L'ÉCOLE DE NANCY face aux questions politiques et sociales de son temps (extrait)

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Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination éditoriale : Laurence Verrand Contribution éditoriale : Sandra Pizzo Conception graphique : Nicolas Hubert Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 © musée de l’École de Nancy, 2015 ISBN 978-2-7572-0987-5 Dépôt légal : octobre 2015 Imprimé en République tchèque


L’ÉCOLE FACE DE AUX QUESTIONS NANCY POLITIQUES ET SOCIALES DE SON TEMPS Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent

MUSÉE DE L’ÉCOLE DE NANCY


Catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. L’École de Nancy face aux questions politiques et sociales de son temps », organisée par la Ville de Nancy et le musée de l’École de Nancy au musée des Beaux-Arts de Nancy du 9 octobre 2015 au 25 janvier 2016 Commissariat scientifique François Parmantier, directeur adjoint, musée de l’École de Nancy Commissariat François Parmantier, directeur adjoint, musée de l’École de Nancy Valérie Thomas, conservateur en chef, directrice, musée de l’École de Nancy Assistés de Chloé Héninger Régie des œuvres François Parmantier, directeur adjoint, musée de l’École de Nancy Muséographie Didier Blin, Centre technique municipal Graphisme et signalétique Frédéric Rey Restauration des œuvres Florence Godinot, Jean-Yves Le Bot, Armelle Poyac, Maud Zannoni

Que toutes les personnes ayant permis la réalisation de l’exposition « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. L’École de Nancy face aux questions politiques et sociales de son temps » reçoivent l’expression de notre gratitude pour leur précieuse collaboration. Cette manifestation n’aurait pu être organisée sans l’appui et le soutien de : Laurent Hénart, maire de Nancy Lucienne Redercher, adjointe au maire de Nancy, déléguée à la culture, à l’intégration et aux droits de l’homme Marie-Christine Labourdette, directrice du Service des musées de France Marc Ceccaldi, directeur régional des affaires culturelles de Lorraine Bertrand Bergbauer, conseiller pour les musées de Lorraine, Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine Véronique Noël, directrice du pôle culture-attractivité de la Ville de Nancy, Guillaume Doyen, directeur des affaires culturelles, et leur équipe Charles Villeneuve de Janti, directeur, Patricia Pedracini, Florence Portallegri, régie des œuvres, Michèle Leinen, documentation, Michèle Thisse, chargée de la communication, Jack Thirion et l’équipe technique, musée des Beaux-Arts de Nancy Laurence Brygo, directrice-adjointe, Conservatoire Régional de Musique – Communauté Urbaine du Grand Nancy et son équipe

L’exposition et le présent ouvrage ont bénéficié du soutien généreux de l’État et de la banque CIC Est, que nous associons à nos remerciements :

Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le Ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des Patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État.


L’exposition a été organisée grâce au généreux concours de plusieurs collections publiques et de collectionneurs privés qui ont préféré conserver l’anonymat. Par leurs prêts, ces institutions et ces particuliers ont permis la réalisation de cette manifestation. Qu’ils soient remerciés, en particulier : Beauvais, musée départemental de l’Oise Josette Galiègue, conservateur en chef, directrice Castres, Centre national et musée Jean-Jaurès Hugues Vial, directeur Jean-Baptiste Alba, assistant de conservation Cognac, musée d’Art et d’Histoire Catherine Wachs-Genest, directrice Karine Raynaud, documentaliste Dublin (Irlande), National Museum of Ireland Raghnall O’Floinn, directeur Audrey Whitty, conservateur Lar Joye, conservateur Christopher Harbridge, régie des œuvres Düsseldorf (Allemagne), Glasmuseum Hentrich Dedo von Kerssenbrock-Krosigk, directeur Sabine Schroyen, assistante Inge Maruyama, régie des œuvres Épinal, musée départemental d’Art ancien et contemporain Thierry Dechezleprêtre, conservateur en chef Karlsruhe (Allemagne), Badisches Landesmuseum Eckart Köhne, directeur Heidrun Jecht, conservateur Laxou, mairie Laurent Garcia, maire Nadine Balicki, responsable du pôle culture L’Isle-Adam, musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq Caroline Oliveira, directrice Lunéville, musée du Château des Lumières Alain Philippot, directeur Thierry Franz, assistant qualifié de conservation

Nancy, bibliothèque municipale Juliette Lenoir, conservateur Claire Haquet, conservateur Nancy, musée des Beaux-Arts Charles Villeneuve de Janti, directeur Patricia Pedracini, régie des œuvres Michèle Leinen et Muriel Mantopoulos, documentation Nancy, musée Lorrain Richard Dagorne, directeur Sophie Mouton, conservateur Anne-Laure Rameau, régie des œuvres Bénédicte Pasques et Claire Tiné, documentation Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du musée Lorrain Dominique Flon, président Gabriel Vilheroy de Galhau Paris, Les Arts Décoratifs Olivier Gabet, directeur Jean-Luc Olivié, conservateur en chef département verre Sylvie Bourrat, régie des œuvres Paris, musée d’Orsay Guy Cogeval, directeur Élise Dubreuil, conservateur Claire Bernardi, conservateur Marie-Pierre Gaüzès, régie des œuvres Paris, CEDIAS-Musée social Michel Prat, responsable de la bibliothèque Reims, musée des Beaux-Arts David Liot, directeur Catherine Delot, conservateur en chef Rennes, musée de Bretagne Céline Chanas, directrice Françoise Berretrot, conservateur Célia Massard, régie des œuvres Suwa (Japon), Kitazawa Museum of Art Yusuke Shimizu, président de la Fondation Kitazawa Mayumi Ikeda, conservateur Vandœuvre-lès-Nancy, faculté de médecine Henry Coudane, doyen Jean Floquet, conservateur Pour leur contribution à la publication de cet ouvrage, nous remercions tout particulièrement les auteurs des différents essais : Jacqueline Amphoux, Françoise Birck, Didier Francfort, Philippe Thiébaut, Bertrand Tillier

Pour la qualité de leur conseil et l’aide apportée à la préparation de cette exposition et à la réalisation de ce catalogue, nous tenons également à remercier : Jacqueline Amphoux ; Amanda Bane, consul de l’ambassade d’Irlande à Paris ; Corinne Bouchoux, sénatrice de Maineet-Loire ; Denis Butaye, directeur du Musée français de la Carte à Jouer ; Laurence Casalini, documentaliste, Service régional de l’inventaire de Lorraine ; Mary B. Chevernak, The Rakow Library ; Pascal Concordia, musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, Paris ; Françoise Gauthier ; Chloé Gillet ; Marie Gloc, conservateur des monuments historiques, DRAC Lorraine ; Hadrien Laroche et Elisabetta Sabbatini, ambassade de France en Irlande ; François Le Tacon, Frédérique Lewim, mairie du XIe arrondissement de Paris ; Marcelle Moret, Mireille François et Éric Nunes, bibliothèque municipale de Nancy ; Véronique et Jean-Luc Moreau ; Tina Oldknow, curator of modern glass, The Corning Museum of Glass ; Daniel Peter, directeur des archives municipales de Nancy ; Catherine Prouvé ; Samuel Provost, maître de conférences à l’Université de Lorraine ; Christophe Provot, maire-adjoint d’Issy-lesMoulineaux ; Jean-Charles Ramelli, Conservatoire Régional de Musique ; Philippe Vaillant Nous souhaitons aussi associer à ces remerciements, pour l’aide apportée dans l’organisation de cette manifestation, l’ensemble du personnel du musée de l’École de Nancy, en particulier : Monia Apparu et Jean-Yves Nancey, administrateurs Ingrid Thiery, comptabilité Blandine Otter, documentation Véronique Branchut-Gendron, Emmanuelle Guiotat, Ghislaine Chognot, l’équipe et les guides-conférenciers, service des publics des musées Véronique Baudoüin, communication Jérôme Perrin, Villa Majorelle Damien Boyer et Filipe Domingues, service technique L’équipe d’accueil et de surveillance



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orteur d’un projet de société revendiquant le passage à un art total et social, l’Art nouveau est un mouvement engagé, qui s’est épanoui dans un contexte plus troublé que le terme de « Belle Époque » ne le laisse deviner. À Nancy, cette propension à s’intéresser aux enjeux de société et aux questions politiques est accentuée par la position de la ville, devenue alors capitale de l’est de la France et située à quelques kilomètres de la nouvelle frontière imposée par l’Allemagne. Cette manifestation, présentée au musée des Beaux-Arts et au musée de l’École de Nancy, évoque ce contexte et témoigne de l’implication du milieu intellectuel et artistique nancéien dans ces questions. Elle illustre plus particulièrement le rôle des deux présidents de l’École de Nancy, Émile Gallé et Victor Prouvé. Républicains fervents et investis dans le champ politique, ils ont fait de leur recherche d’une nouvelle esthétique l’expression de leur quête d’une société plus juste, plus humaine, plus belle… Très tôt, Émile Gallé a souhaité confier à ses œuvres une mission précise, celle d’exprimer et de défendre ses idées. Le contexte de l’affaire Dreyfus et sa volonté de prendre position pour le capitaine amènent l’artiste à accentuer cette position par la conception de plusieurs verreries et meubles où forme, sujet et citation littéraire sont étroitement associés pour délivrer un message. Les diverses actions de médiation accompagnant l’exposition, les collaborations nouées à cette occasion devraient permettre à un large public de découvrir l’engagement de l’École de Nancy dans les questions sociales et politiques de son temps, d’en voir la traduction dans des œuvres variées, des pièces maîtresses en verre jusqu’au simple document imprimé, ainsi que dans l’aventure de la Maison du Peuple ou de l’Université populaire de Nancy.

Cette exposition a été reconnue d’intérêt national pour l’année 2015 en raison de son propos, de la dimension scientifique de ce projet, de son caractère national et pour les actions de médiation variées et originales en direction de différents publics. Grâce à des prêts importants de musées français et étrangers ainsi que de collections particulières, le visiteur pourra, en quittant cette manifestation, réaliser que l’École de Nancy a été attentive et sensible à la situation politique et sociale de son temps, l’interrogeant et l’interprétant dans des œuvres d’art, et que cette attitude reste de nos jours très actuelle face aux questions de notre époque.

