Légendes des mers L’art de vivre à bord des paquebots
Commissariat : Dorian Dallongeville Clémence Ducroix Dominique Marny Robert Rocca Scénographie : Frédéric Beauclair
© Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © Ville d'Évian, Palais Lumière, 2013 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination éditoriale : Frédérique Potier Conception graphique : Loïc Lévêque Contribution éditoriale : Karine Forest Iconographie : Caroline Gibert Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
ISBN 978-2-7572-0667-6 Dépôt légal : Juin 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)
Légendes des mers L’art de vivre à bord des paquebots
Ce livre accompagne l'exposition Légendes des mers, l'art de vivre à bord des paquebots, présentée au Palais Lumière à Évian, du 15 juin au 23 septembre 2013
PALAIS LUMIÈRE Ville d'Évian
Remerciements
Marc Francina, député-maire d’Évian, Denis Ecuyer, adjoint au maire chargé des grandes expositions à Évian, le conseil municipal, Dorian Dallongeville, Clémence Ducroix, Dominique Marny et Robert Rocca, commissaires de l’exposition, adressent toute leur gratitude à : Éric Giuily, président de l’association French Lines (Le Havre) Gérard Lhéritier, président du Musée des Lettres et Manuscrits, Pascal Fulacher, conservateur et Estelle Gaudry, commissaire des expositions temporaires Annette Haudiquet, conservateur en chef du musée d’Art moderne André Malraux (Le Havre), Virginie Delcourt, attachée de conservation – chargée des collections Vianney de Chalus, président de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre, Marie-Anne du Boullay, chargée de mission patrimoine culturel et artistique Bernard Cauvin, président-directeur-général de la Cité de la mer (Cherbourg), Virginie Beaufrère, responsable de la muséographie et de l’offre culturelle William Aubry, président de l’Association pour un musée maritime et portuaire (Le Havre), Catherine Feuillepain Michel Foubert Michel Perrin Franck Senant Pour leur collaboration à l’édition du catalogue : Bernard Chevojon Jean-Paul Gourévitch Roland Mouron Jean-Marie Peyrot des Gachons Jean-Baptiste Schneider Claude Simon Ainsi que toutes les personnes qui, à divers titres, ont apporté leur soutien à ce projet : Abed Azrié, Pascal Bierre, Laure Bouscasse, Nancy Chauvet, Anne-Marie Conte, Pierre Commenge, Benjamin Diot, Chantal Druez, Yannick Gendrot et Pauline Maillard Cette exposition est réalisée avec le soutien des Amis du Palais Lumière et plus particulièrement celui de son président, Olivier Collin Membres bienfaiteurs : Olivier Collin Philippe Ducreux, Lunéa groupe Marie Vandelinden Rotary Club Evian Thonon Amis de la Fondation Pierre Gianadda
Membres de soutien : Sophie Soulier, le Traiteur des Gourmets Monique De Stoutz Jean-Alexis Bouvier René Lehmann, agence Lehmann immobilier André Demann Noël Duvand Jacques Baud Marie-Laure Dupourque Bernard Fumex, notaire Marie-Josephe Ecuyer Marie-Claude Georget Françoise Tochon, SELARL A R T Véronique Nicole Jagstaidt Sébastien Weber
Mécénat
Grâce au mécénat de particuliers, d’entreprises et de plusieurs institutions, trois œuvres emblématiques du patrimoine maritime français ont pu être restaurées à l’occasion de l’exposition Légendes des mers : le portrait d’Émile Péreire, fondateur avec son frère de la Compagnie générale transatlantique, peint par Charles Martin-Sauvaigo (18811970, peintre de la Marine) ; le portrait de Félix Roussel, président de la Compagnie des Messageries maritimes de 1914 à 1925 ; et la maquette-diorama de la salle à manger de la première classe du paquebot Liberté, réalisée en 1955 par Rosane Brussaux et Odile Sousselier. Pour leur contribution à ces restaurations, l’Association French Lines tient à adresser ses plus chaleureux remerciements à : Pierre AURIACOMBE Jean-Pierre BAUVIN Georgette et Henri BELUGOU Jean-Michel BERGOUGNIOU Benoît BERTRAND André BIGNAULT Jean-Yves BONIS Gloria CHATELAIN Jacqueline CLERC Germaine COGAN Agnès et Jean DALLONGEVILLE Marc DEBRAY Henri FERRAND Catherine FEUILLEPAIN Annie et Daniel GAZUIT Thibaut GAZUIT Philippe GUILBERT Marie-Claire HARDOUIN Véronique HUBERT Vincent LE PORT Huguette MAIRESSE-HUBER Jean-Claude MARCIACQ Pierre MONNET Jean POULAIN Damien QUILLE Gilbert REGNAULT Jean-Louis SAMPIC Jean-Baptiste SCHNEIDER Claude VILLERS — Office de Tourisme de l’Agglomération Havraise Escal’Atlantic - Saint-Nazaire Beaufils S.A.S. Charpente et couverture – Saint-Étienne Orfèvrerie Ercuis Société Générale – Groupe du Havre Association de l’Hirondelle de la Manche Marie-Fernand - Cotre pilote du Havre - 1894 ORPI - Y.S. Immobilier - Le Havre Musée de la Marine de Mindin - Saint-Brevin-les-Pins — ainsi qu’à tous les donateurs ayant souhaité rester anonymes.
