Jean Rouch l’Homme-Cinéma - Découvrir les films de Jean Rouch( extrait)

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Jean Rouch, l’Homme-Cinéma Découvrir les films de Jean Rouch

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Sommaire

Préface • 9 Frédérique Bredin Introduction • 10 Béatrice de Pastre Des photographies de jeunesse de Jean Rouch : un regard en construction • 12 Dominique Versavel Yannick et Jean • 14 Éric Le Roy L’esprit d’exploration • 16 Alain Carou Compagnonnage(s) • 18 Andrea Paganini Quatre mousquetaires • 20 Béatrice de Pastre

Rushes et films en travail : un océan à découvrir • 187 Jean Rouch photographe, un témoignage exceptionnel • 222 Laurent Pellé Histoires d’appareils • 224 Alain Carou « Dans la boîte » • 228 Colette Piault Les bandes audio de Chronique d’un été • 230 Frédérique Berthet Rouch et l’école de Harvard • 234 Alice Leroy Le Jeu de la mer, Jean Rouch et Khady Sylla • 236 Isabelle Mette Biographies des auteurs • 238

D’un continent à l’autre, un demi-siècle d’images – Éléments pour une filmographie • 23 Les cycles • 151 Le cycle du Sigui • 152 Le cycle du Yenendi • 168

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Index • 240 Crédits photographiques • 242 Remerciements • 243

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Préface

Ethnographe, cinéaste, improvisateur, conteur… Jean Rouch est l’une des plus grandes figures du cinéma français. Il a montré toute la puissance du cinéma dans la connaissance de l’autre, notamment des cultures orales. Ses films ont dévoilé la vie, les traditions et les rites des peuples d’Afrique, comme on ne les avait jamais vus auparavant. Novateur, autant par les moyens techniques que par la place qu’il réservait à l’improvisation, il est, aux côtés de Flaherty, Vertov, Marker, et avant Depardon et Wiseman, l’un des grands inventeurs de la forme documentaire. Il a ainsi ouvert la voie à de nombreux cinéastes. Fondateur avec Henri Langlois, Enrico Fulchignoni, Marcel Griaule, André Leroi-Gourhan et Claude Lévi-Strauss du Comité du film ethnographique, siégeant au palais de Chaillot, l’immense conteur Jean Rouch a fait du cinéma le plus grand musée vivant de l’homme du xxe siècle. Après avoir aidé à la réalisation de plusieurs de ses films, dont Les Fils de l’eau, Moi, un Noir, Chronique d’un été, primé au festival de Cannes en 1961, ou encore La Pyramide humaine, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en œuvre avec Rouch lui-même une politique de collecte, d’inventaire et de restauration de son œuvre mais aussi de celle des ethnologues-cinéastes du musée de l’Homme. Avec la perspective de la fermeture du musée en 2008, le Comité du film ethnographique a confié à la direction du patrimoine du CNC la poursuite de ces travaux. Cent quatre-vingts films ont été à ce jour répertoriés par le CNC, et nous en avons restauré et numérisé pas loin de la moitié. Ils pourront ainsi être (re)découverts en salle par le public. Ce catalogue est un vaste atlas des films collectés par le CNC et des archives documentaires et photographiques de la Bibliothèque nationale de France. Enrichie de nouveaux trésors, cette réédition, à l’occasion du centenaire de la naissance du cinéaste, se veut un nouveau guide de voyage en pays Rouch. Et alors que la mondialisation et les technologies numériques accentuent la nécessité de mieux connaître la diversité des cultures, il permet de découvrir avec l’œuvre foisonnante de Jean Rouch le décentrement du regard, le respect de l’autre et des différents usages du monde. Très belle lecture et beau voyage !

Frédérique Bredin Présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)

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Introduction

La collecte des archives de Jean Rouch entreprise en 2007, au moment de la fermeture pour rénovation du musée de l’Homme, a mobilisé deux institutions patrimoniales, la Bibliothèque nationale de France et le Centre national du cinéma et de l’image animée. Jocelyne Rouch a souhaité compléter le don effectué par le Comité du film ethnographique des collections photographiques qu’elle détenait. Un ensemble d’archives dont Damouré Zika était dépositaire au Niger sont à leur tour venues rejoindre ces deux dons. C’est ainsi qu’un ensemble exceptionnel a été rassemblé. Il livre le parcours d’un créateur hors norme à travers le XXe siècle. Les équipes du CNC ont pour leur part rassemblé les très nombreux éléments filmiques, traces de la prolifique activité cinématographique de Jean Rouch. Les fonds détenus par le CNRS, le Comité du film ethnographique, les laboratoires ont été rapprochés des éléments conservés au CNC à la suite d’un dépôt effectué par Jean Rouch en 1995 afin de procéder à la restauration d’une partie de son patrimoine filmique. Il a fallu près de dix ans pour que la collection ainsi constituée révèle toute sa richesse et surtout manifeste le formidable appétit de cinéma de Jean Rouch. Des images de Bangawi, la chasse traditionnelle à l’hippopotame, réalisées lors de sa première descente du Niger avec Jean Sauvy et Pierre Ponty en 1947 – où l’on peut déjà lire les grandes thématiques qui traversent sa filmographie –, au Rêve plus fort que la mort (2002), avec lequel Rouch inaugure le XXIe siècle et salue ses complices de Dalarou1, ce sont quelque cent quatre-vingts films achevés, en travail ou ébauchés qui se sont révélés à nous. Un univers construit dans la passion du cinéma, l’enthousiasme de la découverte de l’autre et le désir du partage s’offre ainsi aux curieux de cette expérience unique de cinéma.

1. Sur ce patronyme mystérieux, voir « Les quatre mousquetaires », p. 20 supra.

L’inventaire de cette collection, archivistique et photographique à la BnF, filmique au CNC, est aujourd’hui terminé et laisse entrevoir la diversité

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des matériaux rassemblés (photographies, matériel publicitaire, archives de travail, bandes-son, correspondance, rushes, éléments filmiques pré-montés…). La présente réédition de l’ouvrage Découvrir les films de Jean Rouch, collecte d’archives, inventaire et partage prend acte de ces croisements fructueux encore impossibles à tisser en 2009. Il faut laisser aux archives le temps d’être « présentables », aux archivistes et documentalistes celui de les apprêter, afin de les rendre communicables. C’est aujourd’hui chose faite. Aussi, le centenaire de Jean Rouch célébré depuis le 31 mai 2017 paraissait l’occasion la plus légitime qui soit de manifester, outre le catalogue enrichi de sa production cinématographique, l’apport essentiel de ces documents à la compréhension d’une vie et d’une œuvre hors norme. L’apparente simplicité du cinéma de Jean Rouch laisse à croire à une création reposant dans l’immédiateté de l’instant, l’innocence de la spontanéité. Si sa caméra est effectivement prompte à se saisir goulûment du réel, le travail du film est loin d’être achevé. Montage dont la complexité va de pair avec l’abondance de matériel visuel, agencement des différentes composantes de la bande-son, rédaction ciselée du commentaire, c’est toute la fabrique du film qui apparaît au cœur des archives rassemblées à la Bibliothèque nationale de France. Afin d’en donner un avant-goût, Alain Carou, responsable du département images, a sollicité quelques explorateurs de ces archives qui ont chacun sélectionné une pièce pour eux remarquable, symbolique ou révélatrice de l’homme, du créateur ou de l’ami Jean Rouch. Fragments anecdotiques prélevés dans un océan archivistique qui constituent les différentes facettes d’un portrait collectif qui n’a de légitimité que la passion que les uns et les autres ont mise à le constituer et comme objectif une invitation à la découverte de ces documents. Béatrice de Pastre

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Des photographies de jeunesse de Jean Rouch : un regard en construction Dominique Versavel

[Autoportrait drapĂŠ], 1936, ca.

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[Construction du pont de Saint-Cloud], 1939.

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Le fonds d’archives conservé à la Bibliothèque nationale de France recèle plusieurs dizaines de photographies prises par Jean Rouch ou par ses proches entre 1932 et 1939 lors de déplacements familiaux (au Maroc, à Marcilly…), de séjours en montagne, de stages ou de visites d’ingénieur sur des chantiers (pont de Saint-Cloud, barrage du Jura). Ces épreuves de petit format, typiques des usages amateurs de l’époque, témoignent d’un mélange de registres emblématique de la période charnière à laquelle elles appartiennent. Neveu de Gustave Gain, autochromiste normand, Jean Rouch est d’abord l’héritier d’une tradition photographique pictorialiste éprise de compositions élaborées aux accents pittoresques. Les vues réalisées en Normandie par Jean ou par sa mère Luce en reprennent le répertoire champêtre, la dimension intemporelle, les effets de lumière diffus et la construction picturale. Çà et là, cependant, quelques éléments choisis (nageur sur un plongeoir, reflet d’un peuplier) marquent de leur verticalité le foisonnement des motifs naturels. Cette attention à des formes plus arrêtées révèle l’influence d’une autre esthétique, proche du constructivisme ou de la Nouvelle Vision photographique, qui irriguent alors revues et publicités. Usant d’angles obliques, de contre-plongées, de gros plans, de contrastes assumés, et privilégiant les représentations d’artefacts (arcades, bouée, piles de pont, barrage en construction…), tout un pan des photographies de Jean Rouch relève ainsi de ce registre stylistique moderniste. Un certain nombre de portraits, enfin, laissent entrevoir une forme d’inventivité ludique et symbolique, une liberté de mise en scène qui évoquent tout à la fois les récréations des praticiens amateurs de l’époque et les expériences du courant surréaliste, que Rouch connaît et apprécie. Ainsi, il semble que l’œil curieux du jeune Rouch se soit formé auprès de sources visuelles diverses. Une constante formelle se dégage toutefois de ce corpus photographique aux multiples influences : la primauté d’une recherche de construction et de mise en scène, loin de l’esprit d’invention dans l’immédiateté couramment associée à son œuvre de cinéaste.