FLEUR PELLERIN

Ministre de la Culture et de la Communication



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n siècle après son apogée, l’École de Nancy est plus que jamais génératrice de passion et de création. Elle continue à émouvoir, offre à penser à de nombreux amateurs, inspire de sa vision les artistes d’aujourd’hui. Notre ville entretient cet héritage. Le musée de l’École de Nancy attire de nombreux touristes qui contribuent à l’attractivité économique nancéienne et à son rayonnement international. Les travaux réalisés par la conservatrice Valérie Thomas et ses collaborateurs sont remarquables, tant dans la vie de l’établissement que pour la mise en œuvre de cette exposition. En lien avec les services de la ville et les nombreux donateurs, aux côtés de l’Association des amis du musée de l’École de Nancy, ils assurent une médiation de qualité auprès de tous les publics. Au-delà des manifestations qui ponctueront l’agenda culturel, l’Art nouveau à Nancy sera marqué par la rénovation de la Villa Majorelle. Ce fleuron, novateur pour son époque, retrouvera son aspect d’origine grâce à une restauration historique. La villa intégrera un patrimoine urbain aux côtés des autres éléments architecturaux qui illuminent Nancy : dans notre ville, les portes sculptées côtoient les ombellifères de balcons et de nombreux grillages. Avec la maison d’Émile Gallé, elles seront signalées et mises en valeur. L’héritage que nous a laissé l’École de Nancy n’est pas seulement matériel ; il est aussi floral. Détenteurs d’un véritable savoir-faire horticole, les tenants de l’École verront leurs œuvres réappropriées et diffusées à travers des filières économiques adaptées. Par son patrimoine artistique, architectural ou floral, l’École de Nancy se retrouve dans une percutante approche de sa société et de son époque. Le mobilier, la vaisselle, les vitraux, vases et autres luminaires étaient en 1900 porteurs d’un message d’innovation, et parfois de réformes. Investissant le champ politique, les artistes ont su illustrer avec émotion leur patriotisme ou leur rejet de l’injustice. En adéquation avec une nation blessée par la

perte de l’Alsace-Moselle, ou en contradiction avec les injustices d’une France marquée par l’affaire Dreyfus, les hérauts de l’École de Nancy ont su exprimer leurs idées de manière subtile et subreptice. Ces artistes sont autant de références dans lesquelles chacun retrouvera un peu de fierté lorraine et beaucoup de talent. Ainsi, l’esprit de l’École de Nancy entretient un vent de modernité qui prend forme partout dans la ville, notamment sur le site Artem, regroupant les arts, les sciences et le management pour développer les dynamiques étudiantes et faciliter les innovations. Ainsi, l’exposition « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. L’École de Nancy face aux questions politiques et sociales de son temps » rend hommage à un art tant culturel que sociétal. Ces vers de Victor Hugo offrent un parallèle saisissant entre le poète et ces artistes. Tous vivaient des temps troublés marqués par la guerre, les fractures sociales, les luttes idéologiques. « Ceux qui d’un haut destin graviss[ai]ent l’âpre cime, ceux qui march[ai]ent pensifs, épris d’un but sublime », portent toujours les valeurs du poète, celles que notre société tend à oublier. Par là, ils interpellent les citoyens que nous sommes et offrent à notre regard des œuvres, des vies et des idées que nous pérennisons pour garantir le vivre-ensemble nancéien.

LUCIENNE REDERCHER

Adjointe à la culture, à l’intégration et aux droits de l’homme

LAURENT HÉNART

Maire de Nancy Ancien ministre



SOMMAIRE

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AVANT-PROPOS

François Parmantier et Valérie Thomas

15

ÉMILE GALLÉ ET VICTOR PROUVÉ, « CEUX DONT UN DESSEIN FERME EMPLIT L’ÂME ET LE FRONT »

François Parmantier

37

47

HENRIETTE GALLÉ-GRIMM, UNE FEMME ENGAGÉE Jacqueline Amphoux

ÉMILE GALLÉ, AMBASSADEUR DES CAUSES ÉLECTIVES

Bertrand Tillier

59

MUSIQUE ET POLITIQUE À NANCY À LA BELLE ÉPOQUE : AUTOUR DE CHARLES KELLER

Didier Francfort

69

LE FOUR VERRIER DE GALLÉ À L’EXPOSITION DE 1900 : UNE ENTREPRISE TROP AMBITIEUSE ?

Philippe Thiébaut

79

87

L’UNIVERSITÉ POPULAIRE ET L’ÉCOLE DE NANCY Françoise Birck

ŒUVRES EXPOSÉES Chloé Héninger, François Parmantier et Valérie Thomas

213 217 219

REPÈRES CHRONOLOGIQUES INDEX DES NOMS DE PERSONNES BIBLIOGRAPHIE


AVANT-PROPOS FRANÇOIS PARMANTIER ET VALÉRIE THOMAS

1. Gallé, 2006 ; Gallé, 2014. 2. La sœur d’Henriette GalléGrimm. 3. Los Angeles, Getty Research Institute Library, fonds Victor Champier, lettre d’Émile Gallé à Victor Champier, 22 septembre 1898. 4. Un exemplaire du vase Le Figuier a ainsi été acquis par le grand-duc Serge de Russie, connu pour sa piété et son conservatisme ainsi que pour sa politique peu favorable envers les Juifs. 5. Charpentier, 1964, p. 18-32. 6. Charpentier, 1978. 7. Sylvestre, 2006, p. 30-37.

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lusieurs ouvrages, ces dernières années, ont révélé l’importante correspondance d’Émile Gallé avec son épouse, ses amis, ses clients 1. Celle-ci a permis de mieux cerner sa personnalité, de mieux connaître ses méthodes de travail et ses sujets de préoccupation. Ces lettres ont ainsi mis en lumière l’importance de l’affaire Dreyfus dans la vie de l’industriel d’art, intérêt partagé avec sa femme Henriette et leurs proches, Charles et Mathilde Keller, Élise Chalon 2, etc. « L’Affaire » y est en effet très souvent évoquée, que cela soit de manière brève ou détaillée, aux différents interlocuteurs de Gallé, et ceci assez tôt. Il y décrit clairement la situation de la France partagée en deux et la nécessité de s’engager dans un camp pour y défendre la vérité. Ainsi, il écrit en 1898 à Victor Champier, directeur de la Revue des arts décoratifs : « Je sais que vous avez été du petit nombre, de l’infiniment petit nombre hélas, des consciencieux, des généreux, des amis de ces drapeaux qui sont aussi ceux de la France : la justice, la vérité, l’éternelle pitié, la noble indignation contre le crime et l’hypocrisie. Ma grande douleur, c’est de reconnaître mon impuissance en ce douloureux combat… Il ne faut pas nous séparer, il ne faut pas nous effaroucher comme Le Temps de ce que la petite troupe qui lutte pour la légalité, la justice et l’honneur soit mêlée d’hommes venus de points, de destinées très opposés et ayant ainsi des moyens de combattre très divers. La justice appelle chacun, sans exception de personne, au bon combat pour son règne 3. » Ce thème de la justice a été décliné assez tôt par Gallé dans son œuvre et a justifié son soutien, hormis l’affaire Dreyfus, à diverses causes. Il est cependant difficile de savoir si cet engagement était connu de ses clients, commanditaires et collectionneurs, ou s’il apparaissait clairement dans ses pièces. Certaines d’entre elles ont ainsi été acquises

par des personnes qui ne partageaient pas, semblet-il, ses prises de position 4. Dans les premières études consacrées à l’École de Nancy ou à son chef de file, il est fait peu mention de l’implication politique et sociale de ce mouvement artistique et, plus précisément, du maître verrier. Le temps était nécessaire à l’étude de cet aspect de son œuvre et à la compréhension des symboles employés pour délivrer ses messages. En 1964, Françoise-Thérèse Charpentier décrit Gallé comme un industriel d’art attentif à la poésie mais également comme un « patriote engagé volontaire » suite à la guerre de 1870, mentionnant également qu’il fut un ami de Maurice Barrès et un partisan du capitaine Dreyfus 5. Quelques années plus tard, elle consacre à cet engagement plusieurs pages, analysant plusieurs œuvres témoignant de son rôle d’artiste militant et de sa volonté de transmettre dans ses créations les valeurs qu’il souhaitait défendre 6. Par la suite, les ouvrages ou les cata– logues d’exposition dédiés à l’Art nouveau nancéien ou à ses acteurs aborderont régulièrement cet aspect, interprétant certaines de leurs productions à l’aune de ces connaissances historiques. Il est cependant difficile de connaître les positions des autres membres de l’École de Nancy : plusieurs d’entre eux ont choisi de rester en dehors de la vie politique nancéienne ou française, ou de garder leurs opinions confidentielles. Parfois, les polémiques locales les ont entraînés à se manifester. Ainsi, Auguste Daum a soutenu la création du lycée Jeanne-d’Arc de Nancy, premier établissement scolaire laïque pour jeunes filles, alors que ce dernier suscitera des polémiques pendant plusieurs années 7. En ce qui concerne Victor Prouvé, second président de l’École de Nancy, ses prises de position sont connues à travers ses œuvres, leurs sujets, leur traitement, ainsi que par le cercle de ses ci-contre, à gauche

ci-contre, à droite

ill. 1. ATTRIBUÉ À H. DUFEY

ill. 2. J. ROYER

Tirage photographique ancien Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 2011.7.2

Tirage photographique ancien Nancy, musée de l’École de Nancy, fonds Poiré

Émile Gallé, 1889

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Victor Prouvé, vers 1888

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


relations et de ses amis. Dans le premier ouvrage qui lui est consacré, en 1958, rédigé par sa belle-fille, Madeleine Prouvé, ces aspects sont peu abordés et peu développés 8. Lui-même a peu écrit à ce sujet et n’a pas affirmé publiquement ses conceptions politiques, en particulier lors de l’affaire Dreyfus. Celles-ci apparaissent néanmoins dans son engagement aux côtés d’Émile Gallé et de Charles Keller, dans des œuvres militantes et dans l’aventure de l’Université populaire de Nancy. Le 23 septembre 1904, Émile Gallé meurt, « brisé comme un de ses vases » par l’affaire Dreyfus, selon l’écrivain Émile Hinzelin, qui ajoute que « ceux qui, comme nous, ne l’ont pas quitté dans cette lutte savent ce qu’elle lui coûta. Exactement, elle lui coûta la vie 9 ». Si l’affirmation mérite sans doute d’être nuancée, elle nous rappelle la violence des affrontements de l’époque. Les antidreyfusards, qui ont perdu la bataille judiciaire et politique, n’ont pas pardonné à Gallé son engagement irréductible. Ainsi, le journal L’Est républicain, alors opposé à l’artiste, « regrette de devoir faire une réserve d’ordre politique sur cette tombe à peine fermée 10 ». Dans un souci d’apaisement et pour préserver sa postérité, les soutiens de Gallé invitent alors à oublier les différends politiques. « Ceux qui, de son vivant, n’ont pas partagé ses idées politiques doivent, aujourd’hui qu’il a disparu, désarmer et ne se souvenir que de l’artiste éminemment supérieur », écrit Édouard Bour dans la nécrologie

qu’il lui consacre 11. Georges Le Monnier, au nom des horticulteurs, invite aussi à retenir d’abord le botaniste en précisant dans son hommage que « ce n’est pas non plus ici le lieu de dire ce que furent l’homme et le citoyen 12 ». L’instauration de cette paix des mémoires a donc progressivement occulté la dimension politique de Gallé, de Prouvé et de l’École de Nancy, dont ils ont été les deux présidents. C’est de ce constat qu’est née l’idée de cette exposition. La redécouverte de ces engagements éclaire d’un jour nouveau l’École de Nancy. La modernité de sa démarche artistique et industrielle était connue ; on mesure aujourd’hui qu’elle était dans un rapport intellectuel des plus modernes avec les événements et les enjeux politiques d’une époque particulièrement troublée. Les questions politiques et sociales que l’École de Nancy, dissoute il y a plus d’un siècle, a abordées sont redevenues d’une grande actualité par un retour de balancier de l’histoire. Les droits de l’homme ainsi que ceux des peuples, les principes de nation, de citoyenneté, de laïcité et d’universalité républicaine, la question de l’enseignement et de l’information bousculaient l’ordre de la Belle Époque sous la poussée de la démocratie émergente. Aujourd’hui, dans une démocratie en mutation, ces valeurs sont en crise. Par son approche intellectuelle de ces sujets, l’École de Nancy peut sans doute apporter une contribution utile aux débats actuels.