French Lines
Créée en 1995 au moment de la privatisation de la Compagnie générale maritime, l’association French Lines a pour mission la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine des compagnies maritimes françaises. Dans ses réserves du Havre et de Marseille, elle conserve un riche patrimoine issu notamment des fonds historiques de la Compagnie générale maritime, de la Compagnie des Messageries maritimes, de la Compagnie générale transatlantique et de la Société nationale maritime Corse Méditerranée. Ce patrimoine est constitué de plus de 6 km d’archives, de 80 000 photographies, de 300 films et d’une collection de milliers d’objets et d’œuvres d’art (sculptures, peintures, dessins, gravures, affiches, meubles, maquettes, orfèvrerie, céramiques, objets techniques…) qui racontent plus de 150 ans d’histoire de la marine marchande française. La grande richesse de French Lines est d’avoir pu conserver dans un même fonds l’ensemble des archives, de l’iconographie et des collections des compagnies, ce qui lui permet de proposer une vision complète et approfondie de tous les thèmes liés à cette histoire : histoire sociale, des transports, de la construction navale, de la colonisation, du développement du tourisme, des emménagements de navires et des arts décoratifs… Depuis 17 années, French Lines fait vivre et connaître ce patrimoine dans toute la France et à l’étranger, grâce à des publications, des projections, des expositions, et par l’intermédiaire de son site Internet www.frenchlines.com.
Préface
Cet été, le Palais Lumière nous invite à prendre l’air du large à l’occasion de l’exposition Légendes des mers. Évoquer à Évian l’âge d’or des transatlantiques, l’idée est plutôt insolite mais pas si saugrenue, le Palais Lumière est, depuis quelques années, habitué aux voyages de toutes sortes. Ancré en bord de lac depuis plus d’un siècle, tel un gros navire coiffé de son dôme-phare, il était tout désigné pour nous accompagner dans la redécouverte de ces lointains horizons et de ses fastes. On trouve de nombreuses similitudes entre cet âge d’or et l’essor qu’a connu Évian en particulier, à la fin du xixe et du début xxe siècle, époque à laquelle les têtes couronnées, les hommes politiques, les grands industriels et les artistes et écrivains avaient coutume de se retrouver dans leurs belles demeures ou dans les grands hôtels qui offraient le luxe, le divertissement et le raffinement qu’ils recherchaient. Légendes des mers, l’art de vivre à bord des paquebots nous plonge au lendemain de la première guerre mondiale, à une époque où cette même clientèle fortunée avide de luxe, de confort, de modernité rêve aussi de lointaines destinations. En France, la Compagnie générale transatlantique et la Compagnie des Messageries maritimes lancent sur les mers des paquebots dont les noms et les silhouettes s’inscriront dans la légende. Rien n’est alors jugé trop beau par les dirigeants des compagnies pour contenter et fidéliser cette clientèle de luxe. Les compagnies misent sur l’art de vivre et font appel aux artistes de renom pour aménager et décorer leurs navires. Architectes, décorateurs, peintres, affichistes, orfèvres et artisans-verriers unissent leur créativité et leur expérience pour que ces palais flottants demeurent inégalables. À travers un parcours jalonné de projections et de sonorisations, l’exposition témoigne d’un âge d’or où le plaisir faisait partie intégrante du voyage. Riche de 350 pièces (peintures, dessins, affiches, maquettes, mobilier, costumes, orfèvrerie, ouvrages illustrés, manuscrits, photographies…), elle est réalisée en partenariat avec l’Association French Lines, et bénéficie également de prêts du Musée des Lettres et Manuscrits, de la C.C.I. du Havre, du musée Maritime et portuaire du Havre, du musée d’Art moderne André Malraux-MuMa Le Havre et de collectionneurs privés. Je me réjouis de ces