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D’un continent à l’autre, un demi-siècle d’images – Éléments pour une filmographie

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AU PAYS DES MAGES NOIRS

Note de Jean Rouch

« Ma réaction après ce film, c’est de dire “non, ce n’est pas possible !” Cette musique est nulle, le ton du commentaire est insupportable. […] C’est vraiment un film exotique, un film qu’il ne faut pas faire. Je ne l’ai jamais montré en Afrique, j’aurais eu honte 1. »

• 1947 • • Réalisation Jean Rouch, Pierre Ponty, Jean Sauvy • • Production Actualités françaises • • Noir et blanc • Format 35 mm (tourné en 16 mm) • • Métrage d’origine 361 m • • Durée d’origine 13 min • Restauré •

Notes d’Alice Gallois

Résumé

Au pays des mages noirs est le premier film de Jean Rouch. Sorti en salles comme première partie de Stromboli de Roberto Rossellini (1949), le film est présenté par le distributeur comme un reportage destiné à faire rêver, par son exotisme, les Français restés en métropole. C’est au cours d’un voyage en pirogue sur le fleuve Niger en 1946-1947, que le jeune aventurier, qui n’est alors ni ethnographe ni cinéaste, filme au moyen d’une caméra Bell & Howell une chasse à l’hippopotame. À son retour, il présente ces images au musée de l’Homme. Présents à la projection, André Leroi-Gourhan, Claude Lévi-Strauss, Marcel Griaule et Michel Leiris lui réservent un accueil bienveillant. Par un heureux hasard, le directeur des Actualités françaises accepte de distribuer le film à condition que Jean Rouch lui en cède les droits. Ce qu’il accepte, dira-t-il, pour des raisons financières.

Le long de la rive haoussa du fleuve Niger, au village de Firgoun, les Sorko effectuent les préparatifs pour une chasse à l’hippopotame. Une grande pirogue de planches cousues est construite spécialement. Les forgerons fabriquent les harpons qui seront par la suite fichés au bout de longues hampes en bois complétées par des flotteurs en sureau. Le sang d’un mouton sacrifié au génie de l’eau est répandu sur les harpons pour les consacrer, la chasse peut alors commencer. La recherche de l’hippopotame a lieu le long de la rive marécageuse. Les Sorko guettent le moindre signe. Un cri retentit. Le gibier vient de sortir la tête de l’eau, il est rapidement harponné, il se débat violement. Couvert de harpons l’animal est prisonnier des hautes herbes. Un Sorko armé d’une lance s’approche et lui assène un coup mortel derrière la nuque. L’hippopotame est ramené sur la berge et découpé. Une danse de possession est organisée sur la place de Firgoun. Après avoir dansé au son des calebasses une partie de l’après-midi, une femme est possédée par le génie de l’eau. Puis c’est au tour des Haouka (génies de la force), ils mènent un effroyable et long tapage. Peu à peu les génies abandonnent leur médium qui reste couché sur le sol.

L’authenticité à l’épreuve du cinéma commercial Au pays des mages noirs soulève, plus que n’importe quel autre de ses films, la question de l’authenticité de la représentation et du pouvoir du montage comme « trucage de la vérité ». Bien que les images tournées correspondent aux différentes phases de la chasse à l’hippopotame telle que Rouch et ses compagnons de route Jean Sauvy et Pierre Ponty ont pu l’observer, les Actualités françaises décident de bouleverser les étapes chronologiques et donc de modifier le sens même des pratiques traditionnelles des Sorko, ces pêcheurs du Niger. Ayant trouvé que le culte de possession – par lequel les pêcheurs demandent au génie de l’eau d’offrir un hippopotame – est plus impressionnant que la chasse elle-même, le directeur choisit de placer la scène à la fin du film, comme si les Sorko remerciaient le génie de l’eau – ce qui, d’ailleurs, aurait été considéré comme une offense. Le sens ethnographique s’en trouve ainsi profondément modifié…

Commentaire

Carton de présentation du film : « Le film a été tourné le long du Niger, entre Gao et Niamey. Le chasseur d’images qui, au centre de l’Afrique noire, a réussi à filmer la vie publique et secrète d’un village du Niger a dû, en raison de leur caractère sacré, prendre les plus extrêmes précautions pour enregistrer les scènes saisissantes de la danse de la possession. Le public excusera donc les imperfections qui peuvent entacher certaines images que nous n’avons cependant pas cru devoir retirer en raison de l’intérêt qui s’attache à cet extraordinaire document. »

1. Pascal-Emmanuel Gallet (dir.), Jean Rouch, une rétrospective, ministère des Relations extérieures – Cellule d’animation culturelle, 1981.

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Mettre en scène l’Afrique Les images originales sont accompagnées d’une musique orientale et d’un commentaire off, confié par les Actualités françaises à un commentateur sportif. La bande-son devient elle aussi un artifice au service de l’exotisme. La voix off débute sur ces mots : « À la lisière de la grande forêt, qui n’a pas changé depuis des millénaires […] » et s’achève sur : « L’Afrique… l’Afrique sans âge ! » C’est l’image de sauvages sans Histoire qui y est véhiculée, ceux qui appellent la curiosité et la crainte : « Ces éternels affamés de viande. » L’altérité oscille sans cesse entre la répulsion et la fascination. L’Autre fantasmé est ici clairement utilisé comme support d’un imaginaire. Des scènes de lions sont insérées parmi les images originelles pour nourrir la représentation d’une Afrique mythifiée : sauvage et éternelle, elle alimente cette « nostalgie du néolithique » dont parle Alfred Métraux. Suivant la conception évolutionniste, elle est restée au stade primitif de l’évolution : elle y est représentée comme « authentique » – par opposition à l’aliénation des sociétés industrielles avancées. On peut ainsi entendre de la bande-son : « Rien n’a changé, rien ne change. Au long de l’énorme fleuve des Noirs, sans souci des siècles, s’étend un empire de préhistoire hanté de fauves et de magie… »

Note

Le film sort en salle en complément de programme de Stromboli de Roberto Rossellini. Bibliographie

Jean Rouch, « Banghawi, chasse à l’hippopotame au harpon par les pêcheurs sorko du Moyen-Niger », Bulletin de l’Institut français d’Afrique noire, 1948. Jean Rouch (dir.), Premier Catalogue sélectif international de films ethnographiques sur l’Afrique noire, Unesco, 1967. Pascal-Emmanuel Gallet (dir.), Jean Rouch, une rétrospective, ministère des Relations extérieures – Cellule d’animation culturelle, 1981. Jean Rouch, « Naufrages dans le Haut Niger », Germinal, 22 février 1953. Jean Rouch, « Les mirages de Tombouctou », Germinal, 1er mars 1953.

Un work in progress Malgré le chemin douteux qu’il emprunte, Au pays des mages noirs peut être considéré comme un film prémonitoire dans l’œuvre de Rouch annonçant notamment les grands thèmes qui le préoccupent : chasse, pêche et danses de possession. C’est au cours de ce rituel qu’il découvre d’ailleurs le culte des Haouka qui fera l’objet d’un de ses films les plus marquants : Les Maîtres fous (1954). Quelques années après la sortie d’Au pays des mages noirs, Jean Rouch décide de tourner de nouveau une chasse à l’hippopotame en respectant cette fois la réalité ethnographique telle qu’il l’a observée. Ce sera Bataille sur le grand fleuve (1951). Bien longtemps après, le cinéaste-ethnographe de renom qu’il est devenu a proposé au documentariste Dominique Dubosc de revenir sur l’histoire de ce premier film (Jean Rouch, premier film : 1947-1991). Ce sera l’occasion de justifier sa démarche et de proposer, « en direct », un nouveau commentaire loin du ton paternaliste de l’époque.

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la danse d’initiation… », Franc-Tireur, 2 août 1951.

