Cet ouvrage accompagne l’exposition intitulée « Nous, visitandines de Moulins, notre histoire depuis 1616 », organisée par le musée de la Visitation du 1er mai au 24 décembre 2015. Commissariat de l’exposition : Gérard Picaud et Jean Foisselon Scénographie : Ville de Moulins, Frédéric Robinne
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Conception graphique : François Dinguirard Coordination éditoriale : Laurence Verrand, assistée de Justine Gautier Contribution éditoriale : Marion Lacroix Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 © musée de la Visitation, Moulins, 2015 ISBN : 978-2-7572-0914-1 Dépôt légal : mai 2015 Imprimé en Italie (Union européenne)
Gérard Picaud Jean Foisselon
La Ferveur de vivre Nous, visitandines, quatre siècles de présence à Moulins et Nevers
Remerciements
Nous tenons à faire part de notre reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui ont apporté leur soutien et leur concours à la préparation de cette exposition et à la publication de cet ouvrage, tout particulièrement à Pierre-André Périssol et aux élus de la Ville de Moulins, à Jean-Paul Dufrègne et aux élus du Conseil général de l’Allier, auxquels nous associons leurs collaborateurs. Notre gratitude va aussi au ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Auvergne, ainsi qu’à René Souchon et aux élus du Conseil régional pour leurs soutiens financiers, à la Société générale, dont le mécénat a permis de restaurer des œuvres, à la maison Chanel, dont le mécénat a bénéficié à la publication de cet ouvrage, à la Caisse du Crédit agricole de Moulins et à son président, Christian Place, et à la Fondation du Crédit agricole, mécènes du musée de la Visitation. Nous remercions les communautés de la Visitation participantes de leur confiance et de leur amitié, en particulier les présidentes fédérales, les supérieures et les archivistes. Nous sommes heureux de souligner les recherches d’archives, les prêts d’œuvres, les envois de photographies consentis par les monastères d’Annecy, de Caen, de Cracovie, de Moulins, de Nevers, de Paris et de Scy-Chazelles. Nous rendons un hommage tout particulier au monastère de la Visitation de Moulins pour son sens de l’accueil et l’aide essentielle apportée à la vie du musée. À ces remerciements, nous associons le Père François Corrignan, assistant général de l’ordre de la Visitation, ainsi que le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, pour leur soutien et leurs encouragements. Nous ne saurions oublier Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, qui a bien voulu témoigner son amical attachement au musée de la Visitation en acceptant de préfacer cet ouvrage. Les auteurs remercient toutes celles et tous ceux qui, à divers titres, leur ont apporté leur concours : Solange et Hugues d’Aboville, José Bartolomeu, abbé Philippe Bastié, abbé Christian Baud, Bernard Berthod, Michèle Bimbenet-Privat, Philippe Boismenu, Magali et Bernard Bonnefoy, Jean-Thomas Bruel, Dominique de Changy, Christiane et Georges Chatard, Christine Cheyrou, René Civade, Jean Cluzel, Emmanuel Coquery - Maison Chanel, Marcel Crozet, Christiane et JeanClaude Delalez, Marie Devaulx de Chambord, Romuald Florid, Anne-Sophie Foisselon, Marie-Claude et Claude Foisselon, abbé Pierre Friess, Laurent Gard, Sylvia Haberhauer, Thierry de Lachaise, abbé Joël Lambert, Louis de La Sauzaie, David Marguin, Guy Massin-Le Goff, monastère orthodoxe serbe de Lectoure, abbé Daniel Moulinet, Patrick Nicolas, François-Xavier Papay, Marie-Thérèse Picaud, chanoine Michel Pierron, abbé Laurent Pistre, Philippe Pommier, Véronique Poupin, André Recoules, Chantal Regnault, Mauricette et Michel Rémond, abbé David Ribiollet, Père Jean-Marie Robinne, Hélène de Rougé, Société d’émulation du Bourbonnais, Guennola Thivolle-Bellot, Élisabeth Tixier, Florence Valantin, Germaine Vérillaud, Sophie Vermesche, Joseph Vernois, Danièle Véron-Denise, Sylvie Vilatte, Henri de Villette. Sans oublier les services des archives départementales de l’Allier, des archives diocésaines de Moulins, des archives municipales de Moulins et de la médiathèque de Moulins Communauté.
Gérard Picaud et Jean Foisselon
vv Vitrine à reliquaires, détail, meuble chinoisant, bois polychrome, miroir, corne verte, ivoire, verres gravés, écaille de tortue, vers 17571759, Moulins, chapelle S.-J.
Préface
Ce livre qui fait mémoire des quatre cents ans de présence de l’ordre de la Visitation à Moulins et à Nevers ne témoigne pas d’un passé révolu, si riche soit-il. Il manifeste bien au contraire toute l’actualité de son message. Cette actualité est tout entière contenue dans le vocable sous lequel François de Sales et Jeanne de Chantal ont placé cet ordre, la Visitation Sainte-Marie. Le récit de la Visitation, rapporté dans l’Évangile selon saint Luc 1, est celui de la rencontre de deux femmes : Marie et Élisabeth, sa cousine, toutes les deux choisies par Dieu. En même temps, il est celui de la rencontre de deux enfants à naître : Jésus le Christ dans le sein de Marie, en qui les chrétiens reconnaissent le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes, et Jean-Baptiste dans le sein d’Élisabeth, celui qui sera chargé de préparer sa venue. Les fondateurs n’ont pas choisi ce vocable pour leur « petite ruche » parce qu’ils estimaient qu’il était essentiel que, en un siècle où les disettes et les épidémies sévissaient, les sœurs puissent visiter les pauvres et les malades. Ils souhaitaient surtout permettre à des femmes de toute condition, même veuves, de se retrouver en communauté, dans une vie simple et fraternelle avec pour seule richesse leur attachement à Jésus-Christ, doux et humble de cœur. Le récit évangélique de la Visitation de Marie et d’Élisabeth est un appel à la rencontre, à l’accueil et au service. Les visitandines, depuis 1610 (depuis 1616 à Moulins), répondent à cet appel en restant fidèles à la maxime de saint François de Sales : « rien par force, tout par amour »… De même qu’en 1610 ou en 1616, ce qui se vit aujourd’hui derrière les murs d’un couvent de la Visitation – ici, chez nous, à Moulins – résonne comme une provocation, mais aussi comme une bonne nouvelle pour notre monde et notre société : les visitandines cherchent, comme tout un chacun, à emprunter le chemin de « la sainteté par la voie de la douceur. De fait, nous pouvons même le résumer en quelques “mots-clefs” qui ouvrent cette porte de sainteté quand ils sont vécus : humilité, douceur, charité, abandon, confiance et paix… Il y a là tout un programme à mettre en œuvre par chacun 2 ». Je souhaite un franc succès à l’exposition et à l’ouvrage qui l’accompagne, et je remercie chaleureusement le musée de la Visitation qui, année après année, contribue au rayonnement et au charisme de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie. Ma gratitude va en particulier à Jean Foisselon et à Gérard Picaud pour leurs réalisations. Ils sont les véritables « chevilles ouvrières » de ce musée à Moulins. † Laurent Percerou Évêque de Moulins
vv La Visitation, détail d’un voile de calice, fond faille blanche, broderie soie polychrome au passé empiétant, différents fils d’or en couchure, fin du xvii e s.-début du xviii e s., V. de Baggiovara (Italie).
1. Évangile selon saint Luc, chap. 1, versets 39-56. 2. D’après le site Internet du couvent de la Visitation de Moulins : moulins.visitation. free.fr.
Avant-propos
Le Conseil général de l’Allier est partenaire de longue date du musée de la Visitation et de ses expositions temporaires. La collectivité départementale a toujours voulu et su encourager le développement de cet ancrage bourbonnais et la révélation des collections à un large public. Ces expositions nous éblouissent par la richesse des pièces qu’elles donnent à voir et par une scénographie originale qui en est désormais la signature. Leur succès est incontestablement le fruit du travail de mise en valeur d’objets exceptionnels et de la puissance des œuvres qu’elles permettent de découvrir. Les visitandines ont particulièrement marqué Moulins. Cette présence religieuse historique, mais aussi culturelle et artistique, a justifié, aux yeux de tous, les collectivités notamment, le choix de l’Allier et plus particulièrement de Moulins pour y centraliser le patrimoine de l’ordre. Tout cela a été rendu possible grâce aux actions menées par Gérard Picaud et l’association Regard sur la Visitation, qui ont fait du fonds déposé auprès d’eux par les religieuses un élément incontournable de notre patrimoine. Cette année encore, le travail fourni par Jean Foisselon et l’équipe du musée, qui célèbre les quatre cents ans de la présence de l’ordre de la Visitation à Moulins à travers l’exposition « Nous, visitandines de Moulins, notre histoire depuis 1616 », est passionnant. Cette magistrale œuvre de mémoire nous propose un nouveau voyage dans le temps, elle est une belle occasion de mettre à l’honneur les archives publiques et privées ainsi que les témoignages de vie des visitandines. Grâce à cette offre originale, complémentaire de celle des établissements culturels de l’Allier, au cœur d’un département qui se distingue par son caractère historique, le musée de la Visitation contribue à l’enrichissement et à la valorisation de la vie culturelle de l’Allier et à son attractivité.
Jean-Paul Dufrègne Président du Conseil général de l’Allier
Avant-propos
Au fil des pages de cet ouvrage, je vous invite à découvrir ou à redécouvrir la richesse des liens qu’ont noués Moulins et l’ordre de la Visitation. Après avoir accueilli, le 25 août 1616, l’une de ses toutes premières communautés, notre ville a connu les aléas des départs et des nouvelles fondations. La présence séculaire de monastères à Moulins nous offre aujourd’hui un précieux témoignage du rayonnement de la capitale des Bourbons et nous rappelle notre passé. De très nombreuses communautés religieuses sont venues s’établir à Moulins, particulièrement au xviie siècle. Préservées des désastres des guerres de Religion, elles ont animé la vie quotidienne et spirituelle de la cité. À cet égard, l’histoire de la Visitation à Moulins nous apprend beaucoup sur la vie conventuelle. Elle nous éclaire également sur la diversité des origines et des conditions sociales des religieuses, et nous révèle les caractéristiques de la société d’alors. La cité bourbonnaise a ensuite bénéficié du dynamisme des fondations monastiques du xixe siècle, époque importante dans l’histoire de l’art sacré. L’exposition « Nous, visitandines de Moulins, notre histoire depuis 1616 » célèbre les quatre cents ans de l’installation de l’ordre de la Visitation à Moulins. Pour la mener à bien, un vaste travail a été nécessaire : d’importantes recherches ont été effectuées à la fois dans les archives et sur les œuvres. En regardant ces objets qui font mémoire, ces œuvres liturgiques, vous pourrez ainsi comprendre les apports successifs des membres et des proches de la communauté, en particulier ceux de grandes figures telles que la Mère de Montmorency ou la Mère de Fleurieu. Cette histoire mouvementée a conduit il y a quelques années à la création du musée de la Visitation, preuve que le choix de Moulins pour son implantation n’est pas le fruit du hasard. Ce beau projet est l’aboutissement d’une histoire particulière que nous vous invitons à découvrir grâce cet ouvrage. Cet enracinement de l’ordre de la Visitation, marqué par la mort de sainte Jeanne de Chantal, souligne une nouvelle fois la pertinence et la portée du musée de la Visitation à Moulins. Car cette belle réalisation est d’abord le résultat d’une présence active des communautés de visitandines dans une ville qui cultive le goût de l’art et de l’histoire.
Pierre-André Périssol Maire de Moulins
Avis au lecteur
À partir d’une sélection opérée dans les collections du musée et de prêts d’œuvres toujours conservées par les monastères de la Visitation, cet ouvrage vous invite à découvrir l’histoire de la Visitation à Moulins. Les légendes des illustrations sont organisées sur le modèle suivant : auteur, titre, matériau, date, lieu de conservation. Les abréviations suivantes ont été retenues : – A. D. 03 : archives départementales de l’Allier ; – chapelle S.-J. : chapelle Saint-Joseph de l’ancienne Visitation de Moulins ; – M. V. : musée de la Visitation ; – s. : siècle ; – V. : monastère de la Visitation. Les éléments biographiques placés à la fin de l’ouvrage sont issus des archives des monastères de Nevers et de Moulins ou de documents publiés par les visitandines (Abrégés, Circulaires, Année sainte). Classés par date de profession (ou d’oblation), ils sont organisés de la façon suivante : prénom de religion, patronyme (lieu et année de naissance – lieu, rang et année de profession – lieu et année de décès). L’orthographe retenue pour les patronymes est celle du Livre des vœux. Le rang est indiqué par les abréviations suivantes : « c. » pour « choriste », « cv. » pour « converse », « a. » pour « associée », « t. » pour « tourière ». Ces rangs disparaissent à la suite de la modification des Constitutions de la Visitation durant la réforme de la vie monastique initiée par Pie XII dans sa constitution apostolique Sponsa Christi qui introduit la clôture papale, la pratique des vœux solennels et la création des fédérations. Après cette évolution (1957 à Nevers, 1961 à Moulins), l’année de profession, précédée d’un « p. », correspond à celle des vœux temporaires. Afin d’éviter de nombreuses répétitions, les lieux de profession et de décès ne sont mentionnés que s’ils sont différents du lieu où est installée la communauté au moment de l’événement. Lorsqu’une ville a accueilli plusieurs communautés de la Visitation, le lieu de profession est précisé par un chiffre, par exemple « Paris 2 » pour le Second monastère de la Visitation de Paris.
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 La troisième communauté de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie Fondateurs et fondation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Au fil des Annales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 La famille Fouquet et la Visitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Le Sacré Cœur à Moulins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 Les entrées royales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 La béatification de Jeanne-Françoise de Chantal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Anticiper et affronter la Révolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 Un trésor patrimonial et spirituel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Du Bourbonnais en Nivernais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Des lois antireligieuses à l’exil en Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 Le retour à Nevers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 La Visitation Sainte-Marie à Moulins de 1876 à nos jours Des visitandines attendues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 L’installation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Histoire et anecdotes du monastère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 L’époque des changements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Une nouvelle communauté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Un précieux patrimoine visitandin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 La chapelle de la Visitation de Moulins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 Éléments biographiques La troisième communauté de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 La Visitation Sainte-Marie à Moulins de 1876 à 1995 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 Une nouvelle communauté à Moulins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299 Annexes La chapelle Saint-Joseph de l’ancienne Visitation de Moulins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304 La canonisation de Jeanne-Françoise de Chantal : un événement à Moulins au xviiie siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308 Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
À nos chères visitandines de Moulins et de Nevers À Mère Marguerite-Marie Baron †
vv Mausolée du duc de Montmorency, marbre, 1650-1653, Moulins, chapelle S.-J.
Introduction Depuis huit ans, le musée de la Visitation contribue à faire connaître l’ordre de la Visitation, son histoire et ses spécificités, en s’appuyant, entre autres, sur le patrimoine qu’il conserve à Moulins. À la veille du quatrième centenaire de l’arrivée de cet institut en Bourbonnais, nous voulons faire mémoire de ce jubilé en contant l’histoire des visitandines moulinoises. Fondée en 990, la ville de Moulins doit son rayonnement à l’installation de la famille de Bourbon qui fera de la cité la capitale du duché de Bourbonnais. Après le rattachement du duché à la France, Moulins devient le siège d’une importante généralité qui déborde largement la province puisqu’elle comprend les élections d’Évaux-les-Bains, de Guéret, de Nevers et de Château-Chinon. Moulins est aussi à la fois siège de châtellenie, présidial et sénéchaussée, centres autour desquels gravite toute personne détenant une charge de police, de justice ou d’administration. Le château réaménagé par Anne de France, duchesse de Bourbonnais, constitue le cadre
opulent d’une cour fastueuse et connaît par exemple, au xvie siècle, le mariage d’Antoine de Bourbon avec Jeanne d’Albret, parents d’Henri IV, ou au xviie siècle le deuil et l’agonie de Louise de Lorraine, veuve d’Henri III. Le Grand Siècle voit l’établissement de plusieurs communautés religieuses : les capucins (1601), les jésuites (1603), les ursulines (1616), les visitandines (1616), les augustins (1617), les minimes (1621), les chartreux (1625), les carmélites (1628), les bernardines (1650) 1. La plupart des ordres religieux reçoivent un accueil empressé dans la ville de Moulins. Pernelle Gaudon, religieuse carmélite de Moulins, écrit : « Alors que par le fait des enfants de Calvin, on voyait ailleurs des églises abattues, les autels profanez, les images en cendres, les cloîtres démolis et les religieux massacrés, néanmoins cette belle cité de Moulins est toujours demeurée comme un beau cesdre en la verdeur de son intégrité et inviolable fidélité à la religion catholique, étant comme un verdoyant laurier planté au milieu de la France toute 15
vv Préau de la Visitation de Moulins, 1878-1880.
1. Moulins a aussi accueilli les carmes (1352), les clarisses (1421) et les jacobins (1515).
La Ferveur de vivre
2. Pernelle Gaudon. Sa vie, par le Révérend Père Gabriel du Saint-Esprit, cité par Moret, 1912, t. II, p. 115. 3. Elles sont intitulées Fondation du troisième monastère de la Visitation Sainte-Marie établie en la ville de Moulins, capitale du duché de Bourbonnois, le 25 aoust 1616 sous le pontificat de Paul V et le règne de Louis XIII et conservées à Nevers. 4. Du fait de la disparition de la presque totalité des Annales, du peu de Lettres circulaires imprimées et de l’absence de la plupart des Abrégés des vies des sœurs, les principales sources utilisées sont le Livre des dons et les dossiers annexes des archives, dont ceux qui sont liés à la construction du monastère et à l’inhumation des religieuses.
