Jean
Cousin père et fils
une famille de peintres au xvie siècle
Le papier de ce catalogue est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.
© musée du Louvre, Paris, 2013 www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2013 www.somogy.fr ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-455-6 ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-0715-4 Couverture : Jean Cousin Père, Eva Prima Pandora (détail) Paris, musée du Louvre, RF 2373 (fig. 57) Quatrième de couverture : Jean Cousin Père, Suzanne et les vieillards, feuillet des Heures d’Anne de Montmorency, Chantilly, musée Condé, ms. 1476 (1943), fol. 78 vo (fig. 74) En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. Dépôt légal : septembre 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)
Jean
Cousin père et fils
une famille de peintres au xvie siècle
sous la direction de Cécile Scailliérez Textes de Hélène Billat Michèle Bimbenet-Privat Dominique Cordellier Peter Fuhring Marianne Grivel Isabelle Haquet Maxence Hermant Séverine Lepape Guy-Michel Leproux Audrey Nassieu Maupas Cécile Scailliérez Danièle Véron-Denise Olivier Renaudeau Henri Zerner
Musée du Louvre
Auteurs
Jean-Luc Martinez Président-directeur
Hélène Billat,
Hervé Barbaret Administrateur général Vincent Pomarède Directeur du département des Peintures Xavier Salmon Directeur du département des Arts graphiques Juliette Armand Directrice de la Production culturelle
conservateur des Antiquités et Objets d’Art de la Haute-Marne
Michèle Bimbenet-Privat,
conservateur en chef au département des Objets d’art
Dominique Cordellier,
conservateur en chef au département des Arts graphiques
Peter Fuhring,
conseiller scientifique à la Fondation Custodia
Marianne Grivel,
professeur, université de Paris-IV Sorbonne
Édition Musée du Louvre Direction de la Production culturelle
Isabelle Haquet,
assistante de programmation, Auditorium du musée du Louvre
Maxence Hermant,
Violaine Bouvet-Lanselle Chef du service des Éditions
conservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France
Catherine Dupont Suivi éditorial
Séverine Lepape,
Anne-Laure Charrier Chef du service Images Virginie Fabre Collecte de l’iconographie
Somogy éditions d’art Nicolas Neumann Directeur éditorial Frédérique Cassegrain Suivi éditorial Ariane Naï Aubert Conception graphique et réalisation Sarah Zhiri et Renaud Bezombes Contributions éditoriales Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Fabrication
conservateur au cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France, responsable du service de l’Estampe ancienne et de la Réserve
Guy-Michel Leproux,
directeur d’études à l’École pratique des hautes études
Audrey Nassieu Maupas,
maître de conférences à l’École pratique des hautes études
Cécile Scailliérez,
conservateur en chef au département des Peintures
Danièle Véron-Denise,
conservateur en chef honoraire au Musée national du château de Fontainebleau
Olivier Renaudeau,
conservateur au musée de l’Armée
Henri Zerner,
professeur, Harvard University
Remerciements Ma gratitude va tout d’abord à Vincent Pomarède, directeur du département des Peintures, qui m’a soutenue dans l’idée d’organiser en 2011 deux journées d’étude sur Jean Cousin, puis à Henri Loyrette et Jean-Luc Martinez, présidents-directeurs du musée du Louvre, qui ont accepté que les recherches en soient publiées sous la forme de cet ouvrage et qu’une présentation d’œuvres en accompagne la parution dans les salles du département des Arts graphiques. En second lieu, je veux dire toute ma reconnaissance à Violaine Bouvet-Lanselle, chef du service des Éditions du Louvre, qui a d’emblée soutenu cette entreprise et à Nicolas Neumann, directeur de Somogy éditions d’art, car tous deux m’ont fait confiance pour l’édition de ce travail. En troisième lieu, je suis très reconnaissante aux responsables des collections qui, sans exception, ont généreusement accordé le prêt des pièces que je souhaitais associer à celles du Louvre, ainsi qu’aux nombreux collègues qui, dans la maison, sous la direction de Soraya Karkache et de Clio Karageorghis, ont œuvré avec exigence et délicatesse à la réalisation de cette présentation. Cette étude est collective et je remercie tous les auteurs, non seulement de leurs contributions mais aussi de la confiance qu’ils m’ont témoignée dans la coordination de l’ouvrage. J’ai une dette particulière envers Guy-Michel Leproux, dont j’ai souvent sollicité les compétences et apprécié le dialogue : je lui suis très sincèrement reconnaissante de sa disponibilité. Ce sont enfin plus que des remerciements qui vont à Dominique Cordellier, ingénieux pourvoyeur des deux salles du département des Arts graphiques qui accueillent à l’automne 2013 les deux Jean Cousin, compagnon enthousiaste et généreux de cette longue recherche, infatigable co-équipier de la besogne éditoriale. Le livre est le fruit de recherches qui ont bénéficié des richesses quotidiennement accumulées par les services de documentation du département des Peintures et du département des Arts graphiques : à tous ceux qui y travaillent fort discrètement, j’ai plaisir à dire que ce livre n’existerait pas sans eux et je les remercie chaleureusement, de même que Michèle Gardon, qui a spécialement mené la collecte bibliographique, et plusieurs étudiants stagiaires qui ont su apporter leur soin à la tâche : Blandine Landau, Valentine Magne, Florence Conan, Cécile Barthes. J’ai plaisir enfin à saluer ici le travail accompli par Clara Marsal avec une finesse et une méticulosité sans pareille à l’occasion des journées d’étude de 2011, en particulier dans l’organisation de la documentation photographique.
Je tiens aussi à souligner l’accueil généreux que m’ont réservé, pour l’étude des collections dont ils ont la charge, Lydwine Saulnier-Pernuit et Anne-Bénédicte Clert à Sens et dans les environs, Fabienne Audebrand et Irène Jourd’heuil à Chartres, la regrettée Laurence Berthon à Lyon, Mathieu Gilles à Dijon, Thierry Crépin-Leblond au Musée national de la Renaissance, Magali Vene, Séverine Lepape, Maxence Hermant, Michel Yvon et Annie Cornilus à la Bibliothèque nationale de France, Juliette Jestaz et Emmanuelle Brugerolles à l’École nationale supérieure des beaux-arts, Isabelle de Conihout à la bibliothèque Mazarine, Mireille Pastoureau à la bibliothèque de l’Institut. Restent tous ceux qui ont métamorphosé le manuscrit en livre, en déployant dans leurs spécialités diverses une exigence, une souplesse et une bonne humeur dont je leur suis très reconnaissante : Catherine Dupont et Virginie Fabre, Frédérique Cassegrain, Ariane Naï Aubert, Michel Brousset, Mélanie Le Gros, Sarah Zhiri, Renaud Bezombes. Enfin, les auteurs et moi-même tenons à remercier Hervé Aaron, Tony Abel, Maryan Ainsworth, Delphine Aubert de Trégomain, Valérie Auclair, Joseph Baillio, Juliette Ballif, Aurore Basly, Gilles Bastian, Christian Beaufort-Spontin, Bertrand Bergbauer, Monique Blanc, Gilles Blieck, Dominique Boizot, Jean Bonna, Suzanne Boorsch, Agnès Bos, Marion Boudon-Machuel, Frank Bougamont, Geneviève Bresc-Bautier, Jean Buard, Béatrice de Chancel-Bardelot, Hugo Chapman, Catherine Chédeau, Isabelle Dangy, Anne Dary, Martine Depagniat, Bruno Desmarest, Lyne Dionet, Anna Di Pietra, Thomas Döring, Christine Duvauchelle, Geoffrey Duvoy, Frédéric Elsig, Aline François-Colin, Nicole Garnier-Pelle, Victoria Gertenbach, Matthieu Gilles, Achim Gnann, Ketty Gottardo, Pascal Goujet, Hélène Grollemund, Laurent Guillo, Xavier Guillot, Clarine Guillou, Mechtild Haas, Bob Haboldt, Michel Hilaire, Guy Hubert, Ariane James-Sarazin, Christophe Janet, Catherine Jenkins, Roland Jourdain, Sophie Jugie, Irène Julier, Guillaume Kazerouni, Philippe Leclerc, Antoinette Le Normand-Romain, Patrick Le Nouënne, Laurence Lhinarès, Agnès Malpel, Carol Manzano, Christien Melzer, Séverine Morvan, Marcel Perin, Tobias Pfeifer-Helke, Gaëlle Pichon-Meunier, Thaddée Prate, Alain Prévet, Sylvie Prouté, Stuart Pyrrh, Élisabeth Ravaud, Anne-Marie Réol, Marie-Hélène de Ribou, Pierre Rosenberg, Dimitri Salmon, Claudia Schnitzer, Michael Semff, Elena Sharnova, JeanFrançois Sinsart, Anna Soulimova, Nathalie Strasser, Carel van Tuyll, Marlène Vernet, Georges Viard, Stéphanie de Vomécourt, George Wanklyn, Jérôme et Romain Wilhelem, Christel Winling, Estelle Ytié, Michel Yvon, Kurt Zeitler, Henri Zerner. Cécile Scailliérez
Sommaire Préface Vincent Pomarède, Xavier Salmon
Avant-propos Cécile Scailliérez
Jean Cousin Père et Jean Cousin Fils au travers des textes
12
Jean Cousin Père et Fils d’après les textes
14
Guy-Michel Leproux
Jean Cousin Père
24
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père
26
Dominique Cordellier
Jean Cousin Père peintre et enlumineur
52
Cécile Scailliérez
Jean Cousin cartonnier : les tentures documentées
82
Audrey Nassieu Maupas
Les tribulations de la tenture de Saint-Mammès de Langres
92
Hélène Billat
La Dérision de Job : une tapisserie sur un dessin de Jean Cousin Père ?
94
Cécile Scailliérez
Jean Cousin et la broderie
96
Danièle Véron-Denise
Jean Cousin et le vitrail
102
Guy-Michel Leproux
Étienne de La Vallée et Jean Cousin
124
Maxence Hermant
Jean Cousin et la sculpture
130
Guy-Michel Leproux
Jean Cousin Père graveur, Jean Cousin Père gravé : burins et eaux-fortes Séverine Lepape
140
Androuet du Cerceau, témoin de l’œuvre de Jean Cousin Père
158
Dominique Cordellier
L’homme qui savait tout faire et la gravure sur bois
162
Marianne Grivel
Les lettrines figurées des livres et partitions
176
Cécile Scailliérez
Les dessins d’orfèvrerie de Jean Cousin
182
Dominique Cordellier
Deux modèles d’orfèvrerie pour une cassolette et une fontaine de table
190
Michèle Bimbenet-Privat et Peter Fuhring
Les armures réalisées sur les dessins de Jean Cousin
194
Dominique Cordellier et Olivier Renaudeau
Jean Cousin Fils
224
Style et facture des dessins de Jean Cousin Fils
226
Dominique Cordellier
Jean Cousin Fils peintre
240
Cécile Scailliérez
Le Jugement dernier de Jean Cousin Fils : relecture à l’aune de l’esprit d’Henri III
250
Isabelle Haquet
Quelques eaux-fortes d’après Cousin Fils
252
Séverine Lepape
Les publications de Jean Cousin Fils
256
Marianne Grivel
Le « style Cousin »
261
Un courant stylistique : l’art « cousinesque »
262
Cécile Scailliérez
Conclusion
270
Henri Zerner
Table des illustrations
272
Bibliographie
287
Index des noms propres
297
Établi par Dominique Cordellier
Préface On ne dira jamais assez la force de l’obstination discrète dans l’établissement du savoir, préalable indispensable à son partage le plus généreux. Depuis des décennies, les conservations du Louvre œuvrent à la reconnaissance de ce qu’a été l’art en France au xvie siècle. Malmené par les troubles religieux, brisé par les conflits, refoulé par l’académisme et tous les conformismes paresseux encore si agissants dans les institutions culturelles, l’art de la France du xvie siècle, placé sous le double signe de la manière septentrionale et de la manière ultramontaine, a fort mal résisté aux ravages du « goût » et aux colères du temps. Il a fallu toute la persévérance d’une Sylvie Béguin pour aboutir à la mémorable exposition de L’École de Fontainebleau en 1972 et les efforts des équipes actuelles pour montrer au Louvre la valeur des artistes de François Ier (1992), le génie inquiet et surexpressif du Christ mort de Rosso (2004), la vénusté hyperbolique de Primatice (2004), la grâce puissante de Germain Pilon (1990), la culture active d’un Luca Penni (2012) ou le brio protéiforme de Toussaint Dubreuil (2010). Et il faut souhaiter que les années à venir permettent de révéler au public du musée l’omniprésence d’un goût nordique sous François Ier ou de rendre justice à ces grands moments que furent, sur notre sol, la création de l’ordre du Saint-Esprit ou les vingt années de présence de Niccolò dell’Abate. Ce sont aujourd’hui les Cousin qui sont mis en lumière et l’on ne peut qu’admirer la reconstruction de l’œuvre de ces deux peintres – Jean le Père et Jean le Fils – qui a été accomplie par les acteurs culturels de notre fonction publique, conservateurs de musées, conservateurs de bibliothèques et professeurs d’université. L’équipe de chercheurs que Cécile Scailliérez, conservateur en chef au département des Peintures, a su fédérer pour réussir ce livre dont elle est, au sens savant, l’éditrice, était déjà celle qui s’était retrouvée en 2011 au Louvre et à l’Institut national d’histoire de l’art lors de journées d’étude soutenues par ENI et qui donnaient forme à l’enquête. Nous en avons ici les conclusions et les développements, provisoires naturellement, qui disent combien les Cousin, dessinateurs admirables, théoriciens fort lus, concepteurs de vitraux et de tapisseries mémorables, ont été des maîtres polyvalents, capables de maîtriser aussi bien la peinture que la sculpture ou la gravure, l’ornement d’église que l’ornement d’armure. Vincent Pomarède Directeur du département des Peintures Xavier Salmon Directeur du département des Arts graphiques
9
Abréviations Arch. nat. Archives nationales bibl. bibliothèque bibl. Ste-Geneviève Bibliothèque Sainte-Geneviève BM The British Museum BN Bibliothèque nationale (avant 1863) BnF Bibliothèque nationale de France coll. collection dép. département dim. dimensions D. diamètre Ensba École nationale supérieure des beaux-arts Est. département des Estampes et de la Photographie Est., Rés. Réserve du département des Estampes et de la Photographie, fol. folio H. hauteur L. largeur Louvre, DAG Musée du Louvre, département des Arts graphiques m mètre(s) MBA Musée des Beaux-Arts mm millimètre(s) MMA The Metropolitan Museum of Art ms. manuscrit ms. lat. manuscrit latin nal nouvelles acquisitions latines NGA National Gallery of Art NGS National Gallery of Scotland Prov. Provenance SGS Staatliche Graphische Sammlung V&A Victoria and Albert Museum vo verso
Avant-propos L’Étude sur Jean Cousin suivie de notices sur Jean Leclerc et Pierre Woeiriot, publiée en 1872 par Ambroise Firmin-Didot, assortie d’un album de planches paru l’année suivante, est le seul ouvrage qui ait jamais été consacré à Cousin. Pourtant, un siècle plus tard exactement, la mémorable exposition de l’École de Fontainebleau, organisée à Paris et Ottawa par Michel Laclotte et Sylvie Béguin, réservait, avec une trentaine de pièces (dessins et gravures, tableaux et tapisseries), une belle place à cette figure qui s’était entre-temps dédoublée, grâce aux investigations archivistiques de Maurice Roy, en un Jean Cousin Père et un Jean Cousin Fils. La distinction des deux peintres, irrésistible tentation, vite métamorphosée en gageure, focalisa sans doute excessivement la réflexion, occultant le rôle essentiel joué par Cousin Père dans la création d’un véritable style de la Renaissance française, c’est-à-dire, en fait, nourri des sophistications du maniérisme et déjà préclassique. Cette dimension de l’artiste, c’est Henri Zerner qui l’imposa en 1996, en faisant de Cousin Père, pris dans le réseau de ses tenants et aboutissants, le cœur, au propre comme au figuré, de son Art français de la Renaissance. L’invention du classicisme. C’est que l’École de Fontainebleau avait joué son rôle d’exposition en agissant comme un laboratoire de l’histoire de l’art. Elle était à peine fermée à Ottawa que Sylvie Béguin identifiait au Metropolitan Museum of Art de New York une feuille de Cousin Père (fig. 68) qui, comme nombre d’attributions, était bien plus qu’une feuille supplémentaire dans le corpus, en fait une clé pour un pan de l’œuvre resté dans l’ombre. C’est d’elle que découlent quelques-unes des découvertes publiées ici concernant la peinture (fig. 67, 72). Le projet du Vaisseau d’or (fig. 211) révélé en 1979 par George Wanklyn joua le même rôle dans le domaine de l’orfèvrerie. Quant aux chapitres d’Henri Zerner sur « Jean Cousin et les métiers d’art », ils apportèrent sur la sculpture, la broderie ou encore les armures, les indices que Cousin Père était l’inventeur de bien des pièces présentées sous un autre nom dans l’exposition de 1972 (fig. 101, 127, 147, 228, 229). L’effervescence avec laquelle ont été ensuite conjointement menées les recherches dans les archives par Catherine Grodecki puis par Guy-Michel Leproux et son équipe de l’École pratique des hautes études et les enquêtes présentées dans deux colloques tenus respectivement à Rome en 2007 et à Genève en 2010, plusieurs belles découvertes faites par Dominique Cordellier dans les cabinets de dessins européens et américains (fig. 12, 13, 21, 22, 34, 133, 216…), et enfin la restauration de l’Eva prima Pandora, délicatement menée par Agnès Malpel à partir de 2008, nous a incités à organiser en 2011, au Louvre et à l’Institut national d’histoire de l’art, deux journées d’étude dont ce livre est en somme le bilan, délibérément polarisé par la constitution d’un premier véritable corpus illustré. Nous y avons respecté une présentation par techniques qui, bien sûr, perd en intelligence de la carrière ce qu’elle gagne en lisibilité des domaines concernés, mais reflète aussi une enquête qui a beaucoup gagné à être collective. Ce bilan est, nous l’espérons vivement, provisoire. La reconstitution de l’activité de jeunesse de Cousin Père, qui n’a pris forme que très récemment, y est embryonnaire et laisse entrevoir un artiste plus proche du courant des romanistes néerlandais que nous ne le soupçonnions. Il en va de même, à l’autre bout de la carrière, de son adéquation avec le style Henri II. Ce livre est donc un premier pas vers le catalogue raisonné et, à l’issue d’indispensables restaurations, en particulier dans le champ de la sculpture et du vitrail, vers la véritable exposition que l’œuvre de Jean Cousin mérite. Cécile Scailliérez 11
