Cet ouvrage accompagne l’exposition Jade, des empereurs à l’Art déco, présentée à Paris, au musée national des arts asiatiques – Guimet du 19 octobre 2016 au 16 janvier 2017. L’exposition est organisée avec le soutien du Bureau de représentation de Taipei en France
Et avec le prêt exceptionnel du Musée national du Palais, Taipei
Elle a été rendue possible grâce au mécénat principal de la Fondation d’entreprise Total
Et grâce au mécénat d’Eva Air
© Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © Musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris 2016 ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1148-9 ISBN musée national des arts asiatiques – Guimet : 979-10-90262-35-5 Dépôt légal : octobre 2016 Imprimé en Union européenne
Commissariat Commissariat général Sophie Makariou, présidente du musée national des arts asiatiques – Guimet Commissariat Marie-Catherine Rey, conservateur général, collections chinoises, MNAAG Huei-chung Tsao, ingénieur d’études, collections chinoises, MNAAG Avec la collaboration de Claire Déléry, conservateur, collections chinoises, MNAAG Jiehua Huang, stagiaire, collections chinoises, MNAAG Conseillers scientifiques Teng Shu-p’ing, directrice honoraire du département des Antiquités du Musée national du Palais, Taipei, Taïwan Chang Li-tuan, conservateur, département des Antiquités du Musée national du Palais, Taipei, Taïwan
Exposition Musée national des arts asiatiques – Guimet Daniel Soulié, directeur du développement culturel et des publics Katia Mollet, chef du service des expositions Mikael Gomes, éclairagiste Pauline Roy, responsable de l’identité visuelle et de la signalétique Caroline Rousseau, assistante à la signalétique Maïté Vicedo, correctrice Yukiko Kamijima-Olry, responsable du mécénat et des partenariats internationaux Adil Boulghallat ; Valériane Guillaud, régisseurs Scénographie [MAW] – Philippe Maffre ; Marion Rivolier
Catalogue Musée national des arts asiatiques – Guimet Anne Leclercq, chef du service des éditions Claire Vidal, assistante d’édition Dominique Fayolle-Reninger, secrétaire de documentation Somogy éditions d’art Nicolas Neumann, directeur éditorial Stéphanie Méséguer, responsable éditoriale Sarah Houssin-Dreyfuss, coordination et suivi éditorial Nelly Riedel, conception graphique Sandra Pizzo et Gaëlle Vidal, contribution éditoriale Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros, fabrication
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DES EMPEREURS À L’ART DÉCO
Sous la direction de Huei-chung Tsao
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REMERCIEMENTS Le musée national des arts asiatiques – Guimet et les commissaires adressent leurs chaleureux remerciements aux responsables des musées et institutions pour leurs prêts généreux : Musée national du Palais, Taipei M. Lin Jeng-yi, directeur Musée national du château de Fontainebleau M. Jean-François Hebert, président Bibliothèque nationale de France, Paris Mme Laurence Engel, présidente Collection Cartier M. Cyrille Vigneron, président & CEO M. Pierre Rainero, directeur de l’Image, du Style et du Patrimoine Mme Pascale Lepeu, conservatrice de la Collection Cartier La Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques/ FNAGP, Paris Mme Laurence Maynier, directrice Institut de France, musée Jacquemart-André, Paris M. Jean-Pierre Babelon, membre de l’Institut, président de la Fondation Jacquemart-André Musée d’art et d’histoire, Saint-Denis Mme Sylvie Gonzalez, directrice Musées des Arts décoratifs, Paris M. Olivier Gabet, directeur Musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris M. Éric Lefebvre, directeur Musée d’Histoire et d’Archéologie, Vannes M. Christophe Le Pennec, adjoint au conservateur, en charge des collections d’Histoire et d’Archéologie Musée du Louvre, Paris M. Jean-Luc Martinez, président Muséum national d’Histoire naturelle, Paris M. Bruno David, président Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Paris M. Stéphane Martin, président Van Cleef & Arpels M. Nicolas Bos, président
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Que les collectionneurs qui ont souhaité garder l’anonymat et qui ont également permis par leur concours la réalisation de cette exposition trouvent ici l’expression de notre gratitude profonde. Les commissaires tiennent à exprimer leurs plus sincères remerciements aux personnes et aux institutions qui leur ont réservé un accueil bienveillant et qui par leur constant soutien et la confiance qu’ ils ont bien voulu accorder à cette exposition, ont ainsi contribué à sa bonne réalisation : À Taïwan : Mme Cheng Li-chun, ministre de la Culture Bureau Français de Taipei : M. Benoît Guidée, directeur, conseiller de coopération et d’action culturelle ; M. Nicolas Bauquet, conseiller de coopération et d’action culturelle et Mme Danielle Tai-lan Lien, attachée culturelle. Académia Sinica, Taipei : M. Chen Kwang-tzuu, Institut d’Histoire et de Philologie et Mme Lin Yu-yun, musée de l’Institut d’Histoire et de Philologie Musée national du Palais, Taipei : M. Ho Chuan-hsing, vice-directeur ; Mme Lisette Lou, assistante du directeur, chargée des affaires internationales ; Mme Chou Kung-shin, Mme Fung Ming-chu et M. Shih Shou-chien, précédents directeurs ; Mme Yu Peichin, chef du département des Antiquités ; Mme Wu Hsiao-yun et Mme Chen Hui-hsia, conservateurs, département des Antiquités ; Mme Yeh Nai-chieh, assistante du conservateur Mme Chang Li-tuan, département des Antiquités ; M. Chen Tung-ho, chercheur scientifique, département de la Régie et de la Conservation ; Mme Tsai Mei-fen, précédent chef du département des Antiquités ; Mme Yang Meili, ancien conservateur, département des Antiquités. En France : Bureau de représentation de Taipei en France : M. Zhang Ming-zhong, représentant Centre culturel de Taïwan à Paris : Mme Tsai Hsiao-ying, directrice, Mme Huang Yi-Chih, chargée de mission Service des musées de France : M. Vincent Lefèvre, sous-directeur des collections. Bibliothèque nationale de France, Paris : Mme Nathalie Monnet, conservateur en chef, département des Manuscrits Centre de Recherche et de Restauration des musées de France, Paris : M. Michel Menu, chef du Département Recherche et M. Thomas Calligaro, ingénieur de recherche Maison Cartier : Mme Renée Frank, directrice des Projets expositions ; Mme Violette Petit, responsable des Archives ; Mme Nadia Cretignier ; Mme Hélène Godard ; Mme Caroline Kranz ; Mme Gaëlle Naegellen ; Mme Cléo Vallélian ; Mme Fabianne Vivier Musée Cernuschi, Paris : Mme Hélène Chollet, chargée d’études documentaires chinoises
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Château de Fontainebleau : M. Vincent Droguet, directeur du patrimoine et des collections ; Mme Patricia Kalensky, responsable du Centre de ressources scientifiques Musée des Arts décoratifs, Paris : Mme Béatrice Quette, chargée des collections asiatiques Musée du Louvre, Paris : M. Philippe Malgouyres, conservateur en chef, département des Objets d’art ; Mmes Rosène Declementi, chargée d’études documentaires, Gwenaëlle Fellinger, conservateur et Annabelle Collinet, collaboratrice scientifique, département des Arts de l’Islam Muséum national d’Histoire naturelle, Paris : M. François Farges, professeur Van Cleef & Arpels : Mme Catherine Cariou, directrice du patrimoine Ainsi que M. Alain Thote, directeur d’études à l’EPHE et à l’IHEC et M. Philippe Colomban, directeur de Recherche UMR7075 (CNRS/Université P&M Curie – Paris 6). En Chine : Administration d’État du Patrimoine culturel : M. Wen Dayan, directeur des Affaires internationales Institut d’Archéologie, Académie chinoise de sciences sociales : M. Zhu Naicheng et Mme Xin Aigang Institut de Patrimoine et d’Archéologie du Liaoning : M. Guo Dashun, directeur honoraire Liangzhu Museum : M. Jiang Weidong, directeur Musée du Palais, Pékin : M. Guo Fuxiang, conservateur Musée provincial du Zhejiang : M. Wang Yifeng, conservateur Shanghai Museum : M. Zhang Wei, conservateur.
En Suisse : Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient : Mme Monique Crick, directrice. Les commissaires tiennent en outre à remercier tout particulièrement : M. Guillaume Cerrutti (Christie’s) ; M. Amin Jaffer (Christie’s) ; M. Emmanuel Coquery, directeur du Patrimoine, Chanel ; et Mme Renée Frank, Cartier, pour son attention amicale et son soutien enthousiaste tout au long de ce projet. Pour avoir accompagné de leurs soins cette exposition, les commissaires remercient enfin l’ensemble des services du musée national des arts asiatiques – Guimet et plus particulièrement : M. Pierre Baptiste, Mme Hélène Bayou, Mme Cécile Becker, M. Étienne Busson, Mme Cristina Cramerotti, M. Vincent Delacour, M. Bruno Frizon, Mme Michèle Galdemar, Mme Pauline Janvier, M. Thierry Jopeck, M. Hubert Laot, Mme Hélène Lefèvre, M. Gérard Maïore, M. Richard Masingarbe, M. Michel Maucuer, M. Rayane Meziani, Mme Muriel Mussard, Mme Amina Okada, Mme Sandrine Olivier, Mme Véronique Prost, Mme Aurélie Samuel, M. Riadh Sassi, M. Éric Thomas, Mme Catherine Vasovic, Mme Anne-Véronique Voisin, Mme Valérie Zaleski ainsi que les équipes de l’agence Anne Samson Communications.
À Hong Kong : The Chinese University of Hong Kong, Institute of Chinese Studies, Art Museum : Mme Xu Xiaodong, conservateur. Aux États-Unis : Asian Art Museum of San Francisco : Mme He Li, conservateur Freer & Sackler Galleries of Art, Washington D.C. : Mme Janet G. Douglas, département de la Conservation et de la Recherche scientifique, chercheur scientifique Harvard Art Museums, Arthur M. Sackler Museum, Cambridge : M. Robert Mowry, conservateur honoraire Museum of Fine Arts, Boston : Mme Hiromi Kinoshita, ancien conservateur The Art Institute of Chicago : Mme Elinor Pearlstein, conservateur The Metropolitan Museum, New York : Ernst Grube (1932-2011), chercheur indépendant, directeur honoraire du département d’Art islamique. Au Royaume-Uni : The Fitzwilliam Museum, Cambridge : M. James C.S. Lin, conservateur British Museum, Londres : Mme Carol Michaelson, conservateur The Muban Educational Trust, Londres : M. Christer von der Burg.
