LE CHEVAL, L’HOMME, LE CENTAURE. UNE TRILOGIE SÉCULAIRE (extrait)

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© Somogy éditions d’art, Paris, 2017 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination et suivi éditorial : Christine Dodos-Ungerer Conception graphique : Sophie Charbonnel Contribution éditoriale : Renaud Bezombes Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

ISBN 978-2-7572-1210-3 Dépôt légal : mai 2017 Imprimé en Union européenne

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JEAN-CHARLES HACHET

LE CHEVAL, L’HOMME, LE CENTAURE UNE TRILOGIE SÉCULAIRE

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SOMMAIRE 6 14 18

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PRÉFACES AVANT-PROPOS I. LE CHEVAL : ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ La symbolique du cheval Le cheval dans l’histoire des civilisations

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III. LE TROPHÉE DU GRAND PRIX EUROPÉEN D’ART CONTEMPORAIN

105 La création du trophée 110 Les lauréats

Le cheval au fil des siècles Le dressage : travail de haute et basse école Le cheval, sujet d’inspiration artistique

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Le cheval vu par les peintres Le cheval vu par les sculpteurs Les statues équestres Cheval et Centaure

118 La sculpture monumentale 122 Les confidences du Centaure 126 La réalisation du Centaure monumental de Saumur : photos d’atelier

II. LE CHEVAL : PTOLÉMÉE Le cheval Ptolémée : un saut dans le passé ou l’importance de la conservation et de la diffusion des savoirs

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Le cheval Ptolémée : un lien indéfectible avec le livre et son rôle majeur dans la diffusion des idées et des connaissances

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Le cheval Ptolémée : un inaltérable attrait réciproque entre les sciences et les arts

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La réalisation du cheval Ptolémée : photos d’atelier

IV. LE CENTAURE DU CADRE NOIR DE SAUMUR

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ÉPILOGUE INDEX BIBLIOGRAPHIE

Tête du cheval fougueux comme échappée de sa gangue de métal

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PRÉFACES Au cours des siècles, si l’art et la science se sont tour à tour rapprochés puis éloignés, en fonction du contexte social et culturel, on peut cependant affirmer que les liens ne se sont jamais rompus durablement.

Artistes et scientifiques sont animés d’une même passion et d’une insatiable curiosité qui les poussent, avec les moyens et les techniques qui leur sont propres, à percer les mystères du monde. Pour ce faire, ils sont parfois prêts à transgresser, à remettre en cause les acquis, en un mot à bouleverser l’ordre établi, mais c’est à ce prix que les mentalités évoluent.

La conquête technique n’est jamais une fin en soi, un aboutissement, l’important est de garder toujours le sens artistique en alerte car une œuvre ne peut se concevoir que sous un aspect perpétuellement évolutif.

L’artiste se dévoile à travers ses œuvres qui sont une manière d’exprimer autrement qu’avec des mots ses convictions intimes, au contraire le scientifique doit demeurer impartial face à ses recherches. Si l’un fait appel plus particulièrement à l’imagination et l’autre à la raison, la réalité est plus complexe. La science contient sa part de rêve, tandis que l’art n’est pas exempt de rigueur. Au xviie siècle, dans une période dite « classique », l’art qui tend vers une forme de beauté idéale se doit de respecter des règles qui relèvent d’un

académisme très strict, codifié et normalisé. À bien des égards, alors, la démarche de l’artiste peut s’apparenter à celle du scientifique. Les perspectives ouvertes par les découvertes scientifiques ne vont cesser de bouleverser et stimuler l’imagination et le potentiel créatif des artistes dont certains, et non des moindres, se sont passionnés eux-mêmes pour les sciences. L’immense artiste que fut Léonard de Vinci incarne pleinement cette double culture car n’oublions pas qu’il fut aussi un homme de sciences génial dont les inventions nous étonnent encore aujourd’hui. Au cours du xixe siècle, des scientifiques célèbres ont également pratiqué une activité artistique. Le médecin Jean-Martin Charcot s’adonnait volontiers au dessin. Paul Richier, neurologue et anatomisme, enseignait à l’École des beaux-arts tout en étant lui-même peintre

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et sculpteur. Quant à Louis Pasteur, une chaire a été spécialement créée pour lui à l’École des beaux-arts où il enseigna la physique et la chimie appliquées à l’art. Il est d’ailleurs considéré comme le précurseur du laboratoire du Louvre.