AVANT-PROPOS 13

8. Prouvé, 1958, p. 54. 9. Hinzelin, 1904. 10. « Obsèques de M. Émile Gallé », L’Est républicain, 26 septembre 1904. 11. Bour, 1904, p. 160. 12. Le Monnier, 1904, p. 136.


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CEUX QUI VIVENT CE SONT CEUX QUI LUTTENT


ÉMILE GALLÉ ET VICTOR PROUVÉ

« CEUX DONT UN DESSEIN FERME EMPLIT L’ÂME ET LE FRONT » FRANÇOIS PARMANTIER

DIRECTEUR ADJOINT DU MUSÉE DE L’ÉCOLE DE NANCY

«C

eux qui vivent, ce sont ceux qui luttent  ; ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front » : c’est en empruntant les deux premières lignes d’un poème de Victor Hugo tiré du recueil Les Châtiments (1853) qu’Émile Gallé dédicace le vase offert à Victor Prouvé en 1896 par lui-même et « d’intimes amis » afin de « fêter l’inauguration de son monument à Carnot, en même temps que son accession dans l’ordre de la Légion d’honneur1 » (ill. 3, cat. 121). Gallé explique dans la revue La Lorraine artiste qu’il a « fabriqué » ce vase pour son « brave ami Prouvé », « depuis si longtemps à la peine », et qu’il a représenté au revers « le méchant nuage de dénigrement et de doute qu’on lâcha sur une intègre vie d’artiste2 ». Il fait sans doute allusion à la virulente polémique entourant le projet pour le monument de la Croix de Bourgogne, à Nancy, ainsi qu’à plusieurs échecs (Prix de Rome, concours pour la décoration de la salle à manger de l’hôtel de ville de Paris) attribués à une « injuste guigne3 ». Quatre ans plus tôt, Prouvé avait entamé le portrait de Gallé après avoir échoué à un autre concours4 (ill. 4). Ce tableau, considéré comme le plus approchant de la personnalité et de la démarche artistique de Gallé, est salué par la critique lors de sa présentation au salon du Champ-deMars en 1893. Le vase et le tableau constituent deux œuvres exceptionnelles qui demeureront dans les familles Gallé et Prouvé jusqu’en 1953 et 1955, années où elles entrent au musée de l’École de Nancy. Ils sont

aussi des gages d’amitié réciproque qui témoignent des relations particulières liant les deux artistes depuis la collaboration de leurs parents. En tant que céramiste, le père de Victor, Gengoult Prouvé (1828-1882) avait réparé des moules à faïence et conçu plusieurs modèles de céramique pour le père d’Émile, Charles Gallé (1818-1902). Enfant, Victor Prouvé avait semble-t-il déjà pris l’habitude de collaborer en collant les yeux de verre sur les animaux en céramique5. À l’adolescence, il participe déjà avec Émile Gallé au renouvellement du service Ferme, créé en 1864, et Gallé le cite comme l’auteur des assiettes La Réclame au village (cat. 12) et La Justice informe6. Cette collaboration précoce se double d’une amitié qui conduira Émile Gallé à être témoin au mariage de Victor Prouvé et Marie Duhamel en 1898, puis parrain de leur fils, Jean, en 1901. La citation de Victor Hugo ne surprend pas. Homme de lettres lui-même, Gallé recourt très fré-­ quemment aux écrivains qu’il apprécie pour faire vibrer ses œuvres7, « édifier [ses] verres et [ses] acheteurs par des Écritures8 » et les porter à plus haut sens. Hugo est l’écrivain le plus cité par Gallé car, «  entre toutes, l’œuvre de Hugo est fertile pour l’artiste. Presque à l’égal des Écritures, ses textes abondent en visions colorées, en verbes lapidaires9 ». La force poétique de son verbe ajoute à la célébration de la nature orchestrée par Gallé, comme sur le pot couvert Eaux dormantes10, présenté en 1891 au Salon de la Société nationale des beaux-arts et pour lequel Gallé emprunte à Hugo

ill. 3. ÉMILE GALLÉ

Canthare Prouvé, 1896

Nancy, musée de l’École de Nancy (cat. 121)

ÉMILE GALLÉ ET VICTOR PROUVÉ 15

1. La Lorraine artiste, no 28, 5 juillet 1896, p. 243. 2. Ibid., p. 242. 3. Ibid., p. 243. 4. « Plus ça va, plus c’est dur. Je vais donc faire Gallé puisque le concours n’a pas marché » : Nancy, archives du Musée lorrain, lettre de Victor Prouvé à sa mère Eugénie, novembre 1892. 5. Thiébaut, 2008, p. 36. 6. Exposition universelle de 1900, Catalogue général officiel, œuvres d’art, Exposition centennale de l’art français (1880-1889), Paris, Lemercier, 1900, no 2814, p. 207. 7. Émile Gallé, « Mes envois au Salon », Revue des arts décoratifs, 1898, dans Gallé, 1998, p. 201. 8. Lettre d’Émile Gallé à Victor Champier, 29 avril 1898, ibid., p. 200-201. 9. Ibid., p. 148. 10. Émile Gallé, Eaux dormantes, pot couvert, 18891890, Paris, musée d’Orsay, inv. OAO 1295.


ill. 4. VICTOR PROUVÉ

Portrait d’Émile Gallé, 1892

Huile sur toile H. 158 ; L. 96 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 953.2.1

16

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


ill. 7. ÉMILE GALLÉ

Vase Africana, 1900

Verre à plusieurs couches, marqueterie de verre, décor gravé H. 26,5 ; D. 25 cm Paris, Les Arts Décoratifs, département verre, inv. 27982

ÉMILE GALLÉ ET VICTOR PROUVÉ 23



HENRIETTE GALLÉ-GRIMM, UNE FEMME ENGAGÉE JACQUELINE AMPHOUX

ARRIÈRE-PETITE-FILLE D’ÉMILE ET HENRIETTE GALLÉ

D

e nombreux travaux ont été consacrés à Émile Gallé, à juste titre, mais de son épouse, on ne parle guère. Certes, on sait qu’après la disparition de son mari, en 1904, elle a pris la direction de ses ateliers, mais on a oublié son engagement en faveur de la cause dreyfusarde. Pourtant, la personnalité d’Henriette Gallé-Grimm et quelques épisodes de sa vie méritent que l’on s’y intéresse. Il est vrai qu’elle n’aimait pas se mettre en avant et savait ce que sa condition féminine lui imposait dans la société bourgeoise nancéienne de la fin du xixe siècle. Mais ce rôle de femme au foyer, assumé pleinement, ne l’a jamais empêchée de lire et de participer à de continuels échanges d’idées, de suivre l’actualité et de s’en inquiéter. Un jour de novembre 1897, elle sort de sa retenue et, par la plume et la parole, se lance dans la lutte pour le droit et la vérité. La situation lui devenait insupportable et le rôle de simple spectatrice ne pouvait durer. Si l’on considère l’engagement comme une façon d’assumer et de défendre des valeurs qui donnent sens à sa propre existence, la définition s’applique parfaitement à Henriette Gallé-Grimm. Ces valeurs  ? Essentiellement républicaines et citoyennes. Henriette Grimm les avait pensées, évaluées, choisies dans sa jeunesse, elles continuaient à l’accompagner en toile de fond lors de l’affaire Dreyfus, encadrant une réflexion libre et personnelle ainsi que des prises de position difficiles dans un présent tumultueux.

Certes, son action n’a pas eu le même éclat ni la même portée que ceux de son mari. Elle n’est cependant pas négligeable. On peut même avancer que, sans le soutien, la clairvoyance et l’argumentation logique de son épouse, Émile Gallé n’aurait pas fait entendre de la même façon son indignation ; la vision optimiste et pondérée d’Henriette a dû plus d’une fois tempérer sa fougue exaspérée. Les archives familiales ont fourni l’essentiel de cet article ; abondantes mais pas toujours de la main d’Henriette, elles apportent quelques détails inédits sur l’Affaire, mais surtout elles mettent en évidence la continuité de sa pensée autour de deux maîtres mots, justice et République, dont on sait qu’ils appartenaient également au vocabulaire de son mari. Elles font comprendre aussi que ce n’est ni par hasard ni à la légère qu’Henriette Gallé s’engageait, tout spécialement dans l’Affaire.

LA JEUNE ALSACIENNE DES ANNÉES 1870 Bien des traits de la personnalité d’Henriette s’expliquent par le milieu dans lequel elle est née. Son père, le pasteur Daniel Grimm1, cultivé et généreux, croyant fervent et esprit ouvert sur le monde, était préoccupé par la condition ouvrière et la pau­­­­­­­v­reté qu’il observait à Bischwiller (Bas-Rhin), petite ville industrielle au nord de Strasbourg. Au presbytère, on remue beaucoup d’idées, on parle religion, politique, vertus de la République – l’Alsace est encore française. Le père ouvre les yeux de ses quatre filles2, les encourage à s’exprimer, à penser

ill. 17. ÉMILE GALLÉ

Bureau La Forêt lorraine, 1899 Collection particulière (cat. 106)

HENRIETTE GALLÉ-GRIMM, UNE FEMME ENGAGÉE 37

1. Daniel Grimm (1817-1903), né à Mulhouse, pasteur à Bischwiller depuis 1850. 2. Lina (1846-1934), qui épousera le banquier mulhousien Gustave Christ, Henriette (1848-1914), la future Madame Émile Gallé, Marguerite (1850-1934), qui restera à Bischwiller, et Élise (1852-1928), dont le mari, Paul Chalon, avocat, mourra en 1882.



