La pointe et l'ombre. Dessins nordiques du musée de Grenoble Extrait

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Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination éditoriale : Laurence Verrand Contribution éditoriale : Nicole Mison Conception graphique : Éric Blanchard Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

© Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © Musée de Grenoble, 2014 ISBN 978-2-7572-0775-8 Dépôt légal : mars 2014 Imprimé en Italie (Union européenne)


La pointe et l’ombre Dessins nordiques du musée de Grenoble XVIe-XVIIIe siècle

David Mandrella avec la contribution de Cécile Tainturier, Guillaume Kazerouni et Sophie Laroche

Musée de Grenoble



Sommaire 7 9

Remerciements Avant-propos Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble

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Les dessins nordiques de Grenoble état des choses Marcel Roethlisberger, professeur émérite à l’université de Genève

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Catalogue David Mandrella, Cécile Tainturier, Guillaume Kazerouni, Sophie Laroche

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Les dessins allemands Les dessins hollandais Les dessins flamands

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Bibliographie générale

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Liste des artistes exposés

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Ce catalogue est publié à l’occasion de l’exposition La pointe et l’ombre. Dessins nordiques du musée de Grenoble XVIe-XVIIIe siècle Musée de Grenoble, 15 mars – 9 juin 2014 EXPOSITION

Commissariat général : Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble Commissariat, conception et coordination du catalogue : David Mandrella, historien de l’art Valérie Lagier, conservateur en chef du patrimoine au musée de Grenoble Conservation : Sophie Bernard, Valérie Lagier, Hélène Vincent Assistante d’exposition : Cécile Brilloit Communication : Marianne Taillibert, Flore Ricoux, Christelle Giroud Régie des œuvres : Isabelle Varloteaux Montage et encadrement : Denise Chafino Administration : Christophe Lagarde, Anouk Gérard Mécénat : Danièle Houbart Direction des services techniques : Robert Damato Équipes techniques : Jean-Pol Bassuel, Jean-Pierre Bayle, David Dauvergne, Mehdi Fahri, Michel Garcia, Than N’Guyen, Jacques Issartel, Chaouki Karmous, André Prats, Jocelyn Sémavoine, Georges Territorio Service des publics : Denis Arino, Dany Philippe-Devaux, Hinda Nokry et l’équipe des médiateurs, Pierre Bastien, Céline Carrier, Éric Chaloupy, Fabienne Cottin, Laurence Gervot-Rostaing, Mélanie Goosens, Loredana Gritti, Béatrice Mailloux, Olivier Marreau, Claire Moiroud, Marie-Laure Pequay, Corinne Pinchon, Reidunn Rugland, Frédérique Ryboloviecz Secrétariat : Nathalie Guittat, Sylvie Mulassano, Sylvie Portz, Jeanine Scaringella Bibliothèque : Laurence Zeiliger, Gérard Ponson Documentation : Estelle Favre-Taylaz, Anne Laffont Photographie : Jean-Luc Lacroix Accueil : Carole Chabat, Anne Hemet, Florence Yepes, Patricia Tarallo

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RE M ERCI EM ENTS

Cette exposition a pu être entreprise grâce à l’appui constant et à l’engagement personnel de Michel Destot, député, maire de Grenoble, et de son conseil municipal, auxquels s’adressent nos remerciements, ainsi qu’à Éliane Baracetti, maire-adjointe chargée de la Culture, qui a veillé avec la direction générale de la Ville de Grenoble à son bon déroulement. Notre gratitude s’adresse également à André Vallini, président du conseil général et député de l’Isère, ainsi qu’à Pascal Payen, vice-président du conseil général de l’Isère, chargé de la Culture et du Patrimoine, qui soutiennent les actions du musée de Grenoble. Nos remerciements vont aussi à Marie-Christine Labourdette, directrice du service des musées de France ainsi qu’à Jean-François Marguerin, directeur régional des Affaires culturelles en Rhône-Alpes. Que Marcel Roethlisberger trouve ici l’expression de notre profonde reconnaissance pour le travail qu’il a réalisé sur le fonds de dessins hollandais du musée de Grenoble qu’il a été le premier à sortir de l’ombre. Nous saluons aussi le très important travail de recherche accompli par David Mandrella, Cécile Tainturier, Guillaume Kazerouni et Sophie Laroche à l’occasion de cette publication. Nous tenons ici à leur exprimer nos sincères remerciements.

Les organisateurs et les auteurs remercient notamment la Fondation Custodia, la documentation des peintures du Louvre et le Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie (RKD) ainsi que Stijn Alsteens, Laurence Armando, Diederik Bakhüys, Anne Bariteau, Dieter Beaujean, Rhea Sylvia Blok, David Bronze, Hans Buijs, Karen Chastagnol, Baukje Coenen, Dominique Cordellier, Remmelt Daalter, Wilfred de Bruin, Clara de la Pena McTigue, Laure-Aline Demazure, Yasmin Doosry, Barbara Dossi, Blaise Ducos, Charles Dumas, Albert Elen, Rudi E. Ekkart, Jacques Foucart, Peter Fuhring, Cyril Gerbron, Ketty Gottardo, Gun-Dagmar Helke, Michael Hesse, Dagmar Hirschfelder, George Keyes, Kristi Klinkert, Claes Kofoed Christensen, Frédérique Lanoë, Corinne Letessier, Laurence Lhinares, Bruce Livie, Laurence Lorégnard, Erik P. Löffler, Ger Luijten, Eva Michel, Éric Pagliano, Laura Pecheur, Benjamin Peronnet, Achim Riether, Pierre Rosenberg, Michael Roth, Marti Royalton-Kisch, Vanessa Selbach, Alice Taatgen, Robert Jan te Rijdt, Jef Schaeps, Peter Schatborn, Michael A. Schmid, Laurens Schoemaker, Claudia Valter, Melanie Vandenbrouck, Jesse van Dijl, Monroe Warshaw et Moana Weil-Curiel.

Qu’il nous soit permis de remercier particulièrement Sophie Laroche pour les nombreuses recherches sur la provenance des dessins nordiques qu’elle a effectuées en tant que conservateur stagiaire. La restauration des dessins du fonds nordiques a été réalisée par Marie-Rose Gréca. Qu’elle trouve ici l’expression de notre gratitude. Enfin, nous tenons à exprimer nos remerciements à l’ensemble de l’équipe du musée, en particulier à Estelle Favre-Taylaz, Anne Laffont, Jean-Luc Lacroix et Denise Chafino, aidée de Valérie Cosson. Dans la préparation scientifique de ce catalogue, de nombreux chercheurs et connaisseurs ont apporté leur soutien aux auteurs.

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AVANT-PRO PO S

Avec ce troisième catalogue consacré aux écoles du Nord s’achève l’étude du fonds de dessins anciens du musée de Grenoble, initiée en 2008 et qui a vu en 2010 la publication des plus belles feuilles italiennes, suivie en 2011 des françaises. Moins important en nombre que les deux autres écoles – on recense environ six cents dessins – l’ensemble nordique fut le seul, pour sa partie hollandaise du moins, à faire l’objet d’une étude en 1977. C’est Marcel Roethlisberger déjà qui, avec Catherine Meyer, offrit cette première approche à travers une exposition et une publication sobrement intitulées « Dessin hollandais du musée de Grenoble ». Étudier à nouveau ce fonds trente-cinq ans après a permis de confirmer nombre d’attributions, d’en modifier certaines et, souvent grâce au travail précédent de défrichage des chercheurs sur les écoles italiennes et françaises, de réaliser de belles découvertes. L’image de l’ensemble nordique de Grenoble en ressort renforcée et surtout, comme ce fut le cas pour les précédents, gagne en lisibilité. Prédominent toujours pour l’école hollandaise la merveilleuse encre de Rembrandt au trait si vif, de même que la très belle suite de paysages. Pour les Flamands, on retiendra avant tout les superbes feuilles de Jordaens. L’école allemande se distingue quant à elle, notamment, par la belle découverte du modello de Wink… De fait, par les recherches accomplies ces dernières années et que ce troisième volume vient parachever, on est passé d’un fonds de dessins anciens à ce qui, aujourd’hui, peut être vu et compris comme une véritable collection ; avec ses points forts, ses articulations, ses lacunes et ses chefs-d’œuvre. Tel était le but de ce chantier que de donner une intelligibilité, un sens, à ce qui demeura longtemps une masse informe. Telle est aujourd’hui la leçon que l’on en retire et qui doit nous inciter à poursuivre ce travail d’étude des collections d’arts graphiques, avec demain le fonds considérable du XIXe siècle, puis celui complètement inconnu des estampes… Que Marcel Rothlisberger, qui a accepté de se pencher à nouveau sur les dessins nordiques de Grenoble et d’écrire un essai pour ce catalogue, reçoive mes remerciements les plus sincères. Ma gratitude va particulièrement à David Mandrella qui s’est totalement investi dans l’étude de ce fonds, l’a conduite, et a contribué de manière décisive à la réussite de cette belle aventure. Il a été accompagné dans la rédaction de certaines notices par Cécile Tainturier que je remercie chaleureusement de même que Guillaume Kazerouni et Sophie Laroche. Enfin, Valérie Lagier, conservateur en chef au musée de Grenoble, par son travail précis et engagé, a assuré avec succès le suivi de ce projet. GUY TOSATTO

Jan de Bisschop Bateaux en rade (cat. 31, détail)


Les dessins nordiques de Grenoble : état des choses Marcel Roethlisberger

La différence visuelle entre les dessins hollandais de Grenoble réunis dans cette exposition et les dessins italiens et français des deux précédentes expositions est frappante. Chez les Italiens, on trouve presque exclusivement de vigoureuses études de figures et de compositions du XVIe au XVIIIe siècle, souvent faites en préparation de tableaux. Chez les Français, ce même type d’études côtoie quelques paysages, en particulier du XVIIIe siècle. Par contre, les dessins hollandais du XVIIe siècle se composent surtout de paysages très détaillés et d’esquisses de personnages individuels auxquels s’ajoutent quelques marines et animaux. Les paysages y sont en tout cas plus nombreux, la majorité d’entre eux est consacrée soit à des sites indéterminés, boisés et montagneux, soit à des vues d’Italie avec ruines, le reste montrant des vues locales. Est-ce à dire que l’art hollandais manque de grandes compositions figuratives ? Il suffit de penser à la peinture de Rembrandt, aux maîtres d’Utrecht, à Jan Steen et aux maîtres de genre pour se rappeler que ce n’est pas le cas. On peut donc se demander si l’exposition ne reflète qu’imparfaitement la peinture hollandaise, ou si l’assortiment grenoblois est limité. Nous reviendrons sur ces deux points1.

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Il est un fait que l’art italien est surtout celui de la grande mise en scène théâtrale à sujet religieux ou littéraire, élaborée sur la base de l’étude académique de la figure. En revanche, l’art hollandais se caractérise par la recherche de subtilités, ce qui en fait l’attrait particulier. Plus souvent que dans d’autres écoles, le dessin est un produit indépendant, achevé. Beaucoup d’œuvres de cette exposition font en effet participer le spectateur à la délectation manifeste éprouvée par l’artiste dans la poursuite de la beauté du détail. Rappelons d’emblée que le nombre global des dessins hollandais surpasse de loin celui des autres écoles de la même période. Cette exposition présente la sélection raisonnée tirée d’une seule collection, celle du musée de Grenoble. Il est toujours passionnant de s’interroger sur le profil d’une collection, ses points forts et faibles, son historique, sa visibilité, sa place par comparaison à d’autres collections publiques et privées. Commençons à ce sujet par quelques données de statistique. Sur un total de cinq mille dessins du XVe au XIXe siècle, le musée de Grenoble compte, de la Renaissance à 1800, 783 dessins italiens (dont 112 exposés en 2010), 846 dessins français (dont 125 exposés en 2011), 503 dessins hollandais et flamands,


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Fig. 1. Cornelis Vroom, Arbres, plume et encre brune sur papier vergé crème, H. 15 ; L. 20 cm, MG D 647

88 allemands. Comme dans toute collection ancienne, la qualité des œuvres est à nos yeux inégale, ce qui ne tient ni à l’incompétence des conservateurs, ni aux changements de goût, mais avant tout aux dons et achats du passé, composés le plus souvent de portefeuilles entiers déjà formés. Pour les Hollandais de Grenoble, le choix des cent vingt feuilles représentatives de l’exposition s’est révélé plus facile que pour les autres écoles : la grande majorité des dessins omis sont, au vu des connaissances et des critères actuels, nettement moins importants. Tout catalogue d’une collection propose nécessairement un semblant d’ordre pour un matériel produit sans ordre ; l’accrochage de l’exposition peut selon le cas différer utilement de la publication. Mise à part la solution de convenance, anodine et commune, du classement alphabétique par nom d’auteur, le fait si évident que la plupart des maîtres hollandais se limitent, ou du moins se concentrent, sur une spécialité thématique – portrait, paysage, nature morte et ainsi de suite – favorise une séquence par thèmes, qui est adoptée dans ce catalogue. Une chronologie par date de naissance ou par œuvre n’est guère praticable pour une abondance d’œuvres non datées, créées en majeure partie dans le laps

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extrêmement court d’un demi-siècle, de 1630 à 1680 environ. Quant à l’arrangement par écoles locales, les centres de Haarlem, Utrecht, Amsterdam, Delft, si proches les uns des autres dans la seule province de Hollande, ont effectivement leur spécificité mais sont plus entrelacés que les écoles de l’Italie (alors que Paris domine en France), comme continuent également les liens étroits des Pays-Bas protestants avec les Flandres catholiques, même après l’indépendance des Provinces-Unies en 1579 : Frans Hals est flamand, comme Adriaen Brouwer, qui partage sa vie entre Anvers et Haarlem, le protestant Jordaens travaille pour les princes d’Orange à La Haye, tandis que le chef-d’œuvre d’Abraham Bloemaert, d’Utrecht, est le maître-autel peint pour l’église des Jésuites à Bruxelles, celui précisément qui se trouve depuis deux siècles au musée de Grenoble2.