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Le musée national des arts asiatiques – Guimet (MNAAG) est un grand centre européen de conservation et d’étude des civilisations asiatiques et s’est à ce titre engagé dès 2012 aux côtés du Musée national du Palais pour organiser une exposition d’envergure qui réunirait non seulement des jades des collections de ces deux institutions, mais aussi de onze autres musées français ainsi que des fonds d’institutions privées. L’exposition qui a ainsi vu le jour est formée autour des collections impériales afin de présenter, dans toute sa splendeur et sa profondeur historique, la culture du jade en Asie et l’impact qu’elle a eu sur les arts décoratifs occidentaux. Le Musée national du Palais héberge la plus importante collection d’art chinois au monde et il était donc évident pour le MNAAG que nombre de pièces constitutives de l’événement proviendraient de notre musée. Les commissaires d’exposition de nos deux établissements entretiennent depuis de nombreuses années de fructueux échanges et c’est sur cette base que le Musée national du Palais a sélectionné quatre-vingt-seize pièces de toute première importance, notamment les plaques d’incrustation des coffrets de jade kui accompagnant les tablettes en jade portant une prière du rituel shan utilisées par l’empereur Zhenzong (dynastie des Song du Nord), le plat à motif de dragon ajouré des dynasties Song ou Liao et le cabinet de curiosités miniature, tout particulièrement apprécié de l’empereur Qianlong. Nous sommes persuadés que cet éventail d’objets représentatifs des rituels anciens, des goûts artistiques, des usages quotidiens et d’autres aspects culturels encore contribuera à l’éclat exceptionnel que revêt cette exposition. La collaboration entre le Musée national du Palais et le MNAAG remonte à 1998 et avait alors eu pour objet l’organisation de l’exposition Trésors du Musée national du Palais, Taipei. Mémoire d’Empire au Grand Palais. Cette collaboration s’était poursuivie puisque notre musée avait de nouveau prêté des pièces dans le cadre de trois expositions : Les Très Riches Heures de la cour de Chine (1662-1796) [MNAAG, 2006], La Voie du Tao, un autre chemin de l’ être (Grand Palais, 2010) et Le Thé – Histoires d’une boisson millénaire (MNAAG, 2012). De son côté, le MNAAG avait aussi apporté sa contribution à notre exposition de 2011 : L’Empereur Kangxi et Louis XIV le Roi-Soleil. Rencontres franco-chinoises dans l’art et la culture. Se situant dans ce prolongement, notre institution attache donc la plus grande importance à l’actuel projet de collaboration et est très heureuse de pouvoir concourir au côté de treize autres établissements amis à l’organisation de l’exposition Jade, des empereurs à l’Art déco. Nous espérons que les nombreuses pièces présentées à cette occasion sauront apporter aux amateurs d’art occidental un nouvel éclairage sur la culture du jade. Je terminerai en me permettant ici au nom du Musée national du Palais de souhaiter à cet événement tout le succès qu’il mérite. Je voudrais également adresser mes sincères remerciements aux équipes du musée national des arts asiatiques – Guimet et du Musée national du Palais pour leur implication, ainsi qu’à notre ministère des Affaires étrangères, à notre ministère de la Culture, au Bureau de représentation de Taipei en France, et, tout particulièrement, au Bureau français à Taipei pour leur soutien et leur aide dans l’organisation de cette exposition franco-taïwanaise. Enfin, je souhaite ici rendre hommage à l’amitié qui unit nos deux musées depuis de si nombreuses années : qu’elle continue à offrir le terreau favorable à une collaboration toujours plus étroite et plurielle. LI N J EN G -Y I directeur du Musée national du Palais, Taipei
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Des collections riches de tant d’histoire... Réunir des collections riches de tant d’histoire que celles présentées pour l’exposition Jade, des empereurs à l’Art déco est un moment de rare émotion. Depuis les temps les plus reculés, de part et d’autre du continent eurasiatique, les hommes ont aimé le jade. Du VIe au IVe millénaire avant notre ère, des civilisations où de grandes haches polies néolithiques voisinaient avec des anneaux-disques semaient des constellations de sites, des steppes de la Mongolie jusqu’à la pointe la plus occidentale de l’Europe, en territoire français. Curieusement, sur une géographie aussi colossale, des hommes, sans contact direct, ont lié cette matière naturelle aux rituels religieux et à quelques défunts de leur communauté au statut éminent. Un prêt d’objets de jade du musée de Vannes rappelle, par sa présence aux côtés des haches et des anneaux chinois, ce lien ténu et émouvant. Que pouvait y associer André Breton ? Il avait posé deux haches de jade, portant des petits crapauds, au cœur de la nature morte surréaliste que constituait son bureau dans l’atelier de la rue Fontaine. La splendide donation de pièces archaïques que consentit au musée Guimet le docteur Gieseler en 1932 constitue un des points forts de l’exposition, avec le prêt de jades du musée Cernuschi, qui vont de la fin du Néolithique au début de l’écriture de l’Histoire chinoise. Plus tard, les empereurs, les princes et les rois ont partagé une commune fascination pour une pierre qui n’est pas précieuse. Sa structure ne permet pas de la tailler à facettes, elle n’a ni la transparence ni la qualité de diffraction de la lumière qui fascine dans le diamant et les autres pierres précieuses transformées. Alors, d’où vient que cette matière, au-delà de l’importance insigne qu’elle revêtait en Chine de la plus haute Antiquité jusqu’aux fastueuses heures de la cour des empereurs Qing – Yongzheng (1723-1735) et Qianlong (1736-1795) au premier chef –, a, comme les céladons, fasciné les Médicis, Mazarin, les rois de France, les padishahs moghols, les sultans ottomans et les shahs safavides d’Iran, les aristocrates français et, plus tard, la haute société américaine ? Qu’est-ce qui provoqua le goût particulier de l’impératrice Eugénie pour les objets de jade qui formaient une part non négligeable de son Musée chinois ? Ne serait-ce pas l’humanisme paradoxal de cette pierre ? Comme Confucius, tout un chacun est frappé par le toucher suave du jade, son épiderme doux, presque chaud, pour ainsi dire si éloigné du froid que nous attachons aux pierres, et notamment aux pierres précieuses. Vous pourrez, en début de parcours, l’éprouver avec des blocs destinés à être touchés. Le jade est une pierre d’une rayonnante modestie. Sa fascinante histoire ne peut être contée que grâce aux prêts qui ont rendu possible cette exposition : c’est en premier lieu la contribution exceptionnelle du Musée national du Palais à Taipei sous la forme de chefs-d’œuvre insignes, chargés d’histoire ; leur emboîtant le pas, nos collègues du Musée national du château de Fontainebleau Jean-François Hébert et Vincent Droguet ne sauraient être trop remerciés. En effet, le Musée chinois de l’impératrice et le Musée national du Palais à Taipei, malgré les cahots de l’histoire, nous ont permis de réunir quelques-unes des pièces les plus fastueuses des collections impériales chinoises de jade, pour la première fois depuis 1860. Les échos de la passion royale et aristocratique que suscita le jade depuis le XVIIe siècle en Europe s’incarnent dans les prêts du Muséum national d’Histoire naturelle, du musée du Louvre, du musée Jacquemart-André, du musée des Arts décoratifs et de la Bibliothèque nationale de France. À l’autre extrémité de l’arc chronologique de l’aventure du jade, au XXe siècle, la matière portant en elle, latente, une histoire de la Terre que révèle seul un patient travail de sculpture et de polissage, a fasciné les créateurs occidentaux comme un messager des lointains. Je tiens à saluer l’adhésion enthousiaste à notre projet du patrimoine de la maison Cartier et l’extrême générosité de ses équipes qui nous offrent la possibilité de contempler quelques chefs-d’œuvre d’une universelle beauté, poursuivant ainsi la longue histoire du jade qui n’en finit pas de nous fasciner. Je remercie tout particulièrement la fondation Total pour son soutien de toujours aux projets qui œuvrent au partage et à la compréhension des valeurs mutuelles de civilisation en tout lieu qu’elle se soit développée. Ma gratitude va également à Eva Air pour les ailes données au projet. SO PH I E M A K A R IO U présidente du musée national des arts asiatiques – Guimet