Note de Jean Rouch

« J’étais l’élève de Griaule et j’étais passé chez lui quand on a descendu le Niger, c’est-à-dire quand j’ai fait le premier film, juste après la guerre. Il était en train de travailler avec un vieux Dogon, Ogotemmêli avec lequel il a écrit, Dieu d’eau – Entretiens avec Ogotemmêli. C’était une visite que je faisais avec des copains et on se moquait un peu de Griaule, on était avec sa fille, et quand on voyait ce paysage extraordinaire, on disait : “Ton père a bien préparé notre visite, c’est très bien”, etc. La fille, c’est Geneviève Calamme. Pendant le déjeuner, il nous parle de ses entretiens avec Ogotemmêli, et il me dit la chose suivante : “C’est l’occultation de l’étoile Sirius et de son satellite qui marque le Sigui qui a lieu tous les soixante ans.” Et puis il me regarde avec un air narquois, comme un professeur regarde son élève, et il me dit : “Ce qu’il y a de bizarre, c’est que le satellite de Sirius est invisible à l’œil nu.” Moi, je tombe dans le piège et lui dit : “S’il est invisible à l’œil nu, les Dogon ne peuvent pas le voir.” Alors il me dit : “Oui, je savais que vous étiez un petit con, vous feriez mieux de faire les Ponts et Chaussées, vous ne pouvez pas être ethnographe.” Cela vous marque ce genre de choses, et quand il m’a demandé de venir, parce qu’il a rigolé beaucoup après, j’ai fait ce film-là et, au début, il ne voulait pas que je rentre dans ce travail, c’était en dehors, je faisais des enregistrements sonores, etc., puis arrive cet enterrement. Et il a été très touché par le film, et il n’avait jamais fait lui-même un film comme cela, et c’est lui qui m’a traduit les éléments et qui a écrit une partie du commentaire. Donc les relations étaient devenues très bonnes, un an après le tournage, je passais ma thèse avec lui, donc les choses allaient bien, et il meurt quatre ans après. À ce moment-là Germaine Dieterlen me dit : “Qu’est-ce que je vais faire, je ne peux plus travailler, est-ce que vous viendriez travailler avec moi dans la falaise de Bandiagara ?” Je lui ai dit : “J’ai déjà fait un film.” Elle me répondit : “Oui, mais il n’y a pas que le cinéma, le Sigui qui a lieu tous les soixante ans va avoir lieu.” Personne ne l’avait vu. » (Propos recueillis le 8 juin 1995 5.)

CIMETIÈRES DANS LA FALAISE • 1951 • • Assistant Roger Rosfelder • • Commentaires Marcel Griaule, Germaine Dieterlen • • Production CNRS, CFE • Couleur • • Format 16 mm • Métrage d’origine 500 m • • Durée d’origine 20 min • Restauré • Résumé

Dans la boucle du Niger, au pied des falaises de grès de Bandiagara, s’étend un village dogon. Le mil est la nourriture de base, mais on y cultive aussi oignons, riz et tomates, dans des jardins quadrillés. Les pluies nocturnes rendent les falaises dangereuses et grossissent les cours d’eau. Un jeune homme du village d’Iréli s’est noyé, mais son corps n’a pas été « rendu » par Nommo, le génie de l’eau. Le prêtre Yébéné se rend à la rivière et l’implore de le restituer. Pour obtenir les faveurs du génie, il sacrifie un poussin. Le soir même, le corps est retrouvé. Le mort est alors porté jusque chez lui. À l’aube, la procession funèbre se poursuit, toujours au pas de course. Le corps est hissé jusqu’à la grotte qui sert de nécropole située en haut de la falaise. Commentaire

Le film a été réalisé au cours de la mission Niger 1950-1951 de l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) et de la mission Marcel Griaule-Germaine Dieterlen. Les chants sont interprétés par Akunyo (de Bara).

5. Voir une autre version de cette discussion entre Marcel Griaule et Jean Rouch dans l’introduction au cycle des films du Sigui.

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CIMETIÈRES DANS LA FALAISE

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LES MAÎTRES FOUS

Note de Jean Rouch

« En 1955, de retour à Paris, j’ai présenté ce film au musée de l’Homme et il a été violement rejeté par les ethnologues qui le jugeaient “intolérable” et par des amis africains qui le jugeaient “raciste”. […] Avec ce film, je brisais beaucoup d’interdits. » (Propos recueillis en 1981.)

• 1954, sorti en salles le 18 octobre 1957 • • Son André Cotin, Damouré Zika, Lam Ibrahima Dia • • Montage Suzanne Baron • • Production Les Films de la Pléiade • • Couleur • Format 16 mm et 35 mm • Durée d’origine 29 min • • Restauration numérique • Résumé

Notes d’Alice Gallois

Accra, 1954. Des hommes venus du Niger en Gold Coast pour travailler se réunissent dans un des faubourgs de la ville pour pratiquer le culte des Haouka, sorte de génies modernes. Les adeptes se retrouvent dans la concession du prêtre Mountyeba et commencent la cérémonie par la présentation des nouveaux adeptes, puis par une confession publique. Pour se faire pardonner, les fautifs sont sommés de sacrifier poules ou chèvres. Le rituel de possession peut désormais commencer. Sur l’air des Haouka joué par un violon monocorde, Mountyeba ouvre la danse. Lentement, le corps d’un des hommes se met à trembler : un Haouka s’est emparé de lui. D’autres suivent. C’est désormais tout l’état-major du pouvoir colonial britannique qui s’est rassemblé dans la concession. Gouverneur général, commandant, caporal de garde ou simple conducteur de locomotive ont pris possession des danseurs. Une « conférence de la table ronde » doit décider le sacrifice d’un chien. Égorgé et bouilli, il sert de repas aux « dieux de la force ». Le rituel touche à sa fin. Les adeptes reviennent à eux et rentrent à Accra. Le lendemain, souriants, ils reprennent comme à l’ordinaire leurs activités.

Film choc s’il en est, Les Maîtres fous, tourné en à peine deux jours, s’est imposé comme une œuvre-phare du cinéma ethnographique tant il a contribué à la transformation de l’approche ethnographique autant qu’au renouveau du cinéma. Lorsqu’il réalise ce film, Jean Rouch connaît bien l’Afrique de l’Ouest mais il a essentiellement étudié les Songhay du Niger. C’est dans le cadre d’une mission du CNRS sur le phénomène migratoire des Sahéliens qu’il filme la cérémonie dédiée aux Haouka. Les Haouka, miroir de la société coloniale Le culte des Haouka est inséparable du phénomène migratoire, lui-même lié à l’histoire coloniale. Les migrations des Sahéliens vers la Gold Coast (devenue le Ghana en 1957) ont commencé dès les années dix et s’intensifient dans les décennies suivantes avec le développement économique des pays côtiers. La pauvreté des régions désertiques pousse les jeunes hommes à émigrer de façon saisonnière vers les villes. C’est dans ce contexte que de nombreux Zarma-Songhay du Niger se sont installés dans les faubourgs d’Accra et de Kumasi, emportant avec eux leur mythologie et leurs rites hérités de la religion songhay. Des quartiers réservés aux étrangers deviennent le lieu de vie de leur communauté exilée. Et c’est là que les jeunes migrants tissent une nouvelle vie sociale et implantent le culte des Haouka. Génies modernes, issus de la mythologie songhay mais conditionnés par la réalité coloniale, ces divinités représentent l’ordre administratif et militaire colonial. Se dotant des apparences des colonisateurs, ils donnent à voir une image de la société occidentale qu’ils côtoient et subissent. Cette cérémonie devient ainsi « le miroir de la civilisation occidentale » comme l’annonce le générique du film Les Maîtres fous – qui désignent à la fois les maîtres de la folie et la folie des maîtres blancs.

Commentaire

Le premier montage bout à bout en 16 mm Kodachrome muet a été projeté au musée de l’Homme commenté en direct par Jean Rouch. Le film intéressa le producteur Pierre Braunberger (Les Films de la Pléiade) qui finança le gonflage en 35 mm pour sa diffusion commerciale. Suzanne Baron réalisa le montage final. Le film reçut le Grand Prix de la Biennale internationale de Venise en 1957 et fut présenté au cinéma La Pagode (Paris) en complément de La Nuit des forains de Bergman.