Survol Suivons en premier lieu le parcours des œuvres existantes, riche en découvertes, en surprises, en œuvres jusqu’à présent inédites d’artistes connus ou, au contraire, très rares. Comme tant de collections graphiques de musées, celle-ci resta dormante et donc méconnue jusqu’en 1977, lorsque Maurice Besset, le directeur du musée de 1969 à 1975, organisa l’exposition Dessins hollandais du Musée de Grenoble, avec un catalogue succinct de soixante-quatorze feuilles par Marcel Roethlisberger et Catherine Meyer. Depuis, la connaissance du dessin a progressé à grands pas. Les auteurs du présent catalogue, David Mandrella et Cécile Tainturier – qui a étudié dixsept dessins –, ont approfondi le sujet et ont réussi à identifier bon nombre de feuilles anonymes et à rectifier d’anciennes attributions qui ne se sont pas révélées exactes. Dans le domaine du paysage, prédominant dans cet ensemble, les deux feuillets d’Abraham Bloemaert, un maître pratiquant tous les thèmes hormis le portrait, nous placent aux débuts de cette spécialité : la Vue d’une ferme délabrée, prise sur le vif, appartient aux premières années d’une longue carrière qui s’étend sur soixante ans (cat. 18), le Berger dans un paysage (cat. 19), une vue imaginaire, est de l’extrême fin. Dessiné, peint et gravé, le paysage de Bloemaert reste très personnel, sans nier son ancrage dans l’art néerlandais du passé. Né une génération après lui, Jan van Goyen établit, dans d’innombrables feuillets dessinés d’après nature, la formule du paysage fluvial hollandais, qui sera reprise par tant d’artistes en peinture et en dessin pendant un demi-siècle (cat. 20 à 22). Non loin de lui, plus varié, Pieter Molyn est représenté par quatre feuilles3 (cat. 25 à 28), dont un Paysage montagneux très fini de 1638 et une scène nocturne. Deux beaux dessins élaborés d’Allaert van Everdingen, dont un catalogué (cat. 30), montrent des fermes apparemment scandi-

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naves. Nous traversons un Paysage avec des voyageurs sur papier bleu de Joris van der Haagen (cat. 29), deux typiques paysages fluviaux d’Herman Saftleven (cat. 35 et 36), nous nous attardons devant l’image dense d’une Ferme au bord d’un canal attribuée à Johannes Leupenius (cat. 38) et devant le vigoureux Paysage rocheux avec un pont de Roelant Roghman (cat. 40), artiste proche de Rembrandt. Suivent quelques vues topographiques étendues, des dessins plus simples de vaisseaux et de marines, une Basilique au bord de la mer, d’un artiste hollandais de la fin du XVIIe siècle (cat. 48), et plus tardivement la Ruine de l’église de Schoonderloo, de 1790, de Visser (cat. 44). On pourrait ajouter d’autres éléments intéressants de la collection, tel les Arbres de Cornelis Vroom (fig. 1) avec sa graphie anguleuse de la plume, si particulière4. Toujours parlant de paysage, la vingtaine de sites italianisants forme un groupe serré, accumulé de toute évidence avec un intérêt particulier par Mesnard, puisque tous proviennent de sa collection. Tout commence par le Flamand Paul Bril établi à Rome, représenté ici par un beau paysage composite (cat. 49). En découle directement le Paysage de Jacob Pynas de 1627 (cat. 50). Bartholomeus Breenbergh passa la décennie de 1620 à Rome, dessinant les ruines antiques, quelques sites urbains et des paysages de la campagne, dont il se servit plus tard pour la mise en scène de tableaux enrichis de sujets figuratifs. L’excellente séquence de quatre dessins de lui5 (cat. 52 à 55) comprend une grande Fantaisie de ruines composite de 1641 (cat. 55). Lui sont proches Jan Baptist Weenix (cat. 56), Cornelis van Poelenburgh (cat. 57), Herman van Swanevelt (cat. 58 et 59) et Willem Romeyn (cat. 62), qui tous perpétuent le mode italien après leur retour aux Pays-Bas. Une vingtaine de feuilles font défiler devant nous les différents aspects de la figure. La Joyeuse Compagnie de Gerrit van Honthorst (cat. 70), qui adopta à Rome la manière caravagesque et devint plus tard à Utrecht un peintre de cour classique, est ici le seul exemple hollandais d’une composition faite en préparation d’un de ses tableaux les plus célèbres (aux Offices à Florence). Leonaert Bramer (cat. 72 et 73) fut un inventeur infatigable de séries de dessins de figures, souvent dans un paysage. L’Annonce aux bergers de Nicolas Moeyaert (cat. 74) atteste sa maîtrise des compositions à sujets religieux et classiques. Dans sa relative simplicité, l’unique dessin de Rembrandt du musée, la Figure d’un Oriental (cat. 75), s’impose par sa présence, la plasticité et la puissance émotive que l’auteur confère à chaque coup de plume. De l’immense rayonnement de sa personnalité témoignent la vigoureuse esquisse Moïse et le buisson ardent d’un artiste de son entourage (cat. 76), et Adam et Ève attribué à Philips Koninck (cat. 78). Le portrait, qui tient une si large


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place dans l’art hollandais, n’est représenté que par l’esquisse à la sanguine d’un couple de Ferdinand Bol (cat. 77). Viennent ensuite des figures individuelles de Govert Flinck (cat. 79), Carel du Jardin (cat. 85), Cornelis Saftleven (cat. 86), parfois des études pour des détails de tableaux. Ainsi, le Berger de Hendrick Bloemaert (cat. 83), dont on ne connaît guère qu’une douzaine de dessins, est employé pour l’une des figures d’un grand retable tardif. On peut dès lors se demander s’il élabora de cette manière minutieuse, comme le fit son père, chaque personnage individuel de tous ses tableaux (on toucherait ici au vaste domaine des inconnus et des pertes). On apprécie d’autres trouvailles telles que l’Étude de mains du portraitiste Cornelius Jonson van Ceulen (cat. 81), la Fête champêtre de Hendrick Potuyl, sur parchemin (cat. 88) et enfin le Narcisse de 1688 de Willem van Mieris (cat. 91). Quelques dessins d’animaux illustrent ce genre aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le bilan de l’ensemble révèle les points forts et les lacunes de la collection. L’accent est mis sur le paysage accompli, le paysage italianisant, les études de figures et le petit format. Manquent des intérieurs d’église, des scènes de genre, des natures mortes, des fleurs, des nus ; les marines sont modestes. Les maîtres de la première génération des maniéristes actifs autour de 1600, Hendrick Goltzius, Cornelis Cornelisz, Jacob de Gheyn, Joachim Wttewael, si recherchés aujourd’hui, restaient inconnus au XIXe siècle, de même que les caravagistes d’Utrecht, Hendrick ter Brugghen, Dirck van Baburen, Jan van Bijlert, n’étaient pas appréciés. Ils sont donc malheureusement absents de la sélection. Les dessins des écoles nordiques incluent en plus dix-sept pièces allemandes et vingt et une flamandes, ensembles forcément plus disparates que la section hollandaise. Mais il s’y cache d’intéressantes découvertes isolées. Chez les Allemands – un fonds dont l’étude mérite d’être approfondie –, on compte deux feuillets du XVIe siècle, quatre dessins pour le siècle suivant, et enfin, pour le XVIIIe siècle, une étude pour un grand décor peint de Johann Wink (cat. 11) et un autoportrait d’Anton Graff (cat. 12). David Mandrella signale en plus la Suzanne et les vieillards (fig. 2)6 dans laquelle il reconnaît la main de l’orfèvre, graveur et dessinateur Jonas Silber, actif dans le troisième quart du XVIe siècle. Même sans Rubens et Van Dyck, le groupe flamand est plus consistant, en particulier grâce aux quatre imposantes compositions tardives de Jacob Jordaens : la grande Allégorie de la Vérité et du Temps de 1658 (cat. 106) et le Mariage de la Vierge (cat. 107) étant de rares acquisitions du musée à la vente Kaïeman de Bruxelles en 1858 (la deuxième venant de la vente Robert Dumesnil de 1838), les deux autres léguées par Mesnard (cat. 105 et 108). Ces pièces, en rapport

avec des tableaux ou des tapisseries, se joignent aux deux importants tableaux du maître que possède le musée, l’Adoration des bergers, envoyé par le gouvernement en 18047, et Le Sommeil d’Antiope, acquis en 18528. Du même ordre de grandeur et proches de tableaux sont le dessin inédit de Jan van Boeckhorst, Achille parmi les filles de Lycomède (cat. 103) et Le Sacrifice manqué de Phrixos et de Hellé de Jan Erasmus Quellinus (cat. 104). Les Flamands incluent encore un beau paysage de Lodewijk de Vadder (cat. 109), trois feuilles du XVIIIe siècle, enfin un dessin impressionnant du paysagiste trop méconnu Simon Denis, actif en Italie (cat. 120).

Le mécène Chaque musée a son mécène (ou ses mécènes) prééminent, qui dans certains cas est aussi son fondateur. Pour Grenoble, ce mécène était Léonce Mesnard (1826-1890), de la collection duquel provient la presque totalité des dessins, toutes écoles comprises, ainsi que quelques tableaux. Dans les presque cent ans d’existence du musée avant son apport, la part du dessin était minime : des quatrevingts dessins et estampes du début, en 1800, il ne restait en 1815 que vingt-cinq dessins. Pour la personnalité complexe de Mesnard, on se référera aux études biographiques magistrales de Sophie Boubert, puis de Valérie Lagier dans le catalogue des dessins italiens9. Vu l’importance capitale de ce donateur pour les dessins, il importe de reprendre ici quelques traits marquants de sa biographie. Il naît à Rochefort en Charente-Inférieure (aujourd’hui CharenteMaritime) dans une famille de magistrats. Son père était en effet procureur général près la cour de Grenoble, pair de France et vice-président du Sénat sous le Second Empire. Le fils grandit à Grenoble, poursuit une carrière administrative comme maître des requêtes au Conseil d’État, dont il démissionne en 1869. Il s’installe à Grenoble, d’où sa seconde femme est originaire. Vivant de ses rentes, il se consacre alors à ses écrits et ses collections, amassant plus de seize mille objets en tous genres. Pendant cinq ans, il est membre d’une commission consultative des musées, mais après 1880, il ne réside à Grenoble que peu de temps chaque année. N’ayant pas de descendants, il donne et lègue une grande partie de ses œuvres aux musées de Chambéry (plus de trois cents tableaux) et de Grenoble : 3 207 dessins et gravures, soit deux tiers de la collection actuelle, plus des objets d’art et quelques tableaux. Les vicissitudes de cette succession sont décrites en détail dans les études citées. En particulier, la collection comptait quelque 573 tableaux, 3 930 dessins, 3 230 estampes, 2 922 objets d’art, et occupait, de son vivant, la majeure partie des sept pièces principales de son appartement à Grenoble.

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Fig. 2. Jonas Silber, Suzanne et les vieillards, plume et encre noire, lavis gris sur papier vergé beige, H. 24,3 ; L. 16,7 cm, MG D 1467

Mesnard personnifie le collectionneur accumulateur du XIXe siècle. Comment apprécier un tel appétit d’amasser chez ce personnage d’une modestie affichée ? Du point de vue des critères qualitatifs d’aujourd’hui, comment peut-on aimer trois mille neuf cents dessins au point de devoir les acheter et de les thésauriser ? Malgré ses écrits, nous savons trop peu de choses de cet homme pour y voir clair. Il n’apparaît pas dans le cercle des confrères parisiens, pas dans la compétition serrée des grands acheteurs de l’époque, dont on se limitera à citer les frères Goncourt, le marquis de Chennevières et le duc d’Aumale. Sophie Boubert voit sa collection comme le refuge intellectuel de l’esthète. Mais a-t-on fait le tour de la question en énonçant ces quelques faits ? Tournons-nous du côté de ses publications. Mesnard fut un fervent auteur de critique artistique, littéraire et musicale. Reflétant les goûts dominants de son siècle, ses textes témoignent d’une culture étendue. Il parcourt l’Italie et les Pays-Bas. Juste après sa mort, en 1891 et 1892, l’éditeur parisien Fischbacher publie de lui cinq tomes d’essais et de pensées, qui n’ont pas suscité de réaction. Ses écrits sur les beaux-arts concernent avant tout l’art italien de la Renaissance mais aussi de l’époque gothique ainsi que quelques tableaux appartenant au musée de Grenoble (Caspar de Crayer, 1891), sans nous renseigner par ailleurs sur sa propre collection. Citons encore des essais sur le Tintoret, 1881, Poussin à Rome, 1891, musique et sculpture (Thorwaldsen), musique et peinture (Meissonnier, Gounod). À en juger par la rareté de ces livres, le tirage dut être faible ; le seul volume que j’ai pu trouver en dehors de Grenoble et de Paris contient les essais musicaux (et encore, l’exemplaire en question, à Genève, n’avait jamais été coupé), qui portent sur Beethoven, Schumann, Wagner, Berlioz, Brahms. Il en ressort une passion pour la musique et une connaissance approfondie des partitions. Il connut amicalement quelques peintres et sculpteurs contemporains, comme Fantin-Latour ou Charles Daubigny.

