Cette exposition est réalisée par le musée des Beaux-Arts de Lyon en partenariat avec le musée du Louvre et en coproduction avec le musée des Augustins, Toulouse. Lyon, musée des Beaux-Arts 17 novembre 2006 – 19 février 2007 Toulouse, musée des Augustins 17 mars – 18 juin 2007 Elle a bénéficié du soutien du ministère de la Culture et de la Communication, de la direction régionale des affaires culturelles de Rhône-Alpes et de la direction régionale des affaires culturelles de Midi-Pyrénées.
Catalogue
Exposition Commissariat général Sylvain Laveissière, conservateur général du patrimoine au département des Peintures du musée du Louvre Commissariat Isabelle Dubois, conservateur des peintures et sculptures anciennes, musée des Beaux-Arts de Lyon Axel Hémery, conservateur des peintures anciennes, musée des Augustins de Toulouse Mickaël Szanto, historien de l’art, commissaire associé Assistant scientifique Guillaume Kazerouni Directeurs des musées Sylvie Ramond, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon Alain Daguerre de Hureaux, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Augustins Administration Lyon : Christiane Budaci et son service Toulouse : Gérard Trouilhet et son service Bibliothèque Lyon : Dominique Dumas et son service, Gérard Bruyère Toulouse : Christelle Molinié-Sallet Coordination des prêts Lyon : Maryse Bertrand Toulouse : Caroline Berne
© Somogy éditions d’art, Paris, 2006 © Musée des Beaux-Arts de Lyon, 2006 © Musée des Augustins, Toulouse, 2006 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique, réalisation : couleurrouge.com Fabrication : Michel Brousset, Henry Hua
ISBN 978-2-7572-0050-X Dépôt légal : novembre 2006 Imprimé en Italie (Union européenne)
Édition Léna Widerkehr Service Image Lyon : Muriel Le Payen Toulouse : Caroline Latour Communication et Presse Lyon : Juliette Giraud et Sylvaine Manuel de Condinguy Toulouse : Geneviève Ponselle Développement Lyon : Agnès Cipriani Montage de l’exposition Lyon : Christian Dufournel et l’équipe technique Toulouse : Hervé Gasquez et l’équipe technique Médiation culturelle et activités pédagogiques Lyon : Sylvie Bouguet et son service, en particulier Claire Beyssac, Pierre Lacote, et Jean-Christophe Stuccilli Toulouse : Aurélie Albajar, Béatrice Béral et Claire Villemur-Ponselle Supports de médiation Lyon : Cécilia de Varine Accueil et surveillance Lyon : Jocelyne Reynaud, les agents du patrimoine ainsi que les agents de la gestion technique du bâtiment. Toulouse : Mmes Cadamuro, Lugeon et Pagès, et les équipes de surveillance. Scénographie Lyon : Jean-Claude Goepp Graphisme Lyon : Zigzagone Toulouse : Teddy Bélier
Conception Sylvain Laveissière Léna Widerkehr Chargée d’édition Léna Widerkehr Iconographie Léna Widerkehr
Jacques Stella (1596-1657)
En hommage Ă Gilles Chomer (1950-2002)
Il aura fallu plus d’un quart de siècle pour que, depuis le bel article de Gilles Chomer paru en 1980 dans la Revue de l’art sous le titre « Jacques Stella pictor lugdunensis », le musée des Beaux-Arts de Lyon organise enfin la première grande exposition consacrée à l’un de ses plus illustres peintres. Sans doute la disparition de Gilles Chomer, à la mémoire duquel il est juste que cette exposition soit dédiée, et les travaux de rénovation du musée expliquent-ils ce long délai. Je ne peux toutefois m’empêcher de penser que notre ville a pris quelque retard par rapport à d’autres dans la part qui lui incombe de l’extraordinaire entreprise de redécouverte depuis quelque trente ans de la peinture française du e XVII siècle. Le tour de Stella vient enfin ; demain il faudra songer à Le Blanc, à Blanchet, à Crétey, dont l’œuvre étrange est encore si mal connue et insuffisamment appréciée. Pourtant, quand il s’agissait au sortir de la période révolutionnaire de justifier l’installation à l’abbaye Saint-Pierre d’un grand musée et d’obtenir des dépôts de l’État, en évoquant le riche passé artistique de Lyon, c’est Stella, entre autres, qui était mis en avant en particulier par Mayeuvre de Champvieux, alors député au
conseil des Cinq-Cents, et qui a joué un rôle décisif dans les décisions du gouvernement central, dont témoigne une lettre de 1799 au ministre de l’Intérieur : « Si l’on consulte le génie des propres habitants de Lyon, l’on conviendra que la patrie des Coustou, des Coysevox, des Gérard Audran, des Stella est bien digne de concentrer de grands modèles… » Le Lyonnais Stella mérite donc l’hommage qui lui est aujourd’hui rendu et qui contribuera à infirmer le jugement de Larousse dans son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : « Imitateur du Poussin, il manqua d’originalité et fut au-dessous de sa réputation. » À Lyon, à Florence, à Rome, à Paris enfin où Richelieu le retint alors qu’il était appelé en Espagne, il fut parmi les plus grands ; l’ampleur des prêts qu’il a fallu solliciter pour cette exposition, la diversité géographique des musées et des collections sollicités, la variété des techniques, des formats et des thèmes qui caractérisent son œuvre attestent de son importance. Il est vrai que l’homme était discret, austère même, tel que le montre son autoportrait, portrait de moraliste, qui, à travers le regard qu’il porte sur lui, nous invite, en son siècle pascalien, à contempler notre condition commune.
Patrice Beghain Adjoint à la culture et au patrimoine de la ville de Lyon
Je suis heureuse qu’à la faveur de coproductions passionnantes, le musée des Beaux-Arts de Lyon et le musée des Augustins de Toulouse se soient unis pour la réalisation de cette remarquable rétrospective d’un des plus brillants contemporains de Nicolas Poussin. Comme lui formé à Rome, Jacques Stella connaîtra une grande notoriété de son vivant, à laquelle cette exposition rend hommage en montrant la diversité et la variété de ses talents de dessinateur, graveur et peintre, ici réunis dans un même cadre.
Aboutissement des travaux de l’historien de l’art Gilles Chomer, poursuivis par Sylvain Laveissière, cette exposition et la publication qui l’accompagne sont l’occasion de faire le bilan de nombreuses années de recherches sur cet artiste majeur dont la réputation demeurait trop souvent confidentielle. La publication de ce catalogue monographique devrait faire date et rendre enfin justice à un des talents les plus raffinés de l’art français.
Marie-Hélène Le Digabel Maire adjoint chargé des musées, Toulouse
Le musée des Beaux-Arts de Lyon présente la plus grande rétrospective jamais consacrée à l’œuvre du Lyonnais Jacques Stella, l’un des peintres français majeurs du XVIIe siècle. Je suis heureux que Lyon rende ainsi hommage à l’un de ses artistes, digne de mémoire, dont l’œuvre encore méconnu illustre la richesse de son temps. Né à Lyon en 1596, dans une famille d’artistes d’origine flamande, Jacques Stella séjourne en Italie, à Florence et à Rome, avant d’accomplir une brillante carrière à Paris. À cette époque, le formidable rayonnement de la ville de Lyon à travers toute l’Europe a permis à de grands peintres comme Jacques Blanchard, François Perrier ou Charles Le Brun de réaliser quelques-unes de leurs plus belles œuvres pour les églises et couvents de Lyon. C’est dans ce contexte d’émulation artistique que Jacques Stella a, par exemple, réalisé pour le couvent des Cordeliers de Saint-Bonaventure le tableau L’Adoration des anges, de nos jours conservé au musée des Beaux-Arts de Lyon.
Près de deux cents œuvres provenant du Louvre, mais aussi d’églises et de collections françaises, européennes et d’Amérique du Nord, révèleront le parcours exceptionnel de ce peintre, disciple et ami proche de Nicolas Poussin, l’extraordinaire diversité de thèmes, de techniques, de formats et de styles. Par son ambition et la qualité de sa réalisation, cette exposition monographique consacrée à Jacques Stella s’inscrit pleinement dans la lignée des grandes manifestations organisées au cours de ces dernières années par le musée des Beaux-Arts de Lyon, acteur essentiel de la vie culturelle de notre cité et de son rayonnement. Je souhaite que cette exposition dont le projet scientifique crée d’ores et déjà l’événement, rencontre le succès auprès d’un plus large public, à Lyon comme à Toulouse, où elle sera présentée par la suite. Lyon s’appuie ainsi sur le meilleur de son histoire afin de retrouver toute sa place de grande ville d’art et de peinture en Europe.
Gérard Collomb Sénateur-maire de Lyon
Parmi ses riches collections de peinture ancienne, le musée des Augustins possède trois œuvres majeures du peintre lyonnais Jacques Stella : deux de ses Sainte Famille si caractéristiques et un grand carton de tapisserie pour Notre-Dame de Paris. Ce dernier, l’immense Mariage de la Vierge, trône sur le mur de fond de l’ancienne église du couvent des Augustins et surplombe l’espace où se déroulera l’exposition. Ses dimensions hors normes ne permettent malheureusement pas de le prêter à Lyon et seul le public toulousain pourra en profiter. Ceci suffirait à justifier que Toulouse accueillît, après Lyon, la première rétrospective consacrée à ce peintre classique et délicat, reconnaissable entre tous.
Après « Les Peintres du roi, Nicolas Tournier, Lubin Baugin » et « Les Passions de l’âme », le musée des Augustins, musée des Beaux-Arts de la ville, poursuit, avec cette nouvelle exposition, sa politique de découverte ou redécouverte d’artistes majeurs de l’art français, dans un domaine qui permet un dialogue fructueux entre expositions temporaires et collections permanentes, pour le bonheur du public toulousain. Émule de Nicolas Poussin, Jacques Stella, à l’occasion de cette exposition qui est l’aboutissement d’un projet cher au cœur de Gilles Chomer, historien de l’art lyonnais trop tôt disparu, redevient l’une des figures majeures du classicisme français.
Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse
La fortune critique de Jacques Stella est pleine de paradoxes. Celui qui fut l’un des artistes les plus renommés de son temps – après avoir conquis l’Italie, Stella devint l’un des peintres attitrés de Richelieu –, sera progressivement oublié au cours du XVIIIe siècle. Le XXe siècle peina à lui rendre son rang. S’il fut présent à la célèbre exposition des « Peintres de la réalité », organisée par Sterling et Jamot à l’Orangerie en 1934, ce ne fut que comme modèle du très réaliste portrait de Lyon, dont on jugeait impossible qu’il fût l’auteur. La longue suite des expositions consacrées aux artistes du Grand Siècle, organisées à partir de 1960 – Poussin, Le Brun, La Tour, Le Nain, Vouet, La Hyre, Poussin une nouvelle fois, Le Sueur, Blanchard, Bourdon, en attendant Champaigne – laissèrent de côté celui qui avait été l’ami fidèle de Poussin. Manquait donc une exposition de grande envergure, susceptible de rendre justice à Stella et de permettre au public de prendre la mesure d’un œuvre éclectique, savant et sensible, parfois nostalgique, aux contours complexes, qui nous autorise aujourd’hui à redonner au grand peintre de Lyon l’un des premiers rangs dans la peinture française du XVIIe siècle. Sans les travaux des meilleurs historiens de l’art, cette « résurrection » n’aurait pas été possible : Jacques Thuillier, dans une étude publiée en 1960, en fut le pionnier. Anthony Blunt, Pierre Rosenberg, Sylvain Kerspern ont apporté, eux aussi, une contribution décisive à la connaissance de l’artiste. Mais ce sont les travaux de Gilles Chomer et de ses étudiants de l’université de Lyon qui ont assis notre connaissance de l’artiste sur de nouveaux fondements et ouvert des perspectives inédites de recherche. L’exposition organisée conjointement par le musée des Beaux-Arts de Lyon et le musée des Augustins de Toulouse vient puiser à ces différentes sources vives. Gilles Chomer aurait dû en être le maître d’œuvre. C’est à l’un de ses amis, Sylvain Laveissière, conservateur général du patrimoine au département des Peintures du musée du Louvre, que nous avons confié le soin de penser et d’organiser cette exposition, qui est un hommage à Gilles Chomer, trop tôt disparu. Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à Sylvain Laveissière pour avoir accepté d’assumer le commissariat général de ce projet ambitieux. Après avoir repris l’énorme documentation de Gilles Chomer, il a opéré une sélection sensible et mesurée dans l’œuvre de Stella, puis livré la
somme de leur érudition commune dans le présent catalogue. Mickaël Szanto s’est vu confier une mission par le musée des Beaux-Arts de Lyon, qui lui aura permis notamment de reprendre et d’enrichir le dossier des archives et des mentions, permettant de reconstituer la biographie de l’artiste et d’éclairer ses sociabilités, et de revenir, avec Isabelle Dubois, sur la collection de Stella. Isabelle de Conihout, de son côté, défriche un domaine jusque-là peu exploré : les livres illustrés par Stella. Enfin, une mention toute particulière doit être faite aux étudiants de Gilles Chomer associés à ce projet, selon son vœu : Fabienne Albert-Bertin, Anne-Laure Collomb et Lauren Laz-Gillet. Il était naturel que Lyon rende hommage à l’un de ses artistes les plus importants. La collection du musée des Beaux-Arts de Lyon, l’une des plus belles en France pour le e XVII siècle, rendait que plus légitime et nécessaire cette rétrospective. L’œuvre de Stella est particulièrement bien représentée avec le très bel Autoportrait de l’artiste, tableau certes discuté, qu’entourent, entre autres, L’Adoration des anges et La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste tenant un agneau. Ces dernières années, ce fonds initial n’a cessé d’être enrichi, avec les acquisitions en 1979 de Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple, en 1992, des deux compositions du roi Salomon, mentionnées dans l’inventaire de Claudine Bouzonnet Stella, et en 1996, avec la donation du Sommeil de l’Enfant Jésus avec trois angelots. En 2006, deux autres œuvres importantes viennent renforcer ce fonds, La Sainte Famille visitée par sainte Élisabeth et Zacharie et tout prochainement, la Sémiramis appelée au combat. Le musée des Augustins de Toulouse est, tout naturellement, l’autre lieu où Stella peut s’imposer: il abrite également une des collections de référence pour le XVIIe siècle, dont trois œuvres importantes de l’artiste, La Sainte Famille avec un ange qui prépare la bouillie, Le Repos de la Sainte Famille avec sainte Élisabeth et saint Jean-Baptiste et le carton de tapisserie pour le Mariage de la Vierge, d’une telle dimension que son transport n’était malheureusement pas envisageable. Dans la constellation des peintres du Grand Siècle français, redécouvert et désormais apprécié par un large public, manquait notre artiste. Longtemps considéré comme un astre mort, Stella peut enfin se révéler à notre regard, nous envoyer les rayons de lumière jamais éteinte. Sylvie Ramond, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon Alain Daguerre de Hureaux, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Augustins
Nous exprimons toute notre reconnaissance à Bénédicte Chomer et à ses enfants, Jean-Baptiste et Claire, pour leur confiance dans la réalisation de ce projet. À Lyon, nous tenons à remercier, en tout premier lieu, Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, et Patrice Béghain, adjoint à la culture et au patrimoine pour leur soutien, ainsi que Jean-Baptiste Fauroux, directeur général des services de la ville de Lyon et Bertrand Prade, directeur général adjoint, en charge de la délégation générale culture et sport. À Toulouse, nos remerciements vont à Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, Marie-Hélène Le Digabel, maire adjoint chargé des musées ainsi que Pierre Trautmann, directeur général des services de la ville de Toulouse et Janine Macca, directeur général des affaires culturelles. Au musée du Louvre, Henry Loyrette, président-directeur, Vincent Pomarède, conservateur général chargé du département des Peintures, ainsi que : Matthieu Bard, Cécile Bourdillat, Aline Colin François, Dominique Cordellier, Guillaume Faroult, Ingrid Fersing, Stéphane Loire, Brigitte Lot, Marlène Mengant, Aurélie Merle, Marie-Catherine Sahut. À la direction des musées de France, Francine Mariani-Ducray, directeur des musées de France. Au C2RMF, Odile Cortet. À la direction de l’architecture et du patrimoine, Michel Clément, directeur, Judith Kagan, chef du bureau de la conservation du patrimoine mobilier et instrumental. À la direction des affaires culturelles de la Ville de Paris (conservation des œuvres d’art religieuses et civiles) : Daniel Imbert, Joël Duvignacq et Guenola Goud. Les conservateurs des monuments historiques aux directions régionales des affaires culturelles suivantes : Aquitaine : Muriel Mauriac ; Ile-de-France : Marie-Hélène Didier, Serge Pitiot ; Midi-Pyrénées : Bertrand Ducourau ; Haute-Normandie : Sylvie Leprince. Les conservateurs des antiquités et objets d’art : Haute-Garonne : Jean Le Pottier ; Gironde : Philippe Maffre ; Seineet-Marne : Monique Billat ; Seine-Martime : Lise Auber-Feydel ; Yvelines : Catherine Cernokrak. À la direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes, Jérôme Bouët, directeur régional ; Sylvie Grange, conseiller pour les musées. À la direction régionale des affaires culturelles de Midi-Pyrénées, Dominique Paillarse, directeur régional ; Charles Schaettel, conseiller pour les musées.
Nous tenons à remercier les prêteurs, publics et privés, qui ont été associés à ce projet d’exposition :
Allemagne Munich, Bayerisches Nationalmuseum, Dr Renate Eikelmann Munich, Staatliche Graphische Sammlung, Dr Michael Semff Autriche Vienne, Gemäldegalerie der Akademie der bildenden Künste, Dr Monika Knofler Vienne, Albertina, Dr Klaus Schröder Vienne, Kunsthistorisches Museum Wien, Prof. Dr Wilfried Seipel Canada Montréal, musée des Beaux-Arts de Montréal, Guy Cogeval
Espagne Madrid, Museo Nacional del Prado, Miguel Zugaza États-Unis Hartford CT., Wadsworth Atheneum, William Holmes Los Angeles CA., J. Paul Getty Museum, Michael Brand Los Angeles CA., Los Angeles County Museum of Art, Nancy Thomas New York NY, Private collection, Courtesy Richard L. Feigen & Co. New York NY, The Metropolitan Museum of Art, Philippe de Montebello New York NY, The Pierpont Morgan Library, Dr Charles E. Pierce Princeton, Princeton University Art Museum, Susan M. Taylor France Angers, musée des Beaux-Arts, Patrick Le Nouëne Bazas, musée apothicairerie, Gilbert Dupas Blois, musée du Château, Élisabeth Latrémolière Cherbourg, musée Thomas-Henry, Émilie Perrier-Robbe Dijon, musée des Beaux-Arts, Sophie Jugie Épinal, musée départemental d’Art ancien et contemporain, Jérôme Fabiani Grenoble, musée de Grenoble, Guy Tosatto Fos, Haute Vallée de la Garonne, église de Saint-Béat, M. le maire Jean Lafont Les Andelys, église Notre-Dame, M. le maire Franck Gilard Lille, musée des Beaux-Arts, Alain Tapié Limoges, musée de l’Évêché, Véronique Notin Lyon, bibliothèque municipale de Lyon, Patrick Bazin Lyon, collection Michel Descours Montpellier, musée Fabre, Michel Hilaire Nancy, musée des Beaux-Arts, Blandine Chavanne Nantes, musée des Beaux-Arts, Yves Papin Paris, Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël Jeanneney Paris, collection G. et R. Blum Paris, collection Antoine Cahen Paris, galerie Éric Coatalem Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, Henry-Claude Cousseau Paris, église Saint-Louis-en-l’Ile, Dominique Bertinotti Paris, Institut Néerlandais, Maria van Berge-Gerbaud Paris, musée du Louvre, cabinet des Arts graphiques, Carel van Tuyll Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Vincent Pomarède Paris, collection Prat Provins, église Saint-Ayoul, M. le maire Christian Jacob Rennes, musée des Beaux-Arts, Francis Ribemont Rouen, bibliothèque municipale de Rouen, Pierre-Yves Cachard Rouen, musée des Beaux-Arts, Laurent Salomé Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Pierre Arizzoli-Clementel Versailles, église Saint-Symphorien-de-Montreuil, M. le maire Étienne Pinte Vic-sur-Seille, musée Georges-de-La-Tour, Gabriel Diss Grande-Bretagne Barnard Castle, Bowes Museum, M. Adrian Jenkins Cambridge, The Fitzwilliam Museum, M. Duncan Robinson Londres, Courtauld Institute of Art, Dr Joanna Campbell Londres, Courtesy Jean-Luc Baroni Oxford, Ashmolean Museum of Art and Archeology, Oxford University, Christopher Brown Hongrie Budapest, Szépmüvészeti Müzeum, Laszlo Baan Italie Florence, Galleria degli Uffizi, Dr Antonio Natali Florence, Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi, Dr Marzia Faietti Florence, Galleria Palatina, Dr Serena Padovani Pavie, Museo Civico, Dr Susanna Zatti Rome, Villa Borghese, Dr Alba Costamagna Luxembourg Collection particulière, aux bons soins de la galerie Éric Coatalem, Paris Pays-Bas Amsterdam, Rijksmuseum, Rijksprentenkabinet, Ger Luijten Schiedam, église St Liduina en O.L.V. Rozenkrans, Pastoor Vismans Ainsi que tous ceux qui ont souhaité garder l’anonymat.
Nos sincères remerciements vont aussi aux auteurs du catalogue : Fabienne Albert-Bertin, Anne-Laure Collomb, Isabelle de Conihout, Philippe Durey, Lauren Laz, Mickaël Szanto, ainsi qu’aux assistants d’Isabelle Dubois au musée des Beaux-Arts de Lyon, Coline Valdenaire, et de Sylvain Laveissière au musée du Louvre, Maria Burlakova, Yves di Domenico et particulièrement Guillaume Kazerouni, qui ont fourni une aide efficace et précieuse. Une mention particulière aussi à Léna Widerkehr, pour son engagement dans le projet éditorial, sa persévérance et son travail de coordination et de suivi éditorial auprès de Sylvain Laveissière et en collaboration avec l’ensemble des services de Somogy. Un grand merci particulièrement à Isabelle Dartois, Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Henry Hua, Florence Jakubowicz, Christine Fuzeau, Caroline Guilleminot, Mathias Prudent ainsi qu’à Frédéric de Lachèze et CouleurROUGE pour ce travail d’équipe engagé dans des délais extrêmement serrés. Nous adressons également nos profonds remerciements à tous ceux qui ont été sollicités à différents titres, notamment : Cristina Acidini Luchinat, Christian Adrien, Christiane et Guy de Aldecoa, John Alexander, Dominique Alsina, Steijn Alsten, Marie-Françoise Amigues, Alain Aubry, Gérard Auguier, Marie-Paule Barrat, Delphine Bastet, Jean-Christophe Baudequin, Marc Bayard, Bruno de Bayser, Rossella Bellusci, Isabel Bennasar Cabrera, Tina Bernaerts, Dominique Bertin, Dominique Bigeard, Julia Blanks, Dr. et Mme Blum, C. G. Boerner, Régine Bonnefoit, Philippe Boucher, Jean-Claude Boyer, Jean-Alain Brault, Barbara Brejon de Lavergnée, Étienne Breton, Lionel Britten, Emmanuelle Brugerolles, Hans Buijs, Maria Bulakova, Béatrice Buttay, Antoine Cahen, Mme Casoli, Philippe Casteran, Mungo Campbell, Annie Caubet, Dominique Cerclet, Catherine Chagneau, Karen Chastagnol, Anne-Marie Chevrier, Marco Chiarini, Cynthia Chin, Souria Chinta, Eric Coatalem, Adeline Collange, Anne-Laure Collomb, Philip Conisbee, Anne Cornet, Patricia Courtney, Pierre Curie, Jean-Pierre Cuzin, Maryse Dalzotto, Maria Teresa De Bellis, Maddelena De Luca, Olivier Delahaye, Odile Delenda, Michel Descours, Anne-Lise Desmas, Vincent Desmons, Charlotte Despagne, Yves Di Domenico, Gabriel Diss, Serge Domini, Marie-Martine Dubreuil, Hubert Duchemin, Bertrand Ducourau, Donatienne Dujardin, Dominique Dumas, Don Emilio, curé de Pastrana, Jérôme Fabiani, Père Yves Fapplayrolles, Richard Feigen, Kristina Hermann Fiore, Hélène Font, Père Roland Frat, Alexandre et Bénédicte Gady, Frits Garritsen, Élisabeth Gautier-Devaux, Aisha Gibbons, Mathieu Gilles, Bruno Girveau, Annamaria Giusti, Catherine Goguel, Anne-Sophie Hoareau-Castillo, Thomas Illiard Goldfarb, M. Gorond, Mme Grassi, Dr. Silvana Grosso, Jacques Guérin, Pierre Guinard, Clémentine Gustin, Suzan Haddad, Mireille Hansen, Sophie Harent, Ingrid Held, Emmanuelle Hénin, Christophe Henry, Sandrine Herman, Emily Horton, Emma House, Alexia Hugue, Paul Huys Janssen, Dominique Jacquot, Yves JocteurMontrozier, Nicolas Joly, Sylvain Kerspern, Monika Knoffler, Guy Ladrière, Matteo Lafranconi, Alastair Laing, Frédéric Lajoie, Michèle Langara, Maryannick Lavigne, Nathalie Le Dantec, Daniel Lecœur, Huigen Leeflang, Olivier Lefeuvre, Catherine Legrand, Nathalie Leman, Annick Lemoine, Laurence Lhinares, Juan José Luna, François Macé de Lépinay, Annie Madec, Régine Maillet, Alessandro Marabottini, JeanPatrice Marandel, François-René Martin, Aurélie Merle, Patrick Michel, Nicolas Milovanovic, Emmanuel Moatti, Pierre Montheillet, M. et Mme Gérald Nahmias, Annie Nicolas, Michel Nicolas et l’Association des Amis du Musée des Beaux-Arts de Lyon, Guillaume Nicoud, Olivier Nouaille, Serena Padovani, Eric Pagliano, Harry S. Parker Carole Paret, Valérie Péché, Père Gérard Pelletier, Benjamin Perronnet, Dr. Pierre Pichat, Isolde Pludermacher, Marie-Louise van der Pol, Florence Portallegri, Maxime Préaud, Bernadette Py, Christelle Quillet, Jaya Remond, Gabriele Reina, Nicole de Reyniès, Alain Rieu, Pierre Rosenberg, Philippe Rouillard, Père Benoît Ruze, Didier Ryckner, Isabelle Saint-Pierre et l’Association des Amis du musée des Augustins, Benjamen Salama, Florence Saragoza, Mylène Sarant, Karine Sauvignon, Nicolas Schwed, Cyril Sciamma, David Scrase, Madame Sehorp, Julien Sereys de Rothschild, Thyrza Smith, Christine Surtmann, Daniel Ternois, Guy Thuillier, Jacques Thuillier, Pascal Torres-Guardiola, Éric Turquin, Isabelle Varloteaux, Moanna Weil-Curiel, John Whiteley, Heins Widauer, Amy Wright, Kurt Zeitler, Caterina Zappia. Enfin, nos remerciements vont à l’ensemble du personnel du musée des Beaux-Arts de Lyon, en particulier Maryse Bertrand, Juliette Giraud, Géraldine Heinis, Muriel Le Payen, Sylvain Manuel de Condinguy, Cécilia de Varine, et du musée des Augustins de Toulouse.
Sommaire
4 7 10
Avant-propos Introduction Sylvie Ramond et Alain Daguerre de Hureaux Gilles Chomer et le musée des Beaux-Arts de Lyon Philippe Durey
25 28 32 35
ESSAIS Jacques Stella, parcours de l’œuvre Sylvain Laveissière Le cabinet d’un « peintre parfait ». À propos des « belles choses » de Jacques Stella Mickaël Szanto et Isabelle Dubois Regards sur les premières années de création de Stella à Florence Fabienne Albert-Bertin Jacques Stella et la peinture sur pierre Anne-Laure Collomb Le goût de l’estampe. Jacques Stella et la gravure Lauren Laz Les livres illustrés par Stella : essai de catalogue Isabelle de Conihout
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BIOGRAPHIE Repères biographiques établis par Mickaël Szanto
12 18
CATALOGUE Gilles Chomer * Sylvain Laveissière 51 57 67 79 109 135
I II III IV V VI
161 171 181 191 207 215 221 229 233 241
VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV XVI
Portraits Florence, v. 1619-1622 Rome, 1623-1634 : l’œuvre graphique Rome, 1623-1634 : peintures et dessins De Rome à Paris Peintre du roi, peintre d’église
Cat. 1 à 4 Cat. 5 à 11 Cat. 12 à 27 Cat. 28 à 50 Cat. 51 à 69 Cat. 70 à 90
(avec la participation de Guillaume Kazerouni et de Mickaël Szanto)
246 259 261 269
Sujets classiques Thèmes sacrés L’effet Poussin Derniers sujets sacrés D’après nature La Vie de la Vierge Les Pastorales La Passion du Christ Claudine Bouzonnet Stella Les Jeux et plaisirs de l’enfance
Cat. 91 à 97 Cat. 98 à 105 Cat. 106 à 110 Cat. 111 à 125 Cat. 126 à 129 Cat. 130 à 138 Cat. 139 à 163 Cat. 164 à 171 Cat. 172 à 178 Cat. 179 à 202
APPENDICES Annexe : Inventaire de Claudine Bouzonnet Stella (1693). Tableaux, dessins, estampes et livres Mickaël Szanto Les Poussin de Jacques Stella Mickaël Szanto Bibliographie Expositions
* Ce catalogue utilise pour l’essentiel les recherches que Gilles Chomer consacra pendant plus de trente ans à l’artiste et qui devaient donner lieu à une monographie et à une exposition. Naturellement, le second signataire est seul responsable des choix et opinions formulées dans ces pages.