Le monastère prend rapidement de l’importance et attire de nombreuses vocations. Quelques années plus tard, le couvent accueille la duchesse de Montmorency. Cette dernière est amie avec la Mère de Chantal et aurait aimé recevoir le voile de ses mains. La fondatrice de l’institut vient à cet effet à Moulins en 1641 et y meurt le 13 décembre. L’histoire du monastère aurait pu se poursuivre jusqu’à nos jours, mais c’était sans compter la tourmente révolutionnaire : en 1792, les religieuses sont dispersées. Elles se restaurent en Nivernais en 1818 puis s’exilent en Belgique en 1908. Mais la Visitation peut revenir à Nevers en 1935. Cela explique donc que la communauté de l’ancien monastère de Moulins soit aujourd’hui à Nevers. Les Annales 3 vont nous permettre de suivre la vie de cette famille religieuse aux cours des siècles. À Moulins, à l’instigation de l’évêque du lieu, Mgr Pierre-Simon de Dreux-Brézé, prélat attaché à la vie contemplative, la Visitation renaît en 1876 grâce à des professes du Premier monastère de Paris. L’histoire de la deux cent quarante-neuvième communauté de l’ordre est marquée par la personnalité de sa première supérieure : Mère Izabel de Chantal de Mendoça (née Maria Amália de Mendoça, nièce du roi Jean VI de Portugal et filleule du roi Louis-Philippe), par la construction de ses bâtiments claustraux, puis par les péripéties liées à la séparation des Églises et de l’État et à la Première Guerre mondiale. La pauvreté et l’observance accompagnent la vie simple des moniales 4. D’autres bouleversements apparaissent encore à partir de 1989. Ils sont liés au déclin des vocations et aux projets engagés pour y faire face, mais ils n’obtiennent pas le succès espéré. En 1991, les visitandines demandent à Rome la fermeture du monastère et appellent de leurs vœux ce qui deviendra le musée de la Visitation. En refusant l’extinction de la communauté, le Saint-Siège fait de Moulins un monastère particulier, dans lequel est transférée la communauté de Mâcon en 1995 et qui accueille
ruinée 2. » Un autre témoignage est rendu en 1697 par l’intendant Jacques Le Vayer, dans son Mémoire de la généralité de Moulins. Après avoir énuméré les couvents de sa ville de résidence, il rapporte que le peuple y est fort dévot, mais que les cloches y sont les plus mauvaises de France. Après la Visitation d’Annecy, fondée en 1610, et celle de Lyon, en 1615, le troisième monastère de l’ordre est établi à Moulins le 25 août 1616. 16
Introduction
ensuite de nombreuses visitandines lorsque ferment leurs couvents respectifs. Nous vous proposons de découvrir l’histoire de ces deux Visitations au travers de leurs archives et de leur patrimoine artistique. Nous dédions notre travail aux visitandines de Nevers et de Moulins, et nous voulons leur
témoigner notre gratitude et les remercier de leur concours efficace, de leur soin et de leur ardeur à conserver, en un mot à faire vivre, ces témoins du passé, à la suite de leur dignes devancières. Jean Foisselon et Gérard Picaud
17
OO Sœur Marie-Anne Bourdier de Beauregard, religieuse bernardine, huile sur toile, 1767, don de la Société d’émulation du Bourbonnais à la V. de Moulins, M. V. U Cloître du réfectoire, V. de Moulins, 2014.
La troisième communauté de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie
OO Joseph Évezard, Plan du quartier du monastère en vue du projet d’acquisition, gouache sur papier, 1772, V. de Nevers.
19
Fondateurs et fondation C’est en partie aux caprices de dame nature, en l’occurrence la rivière Allier, que l’ordre de la Visitation doit la fondation d’un monastère à Moulins. En effet, la rivière se trouve si fortement glacée en 1616 que les mariniers ne peuvent conduire M me Élisabeth Arnault des Gouffiers à Paris, où elle a l’intention de se rendre 1. Elle doit s’arrêter dans la ville, alors qu’elle n’en avait nullement le dessein. Par ailleurs, cette dame dont le nom revient souvent dans la correspondance de François de Sales est connue pour s’être employée à la création du monastère de Lyon. En attendant un temps plus favorable, elle loge chez la veuve du trésorier Jean Dubuysson de Beauregard 2 . Elle a entendu parler de François de Sales et manifeste le désir de voir établir un monastère comme celui d’Annecy dans sa ville. Plusieurs dames et demoiselles se rassemblent journellement pour s’informer de l’évêque de Genève et de sa petite congrégation. Constatant les bonnes intentions de ces dames, M me des Gouffiers va en conférer avec le Père Aignan Moreau,
recteur du collège des jésuites, qui lui conseille d’en informer les autorités de la ville. Dès la première proposition, tous approuvent ce dessein « qui devait contribuer à la gloire de la Très sainte Vierge, dont le culte fut toujours l’objet de leur plus tendre piété 3 ». M me des Gouffiers, trouvant de si heureuses dispositions pour l’exécution de ce projet, suspend son voyage à Paris, demeure à Moulins pour commencer la fondation et s’emploie à obtenir le concours des plus hautes instances. En conséquence, le maréchal Jean-François de Saint-Géran, gouverneur de la province, ainsi que le maire et les échevins écrivent pour recevoir l’accord de l’évêque. La Providence veut que le siège d’Autun soit vacant depuis 1614, faisant de l’archevêque de Lyon, M gr Denis de Marquemont, l’administrateur du diocèse du siège d’Autun. Or, ce dernier vient tout juste de finaliser avec François de Sales la fondation du second monastère de l’ordre dans sa cité épiscopale. Il accorde sans hésiter son autorisation le 12 mars 1616 dans 21
vv Mère Jeanne-Françoise de Chantal, Entrelacs de tiges fleuries, détail d’une chasuble, damas, satin brodé, début du xvii e s., V. d’Annecy.
1. Élisabeth Arnault des Gouffiers est placée par sa mère à l’abbaye bénédictine du Paraclet. Séduite par l’Introduction à la vie dévote, elle fait un essai à la Visitation d’Annecy en 1613 puis en sort. Elle contribue aussi à la fondation de la Visitation de Paris, puis se brouille avec les fondateurs pour des motifs financiers. 2. Onze jeunes filles de sa famille entrent à la Visitation de Moulins sous l’Ancien Régime. 3. Annales, t. 1, p. 3.
Au fil des Annales Nous allons pénétrer au cœur de l’histoire du couvent en nous arrêtant sur les événements, marquants ou anecdotiques, des xviie et xviii e siècles. Pour en retrouver la trace, nous nous sommes appuyés sur les Annales constituées par la transcription année après année, voire jour après jour, de la vie du monastère. Dressé en 1787, l’Inventaire des différents emplois et lieux du monastère offre également de précieux renseignements sur le cadre de vie des religieuses 1. Toutefois, certains éléments essentiels de cette histoire seront traités de façon plus détaillée dans les chapitres suivants.
et l’organisation de la maison de fondation, bâtiment qui n’a rien de monastique. Elle est située dans l’actuelle rue de Paris, dans le faubourg du même nom, où il est plus facile d’acquérir des terrains nécessaires à l’établissement d’un monastère. Aussi, en 1619, ayant reçu plusieurs prétendantes et pressentant l’arrivée d’autres postulantes – vingt-trois contrats de noviciat sont conclus entre 1620 et 1634 –, la Mère de Bréchard se résout à entreprendre la construction d’un bâtiment 2. Elle est secondée dans cette tâche par M. de Palierne, qui déploie beaucoup de zèle pour l’accomplissement du projet et pour la gestion des affaires importantes de la maison. À ce sujet, la Mère de Chantal se manifeste : « J’eusse bien fort désiré de voir le plan de votre maison, car tant qu’il se pourra, ma très chère sœur, il nous faut faire nos monastères conformes. Je vous prie donc de nous l’envoyer, parce que nous sommes après à en faire un. Je serais bien aise qu’il y ait de la correspondance 3. » La Mère de Bréchard s’exécute car la supérieure
Enracinement et essaimage
Les premiers pas de la communauté moulinoise, marqués par des événements pénibles mais édifiants, attirent la sympathie et l’intérêt des différentes classes de la population. Ainsi fraternisent dans la charité du cloître des femmes issues de divers milieux. Malheureusement, la vie des religieuses est rendue difficile par l’étroitesse 27
vv Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard, Bouquets brodés au passé empiétant, détail d'un parement d’autel, 1623-1637, V. de Riom, puis de Brioude, puis d’Annecy.
1. Inventaire. Mémoire manuscrit réalisé en 1787 à la fin du triennat de la Mère de SaintMesmyn, conservé à Nevers. 2. Des dames retirées, telles Esmée de La Grue, veuve de Guillaume Le Charron, ou Régine de Moreuille, apportent aussi des fonds. Le monastère, « dénommé SainteMarie », occupe l’emplacement d’une vigne. Voir Litaudon, 1961, p. 139. 3. Burns, 1986-1996, t. I, lettre 274 du 12 février 1620, p. 429.
La Ferveur de vivre
W Chapelle de l’ancienne Visitation de Nevers, 1641, rue Saint-Martin à Nevers.
4. Burns, 1986-1996., t. I, lettre 275 du 21 juin 1620, p. 429.
détermination de la fondatrice de l’ordre pour que les maisons de l’institut s’organisent sur le même modèle. Mgr Denis de Marquemont, archevêque de Lyon, de passage en 1620 à Moulins, bénit l’emplacement du futur chantier et une plaque apposée en présence de Marguerite Aubert, épouse de Nicolas de Palierne. On commence les travaux par la construction de l’église et ensuite on élève un grand corps de logis contenant dix-huit cellules et plusieurs offices. Tout est achevé en dix-huit mois et coûte 37 000 livres. Les dots des vingt-sept filles qui ont été reçues depuis 1616 sont dépensées à cet usage. Au même moment, un projet de fondation à Nevers prend corps, à la demande du baron de Lange et de M. Bonsidat, les filles de ce dernier voulant alors se faire visitandines à Moulins. Selon les vues de la Mère de Chantal, Jeanne-Charlotte de Bréchard doit aller à Nevers pour œuvrer à la fondation, malgré l’opposition des plus hautes autorités civiles et des habitants de Moulins qui refusent de la laisser partir. Néanmoins, François de Sales accepte la demande de l’évêque de Nevers et sœur Paule-Jéronyme de Monthoux, professe d’Annecy, est mandatée pour remplacer comme supérieure la Mère de Bréchard. On assiste alors à une situation très embarrassante à Moulins, où l’on se retrouve avec deux supérieures. Mais la sœur de Monthoux, très respectueuse, tient le rang d’inférieure pendant son séjour. Le départ pour la fondation est digne d’un roman de cape et d’épée : « Nonobstant qu’on eût promis à M. de Saint-Géran que la Mère de Bréchard, et M lle de Morville n’iraient pas à Nevers, il [fit] arrêter tous les bateaux et de faire à tous les mariniers défense sous peine d’une grosse amende de conduire aucunes filles de Sainte-Marie, ainsi qu’à tous les charretiers de donner ni chevaux, ni équipages et à toute la ville de prêter ni carrosse ni litières pour les conduire, en sorte qu’on les refusait partout. Mais Dieu dont les desseins ne peuvent être empêchés par ceux des hommes permit qu’un marinier arrivât après ladite défense et sans en être
d’Annecy lui répond trois mois plus tard en lui donnant des directives : « J’ai vu l’achat de votre place, […] n’épargnez pas un peu d’argent pour faire un grand lieu de jardinage […] Au reste, quand vous aurez marqué les places qu’il vous faut, si vous m’en envoyez le plan, je vous ferai faire dessus celui de notre maison qui vous contentera, et puis tant qu’il se pourra, il faut faire nos monastères ensemble 4. » Alors qu’il n’existe que sept monastères, cette lettre montre la 28
Au fil des Annales
instruit, il promit de les conduire le lendemain 5. » On fait partir Françoise-Jacqueline de Musy 6 le 19 juillet 1620 à 3 heures du matin ; ses compagnes et elle sortent par une porte située au bas du jardin donnant sur le chemin qui va de l’église Saint-Jean au Champbonnet-sous-Avermes, appelée aussi rue Sous-Saint-Jean. Mais elles ne sont pas sauvées pour autant. « Lorsqu’elles furent à une lieue de Moulins et que le jour commençait à paraître un homme à cheval courant le long de l’eau fit arrêter le bateau pour savoir ce qui était dedans, et comme on lui dit que c’était des marchandises, il les laissa passer, on crut que cet homme avait charge de triller les bateliers, quoi qu’il en fût elles continuèrent leur voyage et au sortir de la rivière d’Allier le carrosse de Mgr l’évêque de Nevers les vint prendre et les conduisit à leur maison qu’elles trouvèrent préparée, et en état de les recevoir, ainsi se fit l’établissement de Nevers 7. » La famille de Gonzague contribuera ensuite aux travaux de la Visitation de Nevers.
h Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard, Parement de la Vierge, broderie au passé empiétant, 1623-1637, V. de Riom, puis de Brioude, puis d’Annecy. O Pierre de fondation de la Visitation de Moulins, 1620, Moulins, lycée Théodore-de-Banville.
5. Annales, t. 1, p. 32. 6. Accompagnée de Marie-Péronne Gerbes, première professe de Moulins, Marie-Marthe Bachelier, Jeanne-Élisabeth de Brugerat, toutes de Moulins. 7. Annales, t. 1, p. 32. Le monastère de Nevers ne se relèvera pas après la Révolution.
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La Ferveur de vivre
8. Louise-Antoinette Auger, assistante, Marie-Séraphine de Lalande, MarieMagdelaine Carré et une novice converse. 9. Les archives conservent de cet épisode un document intitulé Relevé des choses à préparer pour la consécration d’une église et ordre des cérémonies qui s’y doivent observer.
À Moulins, en 1622, après le passage de la Mère de Chantal le 22 avril, la Mère de Bréchard dépose la charge de supérieure et c’est la Mère de Chastellux qui lui succède. Elle fait célébrer dans l’église un service solennel en hommage à François de Sales, décédé à Lyon le 28 décembre 1622. En mars 1623, la Mère de Bréchard et plusieurs religieuses 8 partent pour Riom afin d’y fonder un monastère à la demande de la fille du maréchal de Saint-Géran, Marie-Gabrielle de La Guiche, épouse de Gabriel de Chazeron, gouverneur du Bourbonnais. Le 24 septembre 1623, Mgr Claude de La Madeleine, évêque d’Autun, consacre la nouvelle et modeste église de la Visitation de Moulins 9. En 1624, la communauté connaît son premier décès avec la disparition de sœur Marie-Antoinette Laboursin, et prépare quelques professes pour un nouveau projet de fondation qui se met en route. La comtesse de Roussillon, sœur de la Mère de Chastellux, intervient pour qu’Autun, ville épiscopale, reçoive des visitandines. La Mère de Chastellux part pour Autun à la tête du petit essaim ; elle apporte la somme de 600 livres, un petit ornement de laine sur du lassis. Mais l’évêque d’Autun n’autorise pas son retour en 1625 en vue de l’élection moulinoise. Jeanne-Françoise de Chantal dédommage alors en quelque sorte la communauté, en envoyant MarieConstance de Bressand, professe du Premier monastère de Grenoble alors assistante au Premier monastère de Paris, pour la conduite de la maison bourbonnaise. Un des premiers cas qu’elle ait à traiter est celui de la sœur Marie-Aimée Le Gruel de Morville dont la vie est fort mouvementée. Lors du séjour de François de Sales à Paris en 1619, les parents de cette jeune veuve de vingt-deux ans, mère de deux enfants, l’exhortent à entrer en religion à la Visitation de Moulins. Sa venue au monastère provoque des difficultés qui sont à l’origine d’une correspondance nourrie entre les fondateurs et nécessitent la venue répétée de la Mère de Chantal (en avril 1622 et en novembre 1623). L’histoire de sœur Le Gruel de Morville est bouleversante ;
h Mère Jeanne-Françoise de Chantal, Chasuble de notre sainte Mère, damas, satin, broderie au passé empiétant, début du xvii e s., V. d’Annecy.
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La famille Fouquet et la Visitation Sous l’Ancien Régime, la spiritualité des visitandines attire de nombreuses filles de grandes familles. Les exemples sont multiples, mais celui de la famille Fouquet est éloquent en ce qui concerne l’ordre en général et Moulins en particulier. Le seul nom de cette famille rappelle un de ces grands revers de fortune qui marquent l’histoire de France. À la Visitation, tout commence par les liens que noue François III (père de Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances) avec Vincent de Paul et la Mère de Chantal. Ainsi sa belle-sœur Madeleine-Élisabeth de Maupeou (1596-1674) devient professe au Premier monastère de la Visitation de Paris en 1629. Malgré son entrée en religion et ses diverses charges, elle demeure très proche de sa famille 1. C’est pourquoi son monastère sera un peu le berceau des filles Fouquet, MadeleineÉlisabeth étant alors maîtresse des sœurs du petit habit, où sont placées les cinq filles du maître des requêtes du roi. Par ailleurs, l’église, chef-d’œuvre de Mansart, est le lieu
de sépulture des membres de cette maison 2. Toutes les sœurs de Nicolas se consacrent à Dieu dans les Visitations parisiennes, trois au Premier monastère 3 et deux au Second monastère 4 . Elles occupent des charges importantes, mais la personnalité de Mère Marie-Thérèse Fouquet (1621-1709) est sans doute la plus marquante. Pensionnaire dès l’âge de neuf ans à Saint-Antoine, elle devient jeune supérieure de Toulouse en 1659, de Mamers en 1667, du Troisième monastère de Paris en 1679, puis du Premier monastère de cette même ville en 1691. Elle prend alors comme assistante Louise-Élisabeth Colbert (1630-1698), ancienne supérieure de Rouen (1673), Chaillot (1679), Paris (1682) et Dieppe (1685) et sœur du ministre qui a succédé aux charges et à la faveur du surintendant, mort à la forteresse de Pignerol. Pourtant : « Ce nom seul devait réveiller toutes les souffrances de son cœur, mais elle sut les dominer. Cette mutuelle déférence, ces égards réciproques et l’union qui régnaient entre elles 5 » font l’édification de tous, y compris 67
vv Vitrine à reliquaires, porte inférieure et pieds d’un meuble chinoisant, bois doré, verre, miroir, corne verte, écaille de tortue, vers 1757-1759, Moulins, chapelle S.-J.