Provenances Nous ignorons presque tout des achats de Mesnard et de la provenance de ses œuvres. Les ventes et les marchands parisiens durent être sa principale source. On ne connaît les propriétaires précédents que d’une dizaine de ses dessins : il s’agit de ventes parisiennes de l’époque telles que Guichardot, Gasc, Duval. Dessins et estampes se vendaient normalement par lots mixtes, d’où la principale raison de la qualité hétérogène de la collection que Mesnard ne chercha pas à épurer progressivement. Ainsi, son dessin de Breenbergh avec l’église romaine des Florentins (cat. 52) fit partie d’un lot de quarante feuilles de la vente Guichardot de 1875 (comme peut-être

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ses quatre autres Breenbergh, mais ce n’est pas certain). Un lot fut peut-être acquis pour un ou deux dessins spécifiques, puis le tout conservé. Difficile d’établir la part d’un programme, du hasard, de la chance et de la malchance dans la constitution de cet ensemble. Par malheur, la majorité de ses annotations sur les montages des dessins a été perdue lors de réaménagements des fonds de dessins par le musée durant le XXe siècle. Des recherches menées avec acribie permettent à présent à Valérie Lagier d’éclaircir quelques provenances. S’il est possible de reconstituer petit à petit la collection Mesnard, il est en revanche plus difficile de retrouver la filiation antérieure de ces feuilles. Les six marques de collections se trouvant sur huit dessins de Mesnard appartiennent elles aussi au troisième quart du XIXe siècle, une seule, celle d’Esdaile, est de la première moitié du siècle. L’historien de l’art souhaiterait toujours pouvoir retracer le parcours des œuvres le plus loin possible, voire jusqu’à l’artiste lui-même. Rarissimes sont cependant les cas d’une provenance ininterrompue d’un bout à l’autre, comme celle – pour ne citer qu’un exemple – des deux cents dessins du Livre de vérité de Claude Lorrain. En règle générale, la provenance d’un dessin s’arrête dans le meilleur des cas au XVIIIe siècle, rarement au XVIIe siècle. Le premier grand brassage a eu lieu à notre insu dans les décennies autour de 1700. La quantité incomparable de dessins très finis produits par les maîtres hollandais du Siècle d’or, sans équivalent dans d’autres écoles, ne laisse pas de doute sur le fait que beaucoup furent réalisés dans le but de la vente immédiate, donc comme objets de collection. Le nombre de feuilles en circulation était important, de même que la clientèle qui s’y intéressait. En même temps, le marché de l’art, dans le sens moderne du terme, fleurit à cette époque. Dès le XVIIe siècle, le nombre de catalogues imprimés de ventes aux enchères de tableaux à Amsterdam n’a d’équivalent dans aucun autre centre des arts. Mais le détail des transactions nous échappe. Les artistes vendaient leurs dessins et gravures directement à des collectionneurs et des marchands, tirant de ce commerce des revenus certes plus modestes mais aussi plus attractifs (on le sait de Rembrandt) que les gains provenant de commandes plus prestigieuses de tableaux. La diffusion de dessins et de gravures servit aussi comme réclame auprès de clients potentiels de tableaux. De génération en génération, collectionneurs et marchands mélangent les œuvres acquises par leurs prédécesseurs. Au XIXe siècle, chaque portefeuille de dessins est déjà le résultat de plusieurs imbrications précédentes. La spéculation, voire les copistes, s’en mêle. À ce propos, le grand collectionneur Edmond de Goncourt (18221896) nous donne une description animée de l’immense quantité de


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dessins disponibles sur le marché parisien : « Mais parlons un peu du vieux Guichardot, du temps de ma jeunesse, où il habitait la rue Saint-Thomas-du-Louvre… Il avait dans cette rue une boutique… aux volets clos, et contre les murs de laquelle montaient jusqu’au plafond des cartons, des cartons, des cartons comme je n’en ai vu nulle part, et tous remplis de dessins de toutes les écoles et qu’on n’avait jamais songé à débrouiller. Là-dedans, c’était une odeur de papier moisi, délectable et prometteuse pour un amateur… Oui, rien n’était plus facile et à meilleur marché, dans ce temps, que faire une collection de dessins français du XVIIIe siècle10. » La collection Mesnard, essentiellement constituée à Paris entre 1870 et 1890, ne fait pas le poids face aux plus éminentes collections internationales formées à l’époque, ce qui n’en diminue ni le mérite, ni l’intérêt. Dans un marché compétitif, il était difficile d’ambitionner, plus encore de réaliser, un goût personnel, une ligne, des préférences. La collection est le compromis entre l’offre du moment et les moyens financiers (nous ne connaissons pas de prix payés par Mesnard). Cela dit, les dessins hollandais de Grenoble, pour ne s’en tenir qu’à eux, offrent un profil distinct, comme nous l’avons noté. Malgré l’inévitable faiblesse de beaucoup de pages, le fait de pouvoir en extraire cent vingt feuilles de qualité pour cette exposition représente un accomplissement mémorable de la part de Mesnard collectionneur.

Collections Il n’existe pas de mesures absolues pour déterminer l’importance d’une collection. Le volume d’œuvres, le nombre des Rembrandt, le champ chronologique et typologique, la qualité (mais qui voudrait aujourd’hui se hasarder à définir cette notion si insouciamment invoquée et en vérité si versatile ?), la valeur commerciale fictive…, de tels aspects et d’autres encore sont des plus relatifs. Intervient en outre l’histoire du goût, ou plutôt du constant changement du goût. Aspirer à une couverture aussi complète ou équilibrée que possible d’une école ne saurait être le but d’une collection, d’autant que la fonction didactique, l’utilité pour l’industrie et l’artisanat, qui furent un mobile décisif lors de la fondation du musée, n’existent plus ; il n’en résulterait qu’un nivellement impersonnel des collections. Le nombre immense de dessins hollandais du Rijksmuseum d’Amsterdam, mais aussi du Louvre (Lugt recense déjà, en 1931, 1 352 numéros, dont une centaine de Rembrandt), en augmentation permanente (aujourd’hui plus de trois mille numéros), offre certes une vue globale de l’art hollandais mais ne peut servir de modèle à d’autres collections. La littérature sur l’art pourrait fournir une somme encyclopédique ; le seul ouvrage moderne sur les dessins

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hollandais, celui de Bernt, reste une compilation impersonnelle11. Il manque sur le sujet un livre comme celui de L.-A. Prat sur le dessin français du XIXe siècle (2011). Chaque collection est façonnée par sa genèse. Collections créées par un seul homme (Bonnat à Bayonne, Hofstede de Groot à Groningue, Robert Lehman au Metropolitan Museum, et c’est en grande partie le cas de Grenoble grâce à Mesnard), collections qui croissent à travers des générations sous des princes et des conservateurs, collections dont le fonds principal est réuni lors d’une seule époque : Windsor et Chatsworth au XVIIIe siècle, le musée Teylers à Haarlem vers 1800, New York au XXe siècle. Comparer les dessins hollandais de Grenoble à d’autres collections peut faire ressortir plus consciemment la spécificité de chacune mais mène involontairement à une classification de championnat. À titre d’exemple, le musée de Besançon possède un important lot de dessins nordiques, dont une vingtaine de Jordaens, legs Gigoux 1894. Lille en a de beaux, inédits, d’autres se trouvent au musée Atger de Montpellier, mais on en compte peu en revanche à Lyon. Mais ne citons plus particulièrement que deux exemples. Le seul musée français dont les dessins hollandais fussent publiés récemment12 – mis à part les collections parisiennes publiées par Frits Lugt déjà entre 1927 et 1968 – est le musée Condé de Chantilly, un musée différent de tous les autres. Les dessins hollandais, au nombre d’environ cent soixante, furent réunis avec des moyens considérables par le duc d’Aumale (1822-1897), venant pour la moitié en bloc de la vente Reiset de 1861, plus tard en partie de la vente Visser de 1881 : un ensemble de chefs-d’œuvre bien balancé, riche en paysages et en scènes de genre paysan, avec deux Rembrandt, peu de maniéristes et peu de sujets historiques et religieux. L’autre exemple, moderne, qu’il est légitime d’évoquer à cet endroit, est la collection de Frits Lugt (1894-1970) conservée par la Fondation Custodia à Paris, qui consacra sa vie à l’art et à l’érudition : la plus extraordinaire collection de dessins hollandais – on ira jusqu’à dire la plus belle à tout point de vue – accumulée en cinquante années, comprenant six mille dessins dont deux mille cinq cents hollandais et flamands et trente mille gravures, acquis en grande partie entre 1914 et 1930. La sélection de cent trente feuilles hollandaises exposée en 1978 à New York et Paris13 en donne un panorama équilibré, thématique et évolutif, formé surtout de dessins achevés qu’on n’hésitera pas à qualifier de qualité suprême.

Dessins et peintures Revenons aux dessins de Grenoble. Que nous disent-ils par rapport à la peinture hollandaise ? Ils sont à la fois loin de nous donner un


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aperçu un tant soit peu fidèle du domaine entier de la peinture, et en même temps, ils peuvent nous renseigner à souhait sur ce qui précède et entoure la peinture. Par définition, le tableau est un produit accompli et définitif, alors que l’amplitude du dessin, on le sait bien, est beaucoup plus étendue, pouvant aller de l’esquisse rapide, indépendante, intime, non destinée à durer, à la feuille d’une finition méticuleuse. À de rares exceptions près (Honthorst, Van Ceulen, Bol), aucun des dessins hollandais de Grenoble n’est une pensée pour un tableau, ce qui ne correspond pas à la réalité de l’art hollandais. Les maîtres de peinture de figures préparèrent leurs tableaux par des dessins, à commencer par Abraham Bloemaert (quelque mille sept cents dessins connus, dont beaucoup d’études de tableaux). D’autre part, certains peintres importants n’ont pas dessiné (Hals, Vermeer, Pieter de Hooch), comme au contraire certains dessinateurs n’ont guère peint (Doomer, Huygens, Waterloo). Les dessins hollandais du musée nous portent tout naturellement à évoquer les tableaux des écoles du Nord réunis sous le même toit, publiés de manière exemplaire par Marcel Destot en 1994. Sans se recouper, les deux domaines finissent spontanément par se comparer, se faire écho et s’interpeller. L’image d’une collection se perpétue idéalement grâce à quelques œuvres maîtresses, auxquelles le souvenir d’autres œuvres de la collection peut s’accrocher. La collection de tableaux nordiques de Grenoble est en effet marquée par deux grands poids lourds, le retable de Rubens de Saint Grégoire (1607)14, et l’Adoration des Mages de Bloemaert de 162415, tous deux envoyés par le gouvernement en 1811, soit une décennie après la fondation du musée. Le premier, saisi à Anvers vers 1800, fut peut-être envoyé à Grenoble parce que le Louvre possédait déjà plus qu’assez de chefs-d’œuvre du maître flamand. Le second, emporté lors de la suppression des Jésuites en 1776 de Bruxelles à la galerie impériale de Vienne, passa de là en 1809 comme prise de guerre à Paris, mais à la suite du rapide rapprochement politique dû au mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche, il fut jugé plus prudent de l’éloigner de la vue en l’expédiant à Grenoble, où il resta effectivement caché dans les réserves pendant de nombreuses années avant sa redécouverte et sa restauration lors de l’ouverture du nouveau musée en 1994. Les 54 tableaux hollandais et 70 flamands de Grenoble, presque tous entrés au XIXe siècle, contiennent quelques autres pièces majeures, saisies à la Révolution ou achetées très tôt dans le XIXe siècle, telles que le retable de Caspar de Crayer, le Martyre de sainte Catherine, le Repas d’Emmaüs de Matthias Stom, les quatre natures mortes d’Osias Beert. D’autres tableaux hollandais remontent également à Louis-Joseph Jay, le premier directeur du musée dès 1799. D’où de

bonnes raisons pour Mesnard d’avoir voulu enrichir ce fonds alors presque centenaire par d’autres tableaux nordiques et surtout par la collection des dessins. Il donne ou lègue 21 tableaux hollandais et flamands au musée ; les hollandais, de qualité plus inégale, incluent quelques morceaux notables (une forêt de Roelandt Savery, une chasse de Jan van Ossenbeck). Toutefois, la gamme entière de l’art hollandais et flamand est plus largement étalée dans les tableaux que dans les dessins, puisqu’on trouve parmi les tableaux du musée de Grenoble de fort beaux exemples de retables (Theodoor van Thulden), de sujets religieux (Abraham Hondius), de portraits (Gerbrandt van den Eeckhout), de natures mortes (Jan de Heem), de paysages hollandais (Jacob Ruysdael, Meindert Hobbema) et italianisants (Breenbergh, Herman van Swanevelt, Willem de Heusch), ainsi que des figures et scènes de genre (Paulus Moreelse), des fleurs, des marines, un intérieur d’église (Anthonie Delorme). Manquent cependant, comme dans les dessins, les maniéristes, Rembrandt et son école, les classicistes, le XVIIIe siècle. Plusieurs musées français, dont ceux de Rennes, Orléans, Lille, Avignon, Dijon et Montpellier ont, durant ces vingt dernières années, publié comme Grenoble leurs dessins italiens. Pour les dessins hollandais et flamands, le musée de Grenoble fait acte de pionnier. Une mise en ligne de tous les dessins nordiques est projetée. On ne peut que se réjouir de la publication des trois catalogues des dessins italiens, français et nordiques, précédés en 2008 par celui sur les chefsd’œuvre dessinés du XXe siècle16. Notes 1. Je remercie de leur aide David Mandrella, l’auteur de ce catalogue, et Valérie Lagier, conservatrice en chef au musée de Grenoble. J’ai aussi bénéficié de la lecture du mémoire scientifique inédit de Sophie Laroche sur les dessins hollandais de Grenoble, 2012. 2. Abraham Bloemaert, L’Adoration des Mages, huile sur toile, 4,24 × 2,90 m, MG 87. 3. La collection en comprend six. 4. MG D 647. 5. Il y en a un de plus de 1641, MG D 646. 6. MG D 1467. 7. Jacob Jordaens, L’Adoration des bergers, huile sur toile, 2,55 × 1,75 m, MG 84. 8. Jacob Jordaens, Le Sommeil d’Antiope, huile sur toile, 1,30 × 0,93 m, MG 85. 9. Lagier, dans cat. exp. Grenoble, 2010, p. 11-15, avec référence à l’étude de S. Boubert de 1995. Voir aussi l’article Mesnard L. 4248 dans F. Lugt, Les Marques des collectionneurs…, en ligne. 10. E. de Goncourt, 1881, I, p. 36. 11. W. Bernt, 1957-1958 (705 figures), augmenté en allemand et en anglais en 1979-1980. J. van Gelder, 1959, reste un résumé sommaire. 12. Voir cat. exp. Chantilly, 2001-2002. 13. Voir cat. exp. New York et Paris, 1977-1978, et cat. exp. Bruxelles, Rotterdam, Paris et Berne, 1968-1969. 14. Pierre-Paul Rubens, Saint Grégoire pape, entouré de saints et de saintes, vénérant l’image miraculeuse de la Vierge à l’Enfant, dite de Santa Maria in Vallicella, huile sur toile, 4,77 × 2,88 m, MG 97. 15. Cf. note 2. 16. Voir cat. exp. Grenoble, 2008 (sous la direction de Guy Tosatto).