Jean Cousin Père et Jean Cousin Fils
au travers des textes
Jean Cousin Père et Fils d’après les textes Guy-Michel Leproux
Double page précédente : fig. 1 et fig. 2 Plan de la Villeneuve sur Gravois, dressé le 3 septembre 1559 signé de Jean Cousin, Paris, Archives nationales
14 Jean Cousin
Contrairement à d’autres peintres français de son époque qui ne furent redécouverts que tardivement, ou attendent encore de l’être, Jean Cousin Père connut une notoriété posthume qui ne se démentit guère du xviie siècle à nos jours. Il la doit en grande partie à ses premiers biographes. Si Vasari ne mentionne « Giovanni Cugini di Parigi » que pour ses gravures et ses écrits1, Jacques Taveau et André Félibien sont plus complets. Le premier, procureur au bailliage de Sens, laissa un certain nombre de travaux inédits, dont un « Cathalogue d’aulcuns hommes illustres qui ont été nés et extraicts de la ville de Sens et des lieux prochains »2, rédigé dans les dernières années du xvie siècle, à une époque où il aurait pu recueillir des renseignements auprès des enfants du peintre. Ce ne semble pas, pourtant, avoir été le cas, car, dans la brève notice consacrée à l’artiste, le lieu de sa mort est laissé en blanc, de même que le jour et le mois de celle-ci. Quant à l’année, les chiffres romains MDLX sont eux aussi suivis d’un espace libre pour permettre d’en préciser ultérieurement le millésime. D’autre part, Taveau, qui évoque le Livre de Perspective, fit plus tard un renvoi dans la marge inférieure pour signaler « un autre livre qui est aussy imprimé des racourcissemens des membres humains en l’art de peinture ». On reconnaît le Livre de Pourtraicture, publié en 1595, mais dont l’auteur des planches est Jean Cousin Fils3. Cette confusion entre les deux artistes homonymes, à un moment où le second était mort depuis peu, semble bien indiquer que Taveau n’avait pas de contacts particuliers avec leur famille. Quant aux œuvres, il mentionne que Cousin peignit des tableaux, sans en citer aucun, mais précise en revanche qu’il exécuta, en sculpture, le tombeau de l’amiral Chabot dans le couvent des Célestins de Paris. Le texte, resté manuscrit, aurait sans doute peu contribué à la gloire de l’artiste s’il n’avait été connu et repris quelques décennies plus tard par André Félibien, qui le compléta en recherchant documents et témoignages. De son prédécesseur, l’auteur des Entretiens a retenu essentiellement l’information concernant le tombeau de l’amiral Chabot, qu’il reproduit en des termes assez similaires. Pour le reste, il apporte des éléments beaucoup plus précis,
dont plusieurs ont été confirmés par la découverte de pièces d’archives, ce qui donne du crédit aux autres4. Félibien indique ainsi que Cousin, originaire de Soucy, épousa Catherine Rousseau, fille d’un lieutenant général au bailliage de Sens, après s’être fait une réputation à Paris, notamment dans le domaine du vitrail. Il lui attribue quelques œuvres, parmi lesquelles trois verrières de l’église Saint-Gervais, le Martyre de saint Laurent, la Piscine de Bethesda et la Samaritaine, dont les deux premières sont partiellement conservées et correspondent bien à sa manière. On peut constater, là encore, que les informations recueillies par l’historien étaient fiables. Il en va de même pour le vitrail d’Auguste et la sibylle de Tibur du château de Fleurigny, et pour l’Eva prima Pandora, présentée comme le chef-d’œuvre de l’artiste. Les autres indications concernant des œuvres disparues, une verrière de Saint-Romain et deux de l’église des Cordeliers de Sens, voire les portraits de Marie Cousin et du chanoine Bouvier (fig. 3-4), sont donc à prendre en considération. Quant au nom de l’épouse du peintre, il s’est également révélé exact5. Le seul point sur lequel Félibien a pu être pris en défaut est la confusion qu’il a faite entre l’artiste et son fils. Trompé par l’homonymie, il attribue au premier le Jugement dernier exécuté par le second, dont il n’a pas soupçonné l’existence, et ce n’est qu’au début du xxe siècle que Maurice Roy a pu rétablir la vérité6. La double biographie établie alors par l’historien a longtemps servi de référence aux chercheurs. Toutefois, des découvertes récentes dans les archives parisiennes et sénonaises permettent d’apporter un certain nombre de précisions sur les vies et les carrières respectives des deux Jean Cousin. Une des principales zones d’ombre concerne les premières années d’activité du père. Roy n’avait pu établir ni sa date de naissance, qu’il situait approximativement au début des années 1490, ni sa filiation, ni les conditions de sa formation. Or, l’un des nombreux homonymes que l’on trouve à Sens et dans les environs au début du xvie siècle peut être considéré, de façon assurée, comme un parent proche : il s’agit du Jean Cousin brodeur et chasublier, mentionné dans les comptes du chapitre cathédral de Sens de
fig. 3 Portrait de Marie Cousin, fille de Jean Cousin Père, Sens, musée des Beaux-Arts fig. 4 Portrait du chanoine Bouvyer, curé de Soucy, chanoine de la cathédrale de Sens, Sens, musée des Beaux-Arts
1517 à 1537. C’était un artiste singulier, qui exécuta de nombreux ouvrages de son métier pour les chanoines, mais qui avait des compétences plus larges, puisqu’il était aussi chargé d’entretenir l’horloge7. Avant lui, le brodeur attitré du chapitre était un certain Thomas Cousin, que l’on peut raisonnablement supposer lui être apparenté8. C’est un acte notarié de juillet 1527 qui établit un lien familial entre ces brodeurs et Jean Cousin peintre. Nicolas Cousté, marchand drapier de Sens, venait de mourir9. Sa veuve, Barbe Thomas, désirant céder une parcelle de terre ayant appartenu à la communauté, dut solliciter l’autorisation des tuteurs de ses enfants mineurs : Jean Cousin chasublier et Jean Cousin peintre10. Un an et demi plus tard, en février 1529, elle procéda à une nouvelle vente. Cette fois, seul le peintre intervint pour donner son consentement11. À quel titre avait-il été désigné comme tuteur ? Un document conservé dans le censier de l’abbaye SaintRémi, connu depuis longtemps, mentionne qu’il devait un cens pour des terres à Collemiers acquises de sa belle-mère, veuve de Nicolas Cousté. Maurice Roy en avait conclu que celle-ci devait être la mère de Christine Rousseau, seule femme connue de Jean Cousin, et qu’elle avait été mariée en premières noces à Lubin Rousseau12. Ce serait donc, dans ce cas, en tant que mari de la sœur utérine des mineurs qu’il aurait été choisi. La parenté paraît bien éloignée pour qu’on lui ait confié une telle charge. Surtout, plusieurs actes mentionnent Jean Chaumet, chanoine
de Bray, comme oncle de Christine Rousseau13. Sa mère s’appelait donc Chaumet, non Thomas. Il ne reste ainsi qu’une possibilité pour faire coïncider ces informations : un premier mariage de l’artiste avec une fille de Nicolas Cousté et Barbe Thomas. La désignation d’un gendre du défunt comme tuteur était courante. De plus, on s’explique mieux la présence de deux tuteurs dans l’acte de 1527. En effet, la coutume de Sens prévoyait que les hommes étaient émancipés par le mariage, même s’ils n’avaient pas atteint vingt-six ans, mais qu’ils ne pouvaient pour autant, avant cet âge, procéder à des aliénations ou des hypothèques14. Marié à une fille de Nicolas Cousté avant sa majorité, Jean Cousin aurait donc pu, légalement, exercer la tutelle des mineurs, mais non consentir seul à la cession de leurs biens. L’acte de 1527 étant précisément une vente de terres, il aurait eu besoin, pour le passer, de la caution de son propre tuteur qui, dans ce cas, pourrait bien être son père. Cette dernière hypothèse est confortée par plusieurs actes notariés qui établissent que le Jean Cousin chasublier possédait des terres à Soucy15, village natal du peintre. Puisque celui-ci avait autorisé seul la seconde vente, en 1529, on peut supposer qu’il avait alors vingt-cinq ans révolus, ce qui conduit à placer sa date de naissance autour de 1503 et non pas dans les années 1490. Cette chronologie s’accorde d’ailleurs mieux avec les textes qui documentent les débuts de la carrière de Jean Cousin à Sens entre 1526 et 1531. Jean Cousin Père et Fils d’après les textes 15
Les deux plus anciens concernent l’exécution de relevés topographiques. Pour cette raison, on a parfois voulu que l’artiste ait commencé sa carrière comme géomètre16, alors que de tels travaux relevaient au xvie siècle de l’activité habituelle des peintres et constituaient même parfois l’un des aspects les plus lucratifs de leur profession17. Le premier est un procès-verbal rédigé en octobre 1526 par Ambroise Lhuillier, lieutenant au bailliage de Sens, qui devait arbitrer un différend opposant le chapitre de SaintÉtienne, qui possédait la seigneurie de Fouchères, à Vincent Dupuis, sieur de Saint-Valérien, à propos des limites de leurs terres respectives18. Jean Cousin est cité à plusieurs reprises comme ayant accompagné les parties et les témoins sur les lieux pendant plusieurs journées consécutives pour « figurer et pourtraire les lieux contemptieux ». Il est à noter que si les représentants du chapitre cathédral se mirent dans un premier temps d’accord avec la partie adverse sur son nom, ils manifestèrent après quelques jours une certaine méfiance à son égard et obtinrent que lui fût adjoint un autre peintre sénonais, Jean Hympe, mentionné régulièrement dans les comptes du chapitre depuis 151719. Trois ans plus tard, en 1529, Jean Cousin « peintre demeurant à Sens » est de nouveau cité dans un document de nature judiciaire comme l’auteur d’un plan sur parchemin, malheureusement non conservé, qui accompagnait un accord passé entre les moines de l’abbaye Notre-Dame de Vauluisant et les habitants de Courtenay pour le tracé des remparts que l’abbaye voulait établir autour d’une partie du village20. À cette époque, l’abbé de Vauluisant était Antoine Pierre, élu en 1502. On sait qu’il employa Jean Cousin à la peinture d’un retable destiné au maître-autel de son église, mais aucune date ne peut être avancée pour ce travail, si ce n’est qu’il fut antérieur à 1534, date à laquelle l’abbé se démit de ses fonctions21. L’année 1529 marqua aussi le début de la collaboration du peintre avec le chapitre de la cathédrale de Sens : l’artiste reçut cent sous pour la peinture d’un reliquaire22. L’année suivante, il répara une sculpture et en refit la polychromie23. Après 1531, son nom disparaît des comptes, et c’est Jean Hympe qui fut, dans les années suivantes, le principal peintre de la cathédrale. On peut supposer que Cousin ne demeurait alors plus en permanence dans la ville24. Il est cependant difficile de préciser à quel moment il s’établit à Paris. Félibien nous dit que c’est avant d’avoir épousé Christine Rousseau25. S’il a raison, le premier séjour de l’artiste dans la capitale serait beaucoup plus précoce qu’on ne le pense. En effet, sa fille Jeanne, née de cette union, se maria elle-même avec Nicolas Halins avant 154926, ce qui implique que les secondes noces de Jean Cousin 16 Jean Cousin
ne purent être de beaucoup postérieures à 153027. Sa première commande documentée à Paris est, en décembre 1539, sa participation, au côté de deux autres peintres, Antoine Félix et Pierre Préau, au décor de deux arcs dressés rue Saint-Antoine pour l’entrée de Charles Quint28. Dans le marché, passé avec Girolamo Della Robbia, il est qualifié de maître peintre à Paris, ce qui indique qu’il avait déjà eu le temps de se faire recevoir dans la corporation. De même, en janvier 1541, lorsqu’il passa marché pour trois cartons de tapisserie pour la confrérie de SainteGeneviève, il était déjà « bourgeois de Paris », ce qui témoigne, là encore, d’une installation qui n’était pas toute récente29. Par contre, le fait qu’il soit qualifié de « paintre demourant a Sens » en 1534 dans le censier de l’abbaye Saint-Jean n’a guère de signification, puisque les mêmes termes se retrouvent dans le registre suivant, commencé en 154830. Il garda en effet toujours un domicile dans sa ville d’origine et il y revenait régulièrement. Ainsi, en 1545, lorsque, pour régler un contentieux territorial entre le chapitre cathédral de Sens et la famille de Belleville, il fut décidé de dresser un plan des lieux contestés, les parties, qui devaient s’accorder sur le nom d’un peintre, choisirent Jean Cousin « ou il sera a Sens, et ou il ne seroit audict Sens, de la personne de Bertrand Aubery, painctre »31. Les comptes du chapitre de Saint-Étienne permettent de dater certains de ses voyages. Au début du registre commençant le 1er mai 1550, il est cité pour avoir fourni des modèles pour les orfrois de deux chapes exécutés par le brodeur Louis Giguet32. On retrouve son nom au feuillet suivant, cette fois pour avoir conçu et dirigé la délicate opération de réinstallation sur le maître-autel de la cathédrale d’un grand retable orfévré roman, la « table d’or », qui venait d’être restauré33. Son rôle ici s’apparentait davantage à celui d’un maître d’œuvre ou d’un ingénieur qu’à celui d’un peintre. Dans le compte suivant, couvrant la période allant de mai 1551 à mai 1552, il est encore cité à deux reprises, pour des travaux plus classiques : le dessin d’un buffet d’orgues et, de nouveau, des modèles d’orfrois34. Il n’apparaît plus par la suite dans les registres, mais on sait qu’il se rendit encore à Sens en janvier 1559, pour le mariage d’une nièce de Christine Rousseau35. À Paris, son premier domicile connu, en janvier 1541, était rue Vieille-du-Temple. Puis, en 1542, il acheta des terrains à Saint-Germain-des-Prés, à l’angle de la rue de Seine et de la rue des Marais (actuelle rue Visconti), et se fit construire deux maisons contiguës36. Dès lors, il ne quitta plus le faubourg. Plusieurs textes nous renseignent sur son entourage professionnel et familial à cette époque. Il eut huit enfants. Un mystère entoure l’un d’entre