Les œuvres signées Jean-Charles Hachet conjuguent à la fois un mélange de rigueur analytique propre au scientifique et un savant équilibre où le rêve, la beauté et l’émotion tiennent lieu de logique.

Avec l’apparition de l’art abstrait et des courants surréalistes, les artistes rejettent délibérément les règles classiques trop contraignantes. Ils se forgent un autre univers, l’imaginaire, le fantasme même remplacent la recherche du beau et du vrai. En cela peut-être s’éloignent-ils du monde scientifique.

Le cheval Ptolémée comme le Centaure aux livres témoignent de cette complicité séculaire entre l’art et la science, entre le savoir fondé sur la raison et la création issue de l’imagination. À travers ces deux approches, c’est un regard sur le monde qui est porté, et plus particulièrement sur une époque qu’il convient d’appréhender dans toute sa complexifié et ses différentes composantes.

Grâce au développement de l’industrie et des techniques, un nouveau rapprochement va s’opérer entre l’art et la science qui deviennent complémentaires ainsi qu’en témoignent de nombreux exemples : Yves Klein fait appel aux plus grands chimistes pour mettre au point les colorants dont il enduit le corps de ses modèles vivants, gardant toutefois la maîtrise de l’œuvre finale. Alexander Calder, ingénieur de formation, sait parfaitement se jouer des lois de la physique pour mettre au point le mouvement de ses mobiles dans l’espace. Quant à Dalí, entre réalité et illusion, ses œuvres témoignent de la relation privilégiée qu’il entretient avec la science en général et les mathématiques en particulier. Enfin, notons que si une presse hydraulique peut écraser un monticule de voitures, il faudra toutefois le génie de César pour lui conférer toute sa dimension artistique. Aujourd’hui, l’assistance par ordinateur et l’informatique en général ont ouvert de nouveaux champs d’exploration aux artistes qui ont su trouver dans ces technologies récentes d’autres modes d’expression au service d’une imagination jamais assouvie.

Les ouvrages de Jean-Charles Hachet, sculptés dans la masse, diffuseurs des connaissances, porteront ainsi aujourd’hui et demain témoignage de cette proximité audacieuse entre l’art et la science. Le cheval représenté au galop symbolise l’évolution d’un monde en perpétuel mouvement dans sa course effrénée vers un horizon improbable dont les limites sont sans cesse repoussées grâce aux découvertes scientifiques. Ptolémée rassemble en une seule figure cette contradiction apparente entre une science qui progresse inexorablement et l’œuvre achevée, témoignage d’une certaine forme de rigidité et de vérité intemporelle. Cette sculpture de Jean-Charles Hachet traduit avec force et talent une vision artistique confirmée et nous renvoie à cette forme de beauté éternelle qui caractérise l’œuvre d’art. Clinicien, auteur de nombreux ouvrages fondamentaux en médecine, le Dr Jean-Charles Hachet est connu bien au-delà de nos frontières : il est à la fois un praticien, au chevet et à l’écoute

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de ses malades, un chercheur épris de rigueur, mais aussi un historien d’art, critique et sculpteur. En authentique créateur, il considère que seule l’œuvre est l’expression de la pensée.

demande du Dr Étienne-Jean Georget, médecin chef à la Salpêtrière, Géricault a exécuté dans un but thérapeutique une série singulière de dix portraits de malades.

Biographe, ami et médecin traitant d’artistes de renom, il est un protagoniste de grand talent, ses travaux et plus généralement l’ensemble de son action constituent un exemple significatif des liens qui unissent la science et l’art.

La science et l’art trouvent ici une union harmonieuse, une complicité audacieuse dans la recherche d’un idéal commun sur le monde qu’ils tentent chacun à leur manière de déchiffrer et de rendre meilleur.

Rappelons que Jean-Charles Hachet fonda, avec le Président Jean Lecanuet et M. André Bettencourt, membre de l’Institut, le Grand Prix européen de la sculpture qu’il nomma prix Géricault. N’oublions pas que, dans l’un de ses ouvrages, Les Grands Maîtres de l’art, JeanCharles Hachet nous signale que Théodore Géricault mit son talent au service de la science et plus précisément de la médecine. En effet à la

Ainsi, scientifiques et artistes concourent au même idéal, en quête de vérités objectives pour les uns ou d’univers inventés pour les autres. Ce sont d’incorrigibles novateurs qui éveillent nos consciences.