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Catalogue

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Les dessins allemands


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Ce petit dessin est une imitation des études de têtes d’Albrecht Dürer, peut-être une variante libre d’après son saint Pierre, représenté sur l’un des deux volets des Quatre apôtres de 15261. L’auteur de cette feuille a donné un aspect plus sombre au visage de l’apôtre, qui incarne le caractère flegmatique selon Erwin Panofsky. Ce dessin est caractéristique de la « Renaissance de Dürer », terme qui désigne le culte que l’on voue à l’artiste à la fin du XVIe siècle. Cette admiration et cette vénération pour Dürer connaissent leur apogée à Prague, dans l’entourage de Rodolphe II. Certains artistes, comme Hans Hofmann, le copient à la perfection. D’autres artistes européens tentent pareillement d’imiter son style, par exemple Hendrick Goltzius dans sa gravure illustrant la Circoncision de 1594. Nous situons le dessin de Grenoble vers 1600. Son écriture peu systématique est trop confuse pour être de Dürer ou de l’un de ses élèves. Dürer utilise en effet les différentes techniques avec plus de maîtrise et d’une manière plus graphique, comme le révèlent bien les têtes barbues connues de l’artiste, par exemple la Tête de Saint-Pierre de 1526, conservée au musée Bonnat de Bayonne. Le fait que la tête soit isolée, sans indication, même sommaire, du buste et des vêtements, tranche en faveur d’un imitateur. La collection de Grenoble conserve un autre dessin d’après Dürer (fig. 1.1). Intitulé Têtes de Marie et Joseph, il a été donné par un certain citoyen Bovier en 1799 et figure donc parmi les premières feuilles entrées dans le cabinet d’art graphique. L’iconographie en est étrange, Marie et Joseph sont en effet peu représentés de cette manière. Dans une peinture sur bois de Dürer, datée de 1509 et conservée au

musée Boijmans Van Beuningen à Rotterdam, le couple encadre l’Enfant Jésus qui est absent à Grenoble2. Connu depuis la fin du XIXe siècle, ce dessin a été très tôt exclu du catalogue des œuvres authentiques de l’artiste. Déjà le monumental recueil de ses dessins, rédigé par Friedrich Lippmann3 et comprenant neuf cent treize numéros, n’en faisait aucune mention. Ces deux œuvres, ainsi que le numéro suivant (cat. 2), représentent bien les efforts du musée pour présenter quelques dessins de la Renaissance allemande, tant prisés mais déjà très chers au XIXe siècle, en raison de l’intérêt des musées allemands et des collectionneurs privés. D. M.

1 Albrecht Dürer (imitateur d’) Nuremberg, 1471 – id., 1528

Tête d’homme barbu Pierre noire, rehauts de gouache blanche, trait d’encadrement à la plume et à l’encre noire sur papier vergé crème lavé en bleu H. 8 ; L. 6 cm Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins encadrés, no 27) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Lucas Cranach ou Dürer » (noms sous lesquels il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1458

1. Munich, Alte Pinakothek, Inv. no 545. 2. Rotterdam, Musée Boijmans Van Beuningen, Inv. 2447. 3. Le dernier volume est publié en 1929.

Fig. 1.1. Anonyme allemand, XVIe siècle, Têtes de Marie et Joseph (d’après Dürer), musée de Grenoble, MG 224

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2 Wolf (ou Wolfgang) Huber (entourage de) Feldkirch, vers 1485 – Passau, 1553

Paysage Plume et encre noire, trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune sur papier vergé beige H. 19,5 ; L. 15,6 cm Hist. : collection Giuseppe Vallardi, Milan (marque en b. à g., L. 1223) ; collection du chevalier A. D. d’Arache (neveu de G. Vallardi), Turin, sa vente, Paris, 10-15 décembre 1860, peut-être sous le no 250 (« Un lot de dessins par divers artistes des écoles flamande et allemande. Vingt-six pièces ») ou peut-être sous le no 108 (« Six dessins d’Albert Dürer ») ; legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2077) Bibl. : mentionné in Paris, 1984, no 208, p. 414, repr. en n. et b. (« dans le style de Wolf Huber » – sans notice) Attr. : entré dans la collection sous le nom d’« Éc. d’A. Dürer » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1465

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Né vers 1485 à Feldkirch, Wolf Huber est, avec Albrecht Altdorfer, le représentant le plus célèbre d’un groupe de paysagistes pour lequel Theodor von Frimmel a inventé en 1882 la belle désignation d’« école du Danube ». Actifs entre 1510 et 1550 dans le sud de l’Allemagne, dans une vaste région située entre le Danube et le bord des Alpes, ces peintres insèrent le plus souvent des sujets religieux dans des paysages grandioses et sauvages, aux reliefs accusés et aux couleurs chatoyantes. La grande sensibilité à la nature qui se lit dans les montagnes densément boisées, les forêts impénétrables et les rivières torrentielles sont le signe distinctif de cette école qui trouve ses origines dans certaines compositions d’Albrecht Dürer, comme le Saint Jérôme de Londres1, ou de Lucas Cranach dans sa période viennoise, au tout début du XVIe siècle. Le succès de cette école est considérable comme l’attestent bien les nombreuses copies peintes et dessinées dont font l’objet les œuvres principales de ces artistes. L’art du paysage en Europe connaît alors son apogée et, dans certaines œuvres, toute présence humaine disparaît, comme on peut le voir dans le Paysage avec le château de Wörth d’Altdorfer, à l’Alte Pinakothek à Munich2. Le paysage de Grenoble étudié ici, exécuté à la plume et à l’encre noire, est très équilibré et savamment composé. Les arbres pittoresques, comme le saule à gauche, sont reliés à l’arrière-plan montagneux et escarpé par un vaste pont aux multiples arches. Le rocher creusé est un élément emprunté aux œuvres de Léonard de Vinci, dont les paysages grandioses influencent les artistes européens depuis le début du XVIe siècle. Ce dessin est mentionné comme une œuvre « dans le style de Wolf

Huber »3, dans une exposition de 1984 à Paris, ce qui est juste car il s’agit d’une belle copie d’après l’artiste. Cependant, on ne connaît pas aujourd’hui le dessin original qui a servi de modèle. L’auteur de cette feuille utilise un jeu important de hachures parallèles, imitant à la perfection l’art de Huber, même si l’utilisation de la plume est ici plus sèche. L’artiste mêle l’observation sur le vif à une approche calligraphique et ornementale, ce qui marque surtout ses premières œuvres qui deviennent presque « romantiques » dans les années 1520. C’est à cette période qu’il faut situer l’original de la feuille de Grenoble, entre le Paysage au pont de 15154 et la Vue la ville de Feldkirch de 15235. Cette œuvre, malgré son caractère non autographe, complète bien l’ensemble des dessins de Huber conservés en France. Le Louvre possède deux portraits et le musée des beaux-arts de Lyon6, ainsi que l’École nationale des beaux-arts7, des études architecturales, ce qui signale le double intérêt de l’artiste pour la peinture et pour l’architecture. La feuille provient, selon sa marque de collection, du marchand et expert Giuseppe Vallardi (1784-1863), célèbre pour son codex contenant en grande partie des dessins de Pisanello, acquis par le Louvre en 1856 sous une attribution à Léonard de Vinci. Ce qui restait de cette collection a été dispersé à l’hôtel Drouot en 1860. D. M. 1. Londres, National Gallery, Inv. NG6563. 2. Munich, Alte Pinakothek, Inv. WAF 30. 3. Cat. exp. Paris, 1984, no 208. 4. Munich, Staatliche Graphische Sammlung, voir Heinzle, 1953, no 28, repr. 5. Londres, British Museum, Inv. 1883, 0714.101. 6. Voir cat. exp. Paris, 1965-1966, no 177, repr. (le dessin est daté de 1527). 7. Paris, École nationale des beaux-arts, Inv. M 55.


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Szilvia Bodnár (2007) ainsi qu’Emmanuelle Brugerolles et David Guillet1 ont fait tout récemment le point sur les dessins de cet artiste, originaire d’Ingolstadt en Bavière, et rendu à cette feuille sa juste attribution. Toute la carrière de Freisinger se déroule dans cette ville prospère. Il est curieux de constater que bien qu’il soit l’un des plus importants artistes bavarois, il n’a jamais été amené à travailler pour la cour du duc de Bavière à Munich. L’art de la capitale est dominé à l’époque par le Flamand Peter Candid (vers 1548-1628), peintre du duc Guillaume V depuis 1586. Freisinger a probablement voyagé en Italie, même si nous ne pouvons l’affirmer avec certitude : le style de ses dessins montre qu’il connaît bien l’art italien de son époque. L’artiste semble marqué par les œuvres des frères Zuccari, par le Parmesan ou encore par Cesare Nebbia. Il se souvient aussi, dans ses arrièreplans, des expériences de l’école du Danube et révèle, par ailleurs, une certaine familiarité avec l’art de l’école de Prague, notamment de Bartholomeus Spranger dont les élèves travaillent beaucoup en Allemagne du Sud. En 1583, Freisinger devient citoyen d’Ingolstadt et présente son chef-d’œuvre à la maîtrise. Il travaille beaucoup pour les églises de la ville, notamment pour les Jésuites qui y tiennent un important collège. Véritable centre de la Contre-Réforme au sud de l’Allemagne, cette école prestigieuse forme les élites du pays et aura comme élève le futur duc de Bavière, le redoutable et futur électeur Maximilien Ier. Environ soixante-dix dessins et cinq gravures de cet artiste sont aujourd’hui connus. La

feuille de Grenoble figure parmi les plus intéressantes, exécutée à la plume et rehaussée de blanc, ce qui lui confère un aspect très pictural. L’élégance des formes est remarquable, la mise en page magistrale. Le monogramme et la date suggèrent que l’œuvre est destinée à la vente. La Présentation de la Vierge au temple fait peut-être partie d’une série dédiée à l’histoire de la Vierge2. Il existe un dessin aujourd’hui conservé à la Kunsthalle de Brême, le Christ faisant ses adieux à sa mère, réalisé dans la même technique, de mêmes dimensions, qui a été également exécuté en décembre 15923. À juste titre, Bodnár en conclut que les dessins de Grenoble et de Brême font partie de la même commande. Une copie de cette feuille, avec des variantes, est conservée à la Staatsgalerie de Stuttgart4, tandis qu’un autre dessin, très proche de celui de Grenoble, est apparu en janvier 2013 sur le marché de l’art parisien (fig. 3.1). Il porte la marque de collection de Bernhard Funck, à Munich, et mesure 24,5 cm sur 19. Il est plus large que la feuille grenobloise et laisse penser que cette dernière a été coupée sur la droite. Les deux dessins, conservés à Stuttgart et sur le marché de l’art parisien, sont peut-être de la même main : leur conception est plus graphique et la technique rappelle davantage l’art de Dürer et de son école. D. M.

3 Caspar Freisinger Ochsenhausen, entre 1550 et 1560 – Ingolstadt, 1599

Présentation de la Vierge au Temple Plume et encre noire, lavis d’encre grise, rehauts de gouache blanche sur papier vergé beige très oxydé H. 23,8 ; L. 17 cm Filigrane : armoiries (type Heawood 499) Inscr. : monogrammé et daté en b. au c., à la plume et à l’encre noire : « CF Ingolstadt Boiern 1592 M. Dec : die 10. » Hist. : collection du pasteur et doyen Veith à Andelfinger, Schaffhausen, sa vente, 31 août 1835, p. 48, no 56 ; don de Léonce Mesnard en 1874 Cat. : 1874, no 522, p. 213, non repr. (inconnu, école allemande) ; 1878, no 522, p. 237, non repr. (inconnu, école allemande) ; 1884, no 522, p. 238, non repr. (inconnu, école allemande) ; 1891, no 643, p. 199, non repr. ; 1901, no 257, p. 235, non repr. (inconnu, école allemande) Bibl. : Thöne, 1940, p. 61, no 65 (lieu de conservation inconnu, « Prêtre bénissant devant le portail d’une église, derrière lui deux autres prêtres, devant lui une sainte et d’autres femmes et hommes. Dans l’arrière-plan une ville – 10” : 7+”. – Ann. (à la colonne) : CF Ingolstadii Biorn 1593 M. Dez. Die 10 ») ; Bodnár, 2007, p. 96 ; p. 98, no 6, repr. coul. ; p. 99 ; p. 101 ; p. 103 ; cat. exp. Paris, 2012-2013, p. 374-381, repr. p. 378, fig. 4 Attr. : entré dans la collection comme « anonyme allemand du XVIe siècle » ; Szilvia Bodnár , 2007 : Caspar Freisinger MG 631 / MG D 614

1. Voir cat. exp. Paris, 2012-2013. 2. Le 10 décembre, date inscrite sur la feuille, correspond à la fête de Notre-Dame-de-Lorette. 3. Cat. exp. Brême, 1998, p. 78, Inv. no 60/195. 4. Kaulbach, 2007, no 178 repr.

Fig. 3.1. Caspar Freisinger (entourage de), Présentation de la Vierge au temple, Paris, marché de l’art

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4 Mathijs van Somer (attribué à) Actif dans les Pays-Bas et en Allemagne et documenté entre 1648 et 1672

Frontispice Plume et encre noire, lavis d’encre grise, trait d’encadrement à la plume et à l’encre noire, verso entièrement couvert de pierre noire estompée sur papier vergé beige H. 15,2 ; L. 11,5 cm Inscr. : au c. du dessin, à la plume et à l’encre brune : « I. M. D : / Academia / Christ-Aposto / lica. / Daß ist : / Beschreibung des / Lebens Christi / und seiner Apostel » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2066) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sans attribution dans un lot de dessins allemands (section dans laquelle il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 939

Nous n’avons pas pu identifier avec précision l’auteur de ce frontispice mais il peut être attribué à Mathijs van Somer. Cet artiste, né dans les Pays-Bas, est surtout actif en Allemagne, après une brève période passée à Amsterdam. Il séjourne à Cologne en 1656 et travaille ensuite à Nuremberg (1656-1663), puis à Ratisbonne (1665-après 1667). Johann Alexander Boener est son élève à Nuremberg. Mathijs van Somer se distingue par des portraits de toutes les grandes personnalités allemandes de son temps et par ses illustrations de livres théologiques protestants. Un frontispice gravé peut être comparé à celui étudié ici : publié par Paul Fürst à Nuremberg en 1662, il décore un traité sur les prophètes de Johannes Michael Dilherr, pasteur à Nuremberg et auteur de plusieurs écrits théologiques1. La composition est également en forme d’arc de triomphe, décoré de médaillons présentant les prophètes avec leurs noms inscrits. À Grenoble, les prophètes sont remplacés par les têtes du Christ, de saint Jean-Baptiste, des évangélistes et des douze apôtres. Leurs noms sont également visibles dans les médaillons. Dans la partie basse de l’arc de triomphe s’inscrit une scène historique, représentant un Christ entouré de ses apôtres et d’une foule de fidèles, qu’il est difficile de déchiffrer avec précision. D’après son titre, le livre est une description de la vie du Christ et de ses apôtres. S’agit-il d’un livre protestant ? Probablement, car l’attachement à la véracité historique des évangiles est une particularité de la théologie réformée. On ignore tout de la parution de cet ouvrage mais les initiales de l’auteur (« IMD ») correspondent peut-être à celles de Johannes Michael Dilherr. Exécuté vers le milieu du XVIIe siècle, ce dessin de l’entourage de Mathijs van Somer s’inscrit stylistiquement dans l’esthétique du début du siècle, comme le montre bien le bossage aux larges refends des parois de l’arc. D. M. 1. Voir Hollstein German, 1949-2010, LXXII, no 279, repr.