1. Elle est supérieure à Caen en 1635 avant de partir en 1641 pour fonder Bayonne, sur la demande expresse de son neveu François IV Fouquet, évêque de cette ville. Elle est élue supérieure de Paris en 1655. 2. Nicolas est inhumé dans le caveau familial, sous la chapelle de François de Sales, en 1680 ; il a toute sa vie comblé le monastère de présents, en particulier une lampe d’argent d’un poids de 50 marcs. 3. Sœur Anne-Madeleine (1613-1676), sœur Marie-Thérèse (1621-1709) et Mère Élisabeth-Angélique (1619-1694), qui participe à la fondation de Bayonne, devient supérieure de Toulouse, puis du Troisième monastère de Paris. 4. Madeleine-Augustine (1632-1705) est pensionnaire dès l’âge de onze ans au Second monastère de Paris, puis elle est envoyée à la fondation du Troisième monastère de Paris ; Louise-Agnès (née en 1630) est pensionnaire au Second monastère de Paris, puis est envoyée à la fondation du Troisième monastère de Paris. 5. Année sainte, t. I, p. 631.
La Ferveur de vivre
j Gaspard Netscher, Madame de Sévigné, peinture sur plaque d’argent, xviie s., legs de Mlle Geneviève Jabouin à la V. de Moulins, M. V.
6. L’épouse de Nicolas achète la terre de Pomay à Lusigny, dont le château est qualifié de « petite maison » par Mme de Sévigné. 7. Elle a été achetée en 1674 ; Mme Nicolas Fouquet en fait don en 1682 aux Filles de la Croix ; elle était située à l’emplacement des actuelles halles.
accueille avec joie dans sa modeste maison de Moulins 7 une fidèle amie : la marquise de Sévigné. C’est pourquoi le 17 mai 1676, depuis la chambre où est morte sa grandmère paternelle, M me de Chantal, fondatrice de l’ordre de la Visitation, la grande épistolière écrit à sa fille, M me de Grignan : « J’arrivai hier au soir ici, ma chère enfant, en six jours, très agréablement, Mme Fouquet, son beau-frère et son fils vinrent au-devant de moi ; ils m’ont logée chez eux. J’ai dîné ici et je pars demain pour Vichy. J’ai trouvé le mausolée admirable […]. » Quant aux religieuses, elles relatent qu’elles la reçoivent avec des transports de joie et lui font vénérer le cœur de son inestimable grand-mère. Puis, au début du xviii e siècle, les relations entre la famille Fouquet et la Visitation de Moulins se font plus intimes. Petite-fille du surintendant Nicolas Fouquet, et fille de Louis Fouquet et de Catherine-Agnès de Lévis, Anne-Madeleine Fouquet de Belle-Isle (1691-1775) a quinze frères et sœurs. Son enfance se déroule en Languedoc, auprès de son grand-oncle Louis, évêque d’Agde, puis en Bourbonnais. Très vite, elle est confiée à sa lointaine parente sœur Marie-Henriette de Lévis-Ventadour. Les premiers mois, elle n’aime pas la vie au couvent, mais, après avoir frôlé la mort à l’âge de douze ans, elle est saisie et choisit résolument la vie religieuse. Elle réussit à vaincre les résistances de sa famille et de la communauté qui la trouve trop jeune. En 1726, elle reçoit à deux reprises son frère le comte de BelleIsle, alors en exil à Nevers. Ce dernier tient un journal où apparaissent ses visites au monastère. Ainsi on constate qu’il y est très souvent, qu’il reste longtemps au parloir avec sa sœur, parfois le soir jusqu’à 8 h 30, et qu’il loge chez M. de Villaines. Par exemple, le 17 juin : « Nous nous levasmes à 7 heures et allâmes entendre la messe de communauté à la Visitation qui fut fort longue. De là, nous passâmes à la sacristie où nous trouvasmes ma sœur et M me la supérieure, qui nous fit voir le soleil, ornements, etc… […] nous revînmes à 4 heures à la Visitation,
du roi Louis XIV. Elle sera également élue supérieure au Troisième monastère de Paris. Mais revenons en Bourbonnais, où la disgrâce a exilé la famille et créé des liens avec la Visitation de Moulins. C’est ainsi que, en 1671, M me Marie Fouquet, née Maupeou, mère de Nicolas, vient au monastère avec sa belle-f ille MarieMadeleine de Castille. Elles entrent plusieurs fois en clôture et rencontrent sœur Élisabeth-Angélique Fouquet, en résidence dans cette maison depuis sa déposition de Toulouse. L’épouse de Nicolas offre en souvenir une très belle pendule pour l’infirmerie 6. Cinq ans plus tard, la famille Fouquet 68
Le Sacré Cœur à Moulins L’élection en 1679 de Mère Marie-Françoise de Saumaise, professe de Dijon et supérieure de Paray-le-Monial pendant les apparitions du Sacré Cœur, profite largement sur le plan spirituel à la communauté de Moulins. Qui mieux que l’ancienne supérieure de sœur Marguerite-Marie Alacoque peut faire connaître l’amour infini du Cœur de Jésus et le message qu’il a révélé à la visitandine ? Touchées, plusieurs sœurs entrent en contact avec la voyante et développent de belles amitiés spirituelles. Un riche échange épistolaire commence alors, en particulier avec sœur Louise-Henriette de Soudeilles et sœur Félice-Magdelaine de La Barge, et se perpétue après le départ de la Mère de Saumaise 1. Placée à la tête de la maison en 1682, la Mère de Soudeilles favorise toujours davantage l’union avec Paray-le-Monial. Elle est réélue en 1685 ; son second triennat est pour le monastère de Moulins l’ère du triomphe du Sacré Cœur. Depuis cinq ans, la correspondance de sœur Marguerite-Marie Alacoque prépare les voies. La confiance va
céder la place à la dévotion proprement dite, et le moment est venu où le culte du Sacré Cœur est définitivement institué. En 1685, lorsque les novices de Paray-le-Monial, pour fêter leur directrice, viennent de rendre les premiers honneurs au Sacré Cœur, la Mère de Soudeilles, se sentant pressée du même désir, le communique à sœur MargueriteMarie. En 1686, la communauté de Parayle-Monial ayant fait sienne cette dévotion, sœur Marguerite-Marie Alacoque écrit à la Mère de Soudeilles et lui propose de l’adopter également dans son monastère. Dans une lettre datée du 4 juillet 1686, elle lui offre de lui envoyer une petite image du Sacré Cœur, pour qu’elle la porte sur son propre cœur. « Je prie le Sacré-Cœur de notre adorable Sauveur, de vouloir unir si étroitement les nôtres par les liens de son pur amour, qu’ils n’en puissent jamais être séparés un seul moment. […] Je ne sais, ma chère Mère, si vous comprendrez que c’est de la dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur JésusChrist que je vous parle, […] dont je souhaite 75
vv Consécration de la communauté de Moulins au Sacré Cœur, papiers roulés, bois de Bagard, vers 1719, V. de Nevers.
1. C’est pourquoi les archives du monastère conservent une trentaine de lettres autographes de Marguerite-Marie Alacoque. Parmi les dévotes de Moulins, notons sœur Félice-Magdelaine de La Barge (fille de la dame d’honneur de la duchesse de Montmorency) et Marie-Félice Dubuysson de Beauregard. Voir Lougnon, 1993.
Les entrées royales Comme nous l’avons déjà signalé, plusieurs personnalités prestigieuses, à commencer par les souverains eux-mêmes, obtiennent le droit de pénétrer en clôture. Quand on rassemble la narration de ces visites extraordinaires par les visitandines, des points communs surgissent entre ces événements qui, malgré le prestige dont ils sont porteurs, bouleversent la vie régulière des religieuses. La Mère de Chantal s’en était ouvert à Mère Anne-Catherine de Beaumont : « Je sais gré à nos chères sœurs de ne s’étonner ni empresser pour l’entrée des reines et princesses dans leur monastère 1. » Cette formulation prudente démontre l’impuissance des moniales à s’opposer aux entrées royales. Heureusement, Moulins n’étant pas une résidence royale, la Visitation bourbonnaise est protégée de fréquentes visites des souverains ou de personnages de la cour 2. Même si la mode des bains, le siège d’une généralité, mais aussi la position géographique de la ville entre Lyon et Paris sont à l’origine de la venue de personnes importantes. Le souvenir
de Mère de Chantal mais surtout la présence de la duchesse de Montmorency favorisent l’attrait pour la Visitation de Moulins, qui sans ces deux femmes n’aurait pas eu le renom dont elle bénéficie à la cour. Ainsi, la rencontre est le but que poursuit la reine Christine de Suède (1626-1689) qui, alors qu’elle a abdiqué en 1654, se rend à Rome. Elle se détourne de sa route afin d’aller visiter la duchesse de Montmorency en 1655. Elle reste deux jours et, au moment de la séparation, la reine entre dans l’église pour y entendre la messe. Après avoir considéré attentivement l’autel, le tabernacle et le mausolée, elle s’approche de la grille près de laquelle se tient, à l’intérieur, Marie-Félice, qui s’est montrée assez distante pendant ce séjour, et la félicite par ces paroles : « Je n’ai plus rien à voir à Moulins, après avoir admiré ces monuments de votre piété immortelle 3. » Peu de temps après, dans le cours de l’année 1656, la reine d’Angleterre Henriette de France (1609-1669), fille d’Henri IV, passe par Moulins. Comme la duchesse de 81
vv Rémy Vuibert, Plafond peint du chœur des religieuses, huile sur toile, 1651-1652, Moulins, chapelle S.-J.
1. Burns, 1986-1996, t. II, p. 653. 2. Voir Gérard Picaud, « Exemple de liens artistiques entre les familles souveraines et la Visitation en Europe aux xviie et xviiie siècles », dans Picaud et Foisselon, 2011, p. 147. 3. Annales, t. 1, p. 235.
La béatification de Jeanne-Françoise de Chantal À Moulins, la Visitation veut célébrer le plus rapidement possible la solennité de la béatification, promulguée le 21 août 1751. Mais il faut attendre que la chapelle latérale gauche non vouée au culte, qui accueille la tombe du Père de La Coudre, soit enrichie et décorée pour pouvoir lui être dédiée.
velours cramoisi, environné d’anges ; on avait ôté le jour de la première chambre qui était parée de tapisseries des Gobelins, elle était éclairée par un lustre d’argent à plusieurs branches qui faisait face à un second tableau de cette illustre fondatrice, au-dessus était placée une couronne d’or ; on entrait ensuite dans la sainte chapelle, qu’on avait de même obscurcie, mais qui était aussi brillante que le plus beau jour par l’illumination de plus de cent cierges. Le lit de la bienheureuse était garni d’une riche étoffe jaune et argent, au-dessus du retable doré, elle était représentée comme à Rome entre Saint François de Sales et Saint Vincent de Paul ; on la voyait aussi à main gauche ainsi qu’au Vatican dans la gloire et comme s’envolant au ciel, dans un tableau de huit pieds de hauteur fait par un des plus habiles peintres de Rouen, il remplissait entièrement la croisée de l’oratoire, elle était couronnée d’un magnifique diadème, au-dessous du cadre étaient six marches sur chacune desquelles on avait représenté une
Des fêtes privées
Dès le 13 décembre 1751, jour anniversaire de la mort de Jeanne de Chantal à Moulins, les visitandines fêtent dignement leur fondatrice à l’intérieur de leur maison. La Circulaire du 3 décembre 1752 relate avec précision les décors élaborés à cette occasion : « Pour cet effet nous fîmes une parure d’un goût singulier, et qui éblouissait la vue par son éclat, dans la sainte chambre où cette bienheureuse rendit ses derniers soupirs, et qui dès lors avait été changée en oratoire, on entrait par un portail de verdure artistement parsemé de lumières, ce qui faisait un très joli coup d’œil, au-dessus était un tableau de cette bienheureuse garni d’un 87
vv Sainte Jeanne-Françoise de Chantal, détail d’une broderie au passé empiétant, milieu du xviiie s., V. d’Annecy.
Anticiper et affronter la Révolution Le décret du 2 novembre 1789 confisque les biens religieux au profit de la nation. Le 16 février 1790, c’est la suppression des ordres religieux ; pourtant, à l’Ascension, la Mère de Damas est réélue à la tête d’une communauté nombreuse et fervente. C’est une femme intelligente et très clairvoyante, qui entretient avec Mgr Jean-Baptiste des Gallois de La Tour une correspondance au sujet de la Révolution. Ce dernier, vicaire général d’Autun et doyen du chapitre de la collégiale Notre-Dame, vient d’être nommé évêque de Moulins 1. Le mouvement révolutionnaire commence à grandir dans le Bourbonnais, des agitations publiques surviennent et les épistoliers sont inquiets pour la sécurité des reliques. Le prélat, n’imaginant pas que le culte catholique serait interdit, « prévoit que les Constitutionnels seront fort empressés de les avoir pour leur église 2 », spoliant ainsi les religieuses. Quant au cœur de JeanneFrançoise de Chantal, cette relique est si connue qu’il craint que les visitandines ne puissent la conserver, mais il rappelle
l’importance des sceaux, tout en donnant pouvoir de mettre le cachet du monastère si elles ne parviennent pas à sauver le reliquaire. Mais il fait preuve de clairvoyance : « Quant aux suites des événements, il est possible et à craindre qu’on vous force à quitter votre asile 3. » Le prélat présume que la Mère de Damas a pensé à louer ou à acheter une maison pour s’y réfugier si nécessaire. Le 6 août 1790, la Mère de Damas dans une proclamation à propos des vœux des religieuses déclare « vivre et mourir dans la règle qu’elle a embrassée 4 ». La Révolution se fait de plus en plus pressante. Le 7 mai 1791, il est procédé à la vente des propriétés des visitandines situées à Créchy, pour la somme de 189 300 livres, et de la maison occupée par le curé de Saint-Jean à Moulins, pour 5 825 livres. Le 4 juin sont vendus « les domaines des Gouttes et des Salins, les locateries des Gouttes et des Salins, de la Ronde et du Freigne à Vouroux, SaintLoup et Montoldre dépendants des Dames de la Visitation de Moulins 38 000 livres à 95
vv Procès-verbal du 17 septembre 1792 refusant le serment républicain, manuscrit sur papier, Moulins, archives municipales, 2P7.
1. Il ne fut jamais sacré. Il émigrera en 1790 en Angleterre et en Italie et sera nommé archevêque de Bourges en 1817. 2. Annales, t. 1, p. 189. 3. Ibid., p. 190. 4. Yzeure, archives départementales de l’Allier, 75 J 2, pièce 33-1.
Un trésor patrimonial et spirituel Deux siècles d’existence et un rayonnement exceptionnel ont permis à la Visitation de Moulins d’acquérir un riche patrimoine liturgique et un ensemble rarissime de reliques. L’objet de ce chapitre est de révéler ce patrimoine, sans dévoiler celui qui provient du mécénat de la duchesse de Montmorency pour la Visitation et la ville de Moulins. Ce sujet fera l’objet d’une future publication.
L’orfèvrerie
On ne trouve aucune mention dans les archives des pièces d’orfèvrerie présentes lors de l’installation des visitandines et pendant les premières décennies d’existence de la communauté 1. Seul un calice provenant de la famille Mégret, possessionnée en Bourbonnais, dont un membre fut protonotaire apostolique, prieur de Saint-Jean en Picardie, et une fille visitandine à Moulins, sœur Félice-Geneviève Mégret, témoigne des œuvres alors en service, mais aussi du rôle des familles dans l’augmentation du patrimoine. Le poinçon de ce calice pourrait
être attribué à Abraham Rate, reçu orfèvre à Paris en 1612 et demeurant en l’île du Palais, même si l’on peut douter qu’un orfèvre, connu pour son protestantisme engagé, ait pu travailler pour un prêtre catholique. Il repose sur un piétement bombé, porté par une base découpée en neuf lobes semi-lunaires dont la tranche s’orne d’une guirlande en gravure. Le nœud en balustre montre un décor de chérubins et est séparé de la coupe par un ressaut. Sur le pied sont gravées au trait les armoiries de l’abbé Jacques Mégret 2 (décédé en 1682), qui entreprend des travaux importants dans son château du Fraynes à Neuilly-le-Réal. Il faut attendre la moitié du xvii e siècle pour repérer dans les Annales la présence d’un calice. Son arrivée est due à la renommée de M me de Montmorency, qui suscite des visites au monastère. Ainsi Élisabeth de Bourbon-Vendôme, duchesse de Nemours, veuve éplorée après la perte tragique de son époux, Charles-Amédée de Savoie, vient en 1655 avec ses deux filles chercher consolation. Pensionnaires au 105
vv Décor floral, détail, gros de Tours blanc moiré, broderie or et soie polychrome, couchure et guipure éléments or : filé, frisé, lamé, cannetille, paillettes et soie au passé plat et empiétant, points de tige, de chaînette, de nœud et lancé, seconde moitié du xviiie s., V. de Nevers, M. V.