Antoine Poncet

Membre de l’Institut Président de l’Académie des beaux-arts

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Une question m’a été cent fois posée par des « profanes », des médecins ou des artistes :

Paul Gauguin : « Qui sommes-nous, d’où venons-nous… ? »

« Comment faites-vous, médecin-chercheur, président de Sociétés scientifiques internationales et assujetti à la rigueur, pour parler des arts et des d’artistes, dont la singularité essentielle est la liberté absolue d’imaginer ? »

À leur façon, artistes et médecins avancent leurs réflexions et s’efforcent depuis toujours et, espérons-le, pour longtemps encore, d’apporter des réponses à cette question existentielle.

L’étonnement des étonnés m’étonne toujours ! Comment imaginer en effet qu’arts et sciences seraient dissociables ? Les deux domaines ne sont-ils pas irréversiblement liés par leur même et unique préoccupation : l’homme ? Tant qu’il y aura des hommes, perdurera l’interrogation éternelle formulée par

Pour ma modeste part, je n’ai jamais éprouvé malaise, distorsion, ou déchirure entre sciences et arts, m’efforçant d’être totalement médecin et ardemment observateur attentif des arts et artistes, dans une unique préoccupation, l’humanisme.

Pr François-Bernard Michel

Président de l’Académie de médecine et de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France

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Pour moi, l’art est présent partout, dans un paysage, dans le chant d’un oiseau, dans un rayon de soleil, autant que dans les œuvres d’art qui ont nécessité pour prendre forme l’intervention de la main et du génie de l’artiste, peintre, sculpteur, graveur, musicien… Il y a un mystère fascinant dans la création du beau artistique, un mystère qui remonte aux origines du monde et qui fait de l’œuvre d’art un objet irremplaçable car il porte en lui la sensibilité et le talent de son créateur. J’ai eu la chance d’entrouvrir la porte de ce monde fabuleux de l’art qui relie les rives du temps et de l’humanité. Mais, loin de vouloir en profiter seul, égoïstement, j’ai voulu au contraire en donner les clés au plus grand nombre en réduisant l’écart entre l’œuvre d’art et le public et en donnant à admirer des productions artistiques de tous les temps, notamment à ceux qui n’ont pas souvent la possibilité de voir une exposition. C’est dans ce but que j’ai créé la Fondation Pierre Gianadda, du nom de mon frère, trop tôt disparu dans des conditions tragiques et dont l’altruisme qui l’a toujours animé est en parfaite adéquation avec la raison d’être de cette institution. À travers cette Fondation, j’ai souhaité donner un sens concret à certains principes qui guident ma vie : « Rendre l’art précieux à tout le monde », « Aider les autres »… Ce rôle de passeur des savoirs et des foisonnements artistiques qui s’exprime dans nos engagements, je le retrouve avec bonheur dans cet ouvrage du docteur Jean-Charles Hachet et j’apprécie de pouvoir faire le parallèle avec la vision de l’art qu’il recèle. À l’origine, la Fondation Pierre Gianadda, construite sur l’emplacement d’un temple antique, a été conçue comme un Mémorial avec l’intention de

sauvegarder ces vestiges et de créer un musée archéologique dans ma ville natale de Martigny en Suisse. Mais, très vite, je lui ai assigné parallèlement un autre but, celui de permettre au plus grand nombre d’accéder à l’art tout en contribuant à l’essor culturel et touristique de Martigny, en signe de reconnaissance envers la Suisse, ce pays qui a accueilli ma famille. En effet, je n’oublie pas que mon grand-père Baptiste, originaire du Piémont italien, poussé par la faim et la misère, a émigré vers la Suisse en 1886, à l’âge de treize ans, dans l’espoir d’y construire une vie meilleure. Depuis son inauguration en novembre 1978, la Fondation Pierre Gianadda attire des foules de visiteurs – quelque neuf millions et demi à ce jour – qui viennent pour voir, revoir ou s’initier à l’art de grands maîtres de la sculpture ou de la peinture : Rodin, Lautrec, Braque, Dubuffet, Degas, Staël, Manet, Gauguin, Bonnard, Van Gogh, Berthe Morisot et beaucoup d’autres. L’espace réservé au musée gallo-romain rassemble une belle collection d’objets datant du ier au ive siècle : des offrandes, des monnaies, des stèles, des poteries, des bijoux, des fibules, des armes… Il abrite, en outre, les célèbres Grands Bronzes d’Octodure découverts en 1883 à Martigny dont la fameuse tête de taureau tricorne. Cet ensemble est complété par un Musée de l’automobile où sont exposées des voitures rares, anciennes, toutes en état de marche, dont certains modèles uniques au monde : la DelaunayBelleville du tsar Nicolas II de Russie, une RollsRoyce « Silver Ghost », une Stanley à vapeur, une Pic-Pic 1912 type F12 et une autre Pic-Pic de 1906. À l’extérieur des bâtiments, un parc aux sculptures ombragé, ponctué de plans d’eau, permet au visiteur de flâner pour admirer de près les œuvres présentées : Rodin, Arp, Brancusi, Maillol, Miró, Moore, Ernst, César, Richier, Calder, Dubuffet, Poncet, Niki de Saint Phalle… Un véritable parcours de la sculpture du xxe siècle.

