Les Chasseurs de Marly et les œuvres de Nicolas Coustou au musée du Louvre (extrait)

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COLLECTION SOLO DÉPARTEMENT DES SCULPTURES

Les Chasseurs de Marly et les œuvres de Nicolas Coustou au musée du Louvre Geneviève Bresc-Bautier Directrice honoraire du département des Sculptures


Remerciements Le dépôt des Chasseurs au musée du Louvre a été rendu possible par l’action décisive de Michèle Luccioni et la collaboration efficace du musée-promenade de Marly-le-Roi – Louveciennes, Christine Kayser et Géraldine Chopin. Le mécénat du Fonds de dotation TERRE DE CULTURES, présidé par Olivier Chalier, a permis le transport, assuré par la société LP Art, et la restauration, effectuée avec passion par Hugues et Jacqueline de Bazelaire. L’action de Séverine Le Feunteun, de Djamella Berri, au département des Sculptures, d’Anne Demarque au service du Mécénat, et de Daniel Bibrac, conducteur des travaux, a permis les difficiles opérations administratives et logistiques de transport et de mise en place, pour lesquelles les services des Travaux muséographiques, Menuiserie, Peinture et Signalétique ont œuvré avec professionnalisme. La mise en dépôt par le musée des châteaux de Versailles et de Trianon s’est accompagnée de celle du Tombeau du prince de Conti grâce à Béatrix Saule et Alexandre Maral. Sébastien Forst a assuré la restauration du tombeau et un premier nettoyage des Chasseurs. Cette publication, qui voit le jour grâce à l’action de Violaine BouvetLanselle et de Sophie Jugie, a été suivie avec efficacité par Mélanie Puchault pour l’iconographie, Angèle Dequier pour la documentation et Catherine Dupont pour un suivi éditorial minutieux. Merci enfin à Marie Donzelli, Georges Rubel et Camille Sourisse.

COLLECTION SOLO

Conception de la collection Violaine Bouvet-Lanselle Suivi éditorial Catherine Dupont (éditions du Louvre) ; Laurence Verrand (Somogy éditions d’art) Contribution éditoriale Georges Rubel

Iconographie Mélanie Puchault Conception graphique de la couverture Quartopiano, musée du Louvre Conception graphique et maquette Marie Donzelli Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

© Somogy éditions d’art, Paris, 2015 © Musée du Louvre, Paris, 2015 www.somogy.fr www.louvre.fr ISBN Somogy : 978-2-7572-0759-8 ISBN Louvre : 978-2-35031-499-0 Photogravure : Quat’Coul, Toulouse et Paris Dépôt légal : février 2015 Imprimé en Italie (Union européenne)


Sommaire Nicolas Coustou, dans le sillage de son oncle et de son frère À Rome : la découverte de l’antique Sous l’égide de l’Académie de peinture et de sculpture Sous l’autorité de Jules Hardouin-Mansart Jules César Les œuvres de Nicolas Coustou dans le parc de Marly Les premiers vases Les vases de pierre Les plombs dorés Les groupes et les grands vases du bassin des Nappes Les vases aux instruments de musique champêtre La Seine et la Marne Les deux groupes de Chasseurs Le Chasseur et les Nymphes chasseresses Apollon poursuivant Daphné Sous la direction de Robert de Cotte Monuments funéraires Le Tombeau du prince de Conti Les portraits Portrait du Grand Dauphin Louis XV en Jupiter La cour Marly et les sculptures du parc de Louis XIV Catalogue des œuvres de Nicolas Coustou au musée du Louvre Bibliographie

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Préface Le Fonds de dotation TERRE DE CULTURES, créé en décembre 2012, a pour objet principal de soutenir et/ou d’initier des œuvres à caractère culturel ou éducatif, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ou à la diffusion de la culture. Nous avons pour objectifs d’intervenir sur le patrimoine national, notamment en aidant un musée ou un établissement public à vocation culturelle ou éducative à acquérir une œuvre d’art, ou en participant à sa restauration. Parallèlement, nous avons l’ambition de rapprocher les œuvres du plus grand nombre en travaillant avec des musées qui mettent en valeur les œuvres, pour un public le plus large possible. Aussi, lorsque le musée du Louvre nous a proposé de devenir le mécène de la restauration et du transfert de deux sculptures monumentales de Nicolas Coustou, nous n’avons pas hésité un seul instant. Ces œuvres monumentales, grands groupes de marbre, étaient situées dans le jardin du musée-promenade du château de Marly, et exposées aux intempéries qui avaient fortement altéré la beauté du marbre. Elles représentent le héros grec Méléagre, chasseur et vainqueur du sanglier de Calydon. Ces œuvres sont une commande royale, et elles ont été exécutées entre 1703 et 1706 pour orner le parc du domaine royal de Marly. Elles sont maintenant restaurées et exposées dans la cour Marly du musée du Louvre. Nous sommes fiers d’avoir participé à cette restauration et fait en sorte que ces sculptures soient replacées parmi les autres œuvres de la cour Marly, pour le plus grand plaisir du public. Cette restauration constitue l’essence même de l’action du Fonds de dotation TERRE DE CULTURES, pour les arts, le patrimoine et la culture en général. Le Président Olivier CHALIER