fig. 5 Anonyme, Livre de recettes, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits, ms. fr. 640, fol. 62 vo
eux, prénommé Guy, qui quitta Paris en 1552 et ne donna plus signe de vie. Dix ans plus tard, il fut réputé disparu et ses frère et sœurs se partagèrent sa part d’héritage. Un autre fils, Jean, naquit sans doute vers 153637. Il fut formé à la peinture et reprit l’atelier à la mort de son père. Des autres enfants, on sait seulement qu’Isabelle avait dix-huit ans en 1564, lorsqu’elle fut mise en apprentissage comme couturière38. Parmi ses gendres, un seul, Nicolas Halins, était peintre. Étienne Bouvier était apothicaire à Sens, les autres exerçaient des professions en rapport avec le travail du métal, précieux ou non : Pierre Dufour et Jean Daussonne étaient armuriers, Girard de Camp, serrurier, et Élie Lincre, orfèvre à Nuremberg. Jean Cousin resta proche de son beau-frère Jacques Cousté39, l’un des enfants dont il avait eu la tutelle à la fin des années 1520 et qui le suivit à Paris. En 1543, celui-ci était compagnon peintre. Devenu maître quatre ans plus tard, il eut une carrière honorable, puisqu’il travailla pour l’Écurie du Roi, fut recruté avec Antoine Caron pour exécuter les décors de l’entrée royale projetée en 1561, puis employé à des ouvrages de peinture à Fontainebleau en 1562 et 157040. Parmi les artistes que Cousin fréquenta dans la capitale, on trouve d’autres Sénonais. L’un des
plus importants fut un brodeur, ce qui constitue un indice supplémentaire en faveur d’une filiation avec le chasublier de la cathédrale Saint-Étienne. Pierre Vallet, dit Parent, compagnon à Paris dès 1527, puis brodeur attitré du duc de Nevers, n’est sans doute pas le même artiste que le Pierre Vallet brodeur à Sens en 1534, mais il lui était certainement apparenté41. Jean Cousin lui donna des modèles en 1550 pour une chambre de broderie42, mais, surtout, il fut lié à deux de ses anciens apprentis, Pierre Eskrich et Louis Giquet43. Le premier était le fils d’un orfèvre de Fribourgen-Brisgau, Jacob Eskrich, venu s’installer à Paris dans les premières années du xvie siècle44. En mars 1544, il était emprisonné au Châtelet, et c’est Jean Cousin qui obtint sa libération en remboursant une partie de ses dettes, ce qui témoigne de relations assez étroites45. Quant à Louis Giquet, c’est certainement le même que le Louis Giguet qui fournit en 1551 à la cathédrale de Sens des orfrois exécutés d’après des dessins de Cousin, et que l’on retrouve dans les comptes du chapitre en 1556-155746. C’est peut-être aussi par les réseaux sénonais que Cousin a pu connaître le peintre-verrier Jacques Aubry, avec lequel il collabora pour les vitraux de la chapelle des Orfèvres et qui fut appelé avec lui comme Jean Cousin Père et Fils d’après les textes 17
garant d’un marché passé entre Luca Penni et Nicolas Houel pour l’exécution d’un retable47. Un Bertrand Aubry peintre est en effet documenté à Sens de 1535 à 1545, moment où, on l’a vu, son nom est cité comme éventuel remplaçant de Cousin pour une expertise48. Il est également signalé sur le chantier de Fontainebleau en 153949. On note aussi parmi les artistes de l’entourage de Cousin à Paris deux peintres venus de Troyes, ce qui pourrait fournir un indice sur ses années de formation. L’un était son gendre Nicolas Halins, qui grava plusieurs de ses dessins50. Il fut employé comme peintre sur le chantier de Fontainebleau et exécuta des cartons de tapisserie pour l’église Saint-Honoré de 1547 à 154951. Quant à l’autre, Louis Bachot, il était, comme Halins, issu d’une famille de sculpteurs troyens. Comme lui, il travailla à Fontainebleau dans les années 1540 et ses relations avec Cousin, plus âgé que lui52, semblent avoir été particulièrement étroites : les deux artistes achetèrent, le même jour, deux parcelles contiguës à Saint-Germain-des-Prés et y établirent leurs ateliers respectifs53. Étant donné la fréquence des associations entre peintres parisiens, il serait bien étonnant qu’ils n’aient pas collaboré à de nombreuses reprises, d’autant que, dès la fin de l’année 1549, Cousin semble avoir eu des difficultés à assurer seul certaines commandes54. Si un acte notarié nous apprend qu’il partagea alors la commande des cartons de la tenture de Saint-Germainl’Auxerrois avec Louis Dubreuil, il est probable que de tels documents n’étaient pas nécessaires lorsqu’il travaillait avec des proches. La plupart des artistes gravitant autour de Cousin ont donc, à un moment ou à un autre, travaillé à Fontainebleau, alors que lui-même, paradoxalement, n’est jamais mentionné dans les comptes conservés55. Aucun n’y joua cependant un grand rôle : Nicolas Halins et Louis Bachot, par exemple, ne sont cités qu’une fois chacun, vers 1542-1543 pour le premier, payé seulement neuf livres par mois, et vers 1546 pour le second, qui reçut un salaire mensuel plus conséquent, treize livres, pour ses travaux à la galerie François Ier 56. Ces passages sur le chantier royal sont trop ponctuels et trop tardifs pour que ce soit par leur intermédiaire que Cousin ait été initié à l’art de Fontainebleau. Plus sérieuse paraît la piste de deux collaborateurs importants de Rosso, Charles Dorigny et Luca Penni, peintres que non seulement des œuvres, mais aussi des textes relient à Cousin. On a vu l’intervention de celui-ci dans la commande du retable adressée par Nicolas Houel à Penni57. L’inventaire après décès de Dorigny, en 1551, confirme des rapports professionnels assez étroits entre les trois hommes. Il était en effet d’usage de faire appel, pour l’estima18 Jean Cousin
tion de l’atelier, à des artistes proches du défunt. Or, c’est à Cousin et Penni, qualifiés par le notaire de « paintres pour le Roy », que l’on s’adressa58. Un an plus tard, lorsque la veuve de Dorigny se remaria, ses témoins furent trois brodeurs présentés comme amis du défunt, parmi lesquels Pierre Vallet, que l’on retrouve, une fois encore, dans le cercle de Cousin59. Celui-ci avait côtoyé Charles Dorigny en 1549, pour la préparation de l’entrée d’Henri II à Paris60, mais, sur la base de ces informations, il n’est pas impossible d’envisager une rencontre plus ancienne. Vasari nous apprend que Penni fut l’un des principaux collaborateurs de Rosso à Fontainebleau, ce que les comptes des Bâtiments ne font que très partiellement apparaître61. Cousin a lui aussi certainement connu le chantier dès les années 1530. Pourquoi n’est-il pas mentionné dans les extraits des comptes copiés par Félibien ? L’explication pourrait être liée à ses relations privilégiées avec les brodeurs au début de sa carrière. Eskrich et Giquet ont en effet tous deux écrit des vers pour déplorer la mort de Rosso62. Ils étaient amis avec Robert de Luz, brodeur du roi et lui aussi poète à ses heures63. C’est peut-être dans le sillage de ces brodeurs de la cour, partageant leur temps entre Paris et Fontainebleau, que Cousin se familiarisa avec le maniérisme italien au milieu des années 1530 et qu’il connut Dorigny et Penni. Par la suite, les archives notariales de la capitale confirment l’image d’un artiste à l’activité abondante et très diversifiée. Il fut sollicité à plusieurs reprises pour l’exécution de grands décors éphémères, notamment pour les entrées solennelles de Charles Quint, en décembre 1539, et surtout d’Henri II, en 1549, où il fut mis sur le même pied que Dorigny et Goujon. Entre-temps, en 1541, il avait été recruté par les confrères de la Passion pour réaliser les décors du mystère de l’Ancien Testament prévu pour l’été suivant dans les jardins de l’hôtel de Flandres. Le détail du marché n’est pas connu, mais on sait que la rémunération de l’artiste fut de deux mille livres64, somme énorme si on la compare à celles qui figurent dans des contrats similaires. C’est donc que son rôle ne se limitait pas à donner des dessins, mais consistait à livrer les décors peints et sculptés. On sait qu’il fournit aussi les « fainctes », c’est-à-dire les truquages et les jeux pyrotechniques. De telles commandes revenaient généralement à des artistes spécialisés, et celle-ci témoigne, tout comme l’intervention de Cousin à la cathédrale de Sens pour l’installation de la table d’or, de connaissances techniques particulières. Elle est aussi l’indice d’une certaine prospérité, puisqu’il lui fallut certainement avancer une partie de la somme due par les entrepreneurs du jeu65.
Encore plus singulier est son rôle dans le domaine de la sculpture. À Paris, peintres et sculpteurs appartenaient certes à la même corporation, et aucun règlement n’interdisait à un artiste de pratiquer les deux disciplines, mais les exemples d’une telle ambivalence sont très rares et concernent essentiellement des artistes travaillant le bois. Or Jean Cousin exécuta lui-même une partie des sculptures de marbre destinées au monument funéraire de l’amiral Chabot. Le témoignage de Taveau sur ce point avait suscité le scepticisme des historiens de l’art depuis la fin du xixe siècle, mais la découverte récente de documents notariés ne laisse aucun doute : tout l’encadrement du tombeau, comprenant les génies funéraires conservés au musée du Louvre, ont bien été commandés à Jean Cousin et exécutés dans son atelier, où ils se trouvaient encore à sa mort66. L’entrée de 1549 fut sans doute déterminante pour le renom de Cousin dans la capitale. Le feuilleton des cartons de Saint-Germain-l’Auxerrois n’est pas le seul indice que l’on ait d’une difficulté à honorer toutes les commandes qu’il recevait dans les années 1550, notamment dans le domaine de la tapisserie et du vitrail. On en trouve un autre dans le marché passé par Jacques Aubry en 1557 pour une verrière de la chapelle des Orfèvres : ses commanditaires, prudemment, firent indiquer par le notaire que les modèles seraient fournis par Jean Cousin « ou autre », alors que le peintre leur avait déjà donné ceux destinés à deux autres baies. Ils se réservaient ainsi la possibilité de faire appel à un autre peintre en cas de défaillance ou de retard excessif 67. Malgré son succès, Jean Cousin ne dédaignait pas les commandes qui faisaient le quotidien des peintres parisiens et leur assuraient des revenus réguliers. Ainsi, il poursuivit à Paris ses activités de peintre « judiciaire ». Les Archives nationales conservent en effet un plan de la Villeneuve sur Gravois signé Jean Cousin, et daté de 1559 (fig. 1)68. De même, les comptes du collège de Presles mentionnent pour l’année 1557-1558 un paiement d’un peu plus de sept livres pour le décor d’un appentis joignant leur chapelle69. À cette époque, certes, on ne peut exclure que le peintre cité ait été son fils, mais, outre le fait que la signature du plan présente des différences avec celles que l’on connaît pour celui-ci une vingtaine d’années plus tard, tout laisse penser qu’il travaillait alors dans l’atelier paternel et n’avait pas d’activité professionnelle indépendante. En tout cas, les deux tableaux mentionnés comme œuvres de Jean Cousin dans l’inventaire rédigé après le décès d’Anne d’Espoigny, femme du notaire Nicolas Le Camus, en 1569, étaient certainement de la main du père : c’est du moins une certitude pour le premier d’entre eux, un tableau de dévotion représentant l’adoration des
fig. 6 Portrait présumé de Jean Cousin Fils, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, Réserve
Mages, muni de deux volets peints d’une Annonciation, puisque la précision « feu » a été ajoutée avant le nom du peintre, dans l’interligne70. L’avertissement au lecteur du Livre de Perspective laisse supposer que Jean Cousin était encore vivant au moment de la publication, en 1560, ce que confirme un acte d’août de la même année par lequel il donna sa garantie pour une vente faite par son gendre Jean Daussonne antérieurement au mariage de celui-ci avec Colombe Cousin71. Le peintre mourut donc entre l’été 1560 et décembre 1562, date à laquelle sa maison de la rue des Marais appartenait déjà à ses enfants72. Cette propriété était constituée de deux corps d’hôtel bien distincts, munis chacun de dépendances, qui furent partagés entre les héritiers. Né vers 1536 ou 153773, Jean Cousin Fils était en âge de reprendre l’atelier paternel. Héritier du tiers de l’une des maisons, il paya d’abord un loyer à ses sœurs pour en avoir la jouissance, puis racheta leurs parts et en devint seul propriétaire. Il s’agissait du bâtiment qui comprenait l’atelier de peinture. Quant à l’autre, situé à l’angle de la rue des Marais et de la rue de Seine, où son père avait pratiqué la sculpture, il s’en désintéressa, et ses beaux-frères le vendirent en 1567. Par la suite, il résida toujours à Saint-Germaindes-Prés et resta donc le voisin de Louis Bachot et de ses fils Jean74 et Laurent75, mais il garda, comme son père, des liens familiaux et professionnels avec sa ville d’origine. Il avait ainsi épousé en premières noces Étiennette Cousin, nièce d’un chanoine de la cathédrale de Sens nommé, lui aussi, Jean Cousin, qui lui était un peu apparenté76. Devenu veuf, il se remaria avec une cousine de sa première femme, Étiennette Herbelin, en février 1586. Jean Cousin Père et Fils d’après les textes 19
En novembre 1563, il fut appelé par la municipalité de Sens pour préparer l’entrée solennelle du roi et de sa mère, associé à un peintre de la ville, Nicolas Cousté77. On apprend à cette occasion qu’il travaillait alors au château de Fleurigny78. Un album de dessins exécuté vers 1578 par l’un de ses apprentis montre aussi que parmi sa clientèle on comptait plusieurs gentilshommes possédant des terres dans la région de Sens, comme François de Béthune, sieur de Bannay, et sa sœur Marie, dame d’Esternay, Jean de Brion, conseiller à la Cour des aides, puis au parlement de Paris à partir de 1568, ou encore le baron de Courtenay79. On peut y joindre, d’origine plus modeste, Susanne Ailleboust, fille d’un médecin de Sens. Aucun de ces portraits n’est, contrairement à d’autres, signalé comme ayant été pris sur le vif et on peut supposer que l’apprenti a, pour ces exercices, copié des modèles plus anciens présents dans l’atelier80. Cet album, qui contient des informations précieuses sur l’atelier et la famille de Jean Cousin Fils, contribue à nous rendre celui-ci plus familier que son père. L’un des portraits pourrait d’ailleurs le représenter âgé d’une quarantaine d’années (fig. 6). On connaît le nom de plusieurs de ses apprentis. Tous ne semblent pas avoir été destinés au métier de peintre. Le doute peut subsister pour Guillaume Geoffroy, fils
d’un compagnon boucher, bien que la durée de deux ans prévue en 1564 pour sa formation paraisse bien courte au regard des usages de la corporation81. Deux autres, Jean Girault et Jean Gourmont, ont été maladroitement dessinés vers 1568 par un troisième82. On peut supposer que le premier était apparenté à François Girault, imprimeur à Paris puis à Sens. Quant au deuxième, il pourrait être le fils du graveur et libraire Jean II de Gourmont. On le retrouve l’année suivante, s’il ne s’agit pas d’un homonyme, en apprentissage chez un orfèvre83. Il semble donc que Jean Cousin, comme sans doute beaucoup de peintres de son temps, formait au dessin des apprentis qui se destinaient à d’autres métiers nécessitant cette connaissance, tels que les brodeurs ou les orfèvres84. On trouve encore des informations sur le fonctionnement de l’atelier dans un curieux livre de recettes conservé à la Bibliothèque nationale de France85. Le rédacteur, anonyme, a indiqué sur la page de garde certains auteurs qu’il a utilisés, mais aussi le nom et l’adresse d’hommes de l’art qui l’ont renseigné. Parmi eux, « Jehan Cousin, qui demeure au faulxbourgs de Saint Germain, sçaict du mestié ». À la ligne précédente est cité Nicolas Cousté, demeurant rue de la Heaumerie, fils du peintre homonyme de Sens avec qui Cousin avait collaboré en 156386.