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À travers cette Fondation, il s’agit de protéger des témoignages du temps passé, artistiques, industriels, architecturaux, sans les mettre à l’abri dans une réserve cachée, mais au contraire en les exposant au grand jour. Le cheval Ptolémée, qui impose sa présence dans l’ouvrage, symbolise une démarche similaire. Cuirassé de livres d’art et de livres scientifiques, il bondit, transportant la connaissance et l’esprit artistique vers d’autres horizons, vers un public qu’il se donne pour mission de conquérir et de captiver grâce à son précieux chargement. Pour étayer son propos, l’auteur a fait du cheval son ambassadeur. Cet animal, de nature énergique et fougueuse, continue à véhiculer une fois domestiqué, un sentiment de liberté et de puissance et il est souvent présenté comme l’exemple abouti de l’entente parfaite entre le cavalier et sa monture. Il incarne à merveille la marche vers le progrès et la connaissance. Le cheval Ptolémée et les deux Centaures qui sont les héros de l’ouvrage incarnent ces valeurs et c’est donc tout naturellement qu’ils servent de guides à tous ceux qui veulent s’aventurer sur le chemin de la connaissance en général et de l’art en particulier. Le cheval Ptolémée incarne la hardiesse qui s’empare de nous et nous entraîne vers la culture. Il est l’emblème de cette force qui aiguise les émotions au contact de l’art et ouvre une large fenêtre sur des ailleurs insoupçonnés à celui qui s’attarde à la contemplation d’une œuvre, quelle qu’en soit la nature, sculpture, peinture, arts graphiques, architecture, musique, danse…. En outre, la signification donnée au nom de Ptolémée pour désigner ce cheval bondissant entrelardé de livres est pour moi très évocatrice. Avec cette statue, ressurgit du fond des âges le

souvenir de la fameuse bibliothèque d’Alexandrie fondée par la dynastie des Ptolémées et considérée comme ayant été la matérialisation de la bibliothèque idéale, conservant en un seul lieu tous les savoirs du monde. Le bâtiment, tel que décrit par ce grand voyageur qu’était Strabon, parle à ma sensibilité d’architecte. Je note qu’il comprenait non seulement des salles pour conserver les livres, une salle pour les cours magistraux, des salles de recherche, un observatoire astronomique, un jardin botanique, une réserve d’animaux rares, mais aussi une cour ombragée entourée de portiques où maîtres et élèves pouvaient lire à haute voix et engranger des connaissances. Cette évocation me transporte vers le parc aux sculptures de Martigny qui fait partie intégrante de la Fondation et qui joue un rôle essentiel dans la mise à disposition des visiteurs d’un éventail représentatif de la production artistique. J’ai déjà eu l’occasion de dire nombre de fois que la Fondation Pierre Gianadda n’est pas intimidante, que l’on n’y va pas en baissant la tête et que l’on peut y rentrer sans subir d’examen, sans être un spécialiste. Il en est de même pour cet ouvrage, accessible à tous, et on y apprend beaucoup, y compris lorsque l’on croit posséder un sujet. Car, avec habileté, il nous entraîne à la découverte de toutes les facettes d’une rencontre séculaire, celle de l’homme et du cheval, sans oublier leur avatar, le Centaure, image de leur proximité complice. À travers ses œuvres qui associent sculptures et livres, symboles parfaits d’équilibre, d’élégance et d’esthétisme, le docteur Jean-Charles Hachet nous conduit en connaisseur et en acteur, dans un passionnant dialogue entre la science et l’art.