ÉMILE GALLÉ, AMBASSADEUR DES CAUSES ÉLECTIVES BERTRAND TILLIER

PROFESSEUR D’HISTOIRE DE L’ART CONTEMPORAIN À L’UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE DIRECTEUR DU CENTRE GEORGES CHEVRIER (CNRS, UMR 7366)

À

la mort de Gallé, en 1904, les nécrologies ne manquent pas de rappeler que l’artiste a été le défenseur passionné et généreux, ardent et parfois désespéré, de nombreuses causes humanistes : « Émile Gallé avait la foi, une foi d’apôtre moderne, active, persuasive […]. Il savait entraîner et convaincre », peut-on lire dans la revue Les Arts de la vie, qui salue en même temps « ses haines, son ardeur de justice, sa passion de vérité, […] ses dons d’enthousiasme, ses élans, […] sa fièvre permanente d’idéal1. » La presse nancéienne, encore profondément divisée par le séisme de l’affaire Dreyfus, dans laquelle le verrier a pris le parti du capitaine juif, ne manque pas de jeter quelques piques sur la dépouille tiède de l’artiste, réduisant le visionnaire à un illuminé : « Oui, Émile Gallé avait un tempérament d’apôtre, mais parce qu’un homme a un tempérament d’apôtre, ce n’est pas une raison pour qu’il ait toujours raison et qu’on doive le suivre partout. Qu’est-ce qu’un apôtre ? Un homme de foi et d’enthousiasme. Eh bien, un homme de foi et d’enthousiasme peut avoir plus d’illusions que de clairvoyance supérieure2. » Ce jugement contourné résonne du dreyfusisme de Gallé3, mais il cristallise aussi, en filigrane, les différents combats menés publiquement par l’artiste, avec les armes qui ont pu être les siennes : la pétition d’intellectuel, la lettre ouverte à la presse, l’adhésion à la Ligue des droits de l’homme4 ou à l’Université populaire, et surtout la production, la diffusion ou l’exposition de pièces de verrerie et de mobilier. Or, si l’on connaît bien les circonstances

factuelles dans lesquelles Gallé s’est engagé pour la défense des catholiques irlandais, des Arméniens massacrés ou des Boers d’Afrique du Sud écrasés par l’impérialisme britannique, on doit éclairer la pensée et les fondements de ces campagnes, pour en montrer le système qui, à bien des égards, procède d’une conception et d’une pratique diplomatiques de l’art – et plus particulièrement des arts décoratifs. Gallé prête aux arts décoratifs une valeur et des pouvoirs dépassant amplement la fonction usuelle première à laquelle les assigne la société de son temps. Dans l’un de ses textes du début des années 1890, il consigne ce qui ressemble à une revendication empruntée à la proclamation d’un critique d’art très marqué par les utopies socialistes du premier xixe siècle : « J’aime cette citation de Thoré : “L’art pour l’homme5 !” » En vertu de quoi, durant la décennie 1890, Gallé s’applique à réfuter à ses productions le statut dévalué « d’objets fabriqués par la folle du logis » souffrant d’un « déséquilibrement […] des idées dans la conception des formes », voire d’une « indigence intellectuelle et créatrice » et procédant du « goût d’abstrusion [des] élites6 ». À rebours de ces considérations qui visent à condamner le décorateur au « mutisme » des produits luxueux, élitistes ou superflus et par là même à ravaler son œuvre à une « enseigne du plumage sans le ramage7 », Gallé est préoccupé d’un « art pour tous ». À vocation sociale – qu’il s’agisse d’une production sérielle destinée à des amateurs modestes ou de pièces uniques accessibles

ill. 23. ÉMILE GALLÉ En collaboration avec Victor Prouvé et Louis Hestaux

Table Le Rhin, 1889

Noyer, marqueterie de bois divers, bronze patiné H. 77 ; L. 220 ; L. 110 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 952.1.1

ÉMILE GALLÉ, AMBASSADEUR DES CAUSES ÉLECTIVES 47

1. Les Arts de la vie, novembre 1904, p. 270-271. 2. L’Est républicain, 2 octobre 1904. 3. Tillier, 2004 ; Tillier, 2009a. 4. Naquet, 2014. 5. Émile Gallé, « La Croix de Bourgogne… », 1893, dans Gallé, 2010, p. 37. 6. Émile Gallé, « Les Salons : objets d’art », 1897, ibid., p. 51. 7. Ibid.


ill. 25. ÉMILE GALLÉ En collaboration avec Victor Prouvé

Vase Orphée ou Deux fois perdue, 1888-1889

Verre à plusieurs couches, décor taillé, gravé et doré H. 26 ; D. 17 cm Paris, Les Arts Décoratifs, département verre, inv. 11975

50

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


ill. 29. ÉMILE GALLÉ

Commode Le Champ du sang ou Le Sang d’Arménie (détail), vers 1900 Reims, musée des Beaux-Arts (cat. 85)

ÉMILE GALLÉ, AMBASSADEUR DES CAUSES ÉLECTIVES 55


58

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


MUSIQUE ET POLITIQUE À NANCY À LA BELLE ÉPOQUE : AUTOUR DE CHARLES KELLER DIDIER FRANCFORT

PROFESSEUR D’HISTOIRE CONTEMPORAINE À L’UNIVERSITÉ DE LORRAINE, DIRECTEUR ADJOINT DU CERCLE (EA 4372), DIRECTEUR DE L’INSTITUT D’HISTOIRE CULTURELLE EUROPÉENNE-BRONISŁAW GEREMEK (CHÂTEAU DES LUMIÈRES, LUNÉVILLE)

L’

École de Nancy s’est affirmée, dans la mouvance de l’Art nouveau au tournant des xixe et xxe siècles, comme un mouvement original des arts visuels, en particulier des arts appliqués, accédant à une dignité et à une reconnaissance nouvelles. Contrairement à ce que l’on a appelé l’École de Paris, il n’y a pas eu, à côté des peintres et des sculpteurs, des architectes ou des ébénistes, de musiciens. Il n’est ainsi guère évident de trouver une équivalence entre un style repérable dans le domaine des arts décoratifs, par exemple, et dans le domaine de la musique produite au même moment à Nancy, si ce n’est en usant de métaphore – la sinuosité de la ligne, la douceur ou la force – ou en recourant à une théorie des correspondances à la manière de Baudelaire. La question se pose de façon un peu identique quand on veut rapprocher les goûts gastronomiques et musicaux1. Pourtant, Nancy est bien une forme de citadelle de l’affirmation d’une tradition musicale française spécifique, malgré le poids de la mode wagnérienne d’alors2. La musique est ainsi bien présente dans la société et dans la culture lorraine de la Belle Époque. Claude Debussy considère que cette place d’honneur tient beaucoup à l’« apostolat » du compositeur Guy Ropartz (1864-1955), qui dirige le conservatoire de Nancy : « Il dépense là, sans compter, un enthousiasme infatigable pour la diffusion des belles œuvres3. » La proximité de la frontière avec l’Allemagne, après 1871, fait de la scène musi-

cale nancéienne la vitrine d’un style français. Autant qu’elle exprime un reflet d’un état d’esprit national, d’une identité préexistante, la musique contribue à former le sentiment d’appartenance à la nation4. Ce qui est vrai dans le domaine de la chanson populaire, avec le succès des chants patriotiques, parfois revanchards, tels que L’Hirondelle de France, Le Parrain de la petite Alsacienne, La Fiancée alsacienne, Le Violon brisé, souvent créés dans les cafésconcerts, en particulier à la Scala ou à l’Eldorado, à Paris, près de la gare de l’Est, par une chanteuse d’origine italienne, Amiati, est vrai pour la musique « savante ». Les débuts de la IIIe République sont une forme de laboratoire d’une culture française qui se différencierait nettement des autres cultures européennes, non seulement par l’unification de la langue et de la société par l’école et le service militaire, mais aussi par des caractéristiques communes qui transcenderaient la diversité des individualités créatrices. Ropartz a eu, dans le milieu musical français, un rôle fédérateur rassemblant des compositeurs dreyfusards, comme Albéric Magnard, et d’autres antidreyfusards, comme Vincent d’Indy. Nancy est ainsi devenu la métropole culturelle active de la frontière, avec un milieu musical où des engagements dreyfusards, assez exceptionnels dans ce monde, se sont exprimés. Dans sa troisième symphonie, composée en 1905, Ropartz se réfère ainsi à un argument tout à fait compatible avec l’idéal républicain dreyfusard : « La justice et la vérité,

ill. 30. VICTOR PROUVÉ

Portrait de Jacques Turbin (détail), 1892 Lunéville, musée du château des Lumières (cat. 133)

MUSIQUE ET POLITIQUE À NANCY À LA BELLE ÉPOQUE, AUTOUR DE CHARLES KELLER 59

1. Francfort, 2015, p. 44-49. 2. Francfort, 2008, p. 234249. 3. Claude Debussy, chronique musicale, Gil Blas, 23 février 1903, dans id., Monsieur Croche et autres écrits, Paris, Gallimard, 1987, p. 105. 4. Kelly, 2008, p. 1-14.


ill. 33. CHARLES KELLER

Partition de La Grève générale, 1906 Nancy, Musée lorrain (cat. 137)

MUSIQUE ET POLITIQUE À NANCY À LA BELLE ÉPOQUE, AUTOUR DE CHARLES KELLER 63


ill. 34. VICTOR PROUVÉ

La Grève générale, 1906

Nancy, musée de l’École de Nancy, fonds documentaire (cat. 138)

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CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT



LE FOUR VERRIER DE GALLÉ À L’EXPOSITION DE 1900 :

UNE ENTREPRISE TROP AMBITIEUSE ? PHILIPPE THIÉBAUT

CONSERVATEUR GÉNÉRAL DU PATRIMOINE, CONSEILLER SCIENTIFIQUE INHA

H

istoriens et historiens de l’art s’accordent aujourd’hui pour faire du four verrier conçu par Gallé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 une démonstration éclatante de son engagement politique ainsi qu’une manifestation artistique de tout premier ordre au service du combat mené pour la reconnaissance de l’innocence du capitaine Dreyfus. Cependant, la question de la réception du message délivré à ses contemporains par le maître verrier n’a pas été vraiment abordée – pour la simple raison, peutêtre, que les éléments qui permettent d’évaluer cette réception ne sont pas légion. En effet, force est d’avouer que la documentation dont nous disposons s’avère décevante, à un point tel qu’il convient de s’interroger sur la réussite politique de l’entreprise ou plus exactement sur les raisons d’une absence de réactions qui contraste singulièrement avec le caractère ambitieux de la mise en scène. Rappelons-en les grandes lignes. Le four dont il est question constituait le centre d’une composition architecturale tripartite. Il était flanqué de deux grandes vitrines contenant les créations verrières récentes de l’artiste, spécifiquement conçues pour l’exposition : à droite, la vitrine Les Granges, dont la menuiserie présentait une stylisation de l’épi de blé ; à gauche, la vitrine Repos dans la solitude, de proportions semblables, mais avec pour thème architectural et décoratif une ramure forestière (ill. 40-42). En réalité, cet ensemble n’était qu’une partie de l’envoi de Gallé à l’exposition. Envoi dispersé