Gilles Chomer et le musée des Beaux-Arts de Lyon
Entre Gilles Chomer et le palais Saint-Pierre il existait une familiarité ancienne et profonde, transformée par le temps en affection passionnée et exigeante. Cette familiarité remontait à ses années d’étudiant, quand il préparait sa thèse consacrée à Victor Orsel. Ce rapport ne fit que se renforcer au moment où, l’orientation de ses recherches évoluant, il se consacra aux peintres français du XVIIe siècle avec une prédilection pour les Lyonnais : les beaux décors encore en place au rez-de-chaussée de l’ancienne abbaye bénédictine des Dames de Saint-Pierre devinrent naturellement pour lui une source d’examens attentifs et renouvelés. Mais son parcours favori était au deuxième étage : il était fréquent de l’y retrouver avec ses élèves, devant les cimaises où étaient accrochés Régnier, Blanchard, Vouet, Tassel, Champaigne, Le Brun, Jouvenet et bien sûr… Stella. Son regret constant était que n’y figurât pas Poussin, l’ami et le modèle de son héros. Il rêvait, mais sans se faire d’illusions, à l’arrivée possible au musée d’un Poussin « lyonnais », d’un tableau ayant appartenu autrefois à l’un de ces collectionneurs des bords du Rhône dont il aimait à rappeler le nombre et l’importance, trop méconnus selon lui. Il convient d’insister sur un fait : Gilles n’a jamais borné son intérêt au champ étroit de ses recherches immédiates. C’est à l’intégralité des galeries du musée qu’il accordait une attention aiguë, à la restauration de la célèbre korê archaïque de l’Acropole autant qu’au redéploiement des marbres et des plâtres du XIXe siècle dans la chapelle, à la reconstitution patiente de la collection de peintures hollandaises et flamandes, jusqu’alors victime de dépôts abusifs et de relégations en réserves, autant qu’aux tableaux italiens. Il était devenu de fait l’un des meilleurs connaisseurs des collections du musée, de leur histoire, de leur état physique ou même de leur localisation dans le cas des dépôts, apportant sur ces points à l’équipe de conservation un concours fréquent et précieux. La vétusté des salles, avant la rénovation, le désolait ; il enrageait littéralement du décalage, honteux à ses yeux, entre la richesse des collections et les conditions de leur présentation. Il en lisait le témoignage le plus cru sur les murs de l’ancien cloître, où l’érudition et le patriotisme lyonnais du XIXe siècle avaient fièrement installé les médaillons de bronze à l’effigie des grands artistes de la cité qui disparaissaient maintenant dans la lèpre et la noirceur. Il fut immédiatement l’un des soutiens les plus enthousiastes et inconditionnels des grands travaux engagés en 1990. Il est naturel cependant que ses apports principaux au musée des Beaux-Arts aient concerné ses domaines d’affinité et qu’ils se soient exercés en premier lieu par ses talents de pédagogue. Dans le cadre des cours de l’École du Louvre dans la salle du Réfectoire, ou plus tard
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dans celui des conférences organisées dans le tout nouvel auditorium Focillon, Gilles Chomer, parlant des peintres français au XVIIe siècle ou lyonnais au XIXe siècle, faisait salle comble. En second lieu et sans entrer dans le détail de sa bibliographie, il convient au moins de rappeler ses études consacrées à Horace Le Blanc (le premier essai de catalogue raisonné de l’artiste en 1987) et à Pierre-Louis Crétey. Enfin le musée lui est redevable de nombreuses acquisitions, qu’il s’agisse de dessins d’Orsel ou de Périn, d’un rare Achille chez les filles de Lycomède d’Adrien Dassier ou encore de deux chefs-d’œuvre de Jacques Stella connus par les textes mais disparus depuis le XVIIe siècle, Salomon recevant la reine de Saba et Salomon adorant les idoles. Avec ces tableaux de la maturité, au parfait balancement classique, où Stella démontre sa capacité à retranscrire puissamment la grande leçon de Poussin, Gilles avait su retrouver le plus beau complément imaginable pour ses chères salles du second étage. On ne s’étonnera pas non plus qu’il ait suivi de près et documenté la restauration d’un autre chef-d’œuvre, le Moïse sauvé des eaux de Victor Orsel dont il étudia le sens et la portée dans une plaquette éditée pour l’occasion. Son émotion, partagée par toute l’équipe, quand fut déroulée cette immense toile restée invisible depuis des décennies, et qui n’était plus connue qu’au travers de médiocres photographies anciennes, restera un souvenir marquant de ces années de chantier. Pendant quatorze années, de 1986 à 2000, Gilles fut pour moi l’œil averti, amical mais sincère, auquel j’eus le désir constant et la latitude de présenter trouvailles en réserves, projets d’acquisitions, restaurations en cours, nouveaux accrochages et bien sûr expositions. J’attendais ses remarques : elles venaient toujours avec tact et finesse, souvent frappées du sceau d’un humour ravageur. Je crois pouvoir parler maintenant de connivence entre nous ; je lui dois quelques-uns des meilleurs moments passés au milieu de ces magnifiques collections dont j’eus la responsabilité. Un regret durable sera que sa maladie et mon départ de Lyon nous aient empêché de mener à bien, ensemble, le projet d’exposition consacré à Jacques Stella, sa grande ambition. Le flambeau semble devoir être repris par d’autres. Comme moi, Gilles s’en serait, bien sûr, beaucoup réjoui.
Philippe Durey Directeur de l’École du Louvre
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Sylvain Laveissière
Jacques Stella, parcours de l’œuvre
Jacques Stella fut illustre en son temps, ce XVIIe siècle qui est celui de son ami Poussin, de Vouet, de Champaigne. L’homme est demeuré un nom dans la biographie du premier, mais l’artiste fut oublié, ou pire, dépossédé de son œuvre au profit du plus célèbre. C’est dire qu’il s’agira ici d’une découverte.
tions d’exposition subissent souvent des retards imprévus, et les échéances s’éloignaient dans le temps. D’autres travaux s’imposèrent. Puis la maladie. Gilles Chomer nous quitta en 2002 sans avoir réalisé un de ses rêves les plus chers. La vieille amitié qui nous liait, la communauté de nos centres d’intérêt (le XVIIe s. avec Poussin en commun, bien sûr, mais aussi Blanchet et tant d’autres… et le premier XIXe siècle – Orsel d’un côté, Prud’hon de l’autre), l’exposition « Autour de Poussin » conjointement organisée au Louvre en 1994-1995, ont conduit Sylvie Ramond à nous confier le projet Stella pour le faire aboutir. On imagine que, pour être passionnante, l’entreprise n’en était pas moins périlleuse. Des délais très courts, une disponibilité restreinte, nous ont certes conduit à limiter notre propos: Stella mériterait encore bien d’autres approches. La réunion, à Lyon puis à Toulouse, de l’essentiel des œuvres de Stella, soigneusement choisies, et en dépit de quelques lacunes1, répondra, nous l’espérons, à l’attente que ce projet a fait naître.
Pourquoi découvrir Stella ? D’abord, pour le plaisir : l’art de Stella, étonnamment varié, tantôt familier, tantôt souverain, réserve des surprises heureuses, des moments de grâce, des sujets d’émotion, dont on aurait tort de se priver. Par justice aussi: le XVIIe siècle français, depuis bientôt cinquante ans, a rattrapé un long retard dans l’intérêt des chercheurs et la faveur du public. Études et monographies, expositions souvent, ont éclairé, parfois dans ses recoins les plus modestes, ce siècle jadis négligé. Stella appartient au petit nombre des grands peintres du siècle auxquels il est difficile d’avoir accès. Depuis longtemps, les responsables successifs du musée des BeauxArts de Lyon envisageaient de lui consacrer, au palais Saint-Pierre, une exposition dont le commissaire était tout désigné. Gilles Chomer, maître de conférences à l’université Lumière-Lyon-II et ingénieur d’études au CNRS, avait entrepris un travail de fond sur l’œuvre de Stella. Le projet avait commencé à prendre forme lorsque Philippe Durey prit la tête du musée. Les programma-
Pourquoi Stella, dont le nom et la réputation furent toujours connus des historiens de l’art depuis Félibien, n’a-t-il de si longtemps retenu leur attention, suscité leurs études ? Son principal défaut est d’avoir été l’ami de Poussin, une amitié que l’on a pu qualifier de « funeste »2. L’ombre d’un géant fait disparaître même des personnalités bien affirmées. Un relevé chronologique des citations, une « fortune critique », montrerait comment, se recopiant l’un l’autre, à commencer par Roger de Piles, pourfendeur des poussinistes, ajoutant des jugements parfois de seconde main, ou fondés sur on ne sait quelle œuvre vue (il en est certes de moins réussies que d’autres, mais beaucoup plus de faussement attribuées), les auteurs ont fini par forger l’image d’un imitateur de Poussin, ne méritant pas plus d’attention. De quoi décourager le chercheur. Non l’amateur d’estampes. Stella est en effet l’un des peintres de son siècle les plus, sinon le plus lié au monde de la gravure : ses premières œuvres certaines sont des eaux-fortes, et si très tôt il ne fait plus que dessiner pour les graveurs de profession, il le fera durablement, et poussera ses nièces à exercer cet art qui assurerait leur subsistance et, pensait-il sans doute, sa renommée posthume. Las, ses qualités mêmes lui firent tort : la haute tenue de son style poussa quelques éditeurs avisés à substituer au sien
1 Les principales sont La Libéralité de Titus, tableau peint pour Richelieu en 1638, du Fogg Art Museum de Cambridge, Mass. (1972.362), et tous les dessins de ce musée, qui depuis trente ans avait su en acquérir le plus bel ensemble : Les Joueurs de cartes (1974.20) ; La Moisson (1978.536) ; Le Christ à la colonne (1984.595) ; Le Mariage mystique de sainte Catherine (1984.596) ; L’Apparition du Christ à la Madeleine (1984.597) ; La Naissance de la Vierge (1990.52) ; Juin. La tonte des moutons ( 2001.114) ; Trois soldats (2002.95.43). Les neuf dessins pour la Vie de saint Philippe Neri de la Yale University Art Gallery à New Haven, Ct. (1961.65.75 à 83). Ces deux musées sont fermés pour travaux. Deux importants tableaux d’église, La Samaritaine de l’église Notre-Dame de Bercy (cat. 117) et Les Pèlerins d’Emmaüs du musée de Nantes, sont indisponibles en raison de leur mauvais état de conservation. L’Assomption de Pastrana, premier tableau daté de l’artiste (1624), est intransportable, comme la Sainte Famille de Glasgow (University of Glasgow, Hunterian Collection). Par ailleurs, nous avons renoncé à des œuvres moins essentielles, comme la grande Présentation au Temple du musée de Béziers ; plusieurs collectionneurs enfin n’ont pu être identifiés, d’autres n’ont pas souhaité collaborer. 2 Kerspern, 1994-2.
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le nom de Poussin, auquel bien des amateurs se laissèrent prendre. On débattit fort, au cours du XIXe siècle, de la paternité des compositions de La Passion gravée par Claudine Bouzonnet Stella. Le grand amateur Pierre-Jean Mariette avait amassé sur Stella et sur sa famille, qu’il jugeait indissociables, un trésor d’informations qui furent publiées partiellement en 1858-1859 par Ph. de Chennevières et A. de Montaiglon (Abecedario), et sous leur forme originale en 1996 par Ph. Rouillard.
doit à ce savant plusieurs contributions essentielles, comme la découverte du Repos pendant la fuite en Égypte de Glasgow (fig. V.2), de l’autoportrait de Stella avec sa mère (cat. 1), ou des supercheries éditoriales qui firent passer pendant longtemps les suites de La Vie de la Vierge et de La Passion pour des créations de Poussin (1974). Dès 1972, Pierre Rosenberg donnait un premier état de la question sur les dessins de Stella, qu’il renouvela pour les peintures en 1982. Ses découvertes sans nombre, dont il a eu la générosité de nous faire bénéficier, ont considérablement enrichi le catalogue de l’artiste. En 1975, Gail Davidson mit en lumière un groupe de dessins de « diverses actions de figures prises sur le naturel » qui révélaient chez Stella un observateur aigu du quotidien, naturellement insoupçonné chez un peintre connu pour ses compositions religieuses. Ses articles de 1981 sur les frontispices de l’Imprimerie royale et de 1990 sur la chapelle de SaintGermain-en-Laye ont également fait date.
La publication par Jules Guiffrey, en 1877, des documents exceptionnels que sont le testament de Claudine Bouzonnet Stella et l’inventaire qu’elle prit soin de rédiger elle-même, a mis à la portée des chercheurs une masse sans égale d’informations, notamment sur les œuvres de Poussin dont l’artiste, puis ses neveux, possédèrent une collection fameuse. Mickaël Szanto donne ici une édition nouvelle de l’inventaire, qui le rend pleinement utilisable, et fait le point très attendu sur cette collection. En 1919, le Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art du Lyonnais de Marius Audin et Eugène Vial proposait la première notice importante et documentée sur Stella, que compléta en 1937 celle du dictionnaire de Thieme et Becker.
En 1980, Gilles Chomer donnait à la Revue de l’Art une riche étude intitulée « Jacques Stella, pictor lugdunensis », faisant le point sur les rapports de l’artiste avec sa ville natale. On regrettera qu’il n’ait publié que de rares articles concernant l’artiste, auquel il consacra nombre de notices dans des catalogues d’expositions.
Après l’ère des documents vint le tour des œuvres. Jules-René Thomé qui, selon Weigert (1951, p. 75), avait entrepris le premier un travail d’ensemble sur Stella, lui rendit en 1933 son chef-d’œuvre de dessinateur, l’Olympe abandonnée de l’École des beaux-arts (cat. 48), que l’on avait cru bon de donner à Jacques Blanchard, et consacra deux études brèves mais précises aux suites gravées des Pastorales et de La Passion (1938 et 1939), tandis que Jeanne Lejeaux publiait (1938) les dessins originaux pour les Jeux et plaisirs de l’enfance, brûlés depuis à la bibliothèque de Metz.
Après ses mémoires universitaires de 1985 et 1987, Sylvain Kerspern a publié depuis 1989 plusieurs articles d’une grande richesse sur Stella et sa famille : le neveu de Jacques Stella, Antoine Bouzonnet Stella, et ses nièces, au premier rang desquelles Claudine Bouzonnet Stella, sont en effet inséparables de l’étude du maître, dont ils ont diffusé l’œuvre, d’un côté, mais qu’ils ont contribué à obscurcir en reprenant pour euxmêmes le nom du peintre demeuré sans postérité. On notera que sa proposition, en 1994, de rendre à Claudine la « seconde » série de La Vie de la Vierge (cat. 175-178) s’est trouvée confirmée par la découverte d’un important dessin (cat. 174), postérieur à la mort de Jacques, dont la gravure par Landry avait été à l’origine de cette réattribution alors controversée.
C’est à propos de Poussin, dans le colloque de 1958 publié en 1960, au moment de la première grande exposition Poussin, que parut la première étude véritable sur l’artiste, à laquelle tous les travaux ultérieurs sont redevables : dans « Poussin et ses premiers compagnons français à Rome », Jacques Thuillier offrait, en seize pages (et vingt illustrations, la plupart inédites), une synthèse magistrale et totalement neuve sur celui qu’il présentait pour la première fois non comme un suiveur de Poussin, mais comme un artiste original, dont l’art, pour une grande part, ne devait rien à ce dernier. Aussi le livre que le grand maître des études sur le XVIIe siècle français consacre aujourd’hui à Stella est-il attendu avec impatience.
Gilles Chomer avait confié à plusieurs de ses étudiants de l’université Lumière-Lyon-II divers aspects de l’art de Stella. Citons Fabienne Bertin (Le Séjour florentin, 1996), Céline Caillaux (Les « camaïeux bleus », 1996), Michaël Camara (Catalogue des estampes dans les fonds publics lyonnais, 2000), Anne-Laure Collomb (La Peinture sur support semi-précieux, 1999), Lauren Gillet (La Passion du Christ, 1999), Charlotte Lidon (Étude du recueil des « Divers ornements d’architecture » gravé par Françoise Bouzonnet Stella d’après les dessins de son oncle J. Stella, 2000), Vanessa Osowski (La Citation de l’antique, 1997). Nous avons exploité, dans la mesure du temps dont nous disposions, nombre d’informations ainsi réunies, sans pouvoir être sûr d’avoir rendu justice à tous, et
D’autres chercheurs ont fixé leur attention sur l’artiste. Anthony Blunt avouait qu’il était dérouté par ce peintre aux aspects si multiples qu’il en devenait insaisissable : sa formule pour désigner « that chameleon, Jacques Stella » (1960) est éloquente. On 13
nous remercions ceux qui ont accepté d’apporter leur contribution au présent catalogue.
Tout ce que l’on connaît actuellement de la période de son séjour à Florence (v. 1619-1622), à deux dessins près, est réuni dans la section II, centrée sur l’admirable estampe de 1621, la Cérémonie de la présentation des Tributs au grand duc de Toscane (cat. 6) : Stella y apparaît clairement comme un disciple de Jacques Callot, mais doté d’une personnalité qui le fait reconnaître à coup sûr, comme en témoigne le beau dessin de La Foire de Prato tout récemment identifié (cat. 7).
Cet ouvrage ne prétend pas être une monographie, encore moins un catalogue raisonné, qui exigerait de nombreux mois de travail supplémentaires et un volume bien plus considérable. Il vise à présenter dans sa diversité, mais aussi dans son déroulement temporel, l’œuvre d’un artiste dont la carrière dura près de quarante ans : les œuvres datées vont de 1620 à 1656 3.
Le long séjour à Rome (1623-1634) a été considéré d’abord sous l’angle de l’œuvre graphique (III). La gravure est un art qui jouera un rôle de premier plan dans l’activité artistique de Stella : graveur lui-même, et virtuose (voir le Saint-Georges, cat. 13), il se tourne bientôt vers d’autres pour traduire ses dessins, que ce soit pour les étonnantes xylographies dites « camaïeux bleus » (cat. 14-25) ou pour l’illustration de livres.
À ce propos, Pierre Rosenberg a souligné, exemples datés à l’appui, « que l’itinéraire stylistique de Stella n’est pas aussi clair qu’il paraît de premier abord »4. De fait, si certaines œuvres portent une date fiable, d’autres ont apparemment été datées, et donc sans doute signées aussi, lorsque l’encre est la même, par une main étrangère, même si elle pouvait être familiale et bien intentionnée. Il faut se garder de voir partout l’intervention de Claudine Bouzonnet Stella, qui fut, bien sûr, la conservatrice de l’œuvre de son oncle, mais n’aurait assurément pas daté 1633, comme on l’a fait, une feuille comme la Sainte Famille de l’Albertina (cat. 102), ni 1638 un dessin manifestement tardif comme L’Apparition du Christ à la Madeleine du Fogg Art Museum. C’est dire que la plus grande prudence s’impose, et que bien des questions demeurent en suspens.
La peinture (IV) n’apparaît, actuellement, qu’en 1624 avec L’Assomption sur albâtre de l’église de Pastrana (p. 29, fig. 1) : Stella organise un concert d’anges de goût tout florentin, autour d’une Vierge à l’éternelle jeunesse, qu’il fera, longtemps après, s’élever de nouveau à travers le même cercle d’angelots. Peints sur cuivre (cat. 33) ou sur pierre, particulièrement des marbres ou lapis (cat. 39), supports précieux par eux-mêmes, ces tableaux sont particulièrement appréciés par la famille du pape Urbain VIII, ces Barberini qui protègent également Poussin. Les deux artistes se lieront d’une amitié durable : mais chacun suit une voie personnelle. L’art de Stella relevait jusqu’alors de ce que l’on nomme, pour simplifier, le maniérisme, dont il ne se départira pas entièrement avant le tournant des années 1640. C’est, à Rome, le Cavalier d’Arpin (Giuseppe Cesari) qui représente le mieux cette esthétique où la Contre-Réforme trouva longtemps son langage, et Stella doit sûrement à son exemple l’idée du type féminin qui deviendra entièrement sien à travers ses saintes et ses madones. Sans participer vraiment du courant caravagesque, il y est sensible dans des œuvres dramatiques peintes comme Le Christ en croix (cat. 29) ou dessinées comme la Décollation de saint Jean-Baptiste (cat. 30), et l’on sait depuis les scènes de rue gravées à Florence (cat. 9-10) que le naturalisme prôné à Bologne par les Carrache à la fin du siècle précédent trouve chez Stella un disciple convaincu. La grande Assomption (cat. 34) du musée de Nantes, d’origine inconnue, datée 1627, est le premier – et le seul conservé pour la période italienne – d’une série de tableaux d’autels qui seront en France l’expression majeure de l’art de Stella. Les dessins se multiplient également, d’une grande variété, avec, pour la même année 1633, des œuvres sensuelles et romanesques comme l’Olympe abandonnée (cat. 48), ou fantastiques comme l’Allégorie sur la mort du cardinal Scipion Borghèse (cat. 46).
On a organisé l’ouvrage en seize sections, qui suivent la carrière de Stella de Florence à Rome et à Paris, regroupant chacune des œuvres de dates voisines (ou présumées telles) autour d’un centre d’intérêt dont le lien peut être technique, historique ou thématique. Il est bon d’envisager une création dans son développement chronologique, qui fait apparaître l’évolution du style, les intérêts nouveaux, à travers des exemples comparables par leur ambition commune. La première, consacrée aux portraits, échappe au temps : elle interroge l’image même de l’artiste. Elle est centrée sur l’énigmatique effigie du musée de Lyon (cat. 2) : nul ne conteste que ce « mousquetaire » (c’est ainsi qu’on pourrait s’imaginer Athos…), au regard intense et un peu triste, est bien le peintre Jacques Stella – le portrait est gravé par Claudine comme étant le sien – mais qu’il soit un autoportrait, comme on le propose ici après d’autres, fait encore débat. 3 La biographie raisonnée due à Mickaël Szanto intègre les œuvres dont la date est connue. 4 1982, p. 321.
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De Rome à Paris : le titre de la section V recouvre la période mal connue qui s’étend de la fin du séjour romain – Stella quitte Rome avec l’ambassadeur Créqui à l’été 1634 – au début de la carrière parisienne, que précède un long intermède lyonnais en 1635. Les œuvres ne sont pas datées, ou leur date est altérée. C’est entre la Sainte Famille de Montpellier, œuvre romaine datée 1633 (cat. 50) et la Sémiramis parisienne datée 1637 (cat. 54), chefs-d’œuvre accomplis mais de format modeste, car peints sur ardoise, qu’il faut placer des tableaux d’une tout autre ambition. Ces toiles, dont le format dépasse trois pieds sur quatre, sont des tableaux d’histoire à nombreuses figures dans un paysage d’architecture à la perspective soigneusement étudiée, des compositions que l’on peut lire à travers les « péripéties » de l’action ou des sentiments exprimés. Très peu d’éléments y révèlent la connaissance des œuvres contemporaines de Poussin, que Stella ne cherche pas à imiter. C’est bien plutôt une démarche commune, une même volonté de faire du tableau non seulement une représentation fidèle à l’événement, crédible sous le rapport du « costume » ou de la « convenance », mais une délectation pour celui qui voudra en approfondir l’examen. Méditation sur le pouvoir et le désir, Bethsabée recevant le message de David (cat. 51) porte selon toute apparence la date de 1634. Ce serait donc l’un des derniers tableaux peints à Rome. Exemple de sagesse royale, à l’inverse, Le Jugement de Salomon (cat. 52) de Vienne n’est pas daté, mais il développe les mêmes caractères dans un format plus grand et une composition plus riche de figures et d’architectures. Tous deux trahissent l’admiration des grands modèles bolonais, les nus de Carrache, de l’Albane et du Dominiquin pour le premier, les fresques romaines du même Dominiquin pour le second. Ce sont aussi les maîtres que se donne Poussin dans les années 1630. En face de ces sujets qui, pour être pris dans la Bible, n’en sont pas moins des scènes de l’Antiquité, Stella poursuit son œuvre proprement religieuse, qui ne s’inscrit pas dans les mêmes exigences intellectuelles, mais vise à convaincre par le sentiment et la douceur. C’est à Lyon qu’il exécute en 1635 L’Adoration des anges (cat. 56), premier grand exemple de ces variations sur l’enfance du Christ, souvent des nocturnes comme ici. Stella n’est pas prisonnier d’une manière unique, chaque sujet induit son caractère, sa couleur, ses types physiques. Quatre ans plus tard, dans La Nativité du Bowes Museum (cat. 59), un cuivre de grandes dimensions daté 1639, c’est une rigueur géométrique et minérale qui commande la composition, devenue presque abstraite: Stella y explore une autre voie, dans laquelle il se révèle un véritable novateur.
Placé sur la cheminée du cabinet du roi au château de Richelieu en Poitou, le tableau couronnait et parachevait une série de toiles doublement illustres : les cinq Allégories provenant du studiolo d’Isabelle d’Este à Mantoue, œuvres de Mantegna, Costa et Pérugin (Louvre), et les trois Bacchanales que Richelieu venait de faire exécuter à Rome par Poussin pour leur faire suite (Londres et Kansas City). Que Stella ait été recommandé pour une telle tâche est en soi éloquent. D’autre part, en évoquant le roi Louis XIII sous les apparences de l’empereur Titus, et en se donnant le second rôle à sa suite, Richelieu manifestait clairement, comme dans la galerie des Hommes illustres de son palais parisien, le rôle essentiel qui était le sien au gouvernement du royaume. Retenu par le ministre alors qu’il allait passer au service de l’Espagne, Stella est chargé de multiples entreprises, dont l’initiative revient au nouveau surintendant des Bâtiments, François Sublet de Noyers. Dès 1640, le graveur Mellan traduit au burin les dessins de Stella pour les frontispices des somptueuses « éditions du Louvre » produites par l’Imprimerie royale (cat. 7073). À la même époque, le peintre exécute les deux tableaux (cat. 74-75) accompagnant, dans la chapelle royale du château de Saint-Germain-en-Laye, L’Institution de l’eucharistie demandée (au lieu de Vouet, qui n’avait peint que le tableau supérieur du maître-autel) à Poussin, qui vient d’arriver de Rome. Le recours aux deux artistes relève d’une volonté politique de Richelieu (secondé par Sublet, et celui-ci par ses cousins Fréart de Chambray et de Chantelou) de faire de la France un modèle dans le domaine artistique. Contrebalancer la puissance espagnole passait par une volontaire captation du prestige de l’Antiquité, faire venir « Rome à Paris » en convoquant dans la capitale les œuvres et les talents concentrés dans la cité pontificale. Le séjour de Poussin devait se limiter à deux ans, mais Stella, représentant d’un style plus rigoureux encore, allait marquer de sa forte empreinte ce que l’on a nommé depuis l’« atticisme parisien ». Il devait en donner la mesure dans une nouvelle confrontation avec Poussin et Vouet, dont la primauté se trouvait ainsi puissamment balancée, à l’église du Noviciat des Jésuites à Paris, entreprise dont Sublet fut le commanditaire direct. Le tableau de Stella, Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple (cat. 81), passe à juste titre pour le chef-d’œuvre de l’esthétique nouvelle, marquée du sceau de la rigueur plastique et intellectuelle, au service d’une religion réconciliée avec la raison. L’un des apôtres de cette réforme, le graveur Abraham Bosse, champion de la perspective et des théories du Lyonnais Desargues, fut d’ailleurs l’ami et le graveur de Stella. Même après la mort du roi et celle de Richelieu en 1642 et 1643, la disgrâce de Sublet, Stella demeura au premier rang: nommé, honneur unique, chevalier de Saint-Michel en 1644, il participe au décor de l’oratoire de la régente Anne d’Autriche au Palais-Royal (cat. 83-84) et peint en 1645 Le Baptême du Christ (cat. 87) pour l’église Saint-Germain-le-Vieux.
La section VI évoque Stella devenu à Paris peintre du roi et peintre d’église. On déplorera l’absence de La Libéralité de Titus, ou La Libéralité de Louis XIII et de Richelieu (fig. V.1), peinte en 1638 pour le cardinal, et qui devait répondre à un double objectif. 15
La section VII est consacrée aux sujets classiques que Stella produit dans ces mêmes années de la Régence. Il atteint alors à un purisme d’une rare élégance dont l’exemple est la Clélie passant le Tibre du Louvre (cat. 96).
c’est-à-dire des calques pour faciliter le report sur cuivre sans gâter les originaux, qui conservaient ainsi leur statut – et leur valeur – d’œuvres d’art, ne soient gravés qu’au XVIIIe siècle et par des Italiens, qui en profitèrent pour y apposer frauduleusement le nom de Poussin.