nouvelles et fructueuses collaborations et j’en profite pour remercier chaleureusement l’ensemble des prêteurs qui ont permis à ce projet de voir le jour. J’en profite pour saluer également le travail d’investigation des quatre commissaires d’exposition, Dorian Dallongeville, Clémence Ducroix, Dominique Marny et Robert Rocca, ainsi que Denis Écuyer, adjoint à la Culture pour son investissement. Je remercie enfin le Département de la Haute-Savoie et la Région Rhône-Alpes de leur soutien. Je suis persuadé que cette belle et grande exposition réussira son pari de nous transporter et nous faire rêver, tout comme elle contribuera à ouvrir de nouveaux horizons à l’espace d’exposition du Palais Lumière. Marc Francina Maire d’Évian Député de la Haute-Savoie
Sommaire
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L'ÂGE DES PAQUEBOTS DE LIGNE
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HISTOIRE D’UNE NAUFRAGÉE
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L’INVITATION AU VOYAGE : L’AFFICHE DE PAQUEBOTS
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BLAISE CENDRARS
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RÉCRÉATION EN MER
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SHIP SOCIETY
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LUXE, ÉLÉGANCE ET RAFFINEMENT DE LA TABLE : L’ART DE RECEVOIR
Clémence Ducroix
Estelle Gaudry
Jean-Paul Gourévitch
Robert Rocca
Dominique Marny
Dominique Marny
Dorian Dallongeville Jean-Baptiste Schneider
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MENUS PLAISIRS
Jean-Baptiste Schneider
L'ÂGE DES PAQUEBOTS DE LIGNE Clémence Ducroix
« EMPORTANT, DANS LE BRUIT DES AQUILONS SIFFLANTS, DIX MILLE HOMMES, FOURMIS ÉPARSES DANS SES FLANCS, CE TITAN SE RUA, JOYEUX, DANS LA TEMPÊTE » Victor Hugo, Vingtième siècle, Pleine mer, La Légende des siècles, 1re série, tome 2
Reproduction d’une estampe représentant l’inauguration du canal de Suez (Égypte), le 17 novembre 1869, en présence de l’impératrice Eugénie, vers 1950 De Manceau, Patrick (1901-1980) Imprimé Association French Lines, Le Havre
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« LES BATEAUX NE PARTENT PAS QUE DES PORTS, ILS S’EN VONT POUSSÉS PAR UN RÊVE… » Erik Orsenna, L’Entreprise des Indes
Pendant près de 200 ans, les paquebots postaux ont sillonné toutes les mers du globe. Immenses et magnifiques, ils ont incarné les innovations et les conquêtes industrielles, le monde du progrès toujours croissant, ainsi que les fastes de la civilisation occidentale issue du xixe siècle triomphant.
LES PIONNIERS DES LIGNES POSTALES À l’origine de ces fabuleux navires on trouve au début du xixe siècle le besoin croissant de communications et d’échanges, de courrier, d’hommes et de marchandises entre les différents continents. À ce besoin la révolution industrielle apporte une réponse : la machine à vapeur. En libérant le navire des contraintes météorologiques la vapeur lui apporte une régularité encore jamais connue. Le steamer part, quel que soit le temps, et la date de son arrivée est prévisible. Pour assurer le transport du courrier, les États européens et les États-Unis créent tout d’abord des services assurés par leurs propres marines. Ces transports se révèlent vite coûteux et les gouvernements imaginent de les confier à des entreprises privées, en échange de subventions qui compensent les surcoûts engendrés par les servitudes du transport postal : régularité, sécurité et performance. La traversée de l’océan Atlantique devient à ce moment-là un enjeu crucial. C’est l’océan le plus complexe à traverser à la vapeur. Il faut embarquer tout le charbon nécessaire pour faire 5 500 km sans escale. Mais les États-Unis sont en plein développement économique et démographique et les besoins d’échanges avec l’Europe vont croissant. La création d'une ligne postale transatlantique subventionnée devient urgente.
