LE TEMPS LONG DE CLAIRVAUX (extrait)

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Dans la même collection L’Industrie cistercienne (XIIe-XXIe siècle) Actes du colloque international (Troyes, Clairvaux et Fontenay, 1er-5 septembre 2015), Arnaud Baudin, Paul Benoit, Joséphine Rouillard et Benoît Rouzeau (dir.), Paris, 2017. Les Pratiques de l’écrit dans les abbayes cisterciennes (XIIe - milieu du XVIe siècle). Produire, échanger, contrôler, conserver. Actes du colloque international (Troyes et Clairvaux, 28-30 octobre 2015), Arnaud Baudin et Laurent Morelle (dir.), Paris, 2016.

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Marie-Astrid Pourchet, assistée de Pauline Désert, Gabrielle Schmid et Caroline Puleo Conception graphique : Carine Simon Contribution éditoriale : Sandra Pizzo Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1083-3 Dépôt légal : janvier 2017 Imprimé en République tchèque (Union européenne) © Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © Conseil départemental de l’Aube, 2016

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Édité par Arnaud Baudin et Alexis Grélois

LE TEMPS LONG DE CLAIRVAUX NOUVELLES RECHERCHES, NOUVELLES PERSPECTIVES (XIIe – XXIe siècle)

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MEMBRES DU COMITÉ SCIENTIFIQUE ET LISTE DES INTERVENANTS Le colloque Le Temps long de Clairvaux. Nouvelles recherches, nouvelles perspectives (XIIe-XXIe siècle) a été organisé et financé par l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, avec le soutien de ses partenaires historiques (État/Ministère de la Culture et de la Communication et Département de l’Aube) et de ses mécènes, les maisons de champagne Fleury (Courteron) et Drappier (Urville).

❙❙Comité scientifique ANDRÉ VAUCHEZ Membre de l’Institut, président du comité scientifique ARNAUD BAUDIN Directeur adjoint des Archives et du Patrimoine de l’Aube PAUL BENOIT Professeur émérite de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne FRANÇOIS BLARY Professeur à l’Université libre de Bruxelles NICOLAS DOHRMANN Directeur des Archives et du Patrimoine de l’Aube PIERRE GANDIL Directeur adjoint de la Médiathèque du Grand Troyes

ALEXIS GRÉLOIS Maître de conférences Université de Rouen-Normandie / GRHis (EA 3831) ISABELLE HEULLANT-DONAT Professeur des universités Université de Reims Champagne-Ardenne JEAN-FRANÇOIS LEROUX Président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux JACKY LUSSE Maître de conférences honoraire Université de Lorraine MARTINE PLOUVIER Conservateur en chef honoraire du patrimoine LAURENT VEYSSIÈRE Conservateur général du patrimoine

❙❙Les auteurs CLAUDE ANDRAULT-SCHMITT Professeure émérite des Universités Université de Poitiers CESCH (UMR 7302)

GUIDO CARIBONI Professeur Università Cattolica di Milano / Brescia

FRANÇOIS BLARY Professeur Université libre de Bruxelles / CReA-Patrimoine (EA 4284 TrAme)

BENOÎT CHAUVIN CNRS (UMR 6298) SYLVAIN DEMARTHE Docteur en histoire de l’art médiéval Université de Bourgogne / ARTeHIS (UMR 6298)

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GILBERT FOURNIER Ingénieur de recherches CNRS / IRHT, Biblissima ALEXIS GRÉLOIS Maître de conférences Université de Rouen-Normandie / GRHis (EA 3831) ISABELLE HEULLANT-DONAT Professeur des universités Université de Reims Champagne-Ardenne EMILIA JAMROZIAK Professor University of Leeds / FOVOG, TU Dresden JEAN-FRANÇOIS LEROUX Président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux ANNE E. LESTER Associate Professor University of Colorado Boulder, Department of History

ANNIE NOBLESSE-ROCHER Professeur des universités Université de Strasbourg, Faculté de théologie protestante ANNICK PETERS-CUSTOT Professeur des universités Université de Nantes / CRHIA (EA 1163) KAREN STÖBER Maître de conférences – Universitat de Lleida SERBAN TURCUS Maître de conférences – Universitatea BabeșBolyai, Cluj-Napoca (Roumanie), Facultatea de Istorie-Filosofie ANDRÉ VAUCHEZ Membre de l’Institut de France GILLES VILAIN Documentaliste-recenseur DRAC Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine / CRMH

BERTRAND MARCEAU Membre de l’École française de Rome

JEAN-BAPTISTE VINCENT Docteur en histoire et archéologie médiévale Université de Rouen / CRAHAM (UMR 6273)

MARIA ALEGRIA FERNANDES MARQUES Professeur des Universités Universidade de Coimbra, Departamento de História / Centro de História da Sociedade e da Cultura

❙❙Comité de relecture

HÉLÈNE MILLET Directeur de recherche honoraire CNRS / LAMOP (UMR 8589)

ARNAUD BAUDIN ALEXIS GRÉLOIS JEAN-FRANÇOIS LEROUX 5

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Les organisateurs des colloques souhaitent exprimer en premier lieu leur plus profonde reconnaissance à l’ensemble des personnels de la Direction régionale des affaires culturelles de Champagne-Ardenne (actuelle Direction régionale des affaires culturelles Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine), représentés, en 2015, par la directrice, Mme Christine Richet. Ils remercient chaleureusement tous les mécènes qui leur ont fait confiance pour cette année de commémoration, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), la Fondation Agir en ChampagneBourgogne du Crédit agricole, M. Jean-Claude Vollot, propriétaire de l’abbaye d’Auberive, M. Hubert Aynard, propriétaire de l’abbaye de Fontenay, M. Philippe Robert, son directeur, ainsi que les maisons de champagne Fleury (Courteron) et Drappier (Urville), représentés par leurs directeurs MM. Jean-Pierre Fleury et Michel Drappier, dont le mécénat de compétence a agréablement accompagné ces journées d’échange. Ils adressent leurs plus vifs remerciements à tous les membres des comités scientifiques et expriment leur reconnaissance au professeur André Vauchez pour sa disponibilité et ses conseils tout au long des deux années de préparation. Leur gratitude est vive à l’endroit des équipes de la Maison centrale de Clairvaux, et plus particulièrement son directeur, M. Dominique Bruneau, et de celles de la Médiathèque du Grand Troyes qui ont accueilli les sessions du colloque consacré à l’industrie cistercienne, en particulier leur ancienne directrice, Mme Béatrice Gaillot-Déon, son ancien directeur adjoint, M. Pierre Gandil, ainsi que Mme Cécile Lemahieu, responsable administratif et financier.

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Les organisateurs tiennent également à exprimer leur reconnaissance à M. Jean-François Leroux, président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, aux membres du bureau et du conseil d’administration de l’association, à ses bénévoles et salariés si souvent mis à contribution tout au long de l’année 2015 : Mmes Laure Bulme, Françoise Comte, Nicole Maigrot, Michèle Chappe, Amalia Espinoza, Viviane Fleury, Pauline Fridmann, Céline Grange, Morgane Le Coadou, Carole Mandelli, Carine Masson, Adeline Noailly-Joachim, Micheline Pitte, Amélie Parisot, Marie-Chantal Prieur, Jacqueline Protin, Dominique Renaud, Marie-Christine Roger, Isabelle Soulie-Rognon, Erwane Rosey, Anne-Marie Sallé, Agathe Salomon, Anne Welti et MM. André Auguste, Mario Bastaroli, Gérard Beureux, Jacques Charlier, Jean-Claude Dessaint, Jacques Domenge et Jacques Lequin. Que soient enfin remerciés tous ceux qui, au Conseil départemental de l’Aube, nous ont accompagnés, à des titres divers, dans l’organisation de ces colloques : Mmes Émilie Bessière, Sandrine Bollot, Isabelle Darnel, Nicolas Dohrmann, Nathalie Euillot, Élisabeth Feuillat-Wagner, Aurélie Gauthier, Ouarda Goutel, Françoise Langlois, Béatrice Lloza, Emmanuelle Lullier, Pascale Morand, Marie-Pierre Moyot, Julie Oberlin, Claudie Odille, Fanny Portier, Sandrine Thibord, Manon Wittmer et MM. André Billet, Emmanuel Chanut, Fabrice Coquet, Marcel Iualiani, Loïc Laurent, Noël Mazières, Stéphane Poutchkine et Frédéric Viprey, sans oublier Mmes Jessica Bernabé, Clémence Bildstein, Anne Bourguignon, Cécile Charlot, Clémence Georgin, Lucille Merlot, Éléna Modeste, Marie Regnier, Coralie Verstraete et MM. Lionel Ehrhart, Vincent Gagnière et Éric Zanardelli, vacataires et stagiaires à la Direction des Archives et du Patrimoine de l’Aube, qui ont accueilli les conférenciers ou ont activement participé à l’indexation de ces ouvrages. Que tous trouvent ici l’expression de nos remerciements les plus chaleureux.

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Les célébrations en 2015 des 900 ans de la fondation de l’abbaye de Clairvaux ont permis de porter un regard nouveau sur ce site emblématique du patrimoine national. Grâce aux efforts conjugués de l’État, du Conseil départemental de l’Aube et de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, la fréquentation du site a quasiment doublé en 2015, prouvant ainsi son potentiel d’attractivité. Cette année particulière a été l’occasion de mettre en valeur toutes les qualités architecturales du site de Clairvaux, grâce à des restaurations et à des aménagements de grande qualité qui témoignent de la singularité du lieu ainsi que de ses potentialités de développement. Ce renouvellement du regard sur Clairvaux a été rendu possible par les colloques organisés par le Conseil départemental de l’Aube et l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, avec le soutien actif de la DRAC. Ce n’est pas le moindre des mérites de « Clairvaux 2015 » que d’avoir suscité une réelle émulation scientifique autour d’un site dont la communauté universitaire continue sans cesse de renouveler la connaissance. Ces recherches et leurs fruits constituent le socle indispensable à l’élaboration et au développement d’un projet culturel ambitieux pour l’ancienne abbaye de Clairvaux. Le partenariat exemplaire noué entre la DRAC et le Conseil départemental de l’Aube trouve dans l’édition de ces actes une nouvelle traduction concrète prolongeant la dynamique initiée par l’année « Clairvaux 2015 ».