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Les arts et la culture permettent de célébrer la beauté qui relie les peuples et les générations, favorisant l’harmonie sociale. C’est ainsi que la Fondation d’entreprise Total et le musée national des arts asiatiques – Guimet cheminent ensemble depuis plusieurs années pour faire rayonner les cultures du monde et offrir des expositions d’envergure : Kazakhstan, hommes, bêtes et dieux de la steppe, Angkor, naissance d’un mythe – Louis Delaporte et le Cambodge, Clemenceau, le Tigre et l’Asie et, plus récemment, Splendeurs des Han, essor de l’empire Céleste. En soutenant Jade, des empereurs à l’Art déco, la Fondation Total tient à célébrer à nouveau la Chine et sa culture ancestrale, dont la richesse et la beauté sont encore largement méconnues. L’exploitation et l’utilisation du jade remontent pourtant à plus de dix mille ans et demeurent une tradition ininterrompue depuis lors, occupant une place de premier plan pendant toute l’histoire de la civilisation chinoise. Si l’on peut estimer l’or, le jade est, lui, inestimable, selon un dicton populaire, au point de fasciner pendant un temps les artistes, les créateurs et les grands collectionneurs occidentaux du XIXe et du début du XXe siècle… En mettant à l’honneur la civilisation chinoise, la Fondation Total s’associe à une part de la fascination qu’exerce ce pays et vous invite à plonger dans l’univers du jade, de sa délicate beauté, de sa forte dimension symbolique, et à découvrir ses vertus fondatrices. La Fondation d’entreprise Total
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Auteurs Maël Bellec (M. B.) Conservateur du patrimoine, archéologie chinoise et arts graphiques, musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris Adrien Bossard Conservateur du patrimoine, directeur du musée archéologique de l’Oise Chang Li-tuan (C. L.-T.) Conservateur, département des Antiquités du Musée national du Palais, Taipei Hélène Chollet (H. C.) Chargée d’études documentaires chinoises, musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris Bruno David Président du Muséum national d’Histoire naturelle Vincent Droguet Conservateur général du patrimoine, directeur du patrimoine et des collections, château de Fontainebleau François Farges Professeur, Muséum national d’Histoire naturelle
Pascale Lepeu (P. L.) Conservatrice de la Collection Cartier Sophie Makariou (S. M.) Conservateur général du patrimoine, présidente du musée national des arts asiatiques – Guimet Nathalie Monnet (N. M.) Conservateur en chef, chargée des manuscrits de Dunhuang et des fonds chinois, département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France Marie-Catherine Rey (M.-C. R.) Conservateur général du patrimoine, chargée des collections chinoises, musée national des arts asiatiques – Guimet Alain Thote Directeur d’études à l’EPHE (art et archéologie de la Chine préimpériale), directeur de l’Institut des hautes études chinoises (IHEC) Huei-chung Tsao (H.-C. T.) Ingénieur d’études, chargée des collections chinoises, musée national des arts asiatiques – Guimet Traduction des textes du chinois au français : Marie-Paule Chamayou
Avertissement au lecteur La dénomination de jade est générique et englobe également ce qui est appelé néphrite. La transcription des termes chinois et persans a été simplifiée, selon l’usage dans les ouvrages de vulgarisation. Ne sont donc pas notés les voyelles longues, les lettres emphatiques, l’arrêt glottal et la lettre gutturale ayn. Les noms chinois sont transcrits en alphabet latin suivant le système international pinyin largement en vigueur ; étant donné sa complexité nous en rappelons ici les principaux éléments (d’après Gernet, 1999) pour le lecteur non spécialiste : B=p D=t Z = ts Zh = tch J = tji G=k S = ss Sh = ch X = ch mouillé H = ch comme dans l’allemand ach Lettres aspirées P = p’ T = t’ C = ts’ Ch = tch’ Q = tji’ K = k’ R = j à l’initiale d’un mot
Les datations sont données en ère chrétienne et, le cas échéant, précédée de l’année hégirienne : « av. J.-C. » pour « avant Jésus-Christ » « apr. J.-C. » pour « après Jésus-Christ » « H » pour l’année hégirienne Les autres abréviations sont données en : « r. » pour « règne » « bibl. » pour bibliographie « inv. » pour « inventaire » « H. » pour « hauteur » « L. » pour « longueur » « l. » pour « largeur » « D. » pour « diamètre » « ép. » pour « épaisseur » « Pr. » pour « profondeur »
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Sommaire 14
Le jade, évolution d’une définition MARIE-CATHERINE REY
18
Du jade aux jades : une saga naturaliste, entre Orient et Occident FRANÇOIS FARGES ET BRUNO DAVID
28
Le travail du jade MARIE-CATHERINE REY
34
Les jades de l’époque néolithique : cultures, formes, fonctions ALAIN THOTE
58
Les jades, de l’âge du bronze aux Han ALAIN THOTE
76
Les formes animalières MARIE-CATHERINE REY
86
Permanence des styles à travers les âges MARIE-CATHERINE REY
108
Le goût des lettrés chinois HUEI-CHUNG TSAO
134
Jade, rituel et pouvoir ADRIEN BOSSARD
148
Les empereurs collectionneurs (XVIIe -XVIIIe siècle) MARIE-CATHERINE REY
156
Les goûts de l’empereur Qianlong face à l’ « errance du jade » CHANG LI-TUAN
196
Gravé dans le jade NATHALIE MONNET
206
Jades de Chine et d’ailleurs. Les interactions artistiques entre l’empire chinois et le monde islamique (XIVe -XVIIIe siècle) SOPHIE MAK ARIOU
228
Du Palais d’Été au château de Fontainebleau. Le Musée chinois de l’impératrice Eugénie et ses collections VINCENT DROGUET
248
Du style chinois à l’Art déco MARIE-CATHERINE REY
276
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ANNEXES
Le jade dans le monde chinois depuis le Néolithique (carte)
278
Monde islamique et monde chinois (carte)
280
Les principales cultures néolithiques du jade et chronologie chinoise jusque 1911
281
Bibliographie
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« Les sages de l’Antiquité comparaient la vertu au jade. Il est l’image de la bonté, parce qu’il est doux au toucher, onctueux ; de la prudence, parce que ses veines sont fines, compactes et qu’il est solide ; [...] ; de la musique, parce que par la percussion on en tire des sons clairs, élevés, prolongés et finissant d’une manière abrupte ; de la sincérité parce que son éclat n’est pas voilé par ses défauts ni ses défauts par son éclat ; [...] du ciel parce qu’il ressemble à un arc-enciel ; de la terre parce que ses émanations sortent des montagnes et des fleuves [...] ; de la vertu parce qu’on en fait des tablettes et des demi-tablettes que les envoyés des princes offrent seules [...] ; de la voie de la vertu, parce que chacun l’estime. » CONFUCIUS Maquette JADE 288 pages BAT_0209.indd 13
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Le jade, évolution d’une définition M A R I E- C AT H ER I N E R E Y
« Il y a un prix pour l’or mais le jade est sans prix 1. » L’histoire du jade chinois, c’est d’abord l’histoire d’un ensemble de « belles pierres2 » auquel appartiennent également d’autres minéraux choisis pour leur couleur ou leur éclat, tels la turquoise ou le cristal de roche. Plus que pour toute autre matière sans doute, il faut donc, pour cerner sa nature dans la civilisation chinoise, distinguer nettement l’approche scientifique – en l’occurrence, celle du chimiste ou du minéralogiste – de celle de l’amateur. Car la science arrive après une longue histoire qui commence dans l’Antiquité par le goût de ces « belles pierres » qui ne seront que peu à peu distinguées de la néphrite ou de la jadéite : la cornaline [cat. 1] est dite « jade de feu », huoyu et le cristal de roche [cat. 3] est toujours désigné par le terme de « jade d’eau », shuiyu.
Cat. 1 Coupe à eau en forme de grenade et de lotus Chine, dynastie Qing, XVIIIe -XIX e siècle Cornaline H. 6 cm, L. 9 cm (vase) H. 7 cm, D. 12 cm (socle) Musée national du château de Fontainebleau, F 1649 C 1 et F 1649 C 2
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Du jade aux jades UNE SAGA NATURALISTE, ENTRE ORIENT ET OCCIDENT
FR A N ÇO I S FA RG ES E T B RU N O DAV I D Cat. 4 Double vase zun à décor de dragon et de phénix Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) Jade H. 10,9 cm, L. 12 cm, Pr. 5,7 cm Musée national du Palais, Taipei, Guyu 2102
1. Voir Pline l’Ancien, 1848. 2. Soit 宝 en japonais et 보 en coréen, rattachés à 玉 (yu), soit bảo en vietnamien. 3. Lemery, 1697. 4. Colique néphrétique ou néphrite. 5. Paris, MNHN, minéralogie, inv. A.53 : jade néphrite dit « brut. Tiré d’un morceau roulé, de la Chine ». 6. Cat. 6. Attribuée à l’ambassade de Siam de 1686 (Schubnel et Chiappero, 1998). Collection Sage, hôtel de la Monnaie. Versée à la mort de Balthazar Sage au Muséum. 7. Inscrite avec la mention « valeur considérable, plus de 1 200 fr. », ayant été saisie chez Charles Paul Jean Baptiste de Bourgevin Vialart de Moligny, comte de Saint-Morys (1743-1795), dit « le Collectionneur », qui avait émigré en 1791. 8. Voir Castelluccio, 2016 (à paraître). 9. MNHN, inv. A.47. Réalisée à Augsbourg et acquise par Dalencé pour Louis XIV. No 83 de l’Inventaire des diamants de la Couronne, 1791. Reçue le 24 floréal an VIII (14 mai 1800) du Muséum central des arts. Voir Alcouffe, 2001, p. 527 (no 276). 10. Vendue par Louis Alvarez à Louis XIV le 12 janvier 1683. No 89 de l’Inventaire des diamants de la Couronne, 1791. Reçue le 24 floréal an VIII (14 mai 1800) du Muséum central des arts. Voir Alcouffe, 2001, p. 356-357 (no 175). 11. Un jade serpentinifère ou une éclogite. Voir Saussure, 1779-1796. 12. Aussi dit « pierre de hache des Amazones ». Voir Haüy, 1822. 13. Après 1784-1787 selon Till et Swart, 1986. 14. Haüy, 1797. 15. Ibid.