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Port de New York (États-Unis) depuis le pont de Brooklyn, milieu du xixe siècle Anonyme Photographie Association French Lines, Le Havre Reproduction d’une estampe représentant le premier départ du paquebot Hellespont (Messageries maritimes), le 9 septembre 1851, vers 1950 De Manceau, Patrick (1901-1980) Imprimé Association French Lines, Le Havre
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Paquebot Pausilippe (Messageries maritimes), entre 1857 et 1872 Anonyme Photographie Association French Lines, Le Havre Paquebot Washington (Compagnie générale transatlantique, 1864-1899), avec roues à aubes (avant 1868) Basile, Maurice (1890-1962) Maquette Association French Lines, Le Havre
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Paquebot Nil (Messageries maritimes), entre 1864 et 1874 Anonyme Photographie Association French Lines, Le Havre
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L’INVITATION AU VOYAGE : L’AFFICHE DE PAQUEBOTS Jean-Paul Gourévitch
« JE NE PUIS VOIR LA MER SANS RÊVER DE VOYAGE » Émile Verhaeren, Les Forces tumultueuses
Cie Gle Transatlantique. French Line. Atlantique, Pacifique, Méditerranée, vers 1937 Colin, Paul (1892-1985) Affiche (détail) Association French Lines, Le Havre
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Au sens strict du terme, l’affiche de paquebots s’inscrit dans la catégorie du voyage collectif au même titre que l’affiche de chemins de fer ou l’affiche d’avion et à la différence de l’affiche d’automobiles ou de bicyclettes qui relève du voyage individuel. Mais s’il existe une abondante littérature illustrée sur le voyage ferroviaire ou aérien, la seule anthologie concernant l’affiche de paquebots est le luxueux Affiches des compagnies maritimes de Gabriele Cadringher et Anne Weallans (Citadelles & Mazenod, 2008). On peut y rattacher La mer s’affiche de Daniel Hillion (1990, réédition Ouest-France, 2001), des catalogues et brochures d’expositions comme Le Tour du monde par l’affiche et Entre mer et désert (French Lines, 2000), et quelques analyses picorées dans des anthologies de la publicité ou des monographies sur des paquebots de luxe comme France.
LA NAISSANCE DE L’AFFICHE DE PAQUEBOTS L’affiche maritime est issue d’une rencontre entre l’art et l’économie sociale. Le développement de la lithographie à partir de 1870 fait de l’affiche un art de la rue, innovant et coloré, porté par la fougue de ses quatre mousquetaires, Jules Chéret, « le Fragonard des palissades » (Degas), Alfons Mucha, la figure de proue de l’Art nouveau, Théophile Alexandre Steinlen, écartelé entre ses commanditaires bourgeois et ses opinions socialisantes, et Henri de Toulouse-Lautrec, peintre de la vie parisienne qu’il immortalise dans ses compositions graphiques. Vers la même époque, la mise en service de lignes régulières et sûres entre les continents cible une clientèle nouvelle. En plus des foules d'émigrants anxieux face au périls d'un océan vaste et imprévisible et d'un avenir incertain, des militaires, des fonctionnaires voyagent par nécessité de carrière
ET, SUR LE PONT SUPÉRIEUR, DES CHEFS D'ÉTAT, DES DIPLOMATES ET DES HOMMES D'AFFAIRE JOUISSENT DU CONFORT DES PREMIÈRES CLASSES ET SE BERCENT DE LA PROMESSE DES AILLEURS OÙ ILS VONT DÉBARQUER.