ANNE MISTLER Directrice régionale des affaires culturelles d’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine

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L’abbaye de Clairvaux, troisième fille de Cîteaux, a été fondée en 1115 par le futur saint Bernard, haute figure politique, intellectuelle et spirituelle de l’Occident médiéval. Sous ce premier abbatiat, le monastère et l’ordre cistercien vont, depuis cette terre de Champagne, rayonner dans toute l’Europe, avec près de sept cents abbayes au XIVe siècle. La Révolution française disperse les moines, tandis que l’abbaye est vendue comme bien national. L’État en fait l’acquisition en 1808 afin d’y installer ce qui est devenu l’une des principales maisons centrales du pays. De ce passé fascinant, il demeure un lieu déroutant pour le visiteur, entretenu et restauré par l’État avec le soutien du Département de l’Aube, des objets répartis dans des collections publiques et privées, et des fonds d’une grande valeur conservés aux Archives de l’Aube et à la Médiathèque du Grand Troyes. Le neuvième centenaire de l’abbaye, inscrit au titre des commémorations nationales, a été célébré tout au long de l’année 2015 par le ministère de la Culture et de la Communication, le Département de l’Aube et l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux. Ces festivités ont fait connaître cette histoire fabuleuse aux quelque quatre-vingt-dix mille personnes venues du monde entier qui ont participé à l’une ou l’autre des manifestations qui se sont tenues dans l’Aube ou dans les départements voisins ainsi qu’à Paris. Comme pour les événements que nous avons organisés autour de la sculpture champenoise du XVIe siècle, des Templiers, de Napoléon ou du vitrail, il nous a aussi paru essentiel de renouveler la connaissance de ce passé prestigieux en nous entourant des meilleurs spécialistes. À l’initiative du Département de l’Aube et de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, trois colloques ont réuni trois cents historiens, historiens de l’art et archéologues européens et américains au Centre de congrès de l’Aube, à la Médiathèque du Grand Troyes, aux Archives départementales et à l’abbaye de Clairvaux. Les trois volumes présentés ici, qui retracent les échanges enthousiastes de ces dix journées, éclairent sous un jour nouveau l’histoire cistercienne, tout en témoignant de la vitalité de la recherche en ce domaine. Preuve que l’empreinte laissée par l’abbaye de saint Bernard dans la mémoire européenne est toujours vivante.

PHILIPPE ADNOT Sénateur Président du Conseil départemental de l’Aube

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Madame la préfète de l’Aube, Monsieur le représentant de Monsieur Philippe Adnot, Sénateur, président du Conseil départemental de l’Aube, Madame la directrice régionale des Affaires culturelles de Champagne-Ardenne, Mesdames et Messieurs les membres du comité scientifique et du comité d’organisation, Mesdames et Messieurs les conférenciers, Mesdames et Messieurs, chers amis de Clairvaux,

C’est un grand honneur pour l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux de vous accueillir au colloque qui, dans le cadre de la commémoration nationale du neuvième centenaire de la fondation de l’abbaye, va permettre de faire le point sur l’histoire du célèbre monastère fondé par saint Bernard. En effet, l’histoire de l’abbaye reste toujours à découvrir, ayant été longtemps occultée par celle de son célèbre abbé. Aucun grand moine n’a généré une littérature aussi importante que celle qui est consacrée à Bernard de Clairvaux depuis des siècles. Plus de quatre mille ouvrages, selon l’un de ses meilleurs spécialistes, Dom Jean Leclercq1. Et des dizaines de colloques depuis quelques décennies. Le professeur André Vauchez, membre de l’Institut, qui a accepté de présider le comité scientifique du présent colloque, fera d’ailleurs le point de cette exceptionnelle historiographie de Bernard de Clairvaux. Mais, pendant trois jours, c’est le temps long de Clairvaux qui sera au cœur de nos travaux. Au XIXe siècle, Henri d’Arbois de Jubainville avait défriché le sujet avec ses Études sur l’état des abbayes cisterciennes et principalement de Clairvaux aux XIIe et XIIIe siècles2. Ce travail était resté sans suite. Il y a trente ans, quand l’association a lancé les premières visites de l’abbaye, comme il fallait un support pour le discours des guides, c’est La Vie en Champagne, revue locale liée aux Archives départementales de l’Aube, qui a mobilisé quelques historiens locaux et accepté de publier un numéro spécial Abbaye de Clairvaux qui est resté pendant plusieurs années l’unique document disponible sur l’histoire de l’abbaye. En 1990, à l’occasion du neuvième centenaire de la naissance de saint Bernard, l’association est allée plus loin en organisant à Bar-surAube et à Clairvaux un colloque consacré enfin à l’histoire de Clairvaux. Placé sous la présidence d’honneur de Georges Duby, il a rassemblé un grand nombre d’historiens – Michel Bur, Robert Fossier, Marcel Pacaut, Jean Richard et bien d’autres – qui pouvaient pour la première fois visiter le site sur lequel portaient leurs travaux. Les actes de ce colloque fondateur viennent d’être réimprimés grâce à un généreux mécène3. Le neuvième centenaire de la création de l’abbaye est une opportunité évidente pour faire à nouveau le point sur les nouvelles recherches et les nouvelles perspectives concernant l’histoire et même la vocation du site de Clairvaux. C’est pourquoi nous devons remercier particulièrement les membres du comité scientifique et du comité d’organisation qui, sous la présidence atten-

1. J. Leclercq, Saint Bernard et l’esprit cistercien, Paris, 1986. 2. H. d’Arbois de Jubainville, Études sur l’état des abbayes cisterciennes et principalement de Clairvaux aux XIIe et XIIIe siècles, Paris, 1858. 3. Histoire de Clairvaux. Actes du colloque de Barsur-Aube/Abbaye de Clairvaux (22-23 juin 1990), Bar-sur-Aube, 1991, réimp. 2015. Cette réimpression a été possible grâce au mécénat de Jean-Pierre Fleury (Champagne Fleury à Courteron).

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tive du professeur André Vauchez, se sont réunis de nombreuses fois pour établir le programme de ce colloque, dialoguer avec les intervenants et assurer la cohérence des thèmes étudiés. L’association a pu réunir – notamment auprès du ministère de la Culture et de la Communication/ DRAC Champagne-Ardenne – un financement permettant de recevoir plus de vingt historiens français et étrangers pendant trois jours à Troyes et à Clairvaux. Nous bénéficions par ailleurs d’une double initiative du Conseil départemental de l’Aube et de sa Direction des Archives et du Patrimoine : d’abord la publication des actes de ce colloque, ensuite la réalisation de l’exposition Clairvaux. L’Aventure cistercienne, qui est l’indispensable complément de notre colloque et dont le catalogue est déjà un apport indispensable à la connaissance de l’histoire de Clairvaux4, une histoire qui heureusement se poursuit grâce aux salariés et aux bénévoles de l’association, qu’il convient de remercier également.

JEAN-FRANÇOIS LEROUX Membre de l’Académie d’architecture Président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux Troyes, 16 juin 2015

4. Arnaud Baudin, Nicolas Dohrmann et Laurent Veyssière (dir.), Clairvaux. L’Aventure cistercienne. Catalogue d’exposition (Troyes, Hôtel-Dieu-le-Comte, 5 juin-15 novembre 2015), Paris, 2015.

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ACCÈS AUX ARCHIVES NUMÉRISÉES DE L’ABBAYE DE CLAIRVAUX

La Direction des Archives et du Patrimoine de l’Aube, service du Département de l’Aube, a engagé un vaste programme de numérisation du fonds d’archives de l’abbaye de Clairvaux : – 230 chartes des XIIe et XIIIe siècles ; – cartulaires et inventaires des XIIIe et XVIIIe siècles ; – liasses, cahiers et plans relatifs aux bâtiments, au trésor et à la vie quotidienne et spirituelle des moines. Au total, 67 720 pages, dont 1 700 manuscrits, ont déjà été numérisées. La plupart de ces documents sont consultables sur le site Internet des Archives départementales de l’Aube. L’ensemble sera progressivement complété par la numérisation des 20 000 actes pontificaux, impériaux, royaux et seigneuriaux du Moyen Âge.