1. Mention de ce qui est sauvé à la Révolution : « plusieurs reliquaires d’argent, le beau ciboire, deux calices, deux paires de burettes en argent ». Annales, t. 2, p. 196. 2. D’azur à trois besants d’argent au chef d’or à la tête de lion arrachée de gueules. Ces armoiries sont sommées d’un chapeau ecclésiastique à trois rangs de houppes et posées sur un bâton prieural.
La Ferveur de vivre
Premier monastère de Paris, l’aînée deviendra duchesse de Savoie 3 et la cadette reine de Portugal 4. La tristesse de cette famille marque la communauté, qui reçoit « un calice d’argent ciselé » en gage de gratitude pour les bontés témoignées lors de son séjour 5. La même année, Anne-Geneviève de BourbonCondé, duchesse de Longueville, nièce par alliance de la duchesse, offre également un calice. Comme nous l’avons vu précédemment, la Visitation reçoit des sœurs du petit habit de haut rang. C’est pourquoi, en 1660, « la duchesse de Ventadour en considération de M lle sa fille nous donna un bassin et une aiguière de vermeil doré pesant 17 marcs 3 onces [4,25 kilos], avec les ornements d’une châsse de relique en argent 6 ». Cette mention montre le désir des religieuses de pouvoir présenter des reliques dans de beaux réceptacles. Le 1er mai 1667, les sœurs de Ventadour et de Valençay font profession. La sœur de Vendatour est reçue comme bienfaitrice et apporte 20 000 livres de dot, avec 2 000 livres de pension viagère. À cette occasion, elle offre pour l’église une lampe d’argent ciselé pesant 18 marcs (4,5 kilos), un calice et une patène d’argent d’un poids de 1,5 marc, ainsi que deux vases d’argent. Mais la politique et les difficultés financières dues à la guerre de Succession d’Espagne ont raison de beaucoup de vases d’argent, de chandeliers et autres pièces de forme. C’est ainsi que la Mère de Soudeilles, portée à la supériorité par la communauté en 1691, a la douleur de voir les autels dépouillés d’une partie de l’argenterie. Envoyées à la Monnaie pour exécuter les ordres du roi, ces pièces représentent la somme de 1 500 livres. Il semble cependant que les visitandines réussissent à sauver une partie de leurs biens non sacrés. On peut en trouver la confirmation en 1713, année du décès de sœur Marie-Henriette de Ventadour, quand les visitandines, assemblées en chapitre, décident de faire célébrer chaque année la messe de communauté à son intention, avec les autels de l’église parés de noir et garnis de vaisselle d’argent. Mais la perte
k Jean-André Burand, Reliquaire de sainte Jeanne de Chantal, argent, Moulins, 1765-1775, V. de Nevers. l Poinçon du maître orfèvre Jean-André Burand, apposé sur la monstrance, les burettes et le vase pour les Cendres reproduits sur ces deux pages.
3. En épousant le duc Charles-Emmanuel II de Savoie en 1665. Voir Picaud et Foisselon, 2010, p. 169. 4. En épousant en 1666 Alphonse VI, puis, après l’annulation de son mariage, en 1668 Pierre II, frère d’Alphonse VI. Voir Picaud et Foisselon, 2011, p. 148. 5. Annales, t. 1, p. 230. 6. Ibid., t. 1, p. 254.
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Un trésor patrimonial et spirituel
P Timbale, argent, vers 1710, V. de Nevers, M. V.
de l’argenterie reste importante ; aussi les religieuses font leur possible pour remédier autant que faire se peut aux saisies royales qui grèvent la pompe liturgique. Cela peut prendre du temps et c’est peut-être ces spoliations qui sont à l’origine d’un curieux petit objet liturgique encore conservé aujourd’hui. Il s’agit d’une piscine à l’usage du prêtre, dénommée également purificatoire ou vase
des ablutions. Pour s’en procurer une, la sacristaine peut espérer un don ou avoir recours à la dot d’une sœur. En l’occurrence, ce dernier moyen lui permet vraisemblablement d’en doter son emploi, comme le montre une timbale profane datée de 1710, œuvre d’un orfèvre non identifié et couverte par un autre orfèvre avant d’être mise en service. La sacristaine peut aussi compter sur le mécénat
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j Jean-André Burand, Vase pour les Cendres, argent, Moulins, 1765-1775, V. de Nevers, M. V. c Jean-André Burand, Burettes et plateau, gravés au trait aux armes de l’ordre, argent, Moulins, 1749-1750, V. de Nevers.
Du Bourbonnais en Nivernais Après la Révolution, la Mère de Damas s’emploie à faire renaître son monastère. Malgré ses puissantes relations, son frère le duc, qui rentre d’émigration avec les Bourbons, ne peut obtenir la restitution de la propriété bien que des projets soient échafaudés. Il faut donc renoncer à Moulins 1. C’est vers La Charité-sur-Loire qu’elle tourne son regard en achetant, en 1817, la maison des bénédictines appelée le « mont-de-piété » pour 16 400 francs. À cette intention, 14 000 francs ont étés donnés par Louis XVIII sur les instances du duc de Damas afin de permettre le rétablissement de la communauté ; de plus le roi offre un ostensoir. Sœur Saint Jacques Bernard, bénédictine de La Charité-sur-Loire, vient les rejoindre en apportant des reliques enfermées « dans une grande croix de bois, forme ancienne à trois gradins ». Mère MadeleineVictoire Verchère, dernière supérieure de Paray-le-Monial, craignant de ne pouvoir relever son monastère charolais, souhaite s’unir aux sœurs de Moulins. Elle arrive en
juin 1817, accompagnée de six professes de son ancienne maison et d’une de Chalonsur-Saône, en apportant de précieux souvenirs de Marguerite-Marie Alacoque. Deux visitandines de Nevers se joignent à elles et, dans les premiers de jours de juin 1818, la communauté est réunie autour des sept professes de chœur et d’une sœur du voile blanc de Moulins ; la Mère de Damas est élue le 7 octobre 1818. Durant la première année, les sœurs, n’ayant ni aumônier ni confesseur, ne peuvent restées cloîtrées ; elles se rendent à la paroisse. La nomination d’un confesseur en 1819 leur permet de ne plus sortir, mais elles doivent encore attendre 1822 pour qu’une clôture physique soit mise en place, avec tour et parloir. En 1823, le diocèse de Nevers est rétabli, alors que celui de Moulins est érigé. L’année suivante, trois visitandines parodiennes repartent pour participer au rétablissement de leur monastère. Entre 1818 et 1826, la communauté accueille certes dix novices, mais enregistre sept décès, dont ceux des piliers de l’ancien Moulins : la 125
vv L’union des cœurs autour de celui de Mère MarieJoséphine Fournier, gouache sur papier, 1851-1854, probable don de la V. de La Charité-sur-Loire à celle de Riom, M. V.
1. Sur ce sujet, voir p. 153
La Ferveur de vivre
Mère de Damas et la sœur de Lombelon des Essarts. On réfléchit même à un transfert à Rodez en 1826. La « jeune » Visitation reste très fragile malgré le secours apporté par la venue de Mère Thérèse-Joséphine Montenach, professe de Fribourg, qui dirige la maison de 1835 à 1841 et le prêt de trois sœurs de Toulouse 2. De plus, en 1830, le supérieur de la communauté est déplacé subitement vers un poste de professeur au séminaire de Nevers. Néanmoins, en dépit de nombreuses incertitudes, les voûtes et les murs de l’église sont entièrement peints de figures visitandines par un artiste italien. Lors du bicentenaire de la disparition de Jeanne de Chantal en 1841, quelques reliques sont exposées sur le maître-autel de l’église, mais le lit de mort de la sainte, lui, est placé dans le chœur des religieuses, à quelques pas de la grille, sous un arc de triomphe. Les religieuses sont obligées d’approcher le lit de la grille, que l’on ouvre à certains moments désignés, pour satisfaire la dévotion des malades qui veulent le toucher. En 1843, même si la communauté compte désormais vingt professes, un transfert à Strasbourg est étudié car le monastère n’est pas en conformité avec ce qui est requis pour la vie monastique visitandine. Mais l’évêque s’y oppose et prédit que des sujets viendront, ce qui est le cas. Au début de l’année 1845, Mère Desgranges est paralysée par une attaque. Elle demande sa déposition ; après plusieurs refus, celle-ci lui est accordée par l’évêque le 3 mai. Les sœurs se rapprochent alors de Fribourg et obtiennent Mère MarieGertrude Chapperon, qui devait conduire la fondation d’une Visitation à Bruxelles, projet pour le moment retardé. Elle est élue le 9 mai. Cependant, le projet bruxellois se dénoue subitement, impliquant l’annulation de l’élection. C’est ainsi que Mère JeanneFrançoise Ferrand est élue supérieure en 1845, alors qu’elle a seulement trente-trois ans et a fait profession depuis moins de cinq ans. En effet, la communauté, qui compte vingt religieuses, manque cruellement de sœurs expérimentées. Malheureusement,
R Croix reliquaire des bénédictines de La Charité-sur-Loire, ébène, cristal, xviiie s., V. de Nevers.
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Du Bourbonnais en Nivernais
malgré la profession de quatre nouvelles religieuses et l’entrée de quatre postulantes, le problème s’accroît encore avec le décès de la supérieure précédente, Marie-Joseph Desgranges. Il est nécessaire de recourir à nouveau à une visitandine d’une autre maison de l’ordre pour être supérieure. Cette situation – l’absence de prêtres pouvant remplir les missions demandées par une communauté, l’élévation des maisons voisines ne permettant même plus aux sœurs d’aller au jardin sans être exposées au regard des séculiers, l’augmentation du nombre de religieuses – conduit la communauté à envisager de nouveau son transfert. Si les visitandines ont fui le monde, elles se
doivent pour survivre de tisser des liens avec la société laïque et cléricale, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors, comme le souligne la Circulaire de 1854 : « nous ignorons presque le chemin de nos parloirs, tant ils sont peu fréquentés 3 ». Dès son élection en 1851, Mère MarieJoséphine Fournier, professe de Riom, voit la nécessité de ce transfert. Elle convainc Mgr Dominique-Augustin Dufêtre et acquiert un terrain rue de Paris à Nevers, où les constructions s’engagent en 1853 sous la responsabilité de M. Pierre Paillard, architecte, et de M. Boucoumont, ingénieur général. L’aide financière de la marquise de Bigny, sœur d’une religieuse, la fait considérer 127
h Plan et élévation de la chapelle de la Visitation de La Charitésur-Loire, aquarelle, papier, début du xixe s., V. de Nevers.
2. Marie-Laubesce Bernin, Marie-Augustine Guittard et Marie-Félicité Lacroix. 3. Circulaire du 19 juillet 1854, p. 3.
Des lois antireligieuses à l’exil en Belgique En 1901, la loi dite loi d’abonnement, promulguée depuis quelques années déjà, oblige la communauté à répondre aux sollicitations répétées du directeur de l’Enregistrement qui réclame 4 735 francs. La marquise de Corn et le baron de Berthier, un parent de sœur de Caissac, font des dons correspondant à ce montant. En 1902, le chanoine Lantier offre au monastère un ouvrage manuscrit du xvi e siècle dédié à l’office de la Vierge. Dès 1903, n’ayant pas immédiatement demandé la reconnaissance comme association cultuelle, les visitandines tentent d’obtenir une décision de justice favorable leur permettant de rester dans leurs murs. Mais, par sécurité, elles cherchent un asile à l’étranger et achètent, d’abord, une simple maison, puis en 1905 un immeuble – qu’elles sont contraintes de revendre – et enfin une propriété à Mons, en Belgique, composée de plusieurs maisons. Pendant ce temps, la machine judiciaire est en marche et Mère Marie-Marguerite Bourgeot est convoquée au tribunal par un juge d’instruction en
septembre 1905. La communauté entière est entendue par ce même juge en octobre, mais cette fois au parloir. Elles gagnent leur procès à Nevers, puis en appel à Bourges, obtiennent un avis favorable du Conseil d’État et gagnent encore en cassation. « De plus M. [Aristide] Briand [ministre des Cultes], le 31 mai dernier, dans une lettre bienveillante demandait l’envoi de nos statuts modifiés, se disant tout disposé à les signer et les approuver. Notre très honorée Mère s’empressa de lui faire parvenir, mais une influence malheureuse dut intervenir, car il ne les renvoya pas. Elle eut son plein effet du 10 octobre, jour où fut signé le décret de dissolution de notre communauté 1. » Après des années d’incertitude, les événements s’accélèrent subitement. En octobre 1907, Marie-Élisabeth Coignot, sœur déposée, part avec cinq sœurs engager les travaux essentiels à Mons. Là-bas, elles reçoivent l’aide des visitandines de Bordeaux, mais aussi d’ecclésiastiques, dont l’un, le chanoine Misonne, prend l’organisation des 137
vv Chasuble de Mgr François de Sales, détail, velours ciselé deux corps, fond sergé et lamé or, début du xviie s., V. de Nevers.
1. Circulaire du 8 septembre 1907, p. 14.
Le retour à Nevers En 1928, la suppression presque providentielle du monastère de Dampicourt, fondé en 1919 par le Second monastère de Paris, permet d’apporter une solution pour l’avenir à la communauté. En effet, cette dernière « a un besoin urgent de renfort par suite d’un recrutement presque nul 1 ». Mère MarieGabriel Sevrez, supérieure du Second monastère de Paris, envoie alors cinq moniales de cette maison et, connaissant le désir des Nivernaises de rentrer en France, promet de les faire bénéficier de la vente du monastère de Dampicourt car elles ne peuvent exécuter ce projet faute de ressources. La supérieure de Paris ne se contente pas de promettre, elle donne effectivement le prix de la vente. Mais, sollicité pour une nouvelle fondation à Lourdes, le Second monastère de Paris rappelle alors Mons à l’ordre : soit l’argent est effectivement utilisé rapidement pour un retour en France, soit il devra être restitué pour aider à la nouvelle fondation. Mgr Pierre Chatelus, évêque de Nevers, désirant le retour de sa Visitation, demande à
Mère Louise-Henriette Gabreaux et à son économe de se rendre dans la ville épiscopale le 7 novembre 1929. Plusieurs propositions sont faites. Aussi, le 10 septembre 1931, les sœurs découvrent aux Montapins à Nevers le terrain envisagé pour la construction. Mais le site nécessite de très importants et de très coûteux travaux de terrassement ; l’évêque et les sœurs visitent alors une propriété à 40 kilomètres de Nevers, dont le luxueux château ne se prête malheureusement pas à la vie conventuelle, lorsque le chanoine Hilaire Gauthier, économe du petit séminaire, leur parle d’un terrain à vendre, tout proche du premier, mais situé cette fois sur le plateau des Montapins. Malgré le renoncement de leur évêque en mars 1932, lui qui s’était déplacé quelques semaines après sa consécration à Mons et qui se démenait pour leur retour à Nevers, les visitandines ont enfin trouvé l’emplacement de leur petit nid. Mais, le 15 juillet, la supérieure meurt subitement. Sœur de Fleurieu étant très malade, l’élection est repoussée plusieurs 141
v Le monastère de la Visitation de Nevers aux Saulaies, fin du xixe s. et 1993.
1. Annales, t. 5, p. 57.
La Ferveur de vivre
h Projet d’élévation des bâtiments de la Visitation de Nevers, rue des Montapins, partiellement respecté puisque la chapelle n’a jamais été érigée, papier, vers 1933, V. de Nevers. Rj Bénédiction de la première pierre du monastère de Nevers, photographie, 1934, V. de Nevers. Rl Visitation de Nevers au 120, rue des Montapins, photographie, vers 1970, V. de Nevers.
mois. Aucune tentative pour obtenir une professe d’un autre monastère comme supérieure n’aboutit. Deux visitandines d’Annecy (dont la déposée Louise-Eugénie Bérard) se rendent à Mons fin novembre et demandent à chaque sœur son avis sur la dispersion de la communauté. Sur son lit de l’infirmerie, Mère de Fleurieu s’y oppose fermement et est finalement réélue le 7 décembre 1932. Le projet est maintenu et, le 15 juillet 1934, Mgr Patrice Flynn, évêque de Nevers, bénit la première pierre du futur monastère. Le 10 octobre 1935, après avoir passé vingthuit ans en Belgique et avoir reçu des témoignages de sympathie des habitants de Mons, les visitandines partent pour la France et arrivent dans leur nouveau monastère qui 142
domine la Loire. Elles se réjouissent de rentrer au pays, mais bien des difficultés, dont certaines d’ordre financier, les attendent. Le 17 octobre 1936, un étranger, à la mine assez suspecte, se présente au tour de la toute nouvelle Visitation et demande M me la supérieure. La Circulaire relate ainsi cette visite : « Voudriez-vous me donner votre nom ? Il dit à la sœur tourière : “Anonyme.” Surprise, elle ajoute : “C’est pour faire du commerce ? – Non. – Vous connaissez peutêtre notre très Honorée Mère ? – Non.” À d’autres questions, toujours non. Peu rassurée par ses réponses négatives, sœur MarieBerchmans fait part de ses impressions ; notre T. H. Mère se rend au parloir avec notre sœur économe, qui lui dit : “Ma Mère,
Le retour à Nevers
s’il cherche de l’argent, nous n’avons pas.” […] Arrivées à la grille, elles se trouvent en présence d’un monsieur qui leur dit : “Je suis de passage à Nevers, j’ai appris que, revenant de l’exil depuis peu de temps, vous êtes dans la nécessité, et je vous apporte une petite obole”, puis, présentant un rouleau, il se retire sans vouloir dire son nom. Le rouleau contenait 1 200 francs. C’était justement le montant d’une facture que notre sœur économe devait payer le lendemain, et pour laquelle elle n’avait pas un centime. » À la pauvreté des finances s’ajoute la disette du recrutement car, entre 1927 et 1939, il n’y a aucune profession. En 1940, les sœurs ont un atelier de cordonnerie tenu par sœur Marie-Germaine Dufourmont, qui fournit, entre autres, des pantouf les au vicaire général. La nouvelle guerre touche de plein fouet le monastère f lambant neuf : fuyant les conflits, des religieuses de l’Adoration réparatrice de Reims demandent asile. Peu de temps après, le petit séminaire étant réquisitionné, l’évêque charge les visitandines d’accueillir les séminaristes. Une nouvelle clôture est aménagée, coupant les bâtiments en deux parties disjointes jusqu’à Pâques 1944. Les produits alimentaires sont très rares et les sœurs ont au minimum trois jours maigres par semaine. Étonnamment, cette période troublée est aussi l’occasion de conduire des recherches scientifiques sur l’ancien Moulins. Ainsi, en 1941, le chanoine Xavier Lerat, curé du Sacré-Cœur de Moulins, sollicite des renseignements sur l’image envoyée par Marguerite-Marie Alacoque en 1686, car il tient à restaurer dans sa paroisse l’archiconfrérie du Sacré-Cœur, fondée en 1853. La même année, le chanoine Joseph Denjean, aumônier du lycée Banville à Moulins, interroge l’archiviste en vue d’une étude historique sur les lieux de la mort de la Mère de Chantal. Le 13 décembre est célébré le trois centième anniversaire de son trépas, avec au parloir une modeste exposition autour de son lit, 143
La Visitation Sainte-Marie à Moulins de 1876 à nos jours
vv Sœur Cécile-Agnès Laforêt, Livre d’office, enluminure sur papier, milieu du xxe s., V. de Moulins, M. V.