Avec les thèmes sacrés, la section VIII suit le créateur dans des entreprises qui vont des petits tableaux de dévotion à usage privé, témoins d’une spiritualité qui se reconnaît dans sa facture apaisée et éloquente (cat. 99-100), au carton monumental d’une tapisserie pour la tenture de La Vie de la Vierge destinée à NotreDame de Paris en 1649 (cat. 105).
Les Pastorales constituant la section XIII furent, elles, gravées par Claudine Bouzonnet Stella, qui les publia en 1667 : la série entière des seize planches et leur titre (cat. 139-155) sont ici présentés, accompagnés de dessins pour les Saisons et les Mois, qui furent aussi gravés, et d’un étonnant paysage à la gouache daté 1655 (cat. 163). Peintre de genre, poète virgilien, moraliste discret, paysagiste hors pair enfin, Stella livre ici bien plus qu’un document ethnographique essentiel sur le monde rural de son temps.
Si Poussin a regagné Rome, sa marque sur la peinture française ne doit pas être sous-estimée. Aux œuvres exécutées à Paris s’ajoutent les tableaux qu’il envoie à ses amateurs parisiens et lyonnais, dont Stella n’est pas le moindre, qui les collectionne passionnément. On évoquera dans la section IX l’effet Poussin sur quelques œuvres de son ami, qui réagit aux créations du maître non en le pastichant, comme on l’a trop légèrement conclu de leur relation suivie, mais en méditant sa leçon dans des œuvres originales (cat. 107-110).
La section XIV présente un choix de l’autre suite gravée par Claudine, celle de La Passion du Christ (cat. 165-171). Elle se composait de trente tableaux, dont les treize premiers seulement furent traduits par le burin de la nièce, qui n’en tira que peu d’épreuves portant le nom de Jacques Stella. Ici encore, c’est au XVIIIe siècle qu’on y substitua celui de Poussin, auquel les amateurs se laissèrent prendre. Il s’agit pour Stella d’une entreprise de longue haleine, qui pouvait évoquer les deux séries des Sacrements de Poussin, dont il possédait le Crucifiement aujourd’hui à Hartford. Un dessin pour Le Christ au jardin des Oliviers (cat. 164) permet, confronté avec l’image définitive, de juger de la réflexion profonde de l’artiste qui l’amène à formuler de la façon la plus sensible un des thèmes majeurs de sa religion.
La section X porte sur les derniers sujets sacrés abordés dans les années 1650, souvent autour de la Sainte Famille, de l’enfance du Christ ou de son ministère, où le style sévère de la décennie précédente tantôt s’apaise comme dans les chefs-d’œuvre du Prado et des Offices (cat. 114, 122), tantôt, ici encore sous l’effet des sévères créations de Poussin, s’exaspère dans un expressionnisme pathétique (cat. 123, 125). C’est un aspect inattendu, sauf si l’on se rappelle les scènes populaires de l’époque florentine, que présente la section XI : D’après nature. Point n’est besoin d’invoquer les origines flamandes de Stella pour comprendre son intérêt pour le réel, le quotidien, dont les plus grands « classiques », à l’exemple des Carrache, ne se détournent jamais. Il s’agit d’une série de dessins, dont on retrouve la trace dans l’inventaire de Claudine Bouzonnet Stella, consacrés à des gens du peuple, ouvriers, soldats, vieillards, saisis dans leur « naturel » (cat. 127-129). Stella, dont le portrait (cat. 2) figurait comme anonyme à la fameuse exposition des « Peintres de la réalité » en 1934 (que le musée de l’Orangerie doit évoquer prochainement), n’est pas étranger à cet aspect de son siècle illustré par les frères Le Nain.
Claudine Bouzonnet Stella, dont on a senti la présence, ne seraitce qu’en tant que traductrice, dans toute une partie de l’œuvre de son oncle, méritait une place, objet de la section XV, introduite par son portrait, recueilli par les soins de Mariette (cat. 172173). On se demande souvent si ses propres œuvres n’ont pas été, pour diverses raisons, confondues avec celles de Jacques. L’exemple de la « seconde » Vie de la Vierge (cat. 175-178) permet d’en juger. Cette série, plus restreinte que l’autre, passait pour représenter le style le plus tardif de l’oncle, mais on avait récemment proposé d’y voir la main de Claudine. Ce qui a trouvé confirmation par la découverte du dessin (cat. 174) datant au plus tôt de 1662, d’après lequel fut gravée une estampe à son nom.
La section XII réunit pour la première fois neuf des vingt-deux dessins constituant la suite de La Vie de la Vierge (cat. 130-138), dispersée il y a vingt ans. Ce cycle, auquel Félibien nous dit que Stella occupait ses soirées d’hiver, quand la nuit précoce interdit de peindre, fut une partie de l’héritage que Stella laissa à ses nièces, toutes artistes pratiquant la gravure. Le sort voulut que ces dessins, dont il avait pris soin de lever des « traits »,
L’aspect le plus populaire de l’art de Stella est sans doute la suite de cinquante sujets des Jeux et plaisirs de l’enfance, également gravée par Claudine qui les publia dès l’année de sa mort, en 1657, et dont les arts décoratifs ont tiré une infinie diversité de dérivations. La section XVI (cat. 179-202) propose un choix de ces divertissements innocents ou non. Ces putti ou enfants nus, d’un modèle unique, dérivés des reliefs 16
antiques, dont Titien ou Poussin ont donné maints exemples, sont mis en scène dans des jeux qui ne sont pas tous ceux de l’enfance, et rappellent parfois directement (comme leur commentaire gravé le souligne) les événements contemporains. La France de Stella est aussi un temps de guerres, et la Fronde qui sévit pendant la minorité de Louis XIV tire son nom d’un jeu d’enfant, jeu dangereux que l’artiste apparemment le plus idéal de son temps ne pouvait oublier.
Au terme de ce parcours dans l’œuvre de Stella, nous voudrions à notre tour saluer la mémoire de l’ami très cher qui avait entrepris de le tracer. Gilles Chomer en avait réuni les matériaux, auxquels nous avons quelque peu ajouté. Nous sommes conscient de n’avoir souvent fait qu’effleurer des sujets qu’il eût approfondis avec la science et la passion qui le faisaient aimer et apprécier de tous. Puisse au moins le résultat justifier les efforts de tous ceux qui se sont attachés à faire briller, dans notre ciel inquiet, l’étoile de Stella
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Mickaël Szanto et Isabelle Dubois
Le cabinet d’un « peintre parfait ». À propos des « belles choses » de Jacques Stella
Dans l’histoire des collections, Jacques Stella est célèbre pour avoir rassemblé dans son appartement de la galerie du Louvre un ensemble important de tableaux de Nicolas Poussin, une dizaine de toiles, dont cinq commandées directement au maître des Andelys 1. S’il est admis que Stella compta parmi les principaux et premiers clients français de Poussin, on tend à négliger en revanche qu’il fut également, et de manière plus générale, un collectionneur 2. Sur ce point, André Félibien est précis : Stella fut un « curieux de toutes les belles choses3 ». Il avait même rapporté d’Italie, précise l’historien, « plusieurs Tableaux de bons Maistres », dont deux œuvres importantes d’Annibal Carrache, La Toilette de Vénus (Bologne, Pinacoteca nazionale, fig. 1) et son pendant, Diane et Callisto (Mertoun House, collection du duc de Sutherland)4. Curieusement, le Stella amateur n’a guère retenu l’attention alors même que l’on conserve, à défaut du propre inventaire du peintre5, celui de sa nièce et héritière Claudine Bouzonnet Stella, précieux document qui décrit un ensemble considérable d’œuvres d’art. Cet inventaire, publié par Guiffrey en 1877 et que nous reproduisons en annexe du présent catalogue, fut rédigé par les soins de Claudine Bouzonnet Stella, à la fin de sa vie, en 1693. On trouve accumulés dans l’appartement du Louvre, où Jacques
Stella était mort trente-six ans plus tôt, de très nombreuses peintures de Stella lui-même, des œuvres de Claudine Bouzonnet Stella et de son frère Antoine, mais aussi un ensemble important d’objets d’art qui relève à la fois de la curiosité du collectionneur et de la science propre au métier de peintre : une cinquantaine de tableaux de maîtres aux attributions prestigieuses (de Raphaël à Poussin), plus de quatre cents dessins de collection réunis en deux recueils, avec des attributions non moins prestigieuses (Raphaël, Jules Romain, Michel-Ange, Rubens, etc.), des centaines de gravures des meilleurs burinistes de la Renaissance (Dürer, Cornelis Cort, Marcantonio Raimondi, Giulio Bonasone, Pietro Santi, etc.), des portefeuilles tout entiers remplis d’estampes de Poussin, Callot, Tempesta, Errard, et de bien d’autres encore – ensemble singulier que complétait, chose rare chez les artistes de cette époque 6, une bibliothèque d’environ deux cents volumes, riche de nombreuses éditions du XVIe siècle. La bibliothèque témoigne à elle seule de cette immense curiosité pour les images. On y découvre les grands classiques souvent présents chez les peintres, tels l’Iconologia de Cesare Ripa, Le Imagini dei dei degli antichi de Vincenzo Cartari, le Hieroglyphica de Piero Valeriano, L’Explication des fables de Natale Conti, mais encore bien d’autres recueils illustrés, les très précieux atlas d’Ortelius, la Conqueste de la Toison d’Or de Gohory enrichie de gravures de Boyvin, des traités d’architecture (Vitruve, Serlio, Palladio, Fréart de Chambray), de perspective (d’Euclide à Désargues), d’anatomie (avec Vésale, Dürer, Léonard, etc.), les principaux recueils d’après l’antique (Chacon, Perrier, les deux volumes de la Galleria Giustiniana), auxquels s’ajoutait un ensemble de livres d’histoire (Homère, Plutarque, Tite-Live, Chalcondyle, Diodore de Sicile, Xénophon, etc.). Soit tout ce qui était nécessaire à qui voulait devenir un « peintre parfait ». De cette exceptionnelle collection, ne sont restés célèbres aujourd’hui que les cinq précieux Poussin mentionnés dans l’inventaire (les joyaux de la collection, il est vrai, que Claudine Bouzonnet Stella estimait à la somme fabuleuse de 47 000 livres7), ainsi qu’un dessin, le plus cher de toute la collection (1 000 livres), présenté en 1693 tel un tableau « sous une glace dans une bordure doré » : Le Christ remettant les clefs à
1. Schnapper, 1994, p. 230-231. Voir ici annexe « Poussin », p. 259. 2. La première étude sérieuse consacrée à Stella ne porte intérêt qu’au peintre, Thuillier, 1958 (1960). L’ouvrage fondamental d’A. Schnapper sur les collectionneurs du Grand Siècle (1994) consacre des pages importantes à Stella, mais seulement comme commanditaire et intermédiaire de Poussin (p. 230-231). Dans une étude consacrée spécifiquement aux collections d’artistes au XVIIe siècle, Stella collectionneur n’est pas évoqué. Schnapper, 1996 (2001). 3. Félibien, 1688, t. V, p. 272. 4. Claudine Bouzonnet Stella ne possédait plus en 1693 que la copie de ces deux originaux (voir annexe, nos 176-177). Félibien assure que les deux tableaux passèrent dans un second temps dans la collection de François de La Noue. Cet amateur étant mort en 1656 (Szanto, 2002), tout indique que les deux toiles avaient été vendues directement par Stella, et non pas par ses héritiers. 5. L’inventaire, qu’on sait avoir été dressé en 1660 (cité par Claudine Bouzonnet Stella, voir Guiffrey, 1877, p. 99), semble définitivement perdu. Il fut probablement rédigé par le lieutenant de la prévôté de l’hôtel, dont les archives, pour cette période, ne sont conservées qu’à l’état de bribes. 6. Sur les bibliothèques de peintres, voir Coquery, 2000, p. 52-53. 7. Voir annexe, nos 204-208. À ces cinq Poussin s’ajoutait un Bain de femmes, non prisé par Claudine Bouzonnet (annexe, no 209).
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Fig. 1. Annibal Carrache, La Toilette de Vénus,
Fig. 2. Raphaël, Le Christ remettant les clefs à saint Pierre,
toile, 89 x 99 cm, Bologne, Pinacoteca nazionale.
plume, encre brune, lavis brun, 22,2 x 35,4 cm, musée du Louvre, département des Arts graphiques.
saint Pierre de Raphaël, aujourd’hui conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre8 (fig. 2). Cet ensemble singulier, tableaux, dessins, estampes et livres, que Bonnaffé qualifiait en 1884 de « collection de premier ordre9 », n’a jamais été étudié, en raison peut-être des difficultés d’interprétation qu’il pose. Car entre le décès de Stella (1657) et l’inventaire dressé par Claudine Bouzonnet Stella en 1693, étaient morts dans l’appartement du Louvre de nombreux parents du peintre : sa mère Claudine de Masso, ses deux sœurs Françoise et Madeleine, le mari de cette dernière, Étienne Bouzonnet, ainsi que leurs différents enfants, pour la plupart peintres et graveurs, Antoine, Françoise, Antoinette et Sébastien, autant d’héritages successifs qui revinrent in fine à Claudine Bouzonnet Stella, la dernière survivante de la lignée. Aussi l’inventaire de 1693 est-il une somme de patrimoines hérités dont il peut sembler difficile, au premier abord, de recomposer les strates successives. Il s’agira, à partir d’indices concordants, de redonner à Jacques Stella la paternité de cet ensemble, du moins de son noyau
principal. Cette paternité est d’importance puisqu’elle place désormais Stella parmi les premiers grands peintres collectionneurs que l’on connaisse pour la France. Nous montrerons par ailleurs ce que cette collection d’artiste, dont on soulignera la cohérence et l’étonnante qualité, nous apprend à la fois sur le peintre et sur ses ambitions. Questions de méthode Dans quelle mesure l’importante collection décrite en 1693 peut-elle être attribuée principalement à Jacques Stella, et non pas plutôt à ses neveux et nièces, en particulier Antoine et Claudine, les figures dominantes de la fratrie Bouzonnet ? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’Antoine Bouzonnet, peintre de l’Académie royale, n’avait jamais eu de cesse, selon Félibien, « pour devenir excellent » d’acquérir « les belles connaissances qui pouvoient le rendre sçavant dans son art10 », et que sa sœur Claudine n’ignorait rien de la science des curieux, comme en témoigne le jugement sûr avec lequel, en 1693, elle avait décrit, estimé et parfois commenté les quelque centaines d’objets d’art conservés dans son appartement du Louvre. De surcroît, l’inventaire fait état d’un certain nombre d’œuvres (tableaux, estampes et livres) qui furent acquises nécessairement après la mort de Stella, tel, parmi les tableaux de maîtres, le Paysage de Noël Cochin, un peintre actif à Venise dans la seconde moitié du e 11 XVII siècle , tels, parmi les gravures, l’« œuvre complet de Poussin », « les œuvres de M. Errard », ou les Paysages d’Adrian van der Cabel, ceux-ci n’ayant été gravés principalement qu’à compter des années 1660-167012. Parmi les livres, on en dénombre au moins une quinzaine qui furent édités
8. Voir annexe, no 210. Ce dessin faisait pendant avec un autre dessin donné également à Raphaël ; annexe, no 211. 9. Bonnaffé, 1884, p. 298. 10. Félibien, 1688, t. V, p. 254. 11. Sur ce peintre dont on ignorait presque tout avant des recherches récentes, voir L. de Fuccia, « Nuovi documenti per Cochin de Venise (Troyes, 1622-Venezia, 1679) », Arte Veneta, LXIII, 2007, à paraître. Ce tableau fut plus probablement acheté par Antoine Bouzonnet lors de son retour d’Italie. 12. On peut également citer le « pacquet de dix neuf pièce de Travaux d’Hercule gravé par Peine », autrement dit la belle série gravée en 1678 d’après les décors de Poussin de la Grande Galerie du Louvre (annexe, no 258).
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bien après la mort de Jacques Stella : ainsi l’Idée de la perfection de la peinture de Fréart de Chambray (1662), le Dialogue sur le coloris de Roger de Piles (1673) ou bien les Noms des peintres les plus célèbres d’André Félibien (1679), trois titres qui trahissent les intérêts d’un amateur des beaux-arts. Dans un même sens, la dizaine de tableaux de Poussin cités chez les Bouzonnet Stella postérieurement à la mort de Jacques Stella13, mais que l’on considère habituellement provenir de sa succession, traduit assez bien le problème qui se pose à l’historien. Car si, pour deux des tableaux cités, l’origine Stella est assurée, pour les autres, rien ne permet de prouver une telle provenance. Par exemple, La Crucifixion de Poussin (Hartford, Wadsworth Atheneum), qu’on sait avoir été commandée vers 1644 par Jacques-Auguste de Thou (1609-1677), et gravée par Claudine Bouzonnet Stella en 1674, alors que la toile se trouvait dans le cabinet familial14, peut-elle provenir de la collection de l’oncle ? Pour deux autres Poussin, au moins, on s’accorde sur le fait qu’une provenance Jacques Stella est improbable : la Danaé (tableau perdu), citée par Félibien en 1685 dans le cabinet des Stella, est mentionnée en 1660 chez Pointel, et le Saint Pierre et saint Jean guérissant le boiteux (New York, The Metropolitan Museum of Art), décrit dans l’inventaire de Claudine Bouzonnet Stella de 1693, fut commandé en 1655 par un trésorier de Lyon, avant de passer, selon les dires de Loménie de Brienne, dans la collection d’un intendant des finances, puis dans celle de son secrétaire : historique qui a priori interdit un passage dans le cabinet de Jacques Stella15. Aussi peut-on se demander si le poussinisme bien connu des Bouzonnet Stella (ceux-ci n’ont jamais cessé d’étudier, de copier et de graver Poussin 16) ne les aurait pas amenés à
acquérir plus de tableaux de Poussin que l’on ne le croit généralement ? Du reste, en août 1657, quelques mois après la mort de Jacques Stella, on surprend Antoine dans l’attente d’une peinture de Nicolas Poussin que le maître lui a promise17. Bien plus tard, au tournant des années 1670-1680, alors que Giovanni Dughet, l’un des légataires de Poussin, cherche à se défaire d’une partie du prestigieux héritage (notamment les dessins d’étude de Poussin et sa collection de gravures anciennes 18), on voit de nouveau Antoine Bouzonnet mêlé aux transactions19. Ces éléments qui mettent en évidence l’appartenance des Bouzonnet au milieu de la curiosité invitent pour le moins à s’interroger sur la paternité de cette collection. Les Bouzonnet ou bien l’oncle Stella ? En 1884, Bonnaffé, au seul regard de l’inventaire de 1693, avait préféré ne pas se prononcer : « Les Stella furent tous, plus ou moins, collectionneurs20. » Sans nier l’évident enrichissement effectué au temps d’Antoine et de Claudine Bouzonnet Stella, un ensemble d’indices nous permet d’assurer que le noyau principal de la collection fut bien constitué par Jacques Stella. On songe en particulier aux œuvres les plus précieuses, certains Poussin, nous le verrons, dont on ne pouvait prouver jusquelà la provenance Stella ; on songe surtout aux portefeuilles de gravures d’après les grands maîtres de la Renaissance (Raphaël, Jules Romain, Titien…), à l’un des deux recueils de dessins, celui qui contenait les plus belles feuilles, mais encore aux très nombreux livres illustrés. Tout d’abord, à lire l’inventaire de 1693, on ne peut manquer de constater que Stella s’est collectionné lui-même. Parmi la centaine d’œuvres de sa main mentionnées en 1693, on en trouve un certain nombre qui ne relèvent pas, à proprement parler, du fonds d’atelier. Les sept premiers numéros de l’inventaire, sept tableaux de grand format, comptent parmi les compositions les plus ambitieuses qu’ait réalisées Stella durant sa carrière parisienne. Parmi ceux-ci, on reconnaît les pendants sur l’histoire de Salomon conservés aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Lyon (cat. 108 et 109), le Bain de Diane, tableau perdu que Félibien cite en 1688 parmi les œuvres importantes « que l’on voit » de Stella, ou encore Sainte Hélène retrouve la Croix, une œuvre signée et datée de 1646 (fig. VII. 3), où le peintre déploie toute son érudition (localisation actuelle inconnue). Manifestement Stella, bien loin d’être pressé de vendre ses chefs-d’œuvre, préférait les conserver. Ce trait particulier, assez rare pour mériter d’être relevé, prend sens au regard de la savante collection décrite en 1693, dont tout indique qu’elle fut constituée principalement par Stella. En premier lieu, il convient de remarquer la présence d’un certain nombre d’ouvrages qui font écho au parcours artistique de Stella et à ses principales amitiés : Florence d’abord, avec « La Terre Saincte, les figures gravé[es] par Calot » (annexe, no 361), autrement dit le Trattato delle piante imma-
13. Sur les Poussin de Stella, voir ici annexe « Poussin », p 259-260. 14. Suivant l’information portée dans la marge de l’estampe, « ex Musaeo Anth. Stella parisiys » (Weigert, 1951, p. 83, no 27). 15. Rosenberg, 1994, no 222. 16. Sur Claudine et Étienne Bouzonnet, voir Kerspern, 1988 et 1993 (1994). 17. D’après la lettre adressée par Antoine Bouzonnet Stella à Nicolas Poussin en date du 17 août 1657 : nous « vous remersion tous et moy particulierement de la faveur que vous nous faitte de nous promettre un de vos chef d’œuvre » (musée du Louvre, département des Arts graphiques, RF 762, reproduite dans Thuillier, 1958 [1960], p. 107). Jacques Thuillier a proposé de rapprocher cette commande de La Naissance de Bacchus, qu’on sait en effet avoir été peinte pour Jacques Stella en 1657. On peut se demander si la Vénus à la fontaine dessinée par Poussin au verso de cette lettre n’a pas à voir avec le tableau projeté. Ne serait-ce pas une idée soumise dans un second temps aux Bouzonnet Stella ? On remarquera dans le précieux recueil de dessins décrit dans l’inventaire Bouzonnet Stella (1693) une feuille de Poussin « des Nimphe[s] fontaine » (voir annexe, no 212(55) ; le pluriel utilisé interdit de rapprocher cette mention du dessin du Louvre). 18. Voir Montaiglon, 1858-1860, et Rosenberg, 2006. 19. Un papier décrit par Claudine Bouzonnet dans l’inventaire de 1693 nous apprend que son frère avait eu en main les « desseins de M. Poussin qui appartenoit au segnor Joanni Dughet », dessins qu’il avait remis à un certain Le Vasseur : « Une reconnoissance, signée le Vasseur, portant que feu mon frère Anthoine B. Stella, luy a remis entre les mains des desseins de M. Poussin qui appartenoit au segnor Joanni Dughet, fait à Paris, le 20 aoust 1682 » (Guiffrey, 1877, p. 98). Pierre Rosenberg (2006) vient de publier un important carnet de dessins copiés d’après des dessins d’étude de Poussin. L’auteur a proposé, de manière convaincante, de mettre en relation ce carnet de dessins avec un projet de gravures d’après des dessins de Poussin que Giovanni Dughet proposait à la vente en 1678. Les Bouzonnet Stella, poussinistes patentés et habiles graveurs, n’auraient-ils pas à voir avec ce recueil de copies ? On ne sait s’il faut identifier le dénommé Le Vasseur avec l’abbé François Le Vasseur, amateur de curiosités, qu’on sait lié au milieu de l’Académie royale de peinture et de sculpture (Bonnaffé, 1884, p. 184). 20. Bonnaffé, 1884, p. 297.
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célèbre traité d’anatomie de Vésale, le De humani corporis, décrit en 1693 (annexe, n o 273), il s’inspira de l’une des planches pour son dessin Squelette assis… (1648, cat. 126). L’œuvre de Stella montre également combien le peintre s’était imprégné des estampes des maîtres anciens, particulièrement celles d’après Raphaël, mais aussi des recueils d’après l’antique, dont on a dit qu’ils étaient nombreux dans la bibliothèque décrite en 1693. Les références à ces sources sont multiples : il s’agit rarement de simples citations mais le plus souvent d’habiles réinventions. Ainsi, Le Jugement de Pâris (1650, cat. 110) est une composition élaborée à partir de la très célèbre gravure de Raimondi d’après Raphaël (fig. 3). Tous les éléments principaux s’y retrouvent sans jamais relever de la copie. Le Salvator Mundi (vers 1645, cat. 20) provient également d’un archétype de Raphaël, connu par une estampe de Raimondi21. De même, Le Baptême du Christ, important retable peint en 1645 pour l’église de SaintGermain-le-Vieux (cat. 87), semble reprendre la composition de Salviati gravée par Cornelis Cort, un graveur dont on retrouve tout un portefeuille mentionné dans l’inventaire22. La série des 52 Jeux et plaisirs de l’enfance (cat. 179-202), à l’évidente connotation moralisante, si elle évoque dans son principe les Amorum Emblemata d’Otto Vaenius (dont deux exemplaires sont décrits dans l’inventaire de 1693), rappelle aussi l’esprit des jeux d’amours de Raphaël23. Ici, Stella s’inspire librement, pour différentes compositions, d’estampes gravées d’après Raphaël ou d’après l’antique : la scène de la danse reprend une gravure de Raimondi d’après Raphaël, Danse d’enfants conduite par deux amours 24, alors que celle du Masque emprunte différents éléments d’un bas-relief antique reproduit dans la Galleria Giustiniana (annexe, no 268)25. Ces différents exemples, que l’on pourrait multiplier, sont autant de signes qui désignent le « curieux » d’estampes décrit dans l’inventaire de 1693. Passons sur le terrain plus ferme de la collection de dessins. Les preuves sont ici plus éloquentes encore. Ainsi en est-il du plus important des dessins mentionnés dans l’inventaire de 1693, Le Christ remettant les clefs à saint Pierre de Raphaël (fig. 2). Dans une lettre, malheureusement non datée, un certain Schinkelle informait le cardinal Léopold de Médicis du goût prononcé des amateurs parisiens pour les dessins, au point qu’« un homme de cette ville nommé Jabach offrit ces jours passer en ma présence à un peintre nommé Stella soissante et dix pistoles pour un seul dessein de Raphaël d’Urbin qui ne contient que treize figures, estant l’histoire où Notre Seigneur donne les clefs à S. Pierre en présence des autres apostres26 ». Faute de connaître la date précise de la missive (elle peut se situer aussi bien durant les années 1650 que 1660), on peut s’interroger sur l’identité du Stella en question. Jacques ou le neveu Antoine ? Par chance, le célèbre dessin fut gravé en 1729 alors qu’il se trouvait dans les collections du duc d’Orléans, avec une mention indiquant
Fig. 3. Marcantonio Raimondi, d’après Raphaël, Le Jugement de Pâris, burin, 29,8 x 44,2 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts.
gini de’ sacri edifizi di Terra Santa de Bernardino Amico, un ouvrage édité à Florence en 1620, précisément durant le séjour florentin de Stella ; Rome ensuite, avec le nombre exceptionnel de gravures d’Antonio Tempesta, l’ami selon nous des premiers mois dans la Ville éternelle ; Paris enfin, avec les belles éditions de l’ami Langlois, telle la série de planches gravées par Theodor van Thulden d’après la galerie d’Ulysse du Primatice (annexe, no 300) ; Paris encore, avec les Vers héroïques de Tristan L’Hermite (Paris, 1648 ; annexe, n o 393), où la figure de Stella, « une illustre estoille » au « docte pinceau », est fugitivement évoquée. Il est également possible d’attribuer à Stella sans trop s’avancer les nombreux traités d’architecture, de perspective et d’anatomie cités dans l’inventaire de 1693. Ne manque sur les étagères de la bibliothèque presque aucun des principaux traités, Vitruve, Serlio, Palladio, Labacco, Vignole, Sirigatti, Viola, ensemble complété par des ouvrages plus récents, contemporains de Stella, Fréart de Chambray pour l’architecture ou Désargues pour la perspective. Or la maîtrise de ces différentes sciences, dont témoigne son œuvre parisien, était notoire. Personne n’ignorait que Stella « entendoit fort bien la perspective & l’architecture » (Félibien, 1688). Dans ces recueils, le peintre puisa également des motifs architecturaux, tel le rinceau de feuilles d’acanthe ornant l’entablement de la Maison carrée de Nîmes, illustré précisément dans le traité de Palladio, et repris sur le portique, à l’arrièreplan du Jugement de Salomon (vers 1635-1640, cat. 52). Du 21. TIB, XXVI, p. 107, 79 (80). 22. Voir annexe, no 266. 23. On songe en particulier aux amours ornant les bordures de la tenture des Actes des Apôtres, ou aux tapisseries des Giocchi de’ putti commandées par Léon X, dont quatre motifs ont été gravés par le Maître au Dé. 24. TIB, XXVI, p. 215-16, 217. 25. Bartsch, 1813, XIV, p. 177, no 217. 26. Florence, Archivio di Stato, Carteggio d’Artisti, XXI, 23, fol. 336 ; signalé dans Fischel-Oberhuber, 1972, p. 130.
