J. D. Kirszenbaum (1900 - 1954). The Lost Generation / La génération perdue (extrait)

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This book has been lovingly edited by Mr Nathan Diament and Dr. Caroline Goldberg Igra, in conjunction with a retrospective exhibition of the artist’s work at the Museum of Art, Ein Harod, scheduled for February 22, 2013 – April 22, 2013 for which Dr Igra will be curator.

Nathan Diament et le Dr. Caroline Goldberg Igra, ont dirigé l'édition de cet ouvrage, publié à l'occasion de la rétrospective de l'œuvre de Kirszenbaum au musée d'Art d'Ein Harod, du 22 février au 22 avril 2013. Caroline Igra en est le commissaire.

This book has received support from the Fondation pour la Mémoire de la Shoah. This book has received support from the Fondation du Judaïsme français.

Ce livre a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Ce livre a reçu le soutien de la Fondation du Judaïsme français.

© Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © Nathan Diament, Tel Aviv, 2013 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique Stéphane Cohen Traduction de l’anglais vers le français Annie Pérez Contribution éditoriale Sandra Freland (en anglais), Anne-Sophie Hoareau-Castillo (en français) Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Suivi éditorial Laurent Lempereur, Isabelle Pelletier ISBN 978-2-7572-0606-5 Dépôt légal : février 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)


J. D. Kirszenbaum (1900-1954) THE LOST GENERATION

LA GÉNÉRATION PERDUE

From Staszów to Paris, via Weimar, Berlin and Rio de Janeiro

De Staszów à Paris, via Weimar, Berlin et Rio de Janeiro


TABLE OF CONTENTS

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ACKNOWLEDGEMENTS

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PREFACE Alix de Rothschild: Student and Patron by Baron David de Rothschild

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PROLOGUE Nadine Nieszawer, Expert on the School of Paris 1905-1939

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INTRODUCTION A Personal Passage by Nathan Diament

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ESSAY Kirszenbaum's Artistic Journey by Dr. Caroline Goldberg Igra Childhood in Poland, Staszów Germany – The Bauhaus and Berlin – Duvdivani and the Caricatures The City of Light – “The School of Paris” The War and its Aftermath Recovery in Brazil and Other Exotic Places

128 AUTOBIOGRAPHY Childhood and Youth in Staszów by J. D. Kirszenbaum from Sefer Staszów (The Staszów Book) 175 ADDITIONAL MATERIAL Bibliography Biographical Note Chronology Photographic Credits


SOMMAIRE

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REMERCIEMENTS

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PRÉFACE Alix de Rothschild, élève et bienfaitrice par le baron David de Rothschild

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PROLOGUE Nadine Nieszawer, spécialiste de l’École de Paris, 1905-1939

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INTRODUCTION Un cheminement personnel par Nathan Diament

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ESSAI Le parcours artistique de Kirszenbaum par le Dr Caroline Goldberg Igra Les débuts en Pologne, Staszów Les débuts en Allemagne : le Bauhaus, Berlin – « Duvdivani » et les caricatures La Ville lumière – « l’École de Paris » La guerre et ses suites L’apaisement au Brésil et dans d’autres lieux exotiques

128 AUTOBIOGRAPHIE Enfance et jeunesse à Staszów par J. D. Kirszenbaum, extrait de Sefer Staszów (Le Livre de Staszów) 175 ANNEXES Bibliographie Note biographique Chronologie Crédits photographiques


ACKNOWLEDGEMENTS

I would like to express my gratitude to the noble-spirited Baroness Alix de Rothschild who, at the end of the Second World War, not only took it upon herself to help Jewish artists living in France but even more significantly, believed in their importance. Without her financial, and just as valuable, moral assistance, it is doubtful that they would have survived. The Baroness' son, David, has assumed the role of his mother in this generation and has become a major source of support in the realization of this project. Further appreciation is extended to the following scholars for their continued support of the project as well as for their indispensable professional guidance: Professor Ziva Amishai-Maisels, Professor Emeritus of the Department of Art History at Hebrew University, Dr. Adina Kamien-Kazhdan, Curator of Modern Art at the Israel Museum and Dr. Batsheva Goldman Ida, Curator of Special Projects at the Tel Aviv Museum of Art. Additional thanks are due to Dr. Caroline Goldberg Igra for her help which allowed me to bring years of research to the written page. I am extremely grateful to my aunt Rachel Zohar, now deceased, niece of the artist Jechezkiel Kirszenbaum. Her close contact with the artist ensured the preservation of many of his works as well as his personal archives, without which this project could not even have begun. I have received substantial assistance from the Fondation pour la MÊmoire de la Shoah in France. The preparation and publication of this volume was made possible by a grant from the Memorial Foundation for Jewish Culture in New York as well as one from the Fondation pour le Judaisme français. The generosity of various private donors in Great Britain, Israel and France has also been of great value in the carrying out of this project. Finally, I extend deep thanks to my family, first and foremost among them my brother Amos Diament, who has offered endless assistance in organizing and photographing the material gathered in this publication. My son Shai's assistance in the creation of a Website on the artist permitted us to locate many of Kirszenbaum's lost works. The support of my wife Gilada and daughter Michal over the long years of exciting discoveries and disappointing dead ends has been key in allowing me to complete this project and the long-desired goal of restoring my great uncle's artistic legacy. February 2013, Nathan Diament

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REMERCIEMENTS

J’aimerais exprimer toute ma gratitude à la baronne Alix de Rothschild qui, par sa générosité et sa noblesse de sentiments a su, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, non seulement aider les artistes juifs qui résidaient en France mais – et ce fut là le plus important – a cru en l’importance de leur travail. Il est peu probable qu’ils eussent survécu sans l’aide financière et le soutien moral tout aussi décisif qu’elle sut leur prodiguer. David, le fils de la baronne Alix de Rothschild, a poursuivi l’œuvre de sa mère pour notre génération et s’est affirmé comme un soutien crucial pour la réalisation de ce projet. Que soient aussi remerciés ici les chercheurs et spécialistes dont les noms suivent, qui m’ont apporté une aide indéfectible et donné de précieux conseils : professeur Ziva Amishai-Maisels, professeur émérite au département d’histoire de l’art de l’Hebrew University ; docteur Adina Kamien-Kazhdan, conservateur chargé de l’art moderne au Israel Museum ; docteur Batsheva Goldman Ida, conservateur chargé des projets spéciaux au musée d’Art de Tel-Aviv. Mes remerciements s’adressent également au docteur Caroline Golberg Igra dont l’aide m’a permis de donner une forme écrite à des années de recherches. Toute ma reconnaissance va à ma tante Rachel Zohar, aujourd’hui décédée, nièce de l’artiste Jechezkiel Kirszenbaum, dont les relations étroites qu’elle entretenait avec lui ont permis la conservation de nombre d’œuvres et d’archives personnelles sans lesquelles ce projet n’aurait pu voir le jour. J’ai reçu un important soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en France. La préparation et la publication de cet ouvrage ont bénéficié d’un don de la Memorial Foundation for Jewish Culture de New York ainsi que, pour la France, de la Fondation du Judaïsme français. La générosité de différents donateurs privés au Royaume-Uni, en Israël et en France a également contribué grandement au succès de cette entreprise. Je souhaite enfin exprimer ma profonde gratitude à ma famille, et tout particulièrement à mon frère Amos Diament qui m’a constamment aidé dans la collecte et l’organisation des prises de vue des œuvres et documents reproduits dans cet ouvrage. La contribution de mon fils Shai, qui a créé un site Internet consacré à l’artiste, nous a permis de localiser nombre d’œuvres de Kirszenbaum, dispersées et considérées comme perdues. Le soutien sans faille de mon épouse Gilada et de ma fille Michal, tout au long de ces années émaillées de découvertes exaltantes mais parfois aussi d’impasses décourageantes, a été crucial ; il m’a permis de mener à terme ce projet et d’accomplir un but que je caressais depuis longtemps, celui de restaurer l’héritage artistique de mon grand-oncle. Nathan Diament, février 2013

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Kirszen


nbaum Preface and Prologue

PrĂŠface et Prologue


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FIG.

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FIG.