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Des visitandines attendues Dès son arrivée en 1850, M gr de DreuxBrézé 1, nouvel évêque de Moulins, souhaite la restauration d'une Visitation dans son diocèse. Second évêque de la ville depuis la création du siège en 1823, le pontife est un bâtisseur. Il favorise en 1853 l'arrivée des bénédictines à Chantelle, mais, parmi les nombreuses communautés présentes à Moulins sous la Révolution 2, seuls le Carmel, venu de Riom en 1852, la Visitation et les jésuites refleuriront. Sans relâche, il va se battre pour l'aboutissement de son projet : faire revenir les filles de Jeanne-Françoise de Chantal. Il l'exprime aux supérieures du Premier monastère de Paris, installé avenue Denfert-Rochereau, dont il a été le supérieur à partir de 1845 lorsqu'il était vicaire général de l'archevêque (nommé en 1837). Lors de ses séjours dans la capitale, il demande et espère toujours quelques-unes de « ses filles » pour la future fondation 3. En 1861, la ville de Moulins, propriétaire de l'ancien bâtiment de la Visitation, projette de le détruire pour établir sur ses ruines des bâtiments plus en
rapport avec les exigences d'un lycée 4, ou de s'en défaire pour construire ailleurs avec plus de liberté. À cette nouvelle, l'institut s'émeut et tente de racheter ces lieux si chers à son histoire. À cet effet, un feuillet imprimé par les soins du Premier monastère de Paris est adressé aux éventuels bienfaiteurs pour réunir la somme de 150 000 francs exigée par les autorités municipales. Mais, laissons les visitandines en révéler les rebondissements. « Le nouveau préfet de l'Allier [Charles-Jean-Louis Le Masson, nommé en juillet 1863] qui vint nous voir, parla de 1 500 000 francs, en ajoutant que c'était une affaire à emporter à coups d'écus. Nous lui répondîmes que nous l'avions bien compris en ne reculant pas devant le chiffre de 500 000 francs, qui dépasse de beaucoup la valeur réelle de l'établissement. Huit jours après on demandait 2 000 000 de francs à Madame la comtesse de Bourbon-Chalus, dont le dévouement pour notre cause ne connaît ni bornes, ni obstacles 5. » Devant ces prétentions exorbitantes, l'entreprise 153
v Louis Grelet, Moulins vu de Vallières, détail, huile sur toile, 1862, don de la Société d’émulation du Bourbonnais à la V. de Moulins, M. V.
1. Né en 1811 au château de Brézé, près de Saumur, il est le fils du marquis HenriÉvrard, grand maître des cérémonies à la cour de Louis XVI, et d’Adélaïde de Custine. Après avoir fait des études classiques, il se rend à Rome où il est le condisciple du futur pape Léon XIII. Ordonné prêtre à Rome en 1834, il continue ses études et devient docteur en théologie. À Paris, il n’hésite pas à s’engager avec des amis prêtres pour la Société de secours mutuels de Saint-François-Xavier. Nommé évêque de Moulins en 1850, il est l’une des plus originales figures de l’épiscopat français de la seconde moitié du xixe siècle ; il décède en 1893. 2. Dont les augustins, les bernardines, les capucins, les carmes, les carmélites, les chartreux, les clarisses, les Filles de la Croix, les jacobins, les minimes, les ursulines. 3. Entre 1814 et 1816, les dernières visitandines de Moulins avaient tenté, en vain, de racheter leur ancien monastère, et s’étaient ensuite réunies à La Charitésur-Loire. 4. Voir plan, Moulins, archives municipales, 1Fi20 2 à 9. 5. Circulaire du 29 décembre 1863, p. 2.
La Ferveur de vivre
6. N’ayant pu devenir visitandine, Mlle de Chiseuil entre en religion chez les sœurs du Cœur agonisant de Jésus à Lyon, où une sœur tourière assiste à sa cérémonie de vêture en 1888 ; elle décède en 1898. Cette communauté étant trop pauvre pour lui offrir une sépulture, sa famille fait ramener sa dépouille afin de la faire inhumer dans son caveau. 7. 40 000 francs de la duchesse Serrant de La Mothe Houdancourt, mère de sœur Thérèse-Marie, professe du Premier monastère de Paris ; 12 500 francs de Miss Anna Boulton ; 5 000 francs de la baronne de Wissel, 3 000 francs de la comtesse de Bourbon-Chalus, 3 000 francs d’Adolphe de Waru, frère de Mère Marie-Françoise, et 1 000 francs de Mme de Parseval, mère des sœurs Marie-Kotska et Joseph-Augustine. 8. Aujourd’hui détruit et dont il reste le portail rue de Bellecroix, à Yzeure. 9. Ancienne abbaye bénédictine et actuel lycée Claude-Monet. 10. À sa mort en 1898, Mlle de Chiseuil lègue les 46 000 francs qu’elle doit encore sur les 100 000 francs promis. Cette somme disparaîtra « dans la triste affaire Sevin et Casati ». Livre de l’état des fonds, p. 100. Un don anonyme de 48 000 francs permet à la communauté de faire face à une telle situation.
est abandonnée, et la majorité des capitaux réunis est employée aux f rais de la béatification de sœur Marguerite-Marie Alacoque, avec l'accord des donateurs. Mais l'évêque de Moulins ne renonce pas pour autant. Le 13 décembre 1874, jour anniversaire de la mort de Jeanne de Chantal, il se rend au Premier monastère de Paris et y demande formellement les sujets nécessaires pour rétablir la Visitation à Moulins. En effet, l'évêque a rencontré la personne capable de soutenir son projet : M lle ClaudeNoémie Maublanc de Chiseuil (demeurant à Moulins au no 10 de la rue de Bourgogne) accepte le rôle éminent de fondatrice 6. Financièrement, la communauté peut assurer le temporel d'une fondation grâce aux 154
65 000 francs conservés sur les dons recueillis en 1861 7. Aussi les supérieurs ecclésiastiques de Paris approuvent-ils le projet, qui est soutenu humainement et spirituellement par les prières de la vénérable Mère Marie de Sales Chappuis, visitandine à Troyes. Pendant que la communauté parisienne se prépare à cette fondation, M lle de Chiseuil est à la recherche d'un local convenable. Une maison située à l'extrémité de la ville, à côté du couvent des Dames du Sacré-Cœur 8 et non loin du collège des jésuites 9, lui paraît offrir des conditions avantageuses pour les 100 000 francs qu'elle destine à l'achat et aux travaux d'organisation, en outre elle réserve 100 000 francs pour la communauté, dont elle versera les intérêts 10. La maison, son
Des visitandines attendues
OP Edmond Tudot, Entrée de Mgr de Dreux-Brézé à Moulins le 30 avril 1850, lithographie de Pierre-Antoine Desrosiers, supplément à L’Écho de l’Allier, collection particulière. R Lafon, Mgr de Dreux-Brézé, huile sur toile, 1851, château de Brézé.
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L’installation La petite maison de fondation, appelée « Villa Marthe », accueille les religieuses. Elle est semblable à celle de la Galerie d'Annecy (où a été fondé l'ordre) tant par son exiguïté que par la pauvreté et le dénuement qu'on y rencontre, ainsi que par la saison rigoureuse à laquelle elle est soumise. Le premier soin est d'achever de préparer la chambre destinée à servir de chapelle ; la supérieure se fait un honneur de laver le plancher à genoux, car le lendemain l'évêque doit venir célébrer la messe dans l'oratoire. L'éclairage est réalisé avec quelques bougies de souche, piquées dans des pommes de terre. Quand vient l'heure de souper, la sœur cuisinière, désireuse de joindre une soupe chaude au repas que Mlle de Chiseuil a eu le soin de faire apporter, éprouve une grande difficulté : elle n'a ni bois, ni charbon, ni ustensile. Confiante, elle part au jardin et ramasse sous une neige épaisse quelques morceaux de bois, puis, une heureuse découverte la met en possession d'une vieille marmite oubliée par la femme qui occupait auparavant la
maison ! Le potage chaud est le bienvenu car la maison est encore mal close et glaciale 1. L'habitation 2 est ainsi disposée : « au rezde-chaussée, le réfectoire, qui avait d'abord servi de chapelle, une petite chambre des assemblées, qui était en même temps lingerie et bibliothèque ; puis, la cuisine et une pièce qui servait pour tous les petits offices. Au premier étage trouvèrent place : le noviciat, transformé au besoin en infirmerie, une petite cellule tenant lieu de cabinet pour notre très honorée Mère, puis un dortoir et deux autres chambres. Au-dessus, un des galetas fut transformé en dortoir pour les sœurs du voile blanc, à côté était l'économat. L'enclos au milieu duquel elle était située, renfermait un verger, un potager qui fournissait aux besoins de la communauté. Ce petit nid, un peu resserré il est vrai, était entouré de dépendances vraiment précieuses, malgré leur grande vétusté. Un bûcher, une buanderie dénommée petite maison de Saint Jean 3, une petite étable et un grenier à foin ; enfin une concession d'eau, 161
vv L’homme : figure de l’évangéliste saint Luc, angle du premier autel de la V. de Moulins, bois sculpté, xviie s., V. de Montereau, puis de Moulins.
1. Les visitandines bénéficient tout de même de l'aide matérielle des religieuses du Sacré-Cœur. 2. Elle est située aujourd’hui 14, chemin de Bardon. 3. Les Annales précisent, p. 64 : « Étant sur un emplacement où les domestiques se rassemblaient autrefois pour se louer le jour de la saint Jean, on voit encore au pignon de la maison une petite statue de saint Jean qui remonte à cette époque. »
Histoire et anecdotes du monastère Au commencement de l'année 1880, la communauté a déjà reçu cinq religieuses, dont trois ont été envoyées par Paris. Elle est occupée aux préparatifs de la translation dans les nouveaux bâtiments, les deux premières ailes du monastère étant terminées. Mais un obstacle survient : le maire de Moulins objecte que la construction des murs de clôture serait une gêne pour l'accès aux sources de Bardon que la ville avait acquises en 1819 pour 14 000 francs. Il donne l'ordre de suspendre immédiatement les travaux et se transporte sur les lieux avec l'architecte. Tout rentre finalement dans l'ordre 1. La communauté est sur le point d'effectuer sa translation lorsque, le 29 mars, sont publiés les décrets de dissolution de la Compagnie de Jésus et de demande obligatoire d'autorisation pour les autres congrégations. Malgré les incertitudes politiques, les objections de M lle de Chiseuil et les craintes des jésuites d'Yzeure, les projets ne sont pas modifiés. Le 12 avril commence le déménagement dans le monastère à demi bâti.
Le 21 avril, les sœurs économes partent dès 3 h 30 du matin prendre possession des bâtiments. La fondatrice a fait don du mobilier de quatorze cellules, des tables et bancs du réfectoire, de quatre vitrines pour la bibliothèque, du tour de la sacristie, d'une pendule, d'une machine à coudre et de deux vaches. L'évêque, accompagné de prêtres, vient bénir le monastère. Le lendemain, comme il l'est prévu dans les règles de l'ordre, les religieuses des autres congrégations de Moulins et les dames de la société ont le privilège de visiter la demeure des visitandines. Cette demeure est en tout point conforme au Coutumier, mais il est vrai que le plan type est plus facile à suivre lorsque les religieuses disposent d'un vaste terrain, plat et libre de toutes constructions. Seules sept arches du cloître sur les neufs prescrites seront édifiées sur un côté. N'étant plus utilisée, la maison de fondation dénommée « Villa Marthe » est louée à la famille de Hédouville, dont deux parentes sont visitandines à Reims et une autre, sœur Marie-Antoinette, entrera à Moulins en 1905. 169
vO Le grand cloître de la Visitation de Moulins, 1878-1880.
1. Comme le souligne l’abbé Daniel Moulinet : l’hostilité de la municipalité est toujours latente et le mauvais vouloir des ouvriers est perceptible pendant la construction des bâtiments. Moulinet 2005, p. 36.
La Ferveur de vivre
P Plan de la propriété aquise en 1876, dessin sur calque, 1876, V. de Paris. j Projet d’aménagement de l'enclos, papier, vers 1878, V. de Paris. U Les premiers bâtiments du monastère de Moulins, photographie, vers 1882, V. de Moulins.
La mort à Paris de la Mère de Mendoça, le 9 septembre 1880, endeuille la communauté. Ses anciennes filles en gardent un souvenir ému et notent quelques traits de sa vie. C'est avec sincérité et afin de les aider à grandir qu'elle les leur a contés. Princesse, elle se bat contre elle-même, lisant neuf fois le Traité de l'humilité afin de progresser dans cette vertu. Au palais royal de Lisbonne, elle porte continuellement dans sa poche une petite bouteille d'eau bénite, eau bénite dont elle asperge les sièges des princes avant les 170
séances du Conseil à la cour. Supérieure, elle donne toute confiance aux religieuses afin que celles-ci n'hésitent pas à l'approcher. Ces évocations ne doivent pas faire oublier de graves préoccupations : deux décès successifs, le départ des jésuites chassés d'Yzeure, le souci du noviciat presque désert trouvent dans les prétendantes et l'afflux de fidèles une heureuse suite à une période très difficile. Pourtant, la fondation est soutenue par un environnement de fidèles. Ainsi en 1880 M me Morand, mère
Histoire et anecdotes du monastère
de sœur Jeanne-Marguerite, offre une garniture de chandeliers en marbre blanc et cuivre vernis, encore en place aujourd'hui sur le maître-autel. En 1881, à l'occasion de sa profession, sœur Marguerite-Marie de Saunhac du Fossat donne à la communauté environ 103 000 francs, somme qui lui permet d'acquérir le titre de « fondatrice de la chapelle ». Toutefois, elle consent à ce que les revenus de ces fonds soient employés à la subsistance des religieuses jusqu'au moment où elles pourront s'en passer. Elle
fait également don des autels de l'avantchœur. M me Renault fournit une paire de burettes à l'occasion de la prise d'habit de sa fille, puis une aiguière le jour de sa profession en août 1881. Ces modestes objets, qui ne sont pas en argent, témoignent aussi de l'attachement des familles bourbonnaises à la Visitation, quels que soient leurs moyens et leur origine sociale. Un chemin de Croix est érigé dans le cloître sous la présidence de l'abbé Bourbonne le 6 juillet 1881. Petit à petit, le monastère se meuble ; le réfectoire 171
P Récréation dans les jardins de la Visitation de Moulins, en arrière-plan, le collège des jésuites de Bellevue, dont la chapelle n’est pas encore érigée, dessin aquarellé sur papier, vers 1882, don des visitandines de Moulins au Premier monastère de Paris. E Vue du jardin de la Visitation de Moulins, les arbres centenaires cachent le collège, désormais appelé « château » de Bellevue. U Vue générale de l’enclos de la Visitation de Moulins, en arrière-plan, le collège des jésuites est terminé, photographie, vers 1890, V. de Moulins.
L'époque des changements Dès son arrivée comme évêque de Moulins en 1956, Mgr Francis-Albert Bougon s'interroge sur l'implantation des bâtiments de son petit séminaire, dénommé « Saint-Michel », en ce temps situé rue Achille-Roche. L'enclos de la Visitation lui plaît beaucoup, il ose alors demander si les religieuses accepteraient de se joindre à une autre maison de l'ordre et de lui céder le bâtiment. Mais les visitandines, qui sont encore vingt-trois, déclinent la proposition. Le petit séminaire, devenu Saint-Paul, est transféré dans le quartier de la Madeleine, puis ferme très rapidement. Pourtant, tout n'est pas simple : en 1959, la communauté ne peut trouver une supérieure en son sein. Paray-le-Monial prête Mère Marie-Clotilde Defossa qui avait précédemment aidé Autun. La situation financière s'est aggravée après la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, dans sa constitution apostolique Sponsa Christi, Pie XII avait invité, dès novembre 1950, les moniales à effectuer des travaux rémunérés pour compléter leurs ressources souvent insuffisantes. C'est
pourquoi, en fin d'année 1959, les religieuses s'occupent du lavage et du repassage du linge des paroisses du diocèse, des aubes et du raccommodage des vêtements des pères de Sept-Fons, afin de se procurer une source de revenus stable. Mère Defossa met aussi en application le décret du 9 février 1961 de la Sacrée Congrégation des religieux introduisant la clôture papale avec pratique des vœux solennels à la Visitation de Moulins. Cette réforme met fin aux quatre rangs préexistants au sein des communautés visitandines : ceux des choristes, associées, converses et tourières. Toutes les professes perpétuelles portent le même habit et ont désormais droit de vote au chapitre. Toutes, à l’exception des sœurs externes (désignation qui remplace celle de « tourières »), peuvent être élues supérieures. Enfin, sous ses deux triennats, la communauté apprécie beaucoup cette Mère dont l’autorité pleine de bonté permet l’épanouissement de tous. Ainsi, elle amène ses sœurs à abandonner le chant sur trois notes pour les messes en grégorien et les 205
OO Le monastère de la Visitation de Moulins vu du jardin, 1878-1880.