Jean Cousin chasublier
Philippe Cousin
? Cousin
Jean Cousin chanoine
C1
Simon Herbelin
C2
Jean Cousin le Père
A1
A2
Étiennette Cousin Nicolas Halins peintre et graveur
20 Jean Cousin
B1
Jeanne Cousin
Étiennette Herbelin B2
Jean Cousin le Fils peintre
Guy Cousin
Marie Cousin
Étienne Bouvier apothicaire
Le livre contient des informations très précieuses sur les techniques de peinture, mais aussi quelques notations plus générales sur le métier. La plupart ont certainement été obtenues auprès de Jean Cousin, comme en témoigne la rubrique « Apprentissaige du paintre ». On y retrouve en effet une méthode qui sera développée dans le Livre de Pourtraicture : « On luy donne premierement a faire un oeuf dans lequel on luy faict faire un demy visaige, puys entier avecq les oreilles, aprés le col, puys les partyes du corps separement, aprés joinctes, puys une figure, puys deulx et troys, enfin une histoire, luy aprenant a tenir le charbon par la pointe et le pinceau aussy. Comme il sçait portraire, on luy aprend a coucher de couleurs. On luy propose aussy ces traicts et ligne : la figure de l’oef pour visaiges et pour les corps pliés est le principal patron, comme la croix est le modelle de plant droict et entier ; sans ces traicts, tu ne feras jamays bien87 » (fig. 5). Un peu plus loin est évoquée la nécessité pour un peintre d’apprendre à faire des portraits : « Les painctres doibvent tous aprendre a pourtraire aprés le naturel, car c’est leur viatique et rente et moyen asseuré de gaigner leur passaige, allant par pays avecq ce seul cocon88 ». Parmi les relations de Jean Cousin Fils dans la capitale, on trouve d’ailleurs un artiste surtout connu pour ses portraits, Jean de Court, à
qui, en 1585, il servit de médiateur pour négocier un accord avec un habitant de Saint-Germain-des-Prés qui le poursuivait pour coups et blessures89. Si le livre de recettes auquel il contribua donne l’image d’un peintre connaissant toutes sortes de techniques et travaillant sur des supports variés, son activité paraît néanmoins avoir été moins diversifiée que celle de son père et plus centrée sur les arts graphiques. Certes, il participa à l’exécution du décor de la salle de spectacle de l’hôtel de Bourbon en 1570, avec Jean Rondel et Pierre Fegret, mais aucun document ne permet de soupçonner qu’il travailla dans les domaines du vitrail, de la tapisserie ou de la broderie. Ceux qui nous sont parvenus concernent en majorité des interventions dans le domaine de l’illustration des livres. Avant 1568, il prépara celle du Livre de Fortune d’Imbert d’Anlezy, qui devait être publié par Jacques Kerver mais resta à l’état de manuscrit. En 1584, Jérôme de Marnef et la veuve Cavellat rééditèrent les modèles de broderie de Domenico Da Sera en y ajoutant « plusieurs excelents & divers patrons, tant du point coupé, raiseau, que passement, de l’invention de M. Iean Cousin, Peintre à Paris »90. En 1589, enfin, il s’engagea envers Jean Leclerc à dessiner les planches du Livre de Pourtraicture, paru en 159591, peu après sa mort, survenue entre juillet 1593 et mars 159592.
fig. 7
lien supposé
A1 et A2 mariages successifs de Jean Cousin le Père B1 et B2 mariages successifs de Jean Cousin le Fils
Arbre généalogique simplifié de la famille de Jean Cousin
C1 et C2 mariages successifs de Philippe Cousin
Guillaume Cousté
? Cousté
Colombe Cousin
Jean Daussonne armurier
Barbe Thomas
Nicolas Cousté
Barbe Cousin
Jacques Cousté peintre
Elie Lincre orfèvre
Christine Rousseau
Nicolas Cousté peintre
Madeleine Cousin
Pierre Dufour armurier
Girard de Camp serrurier
Isabelle Cousin
Jean Cousin Père et Fils d’après les textes 21
1. Vasari, 1878-1885, t. V, p. 432.
25. Félibien, 1666-1688, t. III, p. 120.
2. Archives départementales de l’Yonne, F 35.
26. Nassieu Maupas, 2007, p. 13.
3. Grodecki, 1986, p. 170.
27. On en déduit aussi que la première femme de Cousin dut mourir rapidement, sans lui laisser d’enfant, semble-t-il.
4. Félibien, 1666-1688, t. III, p. 120-124. 5. Roy, 1909, p. 4. 6. Roy, 1909. 7. Il ne peut s’agir d’une homonymie, car en 1521, par exemple, il est indiqué : « a Jehan Cousin, charublier, pour avoir mys a point le petit orrelauge » (arch. dép. de l’Yonne, G 1146). Après sa mort, c’est à un horloger que fut confiée cette tâche. Ce Jean Cousin demeurait en 1517 en face du palais archiépiscopal (arch. dép. de l’Yonne, 3 E 22 660, 1517, 8 août). 8. On ne possède à son sujet que des renseignements assez fragmentaires, mais on peut supposer qu’il avait une bonne connaissance du dessin : en 1500, le chapitre lui demanda le modèle d’un saint Michel en plomb destiné à surmonter la tour (arch. dép. de l’Yonne, G 1142, fol. 210 vo). 9. Il était encore vivant en décembre 1526 (arch. dép. de l’Yonne, 3 E 71 2, 1526, 5 décembre). 10. Arch. dép. de l’Yonne, 3 E 71 1, 1527, 10 juillet. 11. Arch. dép. de l’Yonne, 3 E 71 4, 1529, 20 février (n. st.). 12. Roy, 1909, p. 10-11. 13. Roy, 1909, p. 12, 62. 14. La coutume recueillie sous le règne de Louis XII, dans un article repris sans changement dans la nouvelle rédaction de 1555, indique que la majorité des roturiers était fixée à vingt-cinq ans, mais que le mariage les émancipait : « Enfans nobles & non nobles, soient fils ou filles, sont reputez aagez & a leurs droits quant ils sont mariez, quelque aage qu’ils ayent […] » La rédaction de 1555 ajoute une restriction : « sans y comprendre l’alienation & hypotheque de leurs biens ». Nouveau coutumier général, ou Corps des coutumes générales et particulières de France et des provinces connues sous le nom de Gaules, t. III, Paris, Michel Brunet, 1724, p. 495. Pelée de Chenouteau (Conférence de la coutume de Sens avec le droit romain, les ordonnances du royaume et les autres coutumes, Sens, veuve Tarbé, 1787, p. 157) précise qu’un mari mineur ne pouvait autoriser sa femme majeure, et devait se faire nommer un tuteur « sous l’autorité duquel il pût valablement l’autoriser ». Ce qui était valable pour l’autorité conjugale devait l’être aussi pour la tutelle sur des mineurs.
29. Coyecque, 1905, p. 319. 30. Arch. dép. de l’Yonne, H 420, fol. 24 et H 421 fol. 4. 31. Arch. dép. de l’Yonne, G 1383, 1545, 12 août. 32. Arch. dép. de l’Yonne, G 1158, fol. 42 : « Pour les portraictz des offrays desd. chappes qu’a faict mectre [sic pour « maistre »] Jehan Cousin, cent solz tournois. » 33. Arch. dép. de l’Yonne, G 1158, fol. 43 : « Donné et payé a maistre Jehan Cousin, paintre, pour avoir visité par plusieurs foys et faict ung portraict avec les enseignemens pour elever la table d’or sur le grand autel, la somme de quatre livres douze solz tournois. Plus, pour avoir donné a boire a l’orphevre, maistre Jehan Cousin et au serrurier et autres quand lad. table d’or fut transportee au chappitre, dix solz tournois. » 34. Arch. dép. de l’Yonne, G 1158, fol. 97 : « Donné a maistre Jehan Cousin, paintre, six escuz sol pour avoir faict ung portraict d’un fus d’orgues pour servir a l’eglise » ; et fol. 100 : « Pour le portraict des offroys de ladicte chappe verte, a esté payé a maistre Jehan Cousin, painctre, la somme de soixante solz tournois. [En marge :] Corrigé a la somme de LV s. t. veue la quictance signee Cousin. » 35. Il est cité, avec sa femme, parmi les témoins du contrat (Prunier, 1878). 36. Leproux, 2012, p. 19. 37. Leproux, 2011 (1), p. 36. 38. Archives nationales, minutier central, LXXXV, 65, 1564, 6 novembre. 39. En 1557, Jacques Cousté céda à Jean Cousin le bail d’un terrain situé sur le fief des Tombes, faubourg Saint-Jacques, qu’il avait passé deux ans auparavant avec le président de Saint-André (Arch. nat., min. cent., LXXIII, 49, 1555, 18 avril, et LXXVIII, 39, 1557, 21 avril). 40. Leproux, 2001, p. 175.
16. « Le talent de ce dernier [Jean Cousin] s’élève ainsi progressivement, de simple arpenteur, géomètre expert, il devient un véritable artiste. » (Roy, 1909, p. 6.)
41. Arch. dép. de l’Yonne, 3 E 71 5, 1536, 16 mars (n. st.). Il est peu probable qu’il s’agisse du même artiste, Pierre Vallet dit Parent étant déjà signalé à Paris comme compagnon en 1527. Il épousa alors la fille du maître brodeur Adam Leroy, décédé peu auparavant (Arch. nat., min. cent., CXXII, 12, 1527, 18 août). Une partie de la dot était destinée à sa réception à la maîtrise. Adam Leroy avait travaillé en octobre 1526 en association avec Jean Jouan, brodeur dont la famille était implantée à Sens (Arch. nat., min. cent.,VIII, 44, 1526, 12 août).
17. Pelletier, 2010, p. 15-31.
42. Lesure, 1947, p. 109-113 ; Grodecki, 1986, p. 169. Voir ici p. 96-100.
18. Arch. dép. de l’Yonne, G 1409. 19. Arch. dép. de l’Yonne, G 1146.
43. Tous deux sont cités comme brodeurs et poètes dans un recueil de vers manuscrits de Robert de Luz (BnF, ms. fr. 2261). Voir Droz, 1943.
20. Arch. dép. de l’Yonne, H 720.
44. Selbach, 2011.
21. Arch. dép. de l’Yonne, H 677, fol. 94 vo : « Item ledit abbé a fait faire la table du grand autel de lad. eglise de menuiserie, imagerie et peintures, laquelle menuiserie fut faicte par ung nommé Jacques Millon, les images par ung nommé Jehan Blotin, et les peintures par ung nommé Jehan Cousin. » Le texte a été rédigé en 1628 par un moine de l’abbaye, François Tonnelier. Jacques Millon est un menuisier troyen documenté de 1533 à 1552.
45. Arch. nat., min. cent., CXXII, 103, 1544, 29 février et 1er mars (n. st.).
15. Arch. dép. de l’Yonne, 3 E 83 1, 1507, 14 septembre.
22. Arch. dép. de l’Yonne, G 1148, fol. 51 vo : « [...] pour avoir painct une petite capse de lad. eglise ». Les comptes du chapitre cathédral conservés de la fin du xve siècle à 1523, puis de 1526 à 1528, ne mentionnent pas le peintre. 23. Arch. dép. de l’Yonne, G 1148, fol. 92 vo. Le compte couvre la période allant de mai 1530 à mai 1531. L’artiste fut payé cent dix sous « pour avoir raccoustré et painct une ymaige de Nostre Dame prés la porte du cueur, devant le tresor de l’eglise, et avoir racoustré pareillement l’epitaphe dessoubz escript ». 24. Des travaux étaient aussi confiés, à partir de 1533, à un peintre et verrier nommé Jean de Paris, sans doute Jean Dupré, dont le contrat de mariage, en 1532, indique qu’il était natif de la capitale (arch. dép. de l’Yonne, 3 E 22 941, 1532, 28 juillet).