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The Jewish Villagers Greeting the Messiah, 1937, oil on cardboard, 59 × 69 cm

Les Villageois juifs accueillant le Messie, 1937, huile sur carton, 59 × 69 cm

Bequest of the artist through B. Alix de Rothschild, Paris; The Israel Museum collection, Jerusalem

Collection du musée d’Israël, Jérusalem, legs de l’artiste par l’intermédiaire de la baronne Alix de Rothschild, Paris


PREFACE

PRÉFACE

BARON DAVID DE ROTHSCHILD

Alix de Rothschild: Student and Benefactor

The Nazi plan to destroy the Jewish people included the annihilation of their culture. Numerous writers, artists and painters were banished, persecuted and murdered — their works destroyed. My mother, Alix de Rothschild was a very sensitive and warm woman. Following the war she was devoted to providing relief to that generation of injured artists dear to her heart. She nurtured them with her humanity, and was driven by the desire to keep their artistic heritage from being destroyed. Jechezkiel Kirszenbaum, one who had lost everything, was among those she helped. His family had been murdered in Poland and his wife, deported to Auschwitz from their home in France, had also perished. My mother vowed a great affection for this doomed man, who she found warm and artistically talented. She hosted him for a period following the war and appreciated the painting lessons he offered her. She enabled Kirszenbaum's rebirth and has long been recognized as being responsible for bringing him back to life. Although I was a very young child at the time, I have moving memories of this gifted, but wounded, man whose frequent presence at my home inspired my own love of painting. It took considerable energy to reconstitute, at least in part, the work of Jechezkiel Kirszenbaum. The paintings that were part of the private collection of Alix de Rothschild, and that she bequeathed to the Israel Museum in Jerusalem, have joined other preserved productions of the artist, enabling us, finally, to rediscover his genius. I am delighted that, thanks to Nathan Diament, Kirszenbaum's grand nephew, it has finally been possible to give this artist the tribute he deserves.

Alix de Rothschild, élève et bienfaitrice

Le projet nazi d’anéantissement du peuple juif visait aussi la culture. Nombre d’écrivains, d’artistes, de peintres ont été bannis, persécutés, assassinés et leurs œuvres détruites. Alix de Rothschild, ma mère, était une femme sensible ; elle s’était attachée, après la guerre, à apporter son secours à cette génération d’artistes blessés chers à son cœur. Elle les secourait par humanité mais elle était également mue par la volonté de contribuer à sauver un patrimoine artistique en danger. Jechezkiel Kirszenbaum fut ainsi son hôte, lui qui avait tout perdu. Sa famille avait été assassinée en Pologne, tout comme son épouse en France. Ma mère vouait une grande affection à cet homme chaleureux et artiste talentueux, qui lui enseigna aussi la peinture. Elle permit à Jechezkiel Kirszenbaum de renaître et il lui fut, me semble-til, éternellement reconnaissant de ce retour à la vie. Bien que très jeune enfant à l’époque, je garde un souvenir attendri de cet homme écorché et doué dont la présence fréquente à la maison éveilla en moi le goût de la peinture. Il a fallu déployer une énergie considérable pour reconstituer, au moins en partie, l’œuvre de Jechezkiel Kirszenbaum. Des tableaux qui faisaient partie de la collection privée d’Alix de Rothschild, et qu’elle avait légués au musée d’Art de Jérusalem, ont rejoint d’autres éléments préservés de l’œuvre de Kirszenbaum, nous permettant aujourd’hui de redécouvrir cet artiste. Je me réjouis que, grâce à Nathan Diament, il soit possible enfin de rendre à cet artiste l’hommage qu’il mérite.


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J.D. Kirszenbaum in his Paris studio in front of his painting St Jean Celebration in Sao Paulo, c. 1950 Family archives

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FIG.

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J. D. Kirszenbaum dans son atelier parisien devant la toile Fête de la Saint-Jean à São Paulo, vers 1950 Archives familiales


PROLOGUE

PROLOGUE

NADINE NIESZAWER Expert on the School of Paris 1905-1939 // Spécialiste de l’École de Paris, 1905-1939

Jechezkiel Kirszenbaum, a Jewish Artist of the School of Paris

Jechezkiel Kirszenbaum, un artiste juif de l’École de Paris

In 2005, I made the acquaintance of Nathan and Amos Diament, the grand nephews of the painter Jechezkiel Kirszenbaum. At the time, several works by the artist were included in an exposition titled “Montparnasse déporté" held at the Museum of Montparnasse for which I served as a consultant.

En 2005, j’ai fait la connaissance de Nathan et Amos Diament, les petits-neveux du peintre Jechezkiel Kirszenbaum. À cette époque, l’exposition « Montparnasse déporté » se tenait au musée du Montparnasse, quelques-unes des œuvres de l’artiste étaient exposées au musée, où j’officiais en tant que consultante.

Nathan, a curious and persevering man, had contacted me to find out more about his great uncle Jechezkiel Kirszenbaum. He explained that he had finished his study of Jewish Art at Hebrew University in Jerusalem after having served as manager and general manager in companies engaged in trade, industry and finance, with a group in Israel, for over thirty years. This gentleman's enthusiasm took me by surprise and I decided to help as much as I could. Over the following seven years he visited me several times in Paris and I reciprocated when in Israel. I was fortunate to observe, over the years, the manner in which his quest reached fruition as he discovered both new works and collected anecdotes about his great uncle's life from around the world. During this time he also worked hard at Yad Vashem. One day he informed me that thanks to his persistence, exemplary work, and the assistance of many competent professionals, he had succeeded in finishing a monograph on the artist, soon to be published, as well as in organizing the first stop of what he hoped would become a travelling exhibition. At the time he requested that I prepare a text for the monograph, something I was more than happy to do. As an expert on the School of Paris (1905 -1939), I decided to place the artist within a historical context in order to offer the best understanding of his artistic contribution.

Homme curieux et persévérant, Nathan m’avait contactée pour en savoir plus sur son grand-oncle, Jechezkiel Kirszenbaum. Il m’expliqua qu’il terminait ses études d’art juif à l’université de Jérusalem, après avoir durant trente ans occupé des postes de gestionnaire et directeur général dans des sociétés commerciales, industrielles et financières, ainsi qu’auprès de grands groupes en Israël. Il me surprit et je décidai de l’aider comme je le pouvais ; durant ces sept dernières années, il me rendit visite pendant ses séjours à Paris et je fis de même quand j’allais en Israël. J’observais au fur et à mesure des années que sa quête finissait par aboutir et qu’il faisait des découvertes de nouvelles œuvres et d’anecdotes à travers le monde entier. Pendant que son travail assidu de recherche sur Kirszenbaum évoluait, il entreprit de s’impliquer dans Yad Vashem, l’association qui s’est donné pour but de faire reconnaître et honorer les Justes des Nations. Grâce à son obstination exemplaire et son travail, un jour il m’annonça que la monographie était terminée et allait être publiée, qu’une exposition qu’il espérait itinérante s’organisait. Il me demanda d’écrire un texte pour la monographie, et il m’apparut comme une évidence de livrer un texte pour Kirszenbaum et son « grand » petit-neveu Nathan Diament, si fin et si patient. Experte de l’École de Paris (1905-1939), je décidai de replacer l’artiste dans son contexte historique pour éclairer son œuvre picturale.


Jechezkiel Kirszenbaum is a typical painter of the School of Paris, one of many Jewish artists who sought a safe haven in Paris. In those years, there was a Yiddish proverb which said: “Azoy glikor wi a yid in paris" which means “Happy as a Jew in Paris" and was borrowed and adapted from the original German proverb “Blessed be God in France." In 1933, after Hitler came to Paris, Jechezchiel Kirszenbaum left Germany and arrived in Paris. At the time Montparnasse was a kind of small Babel, a kingdom where hundreds of nationalities existed. There was massive immigration to the city, for the most part driven by political or economic reasons. Many of the artists who came there, intending to stay a few months, ended up staying for the rest of their lives. In 1925, Paris art critic André Warnod coined the term “School of Paris" to define this diverse group. He did not intend it to signify a movement or school in the academic sense of the term but rather

