Cet ouvrage a bénéficié du soutien de la Fondation Bergé.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © André Goldenberg, 2014 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination éditoriale : Astrid Bargeton assistée d’Anne Malary Contribution éditoriale : Anne-Claire Juramie Conception graphique : François Dinguirard Conception graphique de la couverture : Nelly Riedel Adaptation graphique : Ariane Aubert, Sophie Durand, Larissa Roy Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN 978-2-7572- 0872-4 Dépôt légal : septembre 2014 Imprimé en Italie (Union européenne)
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André Goldenberg
Art chez lesJuifs du Maroc
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Sommaire D’où venaient les Juifs du Maroc ?
p. 7
Les symboles juifs fondamentaux
L’expression du sens artistique chez les Juifs du Maroc
p. 21
Les arts du métal
p. 35
Les métaux précieux, or et argent Les parures de ville L’orfèvrerie à vocation religieuse La diversité des bijoux ruraux
Les métaux non précieux
L’art, signes et symboles
p. 36
p. 38 p. 60 p. 76
Figures géométriques, végétaux, objets Arcades et arcatures dans l’art juif
p. 94
p. 111
La soie p. 112
p.2 22
Décors anthropomorphes
p.2 30
Notes p. 234 Carte des communautés juives p. 235 au Maroc vers 1950
p. 151
Glossaire p. 236 p. 153
La peau et le cuir Les trésors du cuir Le parchemin et l’enluminure Les instruments de musique
Le monde animal, espace de liberté
Annexes p. 234
La laine p. 151 Les Juifs et l’art dans d’autres artisanats
p.1 96
p. 196 p. 218
Conclusion p. 233
Les tissages p. 114 La passementerie p. 118 La soie et le fil d’or p. 122 Les broderies de soie p. 140 La teinture et le tissage
p. 184
La menora p. 186 L’arbre de vie p. 189 Les Tables de la Loi p. 190 Jérusalem p. 191 Les colonnes du Temple p. 192 Les mains p. 194 La couronne p. 195
Ornementations diverses
Le cuivre p. 94 Le fer p. 106 L’art dans le domaine des textiles
p. 181
p. 154 p. 160 p. 168
Bibliographie sélective p. 154
p. 237
Remerciements p. 239 Crédits photographiques
p.2 40
Le bois p. 170 La céramique et le travail de la pierre p. 176
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À
l’heure actuelle, la population de confession juive au Maroc ne compte plus que quelques milliers de personnes. Elle est citadine, relativement aisée et occidentalisée ; il est difficile d’imaginer ce qu’il en était il y a quelque cinquante ou soixante ans.
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p. 6 Jeune femme juive des Beni Sbih, à Tagounit, dans la vallée du Draa, au sud de Zagora. Elle porte les grandes fibules d’argent moulé caractéristiques de sa communauté. La coiffe qui couvre ses cheveux, exigée par la tradition juive, est rehaussée d’une parure de tête en argent.
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Page de droite Raymond-Jean Crétot-Duval, Porte du mellah de Salé, 1925. Huile sur toile. 37 x 47 cm. Collection particulière. Ancienne « porte de la mer » qui permettait aux bateaux des corsaires d’entrer au port dans l’enceinte de la ville. Après le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, qui détourna le lit du fleuve Bou Regreg, l’ancien port fut transformé en mellah.
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Les communautés qui ont existé dans ce pays pendant des siècles avec des fortunes diverses avaient atteint au fil du temps une importance numérique notable, la plus grande au début du xxe siècle dans un pays musulman, et sans commune mesure avec le groupe résiduel encore présent. Leurs places et leurs rôles dans le paysage de la nation marocaine étaient particuliers. Leur émigration presque totale au milieu du xx e siècle vers d’autres horizons s’est réalisée dans un intervalle de temps très bref au regard de l’Histoire. Elle a eu pour mobiles principaux la création de l’État d’Israël en 1948 et la fin des protectorats français et espagnol en 1956. Au début des années 1960, soit en environ une quinzaine d’années, les structures sociales, les activités économiques et le patrimoine – tant matériel qu’immatériel –, qui étaient traditionnels pour l’immense majorité des Juifs du Maroc, ont purement et simplement disparu. Dans cette précipitation, dans le vide inattendu ainsi créé, le souci de conserver des traces pérennes de lieux ou de modes de vie pourtant séculaires ne s’est pas imposé sur le moment. Et plus tard, lorsqu’il a commencé à émerger, le temps passé et la dispersion des objets ou des témoins ont constitué des obstacles et mis en évidence des lacunes irrémédiables. Certes, des écrits ont peu à peu apporté des contributions, mais le manque d’illustrations est patent. Cependant, images et objets auraient pu être plus parlants que de longues descriptions.
On ne peut se dispenser de prendre en compte le contexte historique pour donner une idée de la pluralité des origines de la population juive marocaine. Son expression propre reflétera les sources vives auxquelles elle a pu s’abreuver au cours des temps, tandis qu’elle s’adaptait au pays musulman où elle s’était installée. La dispersion des communautés juives hors de Palestine, commencée au ixe siècle avant J.-C., et les lieux d’accueil des exilés étaient souvent provisoires. Seule l’archéologie aurait pu fournir des datations certaines, les légendes locales1 qui ont traversé les siècles ne peuvent être prises en compte. Le premier témoignage indiscutable d’une présence juive au Maroc a été la mise au jour dans les fouilles de Volubilis (près de Meknès) d’une inscription funéraire en hébreu sur une dalle2 et d’une lampe de bronze ornée d’un symbole juif caractéristique, un chandelier à sept branches (la menora), datée des ive et ve siècles3. Puis, dans des textes recensés par Maurice Eisenbeth dans son Essai historique 4, on trouvera des mentions d’implantations autrefois dispersées, du Rif à Fès, ou, plus au Sud, dans le Tafilalt et la vallée du Draa. Les Juifs les plus anciennement présents sur le sol marocain conservaient les particularités d’un judaïsme marqué par leur origine orientale ; par ailleurs, ils avaient adopté l’habitat et le mode de vie des populations locales. Les réactions de celles-ci ont varié selon les époques, la tolérance étant mêlée, comme cela est le cas en général envers les minorités, d’une forme plus ou moins marquée de discrimination, qui, à certaines époques, a pu aller jusqu’à mettre en péril l’existence même de communautés.
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Pierre tombale trouvée sur le site de Volubilis. Sur l’inscription en caractères hébraïques carrés, qui se rencontrent dans les inscriptions des premiers siècles de l’ère chrétienne, on peut lire : « Matrona, fille du rabbin Ichoua Nouah ». Lampe à huile en bronze, fabrication romaine des ive-vesiècles. Hauteur : 11,4 cm. Musée archéologique de Rabat. Cette lampe porte un symbole juif, une menora. Découverte dans les ruines de Volubilis (ville romaine proche de l’actuelle cité de Meknès), elle témoigne d’une présence juive dans ce lieu à cette époque.
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Rue principale du nouveau mellah de Fès. L’architecture juive se distingue par l’ouverture de fenêtres et la présence de balcons sur l’extérieur.
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Page de droite Ketouba d’Essaouira, contrat de mariage entre David Abouhsira et Simha Lévy, 1859. 31,5 x 45,5 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Détail d’un collier qui comporte notamment des cylindres en or décorés d’émaux cloisonnés et de filigrane, Tetouan, xviiie siècle. Musée de l’Institut du monde arabe, Paris. Les éléments émaillés dits qannuta reproduisent fidèlement ceux de colliers d’époque nasride (xiiie-xve siècle) de l’Espagne musulmane.
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Collier lebba. Parure classique de mariage de Fès. Il comporte sept pendeloques constituées de plusieurs éléments, séparées par des perles d’or creuses. Musée des Oudaïas, Rabat. Page de droite Francisco Lemeyer y Berenguer, Noce juive à Tanger, 1875, détail. Huile sur toile. Hauteur : 128 cm. Collection particulière.
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Une vague importante d’immigration juive au Maroc est venue d’Espagne à la fin du xve siècle. Des Juifs établis au sein de la population d’Andalousie musulmane avaient déjà émigré auparavant vers le Maroc, mais c’est la publication par les Rois Catholiques d’un édit d’expulsion en 1492 qui a eu un impact crucial sur le monde juif d’Espagne. En une période très courte, des dizaines de milliers d’immigrants se sont dispersés essentiellement dans des pays méditerranéens. Au Maroc, ils s’installèrent à Tetouan qui offrait sa vacuité depuis le siècle précédent, mais aussi dans les cités où existaient déjà des communautés juives, comme Fès ou Tanger, et dans des villes
de la côte atlantique, telles Larache, Azemmour, El Jadida ou Safi ; un petit nombre de nouveaux arrivants dépassa l’Atlas et se fixa dans les régions côtières du Sous. Dans la plupart des grandes villes, les Juifs furent progressivement contraints de se regrouper dans des quartiers dénommés mellahs, où leur sécurité devait être mieux assurée à l’intérieur d’un rempart. Ce n’était pas le cas dans d’autres cités comme Tanger, Nador ou Essaouira. Les secteurs d’activité les plus ouverts aux Juifs citadins étaient le commerce et l’artisanat, qu’ont pratiqués un grand nombre d’entre eux5.
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Les nouveaux venus, fiers du renom de la brillante période d’al-Andalus, ont rencontré des difficultés d’intégration quand ils sont arrivés parmi des Juifs plus anciennement installés. Il est certain que les Séfarades (les Espagnols) ont véhiculé des particularités qui rompaient avec les traditions antérieurement existantes au Maroc6. Dans le domaine matériel, l’empreinte de l’héritage qu’ils ont légué est souvent visible. Les Juifs installés dans les régions rurales habitaient
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des villages isolés ou un hameau particulier dans les agglomérations qui parsemaient les oasis. Ces localités ne se différenciaient pas par leur architecture, mais, habitées seulement par des Juifs, elles furent également désignées sous le nom de mellah. La grande majorité de ces petites localités se rencontraient dans les vallées de l’Atlas, et dans le Sud, dans les oasis présahariennes et l’Anti-Atlas.
Page de gauche Gravure représentant une femme juive en tenue de mariée, publiée par Oskar Lenz dans son livre Voyage à travers le Maroc et le Soudan, Leipzig, 1892. Ce somptueux costume de velours brodé de fil d’or a été introduit au Maroc par les Juifs séfarades.
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Détail du plastron d’un costume de mariée juive de Rabat brodé de fil d’or. Largeur : 27 cm. Collection Sonia Azagury.
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Les villages étaient généralement implantés le long d’une voie de communication, pour être aisément accessibles à la population d’un assez large domaine. Les Juifs de certains mellahs étaient spécialisés dans des artisanats utiles pour toutes les familles de la région ; leur clientèle était naturellement juive, mais évidemment prioritairement musulmane. Ils assuraient ainsi dans une large mesure la fabrication des bijoux, le travail du cuir, du bois ou la teinture des fibres textiles. Beaucoup proposaient leurs services dans les marchés hebdomadaires pour de petits travaux de réparation et leur condition était précaire. Dans leur globalité, les Juifs du Maroc formaient une tranche de la population aux revenus relativement modestes, à côté de cas particuliers où la réussite avait été au rendez-vous. Dans un autre ordre d’idée, il faut noter dans le monde rural qu’avant le protectorat – qui au sud de l’Atlas n’assura son emprise qu’au début des années 1930 – les dissensions entre tribus étaient fréquentes, ce qui rendait la circulation périlleuse dans les régions qui séparaient deux villages notoirement opposés. Si les habitants des mellahs se consacraient essentiellement à des activités commerciales et
artisanales, leur place, sur le plan local, était particulière car « éléments de la société, étrangers à la tribu, les Juifs vivaient en dehors du système politique des alliances et des rivalités. Les Musulmans se fiaient donc à eux, membres neutres de la société, pouvant traverser les frontières tribales et remplir des tâches importantes en tant que marchands, colporteurs, artisans itinérants7 ». Les départs des familles juives au siècle dernier n’étaient pas des déménagements. Les émigrants étaient obligés de se séparer de la quasi-totalité de leurs biens, qui se sont retrouvés dans les bazars. Les productions dont les images sont regroupées dans cet ouvrage font donc partie d’une écume à la fois disparate et sélective, des pièces d’une certaine valeur matérielle ou religieuse flottant ainsi sur un océan insondable où sont enfouis à jamais les témoins passifs et inanimés de la vie juive au Maroc. Les musées locaux ne s’étaient pas penchés sur le patrimoine juif ; de rares résidents marquèrent à l’époque de l’intérêt pour ces curiosités. La plus grande partie des objets juifs du Maroc qui ont été sauvegardés appartiennent à des collections privées maintenant détenues dans plusieurs pays étrangers.