– ce dont l’artiste n’a cessé de se plaindre – dans six emplacements différents. Deux d’entre eux concernaient des manifestations rétrospectives : l’Exposition centennale de l’art français, qui se tenait au Grand Palais des Champs-Élysées, et le musée centennal du Mobilier français, installé sur l’esplanade des Invalides. Par ailleurs, les créations de Gallé appartenant aux collections de l’Union centrale des arts décoratifs, dont les premiers achats auprès du maître verrier et du céramiste remontaient à l’Exposition universelle de 1878, étaient, en toute logique, présentées dans le pavillon élevé à la demande de l’institution par Georges Hoentschel1. Quant à la production nouvelle, elle était répartie dans les classes 69 et 73, classes respectives du mobilier et de la verrerie, abritées dans le palais des Industries diverses, sur le côté droit de l’esplanade des Invalides. À la suite de tracasseries administratives2, Gallé s’était également trouvé, au sein même de la classe de la verrerie, dans l’incapacité de regrouper son envoi. L’ensemble comprenant Repos dans la solitude, le four et Les Granges avait été relégué dans un espace ingrat, au départ d’un escalier3, éloigné de l’autre ensemble désigné sous l’appellation Le Jardin de la lampe. De ces deux postes, l’élégant livret de dixsept pages, rédigé par Gallé et agrémenté d’ornements végétaux dessinés par Louis Hestaux, peut donner une idée. Une photographie du four occupe la page de garde du fascicule tandis qu’un dessin du Jardin de la lampe le clôt. Cette photographie, dont

ill. 35. ATELIER GALLÉ

Photographie du Four verrier, 1900 Rennes, musée de Bretagne (cat. 89)

LE FOUR VERRIER DE GALLÉ À L’EXPOSITION DE 1900 69

1. Pavillon auquel Gallé consacra un article : Gallé, 1900, p. 217-225. 2. Sur les récriminations de Gallé auprès des comités d’admission et d’installation de la classe 73, voir les procèsverbaux des séances de ces comités, notamment ceux des 21 octobre et 13 novembre 1899 (Paris, Archives nationales, F12/4295). 3. Désespéré de ne point se faire entendre, Gallé s’était à la dernière minute adressé à son ami Georges Berger, membre du comité de direction de l’exposition, dans l’espoir d’obtenir gain de cause. « Vous avez mille fois raison et j’ai fait mille observations au sujet de l’escalier dont parle votre dépêche et de ses grotesques abords au rez-de-chaussée », lui répond Berger le 7 mai 1900 (archives privées), pas plus heureux dans sa démarche.


ill. 37. ÉMILE GALLÉ

Amphore du roi Salomon, 1900

Verre soufflé, inclusions métalliques, applications, décor gravé à la roue, fer forgé H. 116,5 ; D. 43 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 308

LE FOUR VERRIER DE GALLÉ À L’EXPOSITION DE 1900 71


ill. 43. ALBÉRIC MAGNARD

Lettre à Émile Gallé du 21 juin 1900 Collection particulière (cat. 111)

LE FOUR VERRIER DE GALLÉ À L’EXPOSITION DE 1900 77



L’UNIVERSITÉ POPULAIRE ET L’ÉCOLE DE NANCY FRANÇOISE BIRCK

HISTORIENNE, UNIVERSITÉ DE LORRAINE

L

a création de l’Université populaire de Nancy, en 1899, ne peut être dissociée du mouvement national de création d’universités populaires (UP) qui se développe dans la foulée de l’affaire Dreyfus. Ceux qui donnent l’impulsion initiale sont ceux qui, très tôt, se sont engagés au nom de la défense des principes républicains de vérité et de justice, opposés à la raison d’État. Pour un aperçu de ce qu’est alors leur vision d’une UP, on peut reprendre la définition de Charles Guieysse, secrétaire général du mouvement des UP : « L’UP, c’est le lieu où aujourd’hui se réunissent fraternellement les deux groupements sociaux qui, après les derniers événements, peuvent se glorifier d’avoir sauvé le patrimoine moral de la France : les intellectuels, les ouvriers. Il faut que ces deux groupements n’en fassent plus qu’un, que s’allient la Pensée et le Travail1. » C’est ainsi que, entre 1899 et 1914, 222 universités populaires sont créées, dont 38 à Paris, 31 en banlieue et 153 en province2. Pour autant, chacune des UP ne peut être considérée comme la simple déclinaison d’un modèle national. Chaque création est le fruit d’une mobilisation locale et porte la marque des personnalités ou des groupes les plus fortement engagés. Elles ont sans aucun doute pesé dans les combats politiques du moment, mais la plupart d’entre elles sont peu à peu tombées dans l’oubli3. L’Université populaire de Nancy a échappé à ce sort, en grande partie sans doute parce que son histoire s’est trouvée mêlée à celle du mouvement artistique nancéien, connu sous le nom d’École de Nancy, qui après des décennies d’éclipse a bénéfi-

cié d’un regain d’intérêt au début des années 1960. Il devient alors l’objet de nombreuses études et célébrations. Aux monographies relevant essentiellement de l’histoire de l’art viennent s’ajouter les essais qui prennent en compte l’engagement de ses membres dans la vie sociale et politique du pays4. C’est ainsi que l’affaire Dreyfus donne l’occasion de montrer comment se forge à Nancy le lien « entre esthétique et politique5 » et comment le chef de file de l’École, Émile Gallé, en vient à être honoré du titre de « verrier dreyfusard6 ». Paradoxalement, la ville de Nancy, notoirement antidreyfusarde7, tend ainsi à devenir un lieu de mémoire de l’affaire Dreyfus, tandis que, par ce biais, l’histoire de l’UP présente l’originalité d’appartenir autant à l’histoire du mouvement ouvrier local qu’à celle du mouvement artistique nancéien. Sans revenir sur l’histoire de l’affaire Dreyfus proprement dite, on se propose d’évoquer les circonstances qui ont conduit certains membres de l’École de Nancy à se trouver en position de « groupe catalyseur » au moment de la création de l’UP et comment cette implication a contribué à donner à l’UP son caractère propre, en particulier dans la manière dont a été abordée la question de la survie d’un rassemblement républicain né au lendemain d’une grande « émotion nationale ».

ÉMILE GALLÉ, UN « INTELLECTUEL D’ART 8 » L’hypothèse d’une éventuelle corrélation entre l’engagement artistique d’Émile Gallé et celui de son engagement politique a déjà été soulevée9. On a

ill. 44. La Maison du Peuple en 1902 Photographie de Camille Fischer publiée dans La Lorraine artiste, 20e année, no 9, 1er mai 1902, p. 130

L’UNIVERSITÉ POPULAIRE ET L’ÉCOLE DE NANCY 79

1. Bulletin des universités populaires, no 1, 15 mars 1900, p. 5. Ce bulletin se présente comme l’organe de coordination du mouvement des universités populaires. Une Société pour l’enseignement supérieur populaire et l’éducation mutuelle (ou Société des UP) avait été créée, dès 1898, pour donner un cadre général, éventuellement des appuis et surtout faciliter le partage d’expériences. Son secrétaire général, Charles Guieysse (1868-1920), était polytechnicien, socialiste et militant dreyfusard. 2. Mercier, 1986, p. 59. On y trouve seulement quelques allusions à l’Université populaire de Nancy. Pour une approche plus détaillée de l’histoire de l’UP nancéienne, on se permet de renvoyer à Birck, 1988, p. 31-46. Voir également Premat, 2006. 3. Madeleine Rebérioux, préface, dans Mercier, 1986, p. 8. 4. La bibliographie est trop importante pour être citée ici. Il convient de signaler les travaux pionniers de Françoise-Thérèse Charpentier, professeur d’histoire à l’université de Nancy et conservatrice du musée de l’École de Nancy de 1962 à 1986. 5. Prochasson, 1999, p. 203205. 6. Tillier, 2004.



ŒUVRES EXPOSÉES


LE CONTEXTE LORRAIN LE PASSÉ MYTHIFIÉ

1. ÉMILE GALLÉ En collaboration avec la manufacture de Saint-Clément

Garniture de cheminée au portrait de Stanislas : jardinière et deux pots à oignon, vers 1870

Faïence stannifère à décor de grand feu en camaïeu bleu Jardinière : H. 31 ; L. 42,5 ; P. 18 cm Pots : H. 22,5 ; D. 10 cm Signature au pochoir, en bleu, sur le fond : Saint Clément Signature en bleu au revers de la jardinière : Saint Clément / Gallé Nancy Lunéville, musée du Château des Lumières, inv. 2004.01.12

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Au début de sa carrière, Gallé emploie des motifs décoratifs inspirés du xviiie siècle (grand-duc Stanislas, architecture ou détails de la place Stanislas de Nancy…) afin d’évoquer le passé glorieux de sa ville natale.

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


2. ÉMILE GALLÉ

Jardinière murale en forme de palette vers 1880

Faïence stannifère à décor de grand feu en camaïeu bleu H. 36,8 ; L. 26 ; P. 7,9 cm Marque peinte en bleu au dos : N / E.Gallé / Nancy Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 74

2

3

3. ATELIER GALLÉ

Étude pour le décor du pichet Stanislas, vers 1872 Encre et aquarelle sur papier H. 21,9 ; L. 25,7 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. MOD 168 4. LÉON ET JULES VOIRIN

Scène du xviii e siècle place de la Carrière à Nancy, 1889

4

Crayon, aquarelle et rehauts de blanc sur papier H. 30,7 ; L. 20,5 cm Signature en bas à droite : JV Tampon en bas à droite : Vente / J et L VOIRIN / Nancy 1889 Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 994.24.7

LE CONTEXTE LORRAIN 89


LA GUERRE DE 1870-1871

8. VICTOR PROUVÉ

Les Adieux d’un réserviste, 1887

Huile sur toile H. 79 ; L. 70 cm Signé et daté en bas à gauche : V. Prouvé / 1887 Nancy, Musée lorrain, inv. D.2004.1.1 (dépôt du musée de l’Infanterie, Montpellier)

92

9. CAMILLE MARTIN

Le Départ du réserviste, vers 1880

Huile sur toile H. 24,4 ; L. 13,6 cm Signé en bas à gauche : Camille Martin Nancy, Musée lorrain, inv. 2006.0.3677

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


10. VICTOR PROUVÉ

Reliure pour Récits de guerre : l’invasion, 1870-1871 de Ludovic Halévy, 1892

Basane, pyrogravure, peinture, mosaïque de cuirs H. 36 ; L. 30,5 cm Signé et daté bord droit sur le plat supérieur : V. Prouvé 1892 Nancy, Musée lorrain, inv. F° S18

LE CONTEXTE LORRAIN 93


LE REFUS DE L’ANNEXION LES CÉRAMIQUES ET VERRERIES PARLANTES

11. ÉMILE GALLÉ En collaboration avec la manufacture de Saint-Clément

Six assiettes patriotiques, modèle créé en 1871 Faïence à décor de grand feu en camaïeu bleu

Réquisitions

Un canard tudesque

On chante mieux quand on est libre

Perspective européenne

D. 20,9 cm Signé au dos : Gallé à Nancy / Saint-Clément Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 993.12.1 D. 21 ,7 cm Signé au dos : E. Gallé Nancy Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 991.12.2

Pigeon vole

D. 21 ,6 cm Signé au dos : E. Gallé déposé Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 993.12.4

Fidèle à son nid, fidèle à son pays

D. 21,5 cm Signé au dos : Gallé à Nancy / Saint-Clément Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 993.12.5

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D. 21,5 cm Signé au dos : Gallé à Nancy / Saint-Clément Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 993.12.6 D. 22,2 cm Signé au dos : Gallé Nancy / St-Clément Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 278 F

C’est par le registre de la faïence populaire et satirique qu’Émile Gallé, avec la collaboration ponctuelle de Victor Prouvé, s’essaie aux premières déclinaisons patriotiques, à l’occasion du renouvellement du service Ferme en 1871.