Jechezkiel Kirszenbaum est un peintre typique de l’École de Paris, toute son histoire correspond au parcours de ces artistes juifs qui cherchaient à Paris une terre d’accueil. Dans ces années-là, on disait : « Azoy glikor wi a yid in Paris », dicton yiddish qui signifie « Heureux comme un Juif à Paris », emprunt au proverbe allemand « Heureux comme Dieu en France ». À l’arrivée d’Hitler au pouvoir, en 1933, Jechezkiel Kirszenbaum quitte l’Allemagne et arrive à Paris. Montparnasse est alors une petite Babel, un royaume où règnent plus de cent nationalités. Une immigration massive, le plus souvent motivée par des raisons politiques ou économiques. De nombreux artistes venus pour quelques mois y demeureront leur vie entière. En 1925, pour définir le groupe formé par les peintres étrangers à Paris, le critique d’art André Warnod crée le terme d’École de Paris, qui ne désigne pas un mouvement ou une école au sens académique du terme mais un fait historique. Dans l’esprit, ce terme visait plus à contrer une xénophobie moyenne ambiante plutôt qu’à entamer une approche théorique.

a historical fact. In spirit, it was intended more to counter the xenophobic environment of the city rather than account for a specific theoretical approach. It must be said that at the time art criticism spared no nationality. Art magazines reflect the contempt and fear of foreign artists, including Jews, within the French art scene. In 1925 Louis Vauxelles commented in “The Book of the Week": “A horde of barbarians hurried to Montparnasse, descending [from art galleries] on the rue La Boetie, coming from cafés in the 14th arrondissement [Montparnasse], squawking Germano-Slavic war cries… Their culture is so new! When they speak of Poussin, do they know the master? Did they ever see a Corot? Or read a poem by La Fontaine? These are people “from elsewhere" who for the most part ignore, in the depths of their hearts, respect for what Renoir called the softness of the French School, missing that tact which is the virtue of our race." Louis Vauxelles, prolific critic of Jewish painters who wrote monographs for “The Triangle" which featured a series on “Jewish Artists" written in accord with the artists, also addressed this issue in one dedicated to Marek Szwarc from 1931: “[...] Such a rush of locusts, a plague of Jewish colorists fell on Paris — the Paris of Montparnasse. The causes of this exodus: the

Il faut dire qu’à cette époque, la critique artistique ne ménage pas son nationalisme. Les revues artistiques martèlent le mépris et la peur face à la place de plus en plus considérable prise par les artistes étrangers et notamment juifs dans le paysage artistique français. Louis Vauxelles écrit dans Le Carnet de la semaine en 1925 : « Une horde de barbares s’est ruée sur Montparnasse, descendant [des galeries d’art de la] rue La Boétie, venant des cafés du 14e arrondissement [Montparnasse], poussant des cris rauques germano-slaves de guerre… Leur culture est tellement récente ! Quand ils parlent de Poussin, est-ce qu’ils connaissent le maître ? Ont-ils vu un jour un Corot ? Ou lu un poème de La Fontaine ? Ce sont des peuples “d’ailleurs” qui ignorent au plus profond de leurs cœurs le respect devant ce que Renoir a appelé la douceur de l’école française, le tact qui est la vertu de notre race. » Louis Vauxelles, critique prolixe sur les peintres juifs, écrira aussi des monographies pour les éditions Le Triangle, dans la collection « Artistes juifs », en accord avec les artistes. Dans celle consacrée à

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Russian revolution that had brought with it misery, pogroms, abuse and persecution. The unfortunate young artists took refuge here, attracted by the influence of contemporary French art [...] They will be one of the components within what a young critic is calling the ‘School of Paris'. A multitude of talents will be considered within this crowd of wogs.” Our artists came from the East: Russia, Poland, Germany, Bulgaria, Czechoslovakia, Romania, Hungary. They were familiar with the great French masters of the 19th century; they knew the Impressionists through teachers back home such as Josef Panckiewicz in Krakow, Ilya Repin in Saint Petersburg, Budapest, and Adolf Fényes Lovis Corinth in Berlin. For the most part in their twenties, they were examples of Jewish emancipation; a movement of social and intellectual awakening throughout Europe characterized by the loss of religious and political engagement. For the first time Jewish artists found themselves in perfect accord with the current cosmopolitan context in capitals of the time including Vienna, Berlin, and especially Paris. In effect the School of Paris is the emancipation movement of the first Russian revolution of 1905. Jews arrived in the field of painting. Leaving their books they turned their eyes to the outside world which looked far less hostile and instead, offered great promise. In 1923 artist El Lissitzky, currently living in Berlin, wrote for the review Rimon / Milgroïm: “We were an entire generation of children who had studied the Talmud in the Heder, exhausted by so many years spent analyzing texts. We grabbed pencils and brushes and began to dissect not only nature but also ourselves. Who were we? What was our place among the nations? What about our culture? What should our art resemble? All of this first began in the small towns of Lithuania, White Russia and Ukraine and continued on in Paris […]"

Marek Szwarc, en 1931, on lit : « […] telle une nuée de sauterelles, une invasion de coloristes juifs s’abat sur Paris — sur le Paris de Montparnasse. Les causes de cet exode : la révolution russe, et ce qu’elle a entraîné avec elle de misères, pogroms, exactions, persécutions ; les malheureux jeunes artistes se réfugient chez nous, attirés par le rayonnement de l’art français contemporain […]. Ils vont constituer un des éléments constitutifs de ce que la jeune critique appellera l’“École de Paris”. Nombre de talents seront à considérer en cette cohue de métèques. » Nos artistes viennent de l’Est : Russie, Pologne, Allemagne, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Hongrie. Ils ont été familiarisés avec les grands maîtres français du XIXe siècle, ils connaissent les impressionnistes grâce à leurs professeurs, comme Josef Pankiewicz à Cracovie, Ilia Répine à Saint-Pétersbourg, Adolf Fényes à Budapest et Lovis Corinth à Berlin. Âgés d’une vingtaine d’années pour la plupart, ils ont été des acteurs de l’émancipation juive. Un mouvement de réveil social et intellectuel en Europe qui se caractérise par l’abandon du religieux et l’engagement politique. Pour la première fois, des artistes juifs se sont trouvés en parfaite coïncidence avec le contexte cosmopolite des grandes capitales de l’époque – Vienne, Berlin, et surtout Paris. L’École de Paris apparaît avec ce mouvement d’émancipation de la première révolution russe de 1905. Les Juifs investissent le domaine de la peinture : délaissant leurs livres, ils tournent leur regard vers le monde extérieur, tant celui-ci a cessé de leur paraître hostile mais au contraire, plein de promesses. En 1923 à Berlin, l’artiste El Lissitzky écrit dans la revue Rimon/Milgroïm : « Nous étions toute une génération, des enfants du heder jusqu’aux étudiants talmudistes, épuisés par tant d’années à la seule analyse des textes. Nous emparant de crayons et de pinceaux, nous avons commencé à disséquer la Nature, mais aussi à nous disséquer. Qui étions-nous ? Quelle était notre place parmi les nations ? Qu’en était-il de notre culture ?

In just this manner Jechezkiel Kirszenbaum left Poland in 1920 to study in Berlin and Weimar. In the beginning his work bore the nature of Bauhaus modernism. In 1933 artists fled Nazi Germany.

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Like many of his compatriots, Jechezkiel Kirszenbaum arrived in Paris. His dream came true upon arrival in Paris, the Capital of the Arts. He devoted himself entirely to painting. Jechezkiel Kirszenbaum painted Jewish subjects that expressed the shocking encounter between Paris and Judaism and the pure exaltation, homage to life, which accompanied it.

À quoi devait ressembler notre art ? Tout cela s’ébaucha dans quelques petites villes de Lituanie, de Russie blanche et d’Ukraine pour se prolonger à Paris […]. » Jechezkiel Kirszenbaum quitte la Pologne en 1920, pour étudier à Berlin et à Weimar. À ses débuts, son œuvre porte l’empreinte moderniste du Bauhaus. En 1933, les artistes fuient l’Allemagne nazie et, comme nombre de ses compatriotes, Jechezkiel Kirszenbaum arrive à Paris. C’est la réalisation d’un rêve, vivre dans la capitale des arts. Il se consacre pleinement à la peinture. Jechezkiel Kirszenbaum peint des sujets juifs, où plutôt il exprime le choc de la rencontre entre Paris et le judaïsme qui l’accompagne. Ce contact provoque une véritable exaltation, comme un remerciement à la vie.