Depuis la préhistoire, le jade est une substance minérale naturelle qui a gagné le statut de gemme. En effet, il a été recherché, récolté et façonné pour confectionner des outils, des armes, des parures, soit autant d’instruments ou de symboles de pouvoir utilisés par de nombreuses civilisations qui l’ont prospecté avidement. Omniprésent en Asie, fondamental en Amérique précolombienne, incontournable pour les Maoris, clé des échanges en Europe au Néolithique, le jade est de ces géomatériaux « universels » – à l’instar de l’or, des perles ou du cristal de roche – qui ont contribué à forger de nombreuses cultures. Tout aussi fascinante, l’histoire naturelle du « jade » reflète également l’évolution des sciences naturalistes. Des périodes antiques au Cabinet du Roi Pour le monde romain, les gemmes d’apparence semblable sont regroupées sous des appellations similaires1. Les différences entre les gisements doivent alors expliquer la diversité d’autres propriétés comme les nuances de couleur, les variations de dureté, de densité ou d’éclat. Ainsi, de nombreuses pierres translucides au poli ornemental vont être nommées « jade », d’autant que, en Chine et au Japon, 玉 (yu, « jade ») est l’un des plus anciens sinogrammes connus faisant référence à « gemme, beau, trésor, précieux 2 ». Dès la fin de la Renaissance, les cabinets médicinaux et de curiosités se développent en Occident, dont le Droguier royal, fondé à Paris en 1626. La pharmacopée inclut le lapis nephriticus des Anciens – la « pierre néphrétique » des apothicaires3, francisée sous le nom de « néphrite », qui est aussi le nom des douleurs éponymes 4 que cette gemme était justement censée guérir. Au XVIIIe siècle, le Droguier royal devient Cabinet du Roi : ce cabinet de curiosités s’enrichit non seulement, de jades bruts5 [cat. 5a], mais aussi de diverses « chinoiseries » comparables à la coupe en « gras de mouton » [cat. 175], une variété blanchâtre de jade alors très prisée 6. Suite aux saisies révolutionnaires, le Cabinet recevra – vers 1794 – une grande cuiller en néphrite7 [cat. 169]. En 1800, deux objets majeurs en jade acquis par Louis XIV sont déposés au Muséum8 : la coupe dite « à la Sirène 9 » et la « carafe » timouride10 [cat. 177]. À cette époque, les naturalistes décrivent trois variétés de jade : « oriental » ou « néphrite », « de Saussure11 » et « axinien12 ». De manière surprenante, aucune mention de jadéite ou même de jade « impérial » n’est indiquée alors qu’il est devenu très prisé en Chine13. C’est dans ce laps de temps, vers 1797, que le minéralogiste René Just Haüy (1743-1822) définit le premier le concept d’espèce minérale qui prévaut encore de nos jours14. Les caractéristiques esthétiques sont remplacées par des descriptions chimiques et cristallographiques. Sur cette base scientifique, il définit aussi deux familles de minéraux silicatés sous le nom de pyroxène et d’amphibole15. Ces familles vont s’avérer devenir les « briques fondamentales »
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Le travail du jade M A R I E- C AT H ER I N E R E Y
1. Déjà connu de façon précoce par les potiers du Néolithique (4000-3000 av. J.-C. ?), l’usage du tour à pied sera sans doute emprunté à ces derniers par les artisans du jade.
La beauté du jade n’est jamais « donnée », ni dans les nuances de ses couleurs ni dans sa transparence ou son opacité. Tous les éléments qui constituent cette beauté sont révélés par un polissage patient de l’artisan, dont le regard aigu et le toucher sauront déterminer le parti à tirer du bloc qu’il a entre les mains. Il joue alors librement avec les nuances des couleurs et des veines, imagine la translucidité ou même la sonorité qu’il peut donner à la pièce. Utilisant largement, en fonction de la qualité des blocs, bas et hauts-reliefs après une ébauche sur la matière brute afin de déterminer à la fois les contours et les détails, il prépare son travail en partie à la manière du sculpteur sur pierre. Si les matériaux utilisés pour les outils – pierre, métal, bois, cuir – ont évidemment évolué depuis l’époque néolithique jusqu’à l’époque moderne, les principes de leur utilisation et la succession des étapes sont restés les mêmes : usage d’un abrasif fait de sable mêlé d’eau pour le sciage ; perforations par rotations patiemment répétées au moyen de forets de diamètre variable ; gravure à l’aide de gouges et de burins. Pour perforer, polir et meuler, les premiers outils sont probablement maintenus par des éléments de cuir facilitant la prise en main et le mouvement de l’artisan. Le tour à pied1 permettra de faciliter, dans une mesure malgré tout limitée, un travail restant extrêmement long et difficile en dépit des progrès techniques2. L’artisan sait se laisser inspirer par les différentes qualités d’un bloc de jade et en jouer pour orienter le sujet de sa sculpture : des animaux au combat seront distingués par le parti à tirer de la proximité de couleurs différentes [cat. 12] ; des nuances de rouille seront exploitées pour évoquer un paysage de montagne à l’automne [cat. 13]. Toutefois, on sait que des modifications de couleur sont pratiquées dès l’Antiquité par différents procédés, comme l’enfouissement dans la terre pendant une période plus ou moins longue selon l’oxydation souhaitée. La cause de la coloration, naturelle ou artificielle, n’est pas toujours évidente à déceler. Ainsi, pour les périodes plus récentes, une exposition maîtrisée à la chaleur permet d’obtenir des taches jaunes tirant vers le brun clair – ce que les Chinois nomment une « peau grillée 3 », kaopizi –, pratique utilisée en particulier pour imiter des jades anciens. Et l’histoire a retenu que, dans sa collection, l’empereur Qianlong admirait la beauté d’une coupe à anse en forme de dragon tachée de jaune comme pièce antique [cat. 151] jusqu’à ce qu’un certain Yao Zongzen, artisan des ateliers impériaux, avoue que son grand-père en était l’auteur 4.
2. Au XVIIIe siècle, le travail d’une pièce importante prend encore une dizaine d’années de l’activité d’un artisan spécialisé. 3. Lin C.-H., 2006, p. 35. 4. Voir cat. 151, p. 186.
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Les jades, de l’âge du bronze aux Han A L A I N T H OT E Cat. 33 Ours Chine, dynastie Shang, phase finale (v. 1250-1046 av. J.-C.) Jade H. 4,4 cm Legs M. Calmann, 1977, musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris, MA 3840
1. Bagley, 1998. 2. Xu H., 2009. 3. Hao, 2008.
Au début du IIe millénaire avant notre ère, l’introduction de la métallurgie du bronze a provoqué de profonds bouleversements socio-économiques dans la plaine Centrale. À partir du XVIe siècle av. J.-C., cette technique a été utilisée pour fondre des vases selon un procédé unique au monde, à l’aide de moules segmentés complexes1. Durant plus d’un millénaire, seule une petite élite a pu bénéficier de ses applications. Avec les vases rituels étaient célébrés les cultes, et au premier rang le culte des ancêtres. En parallèle a été développée la fabrication d’armes, de cloches, de garnitures pour les chars et le mobilier. La révolution technique apportée par la métallurgie a modifié la place qu’occupait le jade dans la culture matérielle de l’élite sociale. Sans perdre de son prestige, il n’était désormais plus le matériau « noble » par excellence, ce qui allait transformer en profondeur son usage. Cependant, plusieurs siècles ont passé avant que ce changement soit complet, sans doute parce que l’héritage néolithique restait bien ancré dans les premières sociétés de l’âge du bronze, et parce que les régions composant aujourd’hui la Chine orientale n’ont pas été affectées à la même vitesse par le développement de la métallurgie. La culture d’Erlitou (v. 1850-v. 1550 av. J.-C.) Le début de l’âge du bronze est connu par la culture d’Erlitou, d’après le nom d’un site proche de Luoyang, dans le district de Yanshi. Erlitou est le premier établissement attestant la naissance du phénomène urbain en Chine – on estime sa population entre vingt mille et trente mille habitants, une concentration inédite jusqu’alors2. C’est le plus ancien site de production de vases en bronze. Effet du hasard peut-être, les jades y sont relativement peu nombreux, et leur typologie limitée. Dans la continuité des jades aux formes sobres de la Chine du Nord-Ouest, plusieurs armes de prestige – elles avaient un rôle plus symbolique que réel – et insignes de pouvoir sont apparus au XVIIe siècle av. J.-C.3. Les armes comprennent des haches-poignards ge, des « haches-disques » biqi, qui ont une lame à peu près ronde percée d’un grand orifice rond en leur centre, et des lames de « couteau ». Ces dernières comptent parmi les pièces les plus impressionnantes. De forme trapézoïdale, elles peuvent avoir jusqu’à une soixantaine de centimètres de long et dix de large. Elles étaient emmanchées et fixées par des liens passant dans des trous espacés régulièrement sur le talon. Leur décor, lorsqu’il y en a un, est constitué de séries de traits fins gravés parallèlement dans le sens de deux diagonales entrecroisées. Le recoupement des lignes dessine des séries de losanges. Les lames de ge, quant à elles, sont droites, pointues, et leurs bords tranchants. Un décor de traits parallèles finement gravés orne leur talon. Ces traits sont groupés par trois, quatre ou cinq. Bien qu’il s’agisse de décors sommaires, ces caractéristiques sont importantes car elles permettent de définir des productions et d’identifier les voies
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Les formes animalières Dès la fin de la période néolithique, vers 2500 av. J.-C., des formes animalières de petite taille et exécutées en jade sont associées aux rituels funéraires. Même si les archéologues discutent toujours des significations précises de ce registre animalier, sa permanence est un fait à travers toute l’histoire chinoise et correspond indéniablement à un sentiment de présence intimement partagée au sein de la nature entre hommes, animaux, forêts, montagnes et eaux. Ce sentiment profond est allié au goût très vif de l’observation chez les artisans, qui cherchent à exprimer dans leurs représentations le principe vital au cœur de toute chose, valeur qui constitue depuis toujours l’un des axes forts de l’esthétique chinoise. Quel que soit l’objet fabriqué, vase, arme, char ou détail d’architecture, ses éléments décoratifs « tirent » les formes vers une figure animée : bec d’un vase terminé en tête d’oiseau, hampe d’une lance en tête de rapace, essieu d’un char en masque fantastique, faîte d’un toit en oiseau-phénix. La sculpture des jades n’échappe pas à cette tendance forte. Les pièces sont traitées en silhouette, ramassée quand il s’agit de représenter un dragon ou un ours, longiligne quand il s’agit d’oiseaux ou de poissons. Elles vont évoluer vers des formes plus aplaties et seront accrochées en amulette ou en pendentif aux vêtements. Présentée de profil, chaque figure révèle un sens du graphisme caractéristique et tient sa vitalité de la mise en évidence des traits les plus marquants de l’animal représenté : tête écrasée du cochon [cat. 25], mufle carré de l’ours [cat. 33], cambrure, crête et bec aigus de l’oiseau [cat. 55e], ligne souple du tigre marchant [cat. 38], masse tout en rondeur de l’éléphant [cat. 55d], fluidité des lignes du poisson [cat. 54], cou tendu du cormoran en vol [cat. 55b].
