalisation concrète. Ainsi ne procéderons-nous pas de manière chronologique mais typologique.
De la maquette vers l’architecture réelle Selon l’usage le plus évident et le plus fréquent, la maquette peut littéralement servir de « modèle » pour la construction future d’un édifice à l’échelle monumentale, c’est-à-dire qu’elle représente l’état censé être définitif du bâtiment en puissance, et que les maçons doivent reproduire à une échelle plus imposante. Ce phénomène est notamment illustré par les maquettes présentes sur les chantiers et qui avaient très souvent une valeur contractuelle et contraignante pour les entrepreneurs. Cette fonction apparaît sans doute sur les chantiers du Trecento italien, puisque les capomastri de la cathédrale de Florence, jusqu’à l’intervention de Filippo Brunelleschi, devaient jurer de respecter la forme de la « piccola chiesa » de briques construite en 1366 à côté du campanile de Giotto en tant que simulation à une échelle presque monumentale de la future église. Le serment en question devait généralement être prêté devant la maquette elle-même, ce qui en consacrait l’aspect non seulement symbolique mais également juridique2. L’ouvrage de référence, généralement visible de tous, était soit édifié dans le voisinage immédiat du lieu de construction, soit, s’il s’agissait simplement d’un ajout ou d’un réaménagement, disposé à l’intérieur même HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 3. Anonyme, maquette de l’église Saint-Maclou de Rouen, v. 1516 ?, Musée des Beaux-Arts de Rouen.
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Lise Constant
« Cette vénérable et charmante petite statue » Les statues miraculeuses de la Vierge dans les anciens Pays-Bas
En 1620, Pierre Bouille nous offre la première description de Notre-Dame de Foy, découverte onze ans plus tôt à l’intérieur d’un chêne, dans un village près de Dinant : C’est la statue de la glorieuse mère de Dieu dressée sur un piédestal treillisé en balustres. Elle est de corsage, et de taille afferente, jaçoit que de nature non pas beaucoup plus haute que d’un empan1.
D’une hauteur de 22,5 cm, cette petite image est l’une des nombreuses statues de la Vierge placées au centre d’un culte dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège au xviie siècle. Souvent de petites dimensions et d’apparence simple, elles seraient capables de grands prodiges et attireraient de nombreux pèlerins. À l’origine d’un réseau dense de sanctuaires mariaux sur un territoire situé à la frontière des États réformés, ces objets alimentent une controverse qui, depuis le xvie siècle, divise à nouveau la chrétienté : le culte des images. Critiqués depuis les débuts du christianisme, les abus liés à cette pratique dévotionnelle suscitent, dans le chef des protestants comme des catholiques, de nombreux débats théologiques et doctrinaux, et provoquent des réactions parfois violentes, telles que les attaques perpétrées par les iconoclastes. Contrainte de prendre position, l’Église catholique se prononce, lors de la xxve session du Concile de Trente, en faveur de la vénération des images « de Jésus-Christ, de la Vierge Mère de Dieu et des autres saints2 » tout en lui donnant une justification théologique et un cadre prévenant les dérives idolâtres : ce ne sont pas les images en elles-mêmes que l’on vénère, mais les prototypes qu’elles représentent, intercesseurs privilégiés des hommes auprès de Dieu. L’image, et particulièrement celle de Marie, s’impose alors comme l’un des principaux instruments de reconquête de la Réforme catholique. Dès la fin du xvie siècle et durant tout le xviie siècle, la Vierge est placée au centre des dévotions, tant individuelles que collectives. Protectrice des monarchies, son culte est particulièrement soutenu par les archiducs Albert et Isabelle dans les Pays-Bas méridionaux, tout comme dans la Principauté de Liège des Wittelsbach. Touchées par les épidémies et les famines, les populations de ces territoires subissent également les conséquences des combats entre l’Espagne, les Provinces Unies et la France. Dans ce contexte, la piété s’intensifie envers la Vierge, présentée comme une figure de consolation et de victoire3. Dès lors, comment concevoir que la « glorieuse mère de Dieu » puisse trouver une représentation à sa hauteur dans la statue de Foy, « de nature non pas beaucoup plus haute que d’un empan », que Louis Lipsin désignera plus tard sous les termes de « vénérable et charmante petite statue4 » ? Ce rapport entre l’insignifiante image et son puissant prototype est abordé par d’autres auteurs traitant des statues miraculeuses de la Vierge dans les anciens Pays-Bas au xviie siècle. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 4. Image de dévotion de Notre-Dame de Bonne Volonté à Duffel, première moitié du xviie siècle, Anvers, Ruusbroecgenootschap © Ruusbroecgenootschap, UAntwerpen. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Corinne Laoues