Une nouvelle communauté Grâce aux journées d'assemblée fédérale, un projet naît et chemine dans l'esprit de Mère Marie-Monique Beynet, supérieure de Mâcon, afin d'aider, voire de sauver Moulins. Elle s'interroge car Rome a montré son désir de voir conserver le monastère, alors que pour les dizaines de fermetures précédentes le Saint-Siège a toujours acquiescé sans remarque. Le transfert de sa communauté, fondée en 1632, s'effectue en mai 1995 1. Mais faisons un peu d'histoire : c'est le 8 mai 1632 que des visitandines du Premier monastère de la Visitation de Lyon, sous la conduite de Mère Françoise-Gertrude de Pénédon, s'installent à Mâcon, à la demande de la marquise de Senecé, Marie-Catherine de La Rochefoucauld. En 1639, la supérieure décide de construire un monastère selon le plan du Coutumier. Le concours du marquis d'Entragues et de la fondatrice, rappelons-le, dame d'honneur de la reine, permet l'achèvement des travaux en 1642. Après la Révolution, la communauté se reconstitue en partie en 1805 dans l'ancien monastère des capucins.
Mais en 1812, comme aucune Visitation ne s'est rétablie à Annecy, la plus grande partie des visitandines de Mâcon quittent leur ville pour assurer la restauration de la Sainte Source. Le projet échoue et les visitandines se réfugient à Romans avant de se disperser dans diverses communautés de l'ordre. Cet épisode surmonté, la Visitation de Mâcon attire de nouvelles prétendantes et la vie visitandine se déroule alors normalement. En 1948, les sœurs se dotent d'une buanderie pour augmenter leurs revenus. En 1952, l'orientation du travail manuel des religieuses et de leurs prières en lien avec la déchristianisation du « monde des travailleurs » en France est une première. À partir de 1956, elles éditent une Circulaire, envoyée à tous les monastères, intitulée Vie contemplative et monde ouvrier. En 1964, le monastère est à l'origine des fondations en Afrique. Malgré cela, les vocations sont rares ; néanmoins la communauté reste assez nombreuse grâce aux renforts venus des fermetures d'Autun, de Montluel, d'Ornans 211
vv Festons orné de fruits, broderie au passé empiétant, xviie s., V. de Mâcon transférée à Moulins, M. V.
1. La générosité de la famille Legrand des Transports moulinois et de Roger Maubert permet le transport gratuit des trois camions de déménagement. Notons également en ces circonstances le dévouement de René et Monique Civade et de plusieurs membres de l’Association des amis de sainte Jeanne de Chantal.
Un précieux patrimoine visitandin Les fusions de maisons de l'ordre pluricentenaires entraînent la concentration à Moulins d'un riche patrimoine artistique 1, de fonds d'archives importants et de milliers d'ouvrages. Tout y trouve sa place, et autels précieux, reliquaires, statuaires, tableaux de maître aux riches cadres de bois doré rendent compte de l'art décoratif monastique. En effet, ce monastère tardif, dépourvu de grands mécènes et de revenus importants, était marqué depuis plus d'un siècle par une grande sobriété, qu'il s'agisse du mobilier usuel, du mobilier des oratoires ou des éléments de décors intérieurs, tous de la même époque et formant une belle unité. Signalons l'oratoire du cloître dédié aux saints fondateurs, orné d'un tableau peint par les visitandines de Montélimar, ou celui du « cloître noir 2 » voué à la sainte Trinité. Le tableau de la Vierge à l’Enfant au-dessus de la stalle de la supérieure et les décors du chœur représentant la Visitation et l’Annonciation, œuvres de sœur Louise-Angélique Gilbin, témoignent de cette époque. Ces
œuvres sont appréciées en juillet 2001 par l’archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn, venu présider la messe à la demande de Mgr Philippe Barbarin, évêque de Moulins. En septembre 2013, le chœur des religieuses et ses pierres de grès retrouvent leurs belles couleurs grâce à une restauration complète. Il abrite, entre autres, un pupitre du xviie siècle issu de la Visitation de Valence ainsi que les statues des fondateurs en bois doré du début du xixe siècle, qui proviennent de celle de Saint-Céré et ont été offertes en 1997 par le monastère du Puy-en-Velay. Les avant-chœurs dédiés au Sacré Cœur et à la Vierge Marie conservent une fresque représentant le jardin de Paray-le-Monial et des anges peints d’après Fra Angelico, tous exécutés par la même artiste. L’avantchœur du Sacré Cœur accueille depuis 2012 la châsse du corps de sainte Maxime, vierge et martyre sous Dioclétien, envoyée de Rome à la Visitation d’Avignon en 1843. Une campagne de restauration de tableaux venus de nombreux monastères a été mise en place, 217
vv Voile de calice brodé pour la canonisation de François de Sales, détail, couchure, broderie en relief sur rembourrage, passé empiétant, 1665, V. de Blois transférée au Mans, puis à Chartres, M. V.
1. Dont une partie a été publiée dans les précédents ouvrages du musée. 2. L’expression « cloître noir » provient du manque de lumière dû à l’absence de la quatrième aile, jamais construite.
La chapelle de la Visitation de Moulins Lorsqu'un monastère est fondé dans une ville, la première préoccupation des religieuses est, comme nous l'avons vu, l'installation de leur chapelle, puis la construction de l'église. À Moulins, elles doivent économiser pendant plus de vingt ans l'argent nécessaire à ce projet d'église, qu'elles souhaitent sobre et épurée, dans l'esprit des fondateurs. Toutes gardent bien en mémoire le discours de Mère de Chantal aux sœurs de Nevers qui subissent son courroux à propos de la trop riche et extravagante façade de Claude Collignon : elle « les pria de mander à toutes les maisons qu'elles avaient failli en cela 1 ». Son irritation s'appuie en effet sur une modalité spirituelle du concile de Trente, qui recommande la stricte observance des règles en vigueur dans les ordres et à la Visitation en particulier. Car l'église est un lieu privilégié, au cœur de la vie de prières des moniales. Dans ce contexte, la chapelle de la rue des Tanneries est une belle réussite, qui respecte pleinement cet esprit.
Depuis la cour extérieure, la façade simple mais néanmoins imposante de la chapelle se distingue par son large perron, sa porte néoromane aux archivoltes polychromes, sobrement décorées et surmontées de la statue de Jeanne de Chantal offerte par le Premier monastère de Paris 2. Le centre de la rosace forme le dais de la statue, qui de la main droite montre le ciel et tient dans la main gauche une église et un livre, symboles de l’ordre qu’elle a fondé 3. Cette réalisation s'est substituée à un premier projet, plus simple, voire plus austère. Le second projet ne prévoyait pas d'ornementation du tympan, les armes de l'ordre y ont pourtant été sculptées. Passé l'huis de chêne, soutenu par de riches pentures de fer noirci et hérissé de clous pointus, une légère pénombre règne dans le tambour donnant accès à la nef. La lumière ne pénètre dans cette enceinte que du côté gauche à travers de grandes verrières placées assez haut. Face à elles, des portraits en pied des saints fondateurs de l'ordre, issus de la Visitation de Nevers en 223
vv Sanctuaire de la chapelle de la Visitation de Moulins.
1. Chaugy, 1893, p. 318. Ill. p. 28. 2. La description archéologique est tirée du mémoire intitulé Visite de la chapelle de la Visitation de Moulins écrit par M. Barnier, ancien architecte des visitandines. Elle figure dans la Circulaire de 1900, p. 14. 3. Le cul-de-lampe, le dais de la statue, ainsi que les sculptures de la porte d’entrée et de son tympan orné des armes de l’ordre ont été réalisés par l’entreprise E. Génermont à Moulins.
Éléments biographiques
vv Charles Lorin, La Visitation, vitrail, 1929, V. de Moulins.
231
v Soin apporté à la basse-cour de la Visitation de Nevers, par sœur Chantal-Marie Fournier, photographie, vers 1960, V. de Nevers.
La troisième communauté de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie Jeanne-Françoise Frémyot, veuve Rabutin-Chantal
(Dijon 1572 – Annecy c. 1611 – Moulins 1641)
La riche vie humaine et spirituelle de la fondatrice de l’ordre n’a pas sa place parmi ces courtes notices biographiques. En revanche, nous nous sommes attachés au détail de ses séjours à Moulins. Elle s’y arrête la première fois le 30 octobre 1618 avec les sœurs qui vont fonder Bourges et Paris. Elle complète sa petite troupe en privant la communauté de plusieurs sujets. Sur le chemin du retour, elle fait une nouvelle halte, le 11 avril 1622, puis revient le 10 novembre 1623. Partie d’Annecy pour fonder Orléans, elle fait étape à Moulins le 22 octobre 1627 puis, au retour, du 20 au 30 juillet 1628. Elle y passe rapidement encore début juillet 1635. Élue capitulairement supérieure de Moulins le 16 mai 1641, elle y arrive le 9 août de la même année. Cependant, elle ne juge pas à propos d’accepter cette charge et fait procéder à une nouvelle élection. Elle compte rester à Moulins, mais la reine la demande à Saint-Germain-en-Laye, où elle part le 18 septembre. Elle revient tout de même le 2 décembre, mais elle prend froid, doit s’aliter
et décède le 13 décembre dans le noviciat où une chambre a été aménagée.
Jeanne-Charlotte de Bréchard
(Vellerot-lès-Vercel 1580 – Annecy c. 1611 – Riom 1637)
Après une enfance très difficile durant laquelle elle subit de nombreux sévices et contracte même la peste, la jeune Charlotte s’abandonne à la volonté de Dieu et se consacre entièrement à lui. Elle se lie d’amitié avec Mme de Chantal, chez qui elle rencontre en 1608 François de Sales. Devenu son père spirituel, il lui propose de participer à la fondation de la Visitation à Annecy en 1610, ce qu’elle accepte avec joie. Elle se lance sans compter dans ce projet ; sa droiture, son élévation d’âme, son obéissance marquent les jeunes professes et font d’elle la suppléante de la Mère de Chantal dès que celle-ci s’absente. Envoyée comme fondatrice de Moulins, elle forme les premières visitandines de cette maison durant ses six années de supériorité, avant d’être désignée en 1623 pour diriger la fondation de Riom. Elle y est supérieure de 1623 à 1630, puis de 1633 à 1636, faisant face aux grandes difficultés financières des premières années. Son corps est retrouvé indemne en 1645 lors du transfert de la communauté de 233
Riom dans de nouveaux bâtiments. Ce miracle est de nouveau authentifié en 1690, puis en 1708. Mais il est réduit en poussière en 1805. Sa cause en béatification est ouverte par l’évêché de Clermont au xviie siècle ; un décret super scriptis est pris en sa faveur le 16 mai 1928 sur la qualité de ses écrits.
Marie-Avoye Humbert
(1587 – Annecy c. 1614 – Moulins 1657)
Fille de Nicolas, conseiller maître à la chambre des comptes de Dijon, et de Marie Espiard, elle est envoyée pour la fondation de Moulins, où elle est incorporée.
Françoise-Gabrielle Bailly
(Ornans 1574 – Annecy c. 1615 – Bourges 1634)
Fille d’un magistrat d’Ornans, elle est assistante lors de la fondation de Moulins qu’elle quitte en 1619 pour la fondation de Bourges, où elle décède.
Jeanne-Marie de La Croix Vincent (Rochefort 1600 – Annecy c. 1616 – Annecy 1668)
Elle participe à la fondation de Moulins. Jeanne de Chantal l’emmène aider à la fondation de Paris en 1619.
La Ferveur de vivre
Marie-Péronne Gerbes
Jeanne-Marie Cadier, veuve Verne
Première professe de Moulins, elle participe à la fondation de Nevers en 1620 puis à celle de La Châtre en 1640, où elle est assistante.
Veuve d’Antoine Verne, seigneur de La Couren-Chapeau, elle est reçue sous le nom de sœur Jeanne-Marie. Âgée de plus de soixante ans, elle apporte en clôture tous ses biens, ses meubles comme son argent.
(1591 – c. 1617 – Nevers 1648)
Marie-Geneviève Peron (1589 – c. 1617 – 1658)
Françoise-Jéronyme de Chevron-Villette
(Rumilly 1595 – Lyon c. 1617 – Chalon-surSaône 1665)
Fille de Pierre et de Simone de Bussy, parente de François de Sales et de Marie-Jacqueline Favre, elle est la première novice et seconde professe de Lyon. Elle est assistante de Moulins de 1620 à 1622, avant d’être appelée comme supérieure à Saint-Étienne, puis à Dijon. Fondatrice de Semur-en-Auxois en 1633, elle conduit les premières sœurs et retourne à Dijon. Elle fonde ensuite Chalon-sur-Saône en 1636, communauté qu’elle dirige depuis Dijon par l’intermédiaire de la sœur Brillant, assistante commise. Elle est ensuite élue supérieure du Premier monastère de Rouen et enfin de Melun. Elle est décrite comme remarquable, mais à l’esprit vif et solide. M. le marquis de Saint-Chamond, favori de Louis XIII, disait d’elle qu’elle n’était pas moins capable « de conduire un royaume qu’une troupe de filles ». Jeanne de Chantal, tout en lui sachant « le cœur hautain naturellement », l’appréciait à sa juste valeur.
(1558 – c. 1618 – 1628)
Marie-Hélène de Chastellux
(Chastellux-sur-Cure 1590 – c. 1618 – Avallon 1662)
Elle est la fille d’Olivier et de Marguerite de Clermont d’Amboise. Visitandine de terrain, elle participe à la fondation de Nevers en 1620 puis est élue supérieure de Moulins en 1622. Fondatrice d’Autun en 1624, dont elle est supérieure jusqu’en 1634, année de sa réélection à Moulins pour deux triennats. Élue supérieure de Saumur en 1641 et 1644, elle laisse sa charge pour aller fonder Avallon en 1646, où elle fait deux triennats. Elle est élue supérieure à Chalon-sur-Saône en 1654, à Bourbon-Lancy en 1657, et de nouveau à Avallon en 1661. Sur ses quarante-quatre ans de vie religieuse, elle est supérieure pendant trente-sept ans dans sept communautés différentes. Un record visitandin !
la fondation de Riom, qu’elle quitte en 1633 pour conduire la fondation de Metz voulu par la reine. Mais deux ans plus tard la ville est assiégée. La jeune communauté, trop pauvre pour satisfaire aux exigences de réserve de nourriture, est contrainte à l’exil. La Mère Chariel trouve refuge avec sa petite troupe à Paris, puis à Riom et enfin à Périgueux, où elle s’installe définitivement.
Anne-Catherine Ravateau (1565 – c. 1619 – 1637)
Marie-Constance de Bressand
(Grenoble 1593 – Grenoble c. 1619 – Grenoble 1667)
Fille de Jean, avocat au parlement de Grenoble, et de Jeanne Tissot. À peine a-t-elle fait profession qu’elle est envoyée à la fondation du Premier monastère de Paris. Élue supérieure de Moulins en 1625, elle est choisie pour fonder Nantes en 1630. Revenue à Grenoble, elle est en élue supérieure. Elle est l’une des premières visitandines à être touchée spirituellement par le Sacré Cœur de Jésus, blessé, ouvert pour révéler son amour infini pour les hommes, et pour elle en particulier.
Marie-Catherine Chariel
Françoise-Jacqueline de Musy
D’origine auvergnate, son père était procureur au présidial de Riom. Elle participe en 1623 à
Née en Savoie, fille de Pierre, notaire « gentilhomme dépourvu de fortune », et de Françoise Mouin. Elle est supérieure de cinq monastères différents, dont celui de Moulins de 1641 à 1647.
(1597 – c. 1619 – Périgueux 1642)
(1591 – Annecy c. 1619 – Nevers 1660)
Françoise-Gasparde-Catherine Gerbes (1600 – c. 1620 – 1649)
Anne-Thérèse Le Maire
(1594 – Paris 1 c. 1623 – Paris 1646)
Elle vit à Moulins de 1625 à son départ pour la fondation de Nantes en 1630. Supérieure du Croisic de 1632 à 1635, elle aide aussi la jeune communauté de Rouen et participe à la fondation de Saint-Denis en 1639.
Marie-Marthe Bachelier
(1601 – c. 1620 – Blois 1645)
Elle participe à la fondation de Nevers en 1620, puis de Blois en 1625, où elle est incorporée.
Jeanne-Élisabeth de Brugerat (1596 – c. 1620 – 1656)
Elle renforce la jeune communauté de Nevers à partir de 1622 et celle du Croisic en 1631. 234
La troisième communauté de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie
Françoise-Angélique de La Croix de Fésigny
v Renouvellement des vœux de sœur Marie-Cécile Ogier, de 1651 à sa mort, et début de l’Abrégé de sa vie, extrait du Livre des vœux de Moulins, V. de Nevers.
(Annecy c. vers 1620 – Annecy 1671)
Elle vit à Moulins de 1628 à 1631, avant d’être élue supérieure d’Annecy en 1638.