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Cat. 54 Poissons Chine Jade a et d : paire de pendentifs en forme de poisson, fin des Shang-début des Zhou de l’Ouest, XIIe -XIe siècle av. J.-C., L. 8,2 cm, l. 1,8 cm, MA 3861 (b), L. 8,7 cm, l. 1,8 cm, MA 3861 (a) b : stylet en forme de poisson, dynastie Shang, phase finale (v. 1250-1046 av. J.-C.), L. 10,4 cm, l. 1,2 cm, MA 3852 c : cure-oreille en forme de poisson, dynastie Shang, phase finale (v. 1250-1046 av. J.-C.), L. 6,8 cm, l. 0,9 cm, MA 3853 Legs M. Calmann, 1977, musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris
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Permanence des styles à travers les âges M A R I E- C AT H ER I N E R E Y Cat. 62 Ornement de coiffe à décor de « dragon parmi les fleurs » Chine, dynastie Yuan (1271-1368) Jade, bois (socle) H. 6,1 cm, L. 6,9 cm, Pr. 4,7 cm Musée national du Palais, Taipei, inv. Zhongtong 18
1. Cité par Watson, 1997, dans la traduction de Séraphin Couvreur.
C’est parce que l’Antiquité chinoise prêtait au jade des vertus de conservation des corps, choisissant d’en couvrir le défunt lors des rituels funéraires, et que les souverains étaient garants de la pérennité de ces rituels, qu’une véritable « civilisation du jade » a pu voir le jour en Chine. Elle se développe dès le Néolithique sur l’ensemble du territoire, fixant pour l’avenir les formes, les décors et les fonctions attachés aux objets de jade. Cette interdépendance, soigneusement préservée tout au long des siècles, devient l’expression essentielle d’une histoire des arts qui n’est pas affectée par la distinction entre arts libéraux et arts mécaniques si chère à un moment de l’histoire de l’Occident. En effet, hormis la calligraphie, qui trouve son prolongement naturel dans la peinture, tous les arts sont en Chine l’œuvre d’artisans essentiellement liés par des commandes officielles. Ainsi se structurent très fortement la société, son équilibre et ses valeurs tant esthétiques que morales. Confucius énonce parfaitement la convergence de vertus entre une matière offerte par la nature et celle transformée par le travail de l’artisan, qui va ainsi révéler les valeurs essentielles et du jade et de la vie en société : « Les sages de l’Antiquité comparaient la vertu au jade. Il est l’image de la bonté, parce qu’il est doux au toucher, onctueux ; de la prudence, parce que ses veines sont fines, compactes et qu’il est solide ; de la justice parce qu’il a des angles mais ne blesse pas ; de la musique, parce que par la percussion on en tire des sons clairs, élevés, prolongés et finissant d’une manière abrupte ; de la sincérité parce que son éclat n’est pas voilé par ses défauts ni ses défauts par son éclat ; de la bonne foi, parce que ses belles qualités intérieures se voient à l’extérieur, de quelque côté qu’on le considère ; du ciel parce qu’il ressemble à un arcen-ciel ; de la terre parce que ses émanations sortent des montagnes et des fleuves […] ; de la vertu parce qu’on en fait des tablettes et des demi-tablettes que les envoyés des princes offrent seules (sans les accompagner d’autres présents) ; de la voie de la vertu, parce que chacun l’estime1. » L’artisan travaillant dans le contexte des ateliers et des commandes impériales, immergé dans le « face-à-face » avec une matière brute qu’il doit transformer en matière et en objet précieux, est lui-même pétri de ces qualités qui sont l’objectif intrinsèque de son travail, mû par un sens aigu de l’équilibre entre le fort et le fragile, vertu cardinale de la société. Les pièces sorties de ses mains tiennent leur beauté de l’alliance entre densité de la matière et fragilité des formes, vitalité des figures et respect des conventions de représentation, qualités préservées au-delà des conditions de production ou de fabrication. L’histoire du jade, pierre à la fois dure à travailler et devenant lisse et brillante grâce à un patient travail, s’inscrit dans cette alliance. D’abord dégrossie à l’aide d’outils rudimentaires, la matière révèle progressivement ses qualités de douceur, de couleur et de finesse, devenant la matière d’exception par excellence aux yeux des Chinois, ayant un prestige égal à celui de l’or en Occident. Ce processus
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Le goût des lettrés chinois H U EI - C H U N G T SAO
Cat. 84 Kaogu tu (Catalogue illustré des antiquités) Lü Dalin, 1092 Chine, dynastie Qing, réédition 1752 Album xylographié H. 28,6 cm, L. 18 cm Achat, 1899, musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris, BG 22683
Cat. 85 Vase en forme de cong Chine, dynasties Song du Sud – Yuan (1127-1368) Jade, bois (socle) H. 19,4 cm, D. 7,1 cm (ouverture), D. 6,5 cm (base) Musée national du Palais, Taipei, inv. Guyu 1972
1. Pour Mi Fu, voir Beurdeley, 1966, p. 62-70.
À partir du déclin de l’empire des Han (IIIe siècle apr. J.-C.) et jusqu’aux Tang (618-907), les influences venues d’Asie centrale et occidentale, via la steppe et la route de la soie, s’intensifient. L’appropriation de ces emprunts conjuguée à un retour aux sources des cultures traditionalistes donne naissance, sous les Song (960-1279), à la culture lettrée, considérée comme le cœur de la création artistique chinoise. Prélude : sous les Song (960-1279) Corps majeur de l’élite de l’empire, placé au rang le plus élevé dans la hiérarchie confucianiste, les lettrés fonctionnaires sont recrutés selon un système d’examens fondés sur la connaissance des Classiques. Dès le XIe siècle, ce principe d’ascension sociale basé sur les compétences conduit à forger une culture pétrie de valeurs morales et qui se nourrit des références aux grands maîtres. Su Shi (1037-1101) et Mi Fu (1051-1107), calligraphes, poètes, peintres et collectionneurs avertis, en sont des plus fameux, qui ont jeté les fondements du « goût lettré1 ». Les lettrés les plus aisés s’entourent d’objets emblématiques de leur démarche spirituelle, intellectuelle et artistique. Pour conserver leurs « trésors », ils font même construire un pavillon où ils aiment à se retirer lorsque leurs obligations administratives le leur permettent. À l’occasion de la construction du « Pavillon des trésors de peinture » (Baohui tang) de Wang Xian en 1077, Su Shi lui recommande d’agir en collectionneur confucianiste, soit de prêter un sens moral aux objets (yu yi yu wu 寓意於物) et non de distraction (liu yi yu wu 留意於物). Ce manifeste de l’esprit lettré du collectionneur proscrivant tout laisser-aller au pur plaisir des sens, selon les préceptes de Laozi, traversera les époques jusqu’à l’empereur Qianlong (r. 1736-1795). À la recherche du passé C’est à la fin du Xe siècle que l’académicien Nie Chongyi tente de reconstituer, dans son Traité illustré des trois rituels (Sanli tu), des objets de jade antiques à partir de sources remontant aux Han de l’Est (26-220). Faute de modèles archéologiques disponibles, les interprétations d’après les textes anciens relèvent souvent de la pure imagination ; on y remarque néanmoins la prédominance du disque bi et des tablettes gui et zhang, parangons des jades rituels. Près d’un siècle plus tard, en 1092, Lü Dalin publie un Catalogue illustré des antiquités (Kaogu tu). L’ouvrage, en dix volumes, regroupe deux cent trente-quatre objets, dont seulement une dizaine en jade [cat. 84]. Dans son sillage, l’empereur Huizong commandite en 1107 l’inventaire des huit cent trente-neuf bronzes de la collection du palais Xuanhe : ce catalogue, le Xuanhe bogu tu, compilé par Wang Fu en trente volumes, sera achevé en 1123. Les études épigraphiques et des bronzes archaïques, mises à l’honneur dans ces deux derniers ouvrages,
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Jade, rituel et pouvoir A D R I EN BOSSA R D Cat. 114 Tablette gui Chine du Nord, Néolithique, culture de type Longshan-Qijia (v. 2300-1500 av. J.-C.) Jade H. 24 cm, L. 4,5 cm Don G. Gieseler, 1932, musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris, inv. MG 18383
1. Wen C.F., 1983, p. 20. En 1092, Lü Dalin décrit treize objets en jade dans le Kaogu tu tandis que deux cent onze bronzes sont étudiés. 2. Biot, 1851, vol. I, chap. XVIII, p. 434-435. 3. Clunas, 1997, p. 206-207. 4. Elman et Kern, 2010, p. 218.