CONSULTING CLAIRVAUX ABBEY’S DIGITAL ARCHIVES The Direction des Archives et du Patrimoine de l’Aube, an administrative division of the Aube département, has initiated a vast programme to digitalise Clairvaux Abbey’s archive collection: – 230 charters dating to the twelfth and thirteenth centuries; – cartularies and inventories from the thirteenth and eighteenth centuries; – and bundles of documents, notebooks, and plans relating to the buildings, treasury, and routine and spiritual lives of the monks. A total of 67,720 pages, including 1,700 manuscripts, have already been digitalised. Most of these documents can be consulted on the website of the Archives départementales de l’Aube. The ensemble will be gradually complemented by the digitalisation of 20,000 pontifical, imperial, royal, and seigneurial deeds dating from the Middle Ages.

www.archives-aube.fr

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ABRÉVIATIONS

Abbaye Architecte en chef des Monuments historiques ANTT Arquivo Nacional da Torre do Tombo (Lisbonne) archev. Archevêque Arch. dép. Archives départementales Arch. nat. Archives nationales arr. Arrondissement ARCCIS Association pour le rayonnement de la culture cistercienne aug. Augustin(ienne) bén. Bénédictin(e) BEC Bibliothèque de l’École des chartes BHL Bibliotheca hagiographica latina Bibl. mun. Bibliothèque municipale Bibl. nat. Fr. Bibliothèque nationale de France BUCEMA Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre BVC Bibliothèque virtuelle de Clairvaux c. Canton CERCOR Centre européen de recherche sur les congrégations et les ordres religieux chartr. Chartreuse ch.-l. c. Chef-lieu de canton cist. Cistercien(ne) com. Commanderie cne Commune abb. ACMH

cte ctesse CUERMA

emp. év. f. franc. INRAP IRHT MGT Migne, PL

ms. n. v. prém. S. SACSAM

sgr SHMESP

sq. vcte

Comte Comtesse Centre universitaire d’études et de recherches médiévales d’Aix-en-Provence Empereur Évêque Féminine Franciscain(e) Institut national de recherches archéologiques préventives Institut de recherche et d’histoire des textes Médiathèque du Grand Troyes Jacques-Paul Migne, Patrologiae cursus completus… Series latina, 221 vol., Paris-Montrouge, 1844-1864 Manuscrit Nouveau style Prémontré(e) Saint (pour les noms d’églises en italien) Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne Seigneur Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public Sequiturque Vicomte

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Bernard de Clairvaux : approche historiographique et état des questions ANDRÉ VAUCHEZ

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le colloque de Dijon de 1953 dont les actes ont été publiés sous le titre de Mélanges saint Bernard, volume qui portait la marque d’Étienne Gilson, auteur en 1934 d’un ouvrage fondamental sur La Théologie mystique de saint Bernard, où il avait montré que l’abbé de Clairvaux n’était pas seulement un grand auteur spirituel mais un authentique théologien1. Pendant la seconde moitié du XXe siècle, les études consacrées à Bernard et au premier siècle cistercien se sont multipliées, non seulement en Europe mais également aux États-Unis, où les Cistercian studies ont fait l’objet d’un grand engouement, stimulé par la création d’un institut consacré à ces questions dans la petite ville universitaire de Kalamazoo, dans le Michigan. Les progrès de la recherche ont été également favorisés par la création, ou l’évolution dans le sens d’une ouverture majeure à l’histoire, de revues spécialisées comme Cistercienser Chronik (1889), Analecta sacri ordinis Cisterciensis (1945), devenu en 1965 Analecta cisterciensia, Cîteaux in de Nederlanden (1950), devenu en 1959 Cîteaux-commentarii cistercienses, Cisterian Studies Quaterly (1965), Collectanea cisteciensia (1965). D’importantes rencontres dédiées à Bernard de Clairvaux et aux origines cisterciennes ont eu lieu en 1990, à l’occasion du neuvième centenaire de la naissance du saint abbé, en particulier celle qui a été organisée à Lyon par les « Sources chrétiennes » et dont les actes ont été publiés dans cette prestigieuse collection en 19922. Le volume se présente comme une introduction à l’édition et à la traduction en français des Œuvres complètes de Bernard, actuellement en voie d’achèvement aux éditions du Cerf3. Dans les mêmes années est paru le recueil d’études de Brian McGuire, un des meilleurs connaisseurs de l’abbé de Clairvaux, intitulé The Difficult Saint. Bernard of Clairvaux and his Tradition (Kalamazoo, 1991), tandis que le Centre européen de recherche sur les congrégations et les ordres religieux (CERCOR) organisait en 1998 à Saint-Étienne un intéressant colloque intitulé Unanimité et diversité cisterciennes. Filiations, réseaux, relectures4. Plus récemment encore, en 2011,

1. Mélanges saint Bernard, Dijon, 1954 ; É. Gilson, La Théologie mystique de saint Bernard de Clairvaux, Paris, 1934. 2. Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité. Colloques de Lyon, Cîteaux, Dijon, Paris, 1992 (« Sources chrétiennes », t. 380) ; voir aussi Jacques Berlioz, « Saint Bernard et son temps », Léon Pressouyre et Terryl N. Kinder (dir.), Saint Bernard et le monde cistercien, Paris, 1991, p. 43-63. 3. Les œuvres complètes de saint Bernard ont fait l’objet d’une édition critique de la part de Jean Leclercq et Henri Rochais : Saint Bernard de Clairvaux, Opera omnia, Rome, 9 vol., 1957-1977. Leur traduction française est en bonne voie dans la collection des « Sources chrétiennes ». Elle comprend actuellement les Lettres (trois volumes parus entre 1997 et 2012), les Sermons sur le Cantique des cantiques (cinq volumes, 1996-2007) et les Sermons divers (trois volumes parus entre 2006 et 2012). 4. Brian Patrick McGuire, The Difficult Saint. Bernard of Clairvaux and His Tradition, Kalamazoo, 1991 ; Unanimité et diversité cisterciennes. Filiations, réseaux, relectures du XIIe au XVIIe siècle, Colloque du CERCOR (Dijon 1998), Saint-Étienne, 2000.

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INTRODUCTION

ILL. 1. Portrait

de saint Bernard ou Vera effigies provenant de l’abbaye de Clairvaux (fin XVIe-début XVIIe s.). Troyes, Trésor de la cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul.

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BERNARD DE CLAIRVAUX : APPROCHE HISTORIOGRAPHIQUE ET ÉTAT DES QUESTIONS

est paru un important volume collectif, dirigé par Brian McGuire, intitulé A Companion to Bernard of Clairvaux (Turnhout, 2011), qui fait utilement le point sur les divers aspects de la personnalité et de l’œuvre du fondateur de Clairvaux, et comporte une mise à jour bibliographique qui prend en compte les travaux les plus récents sur ces questions5. Il ne saurait être question pour moi de dresser un bilan exhaustif de ces recherches, qui serait vite fastidieux et dépasserait mes capacités, encore moins d’établir une sorte de palmarès parmi les innombrables études qui ont été consacrées à Bernard et à Clairvaux au cours des dernières décennies du XXe et au début du XXIe siècle. Je voudrais simplement mettre en évidence les principaux progrès qui ont été réalisés depuis un demi-siècle dans ce domaine et les apports essentiels des travaux les plus récents. Dans cette perspective, je distinguerai, pour la commodité de l’exposé, cinq secteurs principaux.

LES SOURCES En ce qui concerne Bernard, l’édition critique de ses œuvres menée à bien par Jean Leclercq et Henri Rochais entre 1957 et 1977 a rendu possible la publication d’une traduction française, en voie d’achèvement dans la collection « Sources chrétiennes », et la publication sur microfiches des concordances verbales sous le titre de Thesaurus sancti Bernardi Clarevallensis6. Parmi les écrits de Bernard désormais accessibles à tous les chercheurs ou lecteurs, on fera une place particulière à ses Sermons sur le Cantique des cantiques, où Bernard coule le commentaire biblique dans la forme, jusque-là peu explorée, d’un sermon à l’usage des moines, qui, à vrai dire, fait plutôt penser à une collatio qu’à un prêche7. De même, grâce à l’édition et à la traduction parues dans la collection « Sources chrétiennes », on pourra faire un meilleur usage de la correspondance de l’abbé, qui n’était certes pas inconnue, mais qui est désormais bien délimitée et datée, en particulier des lettres-traités, comme l’Ep. 42 sur les devoirs des évêques et l’Ep. 190 sur les erreurs d’Abélard8.

5. B.P. McGuire (dir.), A Companion to Bernard of Clairvaux, Leyde-Boston, 2011. 6. Claire Pluygers et Paul Tombeur, Thesaurus sancti Bernardi Clarevallensis, Turnhout, 2001. 7. Les quatre-vingt-six sermons de saint Bernard sur le Cantique des cantiques ont été traduits par Paul Verdeyen et Raffaele Fassetta dans la collection « Sources chrétiennes » (Paris, 2007). Le cinquième volume comporte une préface de Michel Zink. 8. Cent soixante-trois lettres des cent cinquante de saint Bernard ont été traduites par Monique et Gaston Duchet-Suchaux (coll. « Sources chrétiennes »), Paris, 1997-2012.

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INTRODUCTION

LA BIOGRAPHIE DE BERNARD Dans ce domaine, la référence la plus sûre reste la vieille Vie de saint Bernard, abbé de Clairvaux d’Elphège Vacandard (Paris, 1895, 2 vol. de 500 pages chacun), qui n’a pas été fondamentalement renouvelée par les ouvrages plus récents de Marcel Pacaut, Pierre Riché et Pierre Aubé, plus complète9. Mais l’étude de la psychologie du fondateur de Clairvaux s’est enrichie d’apports originaux avec le livre de Jean Leclercq Nouveaux visages de Bernard de Clairvaux. Approches psycho-historiques, même si ce dernier a suscité certaines réserves en raison du recours parfois un peu trop systématique à une approche psychanalytique, et surtout celui d’Adrian Bredero, Bernard de Clairvaux. Culte et histoire. De l’impénétrabilité d’une biographie10. Dans ce livre, le médiéviste hollandais a fait utilement le tour des recherches qu’il avait menées pendant près d’un demi-siècle sur la Vita prima de saint Bernard, rédigée par Guillaume de SaintThierry, Arnaud de Bonneval et Geoffroy d’Auxerre. Commencé dès avant la mort de Bernard, le 20 août 1153, ce texte hagiographique fondamental visait d’abord à répondre aux critiques qui lui reprochaient d’être sorti de son rôle d’abbé en intervenant, de manière souvent intempestive, dans les affaires du siècle, et à obtenir du pape sa canonisation.

LE « NACHLEBEN » DE BERNARD De nombreuses études récentes ont permis également de mieux connaître la postérité de son œuvre sur le plan spirituel, ainsi que les avatars de son image dans la littérature religieuse et profane, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne. Ce secteur de la recherche a connu en effet un grand développement, attesté en particulier par le volume intitulé Vies et légendes de saint Bernard de Clairvaux, publié sous la direction de Patrick Arabayre, Jacques Berlioz et Philippe Poirrier11. On y trouve de précieuses informations sur le processus de « déshistoricisation » du personnage de Bernard, qui a conduit à mettre en place un modèle plus ou moins idéalisé ou critique selon les auteurs et les époques. On peut situer dans la même ligne la publication de divers recueils d’exempla cisterciens qui font en général une place à cette grande figure de l’Ordre dont Bernard finit par être considéré comme le fondateur : un certain nombre d’anecdotes ou de récits exemplaires le concernant figurent en effet dans le Collectaneum exemplorum et visionum Clarevallensium édité par Olivier Legendre, le Recueil des miracles d’Héribert de Clairvaux et la Collectio exemplorum Cisterciensis ordinis, publiée par Jacques Berlioz et Anne-Marie Polo de Beaulieu12. Mentionnons enfin le précieux petit livre de Jacques Berlioz sur Saint Bernard en Bourgogne. Lieux et mémoires, riche de notations suggestives13.