22 Jean Cousin
28. Roy, 1929, p. 6.
46. Arch. dép. de l’Yonne, G 1158 et G 1161. Le nom du brodeur est orthographié « Guyguet » en 1551, « Giguet » en 1556. 47. Connat, 1950, p. 106 ; Grodecki, 1987, p. 273. 48. Arch. dép. de l’Yonne, G 666, G 1383 et 3 E 71 10. 49. Laborde, 1877-1880, vol. I, p. 136. 50. Nassieu Maupas, 2007. 51. Nassieu Maupas, 2006. 52. En 1554, Louis Bachot déclara avoir quarante ans. Il serait donc né vers 1514, au moins une dizaine d’années après Cousin (Arch. nat., Z2 3407). 53. Grodecki, 1986, p. 167. 54. Nassieu Maupas, 2006. 55. Le Jean Cousin tailleur d’images qui y figure est un autre artiste bien identifié par ailleurs. Voir Grodecki, 1986, p. 51-52. 56. Laborde, 1877-1880, t. I, p. 191, 198. Pour la chronologie des travaux de Fontainebleau, voir Clouet, 2012.
57. Voir supra note 47. 58. Arch. nat., min. cent., III, 302, 1551, 2 mai : « prisez et estimez assavoir […] les ouvraiges de paintre, pourtraitures, moulles, houtilz par maistres Jehan Cousin et Luc [blanc], paintres pour le Roy ». Dans l’inventaire, il est également indiqué que la veuve a versé à « maistre Luc » une somme de treize écus que lui devait Dorigny. 59. Arch. nat., min. cent., III, 222, 1552, 9 mai. Les deux autres étaient Robert Mettais et Robert Joseph. 60. Roy, 1929, p. 185. 61. Cordellier, 2012, p. 27. 62. BnF, ms. fr. 2261. 63. Droz, 1943. 64. Leproux, 2001, p. 204. 65. En 1544, les entrepreneurs lui devaient encore une partie de la somme (Arch. nat., min. cent., CXXII, 103, 1544, 29 février et 1er mars [n. st.]). 66. Leproux, 2008. 67. Les comptes de la corporation des orfèvres mentionnent qu’il reçut en 1556 neuf livres quatre sous pour avoir fourni le modèle de la verrière de la Nativité, et en 1557 six livres pour celui de la verrière d’axe, où étaient figurés la Crucifixion et le sacrifice d’Abraham. Voir Bimbenet-Privat, 1992, p. 84. 68. Pillet, 2005. 69. Perraut, 2005. 70. Arch. nat., min. cent., XXXIII, 179, 1569, 4 avril : « Item ung grand tableau sur bois painct en huille garny de son tabernacle gauderonné et doré, ou est l’histoire des trois roys, garny de deux vanteletz fermans a clef sur lesquelz est l’effigie de l’Annonciation, le dedans desd. voletz faict a fleurs de liz d’or et rozes, ouvraige de feu Jehan Cousin, prisé XXX l. t. […] Item ung petit tableau painct en huille, enchassé en bois, auquel est pourtraict l’effigie d’Olefarnes, oeuvre de Jehan Cousin, LX s. t. » Georges Wildenstein (1958, p. 8), qui a publié ces mentions, a omis le mot « feu ». On peut noter qu’une branche de la famille d’Espoigny résidait à Sens (arch. dép. de l’Yonne, E 618). 71. Arch. nat., min. cent., LXXXV, 42, 1560, 9 août. Maurice Roy pensait que le Jean Cousin intervenant dans l’acte était le fils, ce qui est peu vraisemblable : il s’agissait d’éviter que le contrat de mariage puisse être remis en cause, ou la vente annulée, si la mariée et son père s’étaient jugés par la suite trompés sur la fortune de l’armurier. De plus, l’artiste y est qualifié de « marchand maistre peintre » ce qui ne conviendrait pas à un jeune homme débutant sa carrière. 72. Roy, 1909, p. 21. 73. Leproux, 2011 (1), p. 36. 74. Lorsqu’il se maria, en février 1574, Jean Bachot était compagnon peintre dans l’atelier de son père (Arch. nat., min. cent., VIII, 103, 1574, 1er février). Reçu à la maîtrise, il s’établit l’année suivante rue Saint-Séverin, revint dans la maison paternelle de Saint-Germain-
des-Prés en 1580, puis fut domicilié en juillet 1582 rue de la Harpe (Arch. nat., min. cent., XXIII, 192, 1575, 31 août ; XXIX, 72, 1580, 29 novembre ; XXXIII, 216, 1582, 23 juillet). 75. Laurent Bachot, qui avait épousé la veuve du sculpteur Jean Leroux, dit Picart, travailla à Fontainebleau autour de 1580. Par son mariage, il était devenu le beau-frère de l’architecte Étienne Fournier, qui se trouvait sur le chantier à la même époque (Arch. nat., min. cent., LXII, 19, 1580, 12 juillet et 10 décembre). 76. En effet, la sœur du chanoine avait épousé Guillaume Cousté, frère de Nicolas Cousté, dont Jean Cousin Père avait épousé la fille dans les années 1520. Ce premier mariage de Jean Cousin Fils est antérieur à 1567 (Arch. nat., min. cent., LXXXV, 68, 1567, 6 septembre). 77. Le lien familial de celui-ci avec Jacques Cousté n’est pas établi avec certitude. Maurice Roy (1929, p. 6), repris un peu vite par Leproux (2001, p 175), pensait que c’était son fils, ce qui est peu vraisemblable. En effet, Nicolas Cousté était déjà marié, et qualifié de peintre à Sens en février 1550 (arch. dép. de l’Yonne, 3 E 69 2, 1550, 24 février [n. st.]). Or, Jacques Cousté, lui, était en 1529 sous la tutelle de Jean Cousin, et il était encore compagnon en 1545. « Aagé de 26 ans », il venait d’accéder à la majorité (arch. dép. de l’Yonne, 3 E 22 1126, 1545, 30 mars [n. st.]). Les deux artistes semblent donc de la même génération, et pouvaient être frères. 78. Roy, 1929, p. 22-23. 79. Sur cet album, voir Leproux, 2011 (1). 80. François de Béthune est en effet mort en 1575, et la baronnie de Courtenay, près de Sens, a été érigée en comté en 1563, soit plusieurs années avant l’exécution de l’album. 81. Leproux, 2011 (1). Les statuts des peintres ne fixaient pas la durée de l’apprentissage, mais celle-ci était généralement de quatre ans. 82. Leur nom est accompagné de la mention « apprentis avec moy » et « apprentis en peinture avec moy » (BnF, Na 27 Rés., B. 180). 83. Leproux, 2011 (1), p. 35. 84. Cela expliquerait qu’il ait pu avoir trois apprentis en même temps, ce qui aurait été une infraction aux statuts de la corporation si tous se destinaient au métier de peintre. 85. BnF, ms. fr. 640. Pamela H. Smith prépare une étude sur ce manuscrit. 86. Il était en 1587 compagnon armurier dans l’atelier de Jean Daussonne (Roy, 1929, p. 6). 87. BnF, ms. fr. 640, fol. 62 vo. 88. BnF, ms. fr. 640, fol. 63 vo. On apprend aussi qu’« il est bon qu’un apprentif travaille de blanc et de noir deulx ou trois ans pour se rendre artiste ». 89. Leproux, 2011 (1), p. 39. 90. Domenico Da Sera, Le Livre de lingerie, Paris, 1584. Roy, 1929, p. 106-112. 91. Grodecki, 1986, p. 170. 92. Roy, 1909, p. 50.
Double page suivante : fig. 8 Jean Cousin Père, Judas Macchabée offrant des drachmes pour expier les péchés des morts, feuillet des Heures d’Anne de Montmorency, détail, Chantilly, musée Condé, ms. 1476 (1943), fol. 78 vo fig. 9 Jean Cousin Père, Mars, détail, Munich, Staatliche Graphische Sammlung
Jean Cousin Père et Fils d’après les textes 23
Jean
Cousin Père
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père Dominique Cordellier
fig. 10 Jean Cousin Père, Amya suppliant Faustus de lui confier la garde de saint Mammès, New York, The Metropolitan Museum of Art
26 Jean Cousin
Longtemps les amateurs de dessins n’ont connu qu’un Jean Cousin, dessinateur fécond dont le nom revenait volontiers dans les catalogues de collections. Crozat, Nourri, Lechevallier-Chevignard, Hesme, Lenoir, Gigoux, Destailleur, Chennevières, Valori, Desperet, Firmin-Didot et Galichon, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux1, pensaient posséder des dessins de cet artiste unique. Il y avait un peu de tout sous cette étiquette : du Luca Penni2, du Baptiste Pellerin3, des copies d’après des gravures d’Étienne Delaune4, du Geoffroy Dumonstier5 et même des dessins de « Jean Cousin ». À l’inverse,
il arrivait souvent qu’un dessin autographe de l’un des Cousin se cachât sous un nom déplacé, celui de Giulio Romano (fig. 211)6, de Perino del Vaga ou de Luca Penni (fig. 29)7, de Primatice (fig. 37)8, d’Allardin (fig. 108-109)9, de Geoffroy Dumonstier (fig. 38)10, d’Étienne Delaune (fig. 212)11, d’Antoine Caron (fig. 10)12, de Heemskerck (fig. 17, 28)13, de Blocklandt van Montfort (fig. 26)14, de Paris Bordon (fig. 36)15, de Vicentino (fig. 18)16, de Schedone (fig. 133)17, du Gobbo dei Carracci (fig. 31)18… En 1909, la division de la personnalité unique de Cousin en deux artistes, un père et son fils19, aurait dû appor-
ter de la clarté. Elle créa en fait une difficulté nouvelle : distinguer deux mains là où l’on n’en percevait qu’une. Quelques connaisseurs – O. Benesch, Ph. de Montebello, S. Béguin, G. Wanklyn, H. Zerner… – essayèrent de se plier à l’exercice. Ils maintinrent néanmoins le plus souvent un large espace pour le doute. L’objet de cet essai n’est pas de faire disparaître les interrogations qui relèvent d’une bonne méthode, mais d’exposer les critères qui permettent de distinguer Cousin Père et son fils en partant de leurs œuvres assurément autographes. En fait, rares sont les dessins que l’on peut rattacher à des œuvres documentées de Cousin Père. C’est à partir de ces rares feuilles que nous essaierons d’isoler les caractéristiques de son style de dessinateur avant de chercher si elles se retrouvent dans d’autres études. Pour Jean Cousin Père, elles sont au nombre de trois. Les deux premières sont exécutées sur papier et représentent des épisodes de l’histoire de saint Mammès : l’une, Amya suppliant Faustus de lui confier la garde de saint Mammès, au Metropolitan Museum à New York, a été identifiée
par Perrin Stein (fig. 10)20 ; l’autre, Saint Mammès sauvé de la noyade, à la Bibliothèque nationale de France, a été reconnue par Philippe de Montebello et Sylvie Béguin (fig. 11)21. Leurs sujets sont suffisamment rares pour que leur relation avec la tenture de Saint-Mammès réalisée sur des petits patrons de Jean Cousin soit séduisante22. Les dessins ne sont préparatoires à aucune des pièces conservées mais présentent les mêmes types de paysages. Les figures placées au premier plan ont les mêmes proportions et saint Mammès, quand il est représenté agenouillé et de profil, a le même aspect dans le dessin et dans la tapisserie. Il est donc pratiquement assuré que ces dessins sont des études pour des pièces perdues de la tenture de Saint-Mammès. La troisième feuille est un projet d’orfèvrerie exécuté à la plume et à l’encre noire, au lavis gris, avec des rehauts verts et rouges sur parchemin. Conservé à Paris, à l’École des beauxarts (fig. 211), il a été identifié par George Wanklyn comme un projet pour le « vaisseau d’or » offert à Henri II lors de son entrée à Paris en 154923. Le nom de l’auteur du « pourtraict baillé aux orfèvres » pour
fig. 11 Jean Cousin Père, Saint Mammès sauvé de la noyade, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, Réserve
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 27
fig. 12 Jean Cousin Père, Jonas sortant du ventre de la baleine ; la Résurrection, Londres, The Courtauld Institute of Art
28 Jean Cousin
fig. 13 Jean Cousin Père, La Résurrection, Dresde, Kupferstichkabinett
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 29
fig. 14 D’après Jean Cousin Père, La Résurrection, Troyes, église Saint-Jean-au-Marché
la réalisation de ce vaisseau d’or n’est pas donné par les documents. Son attribution récente à Cousin Père repose sur le fait que l’artiste a travaillé à l’apparat de l’entrée d’Henri II à Paris, et surtout sur le fait que la structure et le répertoire décoratif du vaisseau d’or ressemblent à ceux des pièces d’orfèvrerie gravées par Nicolas Halins avec les initiales de Jean Cousin (fig. 219-220). Les certitudes s’arrêtent là. Tout juste peut-on ajouter à ces trois feuilles deux études qu’il est tentant de regarder comme des projets pour les vitraux du chevet de la chapelle Saint-Éloi-desOrfèvres à Paris commandés en 1556-155724. La première, conservée à Londres au Courtauld Institute (fig. 12)25, associe deux sujets, Jonas sortant du ventre de la baleine et la Résurrection, qui en définitive
fig. 15 Jean Cousin Père, Récolte de la manne, détail, Amsterdam, collection particulière fig. 16 Jean Cousin Père, La Vierge, saint Jean et sainte Marie Madeleine au pied du Calvaire, détail, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum
30 Jean Cousin
devaient être représentés dissociés dans les vitraux. De fait, la Résurrection a finalement été traitée de façon autonome, comme l’atteste un dessin inédit du Kupferstichkabinett de Dresde (fig. 13)26. La composition de ce dessin a joui dès le xvie siècle d’une réelle fortune, puisqu’elle a été reprise dans un bas-relief de l’église Saint-Jean-au-Marché à Troyes (fig. 14)27. Ses détails – la petite figure en fuite à l’arrière-plan mais aussi le garde vu de dos, agenouillé au premier plan – sont conformes aux créations de Cousin Père, le second motif étant presque identique à l’un des bourreaux du Martyre de Saint Mammès (fig. 90) et à une femme mordue par un serpent dans Moïse et le serpent d’airain gravé par Étienne Delaune avec l’invenit de Cousin (fig. 165)28.