En Chine, le jade est associé au pouvoir depuis le Néolithique ; ce n’est pas un hasard si le caractère yu, désignant cette pierre rare et symbolique, est longtemps identique au caractère wang, signifiant « roi », dans les inscriptions oraculaires et sur bronze ainsi que dans le premier dictionnaire de Xu Shen (v. 58-v. 147). Dans ce caractère, trois lignes superposées à l’horizontale, représentant le ciel, le souverain et la terre, sont reliées par un trait vertical : 王. Plus que tout autre matériau, cette pierre est ainsi un symbole de pouvoir et de prestige du fait de cette relation privilégiée avec le roi. Comme ce dernier, le jade est un vecteur de communication entre les forces structurantes de l’univers, médium entre les mondes céleste et terrestre. En dépit de l’éveil précoce d’un intérêt pour le sujet1, l’utilisation des objets en jade dans les rituels de l’Antiquité est aujourd’hui encore assez méconnue. Cet état de fait est sans doute lié à l’origine philologique des rites pratiqués des Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.) aux Qing (1644-1911), s’appuyant sur le Zhouli, compilation du IVe siècle av. J.-C. des usages de la cour de la dynastie des Zhou (1046-256 av. J.-C.). Le sens de certaines parties de ce texte antique s’est en effet perdu avec le temps. Si l’archéologie moderne n’a pas permis d’élucider la question des usages les plus anciens, il est tout de même possible de retrouver certains rites en se fondant sur cet ouvrage. Ce dernier demeure une source historique majeure pour l’étude des jades rituels, ne serait-ce que par son statut de référence orthodoxe pour les dynasties suivantes. Le jade dans les rituels impériaux Il est fait mention dans le Zhouli de règles à respecter pour l’utilisation du jade dans le cadre d’une cérémonie : « Avec la tablette ronde de couleur bleu-clair (Pi), il rend hommage au ciel. Avec la tablette Tsong, de couleur jaune, il rend hommage à la terre. Avec la tablette oblongue (Koueï) de couleur bleu foncé, il rend hommage à la région orientale. Avec le demi-Koueï de couleur rouge, il rend hommage à la région méridionale. Avec la tablette Hou à figure de tigre et de couleur blanche, il rend hommage à la région occidentale. Avec le demi-Pi de couleur noire, il rend hommage à la région septentrionale2. » On retrouve ici l’évocation des formes néolithiques d’objets en jade jouant un rôle bien établi dans une cérémonie officielle dès le IIe millénaire av. J.-C., pratique pérenne jusqu’à la dynastie des Qing. Par ailleurs, il est intéressant de noter l’impact intemporel des rites des Zhou, à travers la volonté de l’empereur Jiajing (r. 15211566) de respecter les couleurs établies dans le texte antique dans un souci de revitalisation du culte du ciel, même si l’agate et le cristal de roche ont dû être employés en raison de l’impossibilité de trouver des jades rouge et jaune3. Ces règles, issues des textes de l’Antiquité 4, assurent l’efficacité du rite et instaurent de fait une continuité qui transcende les cycles dynastiques. Le jade y occupe une place de choix et fait donc partie intégrante de l’application de
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Les empereurs collectionneurs (X VII e -X VIII e SIÈCLE) M A R I E- C AT H ER I N E R E Y Cat. 124 Coupe lave-pinceaux à décor de nuages et de dragon Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) Jade H. 7,2 cm, L. 19,5 cm Musée national du Palais, Taipei, inv. Guyu 2963
1. Les Mandchous, d’origine étrangère, sont mal accueillis, en particulier par les lettrés restés fidèles aux Ming. 2. Lin C.-H., 2006, p. 31. 3. Jingdezhen, au Jiangxi, dans le sudest de la Chine, est depuis les Tang un centre majeur de la céramique chinoise. En 1663, Kangxi y installe la manufacture impériale de porcelaine. Sous les Qing, le père d’Entrecolles (1664-1741), missionnaire jésuite et auteur de deux lettres envoyées de Chine en 1712 et 1722, révèle à l’Europe les secrets de la fabrication de la porcelaine chinoise. Ce sont alors dix-huit mille familles de potiers qui travaillent à Jingdezhen. 4. Cf. Rey, 2006 et Genève, 2014. 5. Par exemple, le thème du Genzhi tu, Le Livre du riz et de la soie, décrivant les cultures de deux produits emblématiques de l’agriculture chinoise et marquant les paysages des campagnes, décore de très nombreuses porcelaines « famille verte ». Ce thème est repris d’un album de l’époque Song réimprimé à la demande de Kangxi. Cf. Rey, 2006. 6. La sensibilité de Qianlong à la culture et aux paysages du Sud, lieu traditionnel de retrait des lettrés, dépasse la stratégie politique. À plusieurs reprises, il est marqué par les lieux découverts lors de ses déplacements. C’est ainsi que, au retour de ses « six voyages dans le Sud », il prend la décision de faire agrandir le Yuanming yuan – le Palais d’Été – sur plus de cent cinquante hectares. 7. Sous Kangxi, des lettrés sont poursuivis par le pouvoir politique. En 1713 est ainsi exécuté un membre de la prestigieuse Académie de la Forêt des pinceaux. Cf. Durand, 1992. 8. Ibid. 9. Qianlong régnera cinquante-neuf ans.
Quand les Qing d’origine mandchoue s’emparent du pouvoir1, ils se fondent sur deux valeurs qui ont modelé tout l’histoire de l’empire : d’une part, pour assurer la paix sur un immense territoire, une centralisation s’appuyant sur un réseau de fonctionnaires considérés comme les relais et les garants de la stabilité ; d’autre part, pour maintenir le respect des valeurs ancestrales, la préservation des valeurs du confucianisme afin de réactiver les « réflexes légitimistes » de la société civile2. Parmi les moyens et les vecteurs de ces valeurs, à travers lesquelles prestige politique et qualités morales et intellectuelles s’affirment, se trouvent les ateliers impériaux. L’activité des fours de Jingdezhen3 pour la porcelaine et des ateliers de peinture situés dans l’enceinte du Palais est relancée dès le règne de Kangxi (r. 1662-1722). Les peintres de la cour y réalisent une peinture narrative célébrant en particulier la geste impériale 4 tandis que de nombreuses porcelaines se couvrent de décors peints ayant pour thème des épisodes historiques ou des pratiques de « bon gouvernement5 ». Dans la même veine, le « transfert » d’une page d’album sur un bloc de jade [fig. 1, p. 178 et cat. 147] souligne la proximité et le prestige accordés conjointement à un album célébrant les hauts faits de l’empereur et à une « feuille de jade » décrivant un moment et un lieu essentiels pour témoigner de l’attachement de Qianlong à la tradition, reprise de son grand-père, des voyages impériaux dans le Sud6. C’est dans le même objectif qu’est décidée la relance de l’impression de textes anciens habilement sélectionnés selon le respect dont ils sont l’objet dans le milieu lettré, même si parallèlement des procès sont faits à ceux d’entre eux restés récalcitrants7. On voit simultanément un mouvement de compilation des sources anciennes et une mise à l’écart, allant jusqu’à la destruction, d’ouvrages considérés comme opposés à la nouvelle dynastie. C’est ainsi que l’empereur exige : « Si les livres contiennent des écrits d’auteurs de l’époque Ming opposés à notre maison, les mettre à part et les brûler 8… » C’est donc à un jeu très subtil de respect et d’affirmation que se livrent les nouveaux souverains chinois, jeu mis en place par Kangxi et poursuivi par son fils puis son petit-fils. Le règne de Yongzheng (r. 1723-1735) s’inscrit toutefois dans un courant plus marqué par le goût lettré, ce dont témoignent les œuvres produites pendant la période [cat. 145 et 146]. Beaucoup plus affirmé, à la fois du fait de la longévité de son règne 9 et du caractère prolixe de ses écrits10, Qianlong représente d’une certaine façon l’apogée du projet mandchou d’un « règne parfait » fondé sur l’affichage de règles et de pratiques de gouvernement enracinées dans les traditions millénaires de l’empire. Le souverain se définit lui-même comme « l’empereur de la plénitude » et des « dix défis » qu’il s’est donnés comme tâche de relever11 : « Être heureux ; vivre longtemps ; régner longtemps ; gagner des territoires ; être généreux ; en bonne santé ; savant ; avoir une importante production littéraire – plusieurs milliers de poèmes ; être le meilleur administrateur et le plus célèbre parmi les empereurs12. »
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Les goûts de l’empereur Qianlong FACE À L’« ERRANCE DU JADE1 »
C H A N G LI -T UA N Cat. 133 Vase archaïsant à décor de chrysanthèmes Gravé d’un poème de l’empereur Qianlong Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) Jade H. 24,5 cm, L. 12,5 cm, ép. 4 cm Ancien fonds, musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris, MG 3738
1. NdE : l’article reproduit ici est un extrait de l’article original de l’auteur. 2. Le nom du règne, Qianlong, signifie en mandchou « celui qui a obtenu le soutien du Ciel ».