Caractéristiques des communautés juives marocaines
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• Une histoire comportant des déplacements plus ou moins anciens et répétés, à partir d’une origine proche-orientale.
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• Des regroupements toujours minoritaires, avec comme corollaire obligé une cohésion affirmée des groupes juifs autour de leurs convictions religieuses et de leurs traditions.
Galon de passementerie tissé sur un métier à cartons. Largeur : 3,8 cm. Collection Sonia Azagury. Dans le décor s’entrelacent des étoiles à six branches.
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• Des activités compatibles avec un environnement où la possession de la terre et son travail n’ont eu que peu de place, du moins dans ces derniers siècles – ce qui a entraîné une délimitation parfois très nette des secteurs d’activité qui leur étaient ouverts.
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Large bracelet ouvrant orné de filigrane et d’émaux. Largeur : 4,4 cm. Collection Zette Guinaudeau. Fabriqué par les Juifs de la région proche du massif du Siroua, ce bracelet était porté par les Aït Ouaouzguit.
D’où venaient les Juifs du Maroc ?
Mariage juif à Tiilit, dans la vallée du Dadès. La mariée porte le diadème et le costume particuliers de la région.
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LES SOUKS
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Dans les régions rurales peu peuplées du Maroc, notamment dans l’Atlas et plus au Sud, l’approvisionnement nécessaire pour l’alimentation et les autres activités matérielles, en fait la quasi-totalité des rapports tant commerciaux qu’humains se concentraient sur les souks, marchés hebdomadaires qui se tenaient dans certaines localités, à tour de rôle au fil de la semaine dans une région, voire parfois même dans un lieu-dit isolé simplement cerné d’un mur. Les habitants des villages alentour avaient parfois des distances importantes à parcourir pour cet indispensable rendez-vous. C’était en général les hommes qui s’y rendaient, à pied ou sur de modestes montures, seuls ou en petits groupes, où se mêlaient autrefois les musulmans enturbannés et les juifs des mellahs voisins, avec leur calotte noire. Dès le matin, le jour du souk, les étals s’improvisaient sous des toiles de tente, plus ou moins regroupés par quartier selon les activités ; les artisans venaient avec les outils de leur profession et assuraient à la fois ventes et petites réparations.
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En haut Petit groupe d’habitants d’Irhil n Oro (deux Juifs et un Musulman) se rendant à un souk dans la région de Taliouine. En bas Un savetier juif au souk de Demnate (Haut Atlas central).
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LES MELLAHS ruraux Les mellahs (habités uniquement par des Juifs) sont construits exactement comme les autres villages du voisinage. Dans la vallée du Dadès, le matériau utilisé est le pisé, terre humide tassée dans des coffrages que l’on superpose jusqu’à atteindre une bonne hauteur. Sur la rue, les fenêtres sont de taille très réduite, hors de portée du regard des passants. Le style local se reconnaît aux décorations géométriques fort attrayantes, qui sont obtenues par une disposition particulière de briques crues, faites de terre et de paille hachée, moulées puis séchées.
En haut Un village juif en pays berbère, 1952. Le mellah (village juif) de Tissent dans la tribu des Aït Bou Oulli, à l’est de Demnate (Haut Atlas central). Bâti en pisé, il ne diffère en rien des villages berbères des environs. Le petit dôme visible sur le terre-plein devant les maisons est un four à pain, construit pour cuire le pain azyme pour la Pâque. En bas Une rue du mellah d’Ouarzazate, vers 1950.
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Les mellahs sont fréquentés pour affaires, relations ou commodité par les Musulmans d’agglomérations proches.
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p. 20 Détail de couvre-mezouza en argent plané, ajouré et ciselé, sur fond de velours bleu, Marrakech, 1950. Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris. L’inscription comporte le nom de famille de la mariée : Halakhmi, et un souhait de bonheur : « Mazal tov ».
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’expression du sens artistique parmi les Juifs du Maroc n’a jusqu’ici suscité aucune recherche systématique, alors qu’il s’agit d’une population d’origine ancienne, aux traditions vigoureuses et à l’histoire riche en événements. Ces mêmes ferments constituent ailleurs les ingrédients de la naissance des civilisations…
qui existe entre elles quand elles remplissent une même fonction. Comme cela a été dit précédemment, les communautés juives étaient très attachées à la préservation de leurs traditions, elles y voyaient le gage de leur persistance, de leur survie en tant que collectivités devant perpétuellement se définir comme immuables.
Le sens artistique est un attribut universel des êtres humains, l’art étant l’expression de leurs idéaux esthétiques. La différence profonde qui existe selon les pays dans ce qu’évoque le mot « art » lorsqu’il est accolé au mot « objet » dépend de la fonction que remplit ce dernier. Dans les civilisations anciennes du Maroc, la mise en place d’objets dans l’environnement personnel ou collectif dans le but unique d’apporter un agrément visuel était une pratique qui n’avait pas cours. Rien n’était créé pour être seulement une œuvre d’art, ou, si l’on veut, l’art pour l’art n’existait pas.
Un certain nombre de types de formes se sont donc naturellement imposés, la tendance à apposer sa marque en multipliant des modifications partielles mais bien visibles ou en créant des modèles nouveaux étant contraire par définition au terme de traditionnel. Peu d’objets déclinaient pour un même usage une réelle variété de modèles. En conséquence, la beauté, le talent créatif ne pouvaient se lire que dans les décors ; l’art était décoratif, sans que l’on puisse voir là une connotation péjorative. De plus, d’une manière générale, le travail manuel, individuel, qui est à l’origine des réalisations artisanales, confère à celles-ci un caractère exceptionnel, celui d’être toutes des pièces uniques1.
Les productions, forcément artisanales dans des conditions de vie encore rustiques, avaient par principe un but utilitaire : pour l’observance de prescriptions religieuses, pour les nécessités et les occupations de la vie courante, pour la parure et le vêtement ou en complément du petit mobilier. Une des caractéristiques des productions artisanales traditionnelles est la grande ressemblance
Il est indéniable que la tradition, comme tout conditionnement rigide, est réductrice. Par-là même, elle est, par définition, en opposition avec les tendances innovantes reconnues ailleurs à la création et à l’expression artistique.
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Quand les Juifs étaient encore nombreux au Maroc, la beauté naissait donc ici et là, dans les ruelles étroites des mellahs, dans des ateliersboutiques pour la plupart exigus et sombres, où œuvraient les diverses catégories d’artisans. Leur religion a influencé d’une manière positive le fait qu’ils se soient tournés vers des artisanats, valorisés par les exemples donnés par des rabbins. Ceux-ci n’étaient pas uniquement des maîtres spirituels, certains gagnaient leur vie dans la pratique d’une profession manuelle2. La littérature talmudique renferme de nombreuses incitations à l’apprentissage d’un artisanat, dont elle fait l’éloge. Dans la Bible, Le Seigneur n’avait-il pas dressé le portrait idéal de l’artisan, en présentant à Moïse
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celui qui érigera le Sanctuaire dans le désert : « Je l’ai rempli d’inspiration divine, d’intelligence, de sagesse et d’aptitude pour tous les arts » ; et Il avait défini les domaines essentiels dans lesquels devait s’exercer son talent : « Il saura combiner les tissus, mettre en œuvre l’or, l’argent et le cuivre, enchâsser la pierre, travailler le bois, exécuter toute espèce d’ouvrage3. » Et le nom de l’artisan désigné était Betsalel (en hébreu, « l’ombre de Dieu »). On se penchera, naturellement, sur les travaux des artisans dont les productions, dans leurs formes et surtout dans leurs décorations, offraient un champ d’expression particulièrement large au sens artistique. Comme tout le peuple des mellahs, ces artisans avaient dans la tête, dans le cœur, des sentiments très profonds qui les liaient à Dieu et à la famille. Cela se reflétait avec une évidence plus ou moins grande dans l’aspect esthétique des objets qu’ils fabriquaient. Conférer, même inconsciemment, de la beauté à celles de leurs créations qui étaient destinées à un usage religieux, c’était d’abord participer à la célébration de la gloire de Dieu, pour l’honorer dans Son Temple, la synagogue, et dans chaque foyer, lors du Chabbat hebdomadaire, comme à l’occasion des fêtes religieuses.
Dinandier dans son atelier à Marrakech, dans les années 1950. Page d’un manuscrit enluminé pour Pessah, Outat el Haj, xixe siècle. 10,5 x 18 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv. L’ouvrage contient la Haggada, des prières et des pioutim en judéo-arabe. Il a été écrit en caractères hébraïques pour Jacob ben Messaoud ben Zenou par le scribe Moché ben Yshac ben Maman.
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Mais celles-ci sont trop impérieuses, trop universelles pour perdre complètement la partie, elles trouvent des moyens de contournement en se réfugiant le plus souvent dans des détails de l’ornementation, champs d’action du trait personnel, marques tenaces et anonymes signatures, en même temps qu’éventails des voies suivies. L’évolution se glisse plus ou moins insidieusement dans l’accumulation de petites innovations qui peuvent être admises par le groupe.
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Paire de tappuhim (ornements des bâtons sur lesquels s’enroule le Sefer Tora). Hauteur : 30 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Argent partiellement doré et émaux champlevés bleus caractéristiques de Meknès.ès.
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Paire de tappuhim en argent ciselé avec des parties dorées. Hauteur : 34,5 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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LE DÉCOR DES OBJETS USUELS De simples objets usuels, réalisés dans des matériaux modestes, ont aussi donné lieu dans le monde rural à l’expression du sens décoratif des artisans. Une boucle de harnachement du Moyen Atlas a pu ainsi être agrémentée d’une plaquette de bronze portant des émaux champlevés, caractéristiques du travail des bijoutiers des Zaïane, qui s’étaient inspirés d’une technique citadine bien connue à Meknès. Un peigne de tisserande, objet banal, offre un étonnant décor imaginé par le forgeron, qui, dans les campagnes, était un artisan juif.
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Plateau de cuivre jaune plané et gravé d’un fin décor de rinceaux et de motifs floraux. Diamètre : 50 cm.
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Paire de chaussures de cuir du centre de l’Anti-Atlas, tribus des Idaou Nadif et Idaou Kensous. Collection Frieda Sorber. Décor de broderies de soie et, à la partie supérieure des très hauts quartiers (25 cm), travail de cuir estampé, ajouré et teint. Peigne de tisserande en fer gravé. Largeur : 21 cm. Collection particulière.
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Boucle de harnachement en fer et bronze émaillé sur une sangle décorée de passementerie de soie et de fil d’or. Largeur de la plaque émaillée : 8 cm. Musée ethnographique de Bab el Oqla, Tetouan. Partie d’une boiserie ornementée de rosaces tournantes. Diamètre des rosaces : 12 cm. Musée du quai Branly, Paris. Travail des menuisiers juifs de la région des Aït Ouaouzguit. Bois d’acacia incisé et peint.
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Selle de cheval en cuir largement orné de broderies au fil d’argent. Diamètre de l’étoile sur la partie gauche : 26 cm. Musée Dar Belghazi, Sidi Bouknadel, Salé. Remarquable composition dans l’imbrication d’étoiles à six branches, de rosaces, etc. Ajout de passementeries.
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Les métaux précieux, OR ET ARGENT
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Page 34 élément circulaire auquel sont fixées les chaînes d’une suspension de synagogue. Cuivre moulé rehaussé d’émaux bleus. Diamètre de la pièce circulaire : 12,5 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Page de droite Collier de pierres précieuses (émeraudes) et de perles baroques, orné d’éléments d’or ajouré, décorés d’émaux cloisonnés et de pierreries. Origine probable : Meknès. Diamètre du pendentif : 6,3 cm. Musée des Oudaïas, Rabat. Le grand pendentif en or finement ajouré est orné de gemmes diverses.
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pour un prix supérieur à ce que vaut leur poids est de l’usure (ce que l’islam interdit). Mais les souverains donnent aux Juifs la permission de le faire1 ».