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n juin 2013, au cœur du Louvre, deux groupes en marbre d’une puissance extraordinaire, provenant du parc de Marly, ont rejoint la cour du même nom. Tous deux sont animés d’un mouvement tournoyant ; l’un montre un chasseur achevant un sanglier (fig. 1), l’autre, le même héros, tuant un cerf (fig. 2). Leur auteur, Nicolas Coustou, a imaginé deux compositions qui se répondent et les a conçues comme deux pendants à la fois proches et divers. Le travail du marbre y est virtuose, la taille à la fois fortement creusée et délicate, de façon à faire ressortir les poils hérissés du sanglier ou les détails du vêtement à l’antique du héros. Tout l’ensemble de la cour Marly du Louvre rassemble les sculptures les plus spectaculaires du parc éponyme, en particulier celles qui ont été élaborées entre 1695 et 1715 sous la direction du roi lui-même. Au crépuscule du siècle de Louis XIV, le souverain vieillissant perpétue son constant désir d’organiser le théâtre de son pouvoir et de ses plaisirs, alors que la crise est à son paroxysme après la révocation de l’édit de Nantes (1685), les guerres perdues, les armées lasses et les « peuples qui ont faim », comme osa le dire Vauban au roi dans son Projet de dîme royale. Guerre, famine, maladies, révoltes populaires forment l’arrière-plan du théâtre de Marly et de Versailles où s’exalte toujours la gloire du Roi-Soleil, désormais vieilli et dévot, époux de Mme de Maintenon. Parallèlement, l’écorce du classicisme s’effrite. En littérature, des signes de renouveau apparaissent, et l’esprit critique relève la tête. Une génération nouvelle prend la relève du Grand Siècle, et, en art, du Grand Goût. La querelle littéraire des Anciens et des Modernes, et celle de la couleur en peinture, qui oppose poussinistes et rubénistes, tirent à leur fin avec la victoire des contestataires, qui s’installent à la cour même. Le Dialogue des morts et Télémaque de Fénelon annoncent le début du siècle des Lumières et une forme nouvelle de contestation religieuse. 6


Fig. 2 Nicolas Coustou Chasseur terrassant un cerf, dit ensuite MĂŠlĂŠagre, 1703-1706 (voir cat. 10) 8


Fig. 1 Nicolas Coustou Chasseur terrassant un sanglier, dit ensuite MĂŠlĂŠagre, 1703-1706 (voir cat. 9) 9


Fig. 1 Nicolas Coustou Chasseur terrassant un sanglier

Fig. 2 Nicolas Coustou Chasseur terrassant un cerf

La sculpture aussi porte la marque de cette évolution, avec parfois un certain retard. Elle nécessite des matériaux coûteux – le marbre et le bronze –, qui ne peuvent être gâchés en recherches aléatoires. Pour les commandes royales, elle est surtout soumise aux décisions du Premier architecte, qui supervise les programmes, décidant des dimensions et de l’aspect formel général. Mais les idées nouvelles sont dans l’air. Au coloris des peintres, à la recherche de modernité correspond en sculpture une recherche formelle comparable. À Rome, les artistes ont goûté au baroque italien autant qu’à l’antique. Le dynamisme anime les marbres, profondément creusés, les corps tournoient dans l’espace, la lumière vibre dans des contrastes fortement marqués, les drapés claquent au souffle de l’imaginaire. Sur les grands chantiers de Jules Hardouin-Mansart, les vieux maîtres du classicisme versaillais dirigent la jeune génération des sculpteurs : François Girardon (1628-1715) à Versailles et aux Invalides, Antoine Coysevox (16401720) à Marly. Sous leur houlette, Nicolas Coustou s’affirme peu à peu au sein d’une équipe jeune et fournie, et c’est en sculptant les grands marbres du parc de Marly qu’il parvient à faire entendre sa voix personnelle, animée par la grâce et le mouvement.