Décédé à l’âge de quatre-vingt-huit ans, l’empereur Qianlong (1711-1799) exerça son pouvoir durant soixante ans (1736-1795) avant de se retirer, écourtant ainsi son règne de quatre années au soir de sa vie. Ce « protégé du Ciel2 » affectionnait les arts et la littérature, et profitait de ses instants de détente pour se consacrer à la poésie, à la calligraphie et à la peinture, et aussi pour admirer des objets d’art. Il se dédiait également à l’écriture, décrivant les petits riens de l’existence ou donnant son point de vue sur l’art. Ses écrits nous permettent de mieux comprendre quelle image de lui-même l’empereur souhaitait véhiculer. Parmi ses quelque quarante mille écrits, poésie et prose, plus de huit cents font l’apologie du jade, exprimant un point de vue sur les jades antiques ou la production contemporaine. Les Archives des ateliers du bureau des travaux de la maison impériale montrent que bien souvent Qianlong supervisait luimême tout le processus de travail du jade à la cour. Il avait ainsi fait promulguer un décret impérial disposant qu’il pouvait intervenir pendant tout le processus de création pour d’éventuelles rectifications afin que le style rejoigne ses exigences esthétiques. Mais ce qui interpelle davantage encore dans ses écrits, c’est son regard sans concession. Ainsi s’emporte-t-il contre l’« errance du jade » dans un poème écrit en 1783 ne pouvant souscrire à la direction prise par la production de jades de son temps. En fait, le façonnage des jades n’était alors pas l’apanage des ateliers impériaux et la société chinoise s’était elle aussi dotée de toute une organisation de production de jades ayant un caractère commercial affirmé. Cette production d’un style inédit, nommé à juste titre « style nouveau », rencontrait un vif succès et avait donc également été appelée « style en vogue ». Mais Qianlong n’approuvait pas un tel engouement, manifestant même un réel dégoût à l’égard de ce qu’il considérait être un véritable naufrage. Le style en vogue dans la société chinoise De fait, Qianlong avait déjà disqualifié cette recherche de la nouveauté et des innovations curieuses dès 1774, jugeant le nouveau style « tapageur » et d’une « habileté vulgaire ». Mais c’est en 1781 qu’éclata la colère impériale. Les années qui suivirent virent fleurir nombre d’expressions – « fabrique de l’étrange », « multiplication des couches », « vulgarité et grossièreté », « travail dépourvu de raffinement », etc. –, toutes destinées à vilipender le style dit « en vogue » qu’il qualifia lui-même de « style vulgaire », et ce jusqu’au soir de sa vie puisque le terme apparaît encore dans ses écrits en 1797, alors qu’il a déjà abdiqué depuis deux ans. Le style nouveau peut être catégorisé en quatre procédés : l’ajourage excessif comme astuce de façonnage, l’accumulation, consistant à découper quantités de fleurs et de feuilles, l’emprise du matériau d’origine sur la forme définitive et l’imitation de la peinture de paysage shanshui. L’empereur Qianlong avait
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Gravé dans le jade N AT H A LI E M O N N E T
Fig. 1 Portrait d’un des seize arhat (saints du bouddhisme) D’après Guanxiu (832-912) ? Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795), 1764 Estampage H. 120 cm, L. 52 cm Bibliothèque nationale de France, Manuscrits orientaux, inv. Estampages Pelliot 168-16
Cat. 156 Montagne miniature shanzi abritant un arhat Gravée d’un poème de l’empereur Qianlong Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) Jade, H. 18,3 cm, L. 22 cm Musée national du Palais, Taipei, inv. Guyu 1522
« Le jade a connu au cours des siècles des applications multiples ; c’est toute une histoire de la “culture” chinoise que son étude fait passer en revue1 », écrivait Paul Pelliot, qui fut l’un des premiers à faire connaître ce matériau en France. Les souverains chinois firent un grand usage de cette matière noble, y compris lorsqu’ils s’adressaient à leurs ancêtres et aux esprits du ciel et de la terre. En témoignent les suppliques rédigées lors des très exceptionnelles cérémonies d’investiture impériale qui furent organisées sur le Taishan, la plus éminente montagne de Chine. On y a découvert les quinze lattes de jade inscrites que l’empereur Xuanzong des Tang consacra à la divinité de la terre en l’année 725. L’empereur Zhenzong des Song du Nord y pratiqua le même rite propitiatoire en l’an 1008, s’efforçant malgré la pénurie du matériau et de graveurs expérimentés2 d’inscrire lui aussi sa supplique sur seize lattes de jade blanc dont les caractères furent surlignés à l’encre d’or. Cette combinaison de jade et d’encre d’or, qui remonte au début de notre ère 3, s’imposa comme une norme pour les écrits solennels. Les tablettes funéraires ancestrales de la dernière dynastie chinoise des Qing (1644-1911) conservent également les titulatures honorifiques sur jade pour leur assurer une pérennité ad vitam æternam. Les plus anciennes furent gravées peu après la prise du pouvoir afin de donner plus d’éclat à la nouvelle lignée impériale 4. L’une de celles-ci, formée de huit plaques enchâssées dans la soie, confère rétrospectivement le titre d’impératrice à une aïeule du jeune empereur Shunzhi, tandis qu’une autre confère un titre posthume à un ancêtre de sixième génération5. Une série de dix tablettes de jade, inscrite sur ordre de Kangxi en 1661 en chinois et en mandchou à l’aide d’encres bleue et d’or, entérine les appellations posthumes officielles attribuées au fondateur de la dynastie 6. De la première année du règne de Yongzheng, successeur de Kangxi, on peut citer deux plaques ancestrales7 portant chacune sept colonnes de dix-neuf caractères, ou encore la série de tablettes funéraires officialisant les noms posthumes de Qianlong à sa mort en 1799 8. Parmi les jades favoris de Qianlong figurent des objets moghols offerts en tribut qui lui inspirèrent une cinquantaine de poésies élogieuses9. Les plus beaux vases, plats ou tasses lui servaient de vaisselle personnelle, sans doute avec l’espoir que les vertus de longévité attribuées au jade seraient transférées aux aliments qu’il ingérait. Il en estimait la très haute qualité d’exécution, la délicatesse du toucher et une finesse qu’il comparait à celle du papier, ce qui pourrait expliquer l’usage répété du jade comme support textuel chez cet empereur. Plus d’une quarantaine de ces plus belles pièces gravées de ses longs commentaires ou de ses poèmes ont été conservées. Du fait de l’exploitation massive de la néphrite en provenance de Khotan, une région nouvellement conquise entre 1755 et 1759, le règne de Qianlong se caractérise par une surabondance de ce matériau, qui arrivait brut à la cour ou
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Jades de Chine et d’ailleurs LES INTERACTIONS ARTISTIQUES ENTRE L’EMPIRE CHINOIS ET LE MONDE ISLAMIQUE (XIV e -XVIII e SIÈCLE)
SO PH I E M A K A R IO U Cat. 165 Coupe à vin Inde ou Asie centrale, période timouride (1370-1506), XV e siècle Jade, traces d’or H. 6,8 cm, D. 14,4 cm Don K. Khan, 2011, anciennes collections de Louis XIV, Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, MR 199
1. Islamabad, 1989, p. 170-171. 2. On a parfois suggéré que le mot yashm était d’origine sogdienne. 3. Melikian-Chirvani, 1997, notamment p. 123. 4. San Francisco, musée d’Art asiatique.
À la mémoire d’un ami et lecteur attentif, Ernst Grube (1932-2011)
Biruni (973-1048), polygraphe persan et l’un des plus brillants esprits du XIe siècle, a laissé une œuvre immense. À la fin de sa vie, il rédigea le premier ouvrage de minéralogie conservé (probablement après 1037). Le livre s’ouvre sur un exposé général des principes philosophiques que commande l’étude des pierres et des métaux, non dénué de condamnation morale d’ailleurs. Biruni procède ensuite, en deux discours successifs, à l’analyse de quarante pierres et métaux. Il y incorpore perle et bézoard, qui n’appartiennent pas au règne minéral. Le jade y arrive en quatorzième place, dans un court chapitre1. Biruni y précise le lieu d’extraction : le Khotan, zone de contact difficile mais tangible entre monde islamique et monde chinois. Situé dans le Turkestan oriental (aujourd’hui région autonome du Xinjiang, en Chine), Khotan (en mandarin Hetian) se trouve sur la branche sud de la route de la soie, qui contourne le désert du Taklamakan. Après la bataille de Talas (Kirghizistan actuel) qui opposa en 751 les troupes du califat abbasside naissant à celle de l’empire chinois des Tang, Khotan et ses réserves de jade devaient demeurer pendant des siècles en dehors de l’atteinte de l’ensemble impérial islamique. Pourtant déjà, le texte de Biruni associe la ville et la région au yashm, une pierre étrange que l’on identifie au jade : « Il est dit que le yashm et une espèce de cette pierre est appelé hajar al-ghalba, et que les Turcs l’emploient pour le décor de leurs selles, épées et ceintures, afin qu’ils puissent vaincre leurs ennemis. » Quantité de vertus, notamment curatives des affections stomacales, lui sont attribuées. Ce témoignage précoce est bien parcellaire, mais il en résulte que Biruni avait une connaissance physique de la pierre : il la sait dure à tailler, pouvant « être coupée seulement par le diamant ». Il en connaît les variations de couleur, « tirant sur le noir et opaque » lorsqu’elle vient de la vallée de Qarafash, nommée sabaj lorsqu’elle est d’un noir intense, et « blanche comme le lait caillé » lorsqu’elle est issu de Khotan. À l’inverse de bien des auteurs après lui, il distingue le yashm du yashb (« jaspe »), souvent confondus car la racine arabe du premier mot ne diffère de celle du second que par la dernière lettre2. Donc, dès le XIe siècle, le jade est connu et Biruni l’associe au « roi de Qataï » (l’empereur de Chine), aux galets charriés par certaines rivières et à la taille de petits objets précieux, dont des anneaux dotés de propriétés curatives. Mais force est de constater que l’on peine à identifier le moindre objet de jade taillé dans le monde islamique avant, au mieux, le deuxième quart du XVe siècle, malgré des tentatives récentes de dater plus précocement qu’à l’accoutumée quelques œuvres3. Une coupe étroite en forme de navette ovoïde à haute paroi et anse en forme de dragon, autrefois dans la collection Avery Brundage 4,
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Du Palais d’Été au château de Fontainebleau LE MUSÉE CHINOIS DE L’IMPÉRATRICE EUGÉNIE ET SES COLLECTIONS
V I N C EN T D ROGU E T Cat. 181 Porte-encens à décor ajouré Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) Jade, bois (socle) H. 22 cm, L. 4 cm (jade) Musée national du château de Fontainebleau, F 1438 C1 et F 1438 C2
1. Concernant l’histoire de l’aménagement des salons et du Musée chinois de l’Impératrice, voir SamoyaultVerlet et al., 1994 ; Droguet, 2011 ; McQueen, 2011. 2. À propos de cette ambassade et des objets offerts à Napoléon III et à Eugénie, voir Salmon, 2011.
« On est entré dans le salon chinois pour prendre le thé. Ses curiosités sont magnifiques : pagodes d’or et d’émail, idoles énormes, vases gigantesques étincelants à la lueur des lustres et des girandoles. » OCTAVE FEUILLET, Quelques années de ma vie
La création des salons et du Musée chinois de l’impératrice Eugénie au château de Fontainebleau durant l’année 1863 résulte d’une rencontre pour le moins inattendue entre la « petite histoire » de la résidence bellifontaine et la « grande histoire » militaire et diplomatique du Second Empire. Depuis 1861, la souveraine souhaitait pouvoir disposer, au sein du vieux château des Valois constamment remanié par les Bourbons, de salons de réception confortables, largement ouverts vers l’extérieur et aménagés selon son goût, dans lesquels elle pourrait réunir la société qui l’entourait durant ses séjours estivaux. Les pièces situées au rez-de-chaussée du Gros Pavillon, aspectées au midi, offraient des vues magnifiques sur l’étang des carpes et un accès direct au jardin anglais. C’est donc sur elles qu’Eugénie jeta son dévolu et l’architecte du palais, Alexis Paccard, dut imaginer dès 1861 des projets destinés à combler les vœux de la souveraine. Toutefois, l’aménagement de ces salons ne fut finalement mis en œuvre que deux ans plus tard, au printemps 1863, avec la nécessité d’y inclure désormais une donnée nouvelle qui conditionnerait largement leur physionomie : la présentation dans ces quatre pièces de l’ensemble des objets d’Extrême-Orient qui étaient arrivés entre-temps en possession de l’impératrice1. Les centaines d’objets d’art asiatiques qui allaient ainsi être installés dans les nouveaux salons de l’impératrice Eugénie à Fontainebleau, et qui y sont toujours présentés selon la disposition souhaitée par elle, avaient deux provenances principales. Le contingent le plus important de ces objets provenait des envois faits aux souverains par le corps expéditionnaire français qui avait participé, aux côtés de l’armée britannique, à la campagne de Chine durant laquelle s’étaient déroulés l’occupation, le pillage puis l’incendie du Palais d’Été – le fameux Yuanming yuan – en octobre 1860. Le second groupe d’objets, beaucoup moins nombreux – un peu moins de soixante-dix –, correspondait aux présents diplomatiques apportés par l’ambassade de Siam envoyée par le roi Rama IV Mongkut, qui fut reçue en grande pompe dans la salle de bal du château le 27 juin 18612. Les objets chinois arrivés entre les mains de Napoléon III et d’Eugénie au début de l’année 1861, loin d’être des cadeaux diplomatiques, provenaient donc des prises réalisées par les officiers et les soldats français dans le Yuanming yuan.