Il semble que le monopole qui leur a été concédé remonte à une période très ancienne et qu’on l’avait légitimé par des raisons religieuses. Dans sa description de l’Afrique au xvie siècle, Léon l’Africain indique qu’« à Fès on ne peut travailler […] ni l’or ni l’argent dans la vieille ville et aucun mahométan ne peut exercer la profession d’orfèvre car on dit que vendre les objets d’argent ou d’or
Tous les bijoux citadins traditionnels et la plus grande partie des bijoux berbères ont donc été faits par des artisans juifs jusqu’à l’émigration de la quasi-totalité de la communauté juive au milieu du xxe siècle. Seuls quelques petits noyaux d’artisans bijoutiers musulmans étaient établis de longue date dans les régions berbères au sud-ouest de l’Atlas, entre Tiznit et Tafraout et à Tagmout.
’importance du rôle des Juifs dans la fabrication des bijoux du Maroc est due au fait que les professions utilisant le feu étaient autrefois évitées par les Musulmans, pour des raisons liées à des préventions occultes.
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Les parures de ville
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L’or était le métal citadin par excellence. Dans les villes, les orfèvres juifs réalisaient des parures qui pouvaient être de grande valeur pour la haute bourgeoisie musulmane et juive, principalement à Fès, Meknès, Tanger et Tetouan.
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Femme de Tanger. Aquarelle de Jose Tapiro y Bara (1836-1913). 70 x 49 cm. Bandeau et boucles d’oreilles sont des bijoux classiques. Le collier est plus remarquable : il intègre au centre le moulage en or ou argent doré d’une fibule rurale.
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Un riche collectionneur de bijoux d’or de Fès, Abderrahman Slaoui, dans son livre Parures en or du Maroc, trésors des cités impériales2, raconte que « Les cérémonies de mariage, les baptêmes et les circoncisions étaient pour les femmes l’unique occasion d’exhiber leurs riches étoffes, et surtout les joyaux de leurs parures en or […]. Dans ces hauts lieux de l’enfance, je savais déjà contempler avec émerveillement les trésors que contenaient ces coffres : diadèmes, colliers, bracelets, boucles d’oreilles et pendentifs dont la chaude lumière des ors semblait gagner en éclat par le scintillement des diamants, des rubis, des émeraudes et des grenats. Je revois encore ces dames parées comme des idoles, couvertes de tous ces joyaux créés par un bijoutier attitré. Comme tous les bijoutiers de Fès à l’époque, le nôtre était juif et artisan de père en fils. Il s’appelait Israël Bensimon et avait le privilège de travailler pour le Palais royal. J’ai le souvenir qu’il venait à la maison, même en l’absence de mon père, ce qui était une grande marque de confiance. » L’élite des bijoutiers juifs se regroupait dans les villes les plus importantes, où une riche clientèle offrait un large domaine d’expression à leur créativité ; leurs productions portaient le rayonnement d’une ville comme Fès assez loin dans le pays.
Le goût des coûteuses parures ne date pas d’hier. Léon l’Africain, au milieu du xvie siècle, fournissait déjà un témoignage proche sur les femmes des « nobles » de Fès ; elles « […] ont aux oreilles de grands anneaux d’or avec de très belles pierreries. Elles ont aussi des bracelets d’or aux poignets, un à chaque bras, bracelets qui peuvent peser communément 100 ducats [environ 350 g]. Les femmes qui ne sont pas nobles s’en font faire en argent et en portent de pareils aux jambes3 ». Les images manquent pour se représenter ces ancêtres des bijoux des musées, mais les imposantes boucles d’oreilles et les chevillères avaient déjà leur place… Si chaque ville avait son souk aux bijoux permanent, le plus souvent très proche du mellah, il gardait l’aspect rustique des petites boutiquesateliers de médina. Ce n’était pas le lieu des transactions importantes : le négoce des bijoux d’or d’un certain prix se faisait à l’abri du vulgaire. Lorsqu’un riche bourgeois devait marier sa fille, il allait chez le bijoutier, qui gardait chez lui dans un coffre bien caché les trésors dignes des Mille et Une Nuits qu’a décrits la doctoresse de Lens : « des perles et des pierres précieuses rapportées des Indes ou de La Mecque, des rubis énormes, des émeraudes ; là miroitaient des bagues ornées de diamants, des diadèmes ajourés et resplendissants, des colliers aux multiples pendeloques […] C’était un commerce d’une grande discrétion4 ». Et Henriette Célarié racontait en 1923 que « quand un gros commerçant, un riche fonctionnaire du Maghzen désire un bijou, il fait venir chez lui le maître-ouvrier et lui fournit la matière première, […]. Il commande la pièce qu’il désire, surveille son exécution5… »
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Grandes boucles d’oreilles en or, pierreries et perles baroques. Anneaux ciselés creux, plaques antérieures et crochets de suspension ajourés et ciselés. Tetouan ou Tanger, fin xviiiie siècle. Hauteur : 11 cm. Musée du quai Branly, Paris.
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Paire de fibules. Or ajouré, émeraudes, rubis et perles baroques. Tanger ou Tetouan. xixe siècle. Hauteur : 10,5 cm. Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris.
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Paire de fibules en or rehaussées de pierreries et de perles baroques. Grosse émeraude sertie d’or intercalée dans la chaîne. Fès. Début xxe siècle. Hauteur d’une fibule : 11,5 cm. Musée des Oudaïas, Rabat.
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Boucle d’oreille avec crochet de suspension en or, décorée de pierreries et de perles baroques. Ville du nord-ouest du Maroc, xviiie siècle ou xixe siècle. Musée des Oudaïas, Rabat. Pendentif de collier en or et pierres précieuses (émeraudes et rubis). Meknès. Diamètre : 7 cm. Musée des Oudaïas, Rabat. Le motif d’entrelacs en étoile à huit branches et les bordures sont ornés d’émaux champlevés bleus et verts.
Pendentif fulet khamsa en or et émaux bleus, avec 5 cabochons d’émeraude. Hauteur : 16 cm. Musée Dar Belghazi, Sidi Bouknadel, Salé.
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Boucle d’oreille en vermeil estampé, ornée d’émaux champlevés et de verroteries. Fès, début du xxe siècle. Diamètre de l’élément principal : 3,5 cm. Collection Jean-Louis Thau. Page de droite Pendentif en forme d’oiseau de Tanger en or gravé et ajouré, émeraudes et rubis. Fin du xviiie siècle. 9,5 x 7,5 cm. Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris. À noter les petits oiseaux dans les ailes. Objet recherché pour les cérémonies de mariage juif.
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L’orfèvrerie à vocation religieuse
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Sac de talet en argent découpé et ciselé sur velours bleu (rouge sous le texte). Fès, xixe siècle. L’inscription donne le nom du possesseur : Isaac, fils de Mordekhaï Tapiero. Largeur : 27,5 cm. Collection Dahan-Hirsch. Page de droite Lampe de Hanouka en argent ajouré et ciselé. Fès, vers 1930. Hauteur : 33,5 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Dans la tradition juive, on ne fabrique pas d’objet de culte en or ni pour la maison, ni pour la synagogue : selon les textes saints, l’or était réservé au Temple, et aucune synagogue ne devait rivaliser de splendeur et de richesse avec le lieu sacré de Jérusalem. Les objets de culte les plus précieux ne pouvaient donc être qu’en argent. Les artisans bijoutiers citadins réalisaient en argent de nombreux objets indispensables au culte. Dans la synagogue, divers accessoires sont associés au Sefer Tora (le rouleau de parchemin sur lequel est copié en hébreu le Pentateuque, les cinq Livres de Moïse) : ce sont les tappuhim, les yads, les plaques pectorales… Des familles endeuillées commandaient ce type d’objets parce qu’elles souhaitaient les savoir utilisés au cours des services religieux dans la synagogue.
Les tappuhim (« pommes ») sont les ornements amovibles qui prennent place à l’extrémité des bâtons sur lesquels on enroule le parchemin biblique, lu par fragments au cours de l’année. Leur nom serait une interprétation mystique du Cantique des cantiques : « c’est sous le pommier que j’ai éveillé ton amour7 », le pommier représentant le mont Sinaï et l’amour le don de la Tora au peuple d’Israël. La conception de ces objets et leur décoration étaient confiées à la compétence des artisans. À côté de quelques modèles aux formes relativement simples, on trouve souvent des tappuhim de structure complexe, dont l’élaboration a nécessité un sens artistique hautement développé. Ils ont exigé une vision spatiale inventive pour leur construction et une parfaite maîtrise de l’utilisation des procédés d’ornementation.
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Les métaux NON précieux Le cuivre Artisan dinandier dans son atelier martelant un plateau de laiton.
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Lave-mains en laiton martelé et gravé. Parties moulées. Diamètre : 35,5 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Page de droite Lampe de Chabbat en cuivre moulé et gravé constituée de plusieurs éléments soudés ou rivés. Suspendue aux chaînes, une pince pour mettre en place les mèches de coton et un grattoir pour nettoyer le bec. Tanger, début xixe siècle. Hauteur : 40 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Autrefois étaient exploitées dans le Haut Atlas, le Sous et le Sarhro des mines de cuivre, et le travail de ce métal a toujours été largement pratiqué au Maroc par des Juifs, même si, dans les villes, existaient des souks « seffarin » où les artisans étaient musulmans. L’implication des Juifs dans les métiers de la dinanderie est attestée dès le xviiie siècle par une ordonnance rabbinique traitant du « serment des membres de la corporation des dinandiers23 ». Dans les villes, ils s’adonnaient surtout à la fabrication et à la décoration des objets en laiton. Leurs ateliers étaient contigus aux mellahs, notamment à Marrakech, Fès et Meknès. Jane Gerber confirme qu’à Fès, « au début du xviiie siècle, les Juifs travaillaient le cuivre jaune, produisant des plateaux, des bougeoirs, des boîtes pour le thé24… »
Dans le Sud, ils façonnaient en particulier les cruches en cuivre rouge, avec lesquelles les femmes allaient chercher l’eau et qui servaient aux familles juives pour garder chaude l’eau du Chabbat. Plusieurs techniques étaient employées pour l’ornementation des feuilles de cuivre découpées et façonnées. L’artisan créait, le plus souvent à main levée, des motifs décoratifs en attaquant la surface avec un ciselet frappé légèrement à petits coups serrés avec un marteau, le cuivre étant relativement dur. La gravure sur des plateaux plus épais, en enlevant de la matière, était exceptionnelle. Certains décors étaient imprimés avec des poinçons d’acier, qui permettaient d’obtenir directement des garnitures simples, comme des fleurs, des croissants, etc.
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Artisan dinandier dans son atelier gravant sur de la tôle de laiton. Marrakech, vers 1950. Qenqom-s, cruches en cuivre rouge martelé pour aller chercher l’eau à la source. Sud du Haut Atlas. Dans les foyers juifs, on s’en servait pour garder au chaud, sur un réchaud avec des braises, l’eau pour le thé du Chabbat. Seau pour le hammam en laiton martelé et gravé. Pieds et anse moulés. Hauteur : 22,5 cm.
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Détail de gravure au burin sur laiton pour un plateau à thé.
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Le sens esthétique des dinandiers s’exprimait particulièrement dans les pièces très ouvragées. Son métier permettait à un artisan ciseleur de « se risquer parfois à certaines créations […] Le cœur de l’ouvrage : les ciselures, les arabesques, les étoiles enchâssées dans des lunes et emmêlées de croissants, ces constellations que les disques de cuivre réfléchissaient comme s’ils avaient capturé des fragments du ciel, étaient l’affaire du burin25… » Fort appréciés, tant par les Musulmans que par les Juifs, les objets en cuivre avaient leur place dans tous les foyers ; il s’agissait non seulement des plateaux et des boîtes du service à thé, mais également des réchauds sur pieds avec leur bouilloire,
des bassines de lave-mains, des tasses et des seaux pour le hammam, des brûle-parfums… Cependant, dès la fin du premier quart du xxe siècle, « des femmes de notables, à Fès, ont déjà manifesté leur désenchantement à l’égard des mosaïques, des bois sculptés, des cuirs brodés, des cuivres ciselés26 ». Dans cette classe sociale, on commençait à se tourner vers des produits européens. Les souks des dinandiers comportaient aussi des ateliers de moulage pour les mortiers ou les chandeliers. Les artisans utilisaient soit du laiton, soit du bronze (mélange de cuivre et d’étain). Les bougeoirs étaient si demandés que des Juifs d’Essaouira installés en Grande-Bretagne en fabriquaient pour les exporter au Maroc.
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Le fer L’Art chez les Juifs du Maroc
Artisan damasquineur. Il fabrique un étrier en fer damasquiné d’argent.