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Fig. 1 Nicolas Coustou Chasseur terrassant un sanglier (dĂŠtail) 11


Fig. 3 Guillaume Ier Coustou (1677-1746) Portrait de Nicolas Coustou Terre cuite. H. 0,72 (dont piédouche : 0,16) ; L. 0,42 ; P. 0,31 m Donné en 1799 au musée des Monuments français par Guillaume-Nicolas Coustou, petit-fils du sculpteur Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 3520 Fig. 4 Jean Legros (1671-1745) Portrait de Nicolas Coustou appuyé sur la tête de la Saône destinée à la statue équestre du roi Louis XIV à Lyon, 1722 Huile sur toile. H. 1,31 ; L. 0,98 m Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 5935 Fig. 5 Antoine Coysevox (1640-1720) Autoportrait, vers 1702 Marbre. H. 0,69 (dont piédouche 0,14) ; L. 0,4 ; P. 0,26 m Donné en 1788 à l’Académie royale de peinture et de sculpture par Charles-Pierre Coustou, architecte du roi, petit-neveu du sculpteur Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 2159 12


Nicolas Coustou, dans le sillage de son oncle et de son frère La vie de Nicolas Coustou (1658-1733)1 est trop souvent considérée en regard de celle de son frère Guillaume Ier Coustou (1677-1746), son cadet, dont la renommée est depuis toujours attachée à l’extraordinaire réussite des « chevaux de Marly », ces chevaux fougueux retenus par des palefreniers, qui ont longtemps orné l’entrée des Champs-Élysées avant d’entrer au Louvre et d’être remplacés par des moulages. Pourtant, avant même que son frère connaisse ce succès, Nicolas (fig. 3-4) avait fait l’objet d’une biographie assez bien documentée, l’Éloge historique de M. Coustou l’aîné, sculpteur ordinaire du Roi, qui ne fut publiée que quatre ans après sa mort, en 1737. L’auteur, Cousin de Contamine, connaissait semble-t-il personnellement le sculpteur. Mieux qu’un discours académique, c’est une vision – certes très hagiographique – des qualités du sculpteur par l’un de ses contemporains désireux de dresser un tableau exemplaire et pédagogique, et donc, comme il l’écrit, « utile à la jeunesse ». Nicolas Coustou naît à Lyon le 8 novembre 1658, d’une famille de sculpteurs sur bois. Son père, François, avait épousé Claudine Coysevox, sœur du sculpteur Antoine Coysevox (fig. 5), l’un des artistes les plus importants de la cour de Louis XIV avec François Girardon, qui n’est alors qu’à l’aube de sa

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carrière. Son frère cadet, Guillaume, ne voit le jour que dix-neuf ans plus tard, et il est assez injuste de confondre leurs carrières, qui ne se rejoignent que tardivement. Il est manifeste que Coysevox fut le grand protecteur de la famille. D’une exceptionnelle longévité, il avait su unir à des qualités de portraitiste celles d’un grand sculpteur, et multiplier les statues, tant pour le parc et les façades de Versailles et de Marly que pour des tombeaux, souvent d’après les dessins de Charles Le Brun. Rival de Girardon, Coysevox fait figure d’entrepreneur : il est probable qu’il emploie non seulement son beau-frère Pierre Bourdict (actif de 1684 à 1711) et ses neveux – les jeunes sculpteurs de la famille, les deux Coustou –, mais aussi Guillaume Hulot (avant 1660 – après 1722), qui avait épousé en 1685 Élisabeth Coustou, leur sœur. Cousin de Contamine rapporte qu’après un premier essai de sculpture sur bois, une Lapidation de saint Étienne, le jeune Nicolas voulut ardemment « monter » à Paris, suivant en cela l’exemple de son oncle Coysevox, tout juste reçu à l’Académie de peinture et de sculpture (1676) avec pour morceau de réception le portrait en marbre de Charles Le Brun, le tout-puissant Premier peintre du roi. Ainsi, bien que formé à l’école de son père, Nicolas « s’aperçut Bien-tôt qu’il ne trouveroit dans Lyon rien qui pût le conduire où son génie le portoit & rien n’étoit capable de le distraire du désir pressant qu’il avoit de se perfectionner […] Il vint à Paris à l’âge de 18 ans et acheva de développer ses rares talens sous ce grand Maître, chez qui il travailla jusqu’à la fin de 16832 ». L’oncle l’accueillit donc, probablement dès 1676, et lui donna des cours, d’autant qu’il devenait lui-même « adjoint à professeur » à l’Académie. Dans le cadre de cet enseignement académique, le meilleur dont il eût pu rêver, Coustou apprit tant à dessiner qu’à modeler et à sculpter le marbre, mais aussi à réfléchir à l’esthétique, puisque les professeurs dans leurs conférences alliaient la théorie à la pratique. Le 4 avril 1682, il est admis à se présenter au concours académique3 sur le thème imposé de Caïn bâtit la ville d’Hénoch, et, le 5 septembre, gagne le premier prix qui lui ouvre les portes de l’Académie de France à Rome pour un séjour de trois ans4. Après avoir probablement sculpté un médaillon du Grand Dauphin dans l’atelier de son oncle (fig. 54), il prend congé le 3 avril 1683 pour gagner l’Italie5. Avec lui part aussi François Barrois (Paris, 1656-1726), qui n’a obtenu que le deuxième prix.