Kirszen


nbaum Texts

Textes


CHILDHOOD IN POLAND – STASZÓW Kirszenbaum was born in Staszów, Poland in 1900. The history of the Jews of Staszów dates back to 1526, at which time the farm became a city, and encompasses later waves of both inclusion and persecution. There were times when they were forced to leave and others when they were allowed to live as citizens and participate in daily commerce. Nevertheless, by the middle of the 19th century the activity of the Jewish population was sharply curtailed by the official regime. For example, they were forbidden to sit in the streets — an activity that necessarily limited their ability to operate business establishments. Although the Jewish population continued to grow, their area of occupation was more and more confined and their lives became quite difficult. Ironically, this was exactly during a period when commerce itself was booming throughout Poland. Although there were times in this century when the economic condition of the Jews improved, there was general resentment toward this population; this despite the fact that by 1886 Jews were the majority of Staszów’s population of 8,0002.

LES DÉBUTS EN POLOGNE – STASZÓW Kirszenbaum naquit à Staszów en Pologne, en 1900. L’histoire des Juifs de Staszów remonte à 1526, à l’époque de la transformation de la ferme en une ville ; cette histoire connut des vagues successives d’intégration et de persécution. À certaines époques on les forçait à partir, à d’autres, on leur permettait de vivre comme des citoyens et de participer aux activités commerciales quotidiennes. Au milieu du XIXe siècle, l’activité de la population juive fut toutefois radicalement restreinte par le régime alors au pouvoir. On leur interdit ainsi de rester assis dans les rues — ce qui limitait nécessairement leur capacité à mener certaines activités commerciales. Bien que la population juive ait continué de croître, les terrains qu’elle occupait se réduisaient de plus en plus et ses conditions de vie devinrent assez difficiles. Ironiquement, cela coïncidait avec une période d’essor commercial à travers toute la Pologne. Bien qu’il y ait eu, durant ce même siècle, des périodes d’amélioration des conditions économiques des Juifs, il existait un ressentiment généralisé envers cette population, et cela bien qu’en 1886 les Juifs aient formé la majeure partie des huit mille habitants que comptait Staszów2.

The Jews of Staszów suffered a major blow at the beginning of the 20th century: first indirectly in reaction to the Kishinev Pogrom (1903) in Russia and then more directly when the Russians entered the city in 1914. At this time many were either hung or shot3. Obviously the effect of the Nazi Regime later in the 1930s was devastating. The Germans bombed the city in September 1939 and by November 1942 the city was destroyed and virtually emptied of its Jewish population. On Black Sunday, November 8, 1942, the Jews were ordered to gather in the main marketplace. Those who arrived were marched to death, perishing either on the way to, or upon arrival, at the Belzec camp. Those who resisted were slaughtered in their homes. Very few survived. Kirszenbaum’s experience of Staszów dramatically influenced his artistic oeuvre. The imagery left to us (and not destroyed along the way by the Germans) is primarily composed of recollections dating from his period there as a child, painted later on as an adult. Although the imagery of the Jewish populace struggling to survive under the weight of intense oppression appears repeatedly, there are

Les Juifs de Staszów subirent un coup terrible au début du siècle, indirectement d’abord en réaction au pogrom de Kichinev en Russie (1903), puis plus directement lorsque les Russes envahirent la ville en 1914. De nombreux Juifs furent alors soit pendus, soit tués par balles3. Puis ce fut plus tard, dans les années 1930, le régime nazi et la Seconde Guerre mondiale. Les Allemands bombardèrent la ville en septembre 1939 et, en novembre 1942, elle fut détruite et pratiquement vidée de sa population juive. Lors du Dimanche noir, le 8 novembre 1942, on ordonna aux Juifs de se rassembler sur la place du marché principal. Ceux qui y allèrent furent forcés à marcher jusqu’au camp de Belzec, la plupart mou-rurent d’épuisement en route ou furent tués à leur arrivée au camp. Ceux qui avaient résisté furent tués chez eux. Très peu survécurent. L’expérience vécue par Kirszenbaum à Staszów influença spectaculairement son travail. Les images qu’il nous a laissées (qui ne furent pas détruites entre-temps par les Allemands) consistent essentiellement en souvenirs remontant à ses années d’enfance, mais XXe

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just as many images devoted to happy occasions and celebrations! Kirszenbaum’s warm memories of Staszów and his childhood there come shining through, either through choice of subject matter, a lightened color palette or the inclusion of the sun or moon. The artist himself wrote of the color he found in his everyday life: “The most colorful element for me came from the common folk. The porters of Staszów, they of the broad shoulders, with their red vests, full of colored chords, for every patch in such a vest had its own colored musical sound. The water-carriers of Staszów, too, how distinctive their coloring was! And yet each one distinguished in making his own personal stamp. Feyvele the water-drawer would say, that if he had been lucky and knew Hebrew in his youth, he would be able to be a singer beside the cantor. Indeed, whenever they saw him, Feyvele would be singing the same melody from the Hallel songs of praise. He was happy for this portion which God had given him. Even though he suffered from diseased lungs and didn’t

peints plus tard par l’adulte qu’il était devenu. Bien qu’apparaissent répétitivement les images d’un peuple juif luttant pour survivre, écrasé sous une immense oppression, on y trouve aussi des images d’événements heureux et de fêtes ! Les souvenirs chaleureux que Kirszenbaum gardait de Staszów et de son enfance dans cette ville transparaissent, soit dans le choix du sujet, soit dans la luminosité plus grande du coloris ou encore l’inclusion du soleil ou de la lune. L’artiste lui-même décrivit ainsi la vie quotidienne colorée de Staszów : « Pour moi l’aspect le plus haut en couleur venait des gens les plus simples. Les portefaix de Staszów, ceux aux larges épaules avec leurs vestes rouges pleines d’accords colorés, car chaque pièce cousue sur une telle veste avait sa propre couleur musicale. Les porteurs d’eau de Staszów aussi, comme leur couleur était singulière ! Et pourtant chacun conservait son timbre personnel. Feyvele le tireur d’eau disait toujours que s’il avait été plus chanceux et s’il avait appris l’hébreu dans sa jeunesse, il aurait pu chanter aux côtés du chantre. En fait, chaque fois que je le voyais, Feyvele chantait le même air tiré des chants d’actions de grâces Hallel. Il était content de ce qu’il avait, de ce que Dieu lui avait donné. Et même si ses poumons malades le faisaient souffrir et s’il n’avait ni manteau de rechange ni chaussures convenables pour l’hiver, il ne se plaignait jamais du Créateur. En fait, il avait déjà reçu “son petit pain chaud avec du beurre” durant sa vie, c’est-à-dire sa capacité à triller la mélodie du Hallel. C’était mon Bontshe4. »

have even a change of coat or proper shoes for the winter, he never complained against his Creator. Indeed, he had his ‘hot roll with butter’ during his lifetime, namely, the ability to trill the melody from Hallel. He was my Bontshe4.” Albeit the inspiration for a lifetime worth of subject matter, Staszów itself offered no opportunity for artistic training. Kirszenbaum was the son of a well-known rabbinic scholar who specialized in the Gemara, the part of the Talmud that contains rabbinical commentaries and analysis of the Mishnah. Accordingly, he spent much of his time in the Heder where his only artistic exposure was to ornamentation or decorative lettering in the scriptures. In the unpublished autobiographical notes he left, he describes himself as an imaginative child opting to spend more time outside in nature, daydreaming, and less within the confines of the Heder, studying. “Instead of sitting in the Beis Midrash and bowing over a page of Gemara, they would find me lying in the meadow and looking at the heavens, day-dreaming and contemplating things that existed only in my unconscious mind.” The mystical quality of his later work obviously derives from this particular inclination. Although not interested in following his father’s footsteps, Kirszenbaum was interested in the

Bien qu’elle eût pu suffire à fournir les sujets d’inspiration de toute une vie, la ville de Staszów n’offrait par elle-même que peu d’occasions d’apprentissage artistique. Kirszenbaum était le fils d’un érudit rabbinique réputé spécialiste de la Gemara, cette partie du Talmud qui contient les commentaires rabbiniques et l’analyse de la Mishnah. Par conséquent, il passa la majeure partie de son temps au heder (l’école religieuse) où son unique contact avec l’art se réduisait aux ornements et aux lettrines des textes sacrés. Dans les notes autobiographiques inédites qu’il a laissées, il se décrit comme un enfant imaginatif préférant passer son temps dehors, à rêvasser dans la nature, plutôt qu’à étudier entre les murs du heder. « Plutôt qu’assis dans la Beis Midrash ou courbé sur une page de la Gemara, on me trouvait habituellement allongé dans une prairie contemplant le ciel, rêvassant et