9. E. Vacandard, Vie de saint Bernard, abbé de Clairvaux, 2 vol., 4e éd., Paris, 1910 ; M. Pacaut, Les Moines blancs. Histoire de l’ordre de Cîteaux, Paris, 1993 ; P. Riché, Petite Vie de saint Bernard, Paris, 1989 ; P. Aubé, Saint Bernard, Paris, 2003. 10. J. Leclercq, Nouveau visage de saint Bernard de Clairvaux. Approches psycho-historiques, Paris, 1976 ; A. Bredero, Bernard de Clairvaux. Culte et histoire. De l’impénétrabilité d’une biographie hagiographique, Turnhout, 1998. 11. P. Arabayre, J. Berlioz et Ph. Poirrier (dir.), Vies et légendes de saint Bernard. Création diffusion, réception, dans Cîteaux-commentarii cistercienses, « Textes et documents », t. 5, 1993. 12. O. Legendre (éd.) Collectaneum exemplorum et visionum Clarevallense, Turnhout, 2005 ; Héribert de Clairvaux, Liber miraculorum et visionum, Gabriela KompatscherGufler (éd.), Turnhout, 2005 ; J. Berlioz et A.-M. Polo de Beaulieu (éd.), Collectio exemplorum cisterciensis,Turnhout, 2013. 13. J. Berlioz, Saint Bernard en Bourgogne. Lieux et mémoires, Dijon, 1990.

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LES QUESTIONS ARTISTIQUES Parmi les sujets qui ont été les plus traités au cours des dernières décennies figurent les conceptions des premiers Cisterciens dans le domaine artistique. Bernard est en effet le premier auteur chrétien à avoir élaboré et propagé à travers son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry une esthétique originale et une conception de l’architecture et du décor conforme à la spiritualité monastique en général et à celle de Cîteaux en particulier. Dans ce domaine, les principales études sont celles de Georges Duby, L’Art cistercien, et de Léon Pressouyre Le Rêve cistercien, ainsi que le volume collectif dirigé par ce dernier et par Terryl Kinder intitulé Saint Bernard et le monde cistercien, réalisé à l’occasion de la grande exposition sur Saint Bernard et l’art cistercien qui s’est tenue à la Conciergerie (Paris) en 199014. On y ajoutera la publication en six volumes, par les soins de Benoît Chauvin, des études d’Anselme Dimier et des historiens ou archéologues qu’il a inspirés à propos du plan cistercien et de l’architecture des monastères de l’Ordre, ainsi que les pages consacrées à saint Bernard par Michel Pastoureau dans son livre L’Église et la couleur des origines à la Réforme15.

LA PENSÉE ET LA DOCTRINE SPIRITUELLE DE BERNARD DE CLAIRVAUX Les aspects idéologiques et culturels de l’œuvre du fondateur de Clairvaux ont été moins profondément renouvelés par des travaux, sans doute dans la mesure même où Étienne Gilson avait produit dès 1934 sa grande synthèse sur La Théologie mystique de saint Bernard, qui fit l’objet de rééditions et de mises à jour en 1947 et 1969. Mais la portée théologique de certaines de ses œuvres et de sa démarche a été soulignée par les travaux de Claudio Stercal et de Michel Corbin16. Les philosophes commencent également à s’intéresser à lui, comme l’indiquent plusieurs ouvrages récents, en particulier celui qu’a dirigé Remi Brague sur ce thème17. Ce dernier n’hésite pas à parler du « socratisme chrétien » de l’abbé, fondé sur le « Connais-toi toi-même », qui met en lumière à la fois la faiblesse de la raison et sa capacité à distinguer entre le bien et le mal. Comme le montre bien Josef Reiter, Bernard, partisan de la vérité pure et éternelle, a cherché avec sincérité à prendre au sérieux notre statut de créature finie. On peut donc le considérer comme un philosophe, bien que peut-être malgré lui, suspendu entre cœur et raison18. Nous

14. G. Duby, Saint Bernard. L’art cistercien, Paris, 1976 ; L. Pressouyre, Le Rêve cistercien, Paris, 1976 ; L. Pressouyre et T. N. Kinder (dir.), Saint Bernard et le monde cistercien. Catalogue d’exposition (Conciergerie de Paris, 18 décembre 1990-28 février 1991), 2e éd., Paris, 1992. 15. B. Chauvin (dir.), Mélanges à la mémoire du P. Anselme Dimier, t. 5 et 6 : Architecture cistercienne, Pupillin-Arbois, 1982 ; « Le plan bernardin : réalités et problèmes », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité, Paris, 1992, p. 307-347 ; M. Pastoureau, L’Église et la couleur, Paris, 1989. 16. C. Stercal, Bernard de Clairvaux. Intelligence et amour, Paris, 1998 ; M. Corbin, La Grâce et la Liberté chez saint Bernard de Clairvaux, Paris, 2002. 17. J. Leclercq, « L’expérience de la liberté : lecture philosophique de Bernard de Clairvaux », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité, Paris, 1992, p. 165-194 ; R. Brague (dir.), Saint Bernard et la philosophie, Paris, 1993. 18. J. Reiter, « Bernard de Clairvaux philosophe magré lui, entre cœur et raison », dans Saint Bernard et la philosophie, p. 11-25.

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nous contenterons enfin d’évoquer en passant d’autres recherches récentes concernant la bibliothèque de Clairvaux et l’importance de l’écrit chez les Cisterciens, renvoyant aux actes du colloque (Troyes, 28-30 octobre 2015) consacré à ces questions publiés en même temps que le présent volume19. Au terme de ce bilan, nécessairement incomplet mais déjà assez riche pour nous permettre de comprendre que la figure de Bernard et le mouvement qu’il a lancé continuent à exercer une indéniable fascination sur les esprits, je voudrais mettre l’accent sur des aspects de sa personnalité et de son message.

LA SPIRITUALITÉ DE SAINT BERNARD Pour comprendre Bernard, il faut d’abord le considérer comme un produit de son temps, même s’il l’a dépassé et a contribué à l’orienter dans des directions nouvelles20. Sa vie reflète en effet une des réalités majeures de son époque, à savoir l’essor du monde rural et l’affirmation de la société féodale. Le premier point est une évidence mais celle-ci doit être mise en relation avec la croissance des villes qui commence à faire sentir ses effets dans la France du XIIe siècle, au point de provoquer chez certains, dont Bernard, une réaction de fuite vers les lieux déserts et les campagnes reculées et une certaine répulsion vis-à-vis de la culture citadine. À la différence de nombreux saints, comme François d’Assise un siècle plus tard, le fondateur de Clairvaux n’a pas vraiment rompu avec sa famille et son milieu. Aimé par ses parents et en particulier par sa mère, il semble être resté en bons termes avec les siens à l’âge adulte et son passage à la vie religieuse se fit progressivement et sans drames. Comme on le sait, il entra à Cîteaux en 1113 avec une bonne partie de son lignage – même si l’hagiographe exagère sans doute en disant qu’ils étaient une trentaine – et, en 1115, il fonda Clairvaux sur des terres qui appartenaient à un oncle maternel ; il y fut suivi par plusieurs de ses frères et par des cousins qui appartenaient tous au milieu de la noblesse castrale des régions situées aux marges de la Bourgogne et de la Champagne. Comme l’a bien montré Jean Richard, Bernard appartenait en effet à l’une de ces familles chevaleresques qui rejoignirent la noblesse des seigneurs des châteaux, ce qui a facilité ses rapports avec les princes temporels auxquels il écrivait avec déférence et qui le faisaient parfois venir à leur cour pour apaiser des conflits21. Devenu moine, il ne condamna pas la vie chevaleresque menée par les siens – même s’il lui est arrivé d’associer la malitia à la militia huius saeculi –, mais il chercha à convaincre les guerriers de son entourage et ses « amis charnels » – tous des adultes, et non des enfants offerts par 19. Jean-Paul Bouhot, « La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualités, Paris, 1992, p. 141-177 ; J.-P. Bouhot et Jean-François Genest, La Bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle, Paris, 1997 ; Thomas Falmagne, Les Cisterciens et leurs bibliothèques, Troyes, 2012 ; Arnaud Baudin et Laurent Morelle (dir.), Les Pratiques de l’écrit dans les abbayes cisterciennes (XIIe-milieu du XVIe siècle). Produire, échanger, contrôler, conserver. Actes du colloque international (Troyes-Abbaye de Clairvaux, 28-30 octobre 2015), Paris, 2016. 20. C’est dans cette perspective que se situe le volume collectif publié par l’association Renaissance de Clairvaux : Histoire de Clairvaux. Actes du colloque de Bar-sur-Aube / Clairvaux (22-23 juin 1990), Barsur-Aube, 1991, réimp. 2015. 21. J. Richard, « L’Europe au XIIe siècle », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité, p. 91.