fig. 17 Jean Cousin Père, La Madeleine aux pieds de Jésus chez Simon le Pharisien, Paris, musée du Louvre
Pour le connaisseur, ces deux feuilles sans doute préparatoires aux vitraux de la chapelle des Orfèvres, celles qui sont préliminaires à la tenture de Saint-Mammès et le projet d’orfèvrerie de 1549 évoqué antérieurement sont donc les dessins à partir desquels, en procédant par ressemblance, on peut établir le corpus graphique de Cousin Père. On peut leur ajouter les gravures du Livre de Perspective (fig. 183), car il est attesté, par l’artiste luimême, qu’il les a dessinées de sa main sur le bois, le graveur n’ayant eu qu’à épargner son trait pour produire la matrice29. Dans ces feuilles, Cousin Père apparaît comme un dessinateur qui compose des scènes amples par plans parallèles, avec des figures plantées sur le devant de façon marquée. Ces figures occupent entre la moitié et les deux tiers de la hauteur de la feuille. Dans la profondeur, Cousin Père construit un paysage fuyant, l’horizon étant placé en général au tiers supérieur de la feuille. Des édifices antiquisants souvent vus en perspective y ménagent des coulisses et des effets de fond de scène. Dans la distance, l’artiste fait évoluer des petites figures fort animées entre des éléments végétaux tourmentés et pleureurs, aux troncs torsadés. Les figures du premier plan sont fréquemment raides, tendues, vues de profil. Leurs drapés aux plis aigus les ceinturent plusieurs fois, notamment sur les reins, et ils forment en général un gros nœud au
fig. 18 Jean Cousin Père, Cassandre retenant Déiphobe de tuer Pâris vainqueur des jeux funèbres organisés en sa mémoire, détail, New York, The Metropolitan Museum of Art
bas du ventre. Souvent ces figures anguleuses du premier plan sont agenouillées, la tête levée, le dos droit, suivant une ligne biaise, une boucle de draperie tombant dans leur dos. Le majeur et l’annulaire de leurs mains sont en général soudés. Ce type de figures trouve son image inversée dans la disposition un peu raide, elle aussi triangulaire et en diagonale, d’un souverain assis sur son trône. Les personnages du deuxième plan sont souvent beaucoup plus déhanchés et très fréquemment vus de dos. Ils sont moins dynamiques que ceux, tout à fait minuscules, qui courent à l’arrière-plan, sous l’horizon, tendus à quarante-cinq degrés et pris dans un mouvement parallèle au plan de la feuille. Si l’on entre dans le détail de la facture, on observe une mise en place Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 31
fig. 19 Jean Cousin Père, Patron pour la partie dextre du plastron de l’armure d’Henri II, détail, Londres, Victoria and Albert Museum fig. 20 Jean Cousin Père, Patron de plastron pour une armure dite au lion, détail, Munich, Staatliche Graphische Sammlung
sommaire du dessin à la pierre, que Cousin ombre librement d’un lavis soit beige, soit gris. Il hachure aussi volontiers non seulement à la plume, mais aussi au pinceau. Ce travail de hachures peut être très libre mais peut aussi, quand il est réalisé au lavis gris, être soigneusement parallèle. Pour finir, Cousin accentue à la plume les contours, les drapés et les chevelures d’un trait enlevé. Ce métier se fait jour notamment dans la représentation d’hommes n’ayant plus sur le crâne que quelques cheveux rebelles. Il apparaît aussi dans les représentations de jeunes gens au profil apollinien, très bouclés, ou encore dans des figures au profil abrupt surmonté d’une coiffure vaguement exotique. Ces caractères du dessin narratif de Cousin Père ont d’ores et déjà été reconnus dans d’autres feuilles que les pièces « avérées » que nous avons citées et ils peuvent être relevés aussi dans quelques pièces nouvelles. Ainsi, les figures triangulaires du premier plan ont leurs homologues dans la Récolte de la manne (fig. 15, 85)30, dans La Vierge, saint Jean et sainte Marie Madeleine au pied du Calvaire (fig. 16, 111)31, dans Cassandre retenant Déiphobe de tuer Pâris vainqueur des jeux funèbres organisés en sa mémoire (fig. 18, 68)32, dans La Madeleine aux pieds de Jésus chez Simon le Pharisien (fig. 17)33, et dans le patron pour le plastron de l’armure d’Henri II (fig. 19, 222)34. Il y a dans la génuflexion de ces figures un dynamisme particulier qui, bien visible dans un dessin sûr comme Jonas sortant du ventre de la baleine (fig. 12), se retrouve aussi dans l’orant au pied d’un autel d’un autre projet de plastron d’armure (fig. 20, 257)35. De même, l’image du souverain trônant, une jambe fléchie, revient de feuille en feuille, pour représenter Priam dans le dessin déjà vu de 32 Jean Cousin
Cassandre retenant Déiphobe de tuer Pâris (fig. 68), Scipion dans La Continence de Scipion (fig. 73)36 et divers chefs de guerres antiques dans le projet de la dossière d’une armure dite à Mars et à la Victoire (fig. 24, 247)37. Là, dans ce dessin qui ne doit pas être antérieur à 1559-156038, l’environnement de rinceaux impose une souplesse nouvelle au motif. Quant aux hautes figures frontales, étroitement ceinturées et amplement drapées sur les hanches, que l’on remarque dans les dessins réalisés par Cousin Père dans les années 1543-1544, on relève aussi leur présence dans diverses compositions : il peut s’agir d’un Troyen qui observe Cassandre retenant Déiphobe (fig. 23, 68), de Moïse dans un projet de cartouche pour une Bible (fig. 21)39 ou de la Victoire dans le patron de dossière déjà cité (fig. 24). Les personnages détournés que l’on voyait occuper le plan moyen dans les dessins préparatoires à la tenture de Saint-Mammès (fig. 10-11) reviennent, pour leur part, dans le fond de La Madeleine aux pieds de Jésus chez Simon le Pharisien (fig. 17) et sur la droite de la Rixe d’hommes nus sous l’emprise de l’ivresse conservée à Berlin (fig. 28)40 qui fait partie d’un ensemble de quatre feuilles de la même main représentant les méfaits du vin (fig. 25-28)41. Quant au type de l’homme que l’on notait dans la partie gauche du petit patron d’Amya suppliant Faustus (fig. 10), il est présent, tout aussi chauve et avec seulement un petit toupet de cheveux sur le front, dans des dessins d’une grande diversité de techniques : la Mise au tombeau d’Édimbourg (fig. 29)42 ; la Parenté de sainte Anne de Darmstadt (fig. 34)43, tous deux traités à la plume et à l’encre brune sur un trait de sanguine ; la Pietà de Paris (fig. 32), à la plume et au lavis sur un trait de pierre noire44 ; le Triomphe de
fig. 21
fig. 22
Jean Cousin Père, Cartouche avec les quatre Évangélistes, Moïse et un autre prophète, Munich, Staatliche Graphische Sammlung
Jean Cousin Père, Cartouche avec les quatre Évangélistes et deux prophètes assis, Munich, Staatliche Graphische Sammlung
fig. 23
fig. 24
Jean Cousin Père, Cassandre retenant Déiphobe de tuer Pâris vainqueur des jeux funèbres organisés en sa mémoire, détail, New York, The Metropolitan Museum of Art
Jean Cousin Père, Patron de dossière pour une armure à Mars et à la Victoire, détail, Washington, National Gallery of Art, Woodner Collection
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 33
fig. 25 Jean Cousin Père, Le Triomphe de Silène, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum
fig. 26 Jean Cousin Père, Scène d’ivresse, Vienne, Graphische Sammlung Albertina
34 Jean Cousin
fig. 27 Jean Cousin Père, La Condamnation des ivrognes, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum
fig. 28 Jean Cousin Père, Rixe d’hommes nus sous l’emprise de l’ivresse, Berlin, Staatliche Museen Preussischer Kulturbesitz, Kupferstichkabinett
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 35
fig. 29 Jean Cousin Père, La Mise au tombeau, Édimbourg, National Gallery of Scotland
fig. 30 Jean Cousin Père, Le Christ mort déposé sur la pierre de l’onction, étude pour un groupe sculpté destiné à un enfeu, Londres, Victoria and Albert Museum
36 Jean Cousin
fig. 31 Jean Cousin Père, La Déploration sur le Christ mort, Londres, The British Museum
fig. 32 Jean Cousin Père, Pietà avec saint Jean, Joseph d’Arimathie, Nicodème et les saintes femmes, Paris, musée du Louvre
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 37
fig. 33 D’après Jean Cousin Père, Pietà au pied de la Croix, Paris, collection particulière
Silène de Brunswick (fig. 25)45, à la plume et à l’encre brune et au lavis ; Les Frères de Joseph (?) attablés de Dresde (fig. 76)46, à la pierre noire ; un écuyer dans le patron d’une épaulière pour l’armure à Mars et à la Victoire de New York (fig. 248), à la plume et à l’encre noire et au lavis gris47. Dans les dessins d’attribution assurée, ce type de tête est concurrencé par un autre, souvent plus juvénile et à la chevelure beaucoup plus bouclée, qui est celui de Saint Mammès sauvé de la noyade (fig. 11) et que l’on rencontre aussi dans la série des méfaits du vin (fig. 25-28), le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean d’Angers (fig. 108)48 et la Mise au tombeau d’Édimbourg (fig. 29). Ces têtes ont le plus souvent un profil net et droit qui frappe plus encore dans certaines représentations féminines ou angéliques (fig. 32) qui ont la pureté de l’Eva prima Pandora peinte par Cousin Père (fig. 57)49. Il n’est pas rare que, dans les dessins où apparaissent ces différents types de figures, on observe aussi cette végétation pleureuse qui occupe les arrière-plans des dessins les mieux documentés de Cousin. Le paysage de deux projets de vitraux – le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean d’Angers (fig. 108) et Saint François et saint Jérôme du Louvre (fig. 109)50 –, le sépulcre couronné d’arbustes de la Mise au tombeau d’Édimbourg (fig. 29), l’arbre de La Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc du Louvre (fig. 36)51, ceux des Jeux d’enfants dans un paysage de Londres (fig. 171)52, le théâtre délabré derrière les Jeux d’enfants dans des ruines du 38 Jean Cousin
Louvre (fig. 37)53 en offrent des exemples. Dans certains cas s’ajoutent aux ressemblances de motifs ou de types des analogies de techniques et de factures, notamment quand il s’agit de dessins conduits à l’encre noire et au lavis gris sur une esquisse à la sanguine ou à la pierre noire, et c’est ce qui incite à considérer que le dessin d’une Adoration des Mages conservé à Francfort (fig. 133)54, dont la composition a été traduite dans le vitrail55, est de la même main qu’Amya suppliant Faustus (fig. 10), c’est-àdire de Cousin Père. Techniques et stylistiques, les différents caractères qui viennent d’être relevés permettent de constituer, sur des bases étroites, un corpus de dessins d’histoire susceptible d’être à son tour élargi (fig. 46)56. Mais Cousin Père ne s’est pas limité à ce genre de dessins. Il a aussi, dans son modèle du vaisseau d’or de 1549, élaboré un type de projet non narratif, décoratif et allégorique (fig. 211). Outre le rendu au lavis gris et la structure de l’objet, qui ont déjà été évoqués plus haut, quels sont ses signes distinctifs ? Et ceuxci caractérisent-ils d’autres études ? Dans le modèle du vaisseau d’or, Cousin Père conduit l’ornement par imbrication de formes organiques hybrides et de formes architecturées. Il dispose en triptyque des masques vus de face, au centre, et vus de profil, sur les côtés. Ces masques sont pris dans des cuirs qui, suivant un goût assez prisé sous Henri II, ne sont plus des parchemins qui s’enroulent, mais des lames ajourées, des rubans épais terminés en volutes. Cela se retrouve dans des projets d’armets ornementaux (fig. 223-224)57, dans des dessins de bourguignottes (fig. 226-227)58 et dans une esquisse de chanfrein pour une armure de cheval (fig. 229)59. Dans ce dernier dessin, comme dans le vaisseau d’or, le motif de la sphinge accroupie dont la queue se termine en crustacé ou en nautile occupe une place notable à côté de cadres et de cartouches curvilinéaires ajourés. Quant au supposé Janus représenté assis sur la terrasse du vaisseau d’or, il a pratiquement une stature d’évangéliste comparable à celle des deux figures dans La Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc du Louvre (fig. 36)60. À côté du modèle du vaisseau d’or de 1549, des dessins pour la tenture de Saint-Mammès et les vitraux de Saint-Éloi-des-Orfèvres, les gravures du Livre de Perspective de Jean Cousin « portraittes de sa main sus planches de bois » (fig. 182-183)61 font revoir des traits stylistiques déjà rencontrés : arcs ouverts dans des architectures en ruine, végétation tombante des murailles, arbres noueux comme des ceps de vigne, frondaisons pleureuses et enfants râblés. Mais elles permettent aussi de découvrir des aspects différents de son art de dessinateur. Ainsi, le frontispice avec Les Cinq Corps réguliers fait
place dans sa partie supérieure à des ignudi dont le raccourci et la position dynamique peuvent être reconnus dans les figures d’hommes nus du projet de chanfrein que nous avons déjà évoqué (fig. 229). Plus loin dans le livre, la Figure de descentes de degrés en quadrature cumule plusieurs motifs que nous n’avons pas encore notés dans les dessins les plus sûrs de Cousin Père : une pierre taillée parallélépipédique et dressée en oblique latéralement, près du premier plan, et, à l’horizon, la cité antique de convention. Dans d’autres des compositions gravées d’après Cousin Père – la Mise au tombeau (fig. 155), l’Annonciation (fig. 156), la Conversion de saint Paul (fig. 158), la Sainte Famille Baudicour (fig. 157)62 –, c’est sur une pierre posée de biais, ou auprès d’elle, qu’a été inscrit le nom de l’artiste, de sorte que l’on a vu dans celle-ci une signature63. Si tel est bien le cas, non seulement le projet où l’on voit Saint Mammès sauvé de la noyade (fig. 11), mais aussi les Calvaire d’Angers (fig. 108) et de Darmstadt (fig. 111)64, les Jeux d’enfants dans des ruines (fig. 37)65, la Rixe d’hommes nus sous l’emprise de l’ivresse (fig. 28)66 ou encore Le Peuple de Juda contraint par des soldats à détruire des murailles
(fig. 217)67 sont « signés »68. Plusieurs de ces dessins montrent en outre une ville antique qui trouve son modèle dans les œuvres de Rosso du milieu des années 153069 et qui agrège rotonde, pyramide, théâtre, obélisque et colonne tronquée (fig. 11, 108, 111). Ce genre de vues urbaines occupe d’ailleurs la même place dans d’autres feuilles : Saint François et saint Jérôme (fig. 109)70 ou la Pietà (fig. 32)71, toutes deux au Louvre, la Continence de Scipion à Chantilly (fig. 73)72 et les Jeux d’enfants dans un paysage à Londres (fig. 171)73. Comme la Figure de descentes de degrés en quadrature, la planche du Paysage du Livre de Perspective comprend par ailleurs un petit personnage debout sous une porte cintrée dont la stature permet de confirmer l’attribution à Cousin Père d’un dessin d’homme drapé appartenant à une collection genevoise (fig. 184)74. Les ornements typographiques permettent d’élargir notre connaissance du dessin de Cousin Père et de voir comment, dans les bandeaux, il conçoit le décor : leurs rinceaux, leurs têtes de fauves de profil qui crachent des crosses de feuillage, leurs cornes d’abondance (aussi bien celles, amalthéennes, qui donnent des fleurs et des fruits que celles, prométhéennes, qui dispensent