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LES MAÃŽTRES FOUS

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BATTERIES DOGON : ÉLÉMENTS POUR UNE ÉTUDE DES RYTHMES

Personne ne vient jouer là, seuls les gosses viennent s’y entraîner. Donc ce que dit Gilbert au début, dans son introduction, c’est qu’effectivement, les enfants viennent jouer les tambours des ancêtres, même s’ils ne savent pas ce que cela veut dire, ce sont des rituels qui sont continués par cette jeune génération de gens qui vont s’entraîner. Les trucs de bois, ce sont des petites choses qui servent à donner à boire aux moutons et aux chèvres, et les tambours de peaux, ce sont les tambours normaux que l’on utilise à la fin dans ces petites funérailles par lesquelles on a clos le film, et qui était dans un des premiers films qu’on ait fait à cette époque. C’était en 1966, C’était un an avant le Sigui, donc c’est là qu’on est venu voir s’il était possible de faire les rituels, et que je me suis aperçu que le matériel qu’on avait là et qui était une caméra Beaulieu avec un moteur à part, et dont il fallait changer les pellicules toutes les trois minutes, étaient insuffisantes, et je suis parti pour les rituels suivants avec une Éclair 16, voilà quelle est l’histoire de ces films. »

• 1966 • • Réalisation Jean Rouch, Gilbert Rouget, Germaine Dieterlen • • Assistant Moussa Hamidou • Montage Philippe Luzuy • • Production CFE, CNRS, EPHE-Lab. (Laboratoire audiovisuel de l’École pratique des hautes études) • • Couleur • Format 16 mm •Métrage d’origine 300 m • Durée d’origine 26 min • Numérisé • Résumé

Au Mali, dans les falaises de Bandiagara, les jeunes chevriers dogon apprennent les batteries traditionnelles sur les tambours de pierre de leurs ancêtres. Puis ils s’exercent sur les tambours de bois, troncs d’arbres creux qu’ils frappent avec deux baguettes de bois. Devenus hommes, ils battront les tambours de peaux des funérailles. Les différentes manières d’exécuter les rythmes, leur structure (partie principale, accompagnement), leurs variations sont décrites pour une dizaine d’entre eux. Le film se termine par une danse de funérailles, montrant l’emploi de la rythmique lors d’un rituel.

Bibliographie

René Prédal (dir.), Jean Rouch ou le ciné-plaisir, CinémAction, nº 81, Éditions Corlet, 1996.

Note de Jean Rouch

WANZERBÉ

« Nous avons tourné avec le premier matériel synchrone portatif que l’on avait à ce moment-là. C’était un générateur Kudelski piloté au quartz qui entraînait un moteur triphasé de cent vingt volts, et un moteur donc qui était synchrone. Le moteur triphasé était mis sur une petite caméra Beaulieu. Ce petit essai, fait avec Gilbert Rouget, était un essai de l’utilisation du cinéma synchrone pour faire des analyses de rythmes, cela a donné lieu à un article dans L’Homme 18. Le truc extraordinaire, c’est qu’effectivement les tambours de pierre sur lesquels jouent ces gens, dans un abri sous roche, représentent le crâne cassé du premier mort, premier créé, qui était le Nommo, le génie de l’eau, que le Renard a cassé en sept morceaux qui sont devenus de la pierre, puis des litophones, des pierres chantantes.

• 1966 • • Production CNRS, CFE • Couleur • • Format 16 mm • Métrage d’origine 604 m • • Durée d’origine 50 min • • Restauration numérique •

Résumé

Près de vingt ans après un premier film consacré aux rites de magie, Rouch et sa caméra reviennent à Wanzerbé au Niger. Une danse de possession est organisée pour demander aux dieux de désigner le successeur du doyen des magiciens de Wanzerbé qui vient de mourir. Mais les dieux sont à peine arrivés que la nièce du prêtre pressenti meurt en couches. C’est Kassey, « cheffe » des magiciennes de Wanzerbé qui a montré ainsi son désaccord : la coutume est « gâtée ».

18. Gilbert Rouget, « Un film expérimental : Batteries dogon : éléments pour une étude des rythmes », L’Homme, nº 2, avril-juin 1965.

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WANZERBÉ

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Les cycles

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Le cycle du Sigui

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Historique du tournage des films du Sigui « En 1946, avec Jean Sauvy et Pierre Ponty (mission Descente du Niger en pirogue), nous sommes allés visiter notre professeur Marcel Griaule à Sangha. Conduits par sa fille Geneviève, nous avons fait une merveilleuse promenade poétique. Nous lui avions demandé : “Comment pouvez-vous préparer tous ces décors en un jour… ?” Nous découvrions le merveilleux pays dogon. Nous revenons avec Griaule qui préparait Dieu d’eau avec le vieil aveugle Ogotemmêli. Pendant un déjeuner amical et drôle, Griaule nous apprend qu’Ogotemmêli lui a révélé que les fêtes soixantenaires du Sigui (qui avaient eu lieu en 1912, mais que Griaule avait décrites dans sa thèse les Masques dogon – 1938) étaient astronomiquement marquées par l’éclipse de Sirius et de son satellite. Il nous regarde avec un sourire provocateur, en disant : “Voyez-vous, ce qui est bizarre, c’est que le satellite de Sirius n’est pas visible à l’œil nu.” Je lui dis tout naturellement : “S’il n’est pas visible à l’œil nu, les Dogon ne peuvent pas le voir.” Griaule répond malicieusement : “Rouch, je vous ai toujours pris pour un petit con… Vous n’êtes pas fait pour l’ethnographie, retournez aux Ponts et Chaussées !” En fait, il avait raison : il n’y a pas à faire de commentaire rationaliste quand on recueille des systèmes de pensée qui ne sont pas les nôtres. Mais c’est cette “provocation fertile” qui, plus tard, me fit proposer à Germaine Dieterlen de l’accompagner chez les Dogon pour filmer le Sigui. En 1950-1951, à la demande de Griaule, je revenais avec le linguiste Roger Rosfelder tourner un film sur la vie quotidienne des Dogon. Nous avions apporté le premier magnétophone portatif permettant d’enregistrer le son (évidemment non synchrone). Pendant ce séjour, un homme du village d’Iréli se noya dans un torrent en crue. Griaule changea notre sujet et nous demanda de filmer les rituels correspondants. Ainsi a été tourné notre premier film dogon, Cimetières dans la falaise. Il enchanta Griaule et Germaine Dieterlen qui écrivirent avec moi le commentaire. Cela avait été pour moi un vrai “coup de foudre” pour le pays dogon… Après la mort de Griaule, Germaine me demanda de l’accompagner dans les falaises pour préparer un éventuel tournage du Sigui, “s’il a lieu”. Je commençais alors à tourner dans une caverne des peintures rupestres et à enregistrer des textes non synchrones. En 1966, l’ethno-musicologue Gilbert Rouget se joignit à nous pour réaliser le film Batteries dogon : l’apprentissage, par les jeunes bergers, de la technique traditionnelle des tambourinaires frappant les lithophones anciens des cavernes dogon. Le film était tourné avec une caméra Beaulieu, synchronisée par Kudelski, l’inventeur du Nagra. On le compléta par une séquence “funérailles à Dyamini Na” qui nous montra la difficulté de filmer un rituel sans avoir obtenu, au préalable, l’accord total des gens que l’on filmait

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SIGUI ANNÉE ZÉRO

SIGUI 1967 : L’ENCLUME DE YOUGO

• Tournage 1966 • • Réalisation Jean Rouch, Germaine Dieterlen • • Production CFE, CNRS • Couleur • • Format 16 mm • Durée d’origine 50 min •

• 1967 • • Autre titre Sigui 1967 Yougo Dogorou • • Réalisation Jean Rouch, Germaine Dieterlen, Gilbert Rouget • • Assistants Ambara, Ireko, Amadigné, Kimba • • Son Gilbert Rouget, Guindo Ibrahima • • Production CFE, CNRS, Institut des sciences humaines du Mali / École pratique des hautes études, 5e section (laboratoire audio-visuel) • • Couleur • Format 16 mm • Durée d’origine 38 min •

Résumé

Le chef religieux de tous les Dogon de la falaise de Bandiagara au Mali annonce l’ouverture des cérémonies du Sigui pour l’année suivante. Au village de Yougo Dogorou, où débutera la cérémonie, les vieux discutent des signes annonciateurs et des messages qu’ils devront envoyer aux jeunes gens de la plaine ou à ceux qui travaillent au Ghana et en Côte d’Ivoire.

Résumé

C’est le début des fêtes soixantenaires du Sigui chez les Dogon de la falaise de Bandiagara au Mali. Après la préparation de la bière et la confection des costumes et parures, les hommes, rasés et vêtus du costume rituel du Sigui entrent sur la place publique au rythme de la danse du serpent. Ils honorent les terrasses des grands morts des soixante dernières années et boivent la bière de mil communielle. Puis ils partent en procession porter le Sigui, qui ne reviendra à son point de départ que sept ans plus tard, aux autres villages du Sigui.

Commentaire

Premier film de la série de huit documents tournés entre 1966 et 1974 autour de la cérémonie du Sigui en pays dogon. Bibliographie

René Prédal (dir.), Jean Rouch ou le ciné-plaisir, CinémAction, nº 81, Éditions Corlet, 1996.

Bibliographie

René Prédal (dir.), Jean Rouch ou le ciné-plaisir, CinémAction, nº 81, Éditions Corlet, 1996.