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5 Georg Strauch Nuremberg, 1613 – id., 1675

Scène de la comédie de l’étudiant Cornelius Plume et encre noire, lavis gris, trait d’encadrement à la plume et à l’encre noire sur papier vergé crème H. 7,9 ; L. 13,4 cm Inscr. : en b. à g., à la plume et à l’encre brune : « G. St. f. » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, no 1957) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « J. Steen » (nom sous lequel il figure dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 708

Fig. 5.1. Jacob von der Heyden, Alea, Alea, Venus virosa Vacuna, inventa [...] Cornelius bin ich genant, allen studenten wollbekant, burin, planche 3 du Speculum Cornelianum…, Strasbourg, 1618, Bibliothèque nationale de France, cote 8-Z-15574 (1) – L2.40-A

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L’attribution de ce dessin, lors de son arrivée dans la collection du musée, au peintre hollandais Jan Steen n’étonne guère au vu du sujet représenté. Il semble au premier abord être ce que l’on a coutume d’appeler un « ménage à la Jan Steen » (huishouden van Jan Steen), en d’autres termes, un intérieur désordonné dans lequel une famille s’adonne, souvent joyeusement, à de vaines activités tandis que la maison va à vau-l’eau, tel qu’on en trouve à foison dans l’œuvre de l’artiste néerlandais. Les recherches entreprises sur le dessin de Grenoble ont toutefois permis de déterminer avec précision l’iconographie de la composition. Elle est tirée de la comédie Cornelius Relegatus écrite par Albert Wichgrev (vers 1575-1619) pour le jubilé de l’université de Rostock en 16001. Cette satire latine du parcours d’un étudiant qui échoue lamentablement en s’adonnant à tous les plaisirs que peut offrir la vie universitaire, loin du foyer familial dont il dilapide l’argent, aura un succès tel qu’elle sera rééditée dès 1601-1602 puis traduite en allemand par Johannes Sommer dès 16052. La comédie, qui brode manifestement sur le motif du fils prodigue3, donne rapidement lieu à des séries d’estampes illustrant certains de ses épisodes. La première, réalisée par le graveur de Nuremberg Heinrich Ullrich, est publiée à Strasbourg en 1608 puis reprise et élargie par l’artiste et éditeur strasbourgeois Jacob van der Heyden (1573-1645) en 1618 dans son Specu-

lum Cornelianum. Pugillus facetiarum iconographicarum4. Le graveur berlinois Peter Rollos donne en 1624 lui aussi une version de ces illustrations dans sa série de cinquante-huit estampes Vita Corneliana emblematibus5. Parmi les images qui illustrent l’histoire de Cornelius, celle qui eut incontestablement le plus de succès, et que l’on trouve abondamment jusqu’au XVIIIe siècle, est l’épisode représenté dans la feuille de Grenoble et figurant, avec diverses variantes mais une iconographie inchangée, dans les séries gravées6 (fig. 5.1). Cornelius, assis sur une chaise dans sa chambre désordonnée, reçoit la jeune femme qui vient lui présenter un enfant, fruit de leur union illégitime. Bien des détails de l’estampe concordent avec ceux que l’on aperçoit dans le dessin. L’étudiant porte son bras en écharpe, après une blessure reçue lors d’une rixe ; dans la pièce, les rats courent, là aux pieds du malheureux étudiant, ici sur sa table ; éparpillés au sol, le jeu de trictrac, les cartes, les raquettes de jeu de paume, la cruche renversée, les instruments de musique sont autant de témoins des débordements qui ont mené Cornelius à sa perte. Le personnage traçant des lignes à la craie sur la porte de l’étudiant est envoyé par le recteur : il y inscrit sa citation devant le tribunal universitaire (dans certaines versions, on peut lire la phrase dominus citatur ad rectorem) qui aura pour conséquence son renvoi de l’université (sa relegatio)7. Cette iconographie d’outre-Rhin a confirmé l’intuition que le dessin était de la main d’un artiste allemand. Le répertoire des monogrammistes de Nagler a permis de s’orienter vers Georg Strauch8 dont il s’est avéré que de nombreuses feuilles étaient signées avec le même monogramme à la forme caractéristique9. De plus, une feuille conservée au Metropolitan Museum à New York présente non seulement la même signature, mais encore une technique très similaire10. La série de onze dessins pour des Mois de l’année au Germanisches Nationalmuseum à Nuremberg permet de confirmer l’attribution à Georg Strauch (fig. 5.2)11. On retrouve ainsi, dans L’Allégorie du mois de janvier, la même attention portée aux détails du poêle, des vitres comme des vêtements. C’est peut-être pour l’édition d’une nouvelle série de la vie de Cornelius que Strauch a créé le dessin aujourd’hui dans les collections grenobloises. Si Dieter Beaujean n’a pas encore rencontré d’estampe tirée de ce dessin – ni de


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ceux des Mois de Nuremberg –, il pense qu’il pourrait bien s’agir d’une feuille préparatoire pour une gravure12. Georg Strauch a en effet fourni tout au long de sa carrière de très nombreux dessins pour des estampes : pages de titre, portraits, illustrations de livres. Cet artiste de Nuremberg particulièrement versatile a travaillé avec les meilleurs graveurs allemands de son temps13. Mais sa célébrité repose surtout à l’époque sur sa maîtrise de la peinture sur verre et sur émail qui lui vaudra les éloges du biographe Joachim von Sandrart dans sa Teusche Akademie14. Le dessin de Grenoble ne présente pas de trace de transfert sur une planche de cuivre (ni incisions ni pierre noire au verso) ; en outre ses petites dimensions n’en font pas seulement un modèle possible pour une gravure mais aussi pour une plaque d’émail. On sait en effet que cet épisode de la vie de Cornelius a orné une médaille de l’université d’Altdorf15 et a donc pu décorer un objet émaillé. Il n’est pas impossible, enfin, que le dessin n’ait eu aucune fonction préparatoire mais qu’il ait été produit par Strauch pour figurer dans l’album amicorum d’un étudiant. C. T.

1. Rasche, 2009, p. 188. 2. Cornelius relegatus. Eine newe lustig Comoedia…, Magdebourg, 1605. Pour les publications de la comédie, voir Rasche, 2009, p. 189, en particulier note 74. 3. Rasche, op. cit., p. 189. 4. Ibid., p. 188 et 190. Le Speculum Cornelianum combinerait en fait deux séries que Van der Heyden avait publiées en 1608 et 1617, voir Hollstein German, 1949-2010, XIIIA, 186 et Veldman, 2006, p. 241. 5. Hollstein German, 1949-2010, XXXV, 96-153. On peut d’ailleurs noter que son fils Peter Rollos II édite lui aussi une série sur Cornelius : Philotheca Corneliana…, Berlin, vers 1680 ; Hollstein German, 1949-2010, XXXV, 1-53. 6. Rasche, op. cit., p. 190. La plupart des dessins présentant cette même scène se trouvent dans des Stammbücher (alba amicorum) d’étudiants allemands. 7. Ibid., p. 195. 8. Nagler, 1919, III, no 384, p. 120. 9. Notamment deux portraits d’hommes inconnus, conservés à Nuremberg, au Germanisches Nationalmuseum, Graphische Sammlung, inv. Hz 4926, Kapsel-Nr. 570a et inv. Hz 5294, Kapsel-Nr. 570a. 10. Plume et encre noire, lavis gris, 7 × 6,3 cm, Gift of Harry G. Friedman, 1964, Inv. no 64.682.388. 11. Je tiens à remercier Dr Claudia Valter, conservatrice au Germanisches Nationalmuseum, de m’avoir envoyé des photos de ces dessins et fourni toutes les informations concernant leurs caractéristiques techniques et leur provenance. 12. Communications écrites des 22 et 24 juillet 2013. 13. Mahn, 1927, p. 46. 14. Sandrart, 1675-1680, II, livre 3, p. 373-374. Pour des objets décoratifs ornés de plaques d’émail peintes par Georg Strauch (notamment présentes dans des collections publiques françaises), voir Schiedlausky, 1965, p. 368-374. 15. Rasche, op. cit., p. 192 pour la médaille et passim pour les Stammbücher.

Fig. 5.2. Georg Strauch, Allégorie du mois de janvier, plume et encre noire, lavis gris, 11 × 6,7 cm, Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum, Graphische Sammlung, Inv. no StN 14071, Kapsel 1534b

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6 Johann Heinrich Roos Otterberg, 1631 – Francfort-sur-le-Main, 1685

Charrues démantelées Lavis d’encre grise sur dessin sous-jacent au graphite sur papier vergé beige clair H. 11,2 ; L. 18,9 cm Inscr. : signé en b. au c., au lavis d’encre grise : « JHRoos » (ligature des trois initiales) Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2069-2) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « H. Roos » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 794

Fig. 6.1. Johann Heinrich Roos, Vache couchée, musée de Grenoble, MG 1380-3

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Le cabinet d’arts graphiques de Grenoble conserve plusieurs dessins de Johann Heinrich Roos parmi lesquels nous présentons les trois œuvres les plus importantes, ces Charrues démantelées, un Bélier (cat. 92) et une esquisse de paysages (cat. 7). Johann Heinrich fait partie d’une grande famille de peintres spécialisés dans la représentation de scènes champêtres montrant des paysans, animées de chevaux, de vaches, de moutons et de chèvres. On recense au moins huit peintres issus de cette famille, actifs principalement en Allemagne, en Hollande et en Italie entre 1650 et 1800. De Johann Heinrich Roos, célébré comme le « Raphaël des peintres de bétail », on ne connaît d’ailleurs pas seulement des paysages champêtres, mais également quelques portraits. Le biographe Joachim von Sandrart fait son éloge dans son Academia1 (1683), notamment pour sa manière naturelle de traiter les paysages. Il possède dans sa collection onze peintures de la main de l’artiste ainsi que cent quinze dessins. Un peu plus tard, Arnold Houbraken ajoute dans son Schilderboek des connaissances précieuses sur la vie de Johann Heinrich, notamment sur sa formation à Amsterdam et atteste ainsi sa renommée en souhaitant lui donner une digne place parmi les artistes néerlandais2. Il rappelle à juste titre à quel point l’étude de l’art hollandais est décisive pour lui. Au début du XIXe siècle, Goethe vante encore le talent des Roos dans la représentation des animaux (cat. 92). Le changement de goût leur

sera fatal ainsi qu’à tous les peintres de genre pastoral, leurs œuvres idylliques étant jugées mensongères, décoratives et insignifiantes. Le mérite de leur réhabilitation dans l’histoire de l’art revient surtout à Hermann Jedding qui publie en 1955 et en 1998 deux livres fondamentaux sur cette famille d’artistes. Léonce Mesnard se distingue ici particulièrement par le fait d’avoir su acquérir, à son époque, des œuvres d’artistes ignorés qui sont aujourd’hui à nouveau fort recherchés. Né dans le Palatinat, Johann Heinrich Roos subit toutes les conséquences tragiques de la guerre de Trente Ans. Sa famille, calviniste, se réfugie à Amsterdam en 1640 et l’artiste se forme auprès des peintres animaliers hollandais. Ses maîtres sont Guilliam de Gardijn (vers 1597-après 1646 ; il ne faut pas confondre cet artiste avec Carel du Jardin), Cornelis de Bie et Barent Graat. Un voyage en Italie n’est pas documenté. En tout cas, l’artiste vit dès 1653 à nouveau en Allemagne où il entre au service de l’électeur du Palatinat. En 1667, ce peintre et dessinateur infatigable préfère s’installer avec sa famille à Francfort, ville commerciale lui permettant de mieux vendre ses productions. Il y meurt dans l’incendie de sa maison. Les Charrues démantelées datent vraisemblablement, selon l’écriture de la signature, des années 1665-1670 alors que la Vache couchée, elle aussi conservée à Grenoble (fig. 6.1) date d’avant 16603. La sûreté et la souplesse que Roos obtient dans sa manière de représenter paysans, bergers et bêtes à cornes, sont en effet remarquables. Les fonds du Kupferstichkabinett de Berlin4 et du Nationalmuseum de Stockholm5 le documentent abondamment. Le dessin de Grenoble fait partie d’un petit groupe qu’on pourrait rassembler sous l’appellation d’« instruments agraires ». Un bel exemple, exécuté un peu plus tôt, est conservé au Kupferstichkabinett de Berlin6. La monumentalité des objets décrits ici, les effets soignés de clair-obscur montrent que l’œuvre a été créée plus tardivement et que ses dessins intéressaient les amateurs, vraisemblablement ceux qui ne pouvaient pas acquérir ses peintures qui se vendaient à des prix considérables. D. M. 1. Partie II, livre III, p. 390 et suiv. 2. Houbraken, 1719, II, p. 277-279. 3. Voir Jedding, 1998, p. 119. 4. Voir cat. exp. Berlin, 1986-1987. 5. Voir Bjurström, 1972, nos 372 et 414. 6. Berlin, Kupferstichkabinett, Inv. no KdZ 6313, cat. exp. Berlin, 1986-1987, no 37a, repr.


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7 Johann Heinrich Roos Otterberg, 1631 – Francfort-sur-le-Main, 1685

Recto : Campement avec personnages et animaux Verso : Entrée d’un troupeau dans un village Plume et encre brune, lavis d’encre brune sur dessin sous-jacent à la pierre noire, trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune (ro), plume et encre brune, lavis d’encre brune sur dessin sous-jacent à la pierre noire (vo) sur papier vergé beige H. 22,3 ; L. 29,3 cm Inscr. : en h. au c., au graphite : « face » ; en h. à g., à la plume et à l’encre brune, fausse signature : « Rosa f. » ; au verso, en h. à g., à la plume et à l’encre brune, fausse signature : « Rosa f. » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d’un pivot, no 242)

Depuis son entrée dans les collections du musée, le dessin est attribué au fils de Johann Heinrich Roos, Philipp Peter, dit Rosa de Tivoli (1657-1706). Cet artiste est plus célèbre encore que son père, et Houbraken lui consacre plus de pages qu’à ce dernier1. Installé à Rome dès 1677, il habite à Tivoli entre 1685 et 1691 et ses tableaux animaliers, parfois proches de Castiglione, sont estimés un peu partout en Europe. Le dessin revient cependant à Johann Heinrich Roos : l’utilisation très rapide de la plume est caractéristique de son style et se retrouve dans ses études pour des compositions peintes. Tracé sur le recto et sur le verso, le dessin est proche de tableaux exécutés vers 1675, telle la Tente des vivandières dans un paysage montagneux à Spire2.

Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Rosa de Tivoli » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 379

Cat. 7 verso

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Roos se souvient ici de Pieter van Laer, dit « le Bamboche », artiste qui influence avec ses scènes populaires plusieurs générations de peintres. Loin des descriptions inquiétantes des premiers disciples de Van Laer (voir cat. 71), Roos confère à ses scènes un aspect idyllique. Le verso du dessin montre un troupeau paissant devant un village italien, un sujet sur lequel l’artiste réalise d’innombrables variations dans les années 1670 et 1680. Artiste du pittoresque, Roos puise à cette source durant toute sa vie. La virtuosité technique et les effets de clair-obscur dominent son œuvre qui prône la vie simple, chère aux poètes antiques Théocrite et Virgile. D. M. 1. Houbraken, 1719, II, p. 279-288. 2. Spire, Historisches Museum der Pfalz, voir Jedding, 1998, pl. 11, no 2.


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8 Georg Philipp Rugendas l’Ancien (attribué à) Augsbourg, 1666 – id., 1742

Quadrige impérial Plume et encre noire, lavis d’encre grise sur dessin sous-jacent au graphite sur papier vergé beige H. 14,5 ; L. 20,1 cm Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2055) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom d’« École allemande – Rugendas ? » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1502

Fils d’un horloger, membre d’une famille d’artistes installée à Augsbourg depuis le début du XVIIe siècle, Rugendas apprend d’abord la technique de la gravure auprès de son père avant de se consacrer à la peinture. Après un séjour à Vienne vers 1690, il est à Rome entre 1693 et 1695 et fréquente la Schilderbent, l’association des peintres nordiques. De retour à Augsbourg, il peint des batailles, des camps militaires et devient l’un des directeurs de l’académie de la Ville. Pour répondre à la grande demande de ses œuvres en Europe, Rugendas ouvre, comme Ridinger par exemple (cat. 9 et 10), une maison d’édition à Augsbourg. Peu de temps après sa mort, Johann Caspar Füssli lui consacre une monographie, parue à Zurich en 1758, ce qui atteste son importance. On ne peut qu’être étonné du goût qui guide Mesnard dans ses achats. Celui-ci s’intéresse en effet à des artistes complètement oubliés en France dans la seconde partie du XIXe siècle. Son souci encyclopédique se lit dans cette volonté de présenter des dessins de « toutes » les écoles et de toutes les époques dans sa demeure de Grenoble. Ce Quadrige, rangé parmi les anonymes allemands, mérite l’attention. S’agit-il d’une étude pour une fontaine, d’un projet pour l’orfèvrerie destiné à un surtout de table ? S’agit-il plutôt d’un projet de gravure ? Il est difficile de trancher. Les tapis de selles descendent à terre, comme si leur masse pouvait servir d’appui aux chevaux cabrés. Rugendas représente ici vraisemblablement l’empereur Joseph Ier et son épouse. Toute une série de gravures de l’époque est consacrée à des princes à cheval1. Il existe une certaine tradition du quadrige dans l’art germanique comme le montre la gravure de Matthias Merian, Ferdinand III sur un char, datée de 16382. D. M. 1. « Fürsten zu Pferde », voir Teuscher, 1998, nos 53-59. 2. Wüthrich, 1966, no 598, repr. 371.

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9 Johann Elias Ridinger Ulm, 1698 – Augsbourg, 1767

Rhinocéros Sanguine et traces de rehauts de craie blanche sur papier vergé brun préparé H. 14,4 ; L. 13,4 cm Inscr. : au verso, en b. à g., à la plume et à l’encre brune : « achete à Florence 1872 » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 2559, no 2057) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous les noms de « Ridinger ? ou bien Oudry » (noms sous lesquels il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1497

Fig. 9.1. Johann Elias Ridinger, Le Cerf mort, musée de Grenoble, MG D 1500

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Ridinger est avant tout un peintre animalier. Exact contemporain de Jean-Baptiste Oudry, il excelle dans les arts graphiques plus que dans la peinture. Son œuvre comprend mille six cents gravures et des centaines de dessins, acquis en partie en 1830 des héritiers de Ridinger par le marchand Weigel de Leipzig et publiés en 1856 par Thienemann. Le sens de l’observation de l’artiste est aussi juste que celui d’Oudry, ce qui a amené un certain Jacob Brückner à composer les vers suivants pour accompagner un autoportrait de Ridinger gravé par son fils Martin Elias : Wer hat das Thierreich so in seines Pinsels Macht ? Wer gibt des Schöpfers Hand in allem ihrem Pracht ? (« Qui tient autant le monde des animaux dans le pouvoir de son pinceau ? Qui donne autant de splendeur à la création divine ? »). Son immense créativité s’exprime aussi bien dans les scènes de chasse, très naturelles, que dans les scènes de genre galantes et les sujets militaires. Ridinger a produit aussi une grande variété de dessins animaliers, représentant les animaux de la forêt comme les animaux domestiques ou exotiques, et publie de véritables recueils scientifiques sur la faune. Il satisfait surtout les admirateurs de la nature en dessinant et en gravant les Quatre saisons des chiens, les Quatre moments du jour des cerfs et d’autres curiosités de ce genre. Grenoble possède tout un ensemble de ses œuvres, surtout des études d’animaux dont l’une des plus belles est Le Cerf mort (fig. 9.1). Entre le 18 mai et le 16 juin 1748, l’artiste a pu voir un rhinocéros à Augsbourg et il l’a dessiné à plusieurs reprises. Selon une inscription, portée sur un dessin vendu chez Sotheby’s à Londres, le 1er juillet 1991 (no 30), il aurait dessiné l’animal le 12 juin selon six angles différents. En effet, six dessins de l’animal ont été vendus au marchand Weigel par les héritiers de l’artiste1. Outre celui de la vente, exécuté à la pierre noire sur papier bleu qui a servi pour une gravure, deux autres feuilles du même motif et dans la même technique sont connues2. Un autre au moins a été vendu à Munich, les 3 et 4 novembre 1958 dans

un recueil d’animaux de Ridinger3. Le livre consacré à l’artiste par Mathias Goeritz, paru en 1941, reproduit une autre étude du même genre. Le dessin de Grenoble, exécuté à la sanguine, est donc le dernier connu montrant cet animal. Le rhinocéros est représenté de face, s’appuyant contre un arbre. Il y a une petite imprécision dans la tête comme si l’animal avait bougé durant l’exécution du dessin. L’animal que Ridinger a dessiné a fait fureur en Europe4. Appelé Miss Clara (ou le rhinocéros hollandais), il arrive en Hollande en 1741, en provenance d’Inde et est la propriété d’un capitaine en retraite, H. David Douwe Mout van der Meer. Durant des années, il voyage dans une cage spéciale à travers l’Europe, d’abord dans le Saint-Empire, puis en France – l’animal est à Paris le 3 février 1749 et Oudry le dessine à plusieurs reprises – avant de faire le tour de l’Italie et de l’Angleterre. Miss Clara meurt, selon les légendes inscrites sur certaines gravures, en avril 1758, à Londres. T. H. Clarke, spécialiste des rhinocéros, conclut (avec l’humour propre à son pays) : No obituary notice has been found in London newspapers (« Aucune notice nécrologique n’a été trouvée dans les journaux londoniens »). Outre la gravure citée plus haut, Ridinger en a réalisé d’autres avec ce même motif : une gravure colorée montrant un rhinocéros bondissant, ou encore un combat d’éléphant et de rhinocéros. Ce même animal est aussi visible dans l’arrière-plan d’une gravure d’Adam et Ève. Peut-être l’artiste voulait-il montrer à quel point la célèbre gravure sur bois de Dürer datée 1515, tant répandue en Europe et fixant l’image-type de l’animal, était fausse et demandait à être corrigée (Dürer n’avait jamais vu l’animal de ses propres yeux mais l’avait dessiné d’après une esquisse envoyée de Lisbonne). D. M. 1. Thienemann, 1856, p. 280, no 11. 2. Voir Clarke, 1984, p. 624-626, Clarke, 1986, p. 52-55. 3. Le no 1, le catalogue l’illustre à la page 8 mais la notice ne précise pas la technique. 4. Voir Loisel, 1912, II, p. 11, 50-52, 278-280, et Clarke, 1986, p. 47-68.


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10 Johann Elias Ridinger Ulm, 1698 – Augsbourg, 1767

Chasse au faucon Plume et encre noire, lavis d’encre grise sur dessin sous-jacent au graphite, trait d’encadrement partiel à la plume et à l’encre noire sur papier vergé beige lavé de sanguine H. 5,4 ; L. 14,6 cm Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2059) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Ridinger » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1499

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Cat. 10

La seule tentative de dresser le catalogue raisonné de l’œuvre de Ridinger revient à Georg August Wilhelm Thienemann en 1856. Cet auteur publia également une belle biographie de l’artiste, écrite par un ami en 1764 et corrigée par Ridinger en personne. Formé par son père, qui modèle des petites figures dans ses moments de loisir, et par un peintre local (Christoph Rech), Ridinger poursuit ses études à Augsbourg chez Johann Falch, peintre animalier et de nature morte. Il passe ensuite trois années à Ratisbonne, invité par le comte Metternich où il participe à de nombreuses chasses. Il achève sa formation à Augsbourg chez Georg Philipp Rugendas et s’y installe, en fondant ses propres éditions. En 1759, il devient directeur de l’Académie municipale. Son art est marqué par l’observation d’après nature et une véritable prise de distance avec le langage allégorique de ses contemporains d’Augsbourg. Thienemann cite plusieurs chasses au faucon de sa main, exécutées dans la même technique, à la plume et au lavis, une

série de vingt-cinq gravures intitulée Jaeger und Falkoniers mit ihren Verrichtungen1 et de nombreux dessins2. Des faucons y chassent des oies ou encore des canards comme dans le dessin étudié ici, où on aperçoit à l’arrière-plan un héron capturé. Un autre dessin de Ridinger conservé à Grenoble présente des véhicules transportant du bois dans la forêt (MG D 1498). La collection est au demeurant particulièrement riche en dessins d’Augsbourg, ville qui possède de nombreux éditeurs actifs surtout dans la reproduction de peintures ou d’œuvres décoratives : citons par exemple le dessinateur, miniaturiste, graveur et éditeur Johann Esaias Nilson qui se distingue surtout par ses gravures de scènes de genre, de portraits et pour ses riches inventions ornementales3. L’artiste succède à Ridinger en 1769 à la tête de l’Académie de peintures d’Augsbourg. D. M. 1. Thienemann, 1856, nos 113-138. 2. Thienemann, 1856, p. 275, no F, et p. 285, nos 17,22. 3. Portrait d’une religieuse, MG D 938.


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Cette feuille, jusque-là inédite, est entrée au musée en 1902 sous une attribution à Giovanni Lanfranco. La vue en raccourci, qui en fait incontestablement une composition pour un plafond, dut rappeler les fameux décors à fresque du maître émilien. Par l’identification du thème iconographique, peu répandu en Italie, il a été possible de replacer ce dessin dans la sphère germanique et de le mettre en relation avec la fresque peinte par Johann Christian Thomas Wink pour la coupole centrale de la petite église bavaroise d’Egling an der Paar, dont il constitue une étude directement préparatoire. Né à Eichstätt en 1738, Wink est peu connu en France ; il est pourtant le fresquiste et le peintre de retables le plus important en Bavière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Après un apprentissage à Eggenfelden, auprès d’Anton Scheidler, puis dans sa ville natale, auprès de Jakob Feichtmayr, il s’installe successivement à Augsbourg et à Freising. En 1759, il se rend à Munich où il est chargé de concevoir des projets peints pour le théâtre de cour et des cartons de tapisserie pour la manufacture princière, avant de devenir en 1769 peintre de la cour du prince électeur Maximilien III Joseph. En 1770, il est l’un des fondateurs de l’école de dessin – et future académie – de la ville. Parmi les nombreux cycles peints à fresque qu’il réalise dans les châteaux et églises des environs de Munich, celui de l’église d’Egling est sans conteste le plus abouti. La petite ville bavaroise est située à 25 km à l’ouest de Munich. En 1767, sur l’ordre de l’abbé d’Ettal Bernhard II1 commence la reconstruction complète de la petite église paroissiale après l’effondrement accidentel du clocher gothique. Le chantier architectural dure jusqu’en 1769, date à laquelle peut commencer la décoration intérieure du nouvel édifice. L’abbé confie le travail des stucs à Thassilo Zöpf, stucateur originaire de Wessobrunn, et l’intégralité de la décoration peinte à Thomas Wink, qui vient tout juste d’être nommé peintre de la cour de Munich et possède déjà

une certaine renommée. Celui-ci y conçoit un cycle iconographique complet consacré aux épisodes de la légende de saint Vitus2, patron de l’église. D’origine lucanienne, Vitus serait né en Sicile (Légende dorée de Jacques de Voragine). Persécuté par son père à cause de sa foi chrétienne, il s’enfuit avec son précepteur Modeste et sa nourrice Crescence, gagnant l’Italie à bord d’un bateau dirigé par un ange. À Rome, dénoncé comme chrétien à l’empereur Dioclétien, il est successivement plongé dans un chaudron d’huile bouillante, jeté dans la fosse aux lions et finalement pendu avec ses deux compagnons. La popularité de saint Vitus dans les pays de langue germanique, notamment en Bavière et en Bohême où son culte se répand dès le Moyen Âge et où de nombreuses localités portent son nom, tient à ce qu’il fut incorporé au XIVe siècle dans le groupe des quatorze saints intercesseurs (Vierzehn Nothelfer). Thomas Wink s’attelle dans un premier temps aux fresques du chœur, qui montrent la gloire du saint, accueilli au ciel par la Sainte Trinité. La peinture du compartiment chantourné surmontant la nef est datée, elle, de 1773 et retrace les moments de la vie du saint où Dieu éprouve sa fidélité (fig. 11.1). Chronologiquement, les épisodes se lisent à partir du côté sud de la nef : on reconnaît sans peine la fuite hors de Sicile du jeune Vitus, accompagné de Crescence et Modeste. Puis l’ordre des supplices est interverti, de sorte que la préparation du martyre dans un chaudron d’huile bouillante (fig. 11.2) constitue la scène principale de l’ensemble, située dans l’axe de la nef, celle qui s’impose au regard du fidèle dès son entrée dans l’église. Le compartiment se présente comme une sorte de panorama dont tous les accessoires et éléments fixes du décor – architectures, arbres, mât du bateau, lances et enseignes – orientent la vision vers le point central de la voûte, figurant la divine Providence accompagnée d’une gloire d’anges et d’angelots tenant des couronnes de lauriers. Cette lecture symbolique, qui s’élève