fig. 34 Jean Cousin Père, La Parenté de sainte Anne, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 39
fig. 35 Jean Cousin Fils (?) d’après Jean Cousin Père, Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc, Washington, National Gallery of Art
40 Jean Cousin
fig. 36 Jean Cousin Père, Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc, Paris, musée du Louvre
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 41
fig. 37 Jean Cousin Père, Jeux d’enfants dans des ruines, Paris, musée du Louvre
42 Jean Cousin
le feu), leurs « papillonneries », leurs attelages fantastiques de chimères sinueuses animent plusieurs des dessins préparatoires au décor des armures du temps d’Henri II et de François II 75. Quant aux réductions en perspective des architectures, qui constituent une belle part de l’illustration du livre, elles peuvent être mises en parallèle avec les constructions des deux dessins préparatoires à la tenture de Saint-Mammès (fig. 10-11), mais les invoquer à l’appui de l’attribution à Cousin Père de dessins rigoureusement construits comme Pénélope à son métier parmi les Amours de Rennes (fig. 38)76, la Parenté de la Vierge de Darmstadt (fig. 34), Saint Luc peignant la Vierge de New York (fig. 39)77 ou l’Adoration des Mages de Francfort (fig. 133)78 procéderait d’une démarche plus intellectuelle que visuelle. Au terme des rapprochements qui ont été proposés ici, l’ensemble des dessins où l’on relève de grandes similitudes avec le petit groupe d’œuvres graphiques attribué avec certitude à Cousin Père apparaît finalement d’une réelle variété. Celle-ci n’affaiblit pas la reconstruction du corpus, car elle
est usuelle, au xvie siècle, de la part d’un grand dessinateur. En France, l’œuvre graphique d’un Primatice, à la même époque, n’est ni plus cohérent ni plus homogène. À l’étranger, un dessinateur très fécond dans différents registres comme Hans Holbein le Jeune montre une manière encore plus changeante. D’autre part, ces différentes facettes du dessin de Cousin Père reflètent les multiples caractères de son activité. Les dessins réunis ici ont des destinations très différentes (tapisserie, vitrail, orfèvrerie, armurerie…) et n’appartiennent pas tous à la même période de la carrière de l’artiste. Il est évident que le style en vigueur sous François Ier pour concevoir une tapisserie n’est pas le même que celui en usage sous Henri II pour décorer une armure royale. Cela suffit à expliquer bien des différences de facture ou de manière. La prudence s’impose pourtant au connaisseur s’il cherche à élargir le corpus en procédant par analogie. Il ne devra pas prendre garde seulement à cette forme de dérive progressive que génèrent, de proche en proche, des ressemblances partielles79, il lui faudra aussi prêter attention au fait que des
œuvres présentant le même motif, la même composition que des dessins de Cousin Père sont parfois de mains différentes. Les dessins de deux artistes, Luca Penni d’un côté et Jacques Androuet du Cerceau de l’autre, permettent d’illustrer cette réalité. Ainsi, la Mise au tombeau conservée à Édimbourg (fig. 29), que les critères détaillés ci-dessus permettent d’attribuer à Cousin Père, est identique par sa composition – c’est un point constaté de longue date80 – à une autre conservée à Los Angeles, qui est certainement de Luca Penni. Les deux artistes, qui étaient en relation professionnelle en 1555 81, puisent là à la même source, un bas-relief de Donatello réalisé pour la chaire sud de San Lorenzo à Florence et qui devait être connu à Paris par un moulage ou une copie comportant de légères variantes 82. Similaires dans leur composition, leurs deux feuilles respectives ne présentent pas de communauté d’écriture. Il existe une égale dissemblance de graphie entre les dessins de Cousin Père et ceux de Jacques Androuet du Cerceau, même quand les scènes tracées par l’un et l’autre sont identiques. Deux reliefs illustrant l’histoire de Joseph dans un Pavillon d’entrée à cinq arcs dû à Androuet du Cerceau (fig. 41-42) 83 montrent
fig. 38 Jean Cousin Père, Pénélope à son métier parmi les Amours, Rennes, musée des Beaux-Arts
fig. 39 Jean Cousin Père, Saint Luc peignant la Vierge, New York, The Pierpont Morgan Library
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 43
fig. 41 Jacques Androuet du Cerceau, Autre ordonnance d’ung arc triumphant, Rome, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Cod. Barb. Lat. 4398, fol. 32
44 Jean Cousin
fig. 40 Jean Cousin Père, Joseph expliquant les songes, Joseph descendu dans le puits, Joseph vendu par ses frères, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum, Kupferstichkabinett
fig. 42 Jacques Androuet du Cerceau, Autre ordonnance d’ung arc triumphant, détail : Deux scènes de l’histoire de Joseph, Rome, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Cod. Barb. Lat. 4398, fol. 32
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 45
fig. 43-44 Jacques Androuet du Cerceau d’après Jean Cousin Père, Pavillon d’entrée à cinq arcs et détail de Mars, Vénus et l’Amour, Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes, Réserve, Ed 2 pet. fol., p. 79
bien comment celui-ci reprend littéralement, mais au trait, deux scènes dessinées de façon plus fouillée par Cousin Père sur une feuille conservée à Brunswick (fig. 40)84. Un autre projet d’arc par Androuet du Cerceau (fig. 43-44)85 intègre une Charité qui reproduit en sens inverse (et donc sans doute d’après son dessin préparatoire) une gravure de l’invention de Jean Cousin (fig. 159)86. Il intègre aussi une représentation de Mars et Vénus dont le dessin préparatoire par Jean Cousin, non dépourvu de traits communs avec l’Ève-Pandore de la lettrine E du Livre de Perspective (fig. 58), est conservé à Dijon (fig. 45)87. Il ne s’agit que de quelques exemples, mais ils attestent que l’œuvre graphique d’Androuet du Cerceau porte plus fréquemment qu’on ne le pense la trace de compositions dessinées par Cousin Père88. Cela indique que les dessins de Cousin Père étaient accessibles à la copie, et les collections privées (fig. 33)89 et cabinets de 46 Jean Cousin
dessins90 en conservent aujourd’hui un nombre non négligeable (fig. 87, 259). La plupart sont anonymes mais devant quelques-unes on est aujourd’hui tenté de prononcer les noms de Baptiste Pellerin (fig. 48)91 ou de Cousin Fils (fig. 35, 65, 93, 94)92. À travers tout ce corpus, peut-on discerner à quelle tendance stylistique se rattache la manière de Cousin Père ? Ses dessins furent-ils, comme on l’a souvent écrit, des créations excentrées du maniérisme de Fontainebleau ou, dans une autre perspective, les répliques de la Renaissance française du temps d’Henri II à la manière italienne promue par François Ier ? De quelle culture témoignent ses œuvres graphiques ? À première vue, sa façon de camper l’histoire sacrée ou profane, sous une vêture antique, sur une scène classique, devant un panorama de ruines, est celle d’un romaniste du Nord. Sa connaissance du répertoire italien moderne
fig. 45 Jean Cousin Père, Mars, Vénus et l’Amour, Dijon, musée des BeauxArts
fig. 46 Jean Cousin Père, Homme nu assis, Lyon, musée des Beaux-Art
est indéniable : comme Rosso Fiorentino et Luca Penni, il peut faire sien un exemple de Donatello (fig. 29) ; comme Primatice, il sait mêler à ses personnages une figure de Michel-Ange93 ; comme Giovanni Capassini, il lui arrive de citer un dessin d’Andrea del Sarto (fig. 10) 94 ; et, comme bien d’autres artistes alors actifs en France, il fait usage de gravures d’après Raphaël réalisées par Marcantonio Raimondi ou par des burinistes de son école. Par l’estampe, sa culture est aussi germanique, notamment quand dans sa Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc (fig. 36)95 il donne, bien que l’Enfant soit emprunté à la Madone au poisson de Raphaël96, une interprétation personnelle de la Fuite en Égypte gravée en chiaroscuro par Lucas Cranach l’Ancien en 150997. Et n’entre-t-il pas un peu de goût allemand, ou septentrional, dans ses stalactites de végétation et dans sa technique de plume noire et de lavis gris ? À Paris pourtant, du milieu des années 1540 à la fin des années 1550, Cousin, dans le voisinage de Luca Penni, de Charles Dorigny et du présumé Carmoy, semble dans le ton du lieu et au goût du jour : comme eux, il a d’abord la curiosité de Rosso Fiorentino, mais sa pensée ne se fixe pas durablement sur ce modèle. S’il en reconduit les profils nettement découpés, les cartouches structurés et les cuirs rebelles, c’est dans un amalgame nouveau, construit sur des coqà-l’âne, qui bride ses chimères et les entrelace. Plus tard, dans certains de ses dessins, l’arrondi
d’un sein, la courbe d’une épaule, la ligne d’une hanche, l’allongement d’une jambe ou, du côté des hommes, une sorte de grâce martiale semblent bien avoir été aperçus par Cousin dans l’« Olympe mondain » de Primatice. Faut-il pour autant ne voir dans Cousin Père, avec Élie Faure, que la « caricature obligatoire des universalistes italiens »98 ? Sans doute non, car, contrairement aux Italiens de la maniera, Cousin Père n’est pas un virtuose dans ses études. En dehors du registre décoratif, l’ellipse habile n’est pas son affaire. En bon géomètre de la perspective, il réserve ses effets aux motifs architecturaux de ses sujets sans que cette part réglée de son art soit, en définitive, la plus régulière ; il n’y inféode pas ses personnages. Dans l’animation des scènes, il est, surtout dans les années 1540, un narrateur franc, parfois guindé, d’autre fois maigre dans la stylisation de gestes strictement expressifs. Sans cette âpreté quelque peu privée de relief, sa façon de procéder par plans, d’unifier l’espace narratif, de stabiliser le récit en ferait un classique. Mais sa clarté n’a pas l’épaisseur concrète ni la densité de caractère des classicismes à venir. Au fil du règne d’Henri II, cependant, le ton change. Après 1555, poses et gestes s’arrondissent. Dans les projets destinés aux arts du métal, la plume de Cousin se fait plus souple, plus fine. Désormais, son trait enveloppe la rigueur de sensualité. L’ornement devient arabesque, le panorama se fait paysage, l’espace s’ouvre : Cousin Père prépare Cousin Fils. Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 47
fig. 47 Jean Cousin Père, Allégorie de la Rédemption, collection particulière
fig. 48 Anonyme d’après Jean Cousin Père, Allégorie de la Rédemption, Paris, musée du Louvre
48 Jean Cousin
fig. 49 Jean Cousin Père, Allégorie de la Rédemption, détail, collection particulière
fig. 50 Jean Cousin Père (?), Dieu le Père séparant la lune et le soleil, Paris, musée du Louvre
fig. 51 Jean Cousin Père (?), Allégorie de la mort chrétienne : Dernière Communion et Rédemption, Paris, musée du Louvre
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 49
1. Pour une liste d’amateurs ayant possédé des dessins de Cousin, voir Firmin-Didot, 1872, p. 77-79 ; pour des mentions dans quelques ventes, voir Mireur, 1911, p. 294. 2. Vente, Paris, 13-14 février 1908, partie du no 100 ; vente Christie’s, Paris, 18 mars 2004, no 114 (Cordellier, 2012, p. 190 no 78, fig. 63). 3. Chicago, The Art Institute, Leonora Hall Gurley Memorial Collection, 1922.261 (comme de Cousin Fils) ; Dresde, Kupferstichkabinett, Inv.-Nr. C 1976-350 (Benesch, 1939-1940, p. 274, 277, comme de Cousin Fils) ; Édimbourg, NGS, D 3042 (Clifford, 1999, no 25, attribué à Cousin Père). 4. Vente Valori, Paris, 13-14 février 1908, no 110. Copie de la gravure de Delaune (fig. 165), passée de nouveau en vente publique Paris, Hôtel Drouot, 27 mai 1997, no 149. 5. Haarlem, Teylers Museum, M.I. K 32 (Van Regteresn Altena, 1955, no 187 ; rendu à Dumonstier par Béguin [1970, pl. XXII]) ; Londres, BM, Inv.1946,0713.118 (annotation ancienne « Jean Coussin ») ; Paris, Louvre, AG, RF 11993 (attribué à Dumonstier par Béguin, note manuscrite). 6. Paris, Ensba, inv. O. 35 (vente Huquier, Amsterdam, septembre 1761, no 3900). 7. Édimbourg, NGS, D 3215. 8. Paris, Louvre, AG, Inv. 33427 ; coll. Jabach (Inventaire Jabach, École florentine, no 161). 9. Vente Valori, Paris, 13-14 février 1908, n° 77 (à présent à Angers, voir note 48). 10. Annotation sur le dessin de Rennes, musée des Beaux-Arts, 794.1.2572, Pénélope à son métier parmi les Amours. 11. Paris, Louvre, AG, Inv. 26194, comme Delaune dans la vente Mariette, 1775, no 1217 (Rosenberg et Barthélemy-Labeew, 2011, t. I, p. 511 no F 1626) ; RF 54951 et RF 54952, attr. à Delaune dans les catalogues de vente des collections d’Hippolyte Destailleur (1893) et d’Alfred Beurdeley (1920). 12. Annotation porté sur le dessin de New York, MMA, Inv. 2001.106, Amya suppliant Faustus de lui confier la garde de saint Mammès. 13. Berlin, Kupferstichkabinett, Inv.-Nr. Kdz 14747, et Paris, Louvre, AG, Inv. 21164. 14. Vienne, Albertina, Inv.-Nr. 7920. 15. Paris, Louvre, AG, Inv. 9966. 16. Annotation de Saint-Morys sur le dessin de New York, MMA, 63.117. 17. Francfort, Städel, Inv.Nr.4388. Annotation sur le dessin. 18. Londres, BM, 1946.7.3.1117. Note de Zoomer au verso. 19. Roy, 1909, rééd. dans Roy, 1929, p. 1-43. Voir ici p. 14. 20. Rogers Fund, Inv. 2001-106. Publié comme de Cousin Père par Stein (2001, p. 24-25 ; 2002, p. 63-75). 21. Estampes, Réserve, B 6a. Attribué à Cousin Père par Ph. de Montebello, et Béguin (1965, no 92 ; 1970, fig. 22 ; 1972, no 59). 22. Voir ici p. 86-88. 23. Inv. O 35. Wanklyn, 1979, p. 25-30 ; voir ici p. 182. 24. Voir p. 104. 25. Inv. D. 1958 WF. 4662 ; Cordellier (2009 [2007], p. 206-208) établit l’attribution à Cousin et la relation avec la verrière de la chapelle des Orfèvres. 26. Deuxième garniture, Ca 23 n° 27. 27. Par un sculpteur proche de Jacques Juliot. Reproduit et étudié par Boudon-Machuel (2009, p. 272-273, no 57, p. 87, fig. 48d). 28. Une figure du même genre apparaît dans l’Élévation de la Croix, un autre relief de l’ancien autel de la Communion de Saint-Jean-auMarché de Troyes. 29. Voir ici p. 166-167. 30. Paris, galerie Bob Habolt. Attribué à la jeunesse de Cousin Père par C. Scailliérez (voir p. 78) 31. Darmstadt, Hessisches Landesmuseum, inv. HZ 1698. Attribution ancienne à Jean Cousin donnée par une annotation sur le dessin. Sur ce dessin, voir Cordellier, 2007, p. 40, no 2. 32. New York, MMA, Inv. 63.117. Attribué à Cousin Père par Béguin (1981, p. 55-59). 33. Paris, Louvre, AG, Inv. 21164. Attribué à Cousin Père par D. Cordellier (note manuscrite sur le montage).