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À Rome : la découverte de l’antique L’Académie de France à Rome a été instituée par Colbert en 1666 pour assurer la formation des jeunes artistes destinés à travailler pour les Bâtiments du Roi. En 1683, elle est dirigée par le peintre Charles Errard. Les pensionnaires envoyés par le roi doivent y étudier les grands exemples de l’art antique tout en se familiarisant avec le milieu romain. Coustou ne déroge pas à la règle. Il modèle la copie en réduction du célèbre Gladiateur Borghèse, cette grande statue antique signée d’Agasias, qui faisait la gloire de la collection Borghèse dans la villa du Pincio depuis que le cardinal Scipion Borghèse en avait fait l’acquisition, peu après sa découverte. Coustou, à l’instar du sculpteur antique, signa son œuvre et la data d’octobre 1683 (fig. 6 [cat. 1 p. 100]). Même s’il l’exécuta en terre, un matériau qui lui aurait permis de se dégager des lois de la pesanteur, le sculpteur garda sur la copie le fort tronc d’arbre qui assure la solidité du corps athlétique. Mais il ne fut pas chargé d’en exécuter le marbre à grandeur, le directeur ayant choisi de lui confier la copie de l’une des gloires des collections du Vatican, la statue d’Hercule figuré sous les traits de l’empereur Commode. Le sculpteur entreprit d’abord de modeler une réduction en terre (fig. 7 [cat. 2 p. 101]) avant de s’attaquer au marbre, sans doute pour faire valider les différences qu’il voulait apporter par rapport à l’original. Il choisit – ou son directeur lui proposa – de ne pas représenter le jeune enfant que tient l’Hercule sur l’original antique, et de le remplacer par les pommes du jardin des Hespérides. Mais les transformations sont plus subtiles. Selon Cousin de Contamine, « Coustou qui n’admirait que le vrai Beau sans prévention pour le tems, pour le pays, ni pour le nom des Auteurs, eut toujours les yeux sur la Nature en faisant cet ouvrage. Loin de s’attacher à copier servilement comme font les esprits prévenus, il prit le bon,

Fig. 6 Nicolas Coustou Le Gladiateur Borghèse (détail), 1683 (voir cat. 1)


Durant son séjour à l’Académie de Rome, Coustou a dû fréquenter les sculpteurs de son âge, François Barrois certes, mais aussi ceux qui arrivent à l’Académie en 1684 et 1685 : Pierre Lepautre (vers 1659-1744) et Jean-Baptiste Théodon (1648-1713), ou encore le beau-frère de son oncle Coysevox, Pierre Bourdict, lyonnais également ; sans doute a-t-il aussi rencontré des sculpteurs italiens. Le Bernin était mort en 1680, mais ses élèves ou collaborateurs, même vieillissant comme Ercole Ferrata (1610-1686), étaient actifs sur la scène romaine. Il aurait même pu rencontrer le fécond et délicat sculpteur de Palerme, Giacomo Serpotta (1656-1732). Il ne semble pas avoir vraiment retenu quelque leçon romaine, même si Betsy Rosasco croit voir l’influence du Martyre de sainte Émérentienne en cours de réalisation par Ferrata à Sainte-Agnès in Agone, place Navone. Selon Cousin de Contamine, les seuls modernes que Coustou étudia furent l’incontournable Michel-Ange et celui que l’on dénommait François Flamand, c’est-à-dire François Duquesnoy10. La référence à ce dernier, champion d’un « classique » romain, ne peut nous étonner, tant sa conception s’apparente à celle des Français, en particulier François Girardon, qui avait collectionné certaines de ses œuvres.