Le « devenir spectacle » de la grande image à Paris dans la seconde moitié du xviiie siècle
Dans le cadre de son exposition d’été 2015, « Fäden der Macht », le Kunsthistorisches Museum de Vienne invite le visiteur à découvrir quelques-unes de ses somptueuses tapisseries du xvie siècle à l’aide d’une paire de jumelles, comme au théâtre. L’expérience est particulièrement jouissive, d’autant que ces objets d’art offrant une multitude de détails et de fils d’or sont d’une somptuosité et d’une sophistication à couper le souffle. Leur installation à hauteur de vue, leur bordure repoussoir, leur profondeur de champ, et leurs grandes dimensions invitent le spectateur à pénétrer dans l’image. On comprend immédiatement la fascination que ces tapisseries ont dû exercer sur leurs contemporains. Être immergé au centre de plusieurs d’entre elles, muni de notre dispositif optique, nous donne la sensation de nous trouver à un spectacle, de pouvoir nous introduire simultanément dans l’histoire qui nous est donnée à voir, et dans le passé, au temps où l’on fabriquait ces merveilles. Notre intérêt est d’autant plus vif qu’il s’agit de réfléchir à la question de la « théâtralité1 » de la grande image2 : une toile fixée sur un châssis, ou bien tissée dans des dimensions égales ou supérieures à quatre mètres carrés, déplaçable d’un endroit à un autre pour être accrochée au mur, sans que sa cohérence intrinsèque n’en soit modifiée. L’historique et la genèse du grand tableau de laine et du grand tableau peint sont inextricablement liés, le carton de tapisserie étant, de la fin du Moyen Âge jusqu’à la seconde moitié du xviiie siècle au moins, peint à grandeur d’exécution sur une toile. L’interdépendance du grand tableau d’histoire autonome, inventé à Paris par Le Brun, et de la grande tapisserie historiée, fabriquée elle aussi dans la capitale, leur communauté de sujets, et de format, de même que le déplacement des cartons des ateliers parisiens aux musées du xixe siècle, ont contribué à troubler la sagacité de notre expertise et gommé la frontière qui séparait les grandes peintures conçues pour l’être, de celles créées pour être transposées en tapisserie. Les cartons, les tapisseries et les grands tableaux sont les grandes images du xviiie siècle, corollaires d’une peinture d’histoire « revivifiée par un souffle théâtral3 » à l’aube de ce siècle. À la différence du théâtre, l’exposition n’apparaît pas en tant que support de spectacle dans les définitions consultées4. Le terme spectacle désigne pourtant le Salon sous la plume de Diderot, qui se désole de l’absence de grande composition en 1769 : Le pauvre Salon que nous avons eu cette année ! Presque aucun morceau d’histoire, aucune grande composition, rien, mon ami, qui valut la peine d’accélérer votre retour5 […] Plus de Salon ; plus de modèles pour les élèves, plus de comparaison d’un faire à un autre […] Plus de Salon ; et le peuple privé d’un spectacle annuel où il venait perfectionner son goût en restera où il en est6. Cette fonction éducative de la grande image, dont se saisira le xixe siècle, se retrouve à plusieurs reprises sous la plume des protagonistes de la scène artistique du xviiie siècle. L’expomania qui caractérise la période et la « tyrannie exercée par l’image », dont s’agacent ou se gaussent le marquis de Sade (1740-1814) ou Louis Sébastien Mercier (1740-1814)7, HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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a favorisé des recherches formelles et des possibilités « expographiques8 » dont un artiste comme Jacques-Louis David (1748-1825) saura intelligemment tirer parti. Alors que le spectateur du dictionnaire de Furetière ne peut être « ravi en admiration9 » que par le spectacle des « machines d’un opéra », l’utilisation du terme « machine » ou « grande machine » pour désigner un grand format dans les dernières décennies du xviiie siècle, semble témoigner de sa théâtralité ou tout au moins de sa fonction « spectaculaire10 ».