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Coffret en fer damasquiné d’argent et d’or. Probablement boîte à bijoux ou coffret pour l’étrog (cédrat pour l’office du dernier jour de Souccot à la synagogue). Meknès, début du xixe siècle. Largeur : 11 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Les préventions dont il a été question pour le travail des métaux précieux valaient de même pour celui du fer, assuré en grande partie en ville par des Noirs, et jusqu’au milieu du xxe siècle par des Juifs dans les zones rurales. Mais les outils et autres objets utilitaires de fer portaient rarement une décoration. C’est seulement dans la ville de Meknès qu’était connue une technique d’ornementation savante, le damasquinage d’argent ou d’or sur fer, que des Juifs y avaient apportée du Moyen-Orient. Les étriers ou les armes qu’ils décoraient ainsi
étaient naturellement destinés à une clientèle musulmane. Cette technique a été reprise par des artisans musulmans qui possèdent de nos jours plusieurs ateliers à Meknès et ont gardé le souvenir de son origine. L’un d’entre eux se remémore : « Je suis le fils d’un ancien amine – syndic de la corporation – et mon grand-père était damasquineur. Il nous avait raconté qu’un artisan juif avait rapporté de Damas le modèle particulier des étriers marocains damasquinés et la “pierre de Damas” pour polir le fer27. »
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Coffret à bijoux en fer damasquiné d’argent et d’or. L’intérieur est en bois peint. Meknès. Collection privée. Étrier en fer damasquiné d’argent. Meknès. Hauteur : 19 cm.
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Détail de damasquinage d’argent sur la semelle d’un étrier en fer très usagé.
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Page 112 Grande broderie sur fin linon (détail). Ci-dessus Artisan enroulant des fils de soie sur des bobineaux de roseau. Bobineaux de fil de soie dans une boutique de Fès.
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Partie de ceinture de brocart de Fès. Largeur : 15 cm. Collection Isabelle Denamur.
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Page de droite Tenture pour couvrir la chaire d’Élie, siège d’apparat de la synagogue. Soie rose et violette, galons et franges de passementerie et broderie lamée d’or. Collection Buatois-Guérin. Elle était prêtée aux familles pour la cérémonie de la circoncision.
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LA SOIE
L
e domaine des textiles comporte des métiers très divers, qui vont de l’obtention des fils jusqu’à la réalisation de vêtements et autres objets utilitaires, ainsi que leur éventuelle décoration. Au Maroc, les Juifs ont longtemps été nombreux dans ces artisanats, détenant même pour certaines activités une sorte de monopole.
début du Moyen Âge, l’Espagne était l’un des plus importants producteurs de soie, et de nombreux Juifs avaient fait fortune dans le commerce de la soie1 ». Et Roger Le Tourneau précise, en parlant de Fès au temps des Mérinides, que « a ville abritait de nombreuses tisseuses au xvie siècle. Fès avait autour de 500 ateliers de tissage pour la laine, la soie et le lin2 ».
Il y avait autrefois beaucoup de mûriers dans le nord du Maroc et les plantations de Chaouen étaient célèbres. Dans cette région, des Juifs faisaient l’élevage du ver à soie et étaient des spécialistes du travail de la soie. Il n’est pas impossible qu’ils aient apporté ce savoir-faire d’Espagne lors de l’exil de 1492. Jane Gerber a écrit qu’« au
Une fois les cocons dévidés, la soie mise en écheveaux était teinte de couleurs éclatantes, puis enroulée sur des bobineaux de roseau, vendus dans tout le pays aux brodeurs et brodeuses, aux passementiers, aux tailleurs. L’importation étrangère a eu finalement raison de la production locale, mais la demande est restée très vive.
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Rabbi David Ben Baroukh, amine (chef de la corporation) des bijoutiers d’Essaouira, vers 1930. Sur sa longue blouse, il porte une large ceinture de soie repliée plusieurs fois. Partie de ceinture de soie pour homme. Largeur : 40 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Partie de ceinture de soie pour homme, tissage de Tetouan ou Ouezzane. Longueur de la ceinture entière : 330 cm. Collection Sonia Azagury.
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Écharpe de mariée juive, portée à Tetouan, Tanger et Fès. Soie grège teinte en rouge et trames de fil d’or. Largeur : 53 cm. Collection Sonia Azagury. Page de droite Écharpe de mariée juive en soie rouge et fil d’or, Tanger, fin du xixe siècle. Largeur : 57 cm. Musée Dar Belghazi, Sidi Bouknadel, Salé.
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Les tissages Les Juifs de Tetouan, Chaouen, Ouezzane et Fès tissaient encore au début du xxe siècle ces fils souples et brillants. Ils juxtaposaient subtilement les teintes pour faire les ceintures rayées aux reflets chatoyants que portaient les hommes, des accessoires inattendus tranchant avec la sévérité du reste du costume juif masculin. Pour les tenues de mariées, ils façonnaient de longues et éclatantes écharpes en soie rouge et fil d’or, qui couvraient la tête et descendaient jusqu’au bas du dos. On leur devait aussi des tissus particuliers, portés seulement pour des cérémonies rituelles à la synagogue ou à la maison. « es produits faits par les tisserands de soie étaient très convoités3. »
Les « ceintures de brocart de Fès » sont justement célèbres car leur tissage nécessite des métiers très complexes. Les débuts de leur usage et le degré d’implication des Juifs ne sont pas précisément connus. Pierre Loti, pendant sa mission diplomatique au Maroc en 1889, a pu observer le costume des femmes musulmanes de Fès et a remarqué : « Ces hautes ceintures en soie lamées d’or, raides comme des bandes de carton, [qui] soutiennent leurs gorges4. » Les femmes juives à leur tour avaient adopté cette mode, pourtant peu confortable.
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Femmes juives d’Ouezzane ou Chaouen. Elles portent les larges ceintures dites « de Fès ».
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Jeune femme de Tetouan en costume d’intérieur traditionnel avec une ceinture de brocart de Fès, carte postale, 1908. Collection Gérard Lévy.
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Page de droite Extrémités d’une ceinture de Tetouan en soie et fil d’or, xixe siècle. Largeur : 21 cm. Des fils de chaîne mêlés à des brins de soie d’autres couleurs sont tressés pour constituer de longues franges agrémentées de fils d’or et de perlettes.
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Chacune de ces ceintures faisait plusieurs fois le tour de la taille. En la pliant en deux dans le sens de la longueur, on pouvait en faire varier l’apparence selon la disposition des motifs. « a majorité des ceintures comporte quatre motifs principaux, ce qui permet quatre façons différentes de la porter5. » Les finitions étaient particulièrement soignées. « En détachant la ceinture terminée du métier, on laissait pendre […] de longues franges de chaîne et on les faisait tresser dans d’autres ateliers6. » Des passementiers, donc des Juifs, rajoutaient des fils
pour obtenir des franges plus épaisses, dont ils formaient ensuite des tresses. « […] quelquefois on rajoute à chaque tresse de petits pompons en fil métallisé, ornés de paillettes ou de perles en verre7 ». Ces pompons d’un plaisant effet seraient typiques de Tetouan. En dehors du tissage d’étoffes, les usages des fils de soie dans les communautés juives citadines – et même parfois rurales – ont été de tout temps très diversifiés ; chacun de ces emplois a donné naissance à des productions remarquables et très spécifiques.
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La passementerie La confection des costumes de toute la population citadine faisait intervenir plusieurs catégories d’artisans, non seulement pour la coupe et la couture mais aussi pour l’ornementation ; celle-ci pouvait rester très modeste ou nécessiter de riches garnitures qui brillaient de tout leur raffinement sur les vêtements précieux. De ces dernières faisaient partie les passementeries, dont la réalisation était une spécialité juive.
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Fillette tressant des boutons de soie dans la cour de l’école de l’Alliance israélite universelle à Demnat, en 1933.
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Boutons de soie et fil d’or sur un caftan de Tetouan. Collection Dahan-Hirsch. Page de droite Détail de décor d’un caftan ; galon de fil d’or et broderie au fil d’argent, motifs particuliers à Tetouan. Collection Buatois-Guérin.
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Le grand rabbin Maurice Eisenbeth indique que : « Le métier le plus répandu est celui de passementier. On fait tordre des fils d’argent blancs ou dorés avec des fils de soie que l’on appelle en arabe scalli (de Sicile) et en vulgaire espagnol balacian (de Valence). Cette industrie comporte plusieurs métiers, tous aux mains des Israélites. Plus de 300 familles en vivent8… » Et Roger Le Tourneau confirme que : « La passementerie constituait un monopole de fait pour les artisans juifs9. » Des rubans de soie, de deux à six centimètres de large, étaient tissés dans les villes, à Fès, Meknès, Rabat, Tetouan, sur de petits métiers appelés « à cartons ». Ce nom leur venait des petites plaquettes perforées où passaient les fils de chaîne ; en les faisant pivoter pour modifier la place des fils avant de faire glisser la navette, on obtenait
des motifs géométriques unis ou relevés de fils de différentes couleurs, et parfois mêlés de fils d’or. Une réelle maîtrise et un vif sens artistique présidaient à l’élaboration de galons aux multiples motifs polychromes. Les passementiers confectionnaient également des cordonnets, ganses et soutaches, dont ils ornementaient des gilets et des caftans, et des tresses de soie mêlées même de paillettes, qui entraient dans la réalisation de relève-manches ou de ceintures citadines, et dans la composition de la coiffure des femmes de certaines régions rurales. Une application particulière de la passementerie était la confection des innombrables boutons indispensables pour les caftans ou gilets, et quelquefois ces « boutons ornementaux [étaient] tressés avec de la soie et des fils d’or10 ». C’était une occupation confiée aux femmes et aux fillettes juives ; sous leurs doigts agiles se dessinaient éventuellement les six pointes d’une étoile de David. Des glands de bonne taille étaient des compositions de passementerie très élaborées, qui brillaient au soleil dans les fantasias. Ils s’intégraient dans les équipements luxueux pour chevaux que seuls pouvaient s’offrir de riches cavaliers musulmans.
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La soie et le fil d’or Artisan de Safi spécialiste de la broderie sqalli. Il décore au fil d’or une babouche de cuir. Derrière lui, on distingue un sac de talet.
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Bande de soie bleue damassée portant une broderie lamée d’or au passé plat. Largeur : 18,5 cm. Musée du Batha, Fès. La lame d’argent doré traverse l’étoffe.
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Page de droite Coussin de maison citadine en velours sur carton ou cuir, décoré de broderie au fil d’or. Diamètre : 40 cm. Musée Dar Belghazi, Sidi Bouknadel, Salé. Détail de broderie au fil d’or au bas d’un caftan.
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Les Juifs étaient particulièrement impliqués dans la fabrication et l’emploi du « fil d’or », célèbre dans les broderies citadines marocaines. Sa constitution, le lien intime qui lie les deux composants de ce fil précieux imposent de l’intégrer dans le même cadre que les autres usages de la soie. Jusqu’aux années 1930, la fabrication du fil d’or a été « ’une des industries les plus anciennes, les plus renommées et les plus importantes du mellah de Fès11 ». À vrai dire, la dénomination de « fil d’or » ne se rapporte qu’à une apparence toute extérieure. L’examen attentif d’une ancienne broderie un peu élimée permet d’en découvrir la complexité ; il ne s’agissait pas d’étirer une baguette d’or jusqu’à obtenir un fil assez fin pour passer dans le chas d’une aiguille. Le fil d’or utilisé au Maroc était obtenu en enroulant sur un fil de soie torsadé une étroite et mince lame d’argent doré. La fabrication exigeait l’intervention de plusieurs ouvriers très spécialisés ; elle « occupait directement sept cents personnes, soit près du dixième de la population de ce mellah [de Fès entre les xive et xviie siècles], ce qui lui donnait une importance considérable dans la vie économique et sociale du mellah12 ».
L’or était fondu, refroidi, puis réduit à l’état de feuilles extrêmement minces, presqu’impalpables, par des batteurs d’or. Par ailleurs, des baguettes d’argent étaient tréfilées jusqu’à l’obtention d’un fil de diamètre submillimétrique qui était doré ; pour cela, on enroulait du fil d’argent dans une feuille d’or, on le lissait avec une pierre dure pour le polir. Ce fil était alors étiré à la filière jusqu’à le réduire à un diamètre d’un dixième de millimètre, puis laminé, pour fournir enfin une étroite lame dorée, qui ne comportait finalement que 1,5 à 2 % d’or, suivant les qualités. Le fil de soie destiné à constituer l’âme du fil d’or était teint en orange pour rendre moins visible l’usure éventuelle du revêtement métallique. La dernière opération revenait aux ouvriers qui enroulaient de façon parfaitement régulière la lame d’argent doré autour de la soie filée ; ils étaient finalement les vrais fabricants du fil d’or. Toute cette industrie perdura jusqu’à une année funeste : « […] en 1929, un patron fit venir de France une machine à enrouler la lame et la soie. Ce fut presque une révolution au mellah de Fès. La presque totalité des ouvriers du fil d’or étaient du jour au lendemain sans travail13 ».