SIGUI 1968 : LES DANSEURS DE TYOGOU • 1968 • • Réalisation Jean Rouch, Germaine Dieterlen • • Production CNRS, CFE • Couleur • Format 16 mm • • Métrage d’origine 292 m • Durée d’origine 26 min • Résumé

C’est la deuxième année des fêtes soixantenaires du Sigui chez les Dogon de la falaise de Bandiagara au Mali. Au village d’éboulis de Tyogou, les hommes préparent les bonnets et les parures du Sigui. Puis ils partent en procession vers les sites des anciens villages pour revenir danser sur la place publique et boire la bière de mil. Le lendemain, on décore la caverne des masques où le nouveau grand masque trouve sa place à la clôture des cérémonies.

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SIGUI 1968 : LES DANSEURS DE TYOGOU

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Le cycle du Yenendi Ébauche d’un ciné-portrait de Dongo

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À travers le rassemblement de films réalisés tout au long du parcours de Jean Rouch, que ceux-ci soient inscrits dans sa filmographie consacrée ou empruntés à l’océan des documents inachevés à explorer, nous avons souhaité contribuer à un projet énoncé par le réalisateur lui-même dès 1965 : faire le « ciné-portrait » de Dongo. Personnalité emblématique du panthéon songhay, maître du ciel et de la pluie, génie du tonnerre, Dongo est présent dans les premiers souvenirs africains de Rouch et convoqué dans nombre de rituels de possession enregistrés par sa caméra scrutatrice. Cet ensemble pourra être jugé arbitraire, mais il n’a d’autre volonté que de donner à voir et à penser la tentative de monstration qui habite le projet de Rouch dans sa quête d’appréhension et de compréhension de l’Autre, dans sa volonté de transmission du savoir perçu.

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YENENDI DE GOURBI BERI

Le prêtre Zima récite les devises devant le cheval de Dongo agenouillé devant lui ; il lui présente la calebasse remplie d’eau. Une conversation s’instaure entre Dongo et l’assistance. Près de lui, une femme est prise de convulsions, il la calme en lui passant la main sur le dos. Le film se clôt sur un nouveau plan du ciel.

• Tournage 1966 • • Production CFE • Couleur • Format 16 mm • • Métrage d’origine 307 m • Description

Commentaire

À côté d’une case peule la foule de fidèles fait une ronde devant les batteurs de calebasses. Une vieille femme danse devant l’orchestre. Un prêtre Zima récite les devises pour appeler Dongo. Deux femmes sont agenouillées devant les batteurs en position du cheval, prenant appui sur leurs pattes antérieures. Une femme est possédée par Tiyrey pendant qu’un prêtre Zima entoure le cheval de Dongo. Celui-ci boit à une calebasse que lui tend un prêtre et vaporise l’eau par la bouche (rituel du Firsi). Dongo et Tiyrey, ayant revêtus leurs vêtements symboliques, déambulent en tête d’un cortège. Dans les derniers plans on découvre des Haouka en transe.

Film non monté.

YENENDI DE BOUKOKI • Tournage 1967 • • Production CFE, CNRS • Couleur • Format 16 mm • • Métrage d’origine 232 m • Résumé

Auprès des joueurs de calebasses, trois « chevaux de génies » sont en proie à la transe. Une fois revêtus de costumes rituels, Dongo, Tiyrey, Haoussakoy se placent devant le vase hampi en compagnie des prêtres qui récitent leurs louanges. Puis, on allume la paille dans la rigole creusée au pied du vase, et Tiyrey, le génie de la foudre, se précipite pour éteindre ce feu symbolique de la brousse.

Observations

Nombreux plans désynchronisés. Film non monté.

YENENDI DE KAREY GOROU • Tournage 1966 • • Production CFE • Couleur • Format 16 mm • • Métrage d’origine 298 m •

DAOUDA SORKO

Description

Un lent panoramique glisse du ciel où ne se promène qu’un nuage à un groupe de musiciens et de danseurs installés à l’ombre d’un arbre au bord d’un champ. Un prêtre Zima chante, accompagné par un musicien. Les fidèles, menés par les batteurs de tambour d’aisselle, défilent en ronde. Rouch filme les batteurs de calebasses et se tourne vers la ronde qu’il suit et pénètre. Un danseur, vêtu de rouge, exécute des pas de danse et change de rythme en accord parfait avec les batteurs. On reconnaît Daouda Sorko assis dans l’assistance. Il scande les devises en agitant la hache de Dongo et en faisant sonner la clochette. L’homme en rouge, assis sur la natte à côté des musiciens, entre en transe et hurle.

• 1967 • • Production CFE • Couleur • Format 16 mm • Numérisé • Résumé

Daouda, pêcheur Sorko du village de Simiri (Niger) est prêtre magistral du culte de Dongo, le génie du tonnerre. Il raconte le mythe d’origine des génies Torou et en particulier la manière dont Dongo, chasseur, berger et captif, est devenu la divinité la plus crainte : le maître du ciel, responsable du tonnerre et de la pluie. Bibliographie

René Prédal (dir.), Jean Rouch ou le ciné-plaisir, CinémAction, nº 81, Éditions Corlet, 1996.

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YENENDI DE BOUKOKI

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Rushes et films en travail : un océan à découvrir

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L’inventaire des boîtes du fonds Jean Rouch collectées en 2008 auprès du Comité du film ethnographique (CFE) et du CNRS a révélé un nombre impressionnant de films « en travail », rushes ou films en cours de montage, qui viennent allonger la déjà conséquente filmographie de Jean Rouch. En général, ces épreuves sont, pour la compréhension d’un réalisateur, indice d’une œuvre en train de se faire, et à ce titre trace d’un processus créatif, certes inabouti, mais qui a mobilisé un temps l’énergie et les réflexions d’un « faiseur » d’images. On y lit parfois en creux les raisons de l’échec du projet, on y voit aussi souvent comment les conditions matérielles d’un tournage influent sur la construction d’un film. Avec Rouch, les découvertes sont autres. Les raisons de l’inachèvement ne relèvent pas d’une production défaillante ni d’une pulsion créative avortée. Les scénarios de l’abandon sont plutôt à chercher du côté du temps que nécessite la création par « approximations successives » qui a manqué au réalisateur pour aller au bout de toutes ces aventures cinématographiques. Filmer relève d’une pulsion, le devenir de ces images important peu. Elles existent et cette existence brute est une fin en soi. Et puis il est des boîtes qui connurent d’autres parcours semés de chausse-trapes qui faillirent les faire disparaître à tout jamais. Hombori, film inscrit tout en haut de la filmographie chronologique de Rouch, était réputé perdu. Un ami du Comité du film ethnographique, remarquant un jour en sortant du musée de l’Homme une boîte de film au milieu des poubelles, la ramassa avec étonnement et la confia à Françoise Foucault et Laurent Pellé au CFE. Leur surprise fut de taille en découvrant le mot HOMBORI sur le couvercle de la boîte qui contenait une bobine de négatif. Quelles furent les étapes qui conduisirent ces images de l’Afrique au sort peu reluisant qui semblait leur être promis ? La collecte menée par la direction du patrimoine du CNC leur permit d’avoir le destin que leur réservait très probablement Rouch : le développement, le tirage d’une copie et l’épreuve de l’écran. Les travaux de laboratoire entrepris sur ce négatif 16 mm noir et blanc en ont livré les secrets si bien gardés depuis 1948. Ces images sont celles d’un jeune homme qui est en train de s’approprier un outil : il le teste et s’essaye à trouver les cadres adaptés au sujet. Paysages et personnages sont approchés, saisis avec précaution, balayés avec attention, cadrés avec précision. Il y a dans ces quelques plans, en germe, beaucoup du cinéma à venir de Rouch. Il y a aussi, pour nous qui regardons aujourd’hui ces images, les traces émouvantes d’une fascination, l’Afrique, et d’une passion, la caméra. Beaucoup de ces films sont à explorer, à contextualiser pour restituer l’envie qui leur a donné vie. Cette revue de détail a eu le mérite de faire émerger des contrepoints aux films connus de Rouch mais aussi des pratiques de collecte du réel qu’il reste à questionner, des thématiques dont il faut s’emparer. C’est donc un « work in progress » que nous souhaitons offrir au regard de nouveaux explorateurs du continent Rouch.

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[BANGAWI : CHASSE TRADITIONNELLE À L’HIPPOPOTAME]

En 1946-1947, alors que nous descendions le Niger en pirogue, Sauvy, Ponty et moi avions décidé de remettre en action les chasseurs indigènes en prenant un permis pour eux. En janvier-février 1947, un hippopotame fut ainsi harponné. » (Jean Rouch, « Au retour de la Gold Coast Illo Gaoudel se marie », Germinal, 7 juin 1953)

[RUSHES] • Tournage Entre le 13 janvier et le 1er février 1947 • • Noir et blanc • Format 16 mm • Lieu de tournage Bief Labbezenga-Firgoun (canton d’Ayourou, Niger) • • Restauré •

Bibliographie

Jean Rouch, « “Banghawi”. Chasse à l’hippopotame au harpon par les pêcheurs sorko du Moyen-Niger », Bulletin de l’Institut français d’Afrique noire, t. X, 1948.