e Sous l’égide de l’Académie de peinture et de sculpture En 1686, Coustou dut se résoudre à rentrer en France. Il passa par Lyon, sa ville natale, et s’y arrêta probablement dix-huit mois, période qui reste un hiatus dans sa carrière, durant laquelle il ne laisse qu’un groupe en bois, L’Éducation de la Vierge11. À dire vrai, Nicolas Coustou n’eut que peu l’occasion d’exécuter des sculptures religieuses. Est-ce en remontant vers Paris qu’il entre en contact avec les Visitandines de Moulins, qui conservent dans leur chapelle le magnifique tombeau d’Henri de Montmorency par François et Michel Anguier ? Toujours est-il que les religieuses lui commandent les statues de saint Joseph et de saint Augustin, que Cousin de Contamine date de 169612. Disposées de part et d’autre des colonnes du maître-autel de la chapelle, elles témoignent encore d’une sage conformité à l’esthétique conventionnelle de son temps, curieusement peu redevable à la fougue extatique du baroque romain qu’il avait pourtant côtoyée. Dès le 5 avril 1687, il demande son agrément à l’Académie royale de peinture et de sculpture. La procédure, analogue à celle de l’ancienne maîtrise, implique la réception d’un chef-d’œuvre de l’impétrant. Coustou apporte d’abord en séance 20


Sous l’autorité de Jules Hardouin-Mansart Dès 1687, Coustou entre dans l’équipe des sculpteurs des Bâtiments du Roi, sous l’autorité de l’Architecte du roi, Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), qui dirige tous les grands chantiers : Versailles, les Invalides, bientôt Marly. Il est manifeste que tant ses qualités que l’appui de la famille allaient lui assurer les faveurs de l’architecte tout-puissant, consacré même surintendant des Bâtiments du Roi en 1699 jusqu’à sa mort. En tant que maître d’œuvre, Hardouin-Mansart intègre Coustou dans tous ses grands chantiers, lui assurant ainsi la fortune. En 1701, il lui fait attribuer une pension de 2 000 livres (à moins que ce ne soit le roi lui-même, au témoignage de Cousin de Contamine)26 ; en 1703, il lui fait donner un logement au Louvre, dans cette immense ruche d’artistes logés aux portes de l’Académie, près des collections royales de sculptures conservées dans la Salle des antiques, notre actuelle salle des Cariatides. Il bénéficie d’un atelier au rez-de-chaussée de l’aile orientale de la cour Carrée, où il sculpta jusqu’à sa mort. Alors qu’il était précédemment inclus dans le milieu restreint, mais très productif, des Gobelins, sous la coupe de Le Brun, il va côtoyer au Louvre tant les grands créateurs de l’art de la fin du règne de Louis XIV, tels François Girardon ou André Charles Boulle, que ses collègues sculpteurs, Anselme Flamen, Corneille Van Clève, François Barrois, sans oublier son frère. La reconnaissance de ses qualités par l’architecte le propulse en 1701 au sein du groupe très confidentiel des artistes chargés de donner des « modèles et ornements » – au même titre que Girardon, Coysevox, Corneille Van Clève, Thomas Regnaudin, Pierre Ier Legros, Pierre Mazeline et les ornemanistes Cuvillier et Deschamps – et le distingue des simples exécutants27. Le jeune sculpteur commence assez petitement, en 1687-1688, par de la sculpture décorative en pierre pour le Grand Trianon : chapiteaux, trophées, corbeilles de fleurs, en collaboration avec le sculpteur Jean Joly (1654-1740), ce qui semble indiquer une forme de société entre ces deux jeunes sculpteurs, qui travailleront encore ensemble pour le tombeau du maréchal de Créqui sous la direction de l’oncle Coysevox. Il monte en puissance avec sa participation au chantier du dôme des Invalides, sous la direction générale d’Hardouin-Mansart28. Nombreux sont alors les sculpteurs retenus par l’architecte, qui orchestre l’exécution des reliefs dans les chapelles, les voûtes du dôme, les autels, le décor extérieur… Coustou se fait attribuer en 1691 l’une des quatre statues en plomb doré du lanternon, alors que son oncle à la mode de Bretagne, Pierre Bourdict, Anselme 24