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Types de plastrons pour le costume de mariage juif dans les villes du nord-ouest Le plastron est une pièce importante du costume ; il masque la poitrine de la mariée. Toujours largement brodé au fil d’or, il est rarement en forme de guimpe arrondie. En général, il comporte une bande relativement étroite qui contourne le décolleté. L’essentiel des motifs décoratifs se développe sur les seins et jusqu’aux aisselles. Mais le plastron est le parent pauvre du vêtement car, aussi splendide soitil, il disparaît en grande partie sous le gilet qui se ferme sur le devant. Et pourtant, ces plastrons sont souvent les supports de thèmes ornementaux chers non seulement à la broderie sqalli, mais également à d’autres artisanats spécifiquement juifs.
Décor de broderie au fil d’or de forme oblongue sur un plastron de Tetouan. Collection Sonia Azagury.
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Trois plastrons de costumes de mariées juives du nord-ouest du Maroc. Collection Sonia Azagury.
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Plastron de tenue de mariage brodé au fil d’or, Tanger ou Tetouan. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem. Détail d’un décor de plastron. Collection Sonia Azagury. Gilet gombaz ou chaleco de Tetouan. Largeur : 77 cm. Collection Sonia Azagury. Velours noir et passementerie (galon artisanal et soutache) orné de trois spirales et de boutons de filigrane d’argent.
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Gilet de Tetouan. Broderie au fil d’or sur velours sombre. Largeur : 80 cm. Collection Sonia Azagury.
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Les broderies de soie
Devant de divan. Broderie de soie sur une longue bande de fine toile de coton. 49 x 172 cm. Décor de vases de fleurs et d’oiseaux dans un environnement végétal.
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Détail d’une broderie de soie sur une écharpe de bain en linon pour le bain rituel.
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Page de droite Grande broderie sur fin linon. Largeur : 86 cm. Le point passé plat dominant à Rabat était mis par les femmes juives au service d’une inspiration foisonnante qui s’évadait des schémas conventionnels.
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Souple et brillante, la soie met en valeur les couleurs dont on l’a teinte. Le goût des broderies était très répandu dans les maisons citadines chez les femmes marocaines tant juives que musulmanes. C’était tout un art de vivre, selon les cas un passe-temps, une occupation créative ou même un métier. On brodait au fil de soie sur tous les tissus, soieries unies, velours, toiles de lin ou de coton, parfois sur des étoffes très fines, comme le linon. Ces décors de teintes uniques ou variées concouraient au cadre raffiné de la maison. Ils agrémentaient des housses de coussins, des portières, des garnitures de miroir qui pouvaient servir à les masquer dans des circonstances particulières, des revêtements pour le bas des divans, des napperons pour le dessus des coffres…, des accessoires pour la table de Chabbat, les couvrepain. Et se retrouvaient sur des pièces de tissus à usage personnel, telles que mouchoirs, écharpes de bain, tuniques.
par les Juives ne se distinguaient généralement pas de celles faites par les femmes musulmanes, sauf dans quelques villes où les femmes juives réalisaient des ouvrages identifiables par leur inspiration très figurative.
On reconnaît aisément les broderies des différentes villes du Maroc, car elles comportent des caractéristiques assez marquantes. Celles réalisées
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La peau et le cuir Les trésors du cuir
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Page 152 Tenture murale haïti en cuir excisé, Marrakech, 1920. Hauteur : environ 120 cm. Collection Dahan-Hirsch. Au centre de la pièce se niche un petit oiseau, motif qui révèle le travail d’un artisan juif.
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lusieurs métiers manuels traditionnels dont il n’a pas encore été question étaient partagés entre des artisans issus des populations musulmanes et d’autres appartenant aux communautés juives. La plupart du temps, les productions des uns et des autres se ressemblaient, et les clients étaient aussi bien musulmans que juifs. L’attribution de la fabrication d’un objet vieux de plus d’un demisiècle – et donc le plus souvent découvert dans une collection – à l’un ou l’autre de ces groupes est loin d’être toujours évidente. Pour traiter de l’art juif ou des goûts artistiques des Juifs, on se restreindra ici aux exemples dont la provenance est sans équivoque, parce qu’ils portent des marques indiscutables de leur origine ou ont été attribués à la société juive par des témoignages fiables. Ces exigences ont pour conséquence de ne livrer qu’un panorama partiel de ce qui a pu exister, personne n’en ayant relevé systématiquement la composition en temps et heure ; cela n’a pas semblé une raison valable pour ne pas entreprendre un inventaire, même bien tardif. La peau et le cuir sont des matériaux dont l’usage est immémorial et qui conservent de l’importance malgré l’afflux des substituts ; les traditions et de faibles appuis dans les textes reconnaissent aux Juifs une place ancienne dans leur travail. Ainsi, dans son étude sur Fès entre 1450 et 1700, Jane Gerber indique que l’« on trouvait des artisans pour les métiers du cuir dans le mellah. Les tanneurs juifs produisaient des peaux pour les artisanats locaux et aussi pour l’exportation. Les cuirs du Maroc étaient très appréciés en Europe1 ». Plus récemment, au détour d’une phrase, on apprend par exemple qu’à Rabat des tanneries étaient situées dans le mellah2. Il ne sert à rien de chercher d’autres localisations du même type, car il ne s’agit que
de l’obtention de la matière première. Les objets confectionnés et ornementés ont été rarement repérés et conservés ; tout au plus leurs fabricants sont-ils cités. À Rabat, Louis Botte3, dans son livre Au cœur du Maroc (1912), fournit cette description : « [dans] La rue du mellah, de chaque côté, s’ouvrent des boutiques de kherrazin ou fabricants de babouches, de chekaïriyin ou fabricants de sacoches, de serradjin ou bourreliers ». Si cette citation atteste de l’implication des Juifs dans ces métiers, il faut préciser que ces professions étaient également exercées par des artisans musulmans. Les principales productions en cuir décoré sont des babouches et chaussures, des sacoches, un certain nombre de protections murales ou haïti-s (qui, on l’a vu, sont plus souvent en tissu) et des équipements de chevaux. Le travail du cuir se pratiquait partout dans le pays. En ville, les artisans juifs confectionnaient de ravissantes babouches que portaient les Musulmanes, au dessus brodé de soie, ou de fil d’or pour les plus luxueuses. Pierre Flamand précise que les artisans juifs « […] confient le travail de broderie à des ouvrières juives qui travaillent chez elles. Ils leur préparent des patrons en carton fin découpés en suivant le dessin que les ouvrières auront à reproduire en fils dorés ou argentés, sur les coupes de cuir ou de velours qui constituent le dessus des babouches4 ». Le summum de l’élégance voulait que le cuir utilisé pour faire les babouches disparaisse complètement sous une épaisseur de velours de couleur, ce dernier recevant les broderies au fil d’or. Les patrons de papier aux dessins variés qui guidaient leur mise en place reflétaient l’imagination fertile et raffinée des babouchiers.
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Papier découpé qui sert à guider la réalisation d’une broderie au fil d’or ou d’argent pour orner une babouche. Paire de babouches de femme juive de Fès, 1930. Cuir brodé au fil d’or. Longueur : 22 cm. Collection Dahan-Hirsch. Les babouches sont plus échancrées que celles des femmes musulmanes, leur semelle est plus épaisse et elles comportent un petit talon.
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Les Juifs et l’art dans d’autres artisanats
Babouches citadines en cuir recouvert de velours brodé de fil d’or ; cordelières décoratives en soie. Longueur : 26 cm. Musée ethnologique de Bab el Oqla, Tetouan.
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Le parchemin et l’enluminure Un autre aspect du travail des peaux est la fabrication du parchemin, dont la tradition fait remonter l’invention, ou tout au moins la mise au point, au iie siècle avant J.-C. à Pergame, d’où il tire son nom.
L’Art chez les Juifs du Maroc
Il y a relativement peu de parchemins arabes au Maroc, parce que le papier a commencé à être produit dès le xiie siècle dans ce pays, alors que les communautés juives, elles, ont fait de ce support de l’écriture une consommation suivie, pour des raisons essentiellement religieuses.
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Scribe vérifiant une meguila, 1950. Huile sur bois de Ben Ouakat. Collection Dahan-Hirsch. Deux rouleaux de meguila-s enluminés de Fès ou Meknès. Ils sont enroulés sur des axes de bois tourné ; début du xixe siècle. Parchemin et gouache. Largeurs : 9 et 12 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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C’est le sofer, un lettré, qui avait en charge de préparer les peaux, d’écrire et de vérifier les textes utilisés dans la liturgie juive. En effet, des prescriptions rituelles strictes s’appliquent aux parchemins qui sont contenus dans les tefilin, à ceux qui sont destinés à porter le texte de la Tora, aux petits parchemins roulés dans les mezouza-s fixées aux montants de toutes les portes des maisons habitées par des Juifs et enfin aux rouleaux sur lesquels est transcrite l’histoire de la reine Esther et que l’on appelle des meguila-s. Ces quatre usages sont cités ici
en suivant la hiérarchie de leur sacralité, car le sofer, en écrivant les textes précités, accomplit une action sacrée. Cette légalité religieuse est aussi matérielle : le parchemin sur lequel va écrire un sofer doit bien entendu provenir de la peau d’un animal cacher, il ne doit pas avoir été abîmé ou percé au cours de sa préparation durant les raclages et ponçages. En revanche, son épaisseur est variable selon son affectation, le parchemin d’une mezouza est mince car, protégé par un étui, il n’a pas à être manipulé, alors que celui d’un Sefer Tora ou d’une meguila qui est déroulé souvent doit être plus résistant. Avant de commencer la préparation des peaux, le sofer prononce une bénédiction rituelle consacrant le parchemin sur lequel il va œuvrer ; il y est dit que tel parchemin est dévolu très précisément à l’écriture de tel texte et ne saurait être employé pour en porter un autre. Et quand plusieurs parchemins doivent être prévus pour porter un texte long, comme celui de la Tora, ils seront marqués un à un, pendant leur fabrication, d’un signe de reconnaissance pour qu’il n’y ait pas d’erreur7.
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De gauche à droite et de haut en bas. Début d’une meguila, xixe siècle. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem. Grands caractères hébraïques dessinés avec une encre de couleur vive. Les deux premières pages figurent une généalogie de Mardochée remontant à Abraham, et celle d’Aman, jusqu’à Esau. Décor d’arcade, origine marocaine probable (mais peut-être Perse ?). Largeur : 17 cm. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem. Meguila enluminée. Largeur : 35,5 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Décor d’arcades et fleurs en écoinçon sur une meguila. Largeur : 16 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Les instruments de musique La peau traitée comme un parchemin intervient également dans la confection de divers instruments de musique8.
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La composition des orchestres juifs des villes était identique à celle des orchestres musulmans. En effet, leurs musiques, d’origine andalouse, étaient les mêmes, et musiciens comme instruments pouvaient s’interchanger. Mais il est probable que les musiciens juifs préféraient les instruments faits par les luthiers du mellah.
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Orchestre juif d’Essaouira, carte postale. Collection Maurice Bernard. Aux côtés de deux violons modernes, on observe deux luths ramal (du modèle traditionnel ancien du Maroc), une darbouka et un tambourin. Juif donnant le rythme avec son tbol, pour une ahouach (danse collective du Sous, au sud-ouest du Haut Atlas). Vers 1950.
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Dans tous les cas, la peau sert de renfort et de table d’harmonie pour des instruments à cordes : les rbab-s, qui se jouent avec un archet et les gunbri-s, qui ont des cordes pincées. Elle forme la membrane vibrante des instruments à percussion : les tbol-s (tambours) et les divers tambourins : darbouka et t’arija. Les parentés musicales se retrouvaient dans les régions rurales, notamment chez les Berbères. La fabrication aisée des instruments populaires ne permet pas d’identifier les luthiers, qui ont pu être tout aussi bien juifs que musulmans.
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Rbab, instrument de musique andalouse à archet, fait à Fès. Longueur : 57 cm. Musée Dar Belghazi, Sidi Bouknadel, Salé. La table est en partie en peau. Une étoile de David se lit dans la rosace ajourée.