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leurs parents – de s’engager dans une aventure d’une tout autre portée, la Militia Christi, le seul combat qui vaille, mené au sein du monastère au service de Dieu contre les forces du mal. Lutter contre le démon, c’est avoir la certitude d’être du bon côté et de « combattre le bon combat », pour reprendre l’expression de saint Paul souvent citée par l’abbé de Clairvaux, qui est celui que mène le moine dans le cloître de son cœur contre le péché et dans sa communauté par la prière contre les ennemis de l’Église et de la paix. Bernard était profondément convaincu de la supériorité de la vie monastique sur toute autre forme de vie chrétienne. Pour lui, le moine est le seul vrai chrétien. Aussi veillera-t-il à ce que les laïcs convertis de l’ordre du Temple vivent bien comme des moines, et non comme de simples pénitents. Mais, comme Pierre Damien qui avait considéré, quelques décennies plus tôt, que les ermites étaient les seuls moines dignes de ce nom en Italie, il éprouvait un amour particulier pour la discipline monastique extrêmement dure qu’il avait expérimentée à Cîteaux et celle, encore plus rigoureuse et ascétique, qu’il tentera d’établir à Clairvaux. Aussi cherchera-t-il à faire entrer dans cette « arche de Noé » que constituaient à ses yeux son monastère et ses abbayes-filles le plus grand nombre d’hommes et n’hésitera-t-il jamais à y accueillir – quand il ne les débauchait pas ! – des moines provenant de monastères non réformés ou simplement moins austères. Ce faisant, il interprétait à son avantage la notion canonique d’arctior vita, en fonction de laquelle les religieux ne pouvaient être autorisés à quitter leur monastère que pour entrer dans un établissement où la vie était plus rude et plus exigeante. Armé de telles convictions, Bernard se montrait toujours sûr de lui et n’hésitait ni sur ses objectifs ni sur les moyens de les atteindre. D’où sa grande capacité d’inspirer confiance, d’entraîner les autres à sa suite et de galvaniser ses moines ou les foules auxquelles il fut amené à s’adresser. En ce qui concerne la psychologie de Bernard et ses relations avec autrui, Brian McGuire a brillamment montré qu’on ne peut les comprendre sans se référer à la notion d’amitié22. Pendant ses études à l’école des chanoines de Sainte-Vorles à Châtillonsur-Seine, il avait dans doute lu des extraits du De amicitia de Cicéron et des Lettres à Lucilius de Sénèque. Mais l’importance qu’il attachait à ce sentiment s’enracinait aussi dans l’Écriture sainte, en particulier dans le passage des Actes des apôtres (4, 32) qui décrit la première communauté chrétienne de Jérusalem où tous étaient Cor unum et anima una, ainsi peut-être que dans les Collationes de Cassien, dont la seizième est consacrée à l’amitié dans la vie monastique. Chez Bernard, l’amitié revêt une double dimension : elle désigne l’expérience partagée d’une même conviction et implique à la fois une certaine tendresse réciproque et des manifestations concrètes et significatives de cette « bonne volonté » mutuelle. Le fondateur de Clairvaux ne peut pas s’imaginer sans amis et pour lui, dans une perspective séculière, l’amitié constitue une attitude naturelle dans les relations humaines : elle implique en outre un désir de jouir de la présence de l’autre et de s’entretenir avec lui sur un plan de parfaite égalité23. Pour lui, la conversion n’abolit pas l’amitié existant entre les hommes mais la transforme en quelque chose de supérieur : l’amour de Dieu s’enracine en effet dans l’expérience humaine de l’amitié virile, qui n’est

22. B.P. McGuire, « Was Bernard a Friend ? », dans The Difficult Saint, p. 43-73. 23. Cf. Sermons sur le Cantique des cantiques, 26, 10, et Ep. 387 à Pierre le Vénérable. Sur sa relation épistolaire avec ce dernier, cf. Ann Proux-Lang, « The Friendship Between Peter the Venerable and Bernard of Clairvaux », dans Bernard of Clairvaux. Studies presented to Dom Jean Leclercq, Washington, 1973, p. 35-44.

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pas dévalorisée dans la vie religieuse, même si elle doit y être dépassée. La bande de parents et d’amis qui partit fonder Clairvaux en 1115 donna naissance à une communauté monastique certes soudée dans un projet commun mais où une rude franchise prévalait dans les relations entre les personnes : quand Bernard exagérait en matière d’austérité et imposait à ses moines des exigences trop lourdes, ceux-ci n’hésitaient pas à contester ses orientations et l’obligèrent plus d’une fois à changer de cap. Mais c’est surtout en dehors du monastère que son amitié fit merveille : Bernard attira ainsi à lui le moine Guillaume de Saint-Thierry, qui devint à la fois son ami et son maître en théologie, mais aussi Hugues de Vitry, un clerc séculier âgé et fortuné ; sur les instances de Bernard qui lui demandait d’aller jusqu’au terme logique de leur familiaris amicitia, il accepta de venir le rejoindre à Clairvaux après avoir versé d’abondantes larmes. À l’occasion de ses nombreux déplacements à travers la chrétienté, il développa tout un réseau d’amitiés et sut les utiliser pour la diffusion de l’ordre cistercien et de sa propre obédience, comme en témoignent les relations étroites qu’il entretint avec Malachie, archevêque d’Armagh, en Irlande, qui finit ses jours à Clairvaux et dont il écrivit la Vie, et avec l’archevêque de Lund Eskil, qui introduisit les moines blancs au Danemark. On ne peut pas comprendre le personnage et l’action de Bernard si l’on ne part pas de sa grande capacité d’amour, mais aussi de détestation. Ses réactions sont plus affectives que raisonnées : nul n’a parlé aussi bien que lui de l’amour au Moyen Âge et sa correspondance le montre extrêmement attentif et plein de charité vis-àvis de ses moines, n’hésitant pas, quand il était loin d’eux, à leur témoigner une affection maternelle (sicut mater) et à manifester une profonde sollicitude pour le salut de chacun. Mais il fut également un polémiste virulent et agressif, comme le montre l’acharnement dont il fit preuve contre Abélard, dont il n’avait sans doute pas lu les œuvres – il laissa ce soin à Guillaume de Saint-Thierry – mais dont le genre de vie et la démarche intellectuelle lui inspiraient une vive antipathie. Bernard tombe souvent dans l’excès et a souvent eu tendance à assimiler sa cause à celle de Dieu. Mais ses outrances sont cohérentes avec la période de vive émotivité dans laquelle il vivait, où l’on passait facilement du rire aux larmes et où la violence prédominait non seulement dans les combats des chevaliers mais aussi dans les joutes oratoires. Cette ardeur et cet autoritarisme, poussé parfois jusqu’à l’injustice, étaient tempérés chez lui par sa capacité à ironiser sur son propre compte, qui l’amena à se qualifier lui-même – un siècle avant François d’Assise – de « jongleur de Dieu ». Comme l’avait justement noté J. Leclercq, « il semble qu’il y ait deux hommes en lui, mais c’est là une apparence… L’abbé, le réformateur, le thaumaturge même reçoivent leur animation du contemplatif extatique. Bernard est à la fois mystique et homme d’action mais ce qui fait l’unité de sa vie est la primauté de l’amour, qui constitue l’aspect le plus nouveau de sa spiritualité24 ». Pour lui, l’homme est une noble créature qui est par nature « capable de Dieu » (capax Dei) et dont l’âme est appelée à une grande destinée : le ciel et la vie éternelle. D’où sa dévotion particulière à l’Ascension du Christ qui s’est élevé par l’amour au-dessus de la condition humaine. Mais ce que l’homme expérimente chaque jour est l’absence de Dieu et la propension au péché, dans la mesure où il vit dans la regio dissimilitudinis, qui n’est pas un lieu mais un état, la condition terrestre. Il ne peut en sortir que par le désir qui le pousse à chercher une forme d’union à Dieu dans l’expérience affective de l’amour, à la fois ici-bas et dans une perspective eschatologique.

24. J. Leclercq, Bernard de Clairvaux, Paris, 1989.

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Le meilleur cadre dans lequel peut se développer cette aspiration à la caritas est le monastère, qui doit être une école d’amour (schola dilectionis) de Dieu et des frères à travers la pratique des vertus, qui sont des marques d’amour plus que des normes morales. La vie monastique consiste en effet à éliminer l’ego pour parvenir à l’union à Dieu par la contemplation. Il ne s’agit pas de mystique, si l’on entend par ce mot une démarche exceptionnelle et peu durable, marquée par des phénomènes physiques extraordinaires. Mais l’emploi de ce terme à propos de Bernard est pleinement justifié par son aspiration à la perfection et par les excessus mentis auxquels il parvint, qui étaient en fait des extases provoquées par la méditation de la parole de Dieu. À plusieurs reprises dans ses écrits, il souligne que les états dont il parle sont accessibles à tous dans la paix du cloître et il y développe une véritable théologie monastique, qui met l’accent sur la personne du Christ, Verbe de Dieu, recherché ou plutôt poursuivi dans une expérience affective de la lectio divina. De fait, la vraie grandeur de Bernard de Clairvaux – celle qu’on ne peut lui contester – réside dans sa mystique, dont on ne s’étonnera pas qu’elle recoure parfois à un vocabulaire érotique, puisque seul l’éros peut exprimer la rencontre de Dieu et de l’homme dans cet amour qui est l’unique chose qu’ils aient en commun. Dans cette perspective, on comprend mieux qu’il ait rédigé quatre-vingt-six sermons sur le Cantique des cantiques, son ouvrage le plus lu puisqu’il en subsiste encore aujourd’hui cent onze manuscrits latins médiévaux. Peut-être en aurait-il écrit encore d’autres sur le même thème si la mort ne l’en avait empêché. En tant qu’expérience de Dieu, que ce soit dans une vision ou à travers la méditation d’un texte, la mystique supprime les médiations, aussi bien la médiation monastique (il n’y a pas de place pour elle dans la règle de saint Benoît !) que celle de l’Église comme institution. D’où la tendance naturelle de Bernard à court-circuiter les échelons intermédiaires de la hiérarchie, tant ecclésiastique que laïque, pour s’adresser directement à son sommet, en particulier au pape. Nous touchons peut-être là le point le plus douloureux de la vie de Bernard, qui s’exprime dans ses derniers écrits et en particulier dans le De consideratione, adressé au pape cistercien Eugène III : avoir fait l’expérience de Dieu comme union d’amour et ne pas avoir réussi à transformer le monde chrétien de son temps, en dehors d’une réforme du monachisme qui demeurait partielle, malgré le grand essor que connut alors l’ordre cistercien sous son impulsion. Car, en dépit des efforts déployés par Bernard et les meilleurs de ses fils spirituels, l’Église continuait à se cléricaliser et à développer ses institutions et ses normes juridiques, à tel point qu’il deviendra bientôt impossible de faire entrer la mystique dans l’histoire chrétienne sans remettre en cause ses structures, comme le faisaient les hérétiques que Bernard alla combattre en Aquitaine… Si bien qu’au XIIIe siècle, comme l’a bien montré Claudio Leonardi, la mystique deviendra un monde à part, réservé à quelques âmes d’élite, surtout des femmes après François d’Assise, qui s’enchanteront à lire les écrits de saint Bernard et lui en attribueront beaucoup d’autres qui n’étaient pas de lui, mais qui ont assuré pendant des siècles la pérennité de son nom à côté de ses œuvres authentiques25. Dernier des Pères de l’Église et premier mystique chrétien, c’est bien ainsi que Dante le présente dans la Divine Comédie, en particulier au chant XXXI du Paradiso, lorsque le saint l’introduit en présence de la Vierge Marie :

25. C. Leonardi, « Bernard de Clairvaux entre mystique et cléricalisation », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité, p. 708-710.