11 Johann Christian Thomas Wink Eichstätt, 1738 – Munich, 1797

Le Martyre de saint Vitus dans un chaudron d’huile bouillante Vers 1769 Plume et encre brune sur trait sous-jacent au graphite, lavis d’encre brune, aquarelle, rehauts de gouache blanche, traces de pastel bleu, trait d’encadrement au graphite en haut et sur les côtés, sur trois feuilles de papier vergé beige assemblées verticalement, arrondies dans les angles inférieurs, puis remises au format rectangulaire par l’ajout de fragments de papier vergé beige H. 30,6 ; L. 40,6 cm Filigrane : grappe de raisins, en dessous des lettres (?) et une seconde grappe (?), fragmentaire (type Churchill 529 ou Heawood 3523 ?) Inscr. : au verso, en b. au c., au crayon graphite : « Martir des Vitus » ; au verso, en b. au c., au crayon graphite : « 197 » ; au verso, en h. à d., au crayon graphite : « 18 » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3551, no 1413) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Lanfranc ? » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 2211

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Cat. 11

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Fig. 11.2. Johann Christian Thomas Wink, Le Martyre de saint Vitus dans un chaudron d’huile bouillante (détail), Egling an der Paar, église paroissiale

du registre terrestre (courant à la base du compartiment) au registre céleste (au centre de la voûte), trouve son point d’aboutissement dans la fresque du chœur. Les scènes de la vie du saint sont à la fois séparées et reliées entre elles par des éléments de décor servant de coulisses à un ensemble construit comme une scène de théâtre3. Le dessin de Grenoble, que l’on peut dater vers 1769, fixe les grandes lignes de la composition finale. L’artiste a préparé le format de sa feuille suivant les contours chantournés du compartiment de la voûte. Les figures repoussoirs du premier plan (femmes, soldats, enfants) forment la base d’un triangle. À droite, le saint revêtu d’une cuirasse et drapé d’une toge, les mains ligotées derrière le dos, est mené à son supplice par un soldat romain. Autour de l’immense marmite, des sbires portent les fagots destinés à alimenter le feu. Dans le registre céleste, deux anges tiennent la palme du martyre et la couronne de la victoire. Plus haut, la figure de la Providence, portant la croix et entourée d’anges, termine la composition. La fumée qui s’élève du chaudron d’huile bouillante se mêle aux nuées, reliant les deux registres. Les personnages se caractérisent par leurs extrémités effilées et schématiquement dessinées. Le frémissement des contours, tracés d’une

plume large et nerveuse, confère sinon une brusquerie du moins une impression de rapidité à un dessin pourtant très travaillé. Cette impétuosité du trait, qui se retrouve dans les esquisses à la plume de l’artiste, rappelle l’art d’un des élèves et suiveurs de Sebastiano Ricci, Gaspare Diziani, qui collabore à la décoration de la résidence de Munich dans la seconde moitié du siècle4. Les rehauts d’aquarelle au niveau des drapés, comme l’utilisation du lavis pour le rendu des ombres et des musculatures, confèrent parallèlement un caractère très pictural et contrasté à cette feuille. Ces caractéristiques permettent de déduire le statut d’une telle feuille, destinée à être soumise par l’artiste à l’approbation du commanditaire en charge de la maîtrise d’ouvrage. De légères variantes entre la feuille de Grenoble et l’exécution finale à fresque attestent l’authenticité du dessin : nous sommes bien en présence d’une étude préparatoire et non d’une copie plus tardive. On peut noter, par exemple, la modification des couleurs des vêtements ou l’ajout de certains personnages. Mais l’artiste a surtout cherché à adapter sa composition au format ovale de la voûte et aux exigences de la peinture sur une surface courbe. Il a donc étiré vers le centre la zone du registre céleste, lui conférant dans la fresque une importance

Fig. 11.1. Johann Christian Thomas Wink, Scènes de la vie de saint Vitus, Egling an der Paar, église paroissiale

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Cat. 12

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plus grande. L’effet d’éclaircissement progressif des teintes et le mouvement tourbillonnant des nuées vers le centre y sont aussi plus accentués. Wink modifie par ailleurs légèrement la direction du palmier pour lui faire jouer un rôle analogue à ceux des éléments de décor des trois autres scènes : sa cime pointée vers le centre est mise au service d’une perspective très marquée, suggérant un effet d’aspiration hors de l’architecture réelle, vers un espace céleste vertigineux. La vue da sotto in su, stratégie visuelle importée d’outre-monts et fort développée dans l’aire germanique à la suite du père Pozzo, témoigne de l’assimilation des modèles italiens et notamment de ceux des grands décorateurs vénitiens, comme Sebastiano Ricci et Giambattista Tiepolo, tout en conservant les traits propres au grand décor allemand au XVIIIe siècle : goût pour les effets baroques des nuées, mouvement ascendant, obscurcissement de la palette. La dominante colorée de bruns, de verts et de rouges tend à assombrir la touche claire, aérienne, scintillante qui distingue les compositions vénitiennes. Mais la tradition baroque de la décoration plafonnante définie plus haut se combine ici avec des orientations plus classiques. Les costumes à l’antique, la silhouette d’un palais à l’ordonnance classique en arrière-plan et surtout l’inscription stricte de la composition dans son cadre, qui brise

Suisse d’origine, Anton Graff s’est formé dans le sud de l’Allemagne, à Augsbourg et à Ansbach. Il s’installe à Dresde en 1766 et travaille à l’Académie, comme Dietrich à la même période (cat. 13). Il participe activement à la renaissance de la vie culturelle saxonne qui a beaucoup souffert durant la guerre de Sept Ans (17561763). Dès le XVIIIe siècle, ce peintre, miniaturiste et graveur, est considéré comme l’un des portraitistes les plus célèbres d’Allemagne. Ses portraits des grandes personnalités allemandes du siècle des Lumières, sur fond neutre, se distinguent par une recherche de vérité et de sincérité. Il nous a laissé, sans doute, l’ensemble le plus impressionnant dans ce domaine. Le dessin de Grenoble, inédit, représente un véritable enrichissement de l’œuvre d’Anton Graff. Il prépare un autoportrait conservé à la galerie de l’université de Leipzig1 dont il existe une version au Kunstmuseum de Bâle2. Le portrait de Leipzig a été commandé par l’éditeur

l’effet illusionniste dynamique des décors baroques où l’espace feint se confond avec l’espace réel, sont autant d’éléments qui tendent à ancrer la composition de Wink dans la phase de transition menant au néoclassicisme. On s’explique assez mal la présence de ce dessin dans le fonds graphique du musée de Grenoble. On peut imaginer qu’en faisant l’acquisition de cette feuille Léonce Mesnard pensait compléter sa collection de dessins italiens ou, hypothèse plus probable, que la feuille dut se trouver fortuitement, au moment de la vente, dans un lot de dessins dont seuls certains intéressèrent le collectionneur. Dans tous les cas, cette feuille, unicum dans les collections grenobloises, est d’autant plus précieuse que les musées français sont pauvres en dessins allemands religieux du XVIIIe siècle. Par ailleurs, si certaines grandes institutions allemandes (Kunstsammlung d’Augsbourg, Germanisches Nationalmuseum à Nuremberg, Staatsgalerie à Stuttgart) conservent, de la main de Wink, un grand nombre d’esquisses à la plume de petit format, nous sommes ici en présence, à ma connaissance, de la seule feuille de présentation conservée pour cet artiste. S. L. 1. Bernard II, abbé d’Ettal de 1760 à 1779. 2. Ce saint est connu en France sous le nom de saint Guy. 3. Pour une analyse précise de l’iconographie du cycle, voir Bauer et Rupprecht, 1976, p. 54-62. 4. Voir cat. exp. Stuttgart, 1984, no 78, p. 44-45.

Philipp Erasmus Reich en 1772 et notre dessin doit donc dater de la même époque. Cette feuille, exécutée à la pierre noire avec quelques rehauts de craie blanche sur papier bleu, est une rare preuve du talent de l’artiste visible en France. La sûreté du trait et le regard éveillé du modèle sont caractéristiques de son style. Au cours de sa vie, l’artiste a réalisé pas moins de quatre-vingts autoportraits, dont certains sont aujourd’hui conservés à la Gemäldegalerie de Dresde3. En 1787, Graff s’est représenté dans un dessin de la Graphische Sammlung de Leipzig4, stylistiquement très proche de celui de Grenoble, malgré les quinze années qui les séparent5. D. M. 1. Leipzig, université, Inv. 1913, no 467, voir cat. exp. Leipzig, 1986, p. 62, no 41, repr., voir aussi Berckenhagen, 1967, no 480. 2. Bâle, Kunstmuseum, Inv. 259. 3. Voir Brand, 1962. 4. Leipzig, Graphische Sammlung, Inv. I. 526. 5. Cat. exp. Leipzig, 1986, no 43.

12 Anton Graff Winterthur, 1736 – Dresde, 1813

Autoportrait Pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier vergé bleu H. 42,4 ; L. 31,4 cm Inscr. : au verso, au c., au graphite : « Maler Graf » ; au verso, en b. à d., au graphite, annotation en partie illisible : « gris – filets » ? ; au verso, en h. à d., au graphite : « Portrait du peintre Graff (Antoine) de Winterthur (1736-1813) » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d’un pivot, no 234) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Graff (Antoine) (1736-1813) » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1490

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13 Christian Wilhelm Ernst Dietrich Weimar, 1712 – Dresde, 1774

Paysage Graphite et pierre noire sur papier vergé beige clair H. 24,2 ; L. 21,1 cm Filigrane : fleur de lis Inscr. : en h. à d., à la plume et à l’encre brune : « Dietricy » Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2046) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Dietrich » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1473

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Il est impossible de se faire actuellement une image de la variété et de la richesse de l’art de Dietrich. Celui-ci signe dès 1732 ses œuvres « Dietricy », vraisemblablement pour italianiser son nom et rendre ainsi sa production plus attractive sur le plan commercial. Son œuvre comprendrait environ deux mille tableaux et des milliers de dessins. En 1731, Auguste le Fort le nomme peintre de la cour de Saxe, ce qui lui assure très rapidement une renommée européenne. Dietrich travaille toutes les techniques, s’essaie à tous les styles et aborde tous les sujets. Il se montre parfois proche de Rembrandt, de Watteau, plus tard de Rubens, adoptant même parfois la manière des artistes hollandais italianisants. Si cet éclectisme l’a rendu suspect aux yeux de la postérité, le fait de se mesurer aux maîtres et de savoir les imiter à la perfection est plutôt considéré à son époque comme une qualité. Après un voyage en Italie en 1743-1744, il devient inspecteur de la Gemäldegalerie de Dresde. Aux yeux de ses supérieurs, sa connaissance de tous les styles lui offre la possibilité d’acquérir des peintures du passé et de savoir les restaurer. Élève de Johann Alexander Thiele, Dietrich reçoit une première formation de paysagiste.

La feuille de Grenoble témoigne avec éclat de son talent dans ce domaine et ce dès le début de sa carrière1. Étudié d’après nature et légèrement tracé à la pierre noire, le dessin représente un chemin dans la forêt, bordé d’arbres et de rochers habilement disposés. Toute sa vie, Dietrich dessine d’après nature, à la pierre noire, en se servant de petits traits sinueux qui révèlent son goût pour le pittoresque. Parmi les nombreux dessins du maître conservés au Louvre, deux paysages exécutés à la pierre noire sont très proches de la feuille de Grenoble : l’un est signé et daté de 1749 (Inv 18.569), l’autre également signé est daté de 1757 (Inv. 18.554). Représentant les environs de Dresde, la feuille de Grenoble se situe vraisemblablement à la même période. Un autre paysage, contemporain de celui du musée de Grenoble, signé de la même manière, est conservé au palais des beaux-arts de Lille (Inv. 3071). La signature, peut-être autographe, illustre la renommée de Dietrich. Preuve de son talent, on le nomme en 1764 professeur pour la peinture de paysages à l’Académie de Dresde. D. M. 1. Voir Schnitzer, 2002-2003, p. 95-99.


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Cat. 13

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14 Johan Georg Wille (attribué à) Bieberthal, 1715 – Paris, 1808

Paysage pittoresque Plume et encre noire, lavis d’encres brune et grise, aquarelle, double trait d’encadrement à la plume, à l’encre noire et à l’encre brune, répété à deux reprises, sur papier vergé beige H. 24 ; L. 32,7 cm Filigrane : intiale « B » suivie d’un triangle (?), fragment Inscr. : en b. au c., sous le dessin, à la plume et à l’encre noire : « Das alte Schlos Herienberg. » Hist. : mode et date d’entrée inconnus, probablement collection L. Mesnard Bibl. : inédit Attr. : figure dans la collection comme « anonyme allemand XVIIIe s. » MG D 1511

Cat. 14

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Wille s’installe à Paris en 1736 où il devient rapidement un graveur recherché, notamment dans le domaine du portrait. L’artiste grave et dessine beaucoup d’après ses propres créations et joue un rôle important comme interprète du goût pittoresque ainsi que pour la diffusion en France de la peinture des écoles du Nord. Il se distingue aussi comme marchand d’art, conseillant une clientèle internationale dans ses achats1. Ami du Paris des Lumières – fort jeune, il se lie avec son voisin Denis Diderot, encore inconnu du public –, il forme de nombreux élèves, issus notamment des pays germanophones. Wille est agréé à l’Académie royale en 1755 comme graveur, reçu en 1761 et conseiller en 1786. Il connaît de grandes difficultés matérielles durant la Révolution, après avoir perdu

sa clientèle aristocratique française et étrangère, notamment allemande, qui n’ose plus venir à Paris. Ses nombreux dessins idylliques, montrant des paysans dans la campagne devant des ruines, datent des années 1750. Celui de Grenoble devrait se situer à cette période. On peut citer, parmi les œuvres très proches, Le Petit Pêcheur à la ligne, vendu à Versailles le 25 avril 1971 (no 55), signé et daté de 1759, le Paysage avec des ruines, signé et daté de 1757 ou encore le Paysage avec un enfant courant vers son père, signé et vendu comme le précédent à Paris, le 29 octobre 1980 (nos 142-143). Exécuté à la plume et au lavis, le dessin de Grenoble est seulement « attribué à » car le cercle de Wille – il a formé soixante-dix élèves environ – travaille dans la même manière que


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le maître, et les confusions sont nombreuses. Pourtant, les petites lignes sinueuses exécutées à la plume pour figurer les montagnes et la végétation, l’utilisation libre du lavis correspondent bien à ce que fait Wille au début de sa carrière et dans ses dessins des années 1750. C’est au début des années 1760 que Wille se détourne de plus en plus de ces paysages acadiens, jugés trop artificiels, pour se tourner vers le paysage réaliste, inspiré de l’art hollandais. Il parcourt les environs de Paris pour dessiner d’après nature, parfois accompagné de

ses élèves, choisissant souvent comme motif des ruines réelles, l’abbaye de Saint-Maur ou le château de Montfort-l’Amaury, par exemple. Conservée parmi les anonymes allemands, la feuille de Grenoble porte une inscription qui identifie le site avec le château de Herrenberg. Si ce château existait bien en Souabe, entre Stuttgart et Tübingen – il n’en reste presque plus rien aujourd’hui –, la description du site ne correspond pas à la réalité. D. M. 1. Voir Decultot, Espagne et Werner, 1999.