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expressément que « ce merveilleux dessin […] fut acheté en Flandres par le sieur Stella, peintre du Roi [autrement dit Jacques Stella]27 ». Plus important encore, l’introduction du catalogue de la vente Crozat28 (1741), rédigée par Pierre-Jean Mariette, cite à nouveau la collection de Jacques Stella parmi les principaux cabinets parisiens dans lesquels Crozat avait puisé ses précieux dessins : « Il réunit à son Cabinet, les Desseins que l’illustre Mademoiselle Stella avoit trouvé dans la succession de M. Stella son oncle, & qu’elle avoit conservé précieusement toute sa vie. » Au sein du catalogue, Mariette rappelle à deux reprises la provenance Jacques Stella : de manière générale pour les dessins de Poussin (« Presque tous ces Desseins du Poussin viennent de M. Jabach, de M. Stella, ou de Carlo degli Occhiali »), et, de façon précise, pour une feuille importante du Parmesan : « L’Adoration des Rois, la même qui a été gravée en clair-obscur ; Dessein très-capital, qui a appartenu à M. Stella. » Or ce « dessein très-capital », l’un des chefs-d’œuvre du Parmesan aujourd’hui conservé au musée de Francfort (fig. 4), se trouvait bien dans le précieux recueil de dessins décrit en 1693 : « Au 20 e feuillet, un dessein de Parmesan : une Adoration des Roys. » On regrettera que Mariette ne précise la provenance Stella que pour ce seul dessin, alors qu’il est très probable, selon nous, que les 112 dessins du recueil soient passés aux mains de Crozat et qu’ils se soient donc trouvés pour la plupart dans sa vente de 174129. De fait, parmi les nombreux dessins que Mariette avait acquis à cette vente, on en conserve trois sur le montage desquels celui-ci rappela la « stellesque » origine : une sanguine de Raphaël (fig. 5), avec l’inscription « ab haeredibus Jac. Stella Pictoris Regii olim accipiebat D. Pet. Crozat 30 » ; deux feuilles de Jules Romain (études pour deux des tondi de la grotte du palais du Te) avec inscrit sur le montage : « Ex collect. Jacobi Stella, deinde P. Crozat, nunc P. J. Mariette 31 . » Ces trois dessins se trouvaient de nouveau dans le recueil précédemment cité, aux 6e et 10e feuillets32. Quant aux tableaux de Poussin mentionnés dans l’inventaire de 1693, un document inédit relatif à la succession de Jacques Stella nous permet d’ajouter au corpus des œuvres
Fig. 4. Le Parmesan, L’Adoration des mages, plume, lavis, encre brune, 34,2 x 24,5 cm, Francfort, Staedelsches Kunstinstitut (inv. no 402).
provenant avec certitude de Stella deux autres toiles33. Une décharge effectuée par les cinq neveux et nièces de Jacques Stella le 23 août 1658 nous apprend en effet que ceux-ci avaient eu délivrance des « cinq tableaux qu’ilz ont conformement aud. testament [de Jacques Stella34] choisis parmis les tableaux dud. deffunct leur oncle » : Moïse exposé sur les eaux (Oxford, Ashmolean Museum), Le Frappement du rocher (Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage), La Naissance de Bacchus (Cambridge, Fogg Art Museum), trois Poussin commandés par Stella, mais également La Crucifixion, dont une provenance Stella, nous l’avons rappelé, demeurait incertaine et le Saint Pierre et saint Jean guérissant le boiteux, pour lequel on s’accordait à refuser une origine Stella. Ces données nouvelles permettent de supposer que l’essentiel des Poussin mentionnés postérieurement à la mort de Stella dans le cabinet de ses neveux lui ont bien appartenu. Si Félibien assure que Stella rapporta d’Italie un certain nombre de tableaux de « bons maistres », dont deux importants Carrache, s’il est probable que, dès son séjour italien, il ait rassemblé des estampes et des ouvrages nécessaires à son art (on songe aux éditions italiennes du XVIe siècle), tout porte à croire cependant que c’est à Paris principalement qu’il enrichit son cabinet. Les citations d’après les gravures et l’étude de traités d’architecture et de perspective se font, en effet, plus sensibles à compter des années 1640-1650.
27. Recueil Crozat, 1729, t. I, pl. XL, p. 16 (Cordellier et Py, 1992, no 381, p. 270). 28. Sur la collection de dessins de Pierre Crozat, voir Hattori, 1997 (1998) et 2003. 29. La description trop brève des lots ne permet pas un travail systématique de recoupement entre le recueil et les quelques dessins décrits de manière précise dans le catalogue de vente de 1741. 30. « […] qu’avait autrefois recueilli le sieur Pierre Crozat des héritiers de Jacques Stella, peintre du roi. » 31. « […] de la collection Jacques Stella, ensuite Pierre Crozat, à présent Pierre-Jean Mariette. » 32. Voir annexe, nos 212-11 et 212-17 et 18. 33. AN, MC, XLV, 204, 23 août 1658, reproduit ici dans l’annexe « Poussin », p. 260. 34. Précisons que le testament de Jacques Stella déposé chez le notaire Beaufort le 28 avril 1657 (cité par Claudine Bouzonnet Stella, Guiffrey, 1877) est perdu. Les minutes de ce notaire (AN, MC, étude CXIII , conservées pour moitié seulement, sont manquantes pour l’année 1657).
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Ses liens étroits avec François Langlois, l’un des principaux marchands d’estampes de la capitale, ses relations probables avec les grands curieux de dessins et de tableaux, tels François de La Noue, auquel il avait revendu ses deux Carrache, ou bien Everhard Jabach qui avait tenté d’acquérir son précieux dessin de Raphaël, avaient sans doute contribué à un enrichissement régulier de son cabinet.
encore L’Histoire de Vénus et de Cupidon, douze petits tableaux présentés en 1693 dans la salle principale de l’appartement du Louvre, mais « dans une fausse porte derrière la tapisserie » (annexe, nos 10-21). Il faut croire que Stella n’ignorait pas que, pour atteindre le plus haut degré d’excellence, il fallait être à la fois le peintre des Loges du Vatican et celui des fresques de Psyché. La collection réunie par Stella trahit, selon nous, les ambitions d’un peintre manifestement désireux de maîtriser les savoirs nécessaires à l’excellence, l’art des maîtres de la Renaissance, Raphaël en premier lieu, les grands modèles de la statuaire antique, mais aussi les principaux traités utiles à l’art de peinture : architecture, perspective et anatomie. Le cabinet décrit en 1693 fait écho aux méthodes de travail de Stella dont témoignent ses nombreux portefeuilles de dessins mentionnés dans l’inventaire. Les rubriques sont multiples, paysages, études d’après nature, études d’après l’antique, académies, études d’anatomie, études de coiffures, études de motifs ornementaux (vases, frises…). Ces dessins, soigneusement préservés par Antoine et Claudine Bouzonnet Stella, prouvent combien Stella, à la manière de son ami Poussin, ne voulait rien laisser « au hasard ». Toutefois, le cabinet Stella ne saurait se réduire à l’illustration des principes propres aux ambitions universelles de la Renaissance, il traduit, selon nous, une conception de la peinture qui se met alors en place dans la France de Richelieu, et que résume peut-être à lui seul le beau recueil de dessins de grands maîtres. Ce recueil – composé de 112 dessins décrits un à un par Claudine Bouzonnet Stella – n’a jamais fait l’objet d’une étude précise, sans doute parce que les prestigieuses attributions proposées en 1693 (Raphaël, Michel-Ange, Dürer, Léonard…) inclinaient à la plus grande méfiance36. Pourtant, les quatre dessins évoqués plus haut, la sanguine de Raphaël, les deux dessins de Jules Romain ainsi que L’Adoration des mages du Parmesan sont des œuvres dont l’authenticité est certaine. Des identifications récentes confirment de nouveau la qualité des feuilles. Le dessin décrit au 4 e feuillet, une Adoration des rois de Raphaël, est très probablement le dessin aujourd’hui conservé à Stockholm, acquis par Tessin à la vente Crozat, étude pour la prédelle du Couronnement de la Vierge (voir annexe, no 212[5]). De même, deux dessins donnés à Nicolas Poussin, « des femmes qui dancent » et « cinq arbre[s] à la plume » décrits respectivement aux 25 e et 44e feuillets du recueil, ont été identifiés avec certitude : il s’agit de nouveau d’authentiques Poussin37. On peut également, pour cinq autres dessins, suggérer des identifications, qui confirment à chaque fois la haute qualité de cet ensemble (annexe, no 212 [2, 3, 7, 8, 9, 29]). Aussi ce recueil, qui fut constitué selon nous dans son entier par Jacques Stella, ne contient-il que des feuilles sélectionnées avec soin, à la mesure de la portée théorique que le peintre
Le cabinet, miroir du peintre Les quelques livres de dévotion, mentionnés en 1693, notamment l’œuvre de saint François de Sales et les ouvrages de son disciple, l’abbé Camus, peuvent offrir un intéressant contrepoint pour comprendre l’œuvre religieux de Stella. Car sa peinture, où règnent paix et amour, grâce et simplicité, n’est pas sans répondre à la pensée salésienne, attachée à défendre les principes de la charité et de l’amour de Dieu. Toutefois, l’archaïsme charmant des iconographies inventées par Stella (avec ces bassines, ces écuelles, et autres éléments du quotidien domestique, que le peintre se plaît à multiplier dans ses compositions sacrées) tient autant de l’expression d’une pensée religieuse sensible à l’humanité du Christ, qu’à une culture artistique formée au contact de la gravure du e XVI siècle. De fait, la piété notoire de Stella ne doit pas faire oublier les ambitions d’un peintre qui s’intéressa aussi bien à la Vierge, « la plus amante, et la plus aimée de toutes les créatures35 », qu’à la déesse Vénus, dont la beauté déchaîna les passions amoureuses sur le mont Olympe. En témoignent les tableaux de maîtres décrits en 1693, dont certains ne pouvaient que heurter l’âme sensible des dévots. De Poussin, par exemple, Stella ne tenait pas seulement le Saint Pierre et saint Jean guérissant le boiteux ; il posséda très probablement l’impudique Bain de femmes qu’avait peint Poussin en 1633-1634 pour le maréchal de Créqui (annexe, no 209 ; fig. VII. 2). À son retour d’Italie, si Stella ramena probablement les deux petits portraits de saint Philippe Neri et du bienheureux Félix de Cantalice (mentionnés dans l’inventaire de 1693, annexe, n os 89-90), il s’en revint aussi avec deux célèbres Carrache, d’esprit tout différent… (fig. 1). De même, en 1693, on trouve parmi les tableaux une Tête de Christ de Bellini, un Saint François du Guide, un Christ au jardin des Oliviers du Corrège, mais encore une Vénus et Vulcain de Raphaël, ainsi qu’un précieux Carrache que la décence avait demandé de recouvrir d’un « petit rideau » : Vénus, Cupidon et un Satire qui lui soutient la jambe (annexe, no 159). Ce double registre, sacré/profane, répond aux principales séries réalisées par Stella, La Passion du Christ, La Vie de la Vierge, mais 35. Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, 1616, oraison dédicatoire. 36. Il est à regretter que les descriptions, généralement sommaires, ne permettent pas un travail systématique d’identification. 37. Voir annexe, nos 212-54 et 212-98.
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Carrache. Se succèdent, au gré des 52 feuillets du recueil, les grands noms de la peinture, dessinant chemin faisant une véritable anthologie de l’histoire de l’art. Si le recueil s’ouvre par un autoportrait de Dürer, l’un des grands peintres théoriciens de la Renaissance, auquel on doit un traité sur les proportions du corps humain (l’inventaire ne mentionne pas moins de trois exemplaires de ce traité), s’il illustre l’art de Rubens et de Van Dyck avec deux dessins, c’est de loin les grands noms de la Renaissance italienne qu’il impose comme modèles. Les peintres cités sont nombreux : de Raphaël à Vasari, de Michel-Ange à Titien, de Mantegna à Léonard, en passant par le Corrège, Jules Romain, Andrea del Sarto, Baccio Bandinelli, Piro Ligorio, Polidoro da Caravaggio, etc. La présentation des dessins dans le recueil nous paraît suivre, sans être systématique, un triple mode de classement, à la fois thématique (compositions religieuses et profanes, études de nus, études d’après l’antique, paysages), stylistique (les numéros 212(70-87) regroupent les maniéristes et les représentants de la couleur) et chronologique : Raphaël tout d’abord, figure dominante du recueil avec Jules Romain son élève, Annibal Carrache ensuite, le chef de file de l’école bolonaise, et son élève Guido Reni, enfin Nicolas Poussin, le peintre contemporain le mieux représenté de tout le recueil. Cette triade Raphaël-Carrache-Poussin ne traduit pas seulement la pensée « classique » de l’histoire de la peinture, qui se forme alors dans les cercles érudits de Paris, particulièrement autour des frères Fréart, elle reflète aussi une conception du développement des arts fondée sur le dessin, dont Vasari un siècle plus tôt avait jeté les bases. Ce recueil semble réaffirmer le dessin comme exercice fondamental auquel tout artiste doit se livrer pour son perfectionnement, mais également comme concept déterminant du progrès de la peinture. L’Autoportrait de Dürer, le peintre théoricien, qui ouvre cette anthologie, les deux dessins qui la ferment, La Déposition de Jean Stella (p. 258, fig. 1), le grand-père de Jacques, suivi d’un dessin de Stella lui-même, le seul du recueil, inscrivent le Pictor Lugdunensis à la fois dans la grande histoire de la peinture, mais aussi dans celle de sa propre lignée familiale38. Aussi, le cabinet Stella, avec ses tableaux, ses estampes, ses dessins et ses livres, constitue moins une collection d’amateur à proprement parler qu’un « laboratoire de connaissance », diffusant une pédagogie des arts à la manière des Académies italiennes. En ce sens, Stella ne fut pas seulement l’un des principaux « peintres collectionneurs » de son temps, il fut aussi, en « peintre parfait », l’un des tout premiers promoteurs en France d’une « école » idéale des arts, fondée sur la science du dessin, l’étude conjointe de la nature et de l’antique, et la vénération des grands maîtres, de Raphaël à Nicolas Poussin
Fig. 5. Raphaël, étude pour la Grande sainte Famille François Ier, sanguine, 17,3 x 11,9 cm, musée du Louvre, département des Arts graphiques.
semble avoir accordée à l’art du dessin. On y trouve représentés les principaux champs d’étude qu’un artiste se doit de cultiver (portraits, paysages, académies, motifs d’après nature et copies d’après l’antique) ; on y trouve évoquées également les plus célèbres réalisations de la Renaissance : les Loges de Raphaël au Vatican, les décors de Jules Romain au palais du Te à Mantoue, la Bataille de Cascina de Michel-Ange, la fresque du Jugement dernier de la chapelle Sixtine, la Descente de croix de Daniele da Volterra, ou encore la galerie Farnèse d’Annibal 38. Son portrait, vu en buste, tenant un dessin à la main (cat. 2), est de nouveau l’affirmation de la valeur du « disegno » comme fondement de son art, comme il se fait aussi l’écho du portrait gravé de Dürer, illustrée dans le Theatrum Honoris de Hendrik Hondius (1618), autre ouvrage décrit dans la bibliothèque en 1693 (annexe nº 309).
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Fabienne Albert-Bertin
Regards sur les premières années de création de Stella à Florence
Le séjour de Jacques Stella est mentionné pour la première fois en 1688 par André Félibien (1619-1695). Il explique qu’« il [Stella] alla en Italie à l’âge de vingt ans. Comme il passoit à Florence, lors que le Grand Duc Cosme de Medicis faisoit faire un superbe appareil pour les nopces de son fils Ferdinand II. ce luy fut une occasion de se faire connoistre du Grand Duc, qui lui donna un logement & une pension pareille à celle de Jacques Callot qui estoit aussi alors à Florence, où Stella fit plusieurs ouvrages. Entr’autres il dessina la Fête que les Chevaliers de Saint Jean font le jour de Saint Jean Baptiste, laquelle il grava ensuite, & la dédia à Ferdinand II. en l’année 1621. Aprés avoir demeuré quatre ans à Florence, il alla à Rome en 16231 ». Dans sa notice Félibien sous-entend que Stella occupa un rôle important au sein de la cour, et ce dès son arrivée à Florence. Cela peut paraître surprenant, puisque nous n’avons aucune indication relative à son apprentissage et à ses éventuelles réalisations avant son départ pour l’Italie et que son séjour dans la cité des Médicis est peu renseigné par des sources écrites. Cependant, les œuvres connues – presque toutes réunies ici – conduisent à dater son séjour entre 16171619 et 1621. Par ailleurs, la maîtrise de l’art de la gravure par Stella dans la Cérémonie de la présentation des Tributs… (cat. 6) permet de formuler des hypothèses sur ses liens avec le milieu artistique florentin.
Fig. 1. Jacques Stella, Chevet du dôme de Florence, 1620, non localisé.
Cependant, Stella fut très certainement influencé par d’autres artistes alors présents à Florence, comme en témoignent le réalisme et la précision de l’ensemble des dessins et gravures alors réalisés (cat. 6, 7, 9 à 11). Le dessin du Buveur assis à une table 3, ainsi que celui du Chevet du dôme de Florence (fig. 1) 4, dont les localisations restent malheureusement inconnues, accentuent ce sentiment.
Le rapprochement avec l’art de Jacques Callot est le plus flagrant et nous avait amenée à conclure que Stella avait pu faire partie de l’atelier de l’artiste nancéien, en qualité d’apprenti, voire de collaborateur 2.
Le milieu artistique florentin est marqué en ce début de e XVII siècle par les nombreux artistes au service du grand-duc Côme II qui tente de perpétuer la tradition de mécénat de ses prédécesseurs. La présence d’Antonio Tempesta (v. 15551630), graveur de grand renom et à la production abondante, exerce sans conteste une influence sur l’ensemble de la communauté artistique. En outre, deux artistes en charge de l’invention et de la réalisation des diverses cérémonies et fêtes officielles sont à la cour depuis 1608 environ : Giulio Parigi (v. 1571-1635), peintre décorateur et architecte et son collaborateur le graveur Remigio Cantagallina (v. 1582-1656). Faste et grandeur sont les maîtres mots de ces réjouissances et leurs gravures montrent une grande précision dans leur rendu. Le travail de ces artistes témoigne également du vedutismo, art résidant
1 Félibien, 1688, 1725, p. 266. Comme nous l’avons mentionné (Albert-Bertin, 2003), Félibien introduit des erreurs dans son texte. Les noces évoquées sont en fait celles de Caterina di Medici, sœur de Côme II, avec Ferdinand de Gonzague, duc de Mantoue, célébrées le 5 février 1617. À cette occasion, un spectacle fut créé et Jacques Callot réalisa trois gravures illustrant les intermèdes de cette pièce de théâtre. Il y a donc confusion entre les deux artistes, rien ne permettant à ce jour de penser que Stella put prendre part à la réalisation de ces œuvres. 2 Bertin, 1996 et Albert-Bertin, 2003. 3 Dessin à la plume, signé et daté de 1619 ; dans la collection Ph. de Chennevières-Pointel au XIXe siècle. Il passa en vente à l’hôtel Drouot le 13 avril 1985 (no 118, repr.). 4 Dessin à la plume avec rehauts de lavis, signé et daté de 1620, il est cité par Byam Shaw en 1959 (p. 178, fig. 5) et semble faire partie d’un carnet de vues, cité par Claudine Bouzonnet Stella (1636-1697) comme étant de la main de son oncle (Guiffret 1877, p. 54, no 10 ; annexe 219).
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Fig. 2. Jacques Callot, La Foire d’Impruneta, 1620.
dans la description naturaliste des villes et campagnes, très prisé à cette époque. On retrouve ces mêmes desseins dans l’ensemble du travail de Jacques Callot, appelé à la cour par Côme II dès 1612. Graveur attitré entre 1614 et 1621, Callot réalise de nombreuses œuvres figurant les fêtes et événements de la vie florentine, mais aussi des scènes de la vie courante plus amusées voire caricaturales, destinées selon certains à divertir Côme II, malade. Aux côtés de Callot, on trouve également le nom du peintre Filippo Napoletano (v. 1587-1629) dont l’arrivée à la cour a lieu en 1617. Enfin, la venue de Cornelis van Pœlenburgh (v. 1594-1664) en 1617, artiste réalisant des peintures précieuses sur cuivre et sur pierre dure, puis celle de Giusto Sustermans (15971681) en 1620 renforcent le développement d’un art nordique, réaliste à tendance naturaliste.
Des liens de Stella avec ce milieu artistique peuvent être établis dans les différentes œuvres présentées ici, et plus particulièrement dans la grande gravure de la Cérémonie de 1621, qui révèle ce goût pour la transcription des événements liés à la vie de cour. Callot fit d’ailleurs un dessin préparatoire représentant une Vue de la place de la Seigneurie à Florence 5 où sont ébauchés divers spectateurs, dont certains sont assis sur le toit occupé par Stella dans sa gravure. De même, la précision de cette dernière, tout comme le dessin de La Foire de Prato (cat. 7) ne sont pas sans rappeler la célèbre gravure La Foire d’Impruneta réalisée par Callot en 1620 (fig. 2), sujet repris par Napoletano dans une peinture de la même époque6. Peut-on remonter plus haut que le séjour florentin et évoquer le milieu lyonnais de son apprentissage, même si aucun document précis n’est connu à ce jour ? On sait que Jacques Stella grandit incontestablement dans le milieu des peintres et peintres graveurs les plus en vue de l’époque. En effet, son père, François I Stella (1563-1605), domicilié place de Confort (fig. 3), fut l’un des peintres reconnus de la ville – il est maître du métier des peintres en 1602, travaillant à la fois pour le Consulat lors des cérémonies et entrées officielles (il est co-« conducteur » de l’entrée royale de 1600) et pour les institutions religieuses7. Son père
5 Pierre noire, plume et lavis brun, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum (HZ 1718, T. 17). 6 Florence, palais Pitti (Inv. Ogg. d’arte, no 776). 7 Concernant François I Stella, voir Chomer, 1987 et Bertin, 1998.
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Fig. 3. François I Stella, Vue de la place de Confort à Lyon, n. d., plume et lavis, Oxford, Ashmolean Museum.
étant mort du temps de son enfance, on peut supposer que Jacques Vandermère (actif à Lyon entre 1592 et 1625), parrain de l’enfant et issu d’une famille de peintres importants de la ville, prit alors en charge son éducation artistique8. On peut également citer dans l’entourage probable de la famille Stella un autre artiste majeur : le maître peintre, graveur et architecte Jean I Perrissin (actif entre 1561 et 1617). Il travailla en collaboration avec le père de Stella à de nombreuses entrées et cérémonies officielles et fut nommé six fois maître du métier des peintres entre 1581 et 1611. Sa mort, située entre 1616 et 1617, provoqua peut-être le départ de Jacques pour l’Italie. Parmi les peintres reconnus de Lyon, se trou-
vent aussi Christophe de La Haye (1572-1621), fils du célèbre peintre Corneille de Lyon, ou encore Jacques Maury (actif entre 1574 et 1676) qui épousera en 1619 la mère de Stella9. Ces différents artistes que le jeune Stella put connaître pendant son enfance travaillaient entre autres dans le domaine des fêtes et cérémonies, ce qui pourrait expliquer pourquoi Jacques Stella, en arrivant à Florence, se lia à ce même milieu. Enfin, il ne faut pas omettre de citer la présence à Lyon à partir de 1610 d’Horace Le Blanc (?-1637), de retour d’Italie et qui devient par la volonté du Consulat le peintre officiel de la ville. Tous ces éléments concourent à cerner le jeune Jacques Stella intégré à un milieu de peintres graveurs, fortement impliqué dans l’invention et la réalisation de fêtes et cérémonies officielles. Ce qui semble être sa première étape en Italie lui permettra d’approfondir son apprentissage d’un dessin précis et réaliste au service d’une maîtrise dans l’art de la gravure
8 Notons que la famille de Jacques Stella, tout comme la famille Vandermère (fig. 3), habitait le quartier de la place de Confort à Lyon, dans lequel libraires et imprimeurs étaient particulièrement présents : ceci pourrait également éclairer le lien du jeune Stella avec l’art de la gravure. 9 Pour plus de précisions sur le milieu artistique lyonnais entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, se reporter à Bertin, 1998.
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Anne-Laure Collomb
Jacques Stella et la peinture sur pierre1
La tradition historiographique, inaugurée par Giorgio Vasari, fait remonter au début des années 1530 l’emploi de la peinture sur pierre en Italie et l’associe au nom du peintre Sebastiano del Piombo. Le 8 juin 1530, le patricien vénitien Vittorio Soranzo relate : « Vous devez savoir que Sébastien notre Vénitien a trouvé un merveilleux secret pour peindre à l’huile sur marbre, qui rend la peinture presque éternelle. Les couleurs, à peine sèches, se fondent dans le marbre de façon presque pétrifiée. Il a fait beaucoup d’essais et c’est effectivement durable2. » Et Vasari d’ajouter que « Sebastiano avait initié une nouvelle façon de peindre la pierre, nouveauté qui plaisait beaucoup au peuple parce qu’elle semblait devoir être éternelle 3 ». Malgré ces affirmations, de nombreuses expérimentations ont précédé celles de Sebastiano del Piombo. Au début du XVIe siècle, les artistes, poussés par le désir de transposer sur de grandes surfaces les effets picturaux obtenus avec la peinture à l’huile, se lancent
dans diverses recherches. La technique de la fresque ne peut contenter un artiste comme Léonard de Vinci. Il décide d’en expérimenter de nouvelles pour rivaliser avec celles des Anciens, l’encaustique en particulier. Il utilise par exemple la tempera à l’huile pour la Bataille d’Anghiari ou La Cène, mais sans grand succès. Raphaël projette d’employer l’huile pour l’une des peintures murales du Vatican mais sa mort (1520) laisse cette réalisation inachevée. Sebastiano del Piombo, vraisemblablement pour concurrencer Raphaël, exécute également de grands tableaux d’autel sur pierre telle La Naissance de la Vierge peinte à l’huile sur péperin dans l’église de Santa Maria del Popolo4. Toutefois, il exécute aussi des tableaux de chevalet sur pierre. Ses portraits comme Giulia Gonzaga 5 ou Clément VII 6 et ses tableaux religieux tels le Christ porte-croix 7, tous peints sur ardoise, connaissent un succès notable. Ils engendrent une diffusion de cette technique sur l’ensemble du territoire italien : Rome, Florence, Gênes, Vérone ou Milan deviennent des centres de production de première importance. Il est nécessaire de comprendre l’engouement porté à la peinture sur pierre avant d’aborder la production de Jacques Stella.
1 Pour la peinture sur pierre, voir Chiarini, 1970, p. 29-37 ; Chiarini, Pampaloni et Maetzke, cat. exp., 1970, Florence ; Chiarini et Acidini Luchinat, cat. exp., 2000, Florence ; Bona Castellotti, cat. exp., 2000, Milan ; Collomb, 2003, p. 111-120 ; Collomb, 2006. 2 « Dovete sapere che Sebastianello nostro Venetiano ha trovato un segreto di pingere in marmo a olio bellissimo, il quale farà la pittura poco meno che eterna. I colori subito che sono asciutti, si uniscono col marmo di maniera quasi impietriscono, e ha fatto ogni prova e è durevole », Bembo, 1560, p. 110. La lettre a été publiée par Chiarini, 1970, p. 29. 3 « Aveva cominciato un nuovo modo di colorire in pietra : la qual novità piaceva molto a’popoli, considerando che tali pitture diventassero eterne… », Vasari, 1550, p. 899. 4 Sebastiano del Piombo, La Naissance de la Vierge, huile sur péperin, 560 x 350 cm, Rome, Santa Maria del Popolo. 5 Les tableaux de Giulia Gonzaga n’ont pas été retrouvés. Toutefois, l’inventaire de Sebastiano del Piombo, dressé en 1547, fait état d’un portrait sur pierre de Giulia Gonzaga. Voir notamment M. Hirst, Sebastiano del Piombo, Oxford, 1981, p. 155. 6 Sebastiano del Piombo, Clément VII, huile sur ardoise, 50 x 47 cm, Naples, Museo di Capodimonte, inv. 141 ; Sebastiano del Piombo, Clément VII, huile sur ardoise, 105,5 x 87,5 cm, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, inv. 92 PC. 25. 7 Sebastiano del Piombo, Christ porte-croix, huile sur ardoise, 105 x 74,5 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. 17 ; Sebastiano del Piombo, Christ porte-croix, huile sur ardoise, 43 x 32 cm, Madrid, musée national du Prado, inv. 348 ; Sebastiano del Piombo, Christ porte-croix, huile sur ardoise, 155 x 118 cm, Budapest, Szépmüvészeti Muzeum, inv. 77.1. 8 Francesco Rosi dit Salviati, attribué à, Portrait d’un sculpteur, huile sur ardoise, 68 x 52 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 837-1-81 ; Francesco Salviati, attribué à, Portrait d’un homme, huile sur ardoise ovale (dimensions inconnues), Angleterre, coll. part. 9 Leonardo Grazia dit da Pistoia, Cléopâtre, huile sur ardoise, 55 x 43 cm, Rome, Galleria Borghese, inv. 75 ; Leonardo Grazia, attribué à, Cléopâtre, huile sur ardoise, 82,2 x 53,5 cm, Troyes, musée des Beaux-Arts, inv. 879.2.6 ; Leonardo Grazia, Lucrèce, huile sur ardoise, 81 x 56 cm, Rome, Galleria Borghese, inv. 62. 10 Daniele Ricciarelli dit da Volterra, David tuant Goliath, huile sur ardoise, 133 x 177 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 566. 11 Daniele Ricciarelli dit da Volterra, Portrait de jeune homme, huile sur ardoise, dimensions, Naples, Museo di Capodimonte, inv. Q. 752.