Description

Un village sur les bords du Niger se prépare à la chasse. Préparation des harpons et des pirogues, danses, sacrifices, transes précèdent le départ des chasseurs sur le fleuve. L’hippopotame est débusqué dans les hautes herbes et harponné. Son corps est ramené à la surface puis dépecé à terre. Toutes les parties de l’animal sont partagées entre les chasseurs. Observations

Film non monté. Premières images tournées par Jean Rouch en Afrique parvenues jusqu’à nous. Elles furent montées et sonorisées par les Actualités françaises, qui firent de cette première tentative de saisie filmique des rites africains un film colonial, Au pays des mages noirs. Pierre Ponty est présent à l’image sur un plan. Note de Jean Rouch

« Le voyageur arabe Ibn Batouta, qui vint au Xe siècle visiter les bords du Niger, assista à une chasse à l’hippopotame dont il donna la relation suivante : “Pour chasser l’hippopotame, les gens de cette contrée se servent d’un joli expédient. Ils ont des lances percées de trous, dans lesquels on a passé de fortes cordes. Ils frappent l’animal avec des lances. Si le coup atteint soit la jambe, soit le col, il pénètre dans certaines parties de l’amphibie qu’ils tirent au moyen de cordes jusqu’au rivage où ils le tuent et mangent sa chair…” À près de dix siècles d’intervalle, la description de l’ancien voyageur est encore presque valable. D’innombrables chansons songhay ont pour thème cette même chasse. Elles décrivent les hauts faits de l’ancêtre Faran Maka Boté, le grand-père de tous les pêcheurs Sorko d’aujourd’hui, celui qui tuait quarante hippopotames pour en bourrer sa pipe. Mais depuis l’arrivée des Français, la chasse à l’hippopotame est interdite. […]

BANGAWI : CHASSE TRADITIONELLE À L’HIPPOPOTAME [ruches]

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HOMBORI • Tournage 1948 • • Noir et blanc • Format 16 mm • Durée d’origine 26 min • • Restauré • Description

Tourné au Soudan français, l’actuel Mali, dans le village de Hombori au pied des montagnes du même nom, les différents plans décrivent la vie quotidienne de familles songhay : corvée d’eau, tissage, travail des forgerons, départ des chasseurs. Les fêtes sont évoquées par une danse de femmes que rythment des percussions. Différents plans montrent des visages féminins ornés de bijoux et coiffés de tresses. Commentaire

Au cours d’une mission, entre le Niger et le Mali, de quatre mois (fin octobre 1948 à fin février 1949), Jean Rouch tourne quatre films sur les rituels songhay. Le premier, en décembre 1948 dans la région de la rivière Goruol, Les Magiciens de Wanzerbé, le deuxième au début de février 1949, Hombori dans le village du même nom, le troisième à la même période et dans la même région, Circoncision, et le quatrième à la fin du mois de février 1949 dans les îles d’Ayorou, Initiation à la danse des possédés. À cette époque Jean Rouch constituait un corpus cinématographique pour compléter son travail d’enquêtes ethnographiques sur la magie et la religion des Songhay, sujet de sa thèse d’État dirigée par Marcel Griaule et soutenue en 1953.

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Jean Rouch photographe, un témoignage exceptionnel Laurent Pellé

[Yenendi, rituel de posession], Simiri (Niger), 1951.

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[Chasse à l’hippopotame], Firgoun (Niger), 1951.

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L’homme d’images qu’a été Jean Rouch ne se résume pas exclusivement aux quelque cent quatre-vingts films tournés entre 1946 et 2002, il fut aussi un photographe exceptionnel, à la production considérable. Le fonds, aujourd’hui déposé au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, rassemble au moins vingt-cinq mille clichés, captés tout au long de ses activités scientifiques et cinématographiques. Ces archives photographiques, qui témoignent principalement de ses enquêtes ethnographiques menées auprès de la société songhay-zarma du Niger, révèlent un regard talentueux, original et précurseur des mutations culturelles, économiques et politiques de l’Afrique de l’Ouest à travers certains thèmes, dont la possession. Par cette dernière, Jean Rouch a attaché une importance toute particulière aux survivances des rituels, aux techniques du corps et à l’adaptation des Songhay-Zarma à la modernité urbaine, industrielle, et à la domination coloniale. Dans le fonds conservé figure un exemple remarquable du travail photographique de l’ethnographe-cinéaste, que lui-même a agencé dans un registre de l’administration coloniale, ayant pour titre : « Gouvernement général de l’Afrique occidentale française. Direction des services d’information. Enregistrement du courrier, départ année 1947 ». Titre complété ultérieurement, au crayon à mine, par l’indication suivante : « Rouch Rosfelder, films noirs et blancs ». Détournée de sa fonction d’origine, chacune des pages intérieures présente les tirages papier, au format de 4 × 4 cm, des mille huit cent cinq clichés en noir et blanc réalisés au cours de la mission Niger effectuée de juillet 1950 à mai 1951. Véritable journal photographique, complété d’annotations (lieux, noms de personnes et événements), celui-ci rend compte d’une part, chronologiquement, du séjour en pays dogon, au Mali, et des enquêtes menées au Niger, sur la chasse à l’hippopotame et les techniques de pêche des Sorko du fleuve, comme sur les rituels de possession des Songhay-Zarma, puis en Gold Coast (actuel Ghana), sur les migrations nigériennes et les pratiques rituelles des adeptes du culte des Hauka. D’autre part, le cahier constitue un témoignage essentiel sur les débuts de la pratique filmique de Jean Rouch, des conditions et des moyens techniques des tournages et des prises de son des quatre films de la mission : Cimetières dans la falaise, Les Gens du mil, Bataille sur le grand fleuve, Yenendi, les hommes qui font la pluie. En associant à cet objet original les photographies en couleur de la mission, les carnets de terrain, les films et les premiers enregistrements sonores réalisés avec l’Acémaphone, nous sommes en présence du corpus le plus abondamment documenté du travail scientifique de Jean Rouch avant sa soutenance de thèse et son intégration définitive au CNRS.

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Histoires d’appareils Alain Carou

Lettre de service Kodak-Pathé à François d’Auriac, IFAN, 1951

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La correspondance et les agendas de Jean Rouch durant la mission 1950-1951 témoignent des conditions techniques difficiles, à la fois matériellement et moralement, dans lesquelles il devait travailler. Le magnétophone à manivelle tombe plusieurs fois en panne et doit être renvoyé au fabricant Yves Sgubbi (d’où le sobriquet de « Sgubbiphone ») à Paris, via l’Institut français d’Afrique noire à Niamey. S’ensuivent à chaque fois de longues semaines d’attente et d’inquiétude, malgré les garanties que Rouch cherche à prendre (contacts avec Air France, demandes de reçus, envois au nom du Muséum…). L’appareil s’est-il perdu ? Est-il bloqué à la douane ? Les bandes magnétiques envoyées au musée de l’Homme comblent les attentes de la phonothèque. Mais une difficulté s’est présentée : la vitesse de défilement des Acémaphone a changé, l’appareil de Rouch n’est pas au standard international, auquel Sgubbi s’est à présent rallié. Il faut déjà changer le « format » d’enregistrement des sons pour pouvoir les écouter. En ce qui concerne la pellicule Kodachrome, avec laquelle il tourne les images de Bataille sur le grand fleuve et Cimetières dans la falaise, Rouch la commande au fur et à mesure de ses besoins et au vu de l’état de ses comptes. Les bobines de film impressionnées sont envoyées à Paris pour être développées. C’est plusieurs semaines après que Jean Rouch reçoit des échos, favorables ou non, sur son travail. En mars 1951, un courrier du CNC lui apprend que « les bobines concernant [son] film La Babylone noire sont absolument inutilisables », ce qui est exact. Mais une autre lettre des services de Kodak, interrogés par un correspondant de Rouch à Paris sur le manque de netteté des images dans tous les films, incrimine le manque de stabilité de la caméra et conclut : « Il paraît indispensable de travailler avec un pied pour améliorer le rendu des prises de vues. » Le parti pris de la caméra mobile et proche des sujets filmés paraît ainsi profondément remis en cause au nom des critères admis de qualité technique, sans que Jean Rouch ait les moyens de se prononcer par lui-même avant son retour à Paris. C’est dans des films plus tardifs que s’est illustrée le mieux la capacité de Rouch à inventer simultanément un film et les modalités techniques de sa réalisation (Chronique d’un été, Moi, un Noir, Jaguar). Mais ne s’enracine-t-elle pas aussi dans une familiarité aiguë avec les contingences induites par l’appareillage qu’il a acquises, par nécessité, dès ses premières missions ?

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« Dans la boîte » Colette Piault

Carton d’invitation aux fêtes harristes, novembre 1966.

[Jean Rouch filmant la fête à Bregbo], 1-2 novembre 1966.