Léonard Gianadda Membre de l’Institut

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Cavalier et cheval sont des êtres vivants ; en cette qualité, ils expriment leur façon de vivre selon un point de vue aussi psychique que physique. Leurs rapports mutuels par lesquels l’homme cherche à ne faire qu’un avec sa monture dépendent en conséquence de la résultante de toutes les forces mises en jeu. C’est là qu’intervient l’artiste pour mettre en lumière dans son œuvre ces rapports mutuels entre le cavalier et sa monture.

Grâce à ce livre, nous allons pouvoir pénétrer encore plus avant dans le mythe du Centaure. Soyez en remercié Docteur.

Colonel Loïc de la Porte du Theil Écuyer en chef – Cadre noir de Saumur

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LE CHEVAL, L’HOMME, LE CENTAURE… Le cheval a une histoire qui remonte à la nuit des temps. Il existait bien avant que l’homme ne fasse son apparition sur terre, quelque 60 millions d’années avant Homo erectus. C’est pourquoi il n’est pas inopportun de le placer en premier, avant l’homme, dans cette trilogie séculaire. Quant au Centaure, en tant que « descendant » et fusion légendaire des deux premiers, il trouve légitimement sa place à leur suite.

« Le cheval est fier, ardent et impétueux », disait le naturaliste Georges Buffon. De fait, présent sur terre depuis la préhistoire, le cheval est symbole de puissance et l’homme n’a eu de cesse de le domestiquer pour qu’il l’aide dans ses travaux quotidiens et ses déplacements. Cette domestication a eu d’importants effets sur l’espèce et a été à l’origine d’un processus de transformation de l’animal. Le cheval actuel est le fruit de sélections successives dans le but de le rendre parfaitement apte aux pratiques agricoles, aux techniques industrielles et aux contraintes des transports auxquelles il était destiné. Le cheval de Przewalski est le seul cheval sauvage qui ait survécu tel qu’à ses origines jusqu’à l’époque actuelle. Il a été découvert en 1879 dans les steppes de l’Asie centrale. Le cheval Ptolémée… l’art et la science, étroitement liés, emportés dans un même élan

Au fil des temps, le cheval a donc épaulé, guidé et accompagné l’homme dans son évolution, dans les mutations sociétales, dans la marche

du progrès de l’humanité. C’est la raison pour laquelle il figure dans tout l’éventail des représentations artistiques déployées par l’homme. Dessiné dès les temps immémoriaux sur les parois des grottes, peint, sculpté, gravé, représenté pour lui-même dans de somptueux portraits ou élément de scènes de genre, de théâtres de batailles, ou encore de courses hippiques, de chasses à courre, de scènes de haras, le cheval, compagnon de l’homme, a fourni aux artistes un inépuisable champ d’investigations. Témoin de l’évolution des rapports entre le cheval et l’homme, le regard de l’artiste a changé au cours des âges. Le cheval, animal sauvage, a fait place au cheval utilitaire – cheval de somme des paysans, cheval de mines, cheval d’attelage de carrosses… –, mais aussi au cheval auxiliaire militaire – cheval de cavalerie lourde en armure, cheval de cavalerie légère, cheval de

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LE CHEVAL : ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ Certains faits ou comportements singuliers relevés dans les croyances populaires s’expliquent par le symbolisme attribué aux animaux. Il en est notamment ainsi pour le cheval qui est chargé de symboles très forts et nombreux, qu’il s’agisse de sa place dans la mythologie, de sa représentation dans l’art ou de son rôle dans la littérature. Ils sont le reflet de la place de tout premier ordre qu’il occupe depuis les origines dans le quotidien des hommes, dans l’histoire des civilisations.