La grande image au service du renouvellement de la peinture d’histoire L’engagement des peintres d’histoire aux côtés de la grande image permettant le développement de nouveaux styles et de nouveaux langages, trouve tout au long du xviiie siècle un support privilégié. Hormis dans le cas de l’histoire de son temps, pour mettre en scène des personnages tirés de sujets religieux, mythologiques, ou de l’histoire ancienne, le peintre d’histoire doit s’inspirer « de sources littéraires11 ». Dans la première moitié du xviiie siècle, pour réaliser des grands formats narratifs et ainsi répondre aux commandes prestigieuses, il se tourne du côté de la dramaturgie, des modèles italiens et du xviie siècle français incarné par Poussin et Le Brun, et dans le cas de petits, se « ressource aux écoles du Nord » pour œuvrer dans « une veine délicate et gracieuse », plus adaptée aux aménagements intimes et privés12. Parmi les successeurs du grand genre issu de la tradition classique du xviie siècle, se trouvent Jean-François de Troy (1679-1752), Charles Coypel (1694-1752), François Lemoyne (1688-1737) ou Carle Vanloo (1705-1765), qui conçoivent pour les Gobelins13 et le Salon des tableaux de grandes dimensions composés de personnages se prêtant bien grâce à leur « grandeur naturel[le] », à l’exploration de l’expression des passions et « à la recherche de l’illusion théâtrale »14. Ces artistes qui succèdent à Le Brun, au prestigieux poste de directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris, et dans le cas de de Troy, à Rome, vont détourner à leur actif la bienséance de la « poésie dramatique15 », qui proscrivait les démonstrations empressées ou les effusions de sentiments, au profit de la retenue. Autour des années 1740-1750, cherchant à réformer une institution « dont il était dit dans le public qu’elle n’avait pas répondu à ce que l’on en pouvait attendre16 », Coypel et les directeurs des Bâtiments Philibert Orry (1736-1745), puis Le Normant de Tournehem (1745-1751) cherchèrent à redonner son lustre à la manufacture des Gobelins17 (Orry), à accroître le prestige social de l’Académie (Coypel), à la « régénérer par un retour aux origines, c’est-à-dire aux intentions que l’époque prêtait à Colbert et à Le Brun18 ». Dans cet idéal, le grand format occupait une place et un rôle emblématiques d’une politique artistique associée à un âge d’or. Les projets d’émulation, l’institutionnalisation de ce qui allait devenir la principale manifestation publique de l’Académie, le Salon (Orry, 1749)19, ou les concours, celui de la « Tête d’Expression20 » par exemple, sont autant d’ordonnances qui convoquent la grande image dans le cadre précis du perfectionnement du genre noble de l’histoire. Selon Christian Michel, « les transformations opérées par Orry ou Tournehem », dans lesquelles comptait pour beaucoup cet attachement au « grand genre », « donnèrent à l’Académie royale une audience publique qu’elle n’avait pas encore su obtenir jusque-là ». Elle allait devenir, autour des années 1750, « un corps prestigieux placé sous la protection directe du roi, auquel appartiendraient des gens du monde – amateurs et conseillers, associés, hommes titrés –, attirant lors de séances publiques une assistance distinguée, et présentant chaque année sa production aux Parisiens dans le grand Salon du Louvre21 ». Au cœur de cette production se trouvaient des cartons de grandes dimensions ou des formats plus modestes soumis à l’approbation du public, et dont l’enthousiasme infléchissait la décision de leur réplique à grande échelle. La fonction attractive de la grande image théâtralisée favorisait son exposition, laquelle provoquait le « mutisme admiratif » des spectateurs, et les applaudissements. Dans les dernières décennies du xviiie siècle, les peintres de grands formats commençaient à s’émanciper des modèles à tisser, se préparant à descendre leurs peintures, conçues dans d’imposantes dimensions, de leur « mur à tableaux », pour les placer à même le sol, face au spectateur. 116
Le « devenir spectacle » de la grande image à Paris
études
Isabelle Le Pape
Du livre au cosmos : monumentalité et démesure dans l’œuvre d’Anselm Kiefer
Entering an artist’s studio appears to lift the veil on the trade secrets ; the beginnings seem to hold a key, the key to creation, as if everything might already have been played out at the start1.