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« L’essentiel est de revenir avec des images dans la boîte », ne cessait de nous dire Jean Rouch lors de nos départs en mission. Filmer et ne rien manquer, revenir avec des boîtes pleines d’images dont on pourrait décider ensuite, plus tard, plusieurs années plus tard… ou même jamais, ce que l’on pourrait en faire. Cette pratique explique le très grand nombre de rushes et de films inachevés dans l’œuvre de Rouch, c’est ce qui explique aussi le sort des rushes concernant la fête à Bregbo tournés en 1966… C’est en 1962, lors d’un séjour à Abidjan pour une conférence internationale, que Rouch découvrit le village de Bregbo. Au cours de visites suivantes, il fit la connaissance d’Albert Atcho, prophète, planteur et pêcheur, qui en quête de reconnaissance accepta bien volontiers que lui et les habitants du village soient photographiés et filmés. Rouch apporta et projeta les rushes des premiers tournages, ce qui généra une confiance accrue à son égard, et il réalisa un film autour du prophète Atcho1. En 1965, ce phénomène associant maladie, guérison et religion lui paraissant intéressant, il lança une enquête « multidisciplinaire ». Au sein de cette équipe, je fus chargée de présenter le village dans l’espace et d’étudier son organisation sociale, ses liens avec la religion harriste et sa vie quotidienne. À partir du 1er novembre avait lieu, pendant trois jours, une grande fête harriste à Bregbo. Je travaillai à en savoir plus. Le 1er novembre 1966, nous étions bien présents, Rouch, son preneur de son Moussa Hamidou et moi. La foule était immense… La fête se déroulait sur trois jours. Le premier jour, consacré au politique, Atcho, en costume occidental, fut décoré par le président Auguste Denise, représentant le président Houphouët-Boigny. Le deuxième jour, consacré à la religion, avec l’accueil de très nombreuses délégations harristes venues de tout le pays, Atcho, comme tous les invités, était tout de blanc vêtu. Le troisième jour enfin avait lieu la fête villageoise pour les habitants de Bregbo.

1. Monsieur Albert prophète, film de Jean Rouch, 1962, 33 min, 16 mm, couleur, prod. Argos Films.

Pendant ces trois jours, Jean Rouch photographia et filma. Rentré à Paris, il visionna les rushes et me dit très vite : « Cela ne fait pas un film, c’est juste la description d’un événement », et il abandonna l’idée d’y travailler, d’autant plus qu’en pays dogon les cérémonies du Sigui commençaient… Sans doute ce document reposera-t-il au calme dans sa boîte jusqu’à la fin des temps ? Pour plus d’informations, on peut consulter : Marc Augé, René Bureau, Colette Piault, Jean Rouch, Lajos Saghy, András Zempléni, Prophétisme et thérapeutique. Albert Atcho et la communauté de Bregbo, sous la direction de Colette Piault avec le concours du CNRS, Paris, Hermann, 1975.

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Les bandes audio de Chronique d’un été Frédérique Berthet

Rushes audio de Chronique d’un été, 1960, bande magnétique 6,25.

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Dans Chronique d’un été, le présent intense de l’expérience du « direct » a été reconstruit – ainsi le veut le cinéma – dans l’après-coup du montage. C’est donc depuis cet « après » que les saisons du tournage (mai 1960-juin 1961) ont été réinventées dans leur chronologie, durée et tempo jusqu’à devenir cette « chronique de l’été 1960 à travers quelques personnages1 » que nous connaissons bien. Avec ses sautes, ses coupes, ses ruptures manifestes (de grain, lumière, tessiture, position et émotion), le film cisèle la recherche « titanesque » d’un rétif bonheur individuel et social. « Nous avons commencé un film sur la recherche du bonheur et nous avions à propos de celle-ci des conceptions opposées », récapitule l’un des deux réalisateurs. Au final, en 1 heure 26 bien enlevée, Chronique d’un été témoigne d’un souci de la continuité du récit et de la progression dramatique, et d’un grand sens du raccord – il sut même, un temps, mettre les deux auteurs d’accord :

1. DONAUD0903-20, « Musée de l’Homme : bilan du film par Jean Rouch et Edgar Morin », et DONAUD0903-97 (copie resynchronisée de la précédente). Les citations qui suivent sont issues de ces bandes.

Jean Rouch : Tu crois qu’on va finir un jour ce film ? Edgar Morin : Ben oui, je crois qu’il faut, on a du boulot, toi tu dois partir en Afrique et moi faire de la sociologie. Jean Rouch : Oui, d’accord. Ce dialogue a été enregistré en septembre 1960 au musée de l’Homme. À écouter la bande, les deux hommes sont manifestement très las : « qu’est-ce que tu as à râler ? », « tu as l’air mou », « tu es malheureux avec ton genou ? ». Ils tentent laborieusement de mettre en boîte des mots pour faire le point sur l’avancée de l’expérience et annoncer « le moment de réunir tout ce monde » dans une « confrontation générale ». Ils s’y reprennent à quatre fois, sans que la séquence soit jugée assez bonne en fin de compte pour être retenue dans Chronique d’un été. Dans le film a été monté un remake de cet échange. Une re-prise, tournée plusieurs mois après, en juin 1961 : elle fait comme si l’enregistrement datait du même automne 1960 et qu’il venait immédiatement clore le tournage estival. Les quatre prises originales sont, elles, accessibles dans les archives sonores du fonds Jean Rouch conservées par la BnF. Au total, cent une bandes magnétiques sont désormais accessibles, qui représentent 23 heures et 15 minutes de rushes2. Chronique d’un été est un film qui se regarde et s’écoute dans ce qu’il offre et dans

2. Merci à Agnès Gallois pour ce comptage.

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Rouch et l’école de Harvard Alice Leroy

Examination Book d’Eric Pauwels à Harvard, 1981.

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En 1980, Jean Rouch est invité par Robert Gardner à l’émission de télévision Screening Room. Pour la première fois, des téléspectateurs américains de cette chaîne locale de Boston, pour peu qu’ils soient restés éveillés à cette heure avancée de la nuit, peuvent découvrir son œuvre à la télévision. « Vous considérez-vous comme un cinéaste ou comme un anthropologue » ? l’interroge Gardner. Rouch répond sans hésitation : « Les anthropologues me considèrent comme un cinéaste et les cinéastes comme un anthropologue. Mais étant Gémeaux de naissance, je peux sans difficulté me tenir en deux endroits en même temps. » Cette même année, Rouch est invité à Harvard dans le cadre d’une université d’été qui le verra revenir à Cambridge chaque année jusqu’en 1986, à l’exception d’une fois. Emilie de Brigard est l’artisan principal de sa révélation sur la scène académique américaine : c’est elle qui l’a invité à New York trois ans plus tôt, à l’occasion du premier Margaret Mead Film Festival, elle aussi qui assure une introduction théorique et historique avant l’arrivée de Rouch et familiarise les étudiants avec cette combinaison de cinéphilie intense et d’exercices pratiques qui caractérise la pédagogie rouchienne. Il est néanmoins difficile de reconstituer le programme exact de ces Summer schools, sinon à partir des films projetés qui font dialoguer les anthropologues cinéastes, de Marcel Griaule à John Marshall, avec les figures d’élection de la cinéphilie de Rouch – Jean Epstein, Luis Buñuel et Jean Vigo. C’est là sans doute le cœur de cette articulation si rouchienne entre théorie et pratique : pas de « reading list » ni de cours articulé, mais une immersion intensive dans la matière des images et des échanges à bâtons rompus. L’oralité est la condition de cet enseignement, la conversation son mode d’exercice. L’examination book d’Eric Pauwels, étudiant en 1981, nous renseigne sur le déroulement du séminaire et l’esprit qui l’anime. Conformément aux consignes de la feuille d’examen, Pauwels a rédigé une lettre à un ami dans laquelle il propose sa définition du film ethnographique : « Au terme de trois semaines de cours avec Emilie de Brigard […], Rouch est arrivé. Soudain – tandis qu’il nous présente son travail –, il devient évident que l’anthropologie est quelque chose "avec" et non "sur" des personnes. Bien entendu, science et savoir sont essentiels, mais prendre conscience que l’anthropologie est une expérience qui doit être partagée avec les personnes est d’une importance capitale. Le "cinéma", cet outil combinant l’image et le son, est en ce sens la technique la plus aboutie pour montrer son expérience et partager son analyse. À travers l’usage du film en anthropologie, il devient enfin possible de saisir la subtilité de la limite entre le réel et la fiction. Quand des anthropologues étudient et travaillent avec des personnes (des "primitifs") qui conçoivent la réalité et l’imaginaire dans une relation si étroite, quand des scientifiques vivent avec des hommes qui comprennent le monde dans des termes mythologiques et une rationalité qui leur est propre, il est fondamental qu’ils sachent à quel point l’anthropologie est une question de sensibilité, de temps et d’amour. »

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Le Jeu de la mer, Jean Rouch et Khady Sylla Isabelle Mette

Dessin de Jean Rouch au stylo, paysage de la scène finale du Jeu de la mer.