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LE REFUS DE L’ANNEXION 95


CHARDONS ET CROIX DE LORRAINE

16. ÉMILE GALLÉ

Jardinière murale Qui s’y frotte s’y pique, vers 1880

Faïence stannifère à décor polychrome de petit feu, rehauts d’or H. 22,5 ; L. 24,6 ; P. 10,5 cm Signé au dos : E. Gallé à Nancy Inscription sur la face principale : QUI S’Y FROTTE / S’Y PIQUE Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. D 69.4

La citation « Qui s’y frotte s’y pique » est la devise de la ville de Nancy alors que le chardon en est le symbole. Ces deux éléments sont souvent associés à la croix de Lorraine ou aux alérions afin de rappeler l’appartenance de Nancy à la Lorraine.

LE REFUS DE L’ANNEXION 99


17. ÉMILE GALLÉ

Vase De la gangue épaisse, 1888

Verre soufflé, doublé, décor gravé à la roue H. 27 ; D. 10,8 cm Signé et daté sous la pièce : Émile Gallé Nancy / fect 1888 Exposition Paris / 1889 Inscription gravée dans la partie supérieure : De la gangue épaisse / sagesse pourrait / comme un vase pur / m’extraire ; et sous le pied accompagnée d’une croix de Lorraine brisée : C’name po tojo / patois lorrain / ce n’est pas pour toujours Paris, Les Arts Décoratifs, département verre, inv. 5671

Ce vase, créé pour l’Exposition universelle de Paris en 1889, propose un décor associant chardons – symbole de la ville de Nancy –, alérions et croix de Lorraine. La mention « Ce n’est pas pour toujours » est une allusion au retour souhaité de la Moselle et de l’Alsace annexées dans le giron de la France.

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CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


20. ÉMILE GALLÉ

Petit vase Chardon noir, 1889

Verre double couche noir sur verre incolore, décor gravé H. 13,7 ; D. panse 9,1 cm Signé sur la panse : Gallé Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. AD 39 21. ÉMILE GALLÉ

Vase tubulaire au chardon lorrain, vers 1884

Verre enfumé torsadé, bords festonnés, décor émaillé H. 37,7 ; D. base 15,7 ; D. ouverture 11,1 cm Signé sous la base : Émile Gallé / déposé Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 001.1.1

Émile Gallé propose de nombreuses pièces déclinant un décor de chardons et croix de Lorraine, lesquelles, rencontrant un grand succès, sont produites en grande série et sont destinées à une large clientèle.

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CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


28. ÉTABLISSEMENTS GALLÉ

Vase de guerre à décor de chardons, croix de Lorraine et aigle germanique, 1914 Verre à plusieurs couches, décor gravé à l’acide et à la roue H. 68 ; D. panse 32 cm Signé et daté en bas sur la panse : Gallé / 1914 Nancy, Musée lorrain, inv. 2014.3.1

Pendant le premier conflit mondial, les Établissements Gallé continuent à produire des vases de guerre, qui emploient, comme dans les années 1880, des motifs faisant référence à Nancy et à la Lorraine annexée par l’Allemagne.

LE REFUS DE L’ANNEXION 107


L’INVOCATION DE LA GAULE

36. ÉMILE GALLÉ

Enseignes-monogrammes présentés lors de l’Exposition universelle, 1889

Bois fruitier sculpté Panneau lettre E Escam : H. 49 ; L. 27,5 ; l. 2,5 cm Panneau lettre G Gallus : H. 49,3 ; L. 27 ; l. 2,5 cm Signé en bas à droite : E [croix de Lorraine] G Panneau lettre Q Quaerens : H. 35 ; L. 26,5 ; l. 2,5 cm Signé en bas à droite : E [croix de Lorraine] G Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 995.3.1 à 3

112

Sur ces enseignes de l’Exposition universelle de 1889, Gallé joue de la parenté de son nom avec le mot gallus, qui désigne en latin la Gaule et le coq. Les termes « Gallus », « Escam » et « Quaerens » apparaissent à l’intérieur des lettrines G (pour Gallé), E (pour Émile) et Q. La phrase ainsi formée « Gallus escam quaerens », « un coq cherchant sa nourriture », s’inspire de la fable de Phèdre Le Coq et la Perle, que Victor Hugo

a utilisée notamment dans Les Deux Trouvailles de Gallus. Ces analogies croisées enrichissent le sens de la composition de Gallé. D’un point de vue patriotique, on peut voir dans le coq de la lettrine Q la mère patrie réclamant le retour de l’Alsace et de la Lorraine, personnifiées par les deux poussins. Mais on peut aussi y voir la proclamation de Gallé-Gallus de chercher dans l’héritage gaulois sa ressource artistique.

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


37. VICTOR PROUVÉ

38. VICTOR PROUVÉ

Encre noire et crayon graphite sur papier marouflé sur carton H. 51,8 ; L. 211,5 cm Inscriptions : en haut au centre, LE RHIN SEPARE / DES GAULES / TOUTE LA GERM / ANIE. TAC / TACITE DMG / DMG1 ; en bas à droite, dans un cartouche, GERMANIA OMNIS A GALLIIS / RHENO SEPARATUR. Tac. De mo. Germ. I Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. JB.81.15

Encre noire sur papier calque H. 22 ; L. 28,9 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 998.35.11

Étude pour le plateau de la table Le Rhin, 1889

Étude pour le plateau de la table Le Rhin, 1889

Présentée lors de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, la table Le Rhin (conservée au musée de l’École de Nancy) propose un plateau marqueté et un décor sculpté dont les sujets font référence à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle en 1870. Le plateau, dessiné par Victor Prouvé, s’inspire d’une phrase de Tacite, « Le Rhin sépare la Gaule de la Germanie », réaffirmant la frontière naturelle entre la France et l’Allemagne, et non celle imposée par la victoire prussienne.

LE REFUS DE L’ANNEXION 113


JEANNE D’ARC

43. VICTOR PROUVÉ

Essai de décor pour une reliure, Jeanne d’Arc au combat, vers 1903

Cuir pyrogravé, incisé, repoussé avec rehauts de peinture dorée et encadrement à froid H. 17,5 ; L. 10,5 cm Nancy, Musée lorrain, inv. 99.3.186 44. VICTOR PROUVÉ

Étude pour la reliure du livre Chez Jeanne d’Arc d’Émile Hinzelin, tome second, 1903 Aquarelle rehaussée de gouache or et de crayon sur papier H. 35,3 ; L. 48,2 cm Signé en bas à gauche : V Prouvé Inscription en haut à droite : Tome Second Nancy, Musée lorrain, inv. 99.3.183

116

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


45. ÉMILE GALLÉ

Cache-pot La Chevauchée de Jeanne d’Arc, vers 1885-1888 Faïence stannifère à décor de grand feu H. 17 ; D. 23 cm Signé sous le pied : E. Gallé / Fayencerie de Nancy Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. HV 15

Émile Gallé utilise plusieurs fois la figure de Jeanne d’Arc dans les années 1880 dans des pièces de faïence et de verre. C’est la figure de l’héroïne lorraine ayant chassé les envahisseurs de France qui l’intéresse et non celle de la sainte, mise à l’honneur à cette époque par le clergé catholique.

LE REFUS DE L’ANNEXION 117


LES ESPOIRS PLACÉS DANS L’ALLIANCE FRANCO-RUSSE LES FÊTES DE NANCY

54. CAMILLE MARTIN

Les Fêtes de Nancy, 1892

Phototypie H. 29,3 ; L. 22,8 cm Signé sur le recto en bas à droite : Camille Martin Nancy, Musée lorrain, inv. 2006.0.3596

Les Fêtes de Nancy qui se tiennent du 5 au 7 juin 1892 sont un événement considérable d’un point de vue patriotique. Les gymnastes nancéiens qui font partie de la Ligue des patriotes ont invité leurs homologues tchèques au grand mécontentement de l’Autriche et de la Triplice, tandis que le président Sadi Carnot rencontre à cette occasion le cousin du tsar, le grand-duc Constantin. Cette rencontre aboutira deux mois plus tard à la signature d’une convention militaire entre la France et la Russie.

124

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


55. VICTOR PROUVÉ En collaboration avec J. Royer, Nancy

Aux Sokols de Prague, poème d’Émile Hinzelin, 1892 Phototypie H. 36,5 ; L. 27,6 cm Signé et daté en bas à gauche : Vor Prouvé 92 Nancy, Musée lorrain, inv. 2006.0.6191

LES ESPOIRS PLACÉS DANDS L’ALLIANCE FRANCO-RUSSE 125


1893 : LES CADEAUX DE LA LORRAINE À LA RUSSIE

58. MANUFACTURE DE LUNÉVILLE

Assiette France et Russie, vers 1893

Faïence fine à décor imprimé D. 21,8 cm Inscription : FRANCE ET RUSSIE / CHASSEUR A PIED / CHEVALIER – GARDE / ON A SOUVENT BESOIN D’UN PLUS PETIT QUE SOI / CRONSTADT 1891-1893 TOULON Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 993.24.2

59. VICTOR PROUVÉ

Adresse de la Lorraine à la Russie, 1893

Phototypie parue dans La Lorraine artiste, no 42, 22 octobre 1893 H. 36,5 ; L. 27,6 cm Inscription en bas au milieu : Adresse de la Lorraine à la Russie / Dessin de V. Prouvé Nancy, Musée lorrain, inv. 2006.0.6126

À l’occasion de l’alliance franco-russe, les artistes lorrains conçoivent un ensemble de pièces destinées à l’escadre russe, en visite à Toulon en 1892. Ces cadeaux témoignent du souhait des Lorrains de voir la Russie les aider dans le retour de l’Alsace et de la Moselle à la France. 60. VICTOR PROUVÉ

Dessin préparatoire de l’Adresse de la Lorraine à la Russie, 1893 Encre de Chine sur calque H. 35 ; L. 25 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 935.0.76.17.2

128

60

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


59

LES ESPOIRS PLACÉS DANDS L’ALLIANCE FRANCO-RUSSE 129


1902 : LE VOYAGE DU PRÉSIDENT LOUBET EN RUSSIE

73

136

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


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73. ÉMILE GALLÉ

Vase Fleur de passiflore ou Fleur de la passion, 1900

Verre à plusieurs couches, marqueterie de verre, décor gravé à la roue H. 20 ; L. 17 cm Signé sur la panse : Émile Gallé Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 2012.1.1

Ce vase est la partie centrale de la coupe Passiflore, qui fait partie des cadeaux officiels du président Loubet au tsar de Russie offerts lors de son voyage en 1902. La coupe est conservée au musée de l’Ermitage, à SaintPétersbourg.