Dans un premier temps, l’invention de Sebastiano del Piombo paraissait garantir la conservation des œuvres et semblait répondre au débat sur le parallèle des arts et la suprématie de la sculpture ou de la peinture. Tout comme la sculpture, la peinture sur pierre offrait l’avantage de se conserver plus longtemps que les œuvres exécutées sur des supports traditionnels comme le bois ou la toile. Entre 1530 et 1560, à Rome, les premières expérimentations se font sur des supports uniformes comme l’ardoise ou le marbre. De nombreux artistes toscans participent à cette production. Francesco Salviati, à Rome en 1531, répond à de nombreuses commandes. Dans les années 1540-1550, il peint au moins trois portraits sur pierre, dont deux, Portrait d’un sculpteur et Portrait d’un homme 8, exécutés sur ardoise, s’inscrivent dans la démarche de Sebastiano del Piombo. Leonardo Grazia da Pistoia, actif à Rome et Naples entre 1530 et 1540, peint une quantité importante de représentations de Lucrèce ou de Cléopâtre sur ardoise9. Les recherches de Daniele da Volterra dont on connaît deux peintures sur ardoise, un David tuant Goliath, biface10, et un Portrait de jeune homme 11, ainsi que celles 28
Marcantonio Bassetti, Pasquale Ottino ou Pietro Bernardi qui, toutefois, infléchissent la leçon vénitienne en l’associant aux exemples romains. Parallèlement, dans ces mêmes années 1580, l’emploi de divers supports comme l’albâtre, l’agate, le lapis-lazuli, la pierre paysagère ou le jaspe, invite les artistes à des considérations tout autres. Ces pierres proposent de multiples images dues aux caprices de la nature et les peintres se servent de ces motifs en fondant création naturelle et artistique. La peinture sur pierre imagée, exemple de connivence entre l’art et la nature, trouve sa place dans les cabinets de curiosités ; elle est aussi appréciée, pour son raffinement et sa préciosité, par les ecclésiastiques. Durant les années 1580-1650, les artistes présents à Rome et Florence développent cette production. Antonio Tempesta participe à sa diffusion. Dès les années 1580-1590, les nombreuses peintures sur pierre représentant des scènes de chasse, de bataille ou du Passage de la mer Rouge, démontrent une ingénieuse utilisation du support. Ainsi, sur certains marbres ou albâtres, l’artiste exploite les arborescences dues à la sécrétion de fer ou de manganèse pour camper ses scènes au milieu de motifs végétaux comme des arbres ou des buissons. La pierre paysagère, constituée de strates de calcaire et d’argile, variant de couleur selon l’oxydation de fer, propose différents motifs en fonction de sa coupe : elle peut évoquer soit un paysage rupestre avec des lignes verticales dessinant des palais, des maisons, des grottes, soit un paysage marin avec des lignes horizontales, évoquant la mer. Quelle que soit la représentation, Vue du château SaintAnge, Prise de Jérusalem ou Passage de la mer Rouge 14, il profite amplement des possibilités offertes par cette pierre et obtient des commandes importantes. Son nom apparaît dans toutes les grandes collections comme celles de Francesco Barberini, de Scipione Borghese ou de Rodolphe II. Et il n’est certes pas le seul à s’adonner à cette pratique. Ainsi, dès les années 1590, Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d’Arpin, exécute un même motif, Persée délivre Andromède 15, sur ardoise ou lapislazuli, qui suscite l’intérêt de collectionneurs comme le duc de Mantoue, Ferdinando Gonzaga16. Qu’il s’agisse d’Antoine Carrache ou de Pierre de Cortone, tous s’adonnent à cette pratique ; et les mentions de cette technique dans les traités du XVIIe siècle confirment un engouement général. Jacques Stella lui-même la découvrira à Florence, centre qui n’est pas resté en marge de cette production.
Fig. 1. Jacques Stella, L’Assomption de la Vierge entourée d’anges, collégiale de Pastrana.
de Jacopino del Conte, auteur de trois portraits sur ardoise12, s’inscrivent dans ces considérations. Progressivement, on découvre qu’outre sa pérennité, la peinture sur pierre permet de varier les représentations : les fonds noirs de l’ardoise ou de la pierre de touche offrent la possibilité d’élaborer des clairs-obscurs plus denses tandis que les marbres, les agates ou les pierres imagées fournissent à l’artiste de nouvelles possibilités de création. Dès les années 1570-1580, les Bassano emploient des pierres de touche (marbre extrait dans la région de Vérone) et instaurent une nouvelle production de thèmes religieux comme la Déposition13, traitée en série avec des touches de couleur d’une grande vivacité. Ces solutions sont alors reprises et diffusées, à partir des années 1580, par les peintres véronais comme Alessandro Turchi dit l’Orbetto, 12 Jacopino del Conte, Portrait de Giulia Gonzaga, huile sur ardoise, 112 x 79 cm, anciennement à Rome, Galleria Borghese, inv. 79 (œuvre détruite) ; Jacopino del Conte, attribué à, Portrait de Giulia Gonzaga, huile sur ardoise, 110 x 86 cm, Wiesbaden, Museum Wiesbaden, inv. M 903 ; Jacopino del Conte, Portrait de Vittoria Farnese ?, huile sur ardoise, 106 x 78 cm, Rome, Galleria Borghese, inv. 100. 13 Jacopo Ponte dit Bassano, attribué à, Déposition, huile sur ardoise, 31 x 24 cm, Londres, coll. marquis de Lansdowne ; Francesco Ponte dit Bassano ?, Déposition, huile sur ardoise, 40 x 32 cm, Madrid, musée national du Prado, inv. 2633. 14 Antonio Tempesta, Vue du château Saint-Ange, huile sur pietra paesina, 17 x 19 cm, Vatican, Museo Vaticano, inv. 40 839 ; Antonio Tempesta, Prise de Jérusalem, huile sur pietra paesina, 23,5 x 37,5 cm, Rome, Galleria Borghese, inv. 520 ; Antonio Tempesta, Passage de la mer Rouge, huile sur pietra paesina, 15 x 32,5 cm, Rome, Galleria Borghese, inv. 501 ; Antonio Tempesta, Passage de la mer Rouge, huile sur marbre, 40 x 53 cm, Rome, Galleria Doria Pamphili, inv. 287 ; Antonio Tempesta, Passage de la mer Rouge, huile sur agate ovale, 38 x 55,8 cm, Budapest, Szépmüvészeti Muzeum, inv. 7179 ; Antonio Tempesta, Passage de la mer Rouge, huile sur albâtre, 40 x 53 cm, Madrid, Monasterio de la Encarnacion ; Antonio Tempesta, Passage de la mer Rouge, huile sur albâtre, 90 x 70 cm, Milan, coll. part. 15 Giuseppe Cesari dit le Cavalier d’Arpin, Persée délivre Andromède, huile sur lapis-lazuli, 22,5 x 15,5 cm, Saint Louis, Saint Louis Art Museum ; Giuseppe Cesari, Persée délivre Andromède, huile sur ardoise, 68,5 x 51,5 cm, Providence, Museum of Art, inv. 57.147 ; Giuseppe Cesari, Persée délivre Andromède, huile sur ardoise, 52 x 38,5 cm, Berlin, Gemäldegalerie, inv. KFMV. 282 ; Giuseppe Cesari, Persée délivre Andromède, huile sur ardoise, 52 x 38,5 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. 137. 16 Inventaire publié par Alessandro Luzio, 1913, p. 119.
Dès les années 1540, Giorgio Vasari introduit cette technique à la cour des Médicis. En 1563, sous le règne de Cosme Ier, il propose de compléter la décoration du Salone dei Cinquecento au palazzo Vecchio, par quatre tableaux exécutés sur ardoise. L’intérêt porté aux pierres et plus généralement aux matériaux précieux se poursuit sous les règnes des Médicis. François Ier commande pour le palazzo Vecchio un cabinet, le Studiolo, qui comporte, entre autres, des peintures sur cuivre 29
et sur ardoise. Puis, Ferdinand Ier insuffle une nouvelle dynamique en créant, en 1588, l’Opificio delle Pietre Dure. Cette manufacture, ayant pour mission de promouvoir les objets manufacturés en pierre dure tels les commessi 17, eut un rôle déterminant dans l’essor de la peinture sur pierre. Cependant, le règne de Cosme II marque une véritable transition dans cet emploi : sa cour devient un des lieux de création les plus importants de la peinture sur pierre. Dès 1619, les archives contiennent de multiples paiements pour des œuvres exécutées sur pierre et en 1624, la Villa Imperiale compte quarante-trois peintures sur pierre18. La plupart sont exécutées sur pierre paysagère et dans cette spécialité un nom revient de manière récurrente, celui de Filippo d’Angeli ou de Liagnio, dit Napoletano. Napolitain installé à Florence en 1617, il devient le peintre privilégié du grand-duc dont il reçoit de multiples commandes. Dès 1619, il livre des tableaux peints sur pierre paysagère. Les inventaires de 1620 et 1624 font état d’une quantité importante de tableaux de cet artiste. Dans un même temps de nombreux peintres tels Ludovico Cigoli, Francesco Ligozzi, Giovanni Bilivert ou Jacopo Ligozzi s’adonnent à cette technique et Jacques Stella, séjournant à Florence entre 1616 et 1622-1623, dut certainement prendre part à ces travaux, bien qu’aucune œuvre de cette période n’ait été retrouvée. Il faut attendre son installation à Rome pour discerner une production considérable et variée. En effet, Jacques Stella obtient rapidement la considération et la
protection des dignitaires pour ses peintures sur supports semi-précieux. Qu’il s’agisse de l’Assomption de la Vierge dans une gloire d’anges sur albâtre (fig. 1)19, exécutée en 1624 et donnée avant 1626 par Urbain VIII au duc de Pastrana, de la scène de l’Annonciation peinte sur lapis-lazuli en 1631 (cat. 39)20, des compositions de Joseph et la femme de Putiphar (fig. IV.1) et de Suzanne et les vieillards sur marbre (fig. IV.2)21, du Christ ressuscité apparaissant à sa mère sur albâtre (cat. 80 ; fig. 2) ou du Songe de Jacob sur onyx (cat. 28)22, tous révèlent une parfaite maîtrise de cette technique. Dans cette dernière œuvre, par exemple, le peintre surligne certaines veines blanches par une touche de jaune et la transparence du glacis, dans quelques parties, laisse apparaître le gris clair de la pierre. Beauté, finesse et dextérité se mêlent et expliquent la célébrité acquise par l’artiste dans cette spécialité. Jacques Stella peint sur pierre durant toute sa carrière et privilégie, dans un premier temps, les supports semi-précieux comme le lapis-lazuli qui confèrent à l’œuvre un caractère précieux, d’où la mention, en 1634, dans les inventaires Barberini de deux tableaux, une Annonciation et une Sainte 23, sur lapislazuli ; et de la représentation, en 1642, du Triomphe de Louis XIII sur les ennemis de la religion (cat. 78)24 peinte sur ce même support. Puis, dès les années 1630, il multiplie les représentations de Sainte Famille sur marbre ou ardoise et propose un nouvel usage du support ; il se démarque effectivement des expériences précédentes en introduisant une nouveauté, mentionnée par André Félibien : « Il fit plusieurs tableaux sur de la pierre de parangon, et y peignoit des rideaux d’or par un secret qu’il avoit inventé25. » Un grand nombre de tableaux présentent cette spécificité dont la Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste 26, à Florence au palazzo Pitti (cat. 61), fermée sur un des côtés par un « rideau d’or ». En France, Jacques Stella poursuit cette pratique et répond vraisemblablement aux commandes de la noblesse française, qui, comme les prélats italiens, se passionne pour la peinture sur pierre. Ainsi, l’inventaire des biens de sa nièce, Claudine Bouzonnet Stella, révèle de nombreuses peintures exécutées sur des supports variés comme la pierre paysagère, le jaspe, l’albâtre ou la calcédoine27.
17 Mosaïques de pierres dures. 18 A.S.F., Guardaroba Medicea, 479, Inventario della reale Villa Imperiale, 17 mars 1624. 19 Jacques Stella, Assomption de la Vierge dans une gloire d’anges, huile sur albâtre, 98 x 91 cm, s. d. Jaq. Stella… 1624, donnée à la collégiale de Pastrana (Guadalajara) par le duc de Pastrana en 1635. Voir Torres-Peralta Garcia, 1983, p. 377-379. 20 Jacques Stella, Annonciation, huile sur lapis-lazuli collé sur ardoise, 12,8 x 11,4 cm, Pavie, Museo Civico del Castello Visconteo, inv. 867. 21 Jacques Stella, Joseph et la femme de Putiphar, huile sur marbre, 25 x 35,5 cm, s. d. au dos Jacobus Stella lugdunensis fecit / romae 1631, New York, coll. part. Jacques Stella, Suzanne et les vieillards, huile sur marbre, 25 x 35,5 cm, s. d. au dos Jacobus Stella lugdunensis fecit / romae 1631, New York, coll. part. Voir Rosenberg, 1982, t. XVII, nos 98 et 99. 22 Jacques Stella, Le Songe de Jacob, huile sur onyx, 22,5 x 33 cm, Los Angeles, Los Angeles Museum, inv. AC 1996.231.1. Jacques Stella, Le Songe de Jacob (cat. 5), eau-forte, 9,3 x 13,9 cm, s. d. jacq. Stella fecit 1620, Florence, Galerie des Offices, inv. 8344 st. sc. 23 III. Lib. Ric. C. 33-35. 90v., publié par Lavin Aronberg, 1975, p. 41. IV.LMC. 36-44, 118v., publié par Lavin Aronberg, 1975, p. 11. 24 Jacques Stella, Le Triomphe de Louis XIII sur les ennemis de la religion (cat. 78), huile sur lapis-lazuli, 26,5 x 34,5 cm, sur le timon du fleuve Jacobus Stella Gallus / 164 (illisible), Versailles, musée national du château, inv. MV 6124. 25 Félibien, 1690, t. II, p. 653. 26 Jacques Stella, Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste (cat. 61), huile sur marbre noir, 22,5 x 18,2 cm, Florence, Galleria Palatina, inv. 1890, no 7894. 27 Guiffrey, 1877, p. 1-112. 28 Scudéry, éd. 1991, p. 190.
Jacques Stella, comme ces prédécesseurs italiens, a atteint une célébrité en exploitant la richesse de différents supports. Aussi n’est-il pas anodin de constater que l’ouvrage de Georges de Scudery, Le Cabinet de monsieur de Scudery, rédigé en 1646, composé sur le modèle des écrits de Marino – et promouvant un « cabinet idéal » –, décrit un « portrait de Madame la Marquise de Montausier peinte sur marbre en habillement de Pallas » de Jacques Stella28. La peinture sur pierre apparaît donc comme un objet de prestige qu’il convient de posséder. Jacques Stella s’affirme autant dans le domaine des tableaux d’autel ou d’histoire que dans celui de la peinture sur pierre, technique qui se situe entre la peinture et la curiosité 30
Fig. 2. Jacques Stella, Le Christ ressuscité apparaissant à sa mère (cat. 80), détail.
Agate : appartient au groupe des quartz cristallins. Constituée de calcédoine et d’opale, elle est multicolore et présente d’infinies variétés de coloris (bleus, gris, verts) avec des dominantes de gris et de blanc. Les agates ont une texture fine caractéristique, faite d’une alternance de lignes parallèles ou concentriques qui sont dues à une cristallisation cyclique. Chaque couche de l’agate présente une couleur différente qui varie en fonction de sa porosité, de son contenu en eau et de son degré de cristallisation. Albâtre : le nom albâtre est utilisé dans le langage courant pour mentionner des roches compactes à grains fins, des concrétions calcaires et parfois des calcaires fins. L’albâtre microcristallin, semi-transparent, est trouvé dans les roches sédimentaires. De couleur blanche pouvant également contenir des endroits rosés, rougeâtres ou verdâtres, il comporte quelquefois des veines et autres motifs. Les albâtres dits orientaux ont soulevé un vif intérêt chez les artistes pour leurs motifs : l’albâtre cotognino présente un aspect semi-transparent d’un blanc tendre légèrement jaunâtre et similaire à la couleur du cognassier, l’albâtre à nuage propose des taches jaunes et rousses et enfin l’albâtre fleuri comporte un fond jaune ou rosâtre sur lequel on peut voir des taches de tonalités diverses de jaune, brun ou rouge. Améthyste : variété macrocristalline violette du groupe du quartz, elle propose une gamme chromatique variant du pourpre au violet avec la présence de blanc ou de jaune. Extraite essentiellement en Syrie, en Grèce ou en Inde. Anselme de Boece, médecin de Rodolphe II, signale, en 1609, des gisements en Bohème et le chanoine Leonardo Orlandini fait état d’améthystes trouvées en Sicile.
Ardoise : selon la définition donnée par Frédéric Harvey Pough, elle correspond à la « première étape de l’évolution de l’argile en mica. Des petits feuillets de mica apparaissent le long de nouvelles surfaces de clivages et donnent alors à l’argile durcie son éclat ». La lavagna, extraite dans le Génois et amplement employée en peinture, est une variété de schiste argileux et de calcaire de couleur grise sombre ou noirâtre.
Marbre : roche métamorphique calcique. Le marbre, issu de calcaire, est formé d’une seul minéral, la calcite, mais peut comporter des minéraux accessoires comme le mica, l’hématite, la chlorite, le quartz ou la serpentine. D’un aspect compact, il présente autant une diversité de nuances qu’un aspect veiné, tacheté ou marbré. Onyx : variété d’agate ponctuée de veines blanches.
Calcédoine : variété microcristalline bleuâtre, elle tire son nom d’une ville disparue d’Asie Mineure. Elle se rencontre dans les roches volcaniques et est extraite dans différents pays dont l’Inde (plateaux du Deccan) et l’Italie (Sardaigne et Sicile). Jaspe : variété microcristalline de quartz pouvant comporter d’autres minéraux tels l’hématie, la calcite, l’anastase qui expliquent sa diversité chromatique (du rouge, vert, jaune au brun). On extrait une grande quantité de jaspes en Sicile dont les jaspes fleuris (taches de couleur rouge, blanc et fond violet foncé), les jaspes calcédoines (traversés de veines blanches et tachetés de jaune), les jaspes de Barga (rouge ponctué de veines blanches) et bien d’autres encore. Lapis-lazuli : roche formée de différents minéraux, notamment de calcite. Sa couleur bleue varie en fonction du pourcentage de mica, de sodalite, de silicate, de pyrite, de lazurite et de calcite. Les sites d’extraction les plus importants se situent en Afghanistan, au Pakistan et au Tadjikistan. Cependant, en 1609, Anselme Boece de Boot indique aussi des gisements en Germanie.
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Parangon (it. Paragone) : voir Pierre de touche. Péperin : tuf volcanique employé comme pierre à bâtir, le péperin est composé essentiellement de vake et renferme des fragments d’autres matières telles que la ponce, le basalte et le mica. De texture grenue ou graveleuse, il propose des couleurs s’échelonnant du jaune, gris rougeâtre au brun. Pierre de touche : fragment de jaspe servant à éprouver les métaux dont l’or, l’argent et le cuivre. On associe souvent le mot paragone (ou parangon) à un marbre noir extrait dans la localité comprise entre Vérone, Vicence et Garda, dans la rivière de Saló. Pierre paysagère : localisée en Toscane (notamment dans le fleuve de l’Arno) et dans le Latium, on la trouve à l’intérieur de formations calcaires marneuses et argileuses. L’alternance de strates de calcaire et d’argile détermine sa composition. Sa gamme chromatique, du gris verdâtre au jaune ou au rouge, varie en fonction de l’oxydation de fer. La coupe de la pierre détermine les motifs : elle peut évoquer soit un paysage rupestre (lignes verticales), dans ce cas elle est nommée pietra paesina, soit un paysage marin (lignes horizontales) et est alors appelée lineato d’Arno.
Lauren Laz
Le goût de l’estampe. Jacques Stella et la gravure
« Comme il était fort laborieux, et que les jours d’hiver sont fort courts, il employait les soirées à faire des desseins de l’Histoire Sainte, de jeux champêtres, de jeux d’enfants, qui tous ont une suite de quantité de feuilles, car ils ont été gravés1. » À la suite de cette citation de Roger de Piles, qui luimême reprend les propos de Félibien2, les auteurs anciens se sont attachés les uns après les autres à attirer l’attention sur l’affection que Stella portait au dessin. Son intérêt pour la gravure est resté comme subordonné au premier et plus confidentiel. Pourtant, l’inventaire dressé par l’expert PierreJean Mariette3, à l’occasion des trois volumes qu’il constitua pour la collection de Jean V de Portugal dans les années 1720, évalue l’œuvre gravé d’après Jacques Stella à près de six cents estampes. La gravure n’a donc pas seulement offert à l’artiste le secret d’un jardin. Elle l’a accompagné tout au long de sa carrière, et bien au-delà, compensant les pertes que son œuvre a subies. Tour à tour, Jacques Stella aura été graveur lui-même, inventeur de compositions gravées par d’autres, émule de ce qui se voulait un véritable atelier de gravure et connaisseur d’estampes.
Aux six eaux-fortes qui forment son œuvre gravé catalogué par Robert-Dumesnil5, s’ajoutent un Songe de Jacob (cat. 5) et, désormais, un Vendeur de tripes pour chats (cat. 10). Si la gravure originale n’est pour lui qu’un mode d’expression mineur et exclusivement italien, Jacques Stella ne recule pas devant la difficulté et en cela se distingue des peintres-graveurs contemporains, La Hyre (1606-1656) par exemple. Sans doute guidé par Callot (1592-1635) qu’il fréquente à la cour du grand-duc de Toscane, ou peut-être par l’illustre Tempesta (1555-1630)6, il ne craint ni le grand format, délicat à dominer à la seule pointe du stylet, ni la perspective atmosphérique, ni la vue d’architecture qui exige la solidité des tailles, ni l’intensité narrative qui fait courir le risque de « crevées », de taches disgracieuses à la morsure de l’acide. Seul un aquafortiste aguerri aurait osé se mesurer à cette vue plongeante sur la place de la Seigneurie : la Fête des chevaliers de Saint-Jean (cat. 6) qu’il grave à 25 ans ne laisse aucun doute sur la précocité de sa maîtrise du buon disegno et sur sa hardiesse. Les suites de compositions qu’il ne va cesser de fournir à la gravure lui offrent un terrain d’expression adapté à son talent de dessinateur. À Rome, le Lyonnais compose ainsi plus d’une centaine de dessins pour le bois de fil de Paul Maupain (actif de 1593 à 1625). C’est la belle et rare série des Camaïeux bleus (cat. 14-25), datée de 1625, dont le parti coloré n’est pas exempt d’archaïsme. Une seconde prestation de cette nature est sa collaboration avec Luc Ciamberlan (actif de 1599 à 1641) et Christian Sas (dates inconnues) à La Vie de saint Philippe Neri (fig. III.1 et III.2), pour laquelle il fournit une vingtaine de dessins autour de 1628. Parallèlement aux commandes de tableaux qu’il honore, ses compositions pour des thèses et des devises allégoriques, gravées par des artistes de sa génération comme Karl Audran (1594-1674) ou Johann Friedrich Greuter (1600-1660), lui apportent l’aisance et la réputation. Jusqu’à Paris, où Richelieu envisage Stella comme un élément majeur de sa complexe politique artistique. Le cardinal associe le peintre à la décoration des demeures royales et à l’un des fleurons de son gouvernement, l’Imprimerie royale7. Dès la création de l’institution, vers 1640, les neuf commandes que Chantelou et Sublet de Noyers lui obtiennent associent Stella aux burins des plus importants graveurs d’interprétation de son temps :
Lorsque Stella naît à Lyon en 1596, l’artisanat du livre y est l’héritier d’une somptueuse tradition typographique, qu’avaient agrémenté d’estampes le Petit Bernard ou Georges Reverdy. Les presses lyonnaises sont spécialisées dans l’édition d’ouvrages d’érudition religieuse, parés de grands frontispices de taille-douce et de délicats ornements, dus à Léonard Gaultier (1561-1641) ou à Jacques de Fornazeris (actif de 1594 à 1622). Sans pouvoir identifier le lieu ou le maître de son apprentissage de l’eau-forte, force est de constater que Stella est tôt familiarisé avec le monde du livre4. 1 Piles, 1715, p. 485. 2 Félibien, 1688, t. V, p. 271-272. 3 Cet inventaire reste à ce jour le plus exhaustif. Voir Mariette, 1996, t. II, p. 213-240. 4 On lui connaît d’ailleurs une longue amitié avec l’imprimeur François Langlois, également marchand d’estampes. 5 Robert-Dumesnil, 1844-1871, t. VII, p. 160-162 ; t. XI, p. 307. 6 Sur le contexte florentin, voir G. Dillon, « La vie artistique à Florence au début du XVIIe siècle » in cat. exp., 1992, Nancy, p. 147-153. 7 Voir Thuillier, 1987, p. 163-174 et Préaud, 2002, p. 210-217.
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Fig. 1. Gilles Rousselet d’après Jacques Stella, Allégorie à Sublet de Noyers, burin, Paris, BnF, département des Estampes et de la Photographie.
Gilles Rousselet en 1642 (fig. 1), certains en toute indépendance, voire de façon posthume, comme pour cette Adoration des anges de Gérard Edelinck (fig. 2) datée de 1672. Créer un véritable atelier de graveurs au sein de son cercle familial venait couronner son ambition. S’il disparaît alors que Claudine, la plus âgée, n’a que vingt et un ans, il leur laissait ses nombreuses suites de dessins comme modèles pour la gravure, « desseins pour graver9 » dit-elle. Ainsi, à côté de la série très finie illustrant la Vie de la Vierge, Claudine signale l’existence d’une série complémentaire de calques, de la main de Stella, reprenant les principaux traits de composition et en facilitant le report pour la gravure à venir. Les nombreux dessins exécutés par lui d’après Poussin jouent sans doute le même rôle. Claudine relève d’ailleurs avec patience et talent le défi de l’atelier : en une quarantaine d’années, les trois sœurs réaliseront pas moins de sept suites de gravures : Les Jeux et plaisirs de l’enfance (1657) (cat. 179-202), La Manière de dessiner le corps humain (1657), Les Ornements d’architecture d’après l’antique (1658), Le Livre des vases (1661), Les Pastorales (1661) (cat. 139-163), La Vie de la Vierge (cat. 130-138) ou encore La Passion du Christ (cat. 164-171). « Mais quelle est cette fille qui ose disputer aux hommes le prix de génie et de l’adresse ? C’est Stella ; ses beaux cheveux sont tressés avec des fleurs, et le tendre myrte orne son front. Que la troupe enjouée des Amours se lève, que les Grâces elles-mêmes préparent son triomphe, et rendent à ses talents les honneurs qu’ils méritent. Le fuseau et la navette n’occupèrent jamais la main délicate : le burin et le crayon firent toujours ses délices, et des chefs-d’œuvre de gravure furent les jeux de son enfance » se réjouira le père Doissin10. Stella pratiquait la citation plastique11 : d’une composition à l’autre, il lui arrivait de répéter des motifs tirés de ses propres œuvres ou de celles des maîtres du passé, dont la gravure lui offrait un répertoire formel. « Curieux de toutes les belles choses » selon Félibien12, c’est à Rome que Stella dut débuter sa collection d’estampes, connue par l’inventaire de Claudine. À côté des tableaux de Poussin, des dessins des fleurons du Seicento italien, sont conservées en cartons bien ficelés les œuvres des plus grands maîtres de l’estampe – deux cents pièces de Marc-Antoine, un millier de Tempesta, ou encore des Carrache, Bonasone, Mantegna, Goltzius, Dürer – et de la peinture – Jules Romain, le Corrège, Rubens. La gravure française est également bien représentée, par Callot, Bernard Salomon, Bourdon, Mellan, Morin, Nanteuil… Mélopée de noms qui place la qualité de cette collection dans la catégorie supérieure, et Jacques Stella dans celle du connaisseur avisé.
Fig. 2. Gérard Edelinck d’après Jacques Stella, L’Adoration des anges, burin, Paris, BnF, département des Estampes et de la Photographie.
Claude Mellan (1598-1688), qu’il devait avoir connu à Rome, Gilles Rousselet (1610-1686), Pierre Daret (1632-1677). Il faut saluer l’intelligence et le succès de ces choix. Stella comprit suffisamment les exigences liées à la gravure d’illustration – faire adhérer l’économie générale du frontispice au contenu souvent complexe de l’ouvrage dont il marque l’entrée, intégrer agréablement les références de la publication comme l’encart du titre, ou encore inciter le curieux à la lecture – pour devenir une référence dans le domaine. Le grand Tristan L’Hermite s’allouera ainsi son talent à quatre reprises. La diffusion de son œuvre constitue une préoccupation fondamentale pour Jacques Stella. Mariette a formulé sa volonté de « se rendre illustre8 », et le meilleur moyen est alors l’interprétation gravée. Il s’agit également d’une source de revenus non négligeable. Abraham Bosse (1602-1676), Karl Audran, Gérard Edelinck (1640-1707), François (1622-1693) et Nicolas (1626-1696) de Poilly, ce sont près de trente graveurs, pendant trois générations, qui ont travaillé d’après ses compositions, certains avec sa collaboration, comme pour ce frontispice de thèse dédié à Sublet de Noyers et exécuté par 8 Mariette, 1996, t. II, p. 210. 9 C. Bouzonnet Stella in Guiffrey, 1877, p. 17. 10 Doissin, 1753, p. 62. 11 Chomer, 2003, p. 187. 12 Félibien, 1688, t. V, p. 272.
