Remerciements Les auteurs remercient chaleureusement pour leur participation à l’étude des retables et leur collaboration à cet ouvrage : au C2RMF, Isabelle Biron, Isabelle Pallot-Frossard, Elsa Lambert ; au Louvre, Max Dujardin, Christine Chabod, Marie-Elsa Dantan, Christine Duvauchelle, Marie-Pierre Salé et Catherine Voiriot, ainsi que Emmanuelle Brugerolles, Thierry Crépin-Leblond, Sandrine Hériché-Pradeau et Agnès Gall-Ortlik.
COLLECTION SOLO Conception de la collection Violaine Bouvet-Lanselle Suivi éditorial Catherine Dupont Contribution éditoriale Georges Rubel Conception graphique de la couverture Quartopiano, musée du Louvre Maquette Nelly Riedel Fabrication Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
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© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Musée du Louvre, Paris, 2018 ISBN musée du Louvre :978-2-35031-625-3 ISBN Somogy : 978-2-7572-1376-6 Photogravure : Quat’Coul, Toulouse et Paris Dépôt légal : avril 2018 Imprimé en Union européenne
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COLLECTION SOLO DÉPARTEMENT DES OBJETS D’ART
Léonard Limosin Les retables de la Sainte-Chapelle Françoise Barbe Conservatrice en chef au département des Objets d’art
Béatrice Beillard Restauratrice
Guy-Michel Leproux Directeur d’études à l’École pratique des hautes études
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Préface Les deux retables provenant de la Sainte-Chapelle de Paris, exécutés pour le roi Henri II, comptent au nombre des chefs-d’œuvre de la Renaissance française exposés au musée du Louvre. Ils sont aussi un chef-d’œuvre de l’art de l’émail peint sur cuivre, et l’œuvre peutêtre la plus ambitieuse de l’un des artistes les plus emblématiques de cette technique, Léonard Limosin, émailleur du roi. Déjà célèbres au XVIIIe siècle, sauvés sous la Révolution et exposés au musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir avant d’entrer au Louvre en 1816, les deux retables ont depuis plus de trois siècles suscité l’intérêt des amateurs autant que des savants. On pouvait donc croire leur histoire parfaitement écrite, en particulier depuis les contributions fondamentales de Sophie Baratte, en 2000 et 2001, et la découverte par Guy-Michel Leproux, en 2001, du marché conclu entre le roi et l’émailleur. On avait évidemment tort car un regard nouveau pouvait encore être porté sur ces œuvres, si l’on voulait bien affronter les problèmes liés aux restaurations qu’elles ont subies depuis la plus ancienne documentée, en 1799. C’est ce qu’ont fait Françoise Barbe et Béatrice Beillard en conduisant, en 2016, la restauration des retables, et en entreprenant sur eux une étude technique sans précédent. Il faut donc aujourd’hui remercier très vivement Françoise Barbe et Béatrice Beillard de nous donner dans les pages qui suivent, avec l’amicale complicité de Guy-Michel Leproux, une vision inédite des retables et, à travers elle, un regard renouvelé sur l’art de Léonard Limosin, jusque dans le détail le plus intime de sa palette. Jannic Durand Directeur du département des Objets d’art
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1. Revers du retable de La Crucifixion 2. Léonard Limosin (vers 1505 – vers 1575-1577) Retable de la Sainte-Chapelle, La Crucifixion, 1553 Émail peint sur cuivre – H. 106,5 ; L. 74,8 cm Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, MR XIII suppl. 208a
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3. Revers du retable de La Résurrection 4. Léonard Limosin (vers 1505 – vers 1575-1577) Retable de la Sainte-Chapelle, La Résurrection, 1553 Émail peint sur cuivre – H. 106,4 ; L. 74,6 cm Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, MR XIII suppl. 208b
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Une commande royale pour la Sainte-Chapelle du Palais Après une défaveur à la fin du XIV e siècle, l’intérêt des rois pour la Sainte-Chapelle se renouvelle à la fin du XV e, sous Charles VIII et Louis XII3. Mais c’est Henri II qui entreprend de rénover l’aménagement et le décor des chapelles royales, qui s’enrichit alors de son emblématique4. Tandis qu’il confie les travaux architecturaux à Philibert Delorme (1514-1570), il charge le menuisier Francisque Scibec de Carpi de créer les tribunes, boiseries, stalles et jubés qui doivent les embellir5. Après les chapelles de Saint-Germain-en-Laye et de Vincennes, c’est celle du palais de la Cité qui reçoit un buffet d’orgue et une clôture de chœur en menuiserie, qui s’élève du sol jusqu’à la base des verrières. Amovible, la clôture est conçue pour permettre de dégager l’espace du chœur lors des fastes liturgiques6. Elle est percée au centre d’une