50 Jean Cousin
34. Londres, V&A, Inv. E. 5279-1958 (comme « Franco-Flemish School, about 1560 »). Attribué à Jean Cousin ou ses élèves dans L’Art pour tous, 7e année, no 199, 30 mars 1868, p. 796. Cordellier, 2011, p. 97-98, 278, sous no 60. 35. Munich, SGS, Inv.-Nr. 14451. Thomas, 1965, p. 71, fig. 91. Pour l’attribution à Cousin, voir Cordellier et Scailliérez, 2011, sous no 66. 36. Chantilly, musée Condé, Inv. n° 366/7. Attribué à Cousin Père par Scailliérez (2001, no 14). 37. Washington, NGA, coll. Woodner, Inv. 1991.182.20 (Delaune). Attribué à Cousin Père par Cordellier (2011, p. 99, 103, note 73). 38. Voir ici p. 214. 39. Munich, SGS, Inv.-Nr. 14650. Attribué à Cousin Père par Cordellier (2009 [2007], p. 201-202, 212, note 35) avec un autre dessin de cartouche entouré des évangélistes et de deux prophètes de la même collection (Munich, SGS, Inv.-Nr. 1979.52 ; fig. 22). 40. Berlin, Kupferstichkabinett, Kdz 14747. Publié comme de Cousin Père par Cordellier (2009 [2007], p. 200). Cette figure de droite est pratiquement identique, en sens inverse, au géomètre de la planche au fol. 13 de l’Usaige et description de l’holomètre (Paris, 1555), traditionnellement (et justement) attribuée à Cousin Père. 41. Les trois autres feuilles – la Condamnation des ivrognes, le Triomphe de Silène et une Scène d’ivresse – sont à Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum (respectivement Inv.-Nr. Z 112 et Inv.-Nr. Z 113) et à Vienne, Albertina (Inv.-Nr. 7920). Les dessins de Berlin et de Brunswick ont été publiés par Benesch (1939-1940, p. 277-278) sous le nom de Cousin Fils et par Cordellier (2009 [2007], p. 200) sous le nom de Cousin Père. Celui de Vienne a été publié par Benesch (1939-1940, p. 277) sous le nom de Cousin Fils et par Adhémar (1954, p. 129 no 42) comme entourage de Cousin Père. Pour leur iconographie, voir Heusinger, 1997, p. 321-322, pl. 190-191. 42. NGS, D 3215. Attribué à Cousin Père par J. Bean, cité par Andrews (1966, no 25) et Béguin (1972, no 64). Sur ce dessin, voir Cordellier, 2012, p. 80. 43. Hessisches Landesmuseum, inv. AE 1585. Attribué à Cousin Père par Cordellier (2007, no 3). 44. Paris, Louvre, AG, RF 52171. Attribué à Cousin Père par Béguin (1981, p. 59-61). 45. Herzog Anton Ulrich-Museum, Z 113. 46. Kupferstichkabinett, C 387, (Italie 2e garniture xvie-xviie). Attribué à Cousin Père par D. Cordellier (communication écrite au musée). 47. New York, MMA, Rogers Fund, Inv. 54.173 (Delaune). Attribué à Cousin Père par Cordellier (2011, p. 99, 103, note 69). 48. Angers, Musées, Inv. MTC 4802. Publié comme de Cousin Père par S. Béguin (cité par Huchard, 1978, n° 23). 49. Ce type de figure est bien visible dans la Vénus du projet de chanfrein rendu à Cousin Père par Zerner (1996, p. 272) [fig. 227], dans la Madeleine du Christ mort déposé sur la pierre de l’onction (fig. 30, Londres, V&A, Dyce 263), dans les saintes femmes de la Pietà du Louvre AG, RF 52171 (voir fig. 32). 50. AG, RF 385. Huchard (1978, sous n° 23 a observé que le paysage de ce dessin se poursuivait sur la gauche sur le dessin d’Angers cité à la note 48. 51. AG, Inv. 9966. Attribué à Cousin par Béguin (1971, p. 70, fig. 19). 52. BM, Inv. 1949,0812.7. Attribué à Cousin Père par Ph. de Montebello vers 1966, cité par Zerner (1969, p. XXII, note 1) et Stein (2005, no 7, avec bibl.), préparatoire à une gravure attribuée à Léon Davent (Herbet, 1896, p. 101, no 128). 53. Paris, Louvre, AG, Inv. 33427. Attribué à Jean Cousin (Père ou Fils ?) par J. Bean, cité par Monnier (1965, no 151). 54. Francfort, Städel, Inv.-Nr.4388. Attribué à Cousin Père par D. Cordellier (communication écrite au musée en 2009). 55. Chartres, Centre international du vitrail (fig. 132), et Troyes, Société académique de l’Aube (fig. 131). Voir ici p. 115 et 120. 56. Nous pouvons lui ajouter, outre les feuilles étudiées dans les essais sur la peinture (p. 65 et 70), les dessins d’armures (p. 194-221) et les dessins d’orfèvrerie (p. 182-189), les dessins d’un Homme nu assis (Lyon, musée des Beaux-Arts, Inv. 1966-351 [attribué à Cousin Père par D. Cordellier, note sur le montage, fig. 46]), d’un Christ en croix entre la Vierge et saint Jean (Tours, musée des Beaux-Arts,
Inv. 1946-304-42 ; Cordellier, 2001, no 2, comme de Cousin Père ou Cousin Fils). Ce dernier dessin, quelque peu atypique, présente aussi des points communs avec l’enluminure représentant David dans les Heures Dutuit, Paris, Petit Palais. Ms. 37 attribué à Noël Bellemare. 57. Munich, SGS, Inv.-Nr. 14519 et 14520 (Thomas, 1959, p. 54-55). Pour l’attribution à Cousin Père (?), voir Zerner, 1996, p. 276 et Cordellier et Scailliérez, 2011, p. 93, 138-139, no 9. 58. Washington, NGA, 1993.51.4 (Wanklyn, 1989, communication orale à S. Béguin, mai 1989, rapportée par Béguin et Morgan Grasselli (1995, no 51, où le dessin est catalogué sous le nom de Jean Cousin). Voir aussi Zerner, 1996, p. 399, note 47 ; et Munich, SGS, Inv.-Nr. 34559, attribué à Cousin Père par Cordellier (2011, p. 97). Voir ici p. 196-198. 59. Munich, SGS, Inv.-Nr. 14703. Attribué à Cousin Père par Zerner (1996, p. 272, 274, fig. 310). Voir ici p. 199-200. 60. Paris, Louvre, AG, Inv. 9966. 61. Voir ici p. 166-167. 62. Le motif apparaît aussi dans une gravure signée du seul monogramme du maître I X V, le Cavalier nu de profil vers la droite (fig. 162) et dans une autre planche du Livre de Perspective, celle du Grand Paysage, à gauche au-dessus de l’arc. 63. Firmin-Didot, 1872, p. 109, et Gatouillat et Leproux, 2010, p. 40. 64. Angers, Inv. MTC 4802 (voir supra note 31) et Darmstadt, Hessisches Landesmuseum, HZ 1698 (publié comme de Cousin Fils par Bergsträsser, 1964 et comme de Cousin Père par Cordellier, 2007, n° 2). Le même motif apparaît aussi dans un dessin de La Vierge, saint Jean, les saintes femmes, Joseph d’Arimathie et Nicodème au pied de la Croix, Dresde, Kupferstichkabinett, Inv.-Nr. C 7603, autrefois attribué à Geoffroy Dumonstier, mais que nous croyons copié d’après Cousin Père (fig. 87). 65. Paris, Louvre, AG, Inv. 33427 (voir supra note 8). 66. Berlin, Kupferstichkabinett, Kdz 14747. 67. Louvre, DAG, Inv. 11200. Autrefois sous le nom d’Étienne Delaune et rendu à Cousin Père par D. Cordellier et G. Wanklyn, cités par Cordellier (2007, p. 45, sous no 4). 68. Un vitrail de l’église Saint-Aignan à Chartres (fig. 127) représentant un Domine quo vadis dont la composition a été attribuée à Cousin Père par C. Scailliérez et D. Cordellier, cités par Gatouillat et Leproux (2010, p. 46), serait dans ce cas également « signé », de même que le vitrail de la Fuite en Égypte provenant de Saint-Pierre de Chartres (Gatouillat et Leproux, 2010, p. 40, 166, no 27). 69. Voir le stuc de La Peste ayant causé la mort des bœufs de Cydippe à droite de la peinture de Cléobis et Biton dans la galerie François-Ier à Fontainebleau. 70. Paris, Louvre, AG, RF 385. 71. Paris, Louvre, AG, RF 52171. 72. Inv. n° 366/7. 73. BM, Inv. 1949, 0812.7. 74. Coll. J. et M.-A. Krugier-Poniatowski, Inv. JK 3864, Homme debout de profil. Attribué à l’artiste par une annotation ancienne J. Cousin ; Béguin, 1999, no 4, avec le même rapprochement avec le Livre de Perspective mais avec une attribution à Cousin Fils, que nous ne partageons pas. 75. En particulier les dessins conservés à Munich, SGS, Inv.-Nr. 14481, 14482, 14525, 14533b, 14547, 14627b, 14681, 14682, 14689, 34533b, 34549, et à New York, MMA, 54.173, dont l’attribution à Jean Cousin entraîne celle d’autres études du même genre. Voir ici p. 202-214. 76. Rennes, musée des Beaux-Arts, 794.1.2572. Publié comme de Cousin Père par Béguin (1970, no 5, p. 89, fig. 14). 77. New York, PML, Inv. 1957.13. Annoté anciennement au verso : Jehan Cousin. Publié comme de Cousin Père par Stampfle (1959, p. 91-92) ; voir Denison (1993, no 2). 78. Francfort, Städel, Inv. Nr. 4388. 79. Zerner (1996, p. 235) a justement mis en garde le chercheur contre cette tendance. 80. Béguin, 1972, sous no 64. 81. En 1555, Cousin, à Paris, se porte garant du respect du dessin tracé par Penni sur le panneau où il doit peindre une résurrection de
Lazare pour Nicolas Houel (Connat, 1950, p. 106 ; Grodecki, 1987, p. 273-274). 82. Voir Fulton, 1997, p. 196 ; Leproux, 2008 [2006], p. 5 ; et Cordellier, 2012, p. 79-80. 83. Autre ordonnance d’ung arc triumphant, Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Cod. Barb. Lat. 4398, fol. 32. 84. Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum, Inv. Z WB VII 7. Publiés par Benesch (1939-1940, p. 278-279, fig. 11-12) sous le nom de Cousin Fils, mais rendus ici à Cousin Père. 85. Paris, Bnf, Rés. Ed 2 p, fol. 79. 86. Coll. Baselitz ; Firmin-Didot, 1873, fig. 49 ; Strasser, 2002, no 192 ; Cordellier, 2009 [2007], p. 204-205. 87. Inv. TS 1924. Si deux lunettes sur trois dans le dessin d’Androuet du Cerceau copient des dessins de Cousin, peut-être en allait-il de même pour la troisième, mais son modèle n’est pas connu. 88. Voir ici l’essai sur ce sujet p. 159-161. 89. Pietà annotée en haut J. Cousin invent au recto d’une copie d’une gravure du Songe de Poliphile (Paris, coll. privée [fig. 33]), Homme nu debout accoudé à un piédestal (vente Christie’s, Paris, 18 mars 2004, no 113, repr. ; Paris, marché de l’art) ; Vénus et l’Amour avec au verso La Prudence agenouillée, annotée J. Cousin (Paris, De Bayser, 1984, no 8 ; New York, Hill et Stone ; vente Sotheby’s, New York, 19 janvier 1996, no 222, repr.) ; La Charité ou Vénus et les Amours avec au verso Deux hommes combattant devant un souverain oriental, un chasseur debout auprès d’une femme à terre, annoté J. Cousin, vente eBay, 18-28 mai 2005. 90. Dresde, Kupferstichkabinett, Lamentation au pied de la Croix (fig. 87) (Inv.-Nr. C. 7603) ; et peut-être Achille parmi les filles de Lycomède (Inv.-Nr. Ca 16 no 2), Achille parmi les filles de Lycomède (d’après la même composition, Inv.-Nr. Ca 16 no 3) ; Paris, Ensba, La Charité (Mas. 1331), Un dieu-fleuve recroquevillé (Mas. 1332) et Deux hommes nus (Mas. 1333 ; fig. 259) ; Rennes, musée des Beaux-Arts, Neuf bébés dans un paysage, annoté Jehan Cousin (Inv. 794.1.2604). 91. Allégorie de la Rédemption (?), Paris, Louvre, DAG (Inv. 33425, fig. 48), copie non par Étienne Delaune, mais par Baptiste Pellerin (selon Leproux [2011]) d’après une invention de Cousin Père (Zerner, 1996, p. 277 ; G. Wanklyn, cité par Zerner). Un dessin original de Jean Cousin pour cette composition, passé dans la vente de la collection Senon à Paris, hôtel Drouot, 30 novembre, 2011, no 20 (atelier d’Étienne Delaune), est aujourd’hui dans une collection particulière (fig. 47). Cette étude, inachevée, annotée en bas à gauche [..]an. Cousin, a été en partie repassée par une autre main. 92. Deux dessins de la Passion (L’Ecce homo, avec au fond la flagellation et le couronnement d’épines, et Le Portement de Croix), et un dessin du Suicide de Cléopâtre (tous trois BnF, département des Estampes et de la Photographie, Rés. B5a) qui semblent des copies de petits patrons de tapisserie ; Une reine banquetant avec huit femmes (Washington, NGA, Alisa Mellon Bruce Fund, 1983.74.8), La Vierge à l’Enfant entre saint Jean et saint Luc (New York, 1970, no 59 ; copie du dessin du Louvre, Inv. 9966). 93. David (Florence, Casa Buonarroti) dans Amya suppliant Faustus de lui confier la garde de saint Mammès (New York, MMA, 2001.106 ; Cordellier, 2009 [2007], p. 198, fig. 4-5 ; fig. 10). 94. Saint Jean-Baptiste (Melbourne, National Gallery of Victoria, no 351) dans Amya suppliant Faustus de lui confier la garde de saint Mammès (New York, The Metropolitan Museum, 2001.106 ; Cordellier, 2009 [2007], p. 198-199, fig. 10). 95. Paris, Louvre, AG, Inv. 9966. 96. Madrid, Prado. Cousin pouvait la connaître par la gravure de Marco Dente da Ravenna (Bartsch, XIV, p. 61, no 54) et une xylographie vénitienne partielle et inversée de 1517. Le même Enfant apparaît dans la gravure Sainte Famille de Cousin Père (autrefois coll. Baudicour) qui par ailleurs offre une interprétation de la Grande Sainte famille de François Ier de Raphaël (Cordellier, 2012, p. 38). 97. Bartsch, VII, p. 279, no 3. 98. Faure, 1964 [1926], p. 324.
Style et facture des dessins de Jean Cousin Père 51