Entre l’artiste et la gravure se distingue une affinité profonde, un goût de l’estampe singulier pour un artiste de la génération de 1590, qui ajoute encore à la complexité de l’art de Jacques Stella 34
Isabelle de Conihout
Les livres illustrés par Stella : essai de catalogue1
comporte huit gravures d’après des dessins de Stella (voir cat. 40) : une Annonciation (J. Stella delin., F. Greuter incid., fig. 3), une Adoration des bergers (J. Stella in., C. Audran fecit, fig. 4), une Adoration des mages (Ia. Stella inventor), une Résurrection (J. Stella delin., Jo. Fed. Greuter incid. ), une Pentecôte gravée par Christian Sas, le graveur de la suite de Saint Philippe Neri (J. Stella In., C. Sas sculp.), une Communion des apôtres (J. Stella inventor), une Assomption non signée, et l’Assemblée des saints guidée par l’empereur et le pape entourant saint Pierre, gravée par Valérien Regnard (J. Stella In., Val. Regnartius scu.). La suite gravée par David et le bréviaire d’Urbain VIII comportent également huit pièces. Six des sujets sont communs aux deux séries, et il est intéressant d’analyser les variations introduites par le peintre à quelques années d’intervalle, liées à l’évolution de son style mais aussi au passage du format in-4o de la suite David au format plus réduit du bréviaire d’Urbain VIII.
I. L’Italie On ne connaît aucun livre illustré datant du séjour florentin, et c’est dans la Rome des Barberini que Stella livre ses premières illustrations, avec en 1625 une commande probablement romaine, même si l’édition est vénitienne, le titre gravé par Jérôme David des Prose vulgari du camérier d’honneur du pape Urbain VIII, Agostino Mascardi. Mais son œuvre la plus importante est une série de huit figures, également gravées par Jérôme David, destinées à l’illustration d’un livre liturgique de format in-4o non encore identifié (cat. 26-27). Suivent dans les années 1630 une série de titres gravés très brillants, illustrant des pièces de circonstance, discours, spectacles de collèges, thèses, etc., issus des presses romaines. Le premier de ces titres (fig. 1) s’organise encore autour d’un cartouche, comme le Mascardi de 1625 et le titre de la suite de saint Philippe Neri2. Dès 1631, les titres dessinés par Stella adhèrent à la nouvelle esthétique du frontispice décrite par Marc Fumaroli3, qui se caractérise par l’abandon de la structure compartimentée au profit d’une page unifiée se lisant comme un tableau. Ils sont gravés par Karl Audran et figurent dans l’œuvre de ce graveur dans l’Inventaire du fonds français, mais sans être reliés aux publications qu’ils illustraient. Le troisième graveur avec lequel collabore Stella est JohannFriedrich Greuter, qui signe en 1632 la thèse d’Alfonso Pallavicini dédiée à Francesco Barberini – la gravure, modifiée aux armes des Villeroy, sera encore utilisée comme frontispice d’un livre publié à Lyon en 1666 (fig. 2) –, et surtout le bréviaire du pape Urbain VIII, le seul livre illustré que cite nommément Félibien pour la période italienne de Stella. Il
II. Le retour en France Après le départ de Rome, la collaboration entre Stella et Karl Audran se poursuit, peut-être à Lyon, dans des conditions que l’obscurité qui entoure encore la biographie d’Audran ne permet pas de cerner clairement4. Les titres portent la nouvelle signature du graveur (K. Audran), alors que la signature de Stella devient exceptionnelle. Les notes de Mariette permettent de proposer l’intervention de Stella dans une demi-douzaine de livres publiés à Lyon ou à Paris entre 1640 et 1660. Tous n’ont pu encore être identifiés ; signalons particulièrement les œuvres du jésuite Étienne Fagundez, publiées en deux volumes en 1640 et 1641 à Lyon chez Gabriel Boissat et le très beau frontispice de l’Universa historia profana d’un autre jésuite, Jacques Goutoulas, Paris, 1651, probable réutilisation d’un dessin plus ancien. De retour à Paris, il semble que Stella ne se presse pas de donner de nouveaux travaux d’illustration. Si l’on retient l’attribution proposée par Sylvain Kerspern5, c’est à nouveau Mascardi qui inaugurerait cette série parisienne, avec ses Ethicae Prolusiones publiées en 1639 (et non en 1636), chez Sébastien Cramoisy, le libraire parisien correspondant des Barberini – en même temps que des Romanae dissertationes
1 Voir le catalogue en annexe. Les suites et œuvres gravées sortent du cadre de cet article consacré exclusivement aux livres imprimés en typographie illustrés par Stella. 2 Je ne compte pas cette suite (voir fig. III.A et B) parmi les livres illustrés, car ce n’est pas avant la fin du e XVII siècle (édition de 1672, Rome, Tizzoni) que les planches gravées par Christian Sas ont été utilisées pour illustrer la Vita di S. Filippo Neri de Pietro Jacopo Bacci. 3 M. Fumaroli, « Réflexions sur quelques frontispices gravés d’ouvrages de rhétorique et d’éloquence (15941641) », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, année 1975, Paris, 1976, p. 19-34. 4 M.-C. Janand, « Karl et Claude 1er Audran, mise au point biographique et stylistique à partir des études des frontispices lyonnais », Nouvelles de l’estampe, no 147, 1996, p. 3-12. 5 « Jacques Stella ou l’amitié funeste », Gazette des Beaux-Arts, 1994, p. 117-136, notamment p. 126.
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Fig. 2. F. Greuter d’après J. Stella pour la thèse d’Alfonso Pallavicino,
Fig. 1. C. Audran d’après J. Stella pour G. Tolomei, De S. Spiritus aduentu oratio, Rome, 1630. Burin, 16,2 x 22,7 cm. Paris, Bibl. Mazarine,
Rome, 1632. État avec les armes et devises des Villeroy remplaçant celles des Barberini pour l’Histoire ecclesiastique de la ville de Lyon du P. Jean de Saint-Aubin, Lyon, 1666. Burin, 20,8 x 28,4 cm. Lyon, Bibliothèque municipale, 24682.
12472-15.
dont le frontispice, non signé, s’apparente plus à l’art de Vignon qu’à celui de Stella. Les frontispices Mascardi sont gravés par Jean Picart, qui grave également la même année, et je remercie Sylvain Laveissière de me l’avoir signalé, une autre composition de Stella, le frontispice (signé I*) d’une tragi-comédie qui prolonge le succès du Cid, L’Ombre du comte de Gormas et la mort du Cid.
III. L’Imprimerie royale Ce sont Stella et Vouet6, rappelons-le, et non Poussin, encore à Rome, qui sont choisis pour illustrer les premiers livres de l’Imprimerie royale. Stella donne une série d’ornements7 pour la nouvelle institution créée par Richelieu8, et surtout un grand nombre de frontispices, avec la collaboration de différents graveurs énumérés par Mariette, en premier lieu Mellan : L’Imitation de Jésus-Christ et les Œuvres de saint Bernard en 1640 (cat. 73), l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales en 1641. Puis les dessins fournis par Stella sont confiés à d’autres graveurs : – Gilles Rousselet, L’Instruction du chrestien de Richelieu (1642), les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola et la Jérusalem libérée du Tasse (1644). Pour ce dernier livre, Stella dut recevoir des instructions très précises de l’italianisant Raphaël Trichet du Fresne, correcteur à l’Imprimerie royale, promoteur des éditions en langue italienne et collectionneur acharné des illustrations du Tasse9 ;
6 Pour le premier volume du Nouveau Testament, publié avec la date de 1640, jadis attribué à Stella par Auguste Bernard, Histoire de l’Imprimerie royale, Paris, 1867, p. 70. Voir J. Thuillier et al., cat. exp. 1990, Paris, p. 129. 7 Ornements gravés par Bosse (IFF 301, 380-415) et Rousselet (Meyer 373-375). 8 Outre l’ouvrage ancien d’Auguste Bernard, voir P. M. Grinevald, « Richelieu et l’Imprimerie royale », dans Richelieu et le monde de l’esprit, 1985, p. 237-248 ; J. Thuillier, « Richelieu et les arts, l’Imprimerie royale », dans Richelieu et la culture, 1987, p. 163-174 ; H.-J. Martin, « Politique et typographie : la création de l’Imprimerie royale » dans Mise en page et mise en texte du livre français : la naissance du livre moderne (XIV-XVIIe siècles), Paris, 2000, p. 364-367 ; M. Préaud « L’Imprimerie royale et le cardinal de Richelieu », dans Goldfarb, cat. exp. 2002, Montréal, Cologne, p. 210-215. 9 I. de Conihout, « À la chasse », éditorial des Nouvelles du livre ancien, no 93, hiver 1997-1998, p. 1-4.
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Fig. 3. F. Greuter d’après J. Stella, L’Annonciation, l’une des huit figures du bréviaire d’Urbain VIII, Rome, 1632. Burin, 16,6 x 10,2 cm. Lyon,
Fig. 4. C. Audran d’après J. Stella, L’Adoration des bergers. Burin, 16,6 x 10,2 cm. Lyon, Bibliothèque municipale, SJ L 040/16.
Bibliothèque municipale.
– Abraham Bosse10, le frontispice aux enfants jouant avec un masque de théâtre des Comédies de Térence (1642), et deux livres de très petit format, les Parva christianae pietatis officia (1642) et le Suétone de 1644 (fig. 5), dont le titre composé d’« enseignes et autres trophées » retrouve la veine héroïque de la Jérusalem libérée ;
– Daret enfin, avec le frontispice non signé des Poemata d’Urbain VIII (1642) et en 1644 le saisissant frontispice de la grande série des Conciles, primitivement demandé à Poussin par Raphaël Trichet du Fresne. Au total, sur la vingtaine d’éditions procurées par l’Imprimerie royale de 1640 à 1644, plus de la moitié (onze) sont illustrées par Stella, Poussin fournissant trois illustrations (la Bible, l’Horace primitivement demandé à Vignon11 et le Virgile), Vouet une seule (le Nouveau Testament) et Mellan les autres.
10 J. Lothe, « Les livres illustrés par A. Bosse » dans cat. exp. 2004, Paris, Tours, p. 45. 11 J. Thuillier, « Vignon et l’Imprimerie royale, un épisode méconnu », dans Claude Vignon en son temps, éd. C. Mignot et P. Pacht Bassani, 1998, p. 31-35 et fig. 36. 12 J. Thuillier, « Poètes et peintres au XVIIe siècle : l’exemple de Tristan », Cahiers Tristan, t. VI, Tristan et les arts, 1984, p. 5-30.
IV. Tristan L’Hermite Les liens privilégiés unissant Tristan L’Hermite et « l’illustre Estoille » ont déjà été signalés par Jacques Thuillier12. Fait rarissime, cette amitié a produit des livres, Stella donnant pour les éditions de son ami des titres gravés et surtout une 37
sujet qui ne soit saint ». Tristan conclut avec un bailleur de fonds, Jacques Michault, une série de contrats qui ont été découverts et publiés récemment14. Je renvoie, pour l’histoire de la publication de l’Office de la sainte Vierge, au catalogue de l’exposition consacrée à Tristan en 2001 par la bibliothèque Mazarine, où sont reproduites la plupart des illustrations de Stella15. Soulignons simplement que dès décembre 1644 sont prévues « des Heures nouvelles accompagnées de prières et de méditations de la façon d’iceluy Sr Tristan, tant en vers qu’en prose, et enrichies de huict planches gravées par le sieur Bosse sur des desseins du Sr Stella ». Le 16 juillet 1645, un nouvel acte prévoit huit nouvelles planches. Enfin, par un dernier acte du 14 novembre 1646, Michault verse encore 3 000 livres « pour plus grand embellissement des Heures […] et pour plusieurs planches qu’il y doit faire adjouster outre celles déclarées ». C’est l’œuvre d’illustrateur la plus importante de Stella, avec 14 planches, 20 vignettes dont 17 portraits de saintes, trois culs-de-lampe, des bandeaux et lettres ornées, auxquels s’ajoutent les frontispices aux armes, spécialement gravés pour les « bienfaiteurs » escomptés dans l’acte du 16 juillet 1645. Hormis les armes de la reine Anne d’Autriche, ce sont les armes des habituels protecteurs de Tristan à cette date qui figurent sur ces beaux frontispices, le duc d’Orléans, le comte de Saint-Aignan et la duchesse de Chaulnes. L’Office de la sainte Vierge, pourtant tiré à 2 000 exemplaires, est d’une rareté proverbiale et il avait été impossible lors de l’exposition de 2001 d’en trouver un exemplaire complet. Il en est récemment passé un en vente16. Surtout, j’ai depuis l’exposition découvert dans la bibliothèque du musée Condé le manuscrit de dédicace à Saint-Aignan de l’Office de la sainte Vierge17, calligraphié par Nicolas Jarry et orné de six enluminures d’une telle qualité qu’elles ont dû être exécutées soit sous le contrôle du peintre (peut-être par Louis du Guernier, collaborateur habituel de Jarry qui dessine le très beau portrait de Tristan pour les Vers héroïques de 1648 et à qui j’ai proposé d’attribuer l’exécution d’un autre manuscrit de dédicace commandé par Tristan en 165018), soit par Stella luimême, qui aurait pour son ami Tristan accepté de « peindre en petit », pour reprendre les termes de Félibien.
Fig. 5. A. Bosse d’après J. Stella pour Suétone, Paris, Imprimerie royale, 1644. Burin, 9,3 x 5,5 cm. Versailles, Bibliothèque municipale, F.A. in-12 l 303 C.
abondante illustration pour le livre religieux auquel Tristan attacha assez d’importance pour l’éditer lui-même, l’Office de la sainte Vierge13. Leur collaboration débute avec un livre publié en 1641, La Lyre, deuxième grand recueil de vers lyriques de Tristan, composé autour de l’idylle héroïque de L’Orphée, qui donne son sujet au frontispice gravé par Pierre Daret. Elle se poursuit l’année suivante, avec les Lettres meslees. En 1645, cette collaboration se resserre encore. C’est Stella qui donne le magnifique frontispice, également gravé par Daret, de la dernière grande pièce de théâtre de Tristan, La Mort de Chrispe. Mais c’est surtout l’Office de la sainte Vierge qui réunit le poète dont la veine se fait dévote et le peintre qui « ne peint nul
V. Les dernières années : 1647-1657 Seules des illustrations religieuses, signées par le peintre, sont habituellement signalées pour la fin de la vie de Stella : La Dévotion aisée du père Le Moyne en 1652, La Vie de Sœur Marguerite du Saint Sacrement par le père Amelotte en 1654, au beau frontispice hérissé de croix portées par des enfants, et surtout L’Histoire miraculeuse de Nostre-Dame de Liesse, 1647, volume in-4 o dédié à la princesse de Condé, relatant la légende de la fondation de ce pèlerinage marial proche de Laon favorisé des reines de France. L’ouvrage comporte sept grandes illustrations d’après des dessins de Stella, quatre gra-
13 La bibliothèque Mazarine et l’association des Amis de Tristan L’Hermite, sous l’impulsion du regretté Amédée Carriat, se sont associées en 2001 pour célébrer le quadricentenaire de la naissance du poète avec une exposition présentant la totalité de l’œuvre de Tristan, Tristan L’Hermite (1601-1655) ou le Page disgracié, cat. par Amédée Carriat, Jean-Pierre Chauveau et Isabelle de Conihout, préface de Marc Fumaroli, Paris, 2001 (abrégé dorénavant en « cat. exp. Mazarine »). 14 H. Gerbaud, « Au sujet de l’Office de la sainte Vierge », Cahiers Tristan, t. XVIII, 1996, p. 55-59. 15 Cat. exp. Mazarine, nos 44 à 46, repr. p. 40, 43-46 ; I. de Conihout, « Tristan et ses livres », ibid., notamment p. 59-62. 16 Paris, hôtel Drouot, 7 décembre 2004, no 89. Je lui ai consacré une note dans les Cahiers Tristan, t. XXVII, 2005. 17 I. de Conihout, article à paraître dans le prochain numéro des Cahiers Tristan. 18 Cat. exp. Mazarine, no 54 et repr. coul.
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vées par Jean Couvay, trois par Poilly, qui seront tous deux les interprètes des Jeux et plaisirs de l’enfance. La veine héroïque et orientale n’est pas absente de ce volume hagiographique. Mais les notes de Mariette montrent qu’au même moment Stella donne aussi à la librairie parisienne des frontispices à l’élégance toute classique qu’il ne signe pas, gravés par Boulonnois, Landry, Daret et Couvay. Il intervient dans le débat sur la perspective avec un titre, non signé, pour la troisième partie de La Perspective practique du savant jésuite Jean Du Breuil (1649). Il ne signe pas non plus le très beau frontispice, gravé par Landry, du Portrait de la sagesse universelle, du carme Léon de Saint-Jean (1655). Le catalogue des livres illustrés par Stella proposé ci-après estil complet ? Sans doute non, mais la tâche n’est pas si facile. En effet, le livre illustré français du XVIIe siècle est encore mal étudié, en dehors du cas de l’Imprimerie royale. Les seuls répertoires systématiques, anciens pour la plupart et pauvres en reproductions, s’interrompent en 163319, et on ne dispose d’aucun ouvrage de synthèse comparable à ceux de Robert Brun ou de Ruth Mortimer pour le XVIe siècle. Si on excepte le brillant essai de Philippe Hofer20, il a fallu attendre les lumineuses pages de Marc Fumaroli dans l’article déjà cité pour que soit soulignée la profonde mutation des années 1630. C’est évidemment sous la double influence italienne et flamande (avec les artistes installés à Paris, notamment Crispin de Passe, et le modèle que représentent Rubens et les éditions plantiniennes) que le frontispice français évolue. Stella, flamand d’origine et romain d’adoption, a joué un rôle dans cette évolution21. Pour pouvoir l’apprécier à sa juste
mesure, il faudrait que soit établi le catalogue des livres illustrés français postérieurs à 1633. Bien avant les commandes des Didot ou le Faust de Delacroix, le deuxième tiers du XVIIe siècle est l’un des rares moments où de très grands peintres donnent des dessins pour des livres imprimés. Ces contributions restent exceptionnelles chez les contemporains de Stella qui ne gravent pas ou peu. Chez le savant Poussin, qui débute avec une illustration d’Ovide sous la protection de Giambattista Marino, on ne cite, à part les entreprises obligées pour l’Imprimerie royale et un projet non identifié des années 1650, que les œuvres réalisées sous les auspices de Cassiano dal Pozzo : une planche pour les Hespérides de Ferrari en 1646 et le Traité de la peinture de Léonard de Vinci, dont la publication par Trichet du Fresne est un écho attardé de l’activité de l’Imprimerie royale22. Chez Vouet, deux œuvres pour la période française, le Nouveau Testament de l’Imprimerie royale et le frontispice du Thaumaturgus opticus du père Niceron, 164623. Chez La Hyre, si c’est bien la vision de la suite de Panthée qui a inspiré à Tristan sa tragédie et non l’inverse, restent La Monarchie du verbe incarné du père Zacharie de Lisieux, 1639, le frontispice des Charactères des passions, 164024, et le mérite d’avoir formé le plus brillant des illustrateurs de la période suivante, François Chauveau. Le cas de Stella est donc singulier, et sa contribution à l’illustration du livre de son temps est dépassée seulement, en quantité du moins, par celles d’artistes très proches du milieu des graveurs parisiens, comme Vignon, ou réellement graveurs, comme Mellan ou Bosse.
19 J. Duportal, Étude sur les livres à figures édités en France de 1601 à 1660… et Contribution au catalogue général des livres à figures du XVIIe siècle : 1601-1633, Paris, 1914. Le seul travail consacré à l’édition provinciale, le livre de Thérèse Moyne, Les Livres illustrés à Lyon dans le premier tiers du XVIIe siècle, Lyon, 1987, s’interrompt également en 1633. Le répertoire des Tchemerzine, qui date de 1933, a l’avantage de donner beaucoup de (mauvaises) reproductions, mais il est très incomplet et rempli de fautes. Plus récemment Diane Canivet, L’Illustration de la poésie et du roman français au XVIIe siècle, Paris, 1957, fournit un répertoire limité mais commode. 20 Baroque book illustration, a short survey from the collection in the Department of graphic arts, Harvard College Library, Cambridge, 1951. 21 C’est probablement la présence de cartouches très semblables à ceux que dessine Stella lors de ses débuts romains qui conduit à faire figurer dans son œuvre deux publications parisiennes aux titres non signés, La Généreuse Allemande de Mareschal, Paris, Rocolet, 1631 et L’Amaranthe de Gombauld, Paris, Pommeray et Sommaville, 1631. 22 P. Rosenberg et L.-A. Prat, Nicolas Poussin 1594-1665, Paris, Réunion des musées nationaux, 1994, no 207. 23 J. Thuillier et B. Brejon de Lavergnée, Vouet, Paris, Réunion des musées nationaux, 1990, p. 138. 24 P. Rosenberg et J. Thuillier, Laurent de la Hyre (1616-1656), l’homme et l’œuvre, Genève, 1988, p. 99, nos 139, 171.
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ANNEXE : Livres imprimés illustrés par Stella [les dimensions sont données en cm]
1625 : Agostino Mascardi, Prose vulgari, In Venetia, per Bartolomeo Fontana, in-4o. Titre signé Jac. Stella delin. Hier. David Sculp. 14,3 x 18,9. Manque à l’IFF. Fig. 109 dans l’article de Stéphane Loire, « La carrière de Jérôme David », dans Claude Vignon en son temps, éd. C. Mignot et P. Pacht Bassani, 1998, p. 157-188. L’exemplaire de Richelieu, seul connu dans les bibliothèques françaises, est conservé à la bibliothèque Mazarine, cote 10376 E. Vers 1625-1627 : suite du Nouveau Testament gravée par Jérôme David pour un livre liturgique non identifié, de format in-4o d’après les dimensions des gravures (cat. 26-27). 1630 : Giacomo Tolomei, De S. Spiritus aduentu oratio in sacello pontificio Quirinali habita, Rome, Francesco Corbelletti. Titre signé J. Stella Gall ; In. C. Audran Fecit. 16,2 x 22,7. Manque à l’IFF. Le seul exemplaire connu dans les bibliothèques françaises est celui de la bibliothèque Mazarine, cote 12472-15. 1631 : Alessandro Cesarini, Oratio de S. Spiritus aduentu habita in sacello pontificum Quirinali ad sanctiss. D.N. Vrbanum 8, Rome, Francesco Corbelletti. Titre signé J. Stella In. C. Audran sculp. 16,6 x 22,8. Manque à l’IFF. Le seul exemplaire connu dans les bibliothèques françaises est celui de la bibliothèque Mazarine, cote 12472-11. Signalé par les notes de Mariette comme une illustration de thèse « deux femmes debout près d’un autel dont l’une tient une tiare papale et un sceptre et l’autre un anneau et les clefs de l’Église, titre de livre gravé à Rome en 1639 au burin par K. Audran […], a servi pour un livre intitulé Ignis maritalis ». 1631 : Stefano Gradi, Festinatio B. Virginis Elisabetam inuisentis Latine, Graece, oratorie, ac poetice pertractata, Rome, Francesco Corbelletti. Titre signé J. Stella In. C. Audran Sc. it. 17,5 x 23,8. IFF Karl Audran no 144, « L’Esprit de Dieu sous la figure du tonnerre au milieu des nuées et des quatre parties du monde », bibliothèque Mazarine, cote 12472-01. Voir S. Franchi, Le impressioni sceniche, Rome, 1994, p. 181 no 18. 1631 : Tommaso Dadi, De sancto Ivone pauperum patrono oratio habita, Romae, apud Franciscum Caballum. Titre signé J. Stella In. C. Audran F. 15,7 x 21. IFF Karl Audran no 283, « le Zéphir faisant croître les roses », bibliothèque Mazarine, cote 12472-03. 1632 : Giacomo Signorini, De sancto Ivone pauperum patrono oratio habita, Romae, apud Franciscum Caballum. Titre signé I. Stella In. C. Audran Fecit. 17,5 x 23. IFF Karl Audran n o 377, « Apollon et Diane assis sur des nuées, près d’eux l’éloquence », bibliothèque Mazarine, cote 12472-06. La gravure
sera modifiée (armoiries, disparition du bouclier) pour la thèse non datée de F. Sebastiano de Laurentiis, dédiée à Michel Mazarin. 1632 : Alessandro Gottifredi, Effata peripati Christiani auspice eminentiss. principe Franc. Card. Barberino propugnata ab Alphonso March. Pallavicino Acad. Partheniae principe pro philosophica laurea in Coll. Rom. Soc. Iesu, Romae, ex Typographia Francisci Corbelletti, 1632, in-fo. Hollstein German, t. XII, 1983, no 5, avec reproduction. Voir aussi C. Scaffa, « Frontespizi incisi per le tesi di laurea durante il XVII secolo », Biblioteca e società, décembre 2002, vol. XLVI, no 4, p. 10-16. État non décrit, les armes et devises des Neuville de Villeroy remplaçant celles des Barberini, dans Histoire ecclésiastique de la ville de Lyon, ancienne et moderne par le R. P. Iean de Saint-Aubin de la Compagnie de Iesus, Lyon, chez Benoist Coral, 1666. Titre signé J. Stella delin. F. Greuter incid. 20,8 x 28,4. L’exemplaire de dédicace à Camille de Villeroy est conservé à la B. M. de Lyon, cote 24682. 1632 : Breviarium romanum, Romae, Typis Vaticanis, 1632. Titre de Karl Audran signé CAF et 8 gravures d’après Stella. 16,6 x 10,2 environ. Lyon, B. M., coll. Jés. Fontaines SJ L 040/16 et Bibliothèque vaticane, Racc. I. V. 1929. 1633 : Vicenzo Guiniggi, Allocutiones gymnasticae et Poesis, Anvers, 1633, in-16 et in-32. IFF Karl Audran no 287. Gravure de Karl Audran signée CAF, d’après Stella selon Audin et Vial. BnF, X-20101 et Yc 7738. 1639 : Agostino Mascardi, Prolusiones ethicae, Paris, Sébastien Cramoisy, in-4o. Titre signé Ioan. Picart incidit. 14,5 x 21,2. Attribué à Stella par Kerspern, art. cité, p. 126. Repro. dans Fumaroli, art. cité note 3, fig. 16. 1639 : Timothée de Chillac, L’Ombre du comte de Gormas et la mort du Cid : tragi-comédie, Paris, C. Besongne, 1639, in-12. Titre signé I* invent. Ioan. Picart Sc. Repr. dans le Répertoire de livres à figures rares et précieux édités en France au XVIIe siècle par S. et A. Tchemerzine, Paris, 1933, p. 84. P. Le Verdier et E. Pelay, Additions à la Bibliographie cornélienne [d’Émile Picot], Rouen, 1908 p. 180 et Présence de Pierre Corneille, cat. exp. 1984, Rouen, no 72. 1640 : Estevão Fagundez (S J), In quinque priora praecepta Decalogi tomus primus… Lyon, L. Anisson et haered. G. Boissat, 1640, in-folo. Titre signé K. Audran F. 33,3 x 22,1. IFF Karl Audran no 282, d’après Stella selon les notes de Mariette. Le titre sert aussi pour l’édition de 1641 du De Justitia du P. Fagundez, Lyon, L. Anisson et haered. G. Boissat (un exemplaire à la bibliothèque Mazarine, cote 3149).