L’œuvre d’Anselm Kiefer a largement suscité commentaires, analyses et réactions. Si la monumentalité des œuvres est régulièrement évoquée, le travail de l’artiste allemand autour de sa production de livres est moins souvent envisagé. Qu’en est-il de cette part importante dans la création, qui n’en a pas moins une valeur essentielle, comme l’affirme l’artiste : « Je ne suis pas un peintre. Les tableaux, c’est quoi ? 40 % de mon activité, mes livres sont plus importants à mes yeux2 » ? L’univers généralement plus confiné du livre porte-t-il lui aussi les caractéristiques grandiloquentes des toiles et sculptures monumentales ? Comment aborder le lien entre les nombreux livres que l’artiste a réalisés depuis les années 1960, composés de collages, dessins, photographies et peintures avec les toiles et les installations d’envergure, qui réclament des lieux immenses pour se déployer ? Au détour de ces confrontations entre illustrations minutieuses et toiles monumentales, l’artiste donne à voir une conception de l’œuvre d’art où le format occupe sans aucun doute une place fondamentale.
Des plantes aux étoiles : visions du sublime L’infiniment petit comme les espaces infinis séduisent Anselm Kiefer, qui expérimente régulièrement des contrastes saisissants entre des mondes microscopiques et des toiles, sculptures et installations aux dimensions impressionnantes, rappelant certaines œuvres d’artistes du land art, qui travaillent avec bulldozers et grues plutôt qu’avec les outils traditionnels3. Dans La Vie secrète des plantes (2003), Kiefer déploie d’immenses vues en noir et blanc de constellations, nuées et galaxies sur lesquelles il colle des plantes séchées avec leurs racines. La confrontation de ces éléments végétaux de taille modeste, amenant le spectateur à observer avec minutie, comme il le ferait dans un herbier, des plantes à la précision minutieuse, avec des étendues célestes, difficiles à envisager d’un seul coup d’œil et dépassant les limites de la pensée, rend ce travail particulièrement intéressant du point de vue des jeux d’échelles. De même, dans Dépôt d’étoiles IV (1998), Kiefer suggère ironiquement la volonté humaine de maîtriser et de réduire à sa mesure l’infini cosmique figuré par d’innombrables graines de tournesol jetées au hasard et collées sur la toile. Ici, le contraste saisissant entre les graines, relevant de l’ordre du végétal, et les cartographies du ciel accentue la confrontation entre des modes d’appréhension déstabilisants, qui ne sont pas sans lien avec les recherches du théoricien irlandais du xviiie siècle Edmund Burke sur le sentiment de sublime. Infini, étonnement, sensation de puissance et de démesure sont décuplés dans ces œuvres aux dimensions monumentales : « Et aux choses de grandes dimensions, nous ajoutons une idée accidentelle de terreur : elles deviennent incomparablement plus grandes4 », analysait déjà Burke. Kiefer ne renoue-t-il pas en effet avec une HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Fig. 4. Anselm Kiefer, Die Frauen der Revolution von Jules Michelet, 1996, photographie, acrylique, craie, encre, couverture, 58,5 x 60 x 10 cm, collection particulière © Anselm Kiefer, cliché Jörg von Bruchhausen. Fig. 5. Jules Michelet, Les Femmes de la révolution, Paris, A. Delahays, 1855, page de titre.