LA SYMBOLIQUE DU CHEVAL Le cheval représente la liberté, la puissance, la force, la beauté, la noblesse, la mobilité, le voyage, les transports, les travaux agricoles, le rendement, le respect et le service des hommes en temps de guerre, le combat, la résistance, le maintien de la paix, la contribution aux avancées de toutes natures, le progrès… Son rôle dans la marche en avant des civilisations est unanimement reconnu. C’est pourquoi dans de nombreuses cultures il est un pilier de l’imaginaire collectif et un emblème de la force vitale. Ainsi, les peuples germaniques prédisaient l’avenir d’après les hennissements des chevaux blancs car on pensait qu’ils étaient en lien direct avec les puissances célestes. Et les Germains, mais aussi les Grecs, juraient sur la tête de leurs chevaux ! « Mon expression témoigne de ma puissance et de mon intense pouvoir émotionnel. »

Admiré et honoré à toutes les époques, le cheval a toujours bénéficié d’une reconnaissance

toute particulière qui explique les attributs et les pouvoirs magiques qui lui sont associés. Il est présent dans tous les grands mythes grecs, romains, nordiques…, mais aussi dans les légendes et les récits populaires. Ainsi, surgissant du fond des âges, des chevaux mythiques sont parvenus jusqu’à nous dotés de pouvoirs surnaturels qui ont parfois évolué au cours des âges. Ces pouvoirs hors du commun sont en lien avec un symbolisme puissant qui les situe à la fois dans le monde chtonien, souterrain, et dans le monde ouranien, céleste. Pour illustrer cette dualité d’appartenance et son évolution, il n’est qu’à prendre l’exemple de la mythologie grecque. Dans la mythologie grecque ancienne le cheval apparaît comme lié aux puissances chtoniennes des profondeurs de la terre. Ces puissances des tréfonds renvoient à l’idée de la mort mais aussi de la vie car elles sont en relation avec le monde d’en haut. L’illustration la plus parlante est celle des plantes, source et symbole de vie, qui plongent leurs racines dans

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LE CHEVAL : PTOLÉMÉE De toute éternité, le cheval a occupé une place de premier ordre dans les civilisations qui se sont développées au cours des siècles. C’est pourquoi, plus qu’aucun autre animal, il a été étudié, détaillé, analysé et interprété par les scientifiques comme par les artistes. Les travaux des uns se sont enrichis par les observations des autres.

« Je représente le mouvement l’action, la fougue, l’ardeur impulsive… »

Pour preuve le fameux écorché d’Honoré Fragonard conservé dans le musée de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort près de Paris. Souvent appelé Cavalier de l’Apocalypse en référence à l’œuvre de Dürer, il représente un double écorché, un homme et un cheval, unis à jamais dans une composition qui tient de la nature du Centaure. Fragonard, par cette œuvre, souhaitait mettre en évidence que l’homme est un animal comme les autres, à l’encontre des théories de Buffon qui professait que « rien n’est plus éloigné de l’Homme que le cheval ». Le cheval Ptolémée, magnifique sculpture en bronze de 1,40 mètre de long pour un poids de 113 kilos, se situe dans la lignée de cette relation entre les sciences et les arts. Le cheval Ptolémée illustre mes différents travaux scientifiques et artistiques. À travers cette évocation, le cheval de bronze Ptolémée symbolise le lien solide qui relie l’approche de la science et de l’art. Il personnifie

les rapports inaltérables entre la science et l’art, entre la culture et la nature, entre le matériel et l’irrationnel, mais aussi l’importance du livre dans la transmission des connaissances et la marche en avant du progrès de l’humanité. Saisi au moment où il bondit en prenant appui sur des livres, Ptolémée s’envole dans l’espace en hennissant, le corps constellé d’ouvrages, flamboyant symbole de la relation qui unit science et art. Libre et fougueux, il s’élance, immortalisé lorsqu’il ne semble plus toucher terre, et apparaît comme suspendu dans l’air dans toute l’expression de sa force et de sa beauté. L’esthétique, puissante et aérienne, est à la mesure de la prouesse technique. Toute la masse du cheval repose sur un seul sabot et cet équilibre extraordinaire est le fruit d’une audacieuse recherche architecturale du sculpteur.

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LE TROPHÉE DU GRAND PRIX EUROPÉEN D’ART CONTEMPORAIN Créé en 2006, le Trophée du Grand Prix européen d’art contemporain, « Trophée Jean-Charles Hachet », a succédé au Grand Prix européen de la sculpture – Prix Géricault, dont je fus membre fondateur avec le Président Jean Lecanuet et André Bettencourt, de l’Académie des beaux-arts, ancien ministre de la Culture. Ce Grand Prix a, en son temps, distingué de célèbres sculpteurs qui ont marqué notre époque, parmi lesquels l’inoubliable César.

Le trophée représente un centaure constitué de mes principaux ouvrages. Il a été conçu et réalisé avec François Lavrat.