Louise-Dorothée de Marigny
(1605 – Annecy c. 1621 – Annecy 1669)
vc Messe à l’intention de la béatification de la Mère de Bréchard, carte postale, 1924, M. V.
La Mère de Chantal, qui l’estime, la charge de la rédaction sous sa dicté du Coutumier et des Responses. Fondatrice de Montpellier en 1631, elle est supérieure jusqu’en 1637 puis de 1640 à 1646, date à laquelle elle est élue au Puyen-Velay pour six ans. De nouveau supérieure de Montpellier de 1652 à 1655, puis de Billom de 1656 à 1662, elle est élue pour trois ans à Moulins en 1662. Elle retourne à Annecy en 1665.
Louise-Antoinette Ogier (1592 – c. 1620 – 1640)
Elle participe à la fondation de Riom de 1623 à 1629, comme directrice des novices. Fondatrice du Croisic en 1631, elle est rappelée à Moulins en juillet 1632.
Claire-Geneviève de Feu (1603 – c. 1620 – 1630)
Marie-Séraphine de Lalande (1601 – c. 1620 – 1670)
Elle participe à la fondation de Riom avec la Mère de Bréchard de 1623 à 1631, puis à celle du Second monastère de Paris jusqu’en 1636. À Moulins, elle occupe successivement les charges de directrice, d'économe et d'assistante. Elle est élue supérieure de Riom en 1654, et décède de l’épidémie qui frappe la communauté de Moulins en 1670.
Anne-Marie du Rousseau
(Moulins 1604 – c. 1621 – 1670)
Son Abrégé, sans en dire plus, indique qu’elle a reçu de nombreuses grâces de saint François de Sales, qu’elle priait beaucoup. Placée au chevet des sœurs malades, elle meurt au cours de l’épidémie de 1670.
Marie-Charlotte de Feu
(Moulins 1605 – c. 1621 – 1669)
Brûlant du désir d’entrer en religion, elle supplie sa mère de mentir sur son âge et peut ainsi prendre l’habit avant ses quinze ans. Mais, au noviciat, elle est assaillie de doutes quant à sa vocation et prie Dieu de lui envoyer un signe. Ainsi, quelques jours plus tard, son ange gardien se présente à elle durant l’oraison et lui ôte
toutes ses craintes. Elle témoigne avoir ressenti l’effet de sa présence plusieurs fois durant sa vie. Elle accompagne la Mère de Bressand pour la fondation de Nantes où elle est directrice, économe et maîtresse du pensionnat. Elle participe ensuite à la fondation de La Flèche en 1646 et revient à Nantes quelques mois plus tard. Rappelée à Moulins en 1654, elle y est infirmière et portière, toute dévouée aux malades et aux pauvres.
Marie-Cécile Ogier
(1598 – a. 1621 – 1661)
Sa vie spirituelle intense est palpable durant les oraisons, tant elle paraît unie à Dieu dont elle ressent la présence physique à ses côtés.
Marie-Marguerite d’Espineux ou d’Espineul (Moulins 1604 – c. 1621 – 1682)
Envoyée comme assistante à la fondation de 235
Nantes, elle en est supérieure de 1637 à 1640. Elle est rappelée à Moulins en 1647.
Marie-Henriette du Rousseau (1604 – c. 1621 – 1630)
Claude-Marie du Gay
(Lapalisse 1588 – cv. 1621 – Autun 1629)
Participe à la fondation d’Autun en tant qu’économe. Compte tenu de ses vertus humaines et religieuses, elle passe au rang des associées à Autun et meurt peu de temps après.
Jeanne-Catherine Barbier
(Cusset 1600 – cv. 1622 – Autun 1679)
Issue d’une famille aisée, Diane fait sa profession comme converse en raison de sa dot qui semble faible au regard des problèmes financiers de la communauté naissante. Mais on lui promet qu’elle deviendra choriste en cas de fondation, ce qui a lieu rapidement avec la
vv Sœur Anne-Élisabeth Fidière (?), Le grand cloître, vers 1900, dessin aquarellé sur papier, offert par les visitandines de Moulins au Premier monastère de Paris.
La Visitation Sainte-Marie à Moulins de 1876 à 1995 Marie-Clémentine Chenel
(1816 – Paris 1 c. 1845 – Moulins 1889)
Après quelques années chez les Filles de la Charité, elle entre à la Visitation qu’elle fréquente depuis un moment. Elle prend alors le nom de Marie-Clémentine en l’honneur des reliques de saint Clément qui viennent d’être installées dans le chœur de Paris. Elle est lingère, dépensière, portière, longtemps sacristaine, charge qu’elle exerce aussi à Moulins. Elle est également la première directrice des novices de Moulins, conseillère et surveillante.
Marie-Vincent Arivelle
(Missy-lès-Pierrepont 1812 – Paris 1 cv. 1845 – Paris 1902)
Adèle est une jeune femme forte, placée comme domestique et très engagée dans sa paroisse. À l’âge de vingt-cinq ans, elle se résout à accepter le mariage que lui propose sa mère, mais le curé du village, qui l’accompagne depuis son enfance, s’y oppose et prend à sa charge les frais d’annulation. Cette situation la contraint à quitter la province pour Paris, où elle rencontre providentiellement la tourière de la Visitation de Paris où elle entre comme postulante. Après un voyage à la cour d’Espagne, la reine Marie-Amélie la demande au château
des Tuileries. Adèle rencontre la reine en tête à tête et l’appelle tout simplement « Madame », comme elle le faisait en Espagne pour être sûre, disait-elle, « de ne pas lui donner de sottises » en écorchant les expressions d’usage. Elle commence enfin son noviciat. Elle participe à la fondation d’une Visitation à Montereau, mais François de Sales lui révèle que cette œuvre ne réussira pas et lui dit : « c’est à Moulins que je te veux ». Effectivement, en 1878, dotée d’une santé vigoureuse malgré ses soixante-six ans, elle vient aider à la fondation de Moulins, dans laquelle elle s’engage généreusement, luttant constamment contre son caractère picard, entier, et son franc-parler (voir p. 185).
rôle dans lequel elle se révèle particulièrement perspicace pour aider les prétendantes à acquérir l’humilité visitandine, en adressant des remarques piquantes à celles qui se tiennent en trop haute estime. Elle aide la jeune communauté de Moulins de 1881 à 1883.
Marguerite-Marie Danson
Pendant la guerre de 1870, elle est envoyée à Voiron, où elle est élue en 1873. Après le retour précipité à Paris de la fondatrice de Moulins, Paris lui demande de déposer sa charge à Voiron, six mois avant la fin de son triennat, pour devenir supérieure de Moulins jusqu’en 1882. Elle est ensuite directrice des novices de Reims.
(Liverpool [Royaume-Uni] 1811 – Paris 1 c. 1849 – 1901)
Jane est une élève particulièrement douée, polyglotte et férue de sciences. Elle est ébranlée lorsque ses deux sœurs se convertissent et prennent l’habit à la Visitation de Paris, mais cela renforce sa foi anglicane. Toutefois, à l’occasion d’une visite à sa sœur, elle accepte d’entrer en clôture et se convertit en quelques jours. Âme droite, particulièrement touchée par l’eucharistie, elle est longtemps directrice, 279
Marie du Sacré-Cœur Pérot
(1803 – Paris 1 c. 1840 – Paris 1888)
Elle vit quelques années à Chartres, puis est envoyée à Moulins pour prendre part à la fondation du monastère.
Marie-Stéphanie Montargis
(Pithiviers 1828 – Paris 1 c. 1852 – Paris 1920)
Marie-Claire de Chantal de Wissel (1827 – Paris 1 c. 1852 – Paris 1909)
Née en Touraine, elle aide la jeune fondation de Moulins de 1882 à 1885.
La Ferveur de vivre
travaux d’installation. Sainte âme, très respectueuse des règles et des offices, c’est l’un des piliers de la communauté. Très attachée à la pauvreté, elle impose de multiples et petites économies à la communauté naissante. Elle est longtemps assistante, directrice puis conseillère jusqu’à la fin de sa vie.
Louise-Angélique Brossin de Saint-Didier (Paris 1852 – Paris 1 c. 1875 – Paris 1933)
Joseph-Augustine de Parseval
Marguerite de Chantal de Devise
D’abord économe, maîtresse du pensionnat, elle est nommée assistante à Paris en 1880. Elle aide la jeune communauté de Bordeaux de 1892 à 1899. Dieu lui ayant révélé qu’elle mourrait à Moulins, elle y accepte avec joie son élection. Une insuffisance cardiaque la handicape et l’emporte avant la fin de son dernier triennat.
Alors qu’elle est responsable du pensionnat de Paris, elle participe à la fondation de Moulins en tant qu’assistante, entre autres grâce à l’apport de sa dot. Humble et vertueuse, elle est supérieure de 1888 à 1894. Elle établit la Garde d’honneur et assure son déploiement dans le diocèse de Moulins.
(Lyon 1837 – Paris 1 c. 1859 – 1905)
Marie-Louise-Agnès Montargis (Pithiviers 1841 – Paris 1 c. 1863 – Paris 1909)
Sœur de sang de Marie-Stéphanie, elle participe à la fondation de Moulins, qu’elle quitte en 1906.
Geneviève-Stéphanie Lauras
(Paris 1839 – Paris 1 c. 1865 – 1909)
Geneviève entre très jeune à la Visitation de Paris ; elle est réfectorière et assistante au noviciat. Elle est envoyée à Annecy durant le siège de Paris de 1870, puis de nouveau durant la Commune. Assistante de Paris depuis 1877, elle est élue supérieure à Moulins pour quatre triennats (de 1882 à 1888 et de 1894 à 1900) ; elle est assistante et chargée du pensionnat pendant le triennat de Mère de Devise.
Marie-Hélène Caillez
(Paris 1839 – Paris 1 c. 1865 – Paris 1921)
Jenny naît dans une famille parisienne fortunée, mais choisit la Visitation où elle est réfectorière et surtout assistante au noviciat. Elle participe à la fondation de Moulins, qu’elle quitte en 1882.
(1843 – Paris 1 c. 1866 – Moulins 1923)
Izabel de Chantal de Mendoça
(Paris 1832 – Paris 1 c. 1867 – Paris 1880)
Elle naît à Paris, où ses parents, le duc de Loulé et la princesse Anne de Bragance de Bourbon, fille du roi Jean VI du Portugal, se sont réfugiés durant la guerre civile portugaise. Elle est tenue sur les fonds baptismaux au palais des Tuileries par le roi Louis-Philippe et par la reine Marie-Amélie. Elle reçoit les noms de Marie-Amélie-Philippine. Rentrée dans son pays, elle est pensionnaire à l’âge de sept ans chez les visitandines de Lisbonne. Revenue à la cour, elle renonce au monde et postule au Premier monastère de Paris. Elle vit à Annecy durant la Commune. De retour à Paris, Dieu lui révèle : « Tu iras à Moulins et tu seras supérieure », ce qui advient en 1876. Malade, elle dépose sa charge en décembre 1878 et revient à Paris.
Françoise-Albertine Faure
(Le Pecq 1847 – Paris 1 c. 1874 – 1918)
Jeune professe, elle vient à Moulins en janvier 1876 avec une partie de sa dot et elle engage sa forte santé en participant aux 280
Marie grandit entre les châteaux de Bréau dans l’Yonne et de Pont-de-Veyle dans l’Ain, sous la conduite d’une institutrice à domicile. Elle découvre sa vocation à Lourdes en 1872. Elle entre à la Visitation avec sa sœur Isabelle. Toutes deux sont les nièces de la Mère de Parseval. Économe durant sept années, elle est élue à Reims (1889-1995), où elle se rend en compagnie de la sœur Montargis. Supérieure de Paris de 1898 à 1904, elle est contrainte par la loi de fermer le pensionnat du monastère peu de temps avant sa déposition. Elle choisit d’envoyer celles qui s’en occupaient renforcer l’effectif de Moulins. Redevenue économe, elle se rend à Moulins comme assistante pour soutenir sa tante qui est malade, mais est rappelée peu de temps après à Paris afin de dresser l’inventaire des biens mobiliers exigé par les lois Combes. Elle revient à Moulins assister à l’enterrement de sa tante en 1905, dans l’attente de l’élection de la Mère de Morsey. De nouveau supérieure de Paris (1907-1913, 1916-1922, 1925-1931), elle se rend plusieurs fois à Moulins pour apporter son aide à la communauté et lui prodiguer ses conseils.
Hélène-Angélique de Fouler
(1853 – Paris 1 c. 1875 – Moulins 1928)
Après avoir participé à la fondation de Moulins, où elle est incorporée, elle part pour Bordeaux aider la jeune fondation, jusqu’à son élection comme supérieure de Moulins en 1917.
Marie-Charlotte Frangent
(1845 – Paris 1 t. 1876 – 1910)
Elle est la première tourière de Moulins juste après avoir fait oblation à Paris.
Jeanne-Marguerite Morand (1842 – c. 1876 – 1930)
Elle n’est que novice du Premier monastère de Paris lorsqu’elle arrive à Moulins, dont elle devient la première professe.
La Visitation Sainte-Marie à Moulins de 1876 à 1995
Marie-Charlotte Frangeul (Aron 1845 – t. 1876 – 1910)
Mélanie se présente à la Visitation de Mayenne, qui l’oriente vers le Premier monastère de Paris afin qu’elle collabore à la fondation de Moulins. En sa qualité de tourière, elle aide aussi à la fondation de Bordeaux.
Marie-Agnès Guilleau
(Moulins 1854 – cv. 1879 – 1883)
Issue d’une famille pauvre et peu chrétienne du Bourbonnais, Augustine est placée à trois ans à l’orphelinat Saint-Vincent-de-Paul de Moulins, où elle reçoit son éducation et commence à tracer sa carrière. Elle est sousmaîtresse à vingt et un ans et appréciée de ses supérieures, mais elle décide de rejoindre la jeune fondation moulinoise, où elle prend l’habit le 24 mars 1878. Peu habituée aux travaux ménagers, elle s’occupe de la cuisine et surmonte bien des peurs pour prendre soin des vaches. Mais, bientôt rattrapée par la maladie, elle décline rapidement et meurt après une longue agonie, certainement due à une occlusion intestinale, qu’elle supporte grâce à sa confiance en Dieu.
Marie-Thérèse Roland
(1852 – t. 1879 – Ornans 1898)
En raison de ses problèmes mentaux, elle est relevée de ses vœux en 1893 et rejoint sa famille.
Françoise-Mathilde de La Celle de Chateaubourg (Rennes 1854 – c. 1879 – 1904)
Les parents de la petite Laure se séparent et Mme la comtesse vit seule à Paris avec sa fille. Laure est pensionnaire à la Retraite de Vannes. Elle retourne à Paris, chez sa mère, qui l’élève sans trop de moyens, mais celle-ci meurt en 1877. Laure se sent appelée à la Visitation de Paris. À son entrée, son père la menace de la déshériter. Envoyée à Moulins en août 1877, elle prend l’habit le 28 décembre suivant, avec une dot de 10 000 francs. Elle est dépensière, réfectorière, portière et sacristaine de 1885 à sa mort. Elle couche la communauté sur son testament, lui permettant d’hériter de 29 000 francs.
Claire-Madeleine de Coral
(1855 – Paris 1 c. 1879 – Moulins 1929)
Après avoir été supérieure de Bordeaux de 1899 à 1905, elle est élue à Moulins de 1911 à 1917, date à laquelle elle retourne à Bordeaux pour y être de nouveau supérieure jusqu’en 1923.
Marie-Julienne Peraudin
(Saint-Léger-de-Fougeret 1848 – Paris c. 1879 – Paris 1929)
Elle aide la communauté de Moulins durant la guerre, entre 1914 et 1916.
Marie de Gonzague de Morsey
(Lingen [Allemagne] 1884 – Mülheim [Allemagne] c. 1873 – Fribourg [Suisse] 1927)
Née de l’alliance de l’ancienne famille von Morsey de Hanovre et d’une famille française 281
vP Mère Marguerite de Chantal de Devise et Mère Louise-Angélique Brossin de Saint-Didier, photographie, vers 1910, V. de Moulins. h Le maître-autel de la chapelle provisoire entouré de deux sœurs tourières à l’occasion des fêtes du deuxième centenaire de la mort de MargueriteMarie Alacoque, photographie, 1890, V. de Moulins
vv Bouquet, damas de soie, broderie au passé plat, fils d’argent couchés, fin du xvii e s., V. de Mâcon, M. V.
Une nouvelle communauté à Moulins Jeanne-Thérèse Gilly
doit être hospitalisée en chambre médicalisée à Saint-Flour, où elle décède.
Marie-Gabrielle Chausset
Fille d’huissier, Jeanne-Philomène doit s’opposer à son père pour se consacrer à Dieu, aussi se cache-t-elle chez les bernardines de Semur-enAuxois sous un nom d’emprunt, en attendant d’avoir vingt et un ans pour entrer à la Visitation. Le jour de sa prise d’habit, son père lui envoie un télégramme avec ces deux mots : « triple imbécile ». Durant ses soixante ans de vie religieuse, elle est une vraie fille de communauté, chargée des principaux emplois. Elle s’unit à Mâcon en 1970, puis elle suit sa communauté à Moulins, à plus de quatre-vingt-sept ans.
Marie-Emmanuel de Thy
Visitandine au Mans, elle est proche du chanoine Blin, malgré son statut de sœur externe et lingère. Elle quitte le tour à Chartres et se met au service de l’intérieur durant vingt ans. C’est une âme pacifiée qui arrive à Moulins en 1998, appelée à finir sa vie religieuse avec le handicap de quatre-vingt-six printemps ; elle marque ses sœurs par sa volonté et son souci de ne pas être une charge.