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méthode études
Christian Freigang
Qualité imageante et transcendance de genre dans l’architecture autour de 1300
C’est un phénomène reconnu et décrit depuis longtemps, qu’au xiiie siècle, en particulier à partir du dernier tiers du siècle, dans de nombreuses régions de diffusion de l’architecture gothique au nord des Alpes, les formes du gothique rayonnant apparaissent sur tous les supports de représentation : la peinture monumentale, dont le vitrail, les reliefs de petit format, les retables d’autel sculptés et, non des moindres, les œuvres des trésors empruntent aux formes de l’architecture. La recherche a balayé un vaste domaine, des interprétations holistiques du gothique de Hans Sedlmayr, en passant par la thèse pionnière de Rüdiger Beckmann sur le « cadre architectonique » de la verrière peinte du gothique classique et les nombreuses recherches de Peter Kurmann sur la microarchitecture, jusqu’au colloque stimulant organisé par Christine Kratzke et Uwe Albrecht1. Dans le cadre des limites géographiques et chronologiques de la Rhénanie des années 1300, on citera en particulier l’arcade architecturée souvent couronnée d’un gâble, qui fournit progressivement une forme directrice (Leitform) aux systèmes de division de l’image et de l’architecture. Appliquées comme un schéma répétitif, les arcades subdivisent, classent et hiérarchisent les systèmes de représentation, que ce soit en délimitant dans l’espace et, de ce fait, en organisant des unités de sens narratives, en faisant voir de façon significative des relations de proportionnalité, en indiquant des axes, des symétries, des superpositions, ou en signalant des sphères de valeur différente par une plasticité et une élaboration distinctes. Du fait que cela a très souvent donné lieu à la conception de véritables murs-façades, ou encore à l’imitation d’autres formes de construction tels que les contreforts, ce phénomène a été désigné par le terme de « microarchitecture2 ». Si l’on admet que les dessins de plans gothiques ont pu servir aussi de modèles dans d’autres genres de représentation – comme les « dessins d’architecture en verre » du vitrail3 – et que des processus de création qui semblent véritablement relever de l’architecture ont également été appliqués dans d’autres arts, on peut parler d’une vaste « architecturisation » des arts figurés autour de 1300. Cela signifie implicitement – et c’est l’objet constant de cette recherche – que l’architecture s’impose comme une sorte de « genre princeps », repris secondairement par d’autres médiums. Cette conception de la microarchitecture suppose toutefois qu’une forme de hiérarchie des genres a vu le jour, au sein de laquelle l’édifice, occupant la première place, est imité par les autres médiums à plus petite échelle. Cette représentation de l’architecture comme « reine des arts » a une longue tradition idéologique, qui n’intervient cependant qu’avec le développement d’une théorie systématique de l’art. Du point de vue de son histoire et de son développement, des indices montrent que la genèse de cette hiérarchie des genres, dans laquelle l’architecture semble occuper la première place, remonte justement aux années 1300 : les références architecturales de la châsse des Rois mages de la cathédrale de Cologne du début du xiiie siècle hésitent entre la maison, le reliquaire, et un système typologique de classification abstrait et spatialement complexe. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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En revanche, si la châsse de sainte Gertrude de Nivelles réalisée après 1272 intègre un programme iconographique complexe dans une composition qui se déploie en trois dimensions, celui-ci revêt sans ambiguïté la forme d’un véritable édifice en miniature, par son système de division et par son décor 4. Parallèlement à ces tendances attestées dans l’art des trésors d’églises, on peut également suivre la façon dont, tout au long du xiiie siècle, le médium du vitrail emprunte progressivement la forme du cadre à l’architecture, en particulier aux baldaquins ornés d’un remplage5. De même, l’organisation des peintures des clôtures du chœur de Cologne datées vers 1340 est de toute évidence dérivée du dessin d’architecture6. Avant de poser la question de la véritable signification de cette vaste « architecturisation » du monde