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The Wedding, 1925, ink on paper, 28 × 22 cm Museum of the Jewish Historical Institute collection, Warsaw

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Le Mariage, 1925, encre sur papier, 28 × 22 cm Collection du Musée historique juif, Varsovie


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Dance of the Hassidim, c. 1930, drypoint on paper, 25 × 17.5 cm Family collection

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La Danse des Hassidim, vers 1930, pointe sèche sur papier, 25 × 17,5 cm Collection familiale


Humash, the five books of the Pentateuch, and particularly fascinated by the stories of the lives of the major figures of the Humash. Although unable to develop his artwork further at this stage, Staszów’s colorful local characters offered him material for a lifetime. In fact, his later work incorporates them repeatedly, either as main subject or in the background. Beyond offering visual stimulation, the artist’s earliest works indicate his interest in the community’s sounds; the colorful life he depicted is frequently enhanced by the presence of music. The artist’s multisensory experience of his hometown is indicated in both his personal memoirs and his twodimensional expression. As he wrote: “Indeed, Staszów had its moments of joy — when they installed a Torah scroll in the synagogue, or when they accompanied a bride and groom to the wedding-canopy. Staszów had its own musicians. In addition to the three fiddlers, each of whom saw himself as Beethoven, there was Chetzkeleh the trumpeter from Krakow, who

m’absorbant dans des choses qui n’existaient que dans mon inconscient5. » La qualité mystique de son œuvre ultérieure provient manifestement de cette inclination singulière. Bien que peu désireux de suivre l’exemple de son père, Kirszenbaum s’intéressait au Humash, les cinq livres du Pentateuque, et les vies des grandes figures de le Pentateuque le fascinaient tout particulièrement. Même si Staszów ne lui a pas alors permis d’approfondir son art, ses habitants pittoresques lui donnèrent de quoi nourrir son œuvre sa vie durant. De fait, il les intègre de façon répétée dans son travail ultérieur, soit comme sujets principaux, soit en arrière-plan. Au-delà d’une stimulation visuelle, les œuvres précoces de l’artiste indiquent son intérêt pour les sons de cette communauté. L’expérience plurisensorielle que l’artiste avait eue de sa ville natale est soulignée à la fois dans ses mémoires personnels et dans son travail à deux dimensions. Comme il l’écrivit : « À dire vrai, il y avait aussi à Staszów des moments joyeux — comme l’installation du rouleau de la Torah à la synagogue, ou le moment où l’on a accompagné la fiancée et son futur époux jusqu’au dais de mariage. Staszów avait ses propres musiciens. En plus des trois violonistes qui se prenaient tous pour Beethoven, il y avait aussi Chetzkeleh le trompettiste de Cracovie qui se voyait au moins comme Wagner dans toute sa gloire lorsqu’il soufflait dans sa trompette de cuivre. Yisroel Ber le klezmer [clarinettiste] et Chetzkeleh le trompettiste étaient mes inoubliables virtuoses. Ce qu’ils possédaient de couleur, de rythme et de mélodie vivait et chantait en moi6. »

regarded himself in the act of playing the brass trumpet as if he were at least Wagner in all his glory. Yisroel Ber the klezmer and Chetzkeleh the trumpeter were my unforgettable virtuosos. Whatever they had of color, rhythm and melody lived and sang within me6.” The Wedding (fig. 9) from 1925, wherein a bride and groom are accompanied by a flutist, a tambourine artist and a violinist, visually express the juxtaposition of sound and sight noted in his comments. The couple is described on the closest plane of the canvas, engaged in a joyous dance, while between them and behind them are depicted the figures providing the music to accompany their celebration. This graphic work is one of great happiness and the tone added by the musical accompaniment, combined with the swinging motion of the bride and groom, indicate Kirszenbaum’s association of music with life in the shtetl. In most cases the artist’s group imagery of the shtetl, as noted in The Wedding, exhibit feelings of happiness, joy and celebration. Another example depicts the Hassidic Rabbi and his followers going to the synagogue and dancing on Simchat Torah. Dance of the Hassidim (fig. 10) reflects the emotional response of the artist to the experience of God through music that he remembered from his

Le Mariage (The Wedding) (fig. 9), de 1925, où l’on voit deux fiancés accompagnés d’un flûtiste, d’un joueur de tambourin et d’un violoniste, exprime visuellement cette juxtaposition du son et de la vision notée dans les commentaires du peintre. Le couple est peint au plus près de la surface du tableau, engagé dans une danse joyeuse, tandis qu’entre les deux danseurs et derrière eux on aperçoit les figures des musiciens qui accompagnent les festivités. Cette œuvre descriptive dégage une grande joie, et la tonalité qu’ajoute l’accompagnement musical, en se combinant au balancement de la future mariée et de son fiancé, souligne la façon qu’avait Kirszenbaum d’associer la musique à la vie du shtetl.

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youth. The artist depicts these religious men swaying, mostly with eyes closed, and clustering together in a strongly delineated pyramidal formation. Their intense absorption within their spirituality and belief, something which binds them emotionally, is well captured by Kirszenbaum. Disciples and Musicians (fig. 11) from 1925 offers another example of the artist’s celebration of the combination of music and spirituality in shtetl life. This work, however, incorporates an extremely current graphic structure – not surprising as it dates just after his exposure to more current compositional solutions at the Bauhaus. Kirszenbaum exploits the contrast inherent to ink by playing black and white off one another. His starkly linear style encloses the figures within a flat, two-dimensional space. Although the figures themselves exhibit a certain volume, breathing in and out with the tempo set by their musical instruments, the space they occupy is limited, trapping them within a world of goats and small huts. This graphic work exhibits the artist’s exploration of new artistic means toward creating even more personally expressive works.

Le plus souvent, les images de groupes d’habitants du shtetl que donne le peintre, comme on l’a noté pour Le Mariage, évoquent des sentiments de bonheur, de joie, de fêtes. Dans un autre exemple, on voit un rabbin hassidique et ses accompagnateurs qui se rendent à la synagogue et dansent à l’occasion de la célébration de la Torah (Simchat Torah). La Danse des Hassidim (Dance of the Hassidim) (fig. 10) reflète l’émotion de l’artiste au souvenir de cette expérience juvénile de Dieu au travers de la musique. L’artiste représente les hommes pieux en train de se balancer, les yeux clos pour la plupart et groupés en une formation pyramidale aux contours précisément indiqués. Leur absorption intense dans la spiritualité et la foi, qui les relie émotionnellement, est bien saisie par Kirszenbaum. Disciples et Musiciens (Disciples and Musicians) (fig. 11) de 1925 donne un autre exemple de la façon dont l’artiste célèbre l’union de la musique et de la spiritualité dans la vie quotidienne du shtetl. Cette œuvre intègre toutefois une structure graphique extrêmement courante – ce qui n’est pas surprenant car elle fut réalisée peu après sa confrontation avec les compositions plus contemporaines que proposait le Bauhaus. Kirszenbaum exploite le contraste entre le noir et le blanc indissociable de l’usage de l’encre. Son style radicalement linéaire enferme les figures dans un espace plat bidimensionnel. Bien que les figures elles-mêmes présentent un certain volume, respirant ou expirant selon le rythme qu’imposent leurs instruments de musique, l’espace qu’ils occupent est restreint et les piège dans un univers de chèvres et de petites cabanes. Cette œuvre très descriptive témoigne de la façon qu’avait l’artiste d’explorer de nouveaux procédés artistiques pour atteindre à des formes expressives encore plus personnelles. Kirszenbaum revint au thème de la vie joyeuse du shtetl dans une série d’aquarelles de 1945, dans l’immédiat après-guerre. Ces dix

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Disciples and Musicians, 1925, ink on paper, 50 Ă— 32 cm Family collection

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Disciples et Musiciens, 1925, encre sur papier, 50 Ă— 32 cm Collection familiale


Kirszenbaum returned to the theme of the joyous life within the shtetl in a series of watercolors that date to 1945, immediately following the end of the war. These ten images, depicting the men and women in the shtetl celebrating everyday life with music, dancing and conversation, are punctuated by bright, even luminous colors. Obviously reflecting his exposure to the more avant-garde modes of art picked up in Paris, they also incorporate looser attention to laws of spatial perspective and, in some cases, a nod toward early pointillism. Despite these changes, however, they serve as nostalgic reminders of what was lost and are, overall, extremely positive in nature. Man with a Cigarette (fig. 13), for example, shows both the everyday pleasure that a local figure enjoys during a break from work, and the affection and warmth found in a simple embrace, as noted in the couple behind. Again, while stylistically better understood within the context of the artist’s later exposure to modern artistic developments, and perhaps reflective of his current surroundings, this image beautifully illustrates the life he knew back in Staszów in the 1920s.