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Les livres de l’Imprimerie royale 1640 : De Imitatione Christi libri IV, Parisiis, anno MDCXL, e Typographia regia, in-fo. Voir IFF Mellan n o 301. Un dessin préparatoire est conservé au Louvre (cat. 71), le dessin définitif a été retrouvé en 1993 à l’Albertina. J. Thuillier, « Poussin et ses premiers compagnons francais à Rome », dans Colloque Nicolas Poussin (1958), Paris, 1960, et notice du dessin de l’Albertina dans Richelieu, l’art et le pouvoir, cat. exp. 2002, Montréal, Cologne, no 76, p. 186. 1640 : Divi Bernardi operum tomus primus (-sextus), Parisiis, e Typographia regia, 1640. IFF Mellan no 317. Dessin daté 1639, conservé à Rome, Istituto nazionale di storia dell’arte, cf. article cité de J. Thuillier. 1641 : Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, Paris, Imprimerie royale, in-fo. IFF Mellan no 330, M. Préaud, art. cité p. 212, et cat. exp. 2002, Montréal, Cologne, no 79. 1642 : Richelieu, L’Instruction du chrestien, Paris, Imprimerie royale, in-f o. Titre gravé par Gilles Rousselet. V. Meyer, L’Œuvre gravé de Gilles Rousselet, Paris, 2004, n o 364 et cat. exp. 2002, Montréal, Cologne, no 54, qui ignore l’attribution à Rousselet. Dessin identifié par J. Thuillier. 1642 : Parva christianae pietatis officia, per christianissimum Regem Ludovicum XIII ordinata, Parisiis, Typograph. regia, in-16. IFF Bosse no 85. Titre et divers ornements gravés par Abraham Bosse, d’après Stella selon Mariette. J. Lothe, « Les livres illustrés par A. Bosse » dans cat. exp. 2004, Paris, Tours, p. 45. 1642 : Publii Terentii Comoediae, Parisiis, e typographia regia, in-f o. Titre gravé par Abraham Bosse (IFF 1109) d’après Stella selon les notes manuscrites de Mariette. E. Bouvy, « Abraham Bosse et Jacques Stella », L’Amateur d’estampes, 1928, p. 180184. 1642 : Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta studio Philip. Labbei, & Gabr. Cossartii, Lutetiae Parisiorum, impensis Societatis Typographicae librorum ecclesiasticorum jussu regis constitutae, 1644-1672. Titre gravé par Pierre Daret d’après Stella, signé J. Stella In. Petr. Daret sculp. IFF Daret no 75. Le titre sera regravé par Pierre Landry pour les derniers volumes de cette série. 1642 : Maphaei SRE Card. Barberini nunc Urbani papae VIII Poemata, Parisiis, e Typographia regia, info. Titre non signé, par Daret d’après Stella selon Mariette. Titre modifié pour l’édition en 1656, tou-
jours par l’Imprimerie royale, des œuvres de jeunesse du pape Alexandre VII, Philomathi Musae juveniles, editio novissima. 1644 : Exercitia spiritualia S. P. Ignatii Loyolae, Parisiis, e Typographia regia, in-f o. Titre gravé par Gilles Rousselet. Meyer, 2004, no 355. 1644 : Il Goffredo overo la Gierusalemme liberata di Torquato Tasso, 1644, In Parigi, nella Stamperia Reale. Titre gravé par Gilles Rousselet. Meyer, 2004, no 371. 1644 : Caius Suetonius Tranquillus [De XII Caesarum vitis. De Illustribus grammaticis. De Claris rhetoribus. Horatii vita. Plinii vita. Lucani vita.], Parisiis, Typogr. regia, in-12. IFF Bosse nos 1168-1180. Titre et autres ornements gravés par Abraham Bosse d’après Stella selon Mariette « des enseignes et autres trophees d’armes romaines titre du Suetone imprimé au Louvre en 1644 et gravé à l’au-forte aussi bien que les medailles des douze empereurs romains par Abraham Bosse ». Tristan L’Hermite 1641 : Tristan L’Hermite, La Lyre du Sieur Tristan, Paris, Augustin Courbé, 1641, 4o, IFF Daret no 57. Le frontispice, signé Stella in, Daret sculpsit, existe en deux états, avec pour titre gravé dans le cartouche L’Orphée ou La Lyre. Cat. exp. Mazarine no 29 et 30, repr. p. 31. 1642 : Lettres meslees du Sieur de Tristan, Paris, Augustin Courbé, 8o, frontispice signé Stella Inv. et Daret Scul. IFF Daret n o 451. Cat. exp. Mazarine no 32, avec repr. au faux titre. 1645 : Tristan L’Hermite, La Mort de Chrispe, Paris, Cardin Besongne, 4o. Titre signé J. Stella. Daret S. IFF Daret no 85. Cat. exp. Mazarine no 41, repr. p. 39. 1645 : L’Hermite-Souliers (Jean-Baptiste) et Blanchard (François), Les Éloges de tous les premiers presidens du parlement de Paris, Paris, 1645. Titre signé Stella invenit Boullonnois fecit. Manque à l’IFF. Cité par Mariette sans indication du titre du livre, une compilation généalogique due au frère de Tristan
L’Hermite : « La justice elevee sur un throsne au bas duquel des esclaves sont enchaines, titre de livre gravé au burin par Boulonnois. » Bibliothèque Mazarine, cote 6045, et d’autres exemplaires à la bibliothèque. 1646 : Tristan L’Hermite, Office de la sainte vierge, accompagné de Prieres, Meditations et Instructions chrestiennes, tant en Vers qu’en Prose ; par F. L’Hermite. Enrichy de Figures, dessinees par le S. Stella et gravees à l’eau forte par A. Bosse, Paris, chez l’auteur, in-12. Cat. exp. Mazarine nos 44 à 46, repr. p. 40, 43-46. 1647 : J. de Saint-Perès, Le Vray trésor de l’histoire saincte, sur le transport miraculeux de l’image de NostreDame de Liesse... Enrichy de plusieurs belles figures en taille-douce… Imprimé aux despens de l’autheur à Paris, par A. Estienne, 1647, in-4o. Portrait de Charlotte de Montmorency, princesse de Bourbon-Condé, par Michel Lasne et 7 planches d’après Stella, 4 gravées par Couvay (IFF 120-124) et 3 par Poilly : Isménie devant l’image, Le Baptême d’Isménie (repr. par Kerspern, art. cité, fig. 29) et Le Choix du lieu de fondation de la basilique. Le livre fera l’objet de plusieurs rééditions, avec des figures gravées sur bois par Duval en 1657 (IFF Duval nos 3-42), et réduites sur cuivre par Thomassin en 1708. 1649 : Jean Du Breuil, La Perspective practique, necessaire à tous peintres, graveurs, sculpteurs, architectes, orfevres, brodeurs, tapissiers & autres se servans du dessein, Troisieme et derniere partie, Paris, veuve de François L’Anglois dit Chartre, in-4o. Titre signé Poilly S. 21,4 x 14,2, d’après Stella selon Mariette (« Minerve ou la deesse des sciences couronnée de laurier et au milieu plusieurs genies qui font des experiences d’optique et de perspective »). Bibliothèque Mazarine, cote 15975. 1650 : Gravure d’Audran (IFF 1) d’après Stella selon Mariette (« le prophete David… gravé par Charles Audran au burin d’apres Jacques Stella pour les Psaumes de David en latin et en francois, S. Huré,1650 ») pour un psautier non localisé. 1651 : Jacques Goutoulas (S J, le P.), Universa historia profana, Paris, D. Bechet, 1651, in-fo. Titre signé
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K. Audran sculpsit. 28,7 x 20, d’après Stella selon Mariette. Bibliothèque Mazarine, cote 5009. 1652 : Pierre Le Moyne (S J), La Dévotion aisée, Paris, Antoine de Sommaville, 1652, in-8o. Titre gravé par Jean Couvay, signé Stella in. I. Couvay f. 14,5 x 10. IFF 113. 1654 : Père Amelotte, La Vie de Sœur Marguerite du S.Sacrement… composée par un prêtre de la congrégation de l’Oratoire, Paris, P. Le Petit, in-8o. Titre signé Stella in. Le Doyen fecit. IFF Ledoyen no 15. 1655 : Macé, Jean (en religion le P. Léon de SaintJean), Le Portrait de la sagesse universelle, avec l’idée générale des sçiances, Paris, G. Bénard et A. Pasdeloup, in-4 o. Titre signé Landr y Fc. 20,7 x 14,4. IFF Landry no 189. 1659 : Francesco Scoto, Itinerario d’Italia, Padoue, Matteo Cadorino, 1659, in-8 o. Titre gravé signé Iac. Stella del., sans nom de graveur : Hercule armé de sa massue exhibe la peau du lion de Némée sur laquelle figure le titre de l’ouvrage. Bibliothèque Mazarine, cote 32585 A. 1660 : Père Justyn, Discursus praedicabiles super litanias lauretanas beatissimae Virginis Mariae Lutetiae Parisiorum, Lugduni, sumpt P. Borde, in-f o. Titre signé Audran, La Conception, attribution à Stella proposée par Audin et Vial. Un exemplaire à la B. M. de Lyon, SJ A 002/1-2. Édition Cramoisy de 1642, BnF D-754, non vue car incommunicable. Sont encore attribuées à Stella par les notes de Mariette quelques illustrations pour des livres que je n’ai pas identifiés, dont une Nativité pour un bréviaire à l’usage de l’ordre de Saint-François (Audran d’après Stella) et le titre gravé par Couvay pour un livre intitulé La Clef des Philosophes.
Repères biographiques établis par Mickaël Szanto
Jacques Stella compte parmi les rares artistes français sur lesquels peu de documents d’archives ont été conservés. Cette pénurie tient à deux raisons principales. Tout d’abord à la personne même du peintre. Stella ne se maria jamais, n’eut pas d’enfant, ne se soucia guère de constituer un patrimoine immobilier, autant d’éléments biographiques ordinaires qui laissent des traces dans les archives. Ce célibataire endurci, qui vécut les quinze dernières années de sa vie aux côtés de sa mère Claudine de Masso, fut une personnalité discrète, un artiste, selon André Félibien, « d’une complexion fort délicate » et de « peu de santé ». Alors que Stella demeurait, depuis son retour d’Italie, à la galerie du Louvre, ce qui le plaçait au cœur de la vie artistique parisienne, il semble s’être peu inséré dans le milieu des peintres. On remarquera, par exemple, qu’en 1648, Stella ne participa pas à la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture, sans que celuici désirât pour autant, à la manière de Vouet, soutenir l’ancienne maîtrise des peintres parisiens. « Durant l’hyver, lors que les soirées sont longues, raconte Félibien, il s’appliquoit ordinairement à faire des suites de Desseins, tels que ceux de la vie de la Vierge. » La personnalité singulière de Stella n’explique pas à elle seule la difficile appréhension du peintre. Il faut regretter la perte de documents d’archives importants, qui nous auraient apporté une mine d’informations : son testament déposé le 28 avril 1657 chez Me Beaufort, notaire dont les minutes sont perdues pour moitié ; son inventaire après décès, dressé en 1660, probablement par le prévôt de l’hôtel, dont les archives ne sont conservées, pour cette période, qu’à l’état de bribes.
Ces pertes irrémédiables ne font que donner plus d’importance à la biographie d’André Félibien (1688), la première consacrée au peintre lyonnais. Cette biographie apparaît remarquablement documentée. Félibien, manifestement informé par la famille Bouzonnet Stella, livre les principaux jalons de la carrière de Stella, sa première formation à Lyon, son séjour à Florence, ses longues années à Rome et son établissement définitif à Paris. Il connaît tout de ses origines, famille d’artistes flamands par son père et famille de la petite bourgeoisie par sa mère, ses déboires dans la Ville éternelle pour quelque fausses amourettes, l’estime particulière que lui accorda Urbain VIII, son retour pour la France avec l’ambassadeur Charles de Créqui, l’accueil favorable que lui réserva Richelieu, etc. Une question s’impose aussitôt. Quel crédit accorder à de telles précisions ? Sans doute cette biographie n’est-elle pas sans erreur. La position occupée par Stella à la cour des Médicis ne fut pas, semble-t-il, aussi importante qu’a bien voulu l’écrire Félibien. Le séjour italien relativement court qu’il attribue à François Stella, « cinq ou six ans » passés à Rome aux côtés de son frère Jacques, fut dans les faits bien plus long puisqu’il est cité régulièrement dans les archives romaines de 1624 à 1634. On pourrait encore signaler quelques menues erreurs, mais de manière générale, les données d’archives que nous avons pu retrouver sont venues corroborer les éléments apportés par Félibien, donnant à cette biographie toute sa valeur documentaire.
N. B. Cette chronologie comprend l’ensemble des données biographiques connues sur Jacques Stella. Sont également mentionnées les œuvres de Stella (dessins et peintures) dont la date est certaine. Pour les éditions illustrées par Stella, voir ci-avant l’annexe de la contribution d’Isabelle de Conihout, p. 40).
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LES DÉBUTS À LYON (1596-v. 1618) 1596 29 septembre Baptême de Jacques Stella, fils de François Stella et de Claudine de Masso. Led. jour j’ay baptizé Jacques filz de Françoys Stella marchant paintre et de Claudine de Masso sa femme, demeurant vers Confort ; son parrain Jacques Vandemore dict Levain ; ses marraines Jehanne Mathillion et Anne Mathillion (signé) Dony. (Lyon, AM, registre des baptêmes, paroisse SaintNizier, années 1591-1601, no 1037 ; Rondot, 1887, p. 525.) Les débuts de Stella à Lyon, sa ville natale, sont peu documentés. On ne sait rien de sa première formation, ni de sa première production. Son père, François Stella (v. 1563-1605) était un peintre d’origine flamande, venu s’établir à Lyon vers 15881590, après un séjour passé en Italie1. Il épousa la fille d’un compatriote, le peintre Jacques Vandermère, et en secondes noces Claudine de Masso, la fille d’un notaire de l’Arbresle (petite ville située à quelques kilomètres de Lyon). De cette dernière union sont nés sept enfants : Pierre (1593 ?), Claudine (25 avril 1595), Jacques (29 septembre 1596), Jean-Baptiste (29 octobre 1598), Madeleine (4 janvier 1601), François (24 août 1603) et Françoise (2 mai 1606). Pierre et Jean-Baptiste moururent en bas âge. Établi sur la place de Confort (voir p. 27, fig. 3), François Stella père s’imposa comme l’un des meilleurs peintres de la ville. Ainsi, Karel van Mander signale à Lyon « François Stellaert », « un Flamand […] excellent paysagiste et dessinateur, non moins habile peintre de figures que de compositions et de portraits2 ». Mort précocement, en octobre 1605, François Stella ne put enseigner les rudiments du métier à son fils Jacques, qui n’avait alors que neuf ans. Ce fut probablement dans l’atelier du peintre Jacques Maury, l’une des figures dominantes du milieu artistique lyonnais, avec lequel Claudine de Masso se remaria, que Jacques Stella acquit les premiers secrets de l’art de peinture.
1 Sur François Stella père, voir Hours, 1975 ; Chomer, 1987. 2 Schilder-Boeck, 1604, éd. trad. 2002, p. 211-212. 3 A.V.R., paroisse Sant’ Andrea delle Fratte, Stati delle Anime (16231628), fol. 47 ; Bousquet, 1975, p. 188. Par erreur, Bousquet fait état d’une mention de Stella et de son frère François dans les Stati delle anime de 1622. Nous avons retrouvé ces informations non pas à la date indiquée, mais à celle de 1624. 4 A.V.R., paroisse Santa Maria del Popolo, Stati delle anime (16221628), fol. 103 ro ; Bousquet, 1975, p. 188.
LES ANNÉES ITALIENNES (v. 1619-1634) LÕ”tape florentine1619-1622) (v. Comme tout artiste de quelque ambition, le jeune Stella quitta sa ville natale pour aller compléter sa formation à Rome. Si, dans un premier temps, il s’arrêta assez longuement à Florence, on peut penser que ce fut Rome, et non la cité de Michel-Ange, qui motiva son départ pour l’Italie. Les premières années de son séjour italien, à l’instar de sa première formation à Lyon, restent obscures, à commencer par l’année même de son départ. Félibien, bien informé sur Stella, est ici confus et contradictoire. Selon l’historien, Stella quitta Lyon pour l’Italie « à l’âge de vingt ans », autrement dit vers 1616-1617, tout en assurant quelques lignes plus loin que le peintre s’établit à Rome en 1623 « après avoir demeuré quatre ans à Florence », ce qui place son arrivée dans la citée toscane non pas en 16161617, mais un peu plus tard vers 1618-1619. En outre, les précisions apportées par Félibien sur le séjour florentin méritent à tout le moins quelques nuances. Selon lui, Stella arriva « à Florence, lorsque le grand Duc Cosme de Medicis faisoit faire un superbe appareil pour les nopces de son fils Ferdinand II », donnant ainsi au jeune peintre « une occasion de se faire connoistre du Grand Duc, qui luy donna un logement & une pension pareille à celle de Jacques Callot qui estoit aussi alors à Florence ». Or Ferdinand II, né le 14 juillet 1610, ne se maria nullement à la fin des années 1610, mais en 1633. Félibien confond-il avec le « superbe appareil » auquel donna lieu le mariage de l’une des sœurs de Côme, Catherine de Médicis, avec Ferdinand I de Mantoue en l’année 1617 ? Bien que cette année concorde avec les « vingt ans » de Jacques Stella, on restera très prudent quant à une hypothétique arrivée en 1617, d’autant que Félibien fait également erreur sur la position dont aurait bénéficié Stella à la cour des Médicis. Tout indique en effet que sa situation fut loin d’être aussi prestigieuse. Des dépouillements dans les comptabilités Médicis de la « Guardaroba » et de la « Galleria » pour les années 1615-1623 (archives où sont enregistrées les dépenses artistiques de la maison ducale) n’ont pas permis de trouver de mentions sur Stella, alors que dans ces mêmes archives apparaissent tous les artistes ayant travaillé pour le grand-duc : de Jacopo Ligozzi à Filippo Napoletano, de Bilivert à Jacques Callot, en passant par une pléthore de peintres célèbres (Passignano, Da Empoli, Furini, Sustermans…). De même, nos recherches dans les archives de l’Accademia del disegno de Florence, illustre académie qui rassemblait nombre des peintres précités, nous permettent d’assurer que Stella n’y appartint jamais. Relevons, en outre, que l’ensemble des œuvres pouvant être rattachées à la période florentine forme un corpus réduit : aucun tableau sûr et guère plus de cinq dessins et quatre gravures, dont les dates oscillent entre 1620
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et 1621. Ces différents éléments suggèrent un séjour relativement court, guère plus de quatre ans selon nous, de 1619 à 1622 environ. Ces quelques mois passés à Florence, aux côtés de Jacques Callot, ne marquèrent pas moins une étape importante dans la formation de Stella. 1620 Œuvres : Le Songe de Jacob, eau-forte (cat. 5). Vue du Dôme de Florence, plume et lavis, daté et signé Jacqu. Stella Pictor Lug [dunensis], 1620 (anciennement Londres, collection Henry Harris) (p. 25, fig. 1). 1621 Œuvres : Cérémonie de la présentation des Tributs au grand-duc de Toscane, eau-forte (cat. 6). Le Vendeur de tripes pour chats, eau-forte (cat. 10).
Les ann”es romaines (1623-1634) Stella arriva à Rome probablement durant l’année 1622, au plus tard à Pâques 1623. Il reprit le chemin pour la France quelque dix années plus tard, en 1634. Ce long séjour romain peut être distingué en deux temps. Une première période, qui va de 1623 à 1629, où l’on voit la notoriété de Stella s’affirmer progressivement. Peut-être par l’entremise du Florentin Antonio Tempesta, dont il est le proche voisin, Stella est reçu dès 1624 à l’académie de SaintLuc, nouvellement dirigée par Simon Vouet. Il gravit un à un les échelons honorifiques, depuis Provveditore allo Studio (inspecteur de l’atelier) en 1624 jusqu’à Rettore dello Studio en 1627. L’année 1630, l’année de la mort d’Antonio Tempesta, ouvre une nouvelle période pour Stella à Rome. Le peintre s’est retiré des activités de l’académie de Saint-Luc. Son nom n’apparaîtra plus dans aucun des comptes rendus de délibérations. Sans connaître la raison de cet éloignement, on remarquera qu’il correspond à celui, tout parallèle, de Poussin. Les dernières années de Stella à Rome sont celles de la célébrité, comme en attestent les multiples commandes passées par les Barberini auprès du peintre lyonnais. 1623 Pâques Stella est établi dans la paroisse de Sant’ Andrea delle Fratte, accompagné d’un certain Leggiero Amo3. Œuvre : Saint Georges et le dragon, eau-forte (cat. 13). 1624 Pâques Stella est désormais installé sur le Corso, paroisse Santa Maria del Popolo, à deux pas de chez Antonio Tempesta. Son frère cadet François, peintre, qui l’a rejoint à Rome, et un serviteur, Claude Durand, demeurent avec lui4.
27 octobre Stella est présent à la réunion générale des peintres et sculpteurs de l’académie de Saint-Luc, dont Simon Vouet vient d’être élu prince la semaine précédente. Lors de cette réunion, Stella est choisi comme Provveditore allo Studio (inspecteur de l’atelier) en lieu et place d’Antonio Tempesta5. Stella est également présent aux réunions des 3 novembre et 26 décembre6. Œuvres : Assomption de la Vierge, peinture sur albâtre commandée par le pape Urbain VIII et offerte à l’ambassadeur d’Espagne, le duc de Pastrana7 (p. 29, fig. 1). Série dite des Camaïeux bleus, datés pour certains de 1624 et 1625 (cat. 14-25). 1625 Pâques Stella demeure toujours avec son frère paroisse Santa Maria del Popolo, accompagnés de leur serviteur Claude Durand et d’un certain Francesco Birrone8.
5 « Item fu viva voce permutato il Proveditore dato al Sig[nor]e Antonio Tempesta per la sua 2a Domenica et dato il S[i]g[no]r[e] Jacomo Stella francese. » (Lafranconi, 2000, t. II, doc. 131, p. 88.) 6 Lafranconi, 2000, t. II, doc. 133, p. 90 et doc. 134, p. 91. 7 Voir Torrès Peralta Garcia, 1983. 8 A.V.R., paroisse Santa Maria del Popolo, Stati delle anime (16221628), fol. 167 vo ; Bousquet, 1975, p. 188. 9 Lafranconi, 2000, t. II, doc. 136, p. 94. 10 A.V.R., paroisse Santa Maria del Popolo, Stati delle anime (16221628), fol. 195 vo ; Bousquet, 1975, p. 188. 11 Lafranconi, 2000, t. II, doc. 143, p. 104. 12 Lafranconi, 2000, t. II, doc. 145, p. 106. 13 A.V.R., paroisse Santa Maria del Popolo, Stati delle anime (16221628), fol. 247 vo ; Bousquet, 1975, p. 188. 14 Lafranconi, 2000, t. II, doc. 152, p. 109-111. 15 Id., doc. 153, p. 111 ; doc. 157, p. 115 ; doc. 158, p. 116 ; doc. 159, p. 118. 16 Id., doc. 158, p. 116. 17 Id., doc. 164, p. 123. 18 « Nella quale congregatione fu deputato […] delli festaroli per la festa di San Luca prossima il sig.re Andrea Sacchi e il sig.re Jacomo Stella, et quando non vogli accettare questo caricho se gli darà la cassetta, et il S.re Don Franc.o parimente per festarolo. » (Lafranconi, 2000, t. II, doc. 179, p. 134.) 19 « Fu risoluto che il Camerlengho debbia dare un quadretto di un paese […] al Cav.re Stella per remuner.lo delle fatighe che ha fatto delle remissione del Bandito. » (Lafranconi, 2000, t. II, doc. 181, p. 136.) 20 A.V.R., paroisse San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime (1630), fol. 51 vo ; Bousquet, 1975, p. 190. 21 Id., Stati delle anime (1632), fol. 50 vo ; Bousquet, 1975, p. 190. 22 B.V., Archivio Barberini, Computisteria 80, registro de’ mandati del cardinale Francesco Barberini, 1630-1636, no 2742 ; signalé dans Bousquet, 1980, p. 138. 23 B.V., Archivio Barberini, libro di ricordi della guardaroba (c) 16331635, fol. 90 vo ; Aronberg Lavin, 1975, doc. 328, p. 41. 24 B.V., Archivio Barberini, Computisteria 80, registro de’ mandati del cardinale Francesco Barberini, 1630-1636, no 2805 ; Bousquet, 1980, p. 138. 25 Aronberg Lavin, 1975, doc. 92a, p. 11 et Madocks Lister, (1998) 2000, p. 176. 26 Aronberg Lavin, 1975, doc. 339a, p. 42.
22 mars Stella est présent à la réunion de l’académie de SaintLuc organisée chez Simon Vouet, strada Ferratina9. Œuvre : Le Christ en croix et la Madeleine (cat. 29). 1626 Pâques Stella est toujours établi avec son frère sur le Corso, accompagné désormais du peintre Pietro Serlio10. 29 juin Stella est présent à la réunion de l’académie tenue au palais Crescenzi11. 29 septembre Stella est présent à la réunion de l’académie. À cette occasion, Poussin est chargé d’organiser les festivités de la Saint-Luc12. Œuvres : Vénus et Adonis, plume et lavis brun, signé et daté Stella Jacopo 1626 (Brême, Kunsthalle, inv. 40/552). Sainte Cécile, avec vue de la villa Médicis, huile sur cuivre (cat. 33). 1627 Pâques Stella demeure toujours avec son frère François sur le Corso, paroisse Santa Maria del Popolo13. Le 29 juin, Vouet annonce à l’académie son départ pour la France14. Absent à cette réunion d’adieu, Stella est présent à celles des 12 septembre, 14 et 28 novembre15. 14 novembre Stella assiste à la réunion de l’académie de SaintLuc en qualité désormais de Rettore dello studio16. Œuvres : Sainte Hélène retrouve la Croix, huile sur marbre, signé et daté au verso 1627 (fig. IV.1). L’Assomption de la Vierge, huile sur toile (cat. 34). 1628 Pâques Jacques Stella et son frère François n’apparaissent plus dans les registres de la paroisse Santa Maria del Popolo. Il se peut que Stella ait déménagé à cette date dans la paroisse San Lorenzo in Lucina, où nous le retrouvons en 1630 (les registres de cette paroisse pour les années 1628 et 1629 ne sont pas conservés). 6 août Stella est présent à la réunion de l’académie de Saint-Luc. Il compte désormais parmi les douze Maestri dello Studio, aux côtés de peintres aussi célèbres que Cortone, Lanfranco, Sacchi, Tempesta ou Poussin17. 1629 2 septembre Stella est présent à la réunion de l’académie. À cette occasion, Stella et Sacchi sont chargés d’organiser la prochaine fête de Saint-Luc18.
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21 octobre Lors d’une réunion de l’académie, il est décidé d’offrir un petit tableau de paysage au « cavalier Stella » pour le remercier d’œuvres charitables effectuées au nom de l’institution 19. Le titre de « cavalier » employé ici, s’il ne semble correspondre à aucun titre anoblissant dont Stella aurait bénéficié en Italie, n’en indique pas moins une marque de haute considération. Il s’agit ici de la dernière mention de Stella dans les procès-verbaux de réunions académiques. Œuvres : Vie de saint Philippe Neri, dessins datés de 1629 et 1630 (fig. III.1.2). 1630 Jacques Stella réapparaît dans les registres paroissiaux, mais sans son frère François. Il est installé sur le Corso, paroisse San Lorenzo in Lucina chez un dénommé Giovanni Stella « romano »20. On ne sait si un lien de parenté unissait Stella à cet homonyme romain. Œuvre : Sainte Marie-Madeleine pénitente, huile sur pierre noire (cat. 36). 1631 Œuvres : L’Adoration des bergers, dessin (cat. 40). Un guerrier oriental et sa suite sur une colline boisée avec un camp militaire à l’arrière-plan, dessin (cat. 45). L’Annonciation, huile sur lapis-lazuli (cat. 39). Suzanne et les vieillards et Joseph et la femme de Putiphar, signés et datés l’un et l’autre Jacobus Stella Lugdunensis faciebat / Romae 1631 (États-Unis, collection David Rust) (fig. IV.2 et 1). 1632 Pâques Jacques Stella demeure toujours sur le Corso auprès de Giovanni Stella21. 17 juin Les trésoriers du cardinal Francesco Barberini sont chargés de payer à Jacques Stella 60 écus pour deux tableaux sur pierre, l’un représentant une Nativité et l’autre une Annonciation22. Il est possible que ce dernier tableau corresponde à l’Annonciation sur lapis offerte par le cardinal Barberini à l’ambassadrice d’Espagne le 3 mai 163423. 4 septembre Les trésoriers de Francesco Barberini sont chargés de payer à Jacques Stella 140 écus pour trois tableaux, deux sur pierre représentant une Nativité et saint Antoine de Padoue, et le troisième sur cuivre représentant le mariage de sainte Catherine de Sienne 24. Ce dernier tableau ne peut être la « Madonnina […] con Santa Caterina fatto del Stella », peinte sur lapis-lazuli, qu’avait envoyée en 1635 le cardinal Barberini à la cour d’Angleterre25, mais peut-être plutôt le « Sposalitio di S. Caterina fatta da Monsù Stella » déposé, avec d’autres peintures, par le cardinal Barberini chez des religieuses en 163926.
1633 19 février Jacques Stella écrit à son ami le marchand d’estampes François Langlois, alors à Naples, pour l’informer de son intention de quitter Rome. Cette lettre est l’unique que l’on conserve de Stella (cat. 47). On ne sait s’il faut rapprocher ce projet de départ de l’invitation que le peintre aurait reçue, selon Félibien, du roi d’Espagne, mais qu’une « fascheuse affaire » avait retardée. L’anecdote est restée célèbre : alors qu’il s’apprêtait à partir, Stella fut arrêté, accusé « d’entretenir dans une famille quelques amourettes ». La dénonciation, calomnieuse, était inspirée par l’esprit de vengeance, Stella ayant refusé d’ouvrir en pleine nuit la porte dont il avait la responsabilité en qualité de chef du quartier de Campo Marzo, refus qui motiva la cruelle vindicte. Durant son court emprisonnement (Stella fut aussitôt innocenté) « il fit, pour se desennuyer, avec un charbon, & contre le mur d’une chambre, l’Image de la Vierge tenant son fils, laquelle fut trouvée si belle que le Cardinal François Barberin alla exprés la voir ». On ne sait que croire de cette bien curieuse histoire. On remarquera seulement que Stella ne fut jamais chef de quartier du Campo Marzo, la charge de « caporióne » étant attribuée seulement aux nobles romains27. Pâques Jacques Stella demeure toujours sur le Corso chez le dénommé Giovanni Stella ; son frère François réapparaît à ses côtés28. Avril Le nom de Jacques Stella figure dans la « lista delli sig.ri Pittori francesi », conservée dans les archives de l’académie de Saint-Luc, classé parmi les « academici vecchi » aux côtés de Nicolas Poussin et Nicolas de La Fage. Le nom de « Francesco Stella » est également cité dans la liste29.