figuré, il est important de savoir que l’architecture peut être définie en fonction de niveaux différents, qui s’interpénètrent. S’agit-il avant tout d’illustrer des fonctions tectoniques et techniques, liées aux rapports des forces en jeu, de matérialiser des espaces sociaux, ou plutôt de mettre en scène dans l’espace des images en trois dimensions ? Dans ce contexte, il a déjà été ponctuellement observé que durant tout le xiiie siècle, l’architecture médiévale perd progressivement de son ancienne clarté tectonique, elle devient pour ainsi dire « non architectonique » dans l’homogénéisation des supports et du voûtement, délaissant en quelque sorte son caractère matériel dans son raffinement graphique7. Cela suggère implicitement que la conception physique et tectonique de l’édifice passe de plus en plus à l’arrière-plan. Ces suppositions seront développées ci-après et il sera montré de quelle façon l’architecture elle-même est également déterminée par une qualité imageante. Par ce concept, je veux dire que dans la distinction des déterminants tectoniques que sont les forces des supports et des charges projetées en trois dimensions, les critères d’une clarté projetée en deux dimensions entrent de plus en plus dans la conception de l’architecture. Un tel énoncé pourrait au premier abord apparaître comme une évidence. Il est incontestable, en effet, que les grandes façades décoratives du xiiie siècle, par exemple, avec leurs pignons superposés à la manière de décors de théâtre, sont conçues pour donner naissance à de gigantesques écrans d’architecture qui encadrent de façon monumentale ou remplacent même en partie les mondes figurés des portails. Ce processus peut aussi être appréhendé sous l’angle de son évolution historique : on sait que la technique du mur lisse ou mur mince, employée notamment à Paris à partir du xiie siècle, constitue une prémisse pour les panneaux de réseau évoquant des décors de théâtre dans le gothique rayonnant du nord de la France. La platitude graphique de l’articulation des façades du transept de Notre-Dame de Paris au milieu du xiiie siècle est déjà présente près d’un siècle auparavant, au début de la construction de la cathédrale, et se manifeste constamment, du point de vue technique, dans l’emploi virtuose de blocs de pierre posés verticalement, à la manière de plaques. De même, les grandes façades décoratives sont indubitablement liées, sur le plan phénoménologique, au nouveau médium des grands dessins d’architecture avec leur projection orthogonale et leurs tracés de complexes motifs de remplages8. Or la réalisation de ces panneaux d’architecture va de pair non seulement avec un aplanissement spatial toujours plus important des motifs d’architecture destinés à être perçus comme des images bidimensionnelles, mais aussi – et j’en viens au fait – avec la transformation de la tectonique en jeu dans la construction en un système d’agencement visuel d’images. Il ne s’agissait pas de présenter comme une construction technique des systèmes d’arcs fonctionnels appliqués à la façade, ni de créer des écrans dépourvus de toute fonction architectonique, qui obéiraient à une logique purement figurative, libérée de ses contraintes physiques. Le tableau imagé se fond plutôt avec le système d’arcs conditionné par la technique. C’est pourquoi le thème de l’arcade en vient à servir de forme directrice transformant les éléments régis par une logique tectonique que sont les supports, les chapiteaux et les arcs, en une formecadre qui tend à apparaître indépendante de déterminants physiques et qui donc devient universellement exploitable. Néanmoins son caractère, tant matériel et plastique que solide et constructif, demeure et se répercute sur la grande architecture. Cette évolution se manifeste notamment dans le fait que depuis 1270 environ, dans la conception des voûtements, la dichotomie tectonique traditionnelle entre support et charge, entre piliers et voûtes, perd de plus en plus de sa pertinence. Là où auparavant, des colonnettes engagées autonomes supportaient des arcs de voûtes élancés au moyen de 138
Qualité imageante et transcendance de genre dans l’architecture autour de 1300
HISTOIRE DE L’ART 77/2015 Mini/Maxi. Questions d’échelles résumés
Perspectives