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Pour que tu achèves parfaitement, dit-il, ton chemin, Ce pourquoi m’envoient prière et amour saint, Vole avec les yeux par ce jardin, Car le voir murira ton regard Pour mieux monter par le rayon divin. Et la reine du Ciel pour qui je brûle Tout entier d’amour, nous fera toute grâce Parce que je suis son fidèle Bernard26.

L’ECCLÉSIOLOGIE DE SAINT BERNARD La vie de Bernard de Clairvaux est marquée par un paradoxe fondamental : ce mystique qui exaltait les vertus de la vie monastique et incitait ses fils spirituels à la contemplation n’a pas cessé d’intervenir dans la vie de l’Église et de la société de son temps. En 1129, il avait fait ratifier par le concile de Troyes la règle du Temple, dont il était le principal inspirateur ; à partir de 1130 et de l’élection de l’antipape Anaclet II, il s’était plongé dans les affaires du schisme pour soutenir Innocent II à la cause duquel il rallia le roi de France Louis VII et l’empereur et qu’il aida à s’imposer en Italie, malgré la résistance de Roger II de Sicile ; auparavant déjà et encore davantage par la suite, il intervint dans plusieurs élections épiscopales, de Châlons et Langres jusqu’à York, n’hésitant pas à faire pression sur le pape pour qu’il oblige à démettre un élu qu’il jugeait indigne de cette charge – parfois bien à tort – et à mettre à sa place le candidat qui avait sa faveur. Dans les années 1140, il se déchaîna contre Abélard, qu’il fit condamner par un synode d’évêques l’année suivante, puis en 1148, avec moins de succès, contre Gilbert de la Porrée, dont il désapprouvait les spéculations sur la Trinité ; en 1146, à la demande d’Eugène III, il lança à Vézelay un appel vibrant à la croisade et alla prêcher dans la France du Nord et en Rhénanie pour convaincre le plus grand nombre de chrétiens de faire le grand « passage » vers la Terre sainte. Après l’échec de cette expédition, c’est encore à lui qu’on s’adressa, en 1150-1151, quand il fut question d’en organiser une autre, qui du reste ne put avoir lieu. Pour tenter de rendre compte de ces contradictions, il faut remonter à la conception que Bernard se faisait de l’Incarnation et de l’Église, qui était marquée par l’idée d’une primauté du spirituel par rapport au charnel. À ses yeux, Jésus n’avait pris chair de la Vierge Marie que pour faire grandir parmi les hommes le sens spirituel : le Christ incarné illumine l’intellect pour le conduire à une connaissance pleine et spirituelle de Dieu. Pour lui, l’Ascension, à laquelle il était si attaché qu’il en rendit la célébration obligatoire à Clairvaux en tant que fête majeure, n’était pas une assomption du corps de l’homme dans la Trinité, mais une élévation du Christ au-dessus du monde et de la misérable condition de l’homme. De fait, Bernard distingue deux degrés dans la vie religieuse : pour accéder au salut, il faut passer d’un amour affectif immature à un amour spirituel en s’affranchissant du sensible. Au niveau de l’Église, il oppose les moines, auxquels on peut donner du pain – c’est-à-dire

26. Dante Alighieri, La Divine Comédie : le Paradis, XXXI, v. 94-102, Jacqueline Risset (trad.), Paris, 1990, p. 293.

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des aliments spirituels –, aux autres chrétiens, qui doivent se contenter de lait, c’est-à-dire d’une nourriture moins solide. Les premiers seuls sont des hommes spirituels, car, ayant déposé leurs désirs charnels à l’entrée du monastère, ils vivent déjà dans la condition des anges, dont ils sont seulement séparés par leur corps qui est appelé à disparaître. Aussi considérait-il le cloître – et surtout celui de Clairvaux – comme la vraie Jérusalem et interdisait-il à ses moines de se rendre en pèlerinage en Terre sainte : pour lui en effet, les pèlerins qui s’y rendaient ne pouvaient connaître que le Christ « selon la chair », le Jésus de l’histoire, tandis que le moine doit chercher l’Esprit, c’est-à-dire la gloire du Ressuscité, car il vit déjà dans un temps eschatologique. Les laïcs pour leur part ne pouvaient accéder à la Jérusalem céleste qu’à condition d’entrer dans la « nouvelle milice » des Templiers, dont il fit l’éloge en 1134 à la demande d’Hugues de Payns. On a souvent parlé, à propos de ce texte, d’une voie vers la rédemption ouverte à la chevalerie, et donc d’une possibilité donnée à des laïcs de faire leur salut dans le monde. Mais cette interprétation me paraît discutable : certes, les Templiers revêtaient l’habit militaire quand ils allaient combattre pour la reconquête ou la défense de la Terre sainte ou de l’Espagne. Mais leur comportement se trouvait transformé et comme sublimé du fait qu’ils vivaient en communauté, pratiquaient le célibat et faisaient le vœu de mourir en martyrs pour la défense de la foi chrétienne : « Gaude fortis athleta si vivis et vincis in Domino, sed magis exulta et gloriare si moreris et iungeris Domino », n’hésite-t-il pas à écrire27. La lutte pour la Jérusalem terrestre n’a de sens que si elle est l’occasion d’une croissance spirituelle qui fait du combattant une sorte de moine et un martyr de désir. On peut donc dire, avec Yves Congar, que la vision que Bernard a de l’humanité et de son devenir est l’expression d’une « anthropologie angélique » et que, pour lui, la Cité de Dieu est constituée par les anges, les moines et les hommes qui s’assimilent à eux. À ses yeux seuls sont pleinement membres de l’Église les religieux et les meilleurs des clercs et des laïcs qui consacrent leur existence à la recherche des choses célestes : « Les premiers se libèrent du péché par la vie pénitente qu’ils mènent dans le monastère, les seconds par leur participation à la croisade, qui est une guerre spirituelle et non charnelle28 ». C’est dans cette perspective qu’il faut se placer si l’on veut essayer de comprendre le comportement à bien des égards déconcertant de Bernard lors de la deuxième croisade qu’il prêcha avec passion et succès en 1146-1147. D’un côté, il chercha à convaincre le plus grand nombre de chrétiens, et surtout d’hommes d’armes, de partir combattre en Terre sainte ; mais parallèlement, en spiritualisant à l’extrême l’idée de croisade sans se soucier de l’ébranlement qu’il avait contribué à créer, en manifestant même une certaine indifférence vis-à-vis des objectifs concrets d’une expédition dont il aurait dû logiquement prendre la tête en tant que légat pontifical, on peut se demander s’il n’a pas contribué à son échec. C’est aussi l’opinion d’un grand spécialiste de ces questions comme Franco Cardini, qui parle de la vision dépréciative de la croisade qui animait Bernard, « qui reposait – incon-

27. Liber ad milites Templi De laude novae militiae, I1, dans Sancti Bernardi Opera omnia, t. 3, p. 214-215, cité par Francesco Vermigli, « Bernardo da Chiaravalle e la Terra Santa. Pellegrinaggio a Gerusalemme e cristologia », dans Un maestro insolito.Scritti per Franco Cardini, Florence, 2011, p. 17-38. 28. Y. Congar, « Église et Cité de Dieu chez quelques auteurs cisterciens à l’époque des croisades », dans Mélanges Gilson, Paris, 1959, p. 171-202 ; L’Église de saint Augustin à l’époque moderne, Paris, 1970. Sur ce thème, voir aussi É. Gilson, « La Cité de Dieu de saint Bernard », dans Saint Bernard homme d’Église, La Pierre-qui-Vire, 1953.