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Du style chinois à l’Art déco M A R I E- C AT H ER I N E R E Y Cat. 203 Fleurs Cartier Paris, 1937 Or, métal, émail rose et blanc (fleurs), cabochons de pierre de lune (cœurs), jade (feuilles), émail vert (tiges), onyx blanc (pot), fluorine (intérieur), amazonite (anneaux), obsidienne (socle), bois, ivoire (embase), verre (vitrine) H. 17,5 cm, L. 12,8 cm, l. 12,9 cm Vendue à la duchesse de Talleyrand, Collection Cartier, inv. FL 02 A37 L’objet est présenté dans une vitrine en verre sur une embase en bois laqué recouverte d’une plaque d’ivoire.
1. Le premier sens du terme « chinoiserie » est utilisé pour désigner des œuvres marquées par un goût prononcé de l’exotisme et en particulier d’une Chine rêvée dont le XVIIIe siècle sera l’un des moments les plus séduisants, autour des peintres Antoine Watteau (1684-1721) et François Boucher (1703-1770). 2. Philippe Burty (1830-1890), critique d’art et collectionneur, collaborateur de la Gazette des beaux-arts. 3. Les grands noms français de cette sinologie, liée aux nouvelles découvertes archéologiques qui vont entrer dans les musées, sont Édouard Chavannes (1865-1918), Victor Segalen (1878-1919) et Paul Pelliot (1878-1945). 4. Georges Salles (1889-1966), alors conservateur du département des Arts asiatiques du Louvre. 5. Jules de Goncourt (1830-1870) et Edmond de Goncourt (1822-1896) furent en contact avec tous les marchands et amateurs d’art d’Extrême-Orient de leur temps.
À la fin du XIXe siècle et au tournant du XXe, collectionneurs, marchands et monde des musées témoignent à Paris d’un « goût de la Chine », un temps occulté du fait de la vogue du japonisme. Ce « goût de la Chine » aura cependant, pour des artistes novateurs, un pouvoir d’interrogation essentiel. C’est en effet l’art chinois qui va faire figure de modernité quand le contexte du marché parisien change progressivement, une fois passé le temps de la suprématie du Japon. Paris assiste alors à la fin programmée de ces « chinoiseries1 » liées au style Second Empire finissant, chinoiseries qui vont être alors ramenées à la réalité de ce qu’elles étaient devenues, les exemples d’un goût médiocre. Comme le relève sans pitié le collectionneur avisé que fut Philippe Burty 2, les pièces chinoises présentées à l’Exposition universelle de 1878 sont de « grosses potiches bêtes ». Quelque vingt ans plus tard se succèdent des créations de musées où la Chine va obtenir une place de choix : à Paris, le musée Guimet est inauguré en 1889 et le musée Cernuschi en 1898. Quant au musée d’Ennery (1908), présentant la collection très pittoresque de Clémence d’Ennery, un ensemble de mobilier et de figurines de la Chine et du Japon, on y expose de nombreux jades et pièces de porcelaine chinois. Parallèlement se développe une authentique sinologie 3 consacrée en 1934 par l’exceptionnelle exposition de bronzes archaïques chinois organisée par Georges Salles 4 au musée de l’Orangerie. Cette conjonction de courants autour de la Chine à Paris mêle des collectionneurs avertis, des marchands spécialisés et un ensemble remarquable de savants, tandis qu’un nombre grandissant d’amateurs renoue avec l’engouement qui avait été celui de l’Europe du XVIIIe siècle, contemporain des trois grands souverains Qing et de ce qui avait caractérisé les débuts de la dynastie : la variété et la séduction des porcelaines « famille verte » et du mobilier de laque du règne de Kangxi (r. 1662-1722), l’art d’esthète raffiné de Yongzheng (r. 1723-1735) et l’art somptueux du règne de Qianlong (r. 1736-1795). Tournés à la fois vers le XVIIIe siècle et vers la modernité, les frères Goncourt5 sont les chroniqueurs et les acteurs passionnés des premiers changements. Edmond n’aura de cesse de répéter qu’il fut avec Jules le premier de ces amateurs : « Ce goût de la chinoiserie et de la japonaiserie ! Ce goût, nous l’avons eu les premiers. » Hommes de lettres, ils sont les premiers « modernes » quand ils s’éloignent des engouements d’un exotisme qui versait dans une chinoiserie de pacotille. Edmond de Goncourt trouve ainsi des mots dont les accents sont proches de ceux des écrits chinois quand il décrit les sensations que lui procure la contemplation du jade et de la porcelaine : « La porcelaine de la Chine ! cette porcelaine supérieure à toutes les porcelaines de la terre ! cette porcelaine qui a fait depuis des siècles, et sur tout le globe, des passionnés plus fous que dans toutes les autres branches de la curiosité ! […] ce produit d’un art industriel chanté par la poésie de l’extrême [sic] Orient, ainsi qu’on chante
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Annexes
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Le jade dans le monde chinois depuis le Néolithique X IN J I AN G Manas Monts Tian Kashi (Kashgar) m
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Monde islamique et monde chinois LAC BALKACH
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Les principales cultures néolithiques du jade et chronologie chinoise jusque 1911 NÉOLITHIQUE
CHINE IMPÉRIALE
C HINE DU N ORD - EST Culture de Xinglongwa (v. 6200-5200 av. J.-C.) Culture de Hongshan (v. 4500-3000 av. J.-C.)
D YNASTIE Q IN (221-207 AV. J.-C.)
C HINE DU S UD - EST Cours inférieur de Yangzi, autour du lac Tai Culture de Hemudu (v. 5000-3000 av. J.-C.) Culture de Songze (v. 3900-3200 av. J.-C.) Culture de Liangzhu (v. 3200-2200 av. J.-C.) Cours inférieur de Yangzi, au sud de la rivière Huai Culture de Lingjiatan (v. 3600-3200 av. J.-C.) Culture de Xuejiagang (v. 3500-2800 av. J.-C.) Cours moyen du Yangzi Culture de Shijiahe (v. 2300-1800 av. J.-C.) Culture post-Shijiahe (Xiaojiawuji) [v. 2100-1700 av. J.-C.] Cours supérieur du Yangzi Culture de Sanxingdui (v. 5000-1200 av. J.-C.) Phase finale (v. 1600-1200 av. J.-C.) C HINE DU N ORD Cours inférieur du fleuve Jaune Culture de Dawenkou (v. 4100-2300 av. J.-C.) Culture de Longshan (v. 2300-1800 av. J.-C.) Cours moyen du fleuve Jaune Culture de Shimao (v. 2300-1800 av. J.-C.) Culture de Taosi (v. 2300-1800 av. J.-C.) Cours supérieur du fleuve Jaune Culture de Qijia (v. 2300-1500 av. J.-C.)
PREMIÈRES DYNASTIES D YNASTIE X IA ( V. 2070-1600 AV. J.-C. [?]) Culture d’Erlitou (v. 1850-v. 1550 av. J.-C.) D YNASTIE S HANG ( V. 1600-1046 AV. J.-C.) Période d’Erligang (v. 1600-v. 1300 av. J.-C.) Période d’Anyang (v. 1300-1046 av. J.-C.) D YNASTIE ZHOU (1046-256 AV. J.-C.) Zhou de l’Ouest (1046-771 av. J.-C.) Zhou de l’Est (770-256 av. J.-C.) Période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.) Période des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.)
D YNASTIE H AN (206 AV. J.-C.-220 APR . J.-C.) Han de l’Ouest (ou Han antérieurs) [206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.] Xin (9-23) Han de l’Est (ou Han postérieurs) [25-220] É POQUE DES T ROIS R OYAUMES (220-280) Wei (220-265) Shu (221-263) Wu (222-280) D YNASTIE J IN (265- 420) Dynastie Jin de l’Ouest (265-316) Dynastie Jin de l’Est (317-420) É POQUE DES D YNASTIES DU N ORD ET DU S UD (386-589) Dynasties du Nord Wei du Nord (386-534) Wei de l’Est (534-550) / Wei de l’Ouest (535-557) Qi du Nord (550-577) / Zhou du Nord (557-581) Dynasties du Sud Song (420-479) Qi du Sud (497-502) Liang du Sud (502-557) Liang postérieurs (Liang de l’Ouest) [555-587] / Chen (557-589) D YNASTIE S UI (581-618) D YNASTIE TANG (618-907) Zhou (690-705) É POQUE DES C INQ D YNASTIES ET DES D IX ROYAUMES (907-979) D YNASTIE L IAO (907-1125) D YNASTIE S ONG (960-1279) Song du Nord (960-1127) Song du Sud (1127-1279) D YNASTIE X IXIA (1038-1227) D YNASTIE J IN (1115-1234) D YNASTIE Y UAN (1271-1368) D YNASTIE M ING (1368-1644) D YNASTIE Q ING (1644-1911) Période de Shunzhi (1644-1661) Période de Kangxi (1662-1722) Période de Yongzheng (1723-1735) Période de Qianlong (1736-1795) Période de Jiaqing (1796-1820) Période de Daoguang (1821-1850) Période de Xianfeng (1851-1861) Période de Tongzhi (1862-1874) Période de Guangxu (1875-1908) Période de Xuantong (1909-1911)
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