15 Franz Edmund Weirotter Innsbruck, 1730 – Vienne, 1771

Paysage avec une cabane en ruine Pinceau et lavis d’encre brune, rehauts de gouache blanche sur dessin sous-jacent à la pierre noire sur papier vélin bleu préparé H. 8 ; L. 20,2 cm Hist. : legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 2016) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Veirotter ? » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard)

Cat. 15

Dessinateur, graveur et peintre prolifique, Weirotter est un élève de Jean-Georges Wille, comme le dessin de Grenoble le montre bien. Formé dans un premier temps à Vienne, il entre ensuite au service de l’électeur de Mayence Johann Friedrich Karl, avant de s’installer entre 1759 et 1763 à Paris. En 1766, après un séjour à Rome où il rencontre Winckelmann et Füssli, et une seconde période à Paris, il devient professeur de dessins de paysages à l’Académie de Vienne. Cette institution conserve la plus grande collection de son œuvre, trois cent quatre-vingt-cinq dessins originaux et des contre-épreuves. Weirotter a également beaucoup gravé, notamment d’après les dessins de Pieter Molyn. Les réminiscences des paysages hollandais du XVIIe siècle sont évidentes ici. Les chaumières en ruines de Bloemaert (cat. 18), de Van Goyen (cat. 21) ou encore les gravures de même sujet de Rembrandt sont des précieuses

sources d’inspiration pour ce genre de composition. Wille et son cercle alimentent le marché de l’art parisien avec des œuvres « néohollandaises » et pittoresques, surtout destinées aux collectionneurs qui ne peuvent pas payer les prix exorbitants des peintures et dessins originaux du XVIIe siècle. Le dessin date sans doute du premier séjour parisien de Weirotter. Après son retour de Rome, son style évolue au contact de Fragonard et Hubert Robert. On peut comparer le dessin de Grenoble avec La Petite Chaumière, dessin à la plume et à l’encre brune, vendu à Paris à l’hôtel Drouot, le 27 mai 1987 (no 127). Le lavis et la gouache blanche sur papier bleu augmentent le pittoresque et la préciosité de la feuille. Le musée de Grenoble possède une autre feuille, un paysage plus conforme à ce que fait l’artiste, précis dans les détails et soigné dans l’exécution (fig. 15.1). D. M.

MG D 1507

Fig. 15.1. Franz Edmund Weirotter, Paysage forestier avec une cabane au fond, musée de Grenoble, MG D 1508

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16 Johann Heinrich Müntz Mulhouse, 1727 – Cassel, 1798

Grande cascade sur le Weissenstein Plume et encre brune, lavis d’encres brune et grise, très légère mise au carreau au graphite, trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune sur papier vergé beige clair composé de trois morceaux de papier découpés et recollés ; feuille collée en charnière à gauche sur une autre feuille de papier vergé beige, elle-même collée en charnière à gauche sur papier vergé beige fort H. 12 ; L. 18,5 cm Filigrane : Pro Patria, fragment Inscr. : au verso du premier feuillet, en h. au c., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « Brouillon d’esquisse de Vue prise sur le Weissenstein, grande nouvelle / cascade – jeudi 8 juin 1790 – ce jour le Prince de Waldeck / sur le Weissenstein, avec son frère pour voir jouer / les Eaux./ L’Eau fait Chute de 100 pieds. Les arches ont 30 pieds d’ouverture en hauteur, la Maçonnerie / dessus 6 pieds, hauteur totale 36 pieds. » ; en b. à d., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « Vue sur la nouvelle grande cascade / sur le Weissenstein, prise sur le chemin / à 200 pas de la Chute visant en nord-ouest. / 8 juin 1790. avant midi. J.H : Müntz. » ; au recto du deuxième feuillet, en h. au c., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « Description pittoresque et topographique du Weissenstein / et Carlsberg, auprès de Cassel, avec l’Histoire naturelle de ce / local interressant et rénomé [sic]. » ; au verso du deuxième feuillet, en h. à g., à la plume et à l’encre brune : « cinquième esquisse » ; en h. à d., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « Vue sur la nouvelle grande cascade / sur le Weissenstein, prise le long du chemin qui i mene en / venant du Bassin du grand jet, et a peu près 130 pas de distance / nord au pied de la hauteur du Temple d’Apollon » ; en b. à g., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « L’Eau fait chute d’à peu près / 100 pieds. Les arches une hauteur / vue de 30 pieds, en tout 36 pieds / La Tour s’élève encore 20 pieds par-dessus » ; en b. à d., à la plume et à l’encre brune, de la main de l’artiste : « Esquissé le 8 et 12 juillet 1790 avant midi, visant en nord-ouest. J. H. Muntz Major du roi de Pologne » ; au verso du papier de montage, au c., à la plume et à l’encre brune, barrée, annotation illisible Hist. : mode et date d’entrée inconnus, probablement collection L. Mesnard Bibl. : inédit Attr. : figure dans la collection sous le nom de « Johann Heinrich Müntz » MG D 1494

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Johann Heinrich Müntz est un dessinateur, graveur, architecte et peintre de paysages. Artiste voyageur, il travaille dans les domaines les plus variés. Une monographie, faisant le point sur l’activité de ce peintre dans les différents pays où il réside, reste à écrire même si Teresa Badenoch1 lui a consacré une thèse en 1986, inédite, ainsi que différents articles. Müntz commence sa carrière en Espagne et la poursuit à Rome où il vit entre 1749 et 1753. À partir de cette période, il s’intéresse aux vases et aux urnes et concrétise cet intérêt en réalisant des recueils sur ce sujet jusque dans les années 17802. En 1753, il est à Nantes comme officier français et séjourne ensuite en Angleterre. Il travaille alors pour Horace Walpole, exécutant des portraits, des scènes de genre et des paysages à Strawberry Hill tout en exposant à la Société des artistes. Il publie à Londres en 1760 un traité sur la peinture à l’encaustique et rédige A Course of Gothic Architecture. Il figure parmi les pionniers du mouvement néogothique et construit vers 1760 quelques monuments dans ce style. On lui doit vraisemblablement la cathédrale dans les Kew Gardens tout comme des fabriques inspirées de l’architecture orientale3. Après être tombé en disgrâce auprès de Walpole, il voyage dans le Moyen-Orient et en Grèce puis s’installe dans les Pays-Bas vers 1766 où il s’intéresse à la métallurgie tout en poursuivant ses recherches sur la gravure. Sa présence est attestée en Pologne entre 1778 environ et 1785. Il y porte le titre de « major du roi de Pologne » qu’il conserve par la suite. Proche du souverain Stanislas Poniatowski, il accompagne celui-ci dans ses voyages, dessinant des paysages, notamment de la Podolie, aujourd’hui en Ukraine4. Il travaille aussi comme architecte et trace en particulier les plans de la résidence royale à Korsún. Le dessin de Grenoble s’inscrit dans la dernière période de son activité, à Cassel. Le landgrave Guillaume IX prend le pouvoir en 1785 et fait bâtir l’année suivante le château de Wilhelmshöhe, conçu par Simon Louis du Ry, à la place de l’ancienne résidence de Weissenstein. Le landgrave aménage aussi entièrement le parc du château pour le transformer en jardin anglais. Heinrich Christoph Jussow, successeur de Du Ry depuis 1788, est l’architecte de cette immense entreprise et c’est lui qui, entre 1788 et 1791, construit l’aqueduc visible sur ce

dessin de Müntz. Ce monument de 200 mètres de long est une ruine artificielle, construite sur des arcades entièrement en basalte. L’endroit où l’eau se déverse dans la vallée est en plus signalé par une tour. L’intégration harmonieuse de la ruine dans le paysage et les jeux d’eau cascadant figurent parmi les attractions de ce site gigantesque, aménagé et façonné par la main de l’homme. L’artiste enregistre les transformations du jardin dans un album de dix-neuf aquarelles, intitulé Dessins de Müntz de Wilhelmshöhe, exécuté entre 1786 et 1793 et conservé à la Museumslandschaft Hessen Kassel. Le dessin inédit de Grenoble est préparatoire à une des feuilles de l’album5. Teresa Badenoch a consacré une étude à ce volume en 1986 et constate que l’ordre des dessins suit une visite imaginaire6. Müntz voulait-il publier ces feuilles ? Ou étaient-elles destinées au landgrave ? Ce n’est qu’après la mort de l’artiste que son étudiante et héritière, Karolina Stumpfeld, vendra l’album à Guillaume IX. La feuille étudiée ici, exécutée entre le 8 et 12 juillet 1790, lors d’une visite du prince de Waldeck, est datée du même jour que l’aquarelle de Kassel. Dans l’arrière-plan du dessin grenoblois, on voit surgir le fameux Hercule du Karlsberg, supprimé sur la version aboutie de Kassel. De nombreuses inscriptions accompagnent le dessin préparatoire de Müntz ce qui révèle une grande attention aux détails et un soin particulier apporté à son recueil. La littérature autour du jardin de Wilhelmshöhe est considérable depuis quelques années7. Pourtant, le rôle de Müntz dans ce réaménagement reste difficile à cerner ainsi que son activité à Cassel. L’artiste signe en tout cas le dessin de Grenoble « Major du roi de Pologne », ce qui indique qu’aucun nouveau titre ne lui a été décerné par le landgrave. Peut-être ses connaissances dans le domaine des jardins anglais l’ont-elles amené à travailler comme conseiller de ce dernier à Cassel, après avoir quitté Poniatowski lors d’un séjour en Italie ? En 1802, en tout cas, un monument est érigé en son honneur par J. C. Ruhl, près de Wilhelmshöhe (disparu aujourd’hui). D. M. 1. Aujourd’hui Teresa Watts. 2. McCarthy, 1977, p. 339. 3. Voir Watts 1994, p. 42. 4. Voir Budzínska, 1982. 5. Museumslandschaft Hessen Kassel, Inv. 6.2.389. 6. Badenoch, 1986, p. 50-61. 7. Becker et Karkosch, 2007, Stubbe, 2009.


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Cat. 16

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17 Martin von Molitor Vienne, 1759 – id., 1812

Paysage avec un homme et un enfant Pinceau et lavis d’encre brune sur papier vergé crème H. 12,1 ; L. 18,1 cm Inscr. : au verso, en b. à g., au graphite : « Molitor » ; au verso, au c., au graphite : « Molidor » ; au dos de l’ancien montage, au graphite, annotation en langue allemande en partie illisible : « Martin v. Molitor / Gebirgslandschaft (…) 2 Figuren / (…) / H. 4 «6» » (…) Hist. : collection Adolf von Heydeck (dit Poussin-Heydeck), sa vente, Leipzig, 25 mai 1857 et jours suivants, no 1438 (« Martin von Molitor. Gebirgslandschaft, im Vorgrund zwei Figuren. Bister. Aufgezogen. Breite 6 Z., Höhe 4 Z. 6L. », marque au verso de l’ancien montage, en b. à d., L. 2519) ; legs Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3559, no 1985) Bibl. : inédit Attr. : entré dans la collection sous le nom de « Molitor » (nom sous lequel il est classé dans l’inventaire de la collection L. Mesnard) MG D 1493

Peintre et dessinateur viennois, Martin von Molitor excelle dans l’art du paysage dessiné. Il exécute surtout des gouaches – en partie sur papier bleu – et on ne connaît que peu de tableaux de sa main. En 1779, il étudie à l’Académie des beaux-arts de Vienne auprès du paysagiste Johann Christian Brand. En 1784, il devient membre de l’Académie mais refuse par la suite d’y enseigner pour se consacrer entièrement à son œuvre. En 1803, le comptoir viennois pour l’art et l’industrie lui paie un séjour au Tyrol et il entreprend ce voyage avec son élève Jacob Gauermann. L’Österreichische Galerie conserve un curieux tableau de sa main, montrant une forge dans une vallée du Tyrol (Inv. 9694). Le paysage idéal occupe une place de choix dans son œuvre. Dans le dessin présenté ici, cette idéalisation du site se traduit par une atmosphère douce et harmonieuse et un enchaînement progressif des plans. Pourtant, Molitor travaille à une époque où le paysage naturel prend de plus en plus d’importance, comme le montrent ses nombreux dessins d’après nature, à la mine de plomb ou à l’aquarelle. Depuis l’enseignement de Weirotter à l’Académie de Vienne, dès 1767, les élèves sortent avec leurs professeurs dans la nature pour y faire des études1. Molitor tente donc dans ses dessins finis cette synthèse entre le paysage idéal et les éléments naturels inspirés des sites autrichiens. L’œuvre idyllique et pittoresque exposée ici illustre bien cette tentative de lier étroitement les deux traditions opposées. Cette feuille délicate a appartenu à Adolf von Heydeck, dit Poussin-Heydeck, un collectionneur allemand. Son admiration pour le paysage classique du XVIIe siècle, et en particulier les œuvres de Gaspard Dughet dont il possédait une grande collection, explique son surnom. Le paysage de Molitor montre que le collectionneur était donc aussi sensible à l’évolution du paysage classique à la fin du XVIIIe siècle. D. M. 1. Voir cat. 15 et voir Weinkopf, 1783, p. 95, note 22, et Ekelhart-Reinwetter, 1986, p. 38.

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L E S DE SSI N S A L LE MAND S

Cat. 17

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