porte de part et d’autre de laquelle se répartissent cinq travées hiérarchisées, avec une travée centrale accueillant un autel et deux travées de moindre importance. Sur ces deux autels latéraux étaient placés les retables émaillés, comme en témoignent encore le plan et la vue intérieure de l’église de la Sainte-Chapelle haute gravés par Pierre-Nicolas Ransonnette (fig. 5 et 6) 7. Les panneaux de boiserie sont sculptés de décors de cuir en bas relief, des chiffres et des croissants de lune de Henri II8. Aucune archive ne nous donne l’identité de l’architecte responsable de ces travaux d’aménagement, mais il est probable qu’il s’agisse de Philibert Delorme, avec la collaboration de Francisque Scibec de Carpi, tous deux acteurs du programme de rénovation des chapelles royales décidé par Henri II9. Des stalles, ornées des trois couronnes qui symbolisent Henri III, viendront compléter le mobilier de la nef de la Sainte-Chapelle haute en 157510. Le monogramme et les croissants de Henri II se retrouvent sur les retables émaillés, dont la création est contemporaine de celle de la clôture du chœur et du buffet d’orgue. Si l’emblématique de François Ier est sans ambiguïté, associant le « F » et la salamandre, il n’en va pas de même de celle de son fils, longtemps confondue par l’historiographie avec celle de Diane de Poitiers – citons notamment la lecture des « Henri-Diane », ou doubles « D » attachés d’une lettre « H », interprétés comme « autant de monuments de la passion de Henri II pour Diane de Poitiers11 ». Les récentes études dédiées à l’emblématique royale permettent de corriger cette légende sentimentale, et montrent notamment que les croissants entrelacés, le plus souvent associés à la devise latine Donec totum impleat orbem, font de la lune le centre de cette symbolique et, avec elle, la
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déesse qui la représente, Diane, dont les emblèmes sont le carquois, les flèches et l’arc12. Un document exceptionnel est venu en 2001 compléter nos connaissances sur ces retables : le marché passé entre le roi et Léonard Limosin (Annexe et fig. 7). La découverte dans les archives d’un tel acte, qui éclaire la genèse d’une œuvre d’art ancienne, peut parfois conduire à une révision radicale de l’attribution ou de la datation traditionnellement admises. Dans le cas des retables de la Sainte-Chapelle, la mise au jour du contrat passé avec les représentants de Henri II n’a pas eu de résultat aussi spectaculaire13. Les circonstances de la commande, il est vrai, étaient déjà bien connues grâce à des informations que l’émailleur avait pris soin de faire figurer sur les plaques : plusieurs portent en effet sa signature complète ou ses initiales. De plus, ces mentions sont accompagnées à trois reprises du chronogramme de 1552, tandis que la date de 1553 est indiquée sur treize pièces. Enfin, le roi s’est fait représenter avec son épouse Catherine de Médicis sous La Résurrection, tandis qu’il a fait placer ses parents sous La Crucifixion. Quant aux modèles dessinés, neuf d’entre eux avaient depuis longtemps été identifiés dans les collections de l’École nationale supérieure des beaux-arts et avaient été attribués, sans contestation possible, à Nicolò dell’Abate (1512-1571)14. Pour autant, l’examen de l’acte notarié n’est pas sans intérêt, car il permet d’apporter quelques précisions sur les conditions dans lesquelles ces retables furent exécutés. Sans doute aurait-il pu nous en apprendre encore davantage si la minute nous était parvenue intacte. Malheureusement, elle a été non seulement déchirée dans l’angle supérieur droit, mais, surtout, une importante tache d’humidité a fait disparaître plusieurs lignes de texte, notamment des clauses ajoutées en marge, ainsi qu’une partie de la date au revers de la feuille. On peut encore lire l’année, 1552, et le jour, mercredi 15, mais plus le mois. Or, comme l’on considère généralement que Nicolò dell’Abate est arrivé en France en mai 1552 – bien qu’aucun document ne vienne confirmer cette hypothèse –, il n’est pas inintéressant de connaître précisément le jour de la signature du contrat. En 1552, le seul mois comportant un mercredi 15 est celui de juin. Ce serait donc là l’une des premières commandes françaises reçues par l’artiste italien, voire la première. Cependant, il paraît difficile de retenir cette date. En effet, Léonard Limosin s’engage à livrer les deux retables achevés pour le 15 août suivant, ce qui paraît un délai bien court compte tenu du travail à accomplir. De plus, si tel était le cas, on s’expliquerait mal que l’émailleur ait inscrit 1553 sur la grande majorité des pièces.
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