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Le bois
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Menuisier juif dans son atelier, vers 1930. Artisans juifs tourneurs sur bois dans le souk des dinandiers à Marrakech, vers 1950. Page de droite Plafond de bois peint à Nekob (Aït Ouaouzguit, Aït Ouarherda), en 1970.
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Dans les maisons marocaines, qu’elles soient citadines ou rurales, musulmanes ou juives, le bois est, comme dans tous les pays, un matériau indispensable à la construction et presque exclusivement utilisé dans l’ameublement.
Dans son livre Les Juifs au Maroc, le grand rabbin d’Algérie Maurice Eisenbeth constatait que : « Si les artisans de tous genres sont nombreux parmi les Israélites, les menuisiers […] sont aussi bien juifs que musulmans9. »
À la fois robuste et facile à travailler, il a été de tout temps employé au Maroc non seulement pour fabriquer les divans, les tables basses, les coffres ou les étagères du mobilier traditionnel, mais également dans la réalisation d’objets usuels très variés, de l’instrument de musique au marteau à sucre, du soufflet à la boîte à khôl. L’usage de certains d’entre eux est en train de se perdre. Ainsi disparaissent des encadrements de fenêtres, des balustrades, des claustras et, en milieu rural, des portes de greniers, des piliers, des chapiteaux et plafonds anciennement décorés, des serrures rustiques, les poutres faîtières sculptées de tentes de nomades… La liste ne saurait être exhaustive. Et elle évoque l’image d’un monde d’artisans qui est finalement très peu connu.
Il s’agit là d’une remarque générale, qui concerne l’ensemble du pays, et l’on ne peut déterminer le rôle des artisans juifs que dans les régions où leur participation a été relevée au cours du xxe siècle. La décoration sur bois a été d’abord décrite, quoique sommairement, dans le Haut Atlas, dans le massif du Siroua et dans l’Anti-Atlas. La carte de l’ornementation sur bois la plus élaborée est superposable à celle de la bijouterie d’argent la plus abondante et la plus élaborée, qui est également celle de la vaste région où est parlée la langue tachelhaït. Cela est à relier au fait que les Chleuhs sont des paysans et des commerçants, que leur habitat est sédentaire depuis des siècles, alors que vers l’est, dans les régions de langue tamazirht, les Berbères étaient originellement des pasteurs nomades.
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La céramique et le travail de la pierre
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Excepté peut-être dans les régions rurales, où les femmes de la maisonnée modelaient la terre pour fabriquer des ustensiles usuels, les Juifs ne s’adonnaient pas aux artisanats de la poterie. À la campagne, Musulmans et Juifs se fournissaient sur les souks hebdomadaires. En milieu citadin, les Juifs appréciaient la céramique émaillée de fabrication locale. Ce goût les amenait à demander aux artisans musulmans de Fès ou de Safi des pièces avec un décor particulier quand ils le jugeaient plus adapté. C’est ainsi que l’on pouvait trouver des poteries portant au centre une étoile à six branches, le « bouclier de David », ou même des plats pour le Seder de Pessah, marqués en creux des six emplacements rituels.
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Tombes avec des inscriptions hébraïques dans le cimetière juif d’El Jadida. Lampe à huile en pyrophyllite gravée, qui servait de « lumière éternelle » près d’une tombe du cimetière juif d’Irhil n Oro (proche de Taliouine). Longueur : 11,5 cm.
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C’étaient des Musulmans qui assuraient le travail de la pierre. Dans les villes du nord-ouest du pays, où s’étaient installées des communautés séfarades importantes, comme dans un certain nombre de villes côtières, les cimetières juifs présentent une particularité remarquable. Les pierres tombales sont ornées de sculptures assez profondes sur toute leur surface, le style de décor différant selon les cités. Au grand cimetière juif de Tetouan, dit « des Andalous », des artisans musulmans disposaient autrefois le long du mur proche de l’entrée des pierres tombales qu’ils avaient sculptées, parmi lesquelles les familles endeuillées venaient faire leur choix. Les sculpteurs connaissaient les
divers symboles ornementaux que leur clientèle recherchait. Dans les villes côtières, d’El-Jadida à Essaouira, les pierres tombales juives portent des sculptures moins diversifiées qu’à Tetouan dans le détail du décor, mais elles présentent plus systématiquement une allure globalement anthropomorphe. L’adoption de telles figurations reste un mystère au regard des interdits religieux juifs ; on s’est beaucoup interrogé – sans réponse évidente – sur l’origine de ces singulières et fascinantes ornementations. Si les Juifs ne semblent pas avoir participé au travail de la pierre, il faut cependant mentionner une exception : l’emploi de la pyrophyllite, une roche métamorphique fort peu répandue, tendre mais non poreuse. Un de ses gisements, difficile d’accès, est situé dans le Haut Atlas occidental, dans la tribu des Aït Azegrouz15. Des Juifs de villages proches l’ont utilisée pendant longtemps pour la fabrication de petits objets utilitaires résistants à la chaleur. Ils la taillaient et la sculptaient au moyen d’outils banals, souvent les mêmes que ceux des menuisiers (scies, ciseaux à bois, limes, perçoirs). Ils en faisaient des moules à balles et des lampes à huile de divers types : à deux becs pour le Chabbat, à neuf pour Hanouka, et enfin des modèles à bec unique, de forme toute simple mais néanmoins gravés d’un petit décor, que l’on déposait au bord des tombes comme « lumière éternelle ».
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Plat de céramique de Fès, spécialement commandé à un potier musulman pour le Seder de Pessah, avec l’indication des six emplacements rituels. Collection Dahan-Hirsch.
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Coupe de céramique polychrome de Fès, utilisée par des femmes juives lors de la cérémonie du henné, la veille du mariage. Diamètre : 18 cm.
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our les objets traditionnels, la relation entre forme et fonction est fondamentale, puisque c’est la fonction qui dicte la forme. On peut toutefois distinguer les ustensiles dont la forme est strictement subordonnée à leur usage de ceux qui comportent des additions sans rôle utilitaire apparent ; c’est dans ces dernières que se glissent les plus larges opportunités d’intervention du sens artistique.
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Détail d’une ketouba de Tetouan, 1852. Gouache sur parchemin. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Décor végétal d’inspiration turque. Lampe de Hanouka de pierre, en pyrophyllite du Haut Atlas. Musée du quai Branly, Paris.
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Ainsi en est-il au Maroc de la plaque verticale placée à l’arrière de la rangée des godets pour l’huile des lampes de Hanouka. Cette paroi permet de fixer la lampe au mur et d’accrocher le « serviteur » détachable qui sert à allumer les différentes mèches. Mais les lampes primitives en pierre taillée n’ont pas de pièce haute à l’arrière : elles sont l’image du strict nécessaire. La paroi postérieure des lampes n’a donc pas un rôle indispensable. Elle peut être considérée comme principalement décorative ; en tout cas, les motifs qu’elle comporte correspondent à un choix esthétique, à la fois de l’artisan et de l’acquéreur.
La couleur est un élément majeur, voire essentiel de l’ornementation. Dans le tissage de la soie, l’emploi de la couleur peut avoir des effets différents. La multiplication des teintes dans des motifs floraux complexes donne visuellement une importance prédominante au dessin, comme le montrent par exemple les ceintures de Fès ou les broderies juives de Rabat. À l’opposé, le rôle de la couleur est prédominant quand un petit nombre de teintes contrastées sont utilisées dans un schéma d’organisation géométrique simple ; dans des ceintures et des écharpes faites de minces étoffes de soie, l’art se révèle dans la juxtaposition des couleurs. La représentation de détails agrandis focalisera le regard vers des éléments, qui, à une autre échelle, se fondraient dans des vues d’ensemble : c’est la présence de décors et leur agencement qui confère aux productions artisanales leurs traits caractéristiques. L’ornementation constitue une sorte de langage crypté, auquel on pourra s’autoriser à chercher un sens. L’étude de ses composants permettra d’avancer vers la définition du particularisme juif de l’art marocain.
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Lampe de Hanouka en cuivre moulé et gravé. La plaque arrière est en deux parties rivées, les godets sont moulés et soudés. Hauteur : 31,5 cm The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Manteau de Tora utilisé comme parohet (rideau de l’arche de la Loi). Velours brodé de fil d’argent. 68 x 190 cm. Collection Yshac Einhorn. Donné par Aïcha Perez en souvenir de son mari. Nombreux symboles juifs : menora, tables de la Loi, Jérusalem (dôme d’Omar), lions de Juda, coqs, décor floral (arbre de vie ?).
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LES SYMBOLES JUIFS FONDAMENTAUX La forte imprégnation religieuse des artisans se reflète naturellement dans l’ornementation des objets liés au culte ou à la vie dans les mellahs. Des symboles juifs y sont omniprésents et font partie des composants de l’esthétique sans en être les éléments exclusifs. Ils s’imposent
naturellement dans les synagogues, s’intègrent dans la décoration des objets religieux personnels, comme les sacs de talet ou de tefilin ; ils ont aussi leur place dans chaque maison sur les lampes de Chabbat et de Hanouka.
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Khamsa (pendentif en forme de main) en argent plané et gravé, décoré d’une grande applique d’argent moulé en forme de menora et de deux poignards. Hauteur : 13 cm.
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L’Art chez les Juifs du Maroc
La menora
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Menora (marque-page). xixe siècle. Parchemin, encres de couleur, d’or et d’argent, paillettes cousues. 23,5 x 17,5 cm. Collection Dahan-Hirsch. Dédiée au saint Rabbi Abraham Ouariaour du village de Muallin Dad (entre Azemmour et Safi).
La menora, le chandelier à sept branches, est à la fois l’objet le plus ancien et le plus représentatif de l’identité juive parce que le détail de son exécution a été dicté de manière précise par Dieu à Moïse pour Son Temple1. Selon Nadine Shenkar, « d’or pur et d’un seul tenant, elle implique l’unité absolue de la matière et de l’esprit (l’or et la lumière étant inséparables)2 ».
Détail d’une mizrah placée au mur d’une synagogue pour indiquer la direction de l’est. Papier découpé. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem.
La menora figure d’abord sur les objets les plus importants de la synagogue : les parohet-s ou les manteaux de Tora.
Détail d’un parohet de velours brodé de fil d’or. Hauteur : 70 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Le même nom désigne une feuille de parchemin (ou de papier) sur laquelle le chandelier est dessiné, et qui sert de marque-page dans les livres de prière. On lui donne parfois le nom de chiviti, utilisé par les Ashkénazes. Le texte du psaume 67 est inscrit dans les sept branches. À côté du chandelier, la figuration de plusieurs accessoires du
Temple contribue à évoquer ce lieu sacré : ce peut être par exemple l’autel des sacrifices, le brûleparfum, les trois marches, la verseuse à huile, dont la nature est précisée dans la Bible : « Tu ordonneras aux Israélites de t’apporter, pour le chandelier, de l’huile pure d’olives concassées, afin d’entretenir constamment les lampes3. » Le panneau (appelé mizrah) que l’on appose sur le mur est de la synagogue, mais aussi dans quelques demeures de pratiquants fervents ou dans la cabane de Souccot, est une image plus grande de menora portant le même psaume. La mizrah sert à orienter l’orant vers le mont du Temple à Jérusalem, le mot signifie « est ». La représentation d’une flamme, souvent liée à la menora, symbolise la lumière de la Tora, la foi. Ainsi, « allumer la menora signifie étudier la Tora et observer ses préceptes4 ».
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Menora (marque-page). Papier et couleurs végétales. 14 x 21 cm. Collection Dahan-Hirsch. Cinq flammes en forme d’oiseaux et divers accessoires du Temple.
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L’ arbre de vie
Divers décors plus ou moins schématiques sur de nombreux objets profanes sont également des évocations de l’arbre de vie. Il faut y adjoindre les dessins de vases de fleurs que l’on trouve sur des broderies, des bijoux ou les sculptures ornant une pierre tombale.
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Détails de manteaux de Tora. Sur le premier, de Tanger, un arbre de vie symbolique de 44 cm est dessiné au fil d’or sur velours brun, début xxe siècle. Un second exemple, brodé au fil d’argent, provient de Marrakech, 5684 (1924). Collection Dahan-Hirsch. L’arbre de vie peut être symbolisé par un vase de fleurs. Exemples : sur une pierrre tombale du cimetière juif de Tetouan et sur une fibule en argent moulé. Extrémités des axes de Sefer Tora. Bois tourné et décor d’argent. Diamètre au niveau de la partie décorée : 5 cm. Sefrou. Collection Dahan-Hirsch.