27 On conserve la liste complète des Caporióni (chefs de quartier) de Rome, dans laquelle n’apparaît pas Jacques Stella (A.C.R., Camera Capitolana, cred. 1, t. 33, cat. 33, années 1625-1640). 28 A.V.R., paroisse San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime (1633), fol. 51 ro ; Bousquet, 1975, p. 190. 29 Voir Fagiolo dell’Arco, 1996, p. 19, fig. 2.24 et p. 267. 30 B.V., Archivio Barberini, Computisteria 80, registro de’ mandati del cardinale Francesco Barberini, 1630-1636, no 3202 ; Bousquet, 1980, p. 140. 31 Même registre, no 3389 ; Bousquet, 1980, p. 140. 32 A.V.R., paroisse San Lorenzo in Lucina, Stati delle anime (1634), fol. 27 ro ; Bousquet, 1975, p. 190. 33 Boyer et Volf, 1988. 34 B.V., Barb. Lat. 8633, fol. 307 vo, lettre de Francesco Barberini à l’agent du pape en Angleterre Panzani, citée dans Madocks Lister, (1998) 2000, p. 167. 35 Boyer et Volf, 1988, note 25, p. 36. 36 Gil Carrillo de Albornoz (1579-1649) fut nommé gouverneur ad interim du Milanais le 23 septembre 1633. Arrivé à Milan en juillet 1634, Albornoz fut remplacé par le marquis de Léganes en novembre 1635. 37 AD Rhône, 3 E 5377, fo 963 ; Chomer, 1980, p. 85. 38 Id., fo 974.
14 juin La comptabilité Barberini doit verser à Jacques Stella la somme de 40 écus pour un tableau sur parangon représentant le Christ devant Pilate, 15 écus pour le cadre d’ébène orné de filets d’argent et 16 écus pour un petit tableau octogonal sur parangon représentant une Vierge à l’Enfant30. 15 août La comptabilité Barberini doit verser à Jacques Stella la somme de 240 écus pour plusieurs tableaux avec cadre, achetés par lui pour le compte des Barberini (« compri da lui per nostro servitio »)31. Œuvres : Olympe abandonnée par Birène, dessin (cat. 48). Allégorie sur la mort du cardinal Scipion Borghèse, dessin (cat. 46). 1634 Pâques Jacques Stella et son frère demeurent désormais via della Croce, en compagnie de l’abbé Giacomo Agosto et du peintre Ottavio Bianchi32.
LE DÉPART POUR LA FRANCE. VENISE, MILAN, LYON (1634-1635) Stella « partit en 1634, à la suite du maréchal de Créquy, lequel revenoit de son Ambassade ». L’information donnée par Félibien est avérée. La publication récente de l’inventaire des biens du maréchal de Créqui, dressé après sa mort en 1638, fait mention d’un nombre important de tableaux de Stella, preuve de liens noués entre les deux hommes33. Mais surtout, dans une lettre du 11 avril 1635, le cardinal Barberini mentionnait l’envoi à la cour d’Angleterre de petits tableaux de « artifici stimati », l’Albane, Turchi, mais encore Stella, « il primo in simili lavori picioli » (« le meilleur dans ces semblables petits ouvrages »), précise le cardinal, ce qui lui fait regretter que « l’ha condotto seco il Duca di Crichi » (« le duc de Créqui l’a emmené avec lui »)34. Cette lettre est importante, non pas seulement parce qu’elle présente Stella comme l’un des « artistes estimés » de Rome, aux côtés de l’Albane et de Turchi, dans l’art des « lavori picioli », mais encore en ce qu’elle vient confirmer les conditions de son départ attestées seulement par le texte d’André Félibien. Arrivé à Rome en 1633, Créqui quitta la ville durant l’été 1634. À son retour, il passa plusieurs jours à Florence, où il fut reçu par le grand-duc, demeura à Venise d’août à octobre, avant de séjourner à Mantoue, Parme, Plaisance (nov. 1634) et enfin Turin35. Selon Félibien, Stella abandonna la suite de l’ambassadeur pour se rendre à Milan – ville espagnole – « où il fut saluër le Cardinal Albornos qui en estoit Gouverneur, & duquel il estoit connu ». « Ce Cardinal, raconte Félibien, tascha de l’arrester, luy offrant la direction de l’Académie de Peinture fondée par Saint Charles, mais il le remercia, & lors
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qu’il prit congé de son Éminence, il receût d’elle une chaisne d’or. » Cette précision, qu’aucun document n’est venu confirmer, n’en est pas moins vraisemblable36. 1635 13 janvier Jacques Stella et son frère François sont à Lyon. Ils signent tous deux, en qualité de témoins, le contrat de mariage de leur sœur Madeleine avec l’orfèvre Étienne Bouzonnet37. On notera que Stella et son frère sont désignés dans le contrat comme « maîtres paintres aud. Lyon ». De ce mariage naîtront cinq enfants, Claudine (1636), Antoine (1637), Françoise (1638), Antoinette (1641) et Sébastien (1644). 25 juin Jacques Stella est toujours à Lyon à cette date. Étienne Bouzonnet et sa femme Madeleine Stella reconnaissent avoir reçu de Claudine de Masso et de Jacques Stella « maitre peintre à Lyon » la somme de 600 livres, conformément aux stipulations du contrat de mariage38. Stella appose sa signature sur le contrat. Œuvre : L’Adoration des anges réalisée pour la chapelle de la confrérie des peintres, au couvent des Cordeliers de Saint-Bonaventure (cat. 56).
LA CARRIÈRE PARISIENNE (1636-1657) Les années parisiennes sont celles de son plus grand succès. Alors que le peintre, selon Félibien, songe mener carrière à la cour d’Espagne, le cardinal de Richelieu, informé de ses mérites, le retient à son service. Un brevet de « peintre ordinaire du roi », un logement au Louvre et 1 000 livres de pension ont raison du projet espagnol. Malgré la toutepuissance de Simon Vouet, revenu à Paris en 1627, Stella n’en cumule pas moins les commandes prestigieuses, publiques et privées : il réalise de grands retables pour les principales églises de Paris, fournit en tableaux de chevalet les principaux cabinets d’amateurs, exécute des dessins pour l’Imprimerie royale nouvellement fondée, tandis que les meilleurs graveurs de sa génération (Mellan, Rousselet, Daret…) traduisent au burin ses plus belles compositions. La mort de Richelieu (1642), la disgrâce de Sublet de Noyers, le surintendant des Bâtiments auquel Stella doit d’importantes commandes, ne mettent aucunement un terme à ses années glorieuses. En 1644, alors que Mazarin reprend le gouvernement de la France, Stella travaille activement au décor de l’oratoire d’Anne d’Autriche au PalaisRoyal, et obtient la même année l’ordre de Saint-Michel, privilège insigne dont seuls quelques peintres, pour tout le XVII e siècle, peuvent s’enorgueillir.
1636 Jacques Stella et son frère François sont probablement installés à Paris dès cette date. Félibien raconte : Stella « vint à Paris, où il n’avoit pas dessein de demeurer : neanmoins Mre Jean François de Gondi alors Archevesque de Paris39, luy ayant donné de l’employ, le Cardinal de Richelieu qui entendit parler de luy, & qui sceût qu’il devoit aller en
Espagne, l’envoya querir, & luy ayant fait entendre qu’il luy estoit bien plus glorieux de servir son Roy que les Estrangers, luy ordonna de demeurer à Paris, & en suite le presenta au Roy, qui le receût pour l’un de ses Peintres, & luy donna une pension de mille livres & un logement dans les Galleries du Louvre ». Si ce logement au Louvre n’est attesté qu’à partir de 1640, on peut penser que Stella l’obtint plus tôt, peut-être dès 1636-1637.
39 Rappelons que Jean-François de Gondi (1584-1654), archevêque de Paris depuis 1622, avait commandé en 1623 au jeune Nicolas Poussin La Mort de la Vierge (Sterrebeek, église Saint-Pancrace), destinée à Notre-Dame. 40 Ed. Jouanny, 1911, no 2, p. 3-5, no 75, p. 406-407, no 188, p. 424. On notera que les extraits de lettres de Poussin à Stella cités par Félibien comptent aujourd’hui parmi les rares témoignages de la pensée de Poussin sur son art. 41 Rosenberg, Prat, 1994, t. I, no 365, p. 704. Fragment de lettre de la main de Poussin, amputée sur les côtés, au verso d’un dessin à la plume, étude de paysage (Washington, The National Gallery of Art). Les liens troublants qu’ont relevés Rosenberg et Prat avec le dessin préparatoire de La Naissance de Bacchus, un tableau peint pour Stella en 1657, l’envoi de couleurs (en l’espèce de l’azur) évoqué dans la lettre, l’intérêt porté par le correspondant à l’œuvre de Raphaël, et de manière plus générale le ton amical et personnel de cette lettre, permettent en effet de suggérer le nom de Jacques Stella. On relèvera la présence dans le précieux recueil de dessins de maîtres, décrit dans l’inventaire de Claudine Bouzonnet Stella en 1693, « deux paysage du Poussin, exquisé », voir annexe no 212 (94-95). 42 Le 2 août 1638 a été baptisé François, fils de François Delatour l’un des gardes de Mr le cardinal, duc de Richelieu ; le parrain : François Stella peintre ; la marraine : Eugénie Golart, femme de Nicolas Cadot, parroisse Saint Germain l’Auxerrois (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12187, fiche 61458). 43 D’après une lettre de Poussin à Chantelou, 28 avril 1641 (éd. Jouanny, 1911, no 11, p. 22). 44 Le dimanche 19 juin 1639, à 4 h. et demye du soir fut baptisé un fils né du jour précédent et nommé François, fils de Louys de Melun, vallet de piedz de Monseigneur frère unicque du roy ; le parin : François Stella, m(aîtr)e peintre à Paris ; la marinne : Eugénie Gottar [Golart], femme de Nicolas Cadot, bourgeois de Paris (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12187, fiche 61459). Précisons que Charles Le Brun prit en apprentissage le 17 août 1640 un certain Louis de Melun (Richefort, 1998, p. 251). 45 Jal, 1872, p. 1150. 46 D’après l’inventaire des papiers de Claudine Bouzonnet Stella (Guiffrey, 1877). 47 Du 20 may 1640, Marie, fille d’Estienne Doyart, maistre serrurier, et de Françoise Mytier, sa femme, demt rue de la Boucherie de St Honoré, a esté baptisée. Le parain : Jacques Stella peintre du roy, demt aux Galleries du Louvre, parr. de St Germain ; la maraine : Lazare Lefebure, femme de Nicolas Messier, masson du roy, demt rue St Denis, parr. de St Sauveur (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12094, fiche 22835). 48 AN, MC, VIII, 653 ; Fleury, 1969, t. I, p. 694. 49 Jacques, fils de François Langlois, dit Chartre, md de livres et imager, et de Madeleine de Collemont, fut baptisé le 3 8bre 1641. Fut parrain : Jacques Stella, peintre du roi ; et marraine : Catherine de Bray, fe de Pierre Mariette, md. (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12129, fiche 37669). 50 Le dimanche 9 febvrier 1642, environ 6 h. du soir fut baptisé un filz né du 6, et nommé François, filz de Pierre Carcaville, conseiller au Grand Conseil ; le parrain : François Stella, peintre du roy ; la marraine : Catherine Vandoffevast, veufve de feu Monsr Doin (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12187, fiche 61460). 51 D’après plusieurs lettres de Poussin, 18 avril, 22 et 30 mai, 13 et 27 juin, 18 septembre et 26 novembre 1642 (éd. Jouanny, 1911, no 60, 64, 66, 68, 69, 74, 78. 52 Ed. Jouanny, 1911, no 60. 53 D’après Jal, 1872, p. 1150.
1637 Nicolas Poussin peint pour Jacques Stella deux tableaux, Armide transportant le corps de Renaud (Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie) et Hercule et Déjanire (tableau perdu). Parallèlement aux commandes effectuées successivement par Stella à son ami Poussin (de 1637 à 1657), les deux hommes ont entretenu une importante correspondance, dont il ne reste plus rien aujourd’hui, à l’exception de quelques fragments cités par Félibien (1685)40 et le résidu d’une lettre de la main de Poussin (vers 1655-1657), dont le destinataire pourrait bien être, selon nous, Jacques Stella41. Œuvres : Sémiramis appelée au combat, ardoise (cat. 54). Salomé apporte la tête de saint Jean Baptiste, ardoise Richemond, Surrey, Ham House. 1638 2 août François Stella, le frère de Jacques Stella, tient sur les fonts le fils de François Delatour, l’un des gardes du cardinal de Richelieu42. 1639 Avril Jacques Stella séjourne quelques semaines à Lyon43. 19 juin Son frère François Stella « maître peintre à Paris » tient sur les fonts le fils de Louis de Melun, valet de pied de Gaston d’Orléans44. Jacques Stella est chargé du décor de l’oratoire de la reine à Saint-Germain-en-Laye. Son frère François Stella reçoit des Bâtiments du roi la somme de 1 200 livres pour avoir réalisé dix tableaux sur la vie de la Vierge pour le décor de l’oratoire et peint et doré les lambris et le plafond45. Œuvres : La Nativité, huile sur cuivre (cat. 59). 1640 5 mars Jacques Stella remet au peintre Bertrand (probablement le maître peintre Jean Bertrand) la somme de 750 livres « pour tous les ouvrage fait par ledit Bertrand en l’Oratoire de la Reyne au chasteau de St Germain en Laye »46. 20 mai Jacques Stella tient sur les fonts une fille d’Étienne Doyart, maître serrurier47. 16 juillet Jacques Stella « peintre ordinaire du roi » prise avec
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Simon de Vaux les tableaux laissés à la mort de Pierre Dupont, tapissier ordinaire du roi, demeurant aux galeries du Louvre48. 17 décembre Nicolas Poussin, appelé en France par Sublet de Noyers, le surintendant des Bâtiments du roi, arrive à Paris. Faute de place à la galerie du Louvre, le peintre est installé non loin, dans un pavillon du jardin des Tuileries. Œuvre : Stella réalise pour la chapelle royale de SaintGermain-en-Laye Sainte Anne conduisant la Vierge au temple (cat. 74). 1641 3 octobre Jacques Stella porte sur les fonts l’un des fils de François Langlois49. Fin 1641 Stella réalise pour le Noviciat des Jésuites un grand retable, Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple (cat. 82). Le tableau sera exposé au côté du Miracle de saint François-Xavier de Poussin (Paris, musée du Louvre) et de la Vierge prenant les Jésuites sous sa protection de Simon Vouet (tableau détruit). 1642 9 février François Stella tient sur les fonts le fils de Pierre Carcaville, conseiller au Grand Conseil50. Avril-septembre Jacques Stella séjourne plusieurs mois à Lyon51. Dans une lettre du 18 avril 1642, Poussin informe son correspondant italien Cassiano dal Pozzo de la présence de Stella à Lyon : « Monsieur Stella, peintre, mon ami, est parti avant-hier pour Lyon sa patrie, où il restera tout l’été. Il m’a promis en l’occurrence, de traiter avec quelque courrier – lui qui les connaît tous – et d’envoyer à Rome ce que je lui enverrai, en sûreté comme si c’était son propre bien52. » On ne sait pas les raisons exactes de ces longs mois passés à Lyon. Il est possible que Stella ait profité de ce séjour pour traiter avec sa mère Claudine de Masso du futur mariage de son frère François (février 1643) et organiser parallèlement le déménagement de sa mère et de sa sœur Françoise, venues vivre à ses côtés. Fin septembre Poussin quitte définitivement Paris pour Rome. 4 décembre Mort du cardinal de Richelieu, suivie de celle de Louis XIII (10 mai 1643). Œuvre : Triomphe de Louis XIII sur les ennemis de la religion, huile sur lapis-lazuli (cat. 79). 1643 5 février François Stella épouse Jeanne Het, veuve en premières noces d’Étienne Rolan. La cérémonie religieuse est célébrée à Saint-Germain-de-l’Auxerrois53.
La veille, un contrat de mariage avait été passé entre les époux devant le notaire Plastrier54. 22 juin La mère de Jacques Stella, Claudine de Masso, demeure désormais « en cette ville de Paris avecq le s[ieu]r [Jacques] Stella son filz pintre ord[inai]re du roy es Galleries du Louvre ». Elle rédige alors son testament. Elle lègue à son fils François Stella 300 livres, à sa fille Françoise Stella la même somme de 300 livres ainsi que des hardes pour une valeur de 60 livres, à Madeleine Stella 30 livres, en considération de ce qu’elle a déjà reçu pour son mariage, et le reste de ses biens à Jacques Stella « attendu q[u’i]l l’a tous[jou]rs assistée en toutes ses necessitez et aff[air]es et fourny deniers p[ou]r la nourrir entretenir et subvenir tant aud. Lyon qu’en cetted. ville de Paris et q[u’i]l l’a noury logé et entretenu à present »55. Œuvre : Le Christ mort, huile sur cuivre (cat. 78). 1644 Jacques Stella reçoit du roi l’ordre de Saint-Michel56. Œuvre : La Naissance de la Vierge, panneau peint pour le décor de l’oratoire d’Anne d’Autriche au PalaisRoyal (cat. 83). 1645 Les comptes de l’administration royale enregistrent pour cette année le versement à Stella de 750 livres pour trois quartiers de ses appointements (Guiffrey, 1872, p. 49). On notera que cette somme 54 D’après AN, MC, II, 184 ; Fleury, 1969, t. I, p. 647 (document perdu ; les minutes de ce notaire ne sont conservées qu’à partir de 1653). 55 AN, MC, VII, 32, 22 juin 1643 ; Fleury, 1969, t. I, p. 646. 56 Félibien, 1688, p. 270. 57 Du 8 février 1645, fut baptisé Laurent, fils de Mathurin du Chesne, graveur en taille douce, et de Françoise Gadouleau, me paumier ; la marraine : Françoise Stela, fille de feu François Stela vivant peintre [à Lyon] (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12096, fiche 23859). 58 Jacques, fils de François Langlois, md libraire, et de Madeleine de Collemon, fut baptisé le 24 mars 1646. Parrain : Jacques Carabel, architecte ; et marraine : Françoise Stella, fille de feu Jacques [erreur : François] Stella, peintre (BnF, Manuscrits, fichier Laborde, Naf 12129, fiche 37671). 59 D’après Jal, 1872, p. 1150. 60 Le vendredi vingt sixiesme juillet 1647, décéda François Stella, maistre peintre, demeurant rue de la Coutellerie ; son corps fut inhumé le mesme jour, au cimetierre neuf [de Saint-Jean-en-Grève] (cité par Jal, 1872, p. 1150). 61 Félibien, 1688, p. 274. 62 D’après AN, MC, II, 184 ; Fleury, 1969, t. I, p. 647. 63 AN, MC, II, 184 ; Fleury, 1969, t. I, p. 647. 64 AN, Y 188, fol. 350, 27 juillet. N’apparaît parmi les témoins au contrat de mariage aucun membre du clan Stella. 65 Éd. Jouanny, 1911, no 155, p. 369. 66 Éd. Jouanny, 1911, no 175, p. 406-407. 67 Éd. Jouanny, 1911, no 188, p. 424. 68 Huard, 1939, p. 20, 32.
correspond précisément aux 1000 livres de gages annuels que Félibien dit avoir été accordées à Jacques Stella. 8 février Françoise Stella, sœur de Jacques Stella, tient sur les fonts un fils de Mathurin Duchesne, graveur en taille douce57. Œuvres : Stella réalise pour les franciscaines de Sainte-Élisabeth de Bellecour (Lyon) un important retable, L’Apparition de la Vierge à sainte Élisabeth de Hongrie (cat. 90) [ou 1655 ?]. Il peint un Baptême du Christ pour le maître-autel de l’église Saint-Germain-le-Vieux (cat. 87). Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple, huile sur bois (cat. 104). 1646 24 mars Françoise Stella, sœur de Jacques Stella, est marraine de l’un des fils de François Langlois58. 19 mai Jacques Stella porte sur les fonts Anne, fille de Mathurin Duchesne, désormais paumier59. Œuvre : Le Repos pendant la fuite en Égypte, dessin (cat. 98). 1647 26 juillet Mort de François Stella60. Selon Félibien, le peintre « qui n’eut pas tous les talens de son frère », « fit fort peu d’ouvrages pendant qu’il vescut, s’estant trouvé engagé dans des procès qui luy causèrent la mort, il fut attaqué d’une pleurésie, dont il mourut le 26 juillet 1647 »61. Le jour même de sa mort, Jacques Stella et sa mère Claudine de Masso renoncent à la succession au profit de la veuve, Jeanne Het62. 30 août Un inventaire des biens est dressé après le décès de François Stella à la requête de Jeanne Het. Le couple demeurait rue de la Coutellerie, dans deux chambres et un cabinet63. Jeanne Het se remariera en 1651 avec Nicolas Estienne, commis aux aides64. 3 novembre Dans une lettre adressée à Chantelou, Poussin évoque de nouveau ses liens privilégiés avec Stella : « Jei oublié à vous dire que je cognois bien Stella. »65 1648 Œuvre : Un squelette assis écrivant devant un livre cabalistique à la lueur d’une chandelle, dessin (cat. 126). 1649 Nicolas Poussin peint pour Stella Le Frappement du Rocher (Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage). Septembre Poussin écrit à Jacques Stella, en réponse à certaines critiques formulées contre son Frappement du Rocher (fragment cité par Félibien)66, satisfait « qu’on sache qu’il ne travaille point au hazard, et qu’il est en
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quelque manière assez bien instruit de ce qui est permis à un Peintre dans les choses qu’il veut représenter, lesquelles se peuvent prendre et considérer comme elles sont encore ou comme elles doivent être ». Œuvre : Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple, huile sur cuivre (cat. 104). 1650 Œuvres : La Vierge et l’Enfant avec saint Jean Baptiste, huile sur marbre noir (cat. 111). Le Jugement de Pâris, huile sur toile (cat. 110). Le Mariage de la Vierge, carton de tapisserie pour Notre-Dame de Paris (cat. 105). 1651 Poussin, dans une lettre à Stella (fragment cité par Félibien, 1685), décrit son monumental Paysage avec Pyrame et Thysbé peint pour Cassiano dal Pozzo67. Œuvre : La Sainte Famille avec saint Jean Baptiste dans un intérieur, huile sur ardoise (cat. 113). 1652 Œuvres : Stella peint pour les carmélites du faubourg SaintJacques Le Christ et la Samaritaine, huile sur toile (cat. 117). Le Repos pendant la fuite en Égypte, huile sur toile (cat. 114). 1654 Jacques Stella quitte son logement, devenu peut-être trop étroit pour accueillir les nombreux membres de sa famille venus le rejoindre, pour s’installer un peu plus loin, dans le 26e logement de la galerie du Louvre68. Cet appartement se maintiendra dans la famille Bouzonnet Stella jusqu’en 1698. Nicolas Poussin peint pour Stella Moïse exposé sur les eaux (Oxford, Ashmolean Museum). Œuvres : Portrait de la mère de Jacques Stella, Claudine de Masso, âgée de 80 ans, dessin (cat. 4). La Vierge en prière et l’Enfant endormi, huile sur toile (cat. 119). Stella réalise pour les cordeliers de Provins Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple (cat. 118). Le marché est passé en juillet 1654 devant le notaire Beaufort (le document, mentionné dans le répertoire de ce notaire, n’est malheureusement pas conservé). 1655 Œuvres : Paysage au laboureur, gouache (cat. 163). La Fuite en Égypte au pont, huile sur toile, signé et daté Stella F 1655 (coll. part.). 1656 Sur ses gages annuels de 1 000 livres, l’administration royale ne verse à Stella que 200 livres « attendu
les nécessités des affaires de Sa Majesté » (Guiffrey, 1872, p. 49). 19 juillet Jacques Stella reçoit de la confrérie des compagnons peintres la somme de 404 livres 11 sols69. L’objet de la dette n’est pas précisé. Stella s’était-il engagé à réaliser un tableau d’autel pour la chapelle que la confrérie, comme il ressort du document, était en train de décorer ? La somme sera restituée à la confrérie par Claudine de Masso le 27 octobre 165870. 1657 Nicolas Poussin peint pour Stella La Naissance de Bacchus (Cambridge, Fogg Art Museum). 28 avril Jacques Stella dépose son testament devant le notaire Beaufort. Ce document est malheureusement perdu71. Par le recoupement de différentes pièces d’archives, il est possible toutefois de recomposer une partie de son contenu. La mère Claudine de Masso est héritière universelle ; le beau-frère Étienne Bouzonnet est choisi comme exécuteur testamentaire. Stella lègue à chacun de ses neveux et nièces Bouzonnet un tableau à choisir parmi ses biens72. Une « clause du testament » prévoit également pour son neveu Antoine Bouzonnet « une pension pour son entretien à Rome, en cas qu’il en fit le voyage », prescrivant « de n’y demeurer que cinq années, de sorte qu’il ménagea ce temps avec prudence, et l’employa à se former dans l’art du dessin et à se remplir l’imagination de toutes
les belles idées que lui pouvoient inspirer la vue de tant de belles choses et les excellents conseils de M. Poussin »73. Stella lègue au couvent des Cordeliers de Saint-Bonaventure de Lyon (couvent où son père est enterré) une rente de 4 livres « qui luy avoit esté donnée par Claudine de Masso sa mere avecq tous les arrerages d’icelle à la charge de dire à perpetuité un service par an pour le repos de son ame et de celles de feu son pere et de sad. mere »74. 29 avril Mort de Jacques Stella, suivie le lendemain de son inhumation. Dudict jour 30 avril [1657] convoy de 40 [prêtres] s. c. de feu noble homme Jacques de Stella, chevalier de l’ordre du roy et peintre ordinaire de Sa Majesté, pris dans les galeries du Louvre – Receu 49 l. 10 s. Registre de Saint-Germain-l’Auxerrois (Jal, 1872, p. 1150). Œuvre : La Mort de saint Joseph, dessin (cat. 124). 1658 23 août Conformément aux dispositions testamentaires de Jacques Stella, Claudine de Masso remet un tableau de Poussin à chacun de ses cinq petits-enfants Bouzonnet, tableau choisi par chacun d’eux parmi les peintures laissées la mort de leur oncle (le document est transcrit p. 260).
69 D’après AN, MC, XXIV, 444, 27 octobre 1658, doc. 618. 70 Id. Le 9 octobre 1660, la somme fut remise par l’un des maîtres de la confrérie « au sr Loyre marchand orfebvre » « pour la vente et dellivrance q[u]’[i]l a f[aic]te pour les compagnons pintres d’une croix et deux chandelliers d’argent pour servir à la décora[ti]on de leur chappelle en lad. basse ste chappelle ». 71 Liasse manquante, d’après le répertoire Beaufort, année 1657 ; le testament est également mentionné dans différents documents d’archives, notamment dans l’inventaire de Claudine Bouzonnet Stella, papier 5 (Guiffrey, 1877). 72 D’après AN, MC, XLV, 204, 23 août 1658. 73 D’après le mémoire de Guillet de Saint-Georges lu à l’Académie royale le 1er décembre 1691 sur la vie et l’œuvre d’Antoine Bouzonnet Stella (pub. Louis Dussieux et al., 1854, p. 423-424). 74 AN, MC, CXIII, 46, 11 avril 1660.
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1660 Succession de Jacques Stella L’inventaire des biens de Stella ne fut pas dressé aussitôt après sa mort, en 1657, mais trois ans plus tard, en 1660, l’année de mort de sa mère, Claudine de Masso. Ce document, malheureusement perdu, est mentionné dans l’inventaire des papiers de Claudine Bouzonnet Stella (1693), mais non décrit précisément « pour cause que grande partie des effets y contenu ont esté vendus ou ont changé de nature » (Guiffrey, 1877, p. 99). Si ces indications suggèrent qu’en 1660 la famille Bouzonnet Stella avait procédé à la vente d’une partie des biens laissés par Stella, il n’en est pas moins certain que cette vente n’a concerné que les biens personnels de Stella et non pas son patrimoine artistique, ses collections (tableaux, dessins, estampes et livres) et son fonds d’atelier, précieusement conservés par les Bouzonnet Stella, comme l’atteste l’inventaire des biens de Claudine Bouzonnet Stella dressé par elle-même en 1693 (voir annexe).
Cat. 2
Cat. 15
Cat. 33
Cat. 34 87
Cat. 35
89
Cat. 50
107
Cat. 66 129
Cat. 81 149
Cat. 90
Cat. 96
Cat. 104
Cat. 107 (dĂŠtail)
Cat. 117
Cat. 136
Cat. 164