images qui représentent des hommes et des femmes du shtetl qui fêtent le quotidien en faisant de la musique, en dansant et en bavardant, sont ponctuées de couleurs vives et même lumineuses. Elles reflètent à l’évidence l’influence des pratiques artistiques plus avantgardistes que le peintre avait pu connaître à Paris et montrent aussi un relâchement par rapport aux lois de la perspective géométrique ; dans certains cas elles évoquent le premier pointillisme. Pourtant, malgré ces évolutions, elles restent des témoignages nostalgiques d’un monde perdu tout en étant, globalement, extrêmement positives par leur nature même. Homme à la cigarette (Man with a Cigarette) (fig. 13), par exemple, dépeint tout à la fois le plaisir quotidien qu’un personnage local s’octroie le temps d’une pause au travail, et l’affection et la chaleur d’une simple étreinte, celle du couple à l’arrière-plan. Ici encore, même si on la comprend mieux en la replaçant dans le contexte du contact ultérieur du peintre avec les courants artistiques modernes, et si elle reflète peut-être l’environnement qui était alors celui de l’artiste, cette image illustre magnifiquement la vie qu’il avait connue jadis à Staszów dans les années 1920.

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Man with a Cigarette, 1935, aquarelle, 47 × 35 cm Family collection

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Homme à la cigarette, 1935, aquarelle, 47 × 35 cm Collection familiale


GERMANY – THE BAUHAUS AND BERLIN – DUVDIVANI AND THE CARICATURES Although Kirszenbaum’s actual artistic career began at age twelve, with the execution of signboards and portraits7, it did not start to develop until his twenties. Understanding that there was absolutely no future for him in Poland, especially in the face of the repression of the Jews in Staszów, the artist left for a brief stint as a mine worker in Westphalia before moving on to the Bauhaus in Weimar Germany (fig. 12). Desperate to receive some kind of formal artistic training he was naturally attracted to this prestigious school. And indeed, there he worked side by side with well-known artists such as Paul Klee (1879-1940), Wassily Kandinsky (1866-1944) and Lyonel Feininger (1871-1956). Although his period at the Bauhaus was brief, dating from 1923-24, it had a major effect on his career. For the first time, the artist was exposed to avant-garde art, actual artistic instruction, and an atmosphere encouraging the development of his own style. He studied at the Bauhaus for a few semesters, taking advantage of this hothouse of artistic development in order to further his artistic abilities. Although his teachers, in particular Kandinsky, encouraged him toward abstract art, (as reflected above in Disciples and Musicians), Kirszenbaum was far more attracted to the figurative. He felt this style more suited to his expressive personality. Any decorativeness remaining from his Staszów period was subsumed within his search, now better informed, for the monumental and expressive in nature. Describing his experience at the Bauhaus, Kirszenbaum wrote, “Kandinsky, with the breath of his heart and the clarity of his thoughts, influenced me the most, especially in how he changed me from a formalist artist to a figurative one, and this, despite his own artistic inclinations.” Although the Russian artist espoused a more geometrical, linear form of abstraction by the time the two met, Kirszenbaum was very attracted to what he knew of his earlier Blue Reiter period. Kandinsky’s exploration of the expressive abilities found in the juxtaposition of large areas of unmitigated color, unhindered by their attachment to specific forms or lines, as noted in works such as The Blue Mountain from 1908, greatly influenced

LES DÉBUTS EN ALLEMAGNE : LE BAUHAUS, BERLIN – DUVDIVANI ET LES CARICATURES Même si la carrière artistique de Kirszenbaum a vraiment débuté alors qu’il n’avait que douze ans, lorsqu’il réalisa des panneaux publicitaires et des portraits7, elle ne commença à évoluer qu’après l’âge de vingt ans. Comprenant qu’il n’avait pas d’avenir en Pologne, surtout dans cette période de répression contre les Juifs à Staszów, l’artiste quitta son pays pour s’engager brièvement comme mineur en Westphalie, avant de partir rejoindre le Bauhaus dans l’Allemagne de Weimar (fig. 12). Dans sa quête désespérée de formation aux techniques artistiques, il avait été tout naturellement attiré par cette école prestigieuse. C’est là qu’il put en effet travailler aux côtés d’artistes renommés comme Paul Klee (1879-1940), Wassily Kandinsky (18661944) et Lyonel Feininger (1871-1956). Bien qu’il ne soit resté au Bauhaus que durant une brève période, en 1923-1924, ce séjour eut un effet majeur sur sa carrière. Pour la première fois, l’artiste fut en contact avec l’art d’avant-garde, il reçut un véritable enseignement artistique et on l’encouragea à développer son propre style. Il suivit les cours du Bauhaus pendant quelques semestres et tira parti des occasions qu’offrait cet incubateur artistique pour approfondir ses capacités artistiques. Même si ses professeurs, particulièrement Kandinsky, l’encouragèrent à aller vers l’abstraction (comme l’indiquent Disciples et Musiciens mentionnés plus haut), Kirszenbaum était davantage attiré par l’art figuratif. Il sentait que ce style convenait mieux à son type d’expression. L’aspect décoratif rescapé de la période de Staszów fut subsumé par sa quête, désormais mieux informée, du monumental et de l’expressif en soi. Décrivant son expérience du Bauhaus, Kirszenbaum remarque : « Kandinsky, avec son cœur et sa clarté de pensée, eut le plus d’influence sur moi, particulièrement en me transformant d’artiste formaliste en figuratif, et cela en dépit de ses propres préférences artistiques. » Bien que l’artiste russe ait adopté une forme d’abstraction plus géométrique, plus linéaire au moment de leur rencontre, ce qui attirait davantage Kirszenbaum, c’était ce qu’il connaissait de sa période précédente, celle du Blaue Reiter. L’exploration par Kandinsky du potentiel expressif des larges aplats de couleurs franches juxta-

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him. After all, their combined effect was powerful and revelatory of an interior world beyond that of the exterior one; their expression of inner feelings definitely inspired Kirszenbaum’s exploration of his own personal experience. Regarding Klee’s influence he wrote, “I was influenced deeply by Klee’s interior world and the variety within his endless imagery of dreams.” His Jonah Inside the Whale (fig. 14) 1950, depicting Jonah’s boat from above and flattened to the point where it becomes part of the decorative two-dimensional scheme of the sea, strongly recalls Klee’s style, as exemplified in his Fish Magic from 1925. Flat lines standing in for waves and linear fish weave their way around the boat and embrace it in a tight, safe decorative pattern. Both artists disregard any spatial illusionism and instead, describe their “realistic” subjects within entirely painterly frameworks — embracing the two-dimensional nature of the canvas itself. The reduced formalistic means offered in these examples propel the viewer into an interior world, one removed from the actual one, despite their seemingly “concrete” choices of subject matter (fig. 15 and 16). Although Kandinsky recommended Kirszenbaum as a teacher on the staff, Walter Gropius, who didn’t appreciate his embrace of Expressionism, denied him a position. Interested in not only developing his technique but also making a living from it, the artist decided to move on. Seeking the promise of a strong artistic market he went to Berlin. Once there he financed his painting expenses by giving Hebrew lessons and began work as an illustrator and cartoonist for

posés, libres de toute attache à des formes ou à des contours spécifiques — comme dans Montagne bleue de 1928 – eut une grande influence sur lui. L’effet créé par la combinaison des couleurs était puissant et révélait un univers intérieur existant au-delà du monde extérieur ; la façon dont cela exprimait les sentiments les plus intimes influença indéniablement l’exploration par Kirszenbaum de sa propre expérience personnelle. Concernant l’influence que put exercer sur lui Paul Klee, il remarqua : « J’ai été profondément influencé par le monde intérieur de Klee et par la diversité de ses innombrables images oniriques. » Son Jonas dans la baleine (fig. 14) de 1950 montre l’arche vue du ciel et aplatie au point d’apparaître comme un élément du motif décoratif bidimensionnel qui représente la mer ; l’œuvre rappelle clairement le style du Klee de La Magie du poisson de 1925. Les lignes plates qui figurent les vagues et le poisson schématique s’entretissent autour de l’arche et l’étreignent en un motif décoratif serré et protecteur. Les deux artistes refusent tout illusionnisme spatial et décrivent au contraire des sujets « réalistes » au sein de structures totalement picturales — incluant la bidimensionnalité de la toile elle-même. L’économie de moyens formels de ces toiles propulse l’observateur dans un univers intérieur éloigné du monde réel, en dépit du choix en apparence « concret » des sujets (fig. 15, 16). Malgré l’appui de Kandinsky à sa candidature à un poste d’enseignement au Bauhaus, Walter Gropius, qui n’appréciait pas sa façon d’envisager l’expressionnisme, refusa Kirszenbaum. Soucieux non