Fig. 14 Nicolas Coustou Jules CĂŠsar, 1696 (voir cat. 4) 30


Fig. 15 Nicolas Coustou Jules CĂŠsar, 1695-1722 (voir cat. 5) 31


Les œuvres de Nicolas Coustou dans le parc de Marly Le château de Marly est la dernière grande entreprise du roi vieillissant. Retraite dans les bois, domaine de l’eau vive, des fontaines jaillissantes, le caprice royal est mis en scène par Hardouin-Mansart avec une imagination qui remet radicalement en question la structure habituelle d’un château royal, et qui va renouveler l’architecture palatiale. Des rangées de petits pavillons aux façades différentes forment une allée royale donnant accès au grand pavillon carré qui forme le cœur de la composition ; modelée par les pentes d’un vallon ombreux, elle est ouverte vers le beau panorama de la vallée de la Seine (fig. 21). Dans le jardin aussi Hardouin-Mansart est tout-puissant, d’abord comme Premier architecte sous l’autorité du surintendant des Bâtiments du Roi, Colbert de Villacerf, puis comme surintendant lui-même de 1699 à sa mort, en 1708. Le parc a d’abord été une architecture de terrasses, d’allées, de cascades et de bassins avant que la sculpture ne vienne s’y poser en ornements de plus en plus présents. L’art des jardins y est aimable. À Versailles déjà, Girardon avait renouvelé la statuaire en abandonnant les grands cycles iconologiques solaires au profit d’illustrations de l’histoire antique ou de la mythologie. À Marly, les œuvres à la gloire du roi sont minoritaires (mais mises en exergue), par rapport aux dieux de l’Olympe, aux divinités secondaires et aux thèmes bucoliques qui peuplent les bosquets. Commandes et acquisitions d’œuvres modernes se mêlent à de très nombreuses statues antiques : l’art classique s’y colore d’un sentiment nouveau de mouvement et de plaisir. Un certain nombre de sculptures, en particulier les premières installées – des antiques, des œuvres anciennes ou des acquisitions –, sont intégrées dans le cadre architectural du parc, soit au centre de bosquets, soit dans une perspective, soit le long ou dans les niches des palissades de verdure. Mais il est évident que l’architecte a cherché une cohérence entre l’espace du jardin et de nouvelles sculptures, commandées spécialement pour les adapter au cadre. À la différence de Versailles, Hardouin-Mansart n’a pas conçu à Marly de bosquets architecturés comme les Dômes, la Colonnade ou la Salle de bal ; il n’a pas non plus recherché les termes, le type de figure le plus architectural, mais a été fidèle à son goût pour les vases de marbre. En revanche, il a voulu créer des sculptures de très grandes dimensions, généralement formant une paire en pendant, ou bien organisant des groupes de trois, quatre, six, ou huit marbres qui se complètent et se répondent. Il a trouvé en Coysevox le créateur le plus fécond pour exécuter rapidement des groupes cohérents qui assurent l’unité 32


tout en préservant une certaine diversité, réfléchie et assumée. Le vieux sculpteur (soixante ans en 1700) s’entoure volontiers de ses neveux, Nicolas Coustou d’abord, à partir de 1697, puis Guillaume à partir de 1706, ce qui permet une belle unité familiale où le caractère de la jeune génération peut s’exprimer. Les premières sculptures, installées dans le parc à partir de 1695, sont soit des remplois, soit des achats de statues déjà accomplies, telle la Diane d’Anselme Flamen (fig. 16). Ce n’est vraiment qu’après la signature de la paix de Ryswick (1697), qui met fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg, que les grandes commandes de marbre sont mises en place, en raison de facteurs non seulement économiques, puisque les armées sont désormais au repos, mais aussi techniques. Il faut en effet reprendre les fournitures de marbre blanc de Carrare, le seul qui soit statuaire, que le blocus maritime des flottes impériales et hollandaises dans l’Atlantique et la Manche avait interrompues. Cela signifie la nécessité de choisir le beau matériau sur la carrière, de faire descendre les blocs sur des traîneaux, de les faire épanneler selon les mesures envoyées de France, puis de les transporter par voies maritime et fluviale à une saison propice. De la plage de Lavenza à la marine de Carrare, les bateaux à fond plat vont à Gênes ; de là les blocs sont transbordés sur des vaisseaux capables d’affronter la Méditerranée, contourner l’Espagne et remonter l’Atlantique jusqu’au Havre. Après un nouveau transbordement, toujours périlleux, les blocs arrivent enfin à Paris sur des péniches qui remontent la Seine43.

Fig. 16 Anselme Flamen (1647-1717) Diane, 1694 Marbre. H. 1,80 ; L. 0,82 ; P. 0,45 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, RF 2971


Fig. 19 Antoine Coysevox (1640-1720) La Renommée montée sur Pégase, 1698-1702 Marbre de Carrare. H. 3,15 ; L. 2,91 ; P. 1,28 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 1824

des gros blocs depuis Carrare, la taille se fait en deux ans, si bien que Coysevox peut fièrement signer et dater de 1702, et inscrire sur le marbre que les deux sculptures ont été faites en deux ans. Un délai bref, qui permet de supposer que l’oncle avait fait travailler son équipe et ses deux neveux, Guillaume et Nicolas Coustou. Dans le même temps, en 1699, le roi a souci d’orner de sculptures la grande perspective allant du pavillon royal à la terrasse qui surplombe l’Abreuvoir. Dans l’axe se trouve une grande pièce d’eau polygonale, où l’eau descend en cascade par une succession étagée de miroirs, d’où son nom de bassin des Nappes (fig. 21). Selon le journal tenu méticuleusement par Dangeau, elle a été creusée en 169876. Immédiatement, on prévoit le décor, car pendant les quatre premiers mois de 1699, les artisans, sculpteurs et maçons sont payés 41