L’art, signes et symboles
« L’arbre de vie » (en hébreu, Ets Haïm) est l’un des deux arbres de l’Éden biblique5, l’autre étant celui de la connaissance du bien et du mal. Il est le symbole de la vie spirituelle et éternelle. Son nom est donné aux extrémités supérieures des bâtons sur lesquels s’enroule le parchemin du Sefer Tora. Sa représentation sur un manteau de Tora, un parohet, sur la première page d’un manuscrit ou parmi les enluminures d’une meguila, est fréquente. L’arbre de vie y est le symbole « de la dynamique de la vie, la longévité, la vie spirituelle6 ». Il peut désigner la Tora elle-même.
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Les Tables de la Loi
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Broderie au fil d’argent sur le parohet (présenté page 184). Collection Yshac Einhorn.
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Les dix commandements dictés par Dieu s’inscrivirent sur deux pierres désignées sous le nom de « Tables de la Loi7 ». Leur figuration traditionnelle, avec le bord supérieur arrondi, est devenue un des symboles du judaïsme, témoignage de l’Alliance entre Dieu et son peuple.
Broderie au fil d’argent sur un parohet. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
Leur représentation schématisée contenant les premiers mots de chacun des dix commandements est employée très souvent sur les broderies des parohet-s, rideaux derrière lesquels sont placés les rouleaux de parchemin du Sefer Tora.
Broderie au fil d’argent sur un manteau de Tora en velours, Fès, 5705 (1944). Collection Dahan-Hirsch.
Selon Nadine Shenkar, la Kabbale y voit le « symbole de l’unité de la matière (la pierre) et de la lumière (l’écriture), du contenu et du contenant, du signifié et du signifiant8 ».
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Jérusalem Lieu d’édification du Temple de Salomon, Jérusalem occupe une place fondamentale dans l’esprit des Juifs du monde entier. Au Maroc, le vœu couramment formulé en guise d’au revoir, et rituel lorsque l’on se séparait le dernier soir de Pâque, était : « L’an prochain à Jérusalem ! »
Essaouira ou plus anciennement Sijilmassa ou Ifrane de l’Anti-Atlas. La ville sainte était souvent stylisée sur les parohet-s ou les manteaux de Tora et évoquée dans les enluminures de livres ou de talismans manuscrits.
Plusieurs villes du Maroc (comme ailleurs dans le monde) se paraient du nom de « petite Jérusalem » ; c’était le cas de Tetouan, Salé,
On lui donnait parfois la forme du dôme du Rocher, édifice musulman qui occupe aujourd’hui le mont du Temple.
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Autre évocation de la ville sainte sur le parohet de la page 184. Collection Yshac Einhorn. La ville sainte encadrée par les colonnes du Temple. Broderie de soie sur une étoffe de soie blanche couvrant le tombeau du saint Rabbi Abraham Moul Niss à Azemmour.
L’art, signes et symboles
Manteau de Tora montrant le dôme du Rocher pour évoquer Jérusalem. Décor au fil d’or, avec un galon et des franges de soie. 71 x 30,5 cm. Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris.
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L’Art chez les Juifs du Maroc
Détail d’un parohet de velours vert brodé au fil d’or, 1969. Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris. Au centre, une inscription encadrée par deux colonnes torses. Une petite plaque d’argent gravé porte une dédicace à Rabbi Amram ben Diwan.
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Ketouba (contrat de mariage), Tetouan, 1837. Parchemin et couleurs végétales. 44 x 33 cm. Collection Dahan-Hirsch. Les mariés : Haïm Benzaken et Messaouda Azoulay. Le rabbin qui a signé l’acte était Isaac Bengualid.
Les colonnes du Temple
Page de droite Ketouba (contrat de mariage), Tetouan, 5629 (1869). Papier, aquarelle et encre. 39,5 x 64 cm. Collection Dahan-Hirsch. Les mariés : Vidal Bengualid et Simha Pariente.
À l’entrée du Temple de Jérusalem étaient érigées deux colonnes monumentales ornées à leur sommet de fleurs de lis9. Leur figuration peut évoquer le Temple dans l’esprit des fidèles, elle est courante sur des manuscrits et divers objets de culte.
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La symbolique en est claire : elles marquent le passage du profane vers le sacré, « des ténèbres vers la lumière10 ». Au Maroc, sur les ketouba-s, les colonnes peuvent être torses et soutiennent en général un arc outrepassé.
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Lampe de Hanouka de cuivre moulé en plusieurs éléments rivetés. Hauteur : 24,5 cm. Collection Victor Klagsbald. Décor complexe comportant à la base une arcature et au sommet de petites mains.
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Mizrah, papier découpé placé sur le mur d’une synagogue pour indiquer la direction de Jérusalem. 40 x 48 cm. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem.
Les mains
Partie d’une lampe de Hanouka en argent plané, découpé et ciselé. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Les mains, à la partie supérieure, évoquent la bénédiction du grand prêtre.
Il ne sera pas question ici du talisman en forme de main très connu au Maroc, mais seulement des deux mains dressées, ouvertes et en principe avec les doigts écartés, qui ont un sens religieux pour les Juifs car elles rappellent le geste de bénédiction du grand prêtre (le Cohen). Elles étaient parfois
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représentées sur des lampes de Chabbat ou de Hanouka, et surtout sur des mizrah-s ou des papiers découpés qui en tiennent lieu. Les yad-s (dont le nom veut dire « main ») sont des accessoires indispensables du lecteur de la Tora qui doit éviter de toucher le parchemin sacré.
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Sac de talet de Salomon Lévy de Marrakech, vers 1920. Broderie au fil d’or sur velours. Collection Janine Abecassis.
La couronne La couronne était portée dans l’antiquité juive par le grand prêtre (Cohen) et les rois de Judée. Une couronne en argent coiffant le Sefer Tora n’est pas d’usage au Maroc. Mais un décor la représentant est brodé sur de nombreux objets rituels, en particulier sur des parohet-s, des
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manteaux de Tora, des objets personnels comme les sacs de talet (notamment dans les familles Cohen ou Lévy).
Broderie au fil d’or représentant une couronne à la partie supérieure d’un manteau de Tora. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem.
On la dessine à l’occasion sur les premières pages de manuscrits.
Détail de parohet. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Plaque pectorale en velours brodée de fil d’argent, pour le repos d’Israël ben Abraham Mimran. Musée Wolfson, Ekhal Chlomo, Jérusalem.
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Pochette de cuir, ornée de savantes broderies au fil d’or, qui se fixait à une ceinture d’homme. Musée ethnographique de Bab el Oqla, Tetouan.
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Détail d’un coussin de cuir au décor excisé. Musée Dar Si Saïd, Marrakech. Page de droite Sac de Talet en argent plané, ciselé et découpé, doublé de velours vert. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Le décor comporte un jeu de courbes et de motifs végétaux dans un réseau de lignes droites entrecroisées.
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ORNEMENTATIONS DIVERSES Figures géométriques, végétaux, objets L’ornementation géométrique est une science du tracé des lignes sur une surface. Ces lignes peuvent onduler, se briser, s’enrouler, jouer deux à deux en parallèle, en entrelacs, dessiner des croisillons, des figures anguleuses,
des polygones de multiples formes, des étoiles, des zigzags, des courbes, des rosaces. Dans ces derniers cas, les lignes rejoignent les formes que fournit la nature dans le monde végétal.
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Arcades et arcatures dans l’art juif
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Détail d’une meguila d’Esther. Hauteur : 14 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Parchemin enluminé, des arcades encadrent le texte.
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Page de garde d’un manuscrit cabalistique de Haïm Vital, écrit et enluminé par le scribe Aaron Corcos, Marrakech, 1752. 14 x 18 cm. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Page de droite Ketouba d’Essaouira, 1848. Encre et peintures sur parchemin. Hauteur : 48 cm. Musée d’Israël, Jérusalem.
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Les ouvertures en arcades sont d’un emploi quasi universel. Au Maroc, elles étaient utilisées comme décors dans certains artisanats juifs. Leurs arcs étaient de formes diverses, ogivaux, outrepassés, polylobés. Plusieurs arcades pouvaient s’associer en arcature. Sous forme de dessins, les scribes se servaient des arcades dans certains manuscrits pour encadrer les parties écrites. Dans les ketouba-s, le texte du contrat est inscrit très souvent dans une arcade. La tradition arabo-andalouse a entraîné l’emploi d’arcs outrepassés, polylobés, ou au sommet parfois brisé, dans plusieurs catégories de réalisations très diverses, telles des lampes de Hanouka, des tappuhim-s, des haïti-s. Une forme en arcade pouvait être donnée par les bijoutiers à des pendentifs de bonne taille et à des pendeloques appendues à certains bijoux.
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Frise d’oiseaux gravée sur le flanc d’une bassine de cuivre, Marrakech, début xxe siècle. Hauteur de la partie décorée : 6 cm.
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Lion de Juda figuré sur une couverture pour le siège du prophète Élie, Fès, 5716 (1956). Broderie au fil d’or sur velours. Hauteur du lion : 16 cm. Collection Dahan-Hirsch.
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Page de droite Plateau en laiton ciselé et estampé, travail d’artisan juif de Marrakech, 1932. Diamètre : 53 cm. Il s’agit d’une véritable cosmogonie. Le lion et le cheval représentent la vie sur la terre, les oiseaux évoquent le ciel, avec la lune, le soleil et les étoiles, tandis que les poissons, le bateau et les coquillages symbolisent la vie dans la mer.
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LE MONDE ANIMAL, ESPACE DE LIBERTÉ La prohibition formelle de représentations d’êtres vivants est sans équivoque dans la Bible : « Tu ne feras point d’image taillée, aucune ressemblance de ce qui est dans les cieux en haut, ni de ce qui est sur la terre en bas, ni de ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre13. » Mais dès l’Antiquité, dans différents pays, ces interdits ont été transgressés par des artistes juifs. Au Maroc, dans l’esprit populaire, on reconnaît une baraka à certains animaux, et des croyances traditionnelles, des pratiques de magie expliquent que l’on ait considéré leurs représentations comme porte-bonheur ou moyen de protection contre les jnoun, le mauvais œil des jaloux, les sortilèges malfaisants14. Il faut soigneusement distinguer les emplois conditionnés par des superstitions et les sym-
boles réellement significatifs pour les communautés juives. Des tribus du peuple d’Israël dans l’Antiquité avaient choisi des animaux comme emblème ; on les retrouve au Maroc sur des objets juifs. Le lion représente la tribu de Juda, qui a donné son nom au judaïsme et donc au mot juif. Les rois de Judée sont héritiers de la lignée du roi David, et c’est de cette famille que, selon la tradition juive, doit descendre le Messie. Cet animal est donc pour les Juifs le symbole d’une royauté rayonnante, d’une force tranquille tout en apportant aussi sa protection. Deux lions dressés s’affrontent en broderie de fil d’or sur des étoffes qui recouvrent les sièges d’élie ou les parohet-s dans les synagogues.
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Page de manuscrit enluminé avec une curieuse silhouette humaine au milieu du texte. Encre sur parchemin. The Gross Family Collection, Tel Aviv.
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Partie supérieure d’une pierre tombale de l’ancien cimetière juif d’Essaouira. Le décor anthropomorphe est très souvent utilisé dans cette nécropole.
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Détail d’une lampe de Hanouka en cuivre moulé. The Gross Family Collection, Tel Aviv. Dans chacune des trois arcades se dessine un motif incontestablement anthropomorphe. Page de droite Rabat d’une sacoche zaïane. Patchwork d’éléments de cuir rehaussés de diverses couleurs évoquant, dans la partie centrale, une silhouette humaine.