74. ANONYME

Photographie du vase Les Chênes, vers 1902

Tirage photographique ancien H. 40 ; L. 34 cm Dédicacé et signé en bas à droite : A Lucien Bourgogne E. Gallé Inscription en bas : Cattleya « Impératrice de Russie » / Gallé pour le voyage en Russie du Président de la République Mai 1902. Camée ciselé en relief, mauve sur fond neigeux strié (?) thème de Leconte de Lisle / monture fer ciselé, incrusté d’or, etc Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 992.20.6

LES ESPOIRS PLACÉS DANDS L’ALLIANCE FRANCO-RUSSE 137


EMILE GALLÉ OU LE DEVOIR DE JUSTICE

78. ÉMILE GALLÉ

Vase Ma carrière est la Justice, 1889

Verre ambré, décor gravé à l’acide, décor émaillé en relief et rehauts d’or H. 31 ; D. 25 cm Signé en relief à l’émail dans le décor : Gallé Inscription dans un cartouche : Ma Carrière / est la jus / tice Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 334

140

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LES DROITS DES PEUPLES LA CAUSE IRLANDAISE

79. ÉMILE GALLÉ

Vase Dragon et Pélican, 1890

Verre à plusieurs couches, décor martelé, décor gravé à la roue H. 12,8 ; D. 11,1 cm Signé et dédicacé sous la pièce : Aux patriotes, A W O’Brien et sa Compagne [trèfle]. Emile Gallé fect. Nancy. déc. 1890. E [croix de Lorraine] G / Océan conduis l’Obdam [ancre marine] au port de noble espoir ! Inscriptions sur la panse : Ce chant est deuil, espoir,

mystère, amour, effroi ; sur le col : Je dis le chant plaintif des âmes prisonnières. Et des monstres fuyant le jour en leurs tanières. Th. De Banville. Dublin, National Museum of Ireland, inv. DC : 1937.20

Vase offert par Émile Gallé à William O’Brien, patriote et député irlandais, sur le chemin du retour en Angleterre, où la prison l’attend suite à une condamnation par contumace.

ÉMILE GALLÉ OU LE DEVOIR DE JUSTICE 141


LE SOUTIEN AUX ARMÉNIENS

85. ÉMILE GALLÉ

Commode Le Champ du sang ou Le Sang d’Arménie, vers 1900

Noyer de Turquie, marqueterie de bois variés, plateau en onyx H. 84 ; L. 84 ; P. 51 cm Signé en marqueterie sur le panneau droit : Gallé Inscription sur le tiroir inférieur : Prenez garde à la sombre équité prenez garde Victor Hugo Inscription sur le plateau : Prunus / Armeniaca Reims, musée des Beaux-Arts, inv. 907-19-587

La commode évoque le massacre des Arméniens par les Turcs entre 1894 et 1896. Sur le plateau, l’inscription fait référence au pêcher, arbre national de l’Arménie. Le décor marqueté représente des tulipes, un des symboles de l’Empire ottoman, pliées par un vent violent.

ÉMILE GALLÉ OU LE DEVOIR DE JUSTICE 145


L’AFFAIRE DREYFUS ÉVOCATION DU FOUR VERRIER

89. ATELIER GALLÉ

Photographie du Four verrier, 1900

Tirage photographique ancien H. 27 ; L. 22,4 cm Signé, daté et inscription en bas : Texte : « Descends, divine Sagesse ! Bénis nos fourneaux. Donne aux vases la belle nuance /… Mais Si les hommes sont méchants, faussaires et prévaricateurs, / A Moi les mauvais démons du feu ! … éclatent les vases, croûle le four ! / Afin que tous apprennent à pratiquer la Justice ». D’après Hésiode / Cordial hommage au capitaine Alfred Dreyfus / Émile Gallé / 1900 Rennes, musée de Bretagne, inv. 978.0023.309

Cette photographie, dédicacée au capitaine Dreyfus, reproduit le projet du Four verrier, conçu par Gallé pour l’Exposition universelle de 1900. Cette manifestation fait l’objet par l’artiste d’un long travail de préparation et de réflexion pour la création de pièces mais également pour leur installation. Le cliché a été pris dans l’atelier de Gallé, avec les principales œuvres de verre destinées au Four verrier, dont le thème, la justice, est une claire allusion à l’affaire Dreyfus.

148

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


AUTRES PIÈCES DE L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1900

95. ÉMILE GALLÉ

Vase Flambe d’eau, 1900

Verre à plusieurs couches, marqueterie de verre, décor gravé, applications H. 38 ; D. panse : 13,2 ; D. ouverture : 5,5 cm Signé sur la panse : Émile / Gallé / exp / 1900 Inscription sur le pourtour du pied : La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice, et j’élève mon cœur aussi, mon cœur nocturne. Verhaeren Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. JC 9

La forme de ce vase s’inspire d’un bouton d’iris. La citation d’Émile Verhaeren et la fleur feraient ici référence au cœur humain qui ne doit pas fléchir en cette période troublée de l’affaire Dreyfus. Pour le poète belge, « l’Europe entière a défendu l’esprit de la France contre la France elle-même ».

ÉMILE GALLÉ OU LE DEVOIR DE JUSTICE 153


AUTRES ŒUVRES DREYFUSARDES

101

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CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


SOUTIENS DREYFUSARDS

106. ÉMILE GALLÉ

Bureau La Forêt lorraine, 1899

Poirier sculpté et mouluré, marqueterie de bois divers H. 108 ; L. 72,5 ; l. 51,5 cm Daté, signé et dédicacé sur un panneau indépendant (H. 9,4 ; l. 21,5 cm) : A ma brave femme, Henriette Gallé, en mémoire des luttes patriotiques pour les principes d’humanité, de justice et de liberté. Mars 1899. Émile Gallé, trésorier de la Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen Collection particulière

Ce bureau, version modeste du bureau Orchidées lorraines, est offert par Émile Gallé à son épouse, Henriette Gallé-Grimm, en souvenir de leur lutte commune pour la justice et les droits de l’homme.

107. ÉMILE GALLÉ

Télégramme adressé à Henriette Gallé, 31 mai 1899

Nancy Paris 3732 32 34 5h45 : Chère Henriette. Le glorieux magistrat Manau a été admirable la démonstration de l’innocence de l’infortuné et héroïque Dreyfus a ému toute la cour grand enthousiasme : Gallé H. 19 ; L. 23,5 cm Collection particulière

162

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


ALBÉRIC MAGNARD ET L’HYMNE À LA JUSTICE

111. ALBÉRIC MAGNARD

Lettre à Émile Gallé du 21 juin 1900 Encre sur papier H. 16 ; L. 11 cm Collection particulière

112. ALBÉRIC MAGNARD

Partition de l’Hymne à la Justice, op. 14, 1902 Impression photomécanique H. 35 ; L. 27 cm Dédicacé en haut à droite : Cordial hommage / de l’infâme Dreïfoussard Collection particulière

En 1902, le musicien Albéric Magnard compose l’Hymne à la justice en soutien au capitaine Dreyfus. Il dédie cette composition à Émile Gallé.

166

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LA GUERRE DES JOURNAUX

117

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CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


116. ÉMILE GALLÉ

Dessin préparatoire pour l’en-tête du journal L’Étoile de l’Est, 1900 Aquarelle et gouache sur papier H. 36 ; L. 23,5 cm Collection particulière

En 1900, après la disparition du Progrès de l’Est, Émile Gallé, Charles Keller et Jean Grillon s’associent pour créer le journal L’Étoile de l’Est. Gallé est chargé de dessiner l’en-tête de ce nouveau quotidien. 117. ÉMILE GALLÉ

Sept projets pour l’en-tête du journal L’Étoile de l’Est, provenant de l’album de Jean Grillon, 1900

Encre sur papier H. 9,9 ; L. 15,9 cm H. 9,9 ; L. 15,6 cm H. 12 ; L. 15,6 cm Inscription : Evidemment non- c’est trop chargé ! / Amitiés / EG H. 10,7 ; L. 16,4 cm H. 17,7 ; L. 15,7 cm Inscription : Monsieur Grillon, je n’ai jamais fait ce genre et j’y suis très maladroit. Cette après-midi, je vais essayer autre chose de plus simple très simple et vous l’aurez ce soir / Vous pourriez peut-être simplifier celui-ci / Bien à vous / E.G. H. 21 ; L. 14,9 cm Inscription : Mon cher Grillon / Voici un projet si vos collègues l’adoptent je le mettrai au propre en simplifiant et améliorant ferme de façon à ce que le dessin s’adapte au procédé. L’étoile sera plus claire / Tout à vous / Gallé H. 6,7 ; L. 12 cm Collection particulière

116

ÉMILE GALLÉ OU LE DEVOIR DE JUSTICE 171


VICTOR PROUVÉ

121. ÉMILE GALLÉ

Canthare Prouvé, 1896

Verre à plusieurs couches, décor gravé, applications Socle en fer forgé réalisé ultérieurement par Jean Prouvé H. 24 ; D. 7,2 ; L. 19,5 cm Signé au revers : E [croix de Lorraine] Gallé / amicissime Date et inscription au revers : Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent, ce sont / ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front / Victor Hugo / A Victor Prouvé / à l’homme et l’artiste excellents / ses intimes amis et admirateurs / 28/VI/1896 Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 955.1.1

Vase offert à l’occasion de l’attribution de la Légion d’honneur à Victor Prouvé après l’érection du monument dédié au président Sadi Carnot à Nancy.

174

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LE CONSTAT SOCIAL ET L’INFLUENCE ANARCHISTE

125. VICTOR PROUVÉ

En haut de la route, 1911

Aquatinte sur papier H. 63,5 ; L. 39,5 cm Signé en bas à droite : V. Prouvé / 1911 Inscription en bas à gauche : En haut de la route Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 2011.9.146

176

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


CHARLES KELLER

133. VICTOR PROUVÉ

Portrait de Jacques Turbin (Charles Keller), 1892

Huile sur toile H. 122,1 ; L. 134,54 cm Signé et daté en haut à droite : Victor Prouvé / Nancy, novembre 1892 Lunéville, musée du Château des Lumières, inv. 2004.0.14

182

Ancien communard, poète sous le nom de Jacques Turbin, Charles Keller est un proche d’Émile Gallé et de Victor Prouvé. Il participe à la création du journal L’Étoile de l’Est et finance la construction de la Maison du Peuple à Nancy. Sur la table figurent à ses côtés l’ouvrage de Maurice Barrès L’Ennemi des lois et, sur une feuille, un scorpion stylisé avec ses deux morsures et une main, qui peuvent être interprétés comme des symboles de l’anarchie.