Fig. 23. Nicolas Coustou La Seine et la Marne, 1699-1712 (voir cat. 8)

Destinées peut-être à Marly, les copies des fleuves antiques furent particulièrement difficiles à achever, et c’est seulement en 1715 qu’elles furent enfin mises en place dans le parc. Elles y restèrent peu de temps, transportées au jardin des Tuileries en 1719, où elles se trouvent toujours. Mais plutôt que l’exemple antique, où le fleuve allongé est serein et majestueux, Coustou et Van Clève suivaient la leçon de Michel Anguier (1612/1614-1686), le maître de Girardon, qui avait imposé aux figures un mouvement moins classique, comme dans le vestibule de l’appartement d’été d’Anne d’Autriche, au Louvre, où il avait représenté les quatre grands fleuves du royaume, Seine (fig. 25), Loire, Rhône et Garonne, nonchalamment assis, le torse relevé, les jambes croisées parfois, accompagnés des attributs les 46


Fig. 24 Corneille Van Clève (1645-1732) La Loire et le Loiret, 1707 Marbre. H. 2,30 ; L. 2,73 ; P. 2,20 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 2107

identifiant : le lion du Rhône, les vignes chargées de raisins de la Garonne, le bateau parisien de la Seine. Peut-être aussi Coustou et Van Clève se souvenaient-ils des quatre grands fleuves du monde (Nil, Gange, etc.) que le Bernin avait disposés au pied de l’obélisque de la place Navone, ou bien avaient-ils pris comme modèle l’ensemble des fleuves et rivières de France disposés le long des deux bassins du parterre d’eau de Versailles. Le choix de l’iconographie, pourtant, comme celui de la matière, diffère sensiblement. À Versailles, toutes les figures sont séparées : chaque fleuve (masculin) ou rivière (féminine) est allongé près de la margelle, accompagné d’un jeune génie, alors qu’aux angles, des groupes d’enfants forment une disposition plus verticale. Afin de rappeler l’étendue du pouvoir royal, Hardouin-Mansart montrait à 47


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Fig. 29 La Rivière Aquarelle tirée d’un des albums de Marly, 1714 Paris, Archives nationales, O1 1471, pl. 27

pour se concentrer sur le décor de la Rivière, au plus près du pavillon royal, mais finalement le sculpteur dut mener les deux chantiers de front. Les premiers acomptes en 1703 et 1704 ne concernent probablement que les modèles, car le mouleur Pierre Langlois est payé de février 1704 à juin 1705 pour les moules des deux chasseurs. Cette même année 1705, puis en 1706, Coustou reçoit plusieurs acomptes, puis un paiement isolé en septembre 1707, avec un parfait paiement le 12 décembre 1710, qui précise que les groupes ont été posés en octobre 1706. L’exécution en marbre est strictement concomitante avec celle des groupes des Nappes, qui avait repris à l’été 1704, et avec celle des figures de Coysevox à la Rivière. Les Bâtiments du Roi avaient en effet obtenu nombre de blocs de marbre pour un ensemble d’envergure. Les blocs sont imposants. Le chasseur au cerf est monolithe (à l’exception de quelques éléments rapportés) ; en revanche deux gros blocs composent le groupe du chasseur au sanglier, l’un pour la figure, l’autre pour l’avant-train du sanglier et le chien. 53


Fig. 30 Antoine Coysevox (1640-1720) Neptune, 1705 Marbre. H. 1,85 ; L. 1,77 ; P. 1,11 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, dépôt des Monuments historiques (1966), RF 3006

Fig. 31 Antoine Coysevox La Seine, 1706 Marbre. H. 2,78 ; L. 1,40 ; P. 1,03 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 1825

Les six groupes de la Rivière sont conçus comme un ensemble, sculpté par Coysevox et Coustou. Au sommet, la Seine et la Marne sont deux hautes figures colonnaires, assises mais dressées ; à la base de la cascade, Neptune et Amphitrite sont au contraire dans une attitude plus ramassée ; à l’élargissement du fer à cheval, les Chasseurs de Coustou se présentent comme des masses triangulaires en largeur, la figure debout du chasseur en formant les extrémités, alors que les animaux sont couchés, accentuant la largeur de la forme. À l’intérieur de ces masses globales, les corps se tendent et se tournent dans une représentation dynamique de l’effort. « Il connoissois bien les parties du corps humain, surtout celles qui servent à ses mouvemens & celles dont la forme change dans l’action », écrit Cousin de Contamine90. Chaque figure de Coysevox se présente de façon très frontale, avec un point de vue privilégié de face, des trois quarts démonstratifs, mais un revers 54