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INTRODUCTION

sciemment – sur l’idée qu’on doit, pour gagner le ciel, faire comme si l’Incarnation du Fils de Dieu n’avait pas eu lieu29 ». Car, aux yeux de l’abbé de Clairvaux, ce ne sont pas les péripéties de l’histoire qui ont de l’importance, mais ce qui se situe au-delà de l’histoire. Et quand la croisade eut échoué, il ne trouva à cette faillite qu’une explication : les péchés commis par les croisés durant leur expédition outre-mer. Comme l’a bien dit Étienne Delaruelle, « la croisade est d’abord pour lui un Jubilé, une effusion de grâces qui facilitait le salut terriblement douteux des laïcs qui vivaient dans un monde pécheur en leur permettant de participer à la Passion du Christ et de rejoindre ainsi les moines qui sont dès ici-bas les citoyens de la Jérusalem céleste30 ». Ces conceptions de la vie chrétienne ne pouvaient manquer d’avoir des retombées au niveau de l’ecclésiologie de Bernard, qui est placée sous le signe d’une contradiction fondamentale. Alors que, pour saint Augustin, l’Église était la partie de la Cité de Dieu qui se trouvait en itinérance sur cette terre, l’abbé de Clairvaux a considéré le monde et la vie terrestre avec pessimisme, dans la ligne du contemptus mundi cistercien, et sa première réaction fut de s’abstraire autant que possible de ces réalités profanes. Mais bientôt cette position lui parut intenable et il multiplia les interventions dans les affaires du siècle et de l’Église, ce qui montre bien que son ecclésiologie n’était plus en phase avec son temps. Dans l’Église grégorienne, c’est-à-dire postérieure à Grégoire VII († 1085), le monachisme n’occupait plus la place exceptionnelle qu’il avait eue auparavant. Il tenta de survivre en se réformant, avec des hommes comme Robert de Molesme et Étienne Harding à Cîteaux, ou en se renouvelant sous d’autres formes avec Bruno et ses Chartreux, Norbert et ses Prémontrés et bien d’autres. Tous ces mouvements avaient pour commune origine la recherche d’une vie pauvre et retirée du monde. Cependant, Bernard comprit mieux que les autres réformateurs que l’histoire rendait inévitable l’engagement des moines dans les combats de l’Église. Il s’y lança lui-même à corps perdu, au point d’y consacrer près des deux tiers de son temps entre 1130 et 1150. Mais il y avait une contradiction à vouloir faire du monachisme l’axe de l’expérience chrétienne et du monastère cistercien l’anticipation de la Jérusalem céleste, tout en s’engageant activement au service de l’Église et des hommes. En fait, malgré les brillants succès de Clairvaux et l’essor de l’ordre cistercien dans toute la chrétienté latine, le temps du monachisme était passé. L’Église se présentait de moins en moins comme une réalité spirituelle et de plus en plus comme un corps historique. De même, l’État n’était plus seulement un pouvoir sacré et le bras séculier de l’Église ; il commençait à acquérir son autonomie et une réelle liberté d’action. Bernard s’est plongé dans les affaires de l’Église et le rôle qu’il a joué dans la résolution du schisme d’Anaclet a fait de lui l’arbitre de la chrétienté et son guide spirituel. Mais il est intervenu parfois à contretemps et en se montrant incapable de distinguer l’essentiel de l’accessoire, sans garder ce détachement et cette patience que l’Apocalypse présente comme la marque des saints. « Aucune affaire de Dieu ne m’est étrangère », écrivait-il pour justifier son action en dehors du monastère, manifestant par là qu’il avait bien compris que le salut de l’humanité se jouait dans l’histoire et que son

29. F. Cardini, « Nella presenza del Soldan superbo. Bernardo, Francesco, Bonaventura e il superamento mistico della crociata », dans Studi medievali, t. 71, 1974, p. 199-250. Sur ce point, voir aussi J. Leclercq, « L’attitude spirituelle de saint Bernard devant la guerre », dans Collectanea cisterciensia, t. 36, 1974, p. 195-225. 30. É. Delaruelle, L’Idée de croisade au Moyen Âge, Turin, 1980, p. 159-160.

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BERNARD DE CLAIRVAUX : APPROCHE HISTORIOGRAPHIQUE ET ÉTAT DES QUESTIONS

sens de la charité et de la mission l’obligeaient à s’occuper du monde qui l’entourait, tantôt comme arbitre des conflits entre les grands, tantôt comme défenseur de l’orthodoxie contre les hérésies31. Mais en même temps, il éprouvait une mauvaise conscience face à la situation anormale qui était la sienne : « Je suis une sorte de chimère de mon temps, ni clerc ni laïc », écrivait-il à l’un de ses correspondants, « J’ai pris l’habit de moine, mais j’en ai déjà de longue date abandonné la vie.32 ». Dans ce contexte, il devenait très difficile pour lui de présenter les moines comme les compagnons des anges et de prôner un retrait systématique par rapport à la société des hommes, alors même qu’il ne cessait d’intervenir dans ses problèmes. C’est dans cette perspective qu’il faut se placer pour comprendre le traité De consideratione qu’il composa en 1149-1150 à l’intention de son ancien disciple, le pape Eugène III (1145-1153), dont il avait espéré qu’il donnerait une allure plus spirituelle à l’Église et qui commençait à le décevoir. On y trouve une critique sévère de la curie pontificale, qui sera reprise et utilisée au XVIe siècle par Luther et les protestants contre la papauté33. Bernard reproche en effet à l’Église romaine de se laisser accaparer par la recherche du prestige temporel et voudrait lui appliquer son idéal d’ascèse et de pauvreté, ce qui le rapproche paradoxalement des « hérétiques » et des mouvements contestataires de son temps qu’il avait pourtant combattus en Aquitaine. Il critique l’allure impériale qu’avait prise la papauté et reproche à Eugène III de se montrer davantage le successeur de Constantin que de saint Pierre ! L’Église romaine est devenue une curie comme celle des princes temporels, encombrée d’affaires plus ou moins séculières, et elle se transforme en un tribunal où les lois de Justinien ont plus d’importance que celles du Seigneur. Certes, l’abbé de Clairvaux ne remet nullement en question les prérogatives du pape, et en particulier sa plenitudo potestatis, à laquelle il eut plus d’une fois recours pour écraser ses adversaires. Mais il soutient qu’il n’est pas convenable que l’évêque de Rome s’occupe de tout, même s’il a le pouvoir de tout faire. En effet, en favorisant les appels au Saint-Siège, le pape affaiblit les pouvoirs des évêques et ruine l’ordre traditionnel de l’Église34 ; il se comporte alors en seigneur, et non en serviteur, car l’Église de Dieu ne peut reposer sur des structures de puissance temporelle ou d’autorité juridique. Le rôle du pontife romain devrait être au contraire de promouvoir un effort de purification morale et spirituelle dans la chrétienté et d’inviter les fidèles à la conversion et à la perfection de la charité. Dans une optique réformiste, Bernard tente de freiner l’évolution qui était en cours dans l’Église, mais ses vues étaient déjà dépassées et ses objurgations resteront sans effet.

31. Ep. 20, dans Bernard de Clairvaux, Lettres, t. 1, p. 278-279. 32. Ep. 250, 4, dans Sancti Bernardi opera, J. Leclercq et H. Rochais, vol. VIII : Epistolae, Rome, 1977, p. 147. 33. Theo Bell, Divus Bernardus. Bernhard von Clairvaux in Martin Luthers Schriften, Mayence, 1993. 34. Bernard Jacqueline, Épiscopat et papauté chez saint Bernard de Clairvaux, Saint-Marguerite d’Elle, 1995 ; Dominique Iogna-Prat, « Bernard de Clairvaux et l’Église », dans L’Actualité de saint Bernard. Actes du colloque (Collège des Bernardins, 20-21 novembre 2009), Antoine Gouggenheim et André-Marie Ponnou-Delaffon (dir.), Paris, 2010, p. 99-110.

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INTRODUCTION

• Pour conclure ce bilan qui comporte bien des lacunes, il n’est pas sans intérêt de citer un certain nombre de jugements portés par divers historiens sur Bernard de Clairvaux. Achille Luchaire, professeur à la Sorbonne et représentant de l’école positiviste, écrivait à son propos en 1903 : « Quelle fut donc l’œuvre de saint Bernard ? L’opposition d’un homme de génie aux courants qui entraînèrent son siècle… La tentative isolée de cet admirable rêveur était condamnée d’avance » ; après quoi, atténuant quelque peu la sévérité de son propos, il lui reconnaît le mérite d’avoir « élevé la moralité et laissé au monde l’exemple d’une énergie et d’une vertu qui dépassèrent l’humanité35 ». Jacques Le Goff se prononce dans le même sens, en ajoutant toutefois en fin de phrase une réflexion particulièrement pertinente : « Patron des causes perdues, il a été le grand interprète spirituel de la féodalité36 ». On peut également méditer la question que le général de Gaulle aurait posée à Malraux dans le parc de La Boisserie, à une quinzaine de kilomètres de Clairvaux, dont il apercevait peut-être les bâtiments dans le lointain : « Saint Bernard était assurément un colosse. Était-il un homme de cœur ?37 » Comme on le voit d’après ces quelques formules, Bernard semble avoir suscité chez nos contemporains des réactions où l’admiration pour l’homme et l’auteur se mêle à des doutes sur la pertinence de son action et de certains de ses comportements. Mais il me plaît de laisser sur ce point le dernier mot au grand connaisseur de l’abbé de Clairvaux que fut Jean Leclercq. J’ai eu la chance de le connaître et de discuter longuement avec lui sur ces questions en 1977, lors d’une séance du Circolo Medievistico Romano consacrée à son livre Nouveau visage de saint Bernard de Clairvaux. Approches psycho-historiques, où il nous rappela que Bernard est sans doute le premier homme depuis saint Augustin dont nous connaissons aussi bien la personnalité et la vie intérieure : « On ne peut que haïr Bernard ou l’aimer. Il n’y a pas de moyen terme. Mais chacune de ces options laisse peu de place à l’être humain, avec ses forces et ses faiblesses, ses contradictions entre paroles et actions, entre moments d’inspiration et actes regrettables… S’il est difficile à connaître et à comprendre, et pour certains à aimer, c’est à cause de la complexité de sa personne et de son œuvre. Et cette part de mystère qui continue de l’entourer doit stimuler et non décourager une recherche aussi objective que possible du vrai saint Bernard38 ». C’est à cette tâche que nous nous sommes consacrés et il me semble que les travaux réunis dans ce volume devraient nous aider à progresser en historiens dans cette connaissance. •

35. A. Luchaire, dans Histoire de France, Ernest Lavisse (dir.), t. 2, Paris, 1901, p. 282. 36. J. Le Goff, La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, 1967, p. 573. 37. André Malraux, Les Chênes qu’on abat…, Paris, 1971, p. 81. 38. J. Leclercq, Bernard de Clairvaux, Paris, 1989, cité par B. P. McGuire, « The Difficult Saint », p. 43.