134. VICTOR PROUVÉ

Portrait des fils de Charles Keller, 1898

Huile sur toile H. 196 ; L. 114 cm Signé et daté en bas à gauche : Vor Prouvé / Carnac, 7 bre 1898 Lunéville, musée du Château des Lumières, inv. 2004.0.134

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


L’ACTION DIRECTE ET LA GRÈVE GÉNÉRALE

135. VICTOR PROUVÉ

Dessin préparatoire pour L’Action directe, 1906 Crayon de couleur sur papier H. 21,4 ; L. 14,2 cm Daté en bas à droite : 1906 Nancy, Musée lorrain, inv. 2006.0.5955

184

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LA CITÉ FUTURE ET LES DÉCORS RÉPUBLICAINS

142. VICTOR PROUVÉ

Étude pour L’Île heureuse, 1902

Techniques mixtes (huile, pastel gras, crayon, gouache ?) sur papier contrecollé sur carton H. 53 ; L. 84,5 cm Nancy, musée de l’École de Nancy, inv. 10.08.17.1

190

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


FORMATION ET PROGRESSISME SOCIAL : L’AVENTURE DE L’UNIVERSITÉ POPULAIRE

196

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


LES ACTEURS DE L’UNIVERSITÉ POPULAIRE

204

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


174

176

175

177

L’AVENTURE DE L’UNIVERSITÉ POPULAIRE 209



ANNEXES



REPÈRES CHRONOLOGIQUES

1870-1871

Guerre franco-prussienne (19 juillet 1870-29 janvier 1871). Nancy est occupé (12 août 1870). Instauration de la IIIe République (4 septembre 1870). Traité de Francfort et annexion de l’Alsace-Moselle au Reich (10 mai 1871). Nancy devient la capitale de « la Lorraine mutilée », première ville de l’est de la France. « Semaine sanglante » de la Commune de Paris (21-28 mai 1871). Charles Keller (Jacques Turbin) est blessé sur la barricade de la rue du Château-d’Eau.

1873

Évacuation des troupes allemandes postées à Nancy (1er août).

1875

Émile Gallé épouse Henriette Grimm, cousine de Charles Keller par sa mère (4 mai).

1877

Émile Gallé reprend la direction de l’entreprise familiale.

1884

Émile Gallé présente le bassin Qui vive ? France (ill. 5, cat. 41, 42) à la huitième exposition de l’Union centrale des arts décoratifs. Il reçoit deux médailles d’or, une pour la céramique et une pour la verrerie.

1885

Émile Gallé est fait chevalier de la Légion d’honneur (25 juillet).

1887

Bloody Sunday à Londres : la police réprime dans la violence une manifestation organisée pour réclamer la libération d’un des leaders du mouvement républicain irlandais, le journaliste et député William O’Brien (13 novembre).

1889

Exposition universelle à Paris (6 mai31 octobre). Émile Gallé présente plusieurs œuvres à caractère patriotique : table Le Rhin (ill. 23), cabinet De chêne lorrain œuvre française (ill. 6) et autres (cat. 17, 32, 36). Il obtient un grand prix dans la classe 19 (cristaux, verrerie et vitraux), une médaille d’or dans la classe 20 (céramique) et une médaille d’argent dans la classe 18 (meubles à bon marché et meubles de luxe). Maurice Barrès élu député boulangiste à Nancy (septembre). Émile Gallé est fait officier de la Légion d’honneur (29 octobre).

1890

1891

Victor Prouvé participe et échoue au concours de décoration de la salle à manger de l’hôtel de ville de Paris et peint les médaillons du grand salon de l’hôtel de ville de Nancy : étude pour le mois de janvier (cat. 147). Renouvellement de la Triple Alliance entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie (6 mai).

1892

Fêtes de Nancy (5-7 juin) : le président Sadi Carnot y rencontre le cousin du tsar, le grand-duc Constantin Nikolaïevitch, tandis que les Sokols de Prague sont accueillis avec enthousiasme : Aux Sokols de Prague (cat. 55). Convention militaire secrète francorusse (17 août). Émile Gallé rencontre Maurice Barrès à Bayreuth (août). Leur amitié sera rompue avec l’affaire Dreyfus.

1893

Visite de l’escadre russe à Toulon. La Lorraine offre à la Russie des témoignages du savoir-faire lorrain (cat. 59 à 72) (octobre). Alliance franco-russe (décembre).

Émile Gallé offre à William O’Brien et à son épouse Sophie Raffalowitch le vase Dragon et Pélican (cat. 79) avant le retour en Angleterre du militant irlandais et son emprisonnement (décembre).

ANNEXES 213


1894

Exposition d’art décoratif et industriel lorrain aux Galeries Poirel (24 juin-15 juillet). Charles André, son initiateur, déclare que « c’est une œuvre de propagande, c’est un acte dans la lutte engagée contre la France par nos adversaires et nos ennemis ». Assassinat du président Sadi Carnot (25 juin) (attentats anarchistes depuis 1892). Procès Dreyfus : le capitaine Alfred Dreyfus est reconnu coupable de trahison au profit de l’Allemagne et condamné à la déportation sur l’île du Diable (décembre). Début des massacres des Arméniens par les Turcs.

1896

Victor Prouvé est chargé de la décoration de l’escalier d’honneur de la mairie d’Issy-les-Moulineaux (cat. 149) et remporte avec l’architecte Charles-Désiré Bourgon le concours pour l’érection du monument à Sadi Carnot à Nancy. Victor Prouvé est fait chevalier de la Légion d’honneur (1er juillet). Ses amis lui offrent le vase Canthare de Gallé (cat. 121).

1898

Le journal L’Aurore publie « J’accuse… ! » d’Émile Zola (13 janvier). Émile Gallé le soutient et signe la deuxième pétition publiée par L’Aurore (17 janvier). Rupture et affrontements entre Émile Gallé et Maurice Barrès. Violentes manifestations antisémites à Nancy. Henriette Gallé, Mathilde Keller et Élise Grimm signent l’« Appel aux femmes de France » dans le journal Le Siècle (27 mars). Victor Prouvé reçoit la commande de panneaux décoratifs pour la salle des fêtes de la mairie du XIe arrondissement de Paris (cat. 143 à 146).

214

1899

Création de la section nancéienne de la Ligue des droits de l’homme (2 janvier). Charles Keller en est le président, Émile Gallé le trésorier. Funérailles de Félix Faure et tentative de coup d’État de Paul Déroulède (23 février). Procès en révision d’Alfred Dreyfus à Rennes, nouvelle condamnation (mai), suivie par la grâce accordée par le président Émile Loubet (19 septembre). Création de l’Université populaire de Nancy, présidée par Hippolyte Bernheim (novembre). Début de la seconde guerre des Boers, opposant les États d’Orange et du Transvaal à l’Empire britannique.

1900

Inauguration de l’Université populaire de Nancy (25 mars). Exposition Universelle à Paris (15 avril-12 novembre). Émile Gallé présente son Four verrier accompagné d’œuvres dreyfusardes (cat. 89 à 101) et dénonce le massacre des Arméniens avec la commode Le Champ du sang (cat. 85). Il obtient un grand prix pour la verrerie et le mobilier. Ouverture controversée à Nancy du lycée Jeanne-d’Arc pour les filles, auquel Gallé inscrit ses deux plus jeunes enfants, Claude et Geneviève (2 octobre). Émile Gallé est fait commandeur de la Légion d’honneur (11 novembre). Après des défaites décisives, Paul Kruger, président du Transvaal, s’exile en Europe et passe à Paris (novembre).

1901

Création du journal L’Étoile de l’Est, avec la collaboration d’Émile Gallé (janvier) (cat. 116, 117). Constitution de l’association École de Nancy (12 février). Émile Gallé premier président.

Construction de la Maison du Peuple à Nancy, financée par Charles Keller (cat. 133), sur les plans de l’architecte Paul Charbonnier (cat. 160-162, 165-166) et avec la participation de Victor Prouvé (cat. 155).

1902

Le colonel boer Sandberg (cat. 87, 88) est reçu à Nancy et rencontre Émile Gallé (janvier). Émile Gallé président d’honneur de la Fédération républicaine de Meurthe-et-Moselle (février) puis de l’Association gambettiste (octobre). Le président Émile Loubet offre au tsar Nicolas II treize verreries de Gallé (Fleur de passiflore, Les Chênes…) à l’occasion d’un voyage officiel en Russie (14-27 mai). Traité de Vereeniging entérinant l’annexion des républiques boers d’Orange et du Transvaal par l’Empire britannique (31 mai). Mort d’Émile Zola (29 septembre).

1904

La cour criminelle décide la révision du procès Dreyfus (5 mars). Fondation du journal L’Humanité par Jean Jaurès (18 avril). Décès d’Émile Gallé (23 septembre). Victor Prouvé lui succède à la présidence de l’École de Nancy. Exposition de l’École de Nancy aux Galeries Poirel. Hommage unanime rendu à Gallé, malgré une « réserve d’ordre politique » (L’Est républicain).

1905

Loi de séparation de l’Église et de l’État (juillet).

1906

La catastrophe minière de Courrières fait plus de mille victimes (10 mars). Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, fait réprimer par l’armée le mouvement de grève des « gueules noires » survenu à la suite du drame. Victor Prouvé illustre des partitions de chansons

CEUX QUI VIVENT, CE SONT CEUX QUI LUTTENT


de Jacques Turbin, L’Action directe et La Grève générale (cat. 135 à 138), ou le programme du concert organisé en faveur des mineurs de Courrières (cat. 130, 131). Réhabilitation du capitaine Dreyfus et fin de l’affaire (12 juillet).

IIIe République au Pavillon de Marsan, à Paris.

1943

Victor Prouvé meurt à Sétif, en Algérie (13 février).

1908

Henriette Gallé fait paraître les Écrits pour l’art d’Émile Gallé, rassemblant ses écrits botaniques et ses notices d’exposition entre 1884 et 1889.

1909

Exposition internationale de l’est de la France au parc Sainte-Marie, à Nancy. L’École de Nancy expose pour la dernière fois en groupe. Son pavillon est conçu par Eugène Vallin et décoré par Victor Prouvé.

1910

Rétrospective des verreries d’Émile Gallé au palais Galliera, à Paris.

1912

Victor Prouvé élu conseiller municipal sur une liste d’entente républicaine, délégué aux beauxarts à Nancy.

1913

Mort de Charles Keller.

1914

Mort d’Henriette Gallé (22 avril). L’École de Nancy est officiellement dissoute (août).

1919

Victor Prouvé est nommé directeur de l’École des beaux-arts de Nancy.

1933

Plusieurs œuvres de Victor Prouvé sont présentées à l’exposition Le Décor de la vie sous la

ANNEXES 215



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