Couverture d'une brochure des Messageries maritimes sur l’Extrême-Orient, 1923 Méheut, Mathurin (1882-1958) Imprimé Association French Lines, Le Havre
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Cie Gle Transatlantique. Autocircuits nord-africains. Maroc AlgĂŠrie - Tunisie. Par auto de luxe Renault. Roues et pneus Michelin, 1922 Broders, Roger (1883-1953) Affiche Association French Lines, Le Havre
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En MĂŠditerranĂŠe par les Messageries maritimes, vers 1930 Galland, Gilbert (1870-1956) Affiche Association French Lines, Le Havre
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Cie Gle Transatlantique. P.L.M. Algérie, Tunisie. Marseille-Alger en 24 Hes, vers 1900 Le Quesne, Fernand (1856-1932) Affiche Association French Lines, Le Havre En Méditerranée par les Messageries maritimes, vers 1925 Sandy-Hook (Taboureau, Georges dit) (1879-1960) Affiche Association French Lines, Le Havre
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The Far East by Messageries Maritimes, vers 1937 Bouchaud, Jean (1891-1977) Affiche Association French Lines, Le Havre
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UNE JOURNÉE À BORD Au fil des décennies, la durée de la traversée entre l’Europe et le continent américain diminue. Normandie mettra à peine 5 jours pour rallier New York. Durant les parcours, il est nécessaire d’être inventif et d’éviter la monotonie. En première classe, le petit déjeuner est servi dans les appartements de luxe et les cabines. Un peu plus tôt, des grooms ont distribué L’Atlantique, le journal imprimé à bord : il contient les nouvelles du monde, ainsi que des renseignements pratiques quant au déroulement de la journée. En milieu de matinée débutent les activités intérieures et extérieures. On peut choisir de s’installer dans le salon d’écriture pour rédiger son courrier avant de l’emporter à l’agent des Postes. On peut lire dans la bibliothèque dont les étagères renferment de nombreux volumes, se rendre au salon de coiffure ou faire des achats dans les boutiques. On peut aussi prier dans la chapelle. Il s’est même déroulé un mariage dans celle du paquebot Ile-de-France. Si l’on ne craint pas le vent et les embruns, il est recommandé de s’installer dans les chaises longues afin de contempler le panorama.
POUR LES PLUS INTRÉPIDES, LES PROPOSITIONS SONT VARIÉES. LE TRADITIONNEL SHUFFLE-BOARD OU JEU DE PALET EST PRISÉ. ON Y JOUE SUR LE PONT OÙ UN DAMIER A ÉTÉ DESSINÉ. AINSI QU’AU DECK-TENNIS : AU-DESSUS D’UN FILET, LES ADVERSAIRES SE RENVOIENT UN ANNEAU EN CAOUTCHOUC. IL EST AUSSI PROPOSÉ DE S’ENTRAÎNER AU GOLF, D’ASSISTER À DES COMBATS DE BOXE. Quant à la natation, elle se pratique dans les différentes piscines. Au milieu de ces divertissements, les enfants ne sont pas oubliés. Ils bénéficient d’une salle de jeux où rien ne manque pour occuper leur temps, d’un guignol offrant des spectacles variés et d’une salle à manger où tout a été conçu pour leur agrément. Sans compter le manège dont ils profitent pendant que leurs parents vaquent à leurs occupations.
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Pont-promenade du paquebot Rochambeau (Compagnie générale transatlantique), entre 1911 et 1934 Sébille, Albert (1874-1953) Dessin Association French Lines, Le Havre Service sur le pont-promenade de la première classe à bord du paquebot Liberté (Compagnie générale transatlantique), vers 1950 Collin, Édouard (1906-1983) Dessin Association French Lines, Le Havre
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Service du thé sur le pont d’un paquebot de la Compagnie générale transatlantique, vers 1950 Collin, Édouard (1906-1983) Dessin Association French Lines, Le Havre Bibliothèque de la première classe à bord du paquebot Liberté (Compagnie générale transatlantique), vers 1950 Collin, Édouard (1906-1983) Dessin Association French Lines, Le Havre
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Jean Dunand, Le Chasseur de gazelles, après 1935 Panneau de laque, 171 x 142 cm Le Havre, MuMa, musée d’Art moderne André Malraux
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Passagers dans un appartement de luxe à bord d’un paquebot de la Compagnie générale transatlantique, vers 1927 Bourdier, Georges (sans date) Dessin Association French Lines, Le Havre
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Salle de spectacle du paquebot France (Compagnie générale transatlantique), vers 1962 Paulin, Maurice (1900-1986) Dessin aquarellé Association French Lines, Le Havre Salle à manger, bibliothèque/ salon de lecture et piscine de la classe touriste du paquebot France (Compagnie générale transatlantique), vers 1962 Paulin, Maurice (1900-1986) Dessin aquarellé Association French Lines, Le Havre
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Jardin d’hiver du paquebot Normandie (Compagnie générale transatlantique), vers 1980 Bortoluzzi, Patrice (1950-2004) Dessin Association French Lines, Le Havre Fumoir et salon Fontainebleau de la première classe du paquebot France (Compagnie générale transatlantique), vers 1962 Paulin, Maurice (1900-1986) Dessin aquarellé Association French Lines, Le Havre
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LUXE, ÉLÉGANCE ET RAFFINEMENT DE LA TABLE : L’ART DE RECEVOIR DORIAN DALLONGEVILLE JEAN-BAPTISTE SCHNEIDER
« CE NE SONT PAS LES TAPISSERIES DES GOBELINS QUI ATTIRERONT LES AMÉRICAINS À NOTRE BORD. C’EST LE CONFORT, UN SERVICE SOIGNÉ ET SURTOUT UNE BONNE TABLE COMPLÉTÉE PAR UNE BONNE CAVE » Jules Charles-Roux, président de la Compagnie générale transatlantique de 1904 à 1918, discours de lancement du paquebot France, 1910.