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INDEX NOMINUM En raison du nombre important d’occurrences, les vedettes « Bernard de Clairvaux (saint) », « Cîteaux » et « Clairvaux » n’ont pas été indexées. Cet index ne comporte pas non plus de renvois aux lieux de conservation des manuscrits cités dans l’ouvrage. Seuls les noms de lieu ou d’établissement faisant l’objet d’une entrée d’index sont identifiés. Les établissements religieux sont indexés à leur toponyme ou à leur dédicace.

A Abbaye-Blanche (L’) (Manche, c. et cne Mortain), prieuré puis abb. cist. f. : 165, 346

ANSELME de Canterbury : 34

Aberconwy (Pays de Galles), abb. cist. : 111

Arabona (Italie), abb. cist. : 74

Ábrahám (Serbie), abb. cist. : 54-55

Aragon (Espagne) : 51, 53, 80, 83-85, 87, 92, 336-337, 351

Acey (Jura, c. Authume, cne Vitreux), abb. cist. : 54, 341, 343-344

Arconville (Aube, c. Bar-sur-Aube) : 186

Acquaformosa (Italie) :

Ardorel (Tarn, c. Mazamet, cne Payrin-Augmontel), abb. cist. : 343-344

– Santa Maria de Leucio, abb. cist. : 73 Acquafredda (Italie) : 343 ADAM, abbé de Mortemer : 138 ADÉLAÏDE, duchesse de Lorraine : 163-164 ADÉLAÏDE de Maurienne, reine de France : 97 AÉLIZ, ctesse de Châteauvillain : 132 AELRED, abbé de Rievaulx : 31, 34-35, 163, 317 AGNES d’Harcourt : 134 AHMED Ibn Al-Mansur : 82

ANTOINETTE, abbesse de Maubuisson : 346

Argensolles (Marne, c. Avize, cne Moslins), abb. cist. f. : 168-170, 178 ARISTOTE : 258-264, 266-267 Armagh (Irlande) : 24 Armentera (Espagne), abb. cist. : 337 ARNAUD de Bonneval : 20, 65 ARNULF, convers de Villers-en-Brabant : 168 ARTAUD, abbé de Preuilly : 78

Aiguebelle (Drôme, c. Grignan, cne Montjoyer), abb. cist. : 343-344

Artige (L’) (ordre de) : 308

Aix-la-Chapelle (Allemagne) : 37

Aubepierre (Creuse, c. Bonnat, cne Méasnes), abb. cist. : 298-299, 343-344

Aizanville (Haute-Marne, c. Châteauvillain) : 129 ALAIN de Moisdon : 60 Albon (Drôme, c. Saint-Vallier) : 96-97 ALBRECHT, abbé de Maulbronn : 333 Alcántara (ordre d’) : 87 Alcobaça (Portugal), abb. cist. : 90-92, 94, 98-104, 288, 362

ASCELINE de Boulancourt : 164-166, 182

Aubepierre-sur-Aube (Haute-Marne. c. Châteauvillain) : 204 Auberive (Haute-Marne, ch.-l. c.), abb. cist. : 165, 178, 208, 223, 343-344 AUBERT Le Mire : 156-157 Aubignac (Creuse, c. Dun-le -Palestel, cne Saint-Sébastien), abb. cist. : 297

ALEXANDRE III, pape : 44, 55, 56, 100-101

AUBRI de Trois-Fontaines : 166-167

ALEXANDRE IV, pape : 197

AUBRY (saint) : 38

ALEXANDRE V, pape : 334-336

AUGUSTIN (saint) : 28, 30, 168

ALEXANDRE de Halès : 265-266

Aulnay (Calvados, c. et cne Aunay-sur-Odon), abb. cist. : 344, 346

ALEXANDRE de Villedieu : 260-262

Aulne (Belgique), abb. cist. : 170, 171, 182, 333, 343-344

ALEXIS (saint) : 117

Aulps (Haute-Savoie, c. Biot, cne Saint-Jean-d’Aulps), abb. cist. : 42, 46, 147, 164, 343-344

ALPHONSE, cte de Poitiers et de Toulouse : 197, 300 ALPHONSE Ier, roi de Portugal : 89-90, 95-100 ALPHONSE II, roi d’Aragon : 80, 84 ALPHONSE VI, roi de Castille : 95 ALPHONSE VII, roi de Castille : 97, 100 ALPHONSE VIII, roi de Castille : 100 Altenberg (Allemagne), abb. cist. : 339 AMÉDÉE III, cte de Savoie : 96-97

Aumône (L’) (Loir-et-Cher, c. La Beauce, cne La Colombe), abb. cist. : 107, 197, 343-344 Autreville (Haute-Marne, c. Châteauvillain, cne Autrevillesur-la-Renne) : 190 AVICENNE : 264 Avignon (Vaucluse) : 176, 260, 321-340 Aywières (Belgique), abb. cist. f. : 171

Amour-Dieu (L’) (Marne, c. Dormans, cne Troissy), abb. cist. f. : 169-170

B

ANACLET II, antipape : 26, 28, 65

Bailly-aux-Forges (Haute-Marne, c. Wassy) : 190

Andecy (Marne, c. Dormans, cne Baye), abb. bén. f. : 178

Balerne (Jura, c. et cne Champagnole), abb. cist. : 162, 179, 343-344

ANDRÉ, moine de Clairvaux : 126 ANDRÉ II, roi de Hongrie : 50, 54, 56, 59, 61 ANDRÉ de Sens : 261, 269 ANGELUS Manse, abbé de Rein : 335

Barbeau (Seine-et-Marne, c. Nangis, cne Fontaine-le-Port), abb. cist. : 197, 343-344 Barbery (Calvados, c. Thury-Harcourt), abb. cist. : 137, 139-153, 346

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TABLE DES MATIÈRES MEMBRES DU COMITÉ SCIENTIFIQUE ET LISTE DES AUTEURS ........................ p. 4

REMERCIEMENTS .....................................

p. 7

PRÉFACES ANNE MISTLER ................................................ p. 9 Directrice régionale des affaires culturelles d’Alsace – Champagne-Ardenne – Lorraine

PHILIPPE ADNOT ............................................. p. 11 Président du Conseil départemental de l’Aube

ALLOCUTION DE BIENVENUE JEAN-FRANÇOIS LEROUX ................................

p. 13

LISTE DES ABRÉVIATIONS ...................

p. 16

INTRODUCTION GÉNÉRALE Bernard de Clairvaux : approche historiographique et état des questions ANDRÉ VAUCHEZ ............................................. p. 17 Les recherches actuelles sur le monde cistercien : un état de la question dans les sciences humaines et bibliques ANNIE NOBLESSE-ROCHER ............................

« Oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant ». Clairvaux et les institutions cisterciennes GUIDO CARIBONI ........................................... p. 37

p. 31

CLAIRVAUX ET LA CONSTRUCTION D’UN ESPACE EUROPÉEN Les deux faces d’une même médaille. Les filiations de Clairvaux et de Pontigny dans le royaume de Hongrie et en Transylvanie. ŞERBAN TURCUŞ .............................................. p. 49 Clairvaux et l’ordre cistercien dans un espace en marge de la chrétienté romaine : le royaume de Sicile aux époques normande et souabe ANNICK PETERS-CUSTOT ............................... p. 63

Clairvaux in Catalonia KAREN STÖBER ...............................................

p. 77

Claraval e Portugal : uma relação de séculos MARIA ALEGRIA FERNANDES MARQUES ...... p. 89 Clairvaux and the British Isles EMILIA JAMROZIAK ..........................................

p. 105

LES CLARAVALLIENS DANS L’ÉGLISE ET DANS LE MONDE The Porter of Clairvaux. Space, Place and Institution : An Example of the Evolution of the Spirituality of Charity during the Thirteenth Century ANNE E. LESTER ............................................. p. 117

Hospitalité et accueil des laïcs dans les abbayes claravalliennes normandes (XIIe-XVIIIe siècle) JEAN-BAPTISTE VINCENT ................................

p. 135

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Clairvaux et le monachisme féminin, des origines au milieu du XVe siècle ALEXIS GRELOIS ..............................................

Clairvaux à Bar-sur-Aube (fin XIIe s.-1270) BENOÎT CHAUVIN ET GILLES VILAIN ........... p. 201 p. 155

Le domaine de Clairvaux : des granges et des possessions urbaines. À la recherche d’un équilibre entre ruralité et urbanité cistercienne FRANÇOIS BLARY ............................................ p. 183 LA CULTURE CLARAVALLIENNE EN QUESTION L’absent de l’histoire. La culture universitaire dans la bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux d’après le catalogue de 1472 GILBERT FOURNIER ........................................ p. 255

L’expression architecturale chez les claravalliens de l’Aquitaine du nord : les abbatiales des Châtelliers, Boschaud et Valence (1129-1277) CLAUDE ANDRAULT-SCHMITT ........................ p. 297

Autour du concept d’« art cistercien » : construction, déconstruction, résistances SYLVAIN DEMARTHE ........................................ p. 281 CLAIRVAUX APRÈS CLAIRVAUX Les Cisterciens et le Grand Schisme d’Occident. Clairvaux et son abbé Matthieu Pyllaert (v. 1358-1428) HÉLÈNE MILLET ..............................................

Clairvaux hier, aujourd’hui et demain JEAN-FRANÇOIS LEROUX ................................

p. 359

TABLE DES MATIÈRES ............................

p. 403

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES .........

p. 407

p. 321

L’autorité abbatiale au temps de la première modernité. Clairvaux face à la commende (XVe-XVIIe siècle) BERTRAND MARCEAU ...................................... p. 341 CONCLUSIONS Clairvaux, work in progress ISABELLE HEULLANT-DONAT .........................

RÉSUMÉS

p. 367

..................................................... p. 375

ABSTRACTS

................................................ p. 383

INDEX NOMINUM .....................................

p. 391

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