Des formes pures et nettes où l’expressivité n’est jamais absente…

Cette création prend vie grâce à un ingénieux équilibre des différents livres. Cette approche synthétique et stylisée privilégie les volumes souples qui, en s’articulant entre eux, adoucissent l’expression du modèle, tout en lui gardant un air conquérant et majestueux. L’ensemble, résolument moderne, s’éloigne ainsi de la représentation figurative et applique les principes de la schématisation issue du cubisme. C’est une sorte de langage de mystère et de magie, un lien entre le passé et l’avenir dans le présent. Il illustre cette volonté qui veut que l’œuvre, dans un contexte de pureté, ne doive être ni statique ni figée. Le socle est cette énorme encyclopédie qui raconte et perpétue l’histoire des sculpteurs et des fondeurs de l’Antiquité à nos jours.

Chaque trophée est une pièce unique, réalisée spécialement pour toute nouvelle édition du prix. Par cette initiative, j’ai tenu à manifester mon intérêt pour l’art en général et la sculpture en particulier. À l’origine, il s’agissait en effet, à travers cette distinction, de récompenser un sculpteur contemporain sans restriction de tendance ou d’école, d’âge ou de pays, tous styles et matériaux confondus. L’objectif est de promouvoir non seulement la sculpture mais aussi la peinture et la photographie qui depuis quelque temps déjà est considérée comme un art à part entière et donne lieu à de nombreuses expositions. Plus largement, il s’agit d’encourager les artistes qui avec passion et talent perpétuent toutes formes d’art dont la notion, le geste, le langage ont évolué avec le temps en lien avec

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LE TROPHÉE DU GRAND PRIX EUROPÉEN D’ART CONTEMPORAIN LES LAURÉATS DU TROPHÉE DU GRAND PRIX EUROPÉEN D’ART CONTEMPORAIN Lauréate 2007 : Brigitte Teman Le 17 décembre 2007, le Trophée a été décerné pour la première fois à l’Espace Champerret lors du Salon « Art et nature » à Brigitte Teman dont L’Éléphant en bronze a séduit le jury. Plus largement, ce prix récompense l’ensemble de son œuvre. Brigitte Teman est une jeune artiste mais elle est déjà célèbre à la faveur des nombreuses expositions auxquelles elle a participé. Elle a su trouver dès le début de sa carrière un style qui lui est propre, nourri par une imagination toujours en éveil. Elle réalise surtout des nus féminins et des animaux essentiellement en bronze mais travaille aussi l’argile ainsi que des matériaux composites dont elle fait naître des volumes aux lignes pures s’attachant à la beauté et à l’harmonie des formes.

reprendre son projet d’origine autant de fois qu’elle le juge nécessaire avant de parvenir à la version définitive. Elle ne cesse de faire ou défaire tout ou partie du sujet, modifiant une attitude, amputant ou ajoutant ici ou là un nouvel élément, une aile ou une patte.

Négligeant volontairement les détails superflus et simplifiant la structure de ses modèles, elle s’affirme à travers ses œuvres à la fois puissantes et rassurantes.

Ce chassé-croisé entre le regard de Brigitte Teman dont l’œil se porte bien au-delà du réel et l’aspect physique de l’objet, rappelle les propos de Cézanne : « pour nous… la nature est plus en profondeur qu’en surface ».

Elle est passée maître dans l’art de saisir le mouvement, la vie dans ce qu’elle a de plus fugace et de spontané. Ses nus, ses animaux sont pris sur le vif et immortalisés dans un équilibre qui, loin d’être figé, donne au contraire l’impression de la vie frémissante. Elle réinvente le geste que son œil perçoit et le reproduit grâce à de légères touches de matière. Très perfectionniste, Brigitte Teman n’hésite pas à

Brigitte Teman, Éléphant

2e Prix 2007, Prix de la sculpture contemporaine : Pierre Fouesnant. 3e Prix 2007, Prix de la sculpture animalière : Lucien Ghomri. 4e Prix 2007, Prix du jeune espoir : Marie B.