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Postcard from J.D. Kirszenbaum, dated 1920 Family archives

Carte postale envoyée par J. D. Kirszenbaum, datée de 1920 Archives familiales This postcard is the earliest record of Kirszenbaum's peripatetic lifestyle. The return address is Duisburg, Westphalia. Kirszenbaum relocated to this area, where he worked in local mines, immediately after his departure from Staszów. He writes to his nephew asking him to remember him and hoping that they'll be able to meet face to face one day. Cette carte postale est le plus ancien document conservé témoignant de la vie en perpétuel mouvement de Kirszenbaum. L’adresse postale indiquée pour la réponse est à Duisburg, en Westphalie. Kirszenbaum s’était réinstallé dans cette région où il avait travaillé dans les mines locales immédiatement après son départ de Staszów. Dans cette carte adressée à son neveu, il lui demande de ne pas l’oublier et espère qu’ils pourront se revoir un jour en tête à tête. 49


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Jonah in the Whale, 1950, oil on canvas, dimensions and location unknown Centre Pompidou — MNAM-Bibliothèque Kandinsky — Fonds Marc Vaux, Paris

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Jonas dans la baleine, 1950, huile sur toile, dimensions et localisation inconnues Collection du Centre Pompidou — MNAM-Bibliothèque Kandinsky — fonds Marc Vaux, Paris


a number of Berlin newspapers including Magazin fur alle, Der Quershnit, Der Rote Pfeffer and the Berliner Tageblatt 8. It was at this time that he adopted the pseudonym Duvdivani, the Hebrew word for his name: Cherry Tree. His illustrations from the Berliner Tageblatt, dating from 1927, primarily focus on the sexual morays of well-to-do Berliners. They are populated by portly gentlemen, smoking cigars, dining at restaurants or out dancing. In most cases these gentlemen are noted clutching a woman who is probably not their wife! The illustrations were accompanied by clever commentary intended to deepen the viewer’s understanding of the figure’s moral decrepitude. (fig. 18, 19, 20) One example is “Langweilige Zeiten” (fig. 17). In this illustration a man and woman are seated at a table. His hand is wrapped behind her back and clutches her buttocks in a lewd manner. The accompanying text suggests that adultery has become banal and that decency

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seulement d’améliorer sa technique mais aussi de vivre de son art, l’artiste décida de partir. Il se rendit à Berlin dans l’espoir d’y trouver un marché de l’art florissant. Une fois sur place, il finança les dépenses occasionnées par son activité de peintre en donnant des leçons d’hébreu, et il commença à travailler comme illustrateur et dessinateur de bandes dessinées pour plusieurs journaux berlinois dont le Magazin fur alle, Der Quershnit, Der Rote Pfeffer et le Berliner Tageblatt8. Ce fut à cette époque qu’il prit le pseudonyme « Duvdivani », traduction en hébreu de son nom qui signifie cerisier. Ses illustrations pour le Berliner Tageblatt, datées de 1927, se concentrent essentiellement sur les mœurs dissolues des Berlinois aisés. Elles sont peuplées de messieurs corpulents fumeurs de cigares qui dînent au restaurant et sortent danser. Dans la plupart des cas, ces hommes s’agrippent à une femme qui n’est probablement pas leur épouse ! Les illustrations s’accompagnent d’un commentaire malicieux destiné à souligner

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Fish, date, dimensions and location unknown

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Multiple Fish on Flat Backdrop, 1954, oil on canvas, 35 × 28 cm

Fonds Centre Pompidou — MNAM — Bibliothèque Kandinsky — Fonds Marc Vaux, Paris

Family collection

Poisson, s. d., dimensions et localisation inconnues

Plusieurs poissons sur un fond en aplat, 1954, huile sur toile, 35 × 28 cm

Collection du Centre Pompidou — MNAM-Bibliothèque Kandinsky — fonds Marc Vaux, Paris

Collection familiale 51


| FIG. 17 "Langweilige Zeiten", Duvdivani, Berliner Tageblatt, 1926, press caricature, 33 × 22 cm

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Duvdivani, « Langweilige Zeiten », 1926, caricature de presse, 33 × 22 cm, Berliner Tageblatt


pour le lecteur la décrépitude morale du personnage9 (fig. 18, 19, 20) Langweilige Zeiten (fig. 17) en donne un exemple. Dans cette illustration, on voit un homme et une femme attablés. La main de l’homme est glissée derrière le dos de la femme dont il empoigne les fesses d’un geste lascif. Le texte d’accompagnement suggère que l’adultère est devenu banal et que la décence est, au contraire, attirante et désirable. Ces illustrations qui représentent la société berlinoise de la fin des années 1920 suggèrent que la nouvelle vie de Kirszenbaum était très éloignée de celle qu’il menait au shtetl. Elles rappellent beaucoup les œuvres graphiques de Georg Grosz (1893-1959), également à Berlin à cette époque, et qui réalisa lui aussi des satires de la société allemande où l’on voit des hommes ventripotents se comporter vulgairement. Un excellent exemple des œuvres qu’il a réalisées dans ce style est donné par Fabriqué en Allemagne (Made in Germany), publié en 1929 comme partie du portfolio Gott mit uns (Dieu avec nous). La participation de Kirszenbaum aux cercles artistiques berlinois était apparemment assez forte. Il semble que son ami Paul Citroen, rencontré lors des années passées au Bauhaus, l’ait présenté à Herwarth Walden, le fondateur de Der Sturm. À l’origine, Der Sturm avait été conçu par Walden comme un magazine dédié au mouve-

is instead appealing and desirable. These illustrations of Berlin society in the late 1920s suggest that Kirszenbaum’s new life was a far cry from that left behind in the shtetl. They greatly resemble the graphic work of Georg Grosz (1893-1959), also in Berlin during this time and also executing satires of German society featuring corpulent Berlin gentlemen participating in vulgar behavior. An excellent example of his work in this genre is “Made in Germany” published in 1920 as part of his portfolio God with Us (Gott mit uns). Kirszenbaum’s involvement in Berlin artistic circles apparently ran quite deep. It seems that his friend Paul Citroen, whom he had met during his period at the Bauhaus, had introduced him to Herwarth Walden, the founder of Der Sturm. Der Sturm was originally developed by Walden as a magazine devoted to the expressionist art movement. It featured literary, dramatic and artistic works as well as essays on art theory written by Walden himself. Its influence within Berlin artistic circles was significantly enhanced by Walden’s organization of artistic exhibitions, first under the auspices of the Galerie Der Sturm and afterwards independently. His role in emphasizing the significance of Jewish artists in the development of Expressionism, based not on sentimental or socialist inclinations but instead, on artistic assessment, cannot be overstated10. For Kirszenbaum, the

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“Der Sportlische Hausfreund”, Duvdivani, Berliner Tageblatt, 1926, press caricature, 33 × 22 cm

“Optische verwirrung", Duvdivani, Berliner Tageblatt, 1926, press caricature, 33 × 22 cm

“Bureau gesprach", Duvdivani, Berliner Tageblatt, 1926, press caricature, 33 × 22 cm

Duvdivani, « Der Sportlische Hausfreund », 1926, caricature de presse, 33 × 22 cm, Berliner Tageblatt

Duvdivani, « Optische verwirrung », 1926, caricature de presse, 33 × 22 cm, Berliner Tageblatt

Duvdivani, « Bureau gesprach », 1926, caricature de presse, 33 × 22 cm, Berliner Tageblatt.