(Meyzieu 1908 – Semur-en-Auxois c. 1931 – Moulins 2000)
Marie-Joseph Dumoulin
(Paris 1897 – Semur-en-Auxois c. 1933 – 1996)
Elle entre en religion après avoir soigné son père. Économe et conseillère, elle s’occupe aussi des abeilles. Ancienne organiste, elle soutient également le chœur. Elle apporte au monastère l’atelier de menuiserie de son père grâce auquel elle restaure des meubles du monastère ou en crée tant à Semur-en-Auxois qu’à Mâcon où elle vit à partir de 1969. Elle suit sa communauté à Moulins en 1995, mais
(Somain 1912 – Le Mans c. 1935 – Moulins 2002)
Ses dons musicaux renforcent le chœur de la communauté du Mans qu’elle intègre dans sa jeunesse. Lingère, robière durant de longues années, elle est conseillère et assistante du noviciat, puis secrétaire de la supérieure et archiviste. Avec l’abandon du chant sur trois notes, elle s’investit dans le choix ou la composition des antiennes ou des tons de psaumes « chantants » pour permettre, même aux moins musiciennes, de participer. Sa belle voix, chaude et souple, entraîne le chœur pour chanter les messes grégoriennes des grandes fêtes. D’un tempérament ardent, et à l’écoute du monde, elle n’hésite pas à écrire quand un article de La Croix n’est pas de son opinion : plusieurs fois ses lettres sont publiées dans le courrier des lecteurs. Elle s’unit à Moulins en 1998.
Marie-Yvonne Jehannin
(Mordelles 1912 – Gennes-sur-Seiche cv. 1937 – Moulins 2005)
Elle s’unit à la Visitation de Mayenne en 1978, puis à celle de Moulins en 1998. 293
(Châteauvieux 1912 – Le Mans t. 1938 – Moulins 2004)
Suzanne-Marie Mézerette
(Trans 1917 – Mayenne c. 1939 – 2014)
Après presque soixante ans de vie religieuse, elle s’unit à Moulins en 1996. Compte tenu de son âge, elle doit rejoindre l’Oasis, à Boulognesur-Mer, en 2006. Hospitalisée à Notre-Damede-la-Visitation de Dijon en 2011, elle y décède.
Marie-Raphaël Robert
(Guillestre 1916 – Autun cv. 1939 – 2012)
Célestine-Joséphine entre à seize ans à la jeune fondation de Gap. À la fermeture de cette communauté, elle fait un essai à Annecy, puis est admise à la Visitation d’Autun, d’abord comme tourière car le monastère en est privé et parce
Conclusion L’histoire de la Visitation Sainte-Marie de Moulins apporte un éclairage intéressant sur le développement des très nombreuses maisons religieuses qui ont été créées en France, à un rythme prodigieux, dans la première moitié du xviie siècle. En effet, la fondation d’un monastère est une entreprise complexe, comme le montrent les péripéties de la naissance de la Visitation à Moulins et ses premières années d’existence en Bourbonnais : il faut faire face aux obstacles financiers et aux difficultés nées des conflits entre personnes. Faire construire les bâtiments adaptés et élever une église digne sont des chantiers souvent épuisants pour les moniales. Ils sont menés par les supérieures successives, responsables du gouvernement spirituel et temporel de la communauté, mais, comme nous l’avons constaté, avec des personnalités fort diverses. Elles s’appuient sur les Règles et Constitutions de leur ordre qui définissent les tâches de chaque religieuse au sein du monastère. C’est dans ce cadre que les visitandines vivent, prient et travaillent. L’objectif de vie des visitandines n’est pas tant de faire de grandes démonstrations extérieures que de vivre excellemment toutes les petites choses de la vie quotidienne… Ce principe est au cœur de la spiritualité de François de Sales, développée initialement dans son Introduction à la vie dévote. François de Sales appelle ses filles à la sainteté non par des voies d’austérité physique ou morale, mais par l’abandon à la volonté divine. Il les invite à partager la vie cachée du Christ, vécue en communauté par l’accueil de l’autre dans la charité, la douceur et l’abandon de soi.
Ce projet de vie est tellement novateur qu’il attire toutes les strates de la société alors en place : les tourières et les converses issues de la paysannerie et de la petite bourgeoisie, les religieuses de chœur appartenant à la moyenne et à la haute bourgeoisie ou à une noblesse très diversifiée. La communauté est un microcosme, reflet de la société dont il est issu. Le sentiment religieux pour ainsi dire s’y transmet de mère à fille, de tante à nièce, de cousine à cousine, lors d’entretiens au parloir, lors de retraites en clôture et durant les années d’instruction au pensionnat. Les dix visitandines issues de la famille Dubuysson, ou les cinq sœurs Durye en sont de parfaits exemples. À l’abri des cloîtres, les jeunes professes assimilent le rythme des offices religieux communautaires et développent des dévotions plus personnelles suivant leurs propres inclinations. Quoi de plus intime que la vie spirituelle ? Et pourtant, comme les religieuses forment une vraie famille, il n’est pas rare qu’elles partagent leurs expériences, avec ses temps de désert et de grâces, dont les Abrégés de leur vie ont gardé mémoire. Ces archives prouvent que la Visitation de Moulins a compté dans ses rangs pléthore d’âmes gratifiées, et ce au cours de ses quatre siècles d’existence. Afin de vivre pleinement leur vie religieuse, les visitandines nourrissent aussi leur foi de lectures spirituelles. Certains livres sont lus devant toute la communauté, d’autres lectures sont plus personnelles. Comme nous l’avons signalé, les filles de François de Sales enrichissent encore leur foi à l’occasion de pieux colloques ou 299
vv Plaque d’or, détail d’un voile de calice, gros de Tours blanc moiré, broderie or et soie polychrome, couchure et guipure éléments or, seconde moitié du xviii e s., V. de Nevers, M. V.
Annexes
vv Frères Anguier, La Libéralité, marbre, 1650-1653, Moulins, Chapelle S.-J.
303
La chapelle Saint-Joseph de l'ancienne Visitation de Moulins Comme nous l’avons vu, cette église est née de la volonté de la duchesse de Montmorency. Elle y porte beaucoup d’attention et suit les travaux dirigés par l’architecte lorrain Claude Collignon. Les Annales de la Visitation en donnent un état ancien. « Description de l’église des religieuses de la Visitation Sainte-Marie de Moulins, faite par M. Joseph Lingre, architecte du roi. L’église quoique petite a été trouvée si bien proportionnée dans toutes ses parties que M. Marot l’a comptée dans le recueil qu’il a fait des plus beaux ouvrages du temps. Son plan est une croix latine, laquelle a de longueur soixante et seize pieds, sur trente-quatre de largeur, la croisée qui comprend le sanctuaire et la nef a de largeur vingt-deux pieds, laquelle nef est accompagnée de deux chapelles de chaque côté. Elle est enrichie d’un ordre d’architecture dont la base est attique, les chapiteaux ioniques, et la corniche est à peu près corinthienne, étant ornée de roses et de mordillons galbés. Les arcs-doubleaux et arcades des chapelles sont enrichis de roses et moulures ; elle est voûtée dans toute son étendue. La partie au-dessus du sanctuaire est une coupe renversée qui prend sa naissance sur un entablement dont la frise est ornée de feuilles d’eau ; les entre-deux des arcs-doubleaux sont voûtés en croix d’ogive. Le portail est d’un ordre composite, où il y a quatre pilastres qui portent l’entablement au-dessus duquel est un fronton enrichi d’un grand cartouche où sont les armes de l’ordre, une croix termine le portail avec des vases fumants 304
vI Claude Collignon, Façade, 1650-1653, Moulins, chapelle S.-J. v Maître-autel paré de la chapelle Saint-Joseph, photographie, milieu du xxe s., V. de Moulins.
de part et d’autre posés sur l’aplomb des pilastres. Il y a deux grands vitraux qui éclairent la croisée de toute la hauteur et largeur des arcs-doubleaux, quatre autres vitraux sur les arcades des chapelles, et quatre autres dans lesdites chapelles, et un sur la porte de l’église qui regarde sur le maître-autel. Le grand autel est d’un ordre corinthien dont l’entablement est porté par quatre colonnes de marbre noir, au-dessus duquel est un fronton orné dans son tympan d’un pélican, la figure du crucifix est au-dessus dudit fronton, au côté duquel il y a une Notre-Dame et un saint Jean, de la main du Sieur Poisson [Poissant], on ne peut rien de mieux que ce morceau d’architecture, ceux qui s’y connaissent y remarquent la beauté de l’antique. Le tableau du maître-autel fut
envoyé à madame la Duchesse par le cardinal des Ursins son neveu, il représente la Présentation de la Ste Vierge au Temple sous les portraits de la famille des Ursins. La grille du chœur des religieuses est dans la croisée du sanctuaire du côté de l’épître au-dessus de laquelle est en bas relief à demi-bosse d’une charité, et aux deux côtés de la grille sont les figures de la foy et de l’espérance à ronde bosse, toutes deux plus grandes que nature de la main du Sieur Poisson. À l’opposite de la grille est le superbe mausolée de monsieur de Montmorency dont l’architecture tient toute l’étendue tant en hauteur qu’en largeur de la croisée, le tout est d’un ordre composite duquel l’entablement est porté par quatre colonnes de marbre noir, sur le devant, 305
immédiatement dans le bas, sur le pavé, entre des piédestaux est un tombeau de marbre noir, de sept pieds et demi de longueur, trois de hauteur, et trois et demi de largeur sur la face duquel est gravée son épitaphe en lettres d’or, au-dessus dudit iode est élevé le tombeau, supporté par deux consoles ou emplacements, le tout en marbre noir, sur le tombeau est la figure de M. de Montmorency à demi couché et habillé à la romaine et parderrière du côté des pieds est celle de la duchesse qui, à son habit négligé, ne semble y avoir été placée que pour exprimer l’image de la douleur. Aux deux côtés du tombeau sont les deux piédestaux de l’ordre qui portent deux statues symboliques un peu plus grandes que le naturel, l’une représente la force et le courage du héros sous la figure d’Hercule et l’autre la libéralité, au-dessus de ces statues entre les colonnes on en voit deux autres de même grandeur dans des niches creusées dans le mur, qui représentent la noblesse et la religion avec les caractères qui leur sont propres. Dans le milieu au-dessus du tombeau est une niche carrée où il y a une grande urne de marbre blanc disposée comme pour mettre les cendres du défunt, elle est entourée au-dessus par un feston de feuilles d’eau de même matière ainsi que deux enfants qui soutiennent de part et d’autre ledit feston, et qui en joignent les pentes au cadre de la niche, toutes lesdites figures sont en marbre blanc pour en exprimer le mérite, il suffit de dire qu’elles sont de la main du fameux Anguier et qu’entre autres son Hercule égale tout au moins ce que l’antique
La canonisation de Jeanne-Françoise de Chantal : un événement à Moulins au xviiie siècle Certains historiens, telle Marie-Ange Duvignacq-Glessgen, estiment que les fêtes de canonisation de François de Sales, comme le montrent les relations nombreuses et documentées qui en ont été faites, « marquèrent sans contexte l’apogée de l’ordre 1 ». La Relation de la fête de Moulins publiée en 1666 narre un cérémonial somptueux qui encadre des festivités sur une durée de huit jours. Le même principe est repris un siècle plus tard, et le récit de mai 1768 donne des renseignements, le plus souvent avec abondance et précision, sur les préparatifs, les décors éphémères, les vêtements liturgiques, les panégyriques, les programmes musicaux, les cortèges…, en bref, sur tout le contexte festif, ainsi que sur la communauté elle-même. Cette Relation met en scène toute la population de la cité. C’est pourquoi il est essentiel d’en publier de larges extraits et d’apporter des éclairages afin de saisir son importance pour l’histoire de Moulins, qui a pu ce jour-là fêter la seule sainte catholique ayant vécu et étant décédée dans ses murs. À Moulins, la Mère de Belle-Isle a eu, en tant que supérieure, le rare privilège de faire procéder en 1752 aux fêtes de la béatification de Jeanne-Françoise de Chantal et à celles de sa canonisation en 1768. Elle juge que la préparation des cœurs contribuerait « plus à la gloire de notre sainte fondatrice et à nous attirer sa puissante protection que le culte extérieur que nous prétendions lui rendre 2 ». Le délai de la réception de la bulle détermine la supérieure à écrire au pape afin
d’exprimer sa douleur de ne recevoir ni bulle ni indulgence pour la solennité de la canonisation ; Sa Sainteté en est touchée et, en lui envoyant la bulle, elle lui adresse un bref. Les religieuses travaillent alors à l’organisation de la solennité qui est fixée au 13 mai. Le 26 avril 1768, M. de Cély, vicaire général de l’évêque d’Autun à Moulins, appose les sceaux sur la châsse de la Mère de Chantal. Cette RR Fleurs brodées, détail d’un voile de calice, gros de Tours blanc moiré (tissu moderne), broderie au passé empiétant, point de nœud soie polychrome et couchure lame et filé or, Italie, xviii e s., V. de Baggiovara (Italie). l Châsse de sainte Jeanne de Chantal, bois de rose, milieu du xviii e s., V. de Nevers.
308
1. Duvignacq-Glessgen, 1994, p. 226. Voir aussi Picaud et Foisselon, 2008. 2. Annales, t. 2 p. 148.
309
Bibliographie sélective
Archives privées de la Visitation de Nevers
Archives privées de la Visitation de Moulins
Notes pour la rédaction des Annales, de 1876 à 1905.
Annales, t. 1, intitulées Fondation du troisième monastère de la Visitation Sainte-Marie établie en la ville de Moulins, capitale du duché de Bourbonnois, le 25 aoust 1616 sous le pontificat de Paul V et le règne de Louis XIII.
Annales, de 1876 à 1881.
Notes sur la nuit du 2 au 3 février 1918, sur la vie à Avrilly du 3 au 6 février et sur le séjour de la communauté à Chambord du 6 février au 25 mars 1918.
Annales, t. 2, intitulées Suite des Annales de notre monastère de Moulins depuis la mort de notre vénérable Mère de Montmorency en 1666, jusqu’au rétablissement de nos sœurs de Moulins à La Charité-sur-Loire, en 1818. Annales, t. 3, intitulées Suite de nos Annales depuis le projet de translation de notre monastère de La Charité-sur-Loire en 1852, jusqu’au mois de novembre 1887. Annales, t. 4, intitulées Annales, 1906, séjour en Belgique. Annales, t. 5, intitulées Annales de notre monastère de Nevers depuis novembre 1887 jusqu’en 1895. Inventaire. Mémoire manuscrit réalisé en 1787 à la fin du triennat de la Mère de Saint-Mesmyn. Livre des vœux, de 1616 à 1709. Livre des vœux, de 1709 à 1920. Livre des vœux, de 1920 à aujourd’hui.
Dossiers : – « La guerre de 1914-1918 » ; – « Mémoires des constructions » ; – « Nos seigneurs les évêques de Moulins » ; – « Papiers d’affaires de nos sœurs » ; – « Plans et devis du monastère » ; – « Section judiciaire ».
Présents charitables, de 1876 à 1931. Souvenirs inédits sur Mgr de Dreux-Brézé. Archives privées de la Visitation du Premier monastère de Paris
Mémoire des travaux de l’entreprise générale de travaux de bâtiments J. Sallard à Moulins.
Correspondance adressée par la communauté de Moulins.
Liste de toutes les religieuses reçues en ce monastère de la Visitation Ste-Marie de Moulins depuis 1876.
Dossier relatif à la fondation de Moulins, 1870-1900.
Livre de l’état des fonds et revenus de ce monastère de la Visitation Sainte-Marie de Moulins, de 1876 à 1918. Livre du chapitre.
Plans de la propriété de Bardon et projet d’érection du monastère. Archives diocésaines de Moulins Fonds diocésain de Moulins déposé aux archives départementales de l’Allier, à Yzeure, 75 J 2 et 75 J 3.
Livre du couvent. Livre du noviciat.
Archives départementales de l’Allier, Yzeure
Livre des professes perpétuelles en conformité avec le droit canon.
Archives municipales de Moulins
Mémoires sur la vie et les vertus de notre Mère de Montmorency par ses contemporaines.
Ensemble des plans, projets et élévations du lycée. 316
Publications ALLIER, Achille L’Ancien Bourbonnais, Moulins, imprimerie Desrosiers, 1833-1837.
ANNÉE SAINTE Année sainte des religieuses de la Visitation Sainte-Marie, Annecy, imprimerie Charles Burdet, 1867-1871, 12 vol. ANONYME Notice historique sur le collège et le lycée de Moulins, Moulins, Fernand Brosset, sans date. ANTONI, Olivia Chères Visitandines… L’ordre de la Visitation Sainte-Marie à Monaco, Monaco, Liber Faber, à paraître (2015). BERRY, Louis-Claude Les Monastères de la Visitation dans le diocèse d’Autun, imprimerie Dejussieu Père et Fils, 1895. BORDES, Hélène « Les archives de la Visitation Sainte-Marie de Nevers (ancien monastère de Moulins) », dans Le xviie Siècle et la recherche (actes du VIe colloque de Marseille, organisé par le Centre méridional de rencontres sur le xviie siècle), janvier 1976, Marseille, CMR 17, 1977, p. 281-291. — « Conflit de valeurs autour d’une vocation religieuse : sainte Jeanne de Chantal et la sœur Marie-Aimée de Morville », dans Les Valeurs chez les mémorialistes français du xviie siècle avant la Fronde (actes du colloque de Strasbourg et Metz, sous le patronage de la Société d’étude du xviie siècle, 18-20 mai 1978), Paris, Klincksieck, 1979, p. 247. — « L’ancienne Visitation de Moulins à travers ses archives », Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, t. 63, 3e trimestre, 1987, p. 463-504.
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