Salle à manger de la première classe à bord du paquebot France (Compagnie générale transatlantique), vers 1912 Condé (sans date) Imprimé Association French Lines, Le Havre
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L’ère des grands paquebots français n’a guère duré plus d’un siècle mais elle produisit de véritables monuments du savoir-faire national. L’émulation créée par la concurrence impitoyable que se livraient les compagnies européennes et américaines joua un rôle décisif dans l’émergence du confort à bord et de l’épanouissement du luxe.
PREMIERS PAS VERS L’EXCELLENCE La course au raffinement et à la qualité du service donna rapidement naissance aux « palaces flottants ». Albert Ballin, président de la compagnie allemande Hamburg-Amerika Linie (18991918), fut le premier à privilégier le confort des emménagements plutôt que la recherche de la vitesse. Pari osé à une époque où la course à la vitesse, incarnée par la célèbre conquête du Ruban bleu, occupait tous les esprits !
L’IDÉE ÉTAIT SIMPLE : ATTIRER AU MAXIMUM UNE CLIENTÈLE AISÉE PAR UN CONFORT ET UNE DÉCORATION JUSQUE-LÀ RÉSERVÉS AUX MEILLEURS HÔTELS. Albert Ballin fit appel à l’architecte français Charles Mewès pour participer aux emménagements du paquebot transatlantique Amerika. Mewès, qui contribua largement à l’avènement d’une hôtellerie de grand luxe, se fit notamment connaître en réalisant les hôtels Ritz de Paris (1898) et de Londres (1905). C’est ainsi qu’Amerika, mis en service en 1905, fut doté du tout premier restaurant à la carte, payant, largement inspiré du Ritz-Carlton Grill londonien et totalement indépendant de la salle à manger ordinaire des premières classes. Cette innovation dans la restauration proposée à bord des paquebots ne doit rien au hasard : l’art culinaire tient une place prépondérante lors d’une traversée ou d’une croisière. Les repas rythment chaque journée et les salles à manger sont aussi des espaces de sociabilité, dédiés tant à la satisfaction de tous les appétits qu’au divertissement des passagers.
PRIORITÉ AU CONFORT Aucune compagnie ne pouvait se permettre de négliger les emménagements des salles à manger. La Compagnie générale transatlantique l’avait bien compris. Dès sa création, elle joua la carte du luxe dans l’hôtellerie de bord. Les premiers navires de la Transat et ceux de la série dite des « provinces », aux dimensions encore modestes si l’on compare aux très grosses unités du xxe siècle, possédaient des espaces communs limités. La salle à manger des premières classes tenait souvent lieu de salon. Les passagers prenaient place autour de grandes tables communes, assis sur des fauteuils pivotants boulonnés au sol. Ce système ingénieux permettait à chacun de converser avec ses voisins et donc de « tenir salon ». Tel était encore le cas à bord du paquebot La Touraine (1890), dont le style Second Empire rencontra en son temps un succès au moins égal à celui d’Ile-de-France ou de Normandie dans les années 1930.
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Salle à manger de la première classe à bord du paquebot La Provence (Compagnie générale transatlantique) lors de son voyage inaugural en 1906 Anonyme Photographie Association French Lines, Le Havre
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Salle à manger de la première classe à bord du paquebot Amazone (Messageries maritimes), vers 1903 Anonyme Photographie Association French Lines, Le Havre
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Dîner offert par le commandant Blancart à bord du paquebot Ile-de-France (Compagnie générale transatlantique), le 19 octobre 1932 Standard Flashlight Co. (New York) Photographie Association French Lines, Le Havre
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