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Self-portrait, c. 1925, oil on canvas, 55 × 37.5 cm Frans Hals Museum collection, Haarlem

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Autoportrait, vers 1925, huile sur toile, 55 × 37,5 cm Collection du musée Frans Hals, Haarlem


connection to this integral figure in the Berlin artistic scene was profound. Through Walden’s support Kirszenbaum organized a solo exhibition at the Galerie Der Sturm, in April 1927, featuring eighty of his works and accompanied by a three page leaflet11. It is very possible that the Self-Portrait in the Franz Hals Museum dates to this period (fig. 21). This image shows the artist as a confident up-and-comer. Dressed up in modern city clothes and with head depicted at a haughty angle, it illustrates his new status as a young city man very well. The planes of the picture are reduced to smooth, machine-like sections and there is no delineation of flesh or wrinkles. Instead all has been reduced to volumetric places very much suggesting the style contemporarily espoused by Feininger. The coloring of the image, with its brash green, reflects the impetuous life he encountered while establishing his career in Berlin. This new, city-wise Kirszenbaum gazes confidently out at the viewer, establishing his presence in our lives. The graphic works which date to this period in Berlin show strong influence of Cubism and the Russian avant-garde. An excellent example is Studying the Maïmonide (fig. 22) from 1925. Here an image of the Maïmonide’s Heder, filled with students, is described by a nest of flat planes within which figures and objects, broken down from their natural three-dimensional state to conform to the twodimensional paper, jostle for space. The respect for the flat surface and the denial of volume noted in this work recall Russian Constructivist works by artists such as El Lissitsky (1890-1941) and Boris Aronson (1898-1980). Kirszenbaum was familiar with both of these artists’ work. The use of letters within the text, further affirming the flat surface of the canvas, recalls the Cubist style to which Kirszenbaum had also been exposed by this time. Despite his interest in many of the most avant-garde artistic developments of his time, as he matured, Kirszenbaum began to espouse a more curvilinear, thicker and more expressive style. His imagery is specifically rounder in form than that to which he was exposed in Berlin. This might have been prompted by his awareness of the slightly earlier work of artists Ludwig Meidner (1884-1966) and Jakob Steinhardt (1887-1969), the founders of the Berlin

ment expressionniste. La revue réunissait des contributions littéraires, théâtrales et d’art plastique, ainsi que des essais sur la théorie de l’art rédigés par Walden lui-même. Son influence au sein des cercles artistiques berlinois était encore renforcée par le fait que Walden organisait des expositions, d’abord sous l’égide de la galerie Der Sturm, puis de façon indépendante10. On ne saurait trop insister sur le rôle qu’il joua en soulignant l’apport significatif des artistes juifs dans le développement de l’expressionnisme ; ce jugement ne se fondait pas sur des inclinations sentimentales ou socialistes mais sur des critères purement artistiques11. La relation de Kirszenbaum avec ce personnage incontournable du milieu de l’art berlinois était profonde. C’est grâce au soutien de Walden que Kirszenbaum put monter une exposition personnelle de son travail à la galerie Der Sturm en avril 1927 ; elle réunit quatre-vingts œuvres et s’accompagna d’un fascicule de trois pages12. Il est fort possible que l’Autoportrait (Self-Portrait) (fig. 21) conservé au Frans Hals Museum date de cette période. Cette image montre un artiste plein d’avenir et sûr de lui, vêtu comme un citadin moderne, le visage tourné d’une façon hautaine. Elle illustre bien son nouveau statut de jeune homme de la ville. Les plans du tableau sont segmentés en surfaces lisses et mécaniques et rien n’y indique la chair ni les rides. Tout se réduit au contraire à des volumes qui évoquent fortement le style qu’avait adopté à la même époque Lyonel Feininger. Le coloris de l’image, avec son vert criard, reflète la vie agitée qu’il menait tandis qu’il tentait d’asseoir sa carrière à Berlin. Ce nouveau Kirszenbaum, citadin averti, regarde le visiteur avec assurance, affirmant sa présence dans nos vies. Les œuvres graphiques de cette période berlinoise montrent une forte influence du cubisme et de l’avant-garde russe. Un exemple en est excellemment donné par L’Étude du Maïmonide (Studying the Maïmonide) (fig. 22) de 1925. Ici, l’image de l’école où l’on étudie le Maïmonide, remplie d’élèves, est représentée par un réseau de plans où les personnages et les objets, dont le volume tridimensionnel a été éclaté pour se conformer aux deux dimensions du papier, se bousculent pour trouver leur espace. L’attention portée à la surface plane et la négation du volume rappellent les œuvres de certains

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Expressionistic art group called Die Pathetiker (The Suffering Ones) in 1912. Their use of a primarily expressionistic style, within the medium of graphic arts, to describe the contemporary experience of the Jewish people, no doubt influenced Kirszenbaum at this still early stage in his artistic development. Steinhardt’s Terror and Flight from 1922 shares much in terms of both style and theme with Kirszenbaum’s oeuvre from the 1940s describing the plight of the Jews seeking to flee their homeland. While working as a press illustrator Kirszenbaum met his wife and participated in several exhibitions including local ones, like the “Juryfreie Kunstaustellung” in 1929, and international ones, such as that in Utrecht, Holland in 1931. However, his personal and artistic development was disrupted by the unsettled situation in Nazi Germany. When the Nazis entered power in 1933 many foreigners, such as Kirszenbaum, became targets. The artist’s socialist tendencies worked against him. Kirszenbaum was a member of the Revolutionarer Bildender Kunstler (ASSO-BRBKD-ARBKD). All artists associated with this alliance of Communist artists, founded in 1928, were considered as “degenerate” and their works burned or destroyed. Once again Kirszenbaum had to move elsewhere in order to continue his work. In 1933 he and his wife left all of their belongings behind and fled to Paris.

constructivistes russes comme El Lissitzky (1890-1941) et Boris Aronson (1898-1980). Kirszenbaum connaissait bien le travail de ces deux artistes. L’utilisation de caractères écrits dans le texte, qui souligne encore la planéité de la toile, évoque le style cubiste auquel Kirszenbaum avait déjà été confronté à l’époque. Malgré son intérêt pour les évolutions les plus avant-gardistes de l’art de son temps, à mesure que son style mûrissait, Kirszenbaum commençait à adopter une manière curvilinéaire, plus épaisse et plus expressive. Ses images en particulier sont de formes plus rondes que celles qu’il pouvait voir à Berlin. Peut-être s’inspirait-il des œuvres un peu antérieures de Ludwig Meidner (1884-1966) et de Jacob Steinhardt (18871969), fondateurs en 1912 du mouvement d’art expressionniste berlinois Die Pathetiker (Ceux qui souffrent). Sans doute leur style essentiellement expressionniste, qui utilisait les techniques des arts graphiques pour décrire l’expérience contemporaine des populations juives, influença-t-il Kirszenbaum à ce stade encore précoce de sa formation artistique. Terreur et Fuite (Terror and Flight) de 1922, de Jacob Steinhardt, s’apparente de bien des façons, stylistiquement et thématiquement, au travail de Kirszenbaum dans les années 1940 où il décrit les situations désespérées des Juifs cherchant à fuir leur patrie. Alors qu’il travaillait comme illustrateur de presse, Kirszenbaum rencontra celle qui deviendra son épouse et participa à plusieurs expositions, certaines locales comme « Juryfreie Kunstaustellung » en 1929, et d’autres internationales comme celle d’Utrecht, aux PaysBas en 1931. Mais son évolution personnelle et artistique allait être interrompue par l’instabilité de la situation dans l’Allemagne nazie. Lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir en 1933, de nombreux étrangers, comme Kirszenbaum, furent pris pour cibles. Ses sympathies socialistes le rendaient vulnérable. Kirszenbaum était membre du Revolutionarer Bildender Kunstler (ASSO-BRBKD-ARBKD). Tous les artistes affiliés à cette union d’artistes communistes fondée en 1928 étaient considérés comme « dégénérés » et leurs œuvres brûlées ou détruites. Une fois encore, il fallait que Kirszenbaum parte et trouve un autre endroit où pouvoir travailler. En 1933, accompagné de sa femme, il laissa tout derrière lui et s’enfuit vers Paris.

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FIG.

22

Studying the Maïmonide, 1925, ink on paper, 50 × 32 cm Family collection

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FIG.

22

L’Étude du Maïmonide, 1925, encre sur papier, 50 × 32 cm Collection familiale


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FIG.

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Vase with Flowers, 1941, oil on canvas, 46 × 34 cm Family collection

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FIG.

23

Vase de fleurs, 1941, huile sur toile, 46 × 34 cm Collection familiale



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