Estelle Galbois Le colossal et la miniature comme mode d’expression du pouvoir : le portrait royal dans le monde grec antique (ive-iiie siècle av. J-C.) Des études récentes témoignent d’un engouement pour les questions liées à la taille et à l’échelle des productions artistiques et littéraires dans le monde antique. Dans cet article, nous nous proposons de nous intéresser à un aspect particulier de l’imagerie hellénistique : le portrait royal. Après avoir brièvement rappelé l’héritage macédonien et évoqué les discours de Posidippe de Pella, poète à la cour d’Alexandrie au iiie siècle av. J.-C., sur les œuvres d’art colossales et miniatures, nous évoquerons les formes, les usages et les enjeux des portraits colossaux et des portraits de petites, voire de très petites dimensions, des souverains lagides. Mots-clés : portrait, colosse, miniature, Lagides,
mode de représentation, mise en scène, perception, diffusion, théories des arts.
Cyril Lécosse « Du petit art à l’art du petit. Le portrait miniature et son public sous la Révolution (1791-1799) » Dans la seconde moitié du xviiie siècle, de nombreuses critiques mettent en lien miniaturisation picturale et réduction de talent. Cette confusion entre « art du petit » et « petit art » n’empêche pas le succès remporté par les portraits miniatures. Si la mode du petit portrait se répand depuis longtemps dans les cercles aisés, elle se diffuse aussi « par le bas », dans des milieux plus modestes. Le phénomène s’accélère sous la Révolution. Dans un contexte de crise favorable à la diffusion d’œuvres de moindre coût et de dimensions réduites, le portrait miniature s’impose peu à peu comme une des formes d’art les plus prisées. Ce succès participe d’une nette
évolution des critères de la reconnaissance artistique : l’idée de réussite, dans le monde des arts, ne dépend plus seulement du sujet traité ni du format de l’œuvre. Dans cet article sont examinés quelques-uns des facteurs culturels, économiques et sociaux qui contribuèrent à l’essor et à la valorisation d’une pratique habituellement considérée comme mineure. L’importance du phénomène est évaluée grâce à l’analyse de la critique et des œuvres, mais aussi à l’aide de données statistiques. Mots-clés : Portrait, miniature, petits formats, Révolution
française, mineur/majeur, Salon, critiques, marché, stratégies, concurrence.
Études
Élisabeth Goussard La miniature et l’offrande, réflexions autour des armes miniatures celtiques À la fin de la période celtique, entre le deuxième et le dernier quart du ier siècle avant J.-C., de nouveaux types d’offrandes apparaissent dans les sanctuaires de l’Est de la Gaule. Parmi elles se trouvent des offrandes miniatures, des objets énigmatiques, qu’il est difficile d’identifier et de caractériser et qui semblent pourtant avoir une portée symbolique importante, en tant qu’offrandes par destination. Les critères permettant de reconnaître une miniaturisation sont donc tout d’abord définis. Qualifier un objet de « miniature », c’est en effet parler de la relation particulière qu’il entretient avec un objet de taille réelle. Puis, à travers l’étude de sanctuaires, notamment des Ardennes, plusieurs hypothèses sont proposées sur les possibles intentions dont témoigne la miniaturisation des armes. Mots-clés : miniature, offrande, arme, celtique,
rituel, Acy-Romance, Mouzon, Flaviers, Baâlons-Bouvellemont, Ardennes. HISTOIRE DE L’ART N°77 2015/2
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Méthode
Christian Freigang Qualité imageante et transcendance de genre dans l’architecture autour de 1300 Autour de 1300, l’architecture s’est imposée comme une sorte de « genre princeps » repris secondairement par d’autres mediums. Une telle hiérarchisation des genres et des pratiques a ainsi mené à forger le concept de « microarchitecture », afin de désigner la présence importante de l’architecture dans les arts figurés. Ce passage cependant ne peut se réduire à une relation hiérarchique reposant sur la reprise ou la citation par l’œuvre de petit format des caractéristiques d’une œuvre de grand format. À partir de l’exemple particulier de l’arcade, comme motif attaché à un mur, cet article s’attache à montrer que l’architecture est prise comme un dispositif grâce auquel les hiérarchies de format et de décor entrent harmonieusement en résonnance les unes avec les autres tout en permettant le passage de la tridimensionnalité à la bidimensionnalité. Mots-clés : Cathédrale de Cologne, architecture,
microarchitecture, arc, genres, tridimensionnalité, vitrail, tectonique.