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Le Jeu de la mer est d’abord un roman publié en 1992 par une jeune écrivaine sénégalaise, Khady Sylla (1963-2013). Après des études de philosophie à Paris, elle se lance dans l’écriture et décide de devenir réalisatrice. C’est vers Jean Rouch qu’elle se tourne : « J’étais à Paris et je lui ai envoyé mon livre Le Jeu de la mer. Rouch l’a lu, il m’a appelée et m’a dit que mon histoire lui rappelait le mythe des filles de l’eau. Pendant un an, nous nous sommes rencontrés tous les dimanches matin dans un café pour écrire un scénario inspiré de mon livre. On n’a jamais tourné le film mais j’ai conservé le scénario1. » Le Jeu de la mer est un texte qui a profondément touché Jean Rouch : « Quand, il y a presque un an, Khady Sylla me remit son livre Le Jeu de la mer, ce fut […] comme la découverte d’une ville inconnue, mais dont je reconnaissais tous les itinéraires du “temps-longtemps”2. » Est-ce parce qu’il a trait au fantastique ? Le chef du service Irréel du commissariat de la ville est confronté à une série de disparitions invraisemblables, provoquées par deux charmantes jumelles qui s’adonnent au « jeu de la mer ». « Il existait un lien secret entre la vie, le jeu, la mer3 », dit le narrateur du roman : l’ethnologue qui s’est passionné toute sa vie pour les rites et les croyances qui entourent l’eau en Afrique de l’Ouest est bien placé pour le savoir. Leur projet commun est allé assez loin : la société Les Films du jeudi devait produire et exploiter le film ; scénario, note d’intention, choix des lieux de tournage (la presqu’île de Dakar, au Sénégal), liste des trucages, casting des acteurs, plan de financement4, tout était prêt pour que le tournage débute en mai 1994. C’est sans doute le fait que le dossier déposé au CNC n’ait pas été retenu pour une avance sur recettes qui mit un terme à l’aventure. Mais comme « on n’oublie pas une fiction dans un tiroir5 », nous nous devions d’exhumer celle-ci, sans espérer néanmoins mettre un terme à la malédiction des œuvres inachevées et oubliées.

1. Françoise Pfaff, À l’écoute du cinéma sénégalais, Paris, L’Harmattan, 2010.

2. Préface au scénario du film, décembre 1993, archives Jean Rouch, NAF 28646, boîte 84.

3. Khady Sylla, Le Jeu de la mer, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 15.

4. Le Jeu de la mer, dossier complet, archives Jean Rouch, NAF 28646, boîte 84

5. K. Sylla, op. cit., p. 158.

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Biographies

Frédérique Berthet

Alice Leroy

Maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-Diderot (CERILAC), elle est l’auteure d’une thèse de doctorat sur le producteur Anatole Dauman. Elle publiera prochainement un ouvrage sur la voix de Marcelline Loridan dans Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin. Elle est l’auteure entre autres de De Warhol à Wenders, une vie de cinéma. Souvenirs de Pascale Dauman, Ramsay cinéma, 2008 et « Décrire le « bruit du monde » : histoire de mots, histoire de voix », in Les Images et les mots. Décrire le cinéma, Diane Arnaud et Dork Zabunian (dir.), Presses Universitaires du Septentrion, 2014.

Alice Leroy est docteur en études cinématographiques, auteure d’une thèse sur les utopies du corps au cinéma. Des athlètes olympiques aux néophytes burlesques, son travail ébauche une poétique du geste sportif au cinéma. Elle enseigne l’esthétique du film à l’École normale supérieure de Lyon, depuis 2013. Elle a notamment dispensé le cours «L’homme à la caméra et l’anthropologie visuelle ». Elle collabore régulièrement avec le festival Cinéma du Réel et le Festival Jean Rouch.

Alain Carou Archiviste-paléographe, Alain Carou est responsable du service Images au département de l’Audiovisuel de la Bibliothèque nationale de France. Il est co-commissaire de l’exposition Jean Rouch, l’Homme-Cinéma à la BnF en 2017. Il a publié Le cinéma français et les écrivains : histoire d’une rencontre, 1906-1914 (École des Chartes/ AFRHC, 2002).

Alice Gallois Alice Gallois a consacré ses travaux universitaires au parcours de Jean Rouch et aux institutions et réseaux du cinéma ethnographique en France et particulièrement au Comité du film ethnographique. Elle a publié en 2008 « Migrations et mutations du culte des génies Hauka du Niger en Gold Coast. Années 1920 – 1950 », Diasporas. Histoire et sociétés, n° 12, 2008 et « Le cinéma ethnographique en France : le Comité du film ethnographique, instrument de son institutionnalisation ? (Années 1950 – 1970) », 1895, Revue d’histoire du cinéma, n° 58, 2009. Chercheuse associée au LERASS (université de Toulouse), Alice Gallois a été chargée de l’action culturelle et pédagogique de la Cinémathèque de Toulouse.

Isabelle Mette Conservatrice au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, elle est en charge du fonds Jean Rouch.

Andrea Paganini Diplômé de l’École des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS) en 2014, Andrea Paganini est délégué général du Centenaire Jean Rouch 2017. Dans ce cadre, il a conçu des dispositifs de découverte du travail de Jean Rouch, notamment pour le festival Cinéma du Réel et pour France Culture. Il est l’auteur de « Déplacements de sons, déplacements d’images : Un exemple de réemploi dans l’œuvre de Jean Rouch », Revue de la BNF, n° 45, 2013 et de «Jean Rouch », Revue L’Homme, 2005.

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Béatrice de Pastre

Colette Piault

Spécialiste du patrimoine cinématographique et photographique, elle est directrice des collections du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis 2007, elle a dirigé la Cinémathèque Robert-Lynen de la Ville de Paris de 1991 à 2006. Enseignante, programmatrice, elle est aussi auteur d’ouvrages consacrés aux archives filmiques, notamment, avec Catherine Rossi-Batot, Cinéma et arts plastiques - Dialogue autour de la restauration (De l’incidence éditeur, 2016). Elle a, entre autre, étudié les représentations cinématographiques de l’Afrique en situation coloniale, notamment dans « Cinéma éducateur et propagande coloniale à Paris au début des années trente », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 51.4.

Ethnologue-cinéaste, Colette Piault est directrice de recherche au CNRS. Elle a créé la Société française d’anthropologie visuelle (SFAV) et en a assuré la présidence pendant 30 ans. Co-fondatrice en 1982 de « Documentaire sur grand écran », elle a créé et dirigé les rencontres internationales de cinéma documentaire et ethnologique « Regards sur les sociétés européennes ». Elle a été chargée de cours au département d’ethnologie de l’université de Nanterre – Paris X, jusqu’en 1998. Avec Jean Rouch elle filme les cérémonies harristes de Bregbo en 1966. Elle a publié entre autres : Contribution à l’étude de la vie quotidienne de la femme Mawri, Coll. Études Nigériennes, n°10, CNRS, 1971, 133 p ; « Parole interdite, parole sous contrôle... » suivi de « Parole dominée, parole dominante », Entretien avec Jean Rouch dans Jean Rouch ou le ciné-plaisir, CinémAction, n° 81, Paris, 1996 et en 2006, « The Construction and Specificity of an Ethnographic Film Project : Researching and filming » p.358-375, in Reflecting Visual Ethnography - using camera in anthropological research. Elle a par ailleurs dirigé en 1992 « Anthropologie visuelle : la caméra et ses objectifs », Journal des Anthropologues, n° 47-48, Paris, 1992.

Laurent Pellé Diplômé de l’École des hautes études en sciences sociales en archéologie sur la néolithisation sub-saharienne (Niger, Algérie), il se tourne vers l’anthropologie et l’histoire des religions africaines par l’étude des Songhay du Niger. Pour mener à bien son travail de recherche, il rencontre en 1990 Jean Rouch au Comité du film ethnographique. Dès cette date, il collabore aux activités de l’association. En 1996, Jean Rouch lui confie son fonds photographique regroupant plus de vingt-cinq mille clichés pour l’inventorier et le légender. Ce long travail aboutira en 2000 à la tenue d’une exposition au musée de l’Homme : Jean Rouch, récits photographiques. Il coordonne depuis 1997 le Festival International Jean Rouch et les Regards comparés et a organisé en 2009 le colloque international : LE PROJET JEAN ROUCH. Vers une connaissance hors texte, croiser les regards, partager les interrogations. Il est l’auteur du film réalisé par Laurent Védrine, Jean Rouch cinéaste aventurier, 2017 (Les Roches noires productions, Arte France, Maggia images, les Films de la Pléiade, CNRS images).

Dominique Versavel Archiviste paléographe, Dominique Versavel est conservateur au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France, chargée de la photographie moderne. Co-auteur (avec Laure Beaumont-Maillet et Françoise Denoyelle) de La photographie humaniste, 1945-1968 : autour d’Izis, Boubat, Brassaï, Ronis… (éd. BNF – 2006)

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