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Laureate 2008 : Nili May Tal Le 28 décembre 2008, le Trophée du Grand Prix européen d’art contemporain a été décerné à Nili May Tal, à la fois sculpteur et écrivain, dans le cadre du Salon d’art contemporain qui s’est tenu à Cannes. Son œuvre, Flowers, originale et d’une grande beauté plastique, a retenu l’attention du jury. Nili May Tal a étudié l’histoire de l’art à l’Université hébraïque de Jérusalem ; elle a également reçu une formation pratique auprès d’éminents professeurs, ce qui lui a permis de développer ses talents de sculpteur. Nili May Tal reconnaît elle-même s’être beaucoup impliquée dans la vie artistique, à la fois comme sculpteur mais aussi comme présidente d’associations d’artistes, directrice artistique de divers établissements…

parcs de différentes villes en Israël. Certaines de ses figures proches des expressionnistes se rapportent aux inquiétudes et aux espoirs humains. L’évolution récente de son parcours artistique la conduit vers des conceptions plus complexes, plus symboliques, proches de ses préoccupations personnelles et du regard qu’elle porte sur le monde. Sensible à la dégradation de notre milieu, elle entrevoit un nouveau commencement, la naissance d’un nouveau monde qui progressivement va se substituer à l’ancien. Tel est le thème de son grand projet actuel, A Moment Prior. L’œuvre, ou plus exactement dans le cas précis l’installation, hautement symbolique au-delà de sa représentation artistique, ouvre le champ à nos multiples interrogations.

Cette artiste dont l’œuvre témoigne d’une très grande créativité s’exprime principalement dans des matières comme le bronze, la pierre, le fer ou encore le bois et des matériaux composites à base de polymères.

Nili May Tal, Flowers

Son style se caractérise par une figuration très poétique ; ses sculptures conjuguent la sensibilité et le naturel, la délicatesse et la force. Tout en grâce, habillées de lumière, elles sont assurément porteuses de rêve, de beauté et d’espérance aussi. Elles révèlent une personnalité extrêmement sensible, à l’écoute du monde qui nous entoure. Ses sculptures monumentales réservées à des espaces publics font l’objet d’un soin particulier ; les patines sont souvent pures et lisses pour qu’elles reflètent la couleur des sites de plein air auxquels elle les destine. C’est ainsi que plusieurs de ses œuvres ornent les

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LE CENTAURE DU CADRE NOIR DE SAUMUR Maître Ludovic de Villèle Président des Amis du Cadre noir Sans l’homme qui a su dompter, domestiquer, dresser le cheval pour lui préserver toute sa noblesse, l’animal aurait sans doute disparu.

Avec la peinture, la sculpture, l’écriture, le cheval est magnifié, ennobli, « exagéré ». Il trouve, en quelque sorte une seconde nature. C’est une renaissance. Mais à travers son œuvre, l’artiste, comme le cavalier, s’efface derrière le cheval. Avant ou après le cheval ? Peu importe, puisque l’artiste comme le cavalier ne doit faire qu’un avec le cheval. Quelle humilité.

Le Centaure du Cadre noir de Saumur – La sculpture est devenue pleine par le rythme et le processus expressif de la composition.

Mais peut-il en être autrement, que celle dont fait preuve l’artiste à travers son œuvre, le laisser souffler l’esprit, pour que son œuvre d’art devienne la création du Centaure ?

« Je permets à l’être humain d’imaginer une mythologie qui lui est propre… »

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DU MÊME AUTEUR : Ferdinand Parpan. L’intuition des formes Somogy Éditions d’Art, 2001 Le sculpteur parisien Ferdinand Parpan, né en 1902, toujours alerte et vif, il continue de nous étonner par la richesse et la diversité de son oeuvre jusqu’à sa mort à 102 ans. Sa force créatrice l’a conduit, dans ses sculptures comme dans ses peintures, vers une extraordinaire synthèse des formes et une remarquable métamorphose de la réalité. Son œuvre témoigne d’une intelligence visuelle et d’un savoir-faire inégalés. Ses musiciens, ses nus et ses animaux sont des épures très lissées, des formes audacieusement condensées, dont on retient le « courbisme » harmonieux et serein. Le Matelot accordéoniste et l’Éléphant, pour ne citer que ces deux sculptures sont mondialement connus. Ferdinand Parpan est le seul artiste, avec César, à avoir obtenu le grand prix européen de la sculpture. Sa main infaillible sert une volonté, une imagination, une « intuition » qui n’appartiennent qu’à lui et qui défient le siècle.

La photogravure a été réalisée par Quat’Coul, Toulouse. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de PBtisk (République tchèque) en mai 2017.

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