HISTOIRE DE L’ART 77/2015 Mini/Maxi. Questions d’échelles abstracts
Perspectives
Estelle Galbois The colossal and the miniature as modes for the expression of power: royal portraits in ancient Greece (IV-III centuries BCE) Recent studies have shown a keen interest in issues related to the size and scale of artistic and literary productions in the ancient world. In this paper, I intend to explore the topic through one particular aspect of Hellenistic imagery: the royal portrait. I will begin by a brief discussion of Macedonian heritage and the speech of Posidippus of Pella on the colossal and the miniature in works of art. This will be followed by an examination of questions related to the practices and the stakes of the colossal, small, and even tiny-sized royal portraits of the Lagides sovereigns. Keywords: portrait, colossal, miniature, Ptolemies, perception,
diffusion, artistic theories.
Cyril Lécosse From small art to the art of the small: the portrait miniature and its public during the Revolution (1791-1799) In the second half of the 18th century, many art critics saw a connection between miniaturization in painting and a diminution of talent. This negative conflation between “art du petit” and “petit art,” however, did not prevent miniature portraits from achieving great success with patrons. If the taste for miniature portraiture was already well established in elite circles, it became similarly popular amongst more modest milieus. It was a phenomenon that only increased during the French Revolution. Indeed, at this time of crisis, the reduced prices of miniature portraits made them a very attractive genre, which progressively took a larger share of the market. The 152
résumés / abstracts
Ont participé à ce numéro
Pierre CHARREY Étudiant en master, EPHE.
Corinne LAOUES Doctorante en histoire de l’art, université Paris I.
pierre.charrey@hotmail.fr
c.laoues@gmail.com
Lise CONSTANT Doctorante en histoire de l’art, université catholique de Louvain.
Isabelle LE PAPE Docteur en esthétique et conservatrice des bibliothèques à la Bibliothèque nationale de France.
lise.constant@uclouvain.be
isabelle.le-pape@bnf.fr
Alice DELAGE Doctorante en histoire de l’art, université de Tours.
Cyril LÉCOSSE Maître assistant en histoire de l’art moderne, université de Lausanne.
alicedelage@gmail.com Estelle GALBOIS Maître de conférences en histoire de l’art grec, université Toulouse-Jean Jaurès.
Cyril.Lecosse@unil.ch François MIRAN Étudiant en master, EPHE.
estellegalbois@yahoo.fr
francois.miran@gmail.com
Élisabeth GOUSSARD Étudiante en master, EPHE.
François QUEYREL Directeur d’études en archéologie grecques, EPHE.
goussard.elisabeth@gmail.com
francois.queyrel@ephe.sorbonne.fr>
Jean-Marie GUILLOUËT Maître de conférences en histoire de l’art médiéval, université de Nantes.
Raphaël TASSIN Docteur en histoire de l’art.
Jean-Marie.Guillouet@univ-nantes.fr
r.tassin@yahoo.fr Ambre VILAIN Docteur en histoire de l’art. ambre.vilain@laposte.net
HISTOIRE DE L’ART N°76 2015/1
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