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Décors anthropomorphes Les religions musulmanes et juives interdisent les représentations humaines. Et pourtant… « derrière un pendentif rutilant, dans les enchevêtrements des décors émaillés d’une poterie, le chatoiement des couleurs d’une soierie brodée ou d’une enluminure, la raideur géométrique des motifs tissés d’un vieux haïk, la rugosité des sculptures d’une pierre tombale, il faut déterminer ce qu’on n’a pu éviter de conserver de la silhouette humaine, et le donner à voir17 ». Quelques images montreront, mieux que de longs commentaires, des exemples de formes humaines relativement faciles à identifier dans l’environnement matériel des Juifs du Maroc. Dans trois arcades au découpage plutôt fantaisiste de la partie verticale d’une hanoukia en cuivre moulé, on distingue sans difficulté un trio de silhouettes humaines jambes et bras écartés. Ce thème figuratif est décliné avec des variantes plus ou moins parlantes sur d’autres modèles de ces lampes. Parmi les bijoux berbères, les formes de nombreuses fibules peuvent être analysées
comme des variations autour de la forme anthropomorphe18. Dans le détail, un petit personnage se dessine à claire-voie dans la concavité d’une boucle d’oreille de la région de Tahala, brillamment enjolivée d’émail. Un motif voisin était placé sur une plaque frontale portée autrefois par les femmes des Aït Ouaouzguit. La schématisation de plus en plus poussée de la forme humaine aboutit à des éléments formés d’un triangle surmonté par un cercle, dont les artisans juifs au sud de l’Atlas ont abondamment garni les parures de la région et les peintures sur bois. Une autre évocation minimale de la silhouette humaine est constituée d’un cercle surmontant un rectangle. Elle a été également utilisée par les bijoutiers et les menuisiers. Il s’agit, dans ces figurations, de motifs quasi universels ; ils ne sont mentionnés ici qu’en raison des interdits qui auraient pu s’opposer à leur emploi dans les artisanats juifs.
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Paire de boucles d’oreilles de Tahala décorée d’émaux cloisonnés. Diamètre intérieur : 7 cm. Musée Dar Si Saïd, Marrakech. Dans l’arc se détache un motif dans lequel on peut identifier une silhouette humaine.
La clientèle indifféremment juive ou musulmane des artisans juifs du Maroc montre qu’il a existé dans ce pays, pendant une durable cohabitation, à la fois une parenté des goûts artistiques des deux communautés et une absence de préjugés des Musulmans contre les productions juives. Certains auteurs y ont vu simplement la proximité naturelle des sens esthétiques, d’autres une évidente adaptation réciproque – qui a pu même être qualifiée de symbiose.
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L’objet de cet ouvrage est de proposer au lecteur la découverte au moins partielle des facettes d’un art juif marocain authentique exprimé dans la culture matérielle, en cheminant dans un musée imaginaire forcément lacunaire. Ce regard encore inédit est un appel à d’autres recherches pour que soit mieux connue sous cet aspect une communauté dont la longue et riche histoire s’est brutalement interrompue.
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CONCLUSION
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LES COMMUNAUTÉS JUIVES AU MAROC VERS 1950
Les cercles rouges indiquent le centre de régions où se situaient d’autres agglomérations dispersées (voir la liste ci-dessous).
Du nord au sud et d’ouest en est : SOUK EL ARBA DU RHARB Sidi Slimane, Sidi Kacem (Petit Jean), Mechra Bel Ksiri.
KHENIFRA El Kbab, El Ksiba, Arbala, Toulal.
DEMNATE Sidi Rahal, Oulad Mansour, Foum Jemaa, Aït Imi, Aït Hkim, Rhezdama, It Kane, Tabant, Aït Bou Oulli, Tissent, Assamer, Tresal, Aït Brahim, Tazgzaout, Aït Bou Guemmez.
OUEZZANE Zoumi, Teroual, Arbaoua.
BENI MELLAL Aït M’Hamed, Azilal, Taounza, Bzou, Ouiouizert, Aït Taguella.
OUJDA Ahfir (Martimpray du Kiss), Djerada, Aïn Benimathar (Berguent), El Aïoun.
SAFI Chemaïa, Youssoufia (Louis Gentil).
TINERHIR Asfalou, Boumalne, Tiilit, El Kelaa des Mgouna, Goulmima, Tinejdad, Alnif.
ER RACHIDIA (Ksar es Souk) Rich, Kerrando, Gourrama, Er Rehba, Mederhra, Bou Denib, Bou Anane.
RISSANI Sijilmassa, Alnif, Taberrhsent, Irara, Tiredouour, Amadid.
ESSAOUIRA (Mogador) Tamanar.
FIGUIG Tendrara, Bou Arfa.
MARRAKECH Tahanaout, Asni, L’Ourika, Aït Ourir, Taddert, Amizmiz, Arrhen, Goundafi, Oulad Zennaguia.
OUARZAZATE Telouet, Skoura, Irhilbien, Issers, Imaoulin, Asselm, Irhris, Aït Bou Amer, Oulad Brahim,
RABAT Tiflet, Khemisset. FÈS Sefrou, Azrou, Aïn Leuh, Immouzer du Kandar, El Hajeb, Boulemane. MOHAMMEDIA (Fedala) Ben Slimane (Boulhaut), Rommani (Marchand), El Gara (Boucheron).
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Zerekten, Agouim, Anezal, Oulad Roha, Oulad Kboula, Igli, Timicha, Iferkane, Amerk’Soud, Oulad Abbou, Oulad Bourious, Talemt, Aït Oussi. TALIOUINE Aoulouz, Irhil n Oro, Oulad Berehil. AGADIR Aït Baha, Biougra. TAFRAOUT Tahala, Anezi. ZAGORA Tamgrout, Amezrou, Tagounit Beni Sbih, M’Hamid. BOU IZAKARN Ifrane de l’Anti-Atlas, Illirh.
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GLOSSAIRE AMULETTE : petit objet que l’on porte sur soi et auquel on attribue superstitieusement des vertus protectrices.
COUVRE-NOURRITURE : tissu en général décoré servant à couvrir le plat de pain préparé pour le dîner du Chabbat ou d’autres plats rituels.
ARBRE DE VIE : représentation figurée plus ou moins schématique d’un arbre, employée dans un décor et évoquant symboliquement la Tora (voir Ets Haïm).
DÔME DU ROCHER (improprement appelé dôme d’Omar, mosquée d’Omar, etc.) : troisième lieu saint de l’islam, c’est un sanctuaire érigé à la fin du viie siècle à Jérusalem sur l’esplanade des Mosquées. Ce lieu est pour les Juifs l’emplacement du premier Temple (dit de Salomon, et du second, tous deux détruits avant l’avènement de notre ère). Ainsi s’explique la figuration du Dôme du Rocher comme symbole évoquant le Temple, en décor sur des objets juifs.
ASHKÉNAZE (mot hébreu signifiant « allemand », nom et adjectif) : qualifie le groupe culturel juif d’Europe septentrionale (s’étendant du nord de la France à la Russie, donc comportant en majorité des régions de langue allemande). BABOUCHE : chaussure de cuir sans talon portée dans les pays musulmans, dont le quartier (partie arrière) est absent ou rabattu à l’intérieur. BAR MITSVA (mot hébreu) : cérémonie célébrant l’accès (à treize ans et un jour) d’un jeune garçon dans la communauté religieuse. CACHER (mot hébreu) : se dit des aliments solides ou liquides préparés conformément aux lois hébraïques (et dans des sens restreints, par exemple, pour des animaux d’élevage sacrifiés pour la consommation, ou des animaux sauvages considérés comme licites pour l’alimentation). CAFTAN (mot d’origine turque) : robe longue portée dans les pays musulmans. CHABBAT (mot hébreu) : le septième jour de la semaine (du vendredi au coucher du soleil jusqu’à la tombée de la nuit du samedi), jour de repos. CHADDAÏ (mot hébreu) : vocable désignant Dieu (sens littéral : tout-puissant).
L’Art chez les Juifs du Maroc
CHIVITI (mot hébreu) : premier mot du verset 8 du psaume LXVII, inscrit dans les branches des menora-s, chandeliers mystiques représentés sur des marque-pages pour les livres de prières ou sur des panneaux placés sur le mur est de synagogues ou de maisons pour indiquer la direction vers laquelle se tourner pour prier. Par extension, désigne aussi ces objets.
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CHLEUH (mot berbère, nom ou adjectif) : habitant (être humain), langue ou objet de la région où est parlée la langue berbère tachelhaït ; ce large domaine comporte la partie occidentale du Haut Atlas et, vers le sud et l’est, le territoire s’étendant de l’Atlantique aux oasis présahariennes jusqu’au coude du Draa et aux moyenne et haute vallées du Draa. COHEN (mot hébreu) : prêtre du Temple de Jérusalem et patronyme des descendants de ces prêtres. COUVRE-MEZOUZA : désigne un objet décoré (tissu, métal) apporté par la fiancée lors du mariage (et portant souvent son nom patronymique sous le nom divin de Chaddaï) pour couvrir et orner la mezouza* de sa nouvelle demeure.
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ÉTROG (mot hébreu) : cédrat, fruit du cédratier (sorte de citronnier), employé pour les rites de la fête de Souccot. ETS HAÏM (mots hébreux), « arbre de vie* » : un des enrouleurs en bois sur lesquels prend place le parchemin de la Tora.
KIPPOUR (mot hébreu, signifiant expiation) : fête juive considérée comme la plus sainte de l’année (Yom Kippour), consacrée à la pénitence et marquée par les prières et le jeûne. KSOUA EL KBIRA (mots arabes) : la grande robe, nom donné au vêtement complexe porté par les mariées juives pour le jour de la noce et par les femmes mariées dans les grandes circonstances. LAMPE DE CHABBAT : lampe domestique à deux becs utilisée pour les rituels des soirs de Chabbat. LAMPE DE HANOUKA : lampe à huile utilisée pendant la durée de la fête de Hanouka*. LEBBA (mot arabe) : collier en métal précieux et pierres porté dans les villes pour les mariages ou les fêtes, formé d’une enfilade de perles creuses et de pendeloques à étages.
FASSI (mot arabe) : de la ville de Fès.
LUMIÈRE ÉTERNELLE : nom donné aux lampes commémoratives que les familles font réaliser pour perpétuer le nom d’un défunt et qui prennent place dans les synagogues.
FULET KHAMSA (mots arabes) : pendentif à quatre lobes mais à cinq motifs décoratifs, d’où l’apposition du mot khamsa (cinq) et le caractère bénéfique supposé du bijou.
MAGHEN DAVID, LE BOUCLIER DE DAVID (communément appelé étoile de David) : étoile à six pointes, figure obtenue en superposant en sens inverse deux triangles équilatéraux.
HAGGADA (mot hébreu) : texte religieux racontant la sortie des Juifs d’Égypte, lu au cours du repas du Seder qui ouvre les festivités de la Pâque.
MANTEAU DE TORA : housse protégeant le rouleau de la Tora.
HANOUKA (mot hébreu) : fête des Lumières, dans la période hivernale, qui commémore la victoire contre les Grecs qui détenaient le Temple de Jérusalem et la re-consécration de celui-ci. Sa durée est de huit jours au cours desquels on allume chaque soir une mèche sur une lampe spéciale à huit godets contenant de l’huile. La lampe est appelée hanoukia. HAVDALA (mot hébreu) : cérémonie du samedi soir, terminant le Chabbat ; elle marque la fin du jour sacré et le retour à la vie profane. JNOUN (mot arabe, forme pluriel) : nom donné aux génies, êtres peuplant supposément le monde des Invisibles, et pour la plupart considérés comme maléfiques. KABBALE (mot hébreu) : ensemble de textes offrant des approches mystiques et ésotériques du judaïsme et du monde. KABBALISTIQUE : adjectif employé ici pour signifier : relatif à la Kabbale, volet mystique plus ou moins ésotérique de la religion juive. KETOUBA (mot hébreu) : contrat de mariage dans les rites juifs. KHAMSA (mot arabe, signifiant cinq) : type de bijou en forme de main ou portant cinq décors permettant d’évoquer un chiffre considéré comme protecteur.
MEGUILA (mot hébreu) : parchemin en rouleau portant le texte du Livre d’Esther, lu pour la fête de Pourim. MELLAH (mot arabe) : quartier enclos de murailles où les Juifs ont été dans certaines villes astreints à résider, et par extension aux petites agglomérations isolées habitées exclusivement par des Juifs. MENORA (mot hébreu) : chandelier à sept branches, à l’origine celui qui éclairait le Temple de Salomon, d’où sa symbolique sacrée ; ce nom est donné aussi à toute lampe en évoquant la forme et à des papiers où est figurée la représentation de cet objet. MEZOUZA (mot hébreu) : petit rouleau de parchemin portant des textes saints hébraïques, qui doit être placé dans un étui sur le montant droit de la porte de toutes les maisons habitées par des Juifs. MIZRAH (mot hébreu, signifiant l’est) : décoration de synagogue, souvent une image représentant une menora, et indiquant la direction de Jérusalem. MONT DU TEMPLE : partie de la ville de Jérusalem, où, selon la Bible, le roi Salomon fit édifier aux alentours du x e siècle avant J.-C. le premier Temple juif. MOUCHARABIEH (mot arabe) : clôture de bois discrètement ajourée. MOUSSEM : au Maroc, fête régionale annuelle, originellement religieuse (en général pour honorer
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