Fig. 32 Antoine Coysevox La Marne, 1706 Marbre. H. 2,16 ; L. 1,30 ; P. 0,84 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, dépôt des Monuments historiques (1966), RF 3007

Fig. 33 Antoine Coysevox Amphitrite, 1705 Marbre. H. 1,81 ; L. 1,52 ; P. 1,11 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, dépôt des Monuments historiques (1966), RF 3005

simplement complété par une figure de petit triton ou de génie, sculptée dans un bloc à part91. On retrouve sur les groupes de la Renommée du Roi cette même volonté de disposer la composition de façon axiale, comme une sorte de haut-relief découpé dans le bleu du ciel. En revanche, les Chasseurs de Coustou devaient être vus de tous côtés, et donc offrir une multiplicité de points de vue intéressants et démonstratifs, ce qui correspondait au savoir-faire du sculpteur tel qu’il l’avait montré au bassin des Nappes. Mais, bien évidemment, ils devaient être tournés vers le pavillon royal, et offrir là le point de vue le plus intéressant. Comme La Seine et la Marne, comme les Bergers, les deux Chasseurs offrent une symétrie contrastée, l’un vu de dos, l’autre de face : une complémentarité animée de diversité. Curieusement, l’iconographie de la Rivière n’est pas unitaire. Pour Coysevox, le discours de la cascade elle-même est métaphorique de son nom : 55


Fig. 35 Antoine Coysevox (1640-1720) Berger flûteur, 1710 Marbre. H. 1,78 ; L. 0,84 ; P. 1,01 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 1820 60


Fig. 36 Antoine Coysevox Hamadryade, 1710 Marbre. H. 1,80 ; L. 0,79 ; P. 0,75 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 1819 61


Fig. 37 Antoine Coysevox (1640-1720) Nymphe dite Flore, 1710 Marbre. H. 1,80 ; L. 0,75 ; P. 0,78 m Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 1818 62


Fig. 39 Nicolas Coustou Nymphe de la chasse, dite Nymphe Ă la colombe, 1707-1710 (voir cat. 13) 66


68


74


Sous la direction de Robert de Cotte À partir de la mort d’Hardouin-Mansart, les dernières transformations du parc de Marly sont dirigées par son beau-frère Robert de Cotte, qui lui succède comme architecte du roi. Si le nouveau directeur des Bâtiments, le duc d’Antin, fils de Madame de Montespan, est puissant, c’est toujours le roi qui donne les ordres, et l’architecte qui les met en œuvre. On constate désormais que l’architecte s’adresse assez systématiquement aux deux frères Coustou, que le cadet Guillaume reçoit même davantage de commandes que son aîné. Ainsi, pour les transformations des bassins des Carpes, Nicolas sculpte une statue, et Guillaume deux ; puis deux grandes copies d’antiques, que l’on appelle traditionnellement Diane de Versailles et Bacchus de Versailles, sont placées dans deux bosquets par Guillaume. Enfin, deux statues de compagnes de Diane seront aussi exécutées par le cadet. Sur le chantier de la chapelle royale de Versailles, pour la grande entreprise de la fin du règne de Louis XIV, commencée par Jules Hardouin-Mansart mais achevée en fait par Robert de Cotte108, c’est Guillaume qui est aux commandes, l’aîné n’intervenant en 1709-1710 que de façon très ponctuelle aux écoinçons des arcades du sanctuaire. S’il ne fut que l’un des très nombreux intervenants, on le mit en bonne position, au plus près de l’autel, dans la suite des allégories qui ornent les écoinçons des arcades, où sont représentés les épisodes de la Passion : le Lavement des pieds, la Cène, la Flagellation… Cette iconographie, qui omet l’essentiel, la scène historique, pour céder à la périphrase, au symbole, reprend l’un des styles du discours baroque, l’ellipse. Nicolas taille les reliefs allégoriques de deux épisodes : deux grands anges, l’un pour le Lavement des pieds, tenant un linge et un bassin, l’autre pour la Résurrection, assis sur le tombeau vide, s’adressant aux saintes femmes venues visiter le Sépulcre. On lui confie aussi deux trophées d’Église pour les pilastres, deux reliefs où des angelots volent dans les nuées et présentent les attributs de l’Ancien Testament : le mobilier liturgique du Temple, les tables de la Loi, l’arche d’Alliance, le chandelier à sept branches109. Ce décor marque le point de départ de l’esthétique dite « rocaille », un baroque français où les lignes courbes, les angelots potelés, les nuages, les drapés agités participent d’un goût purement décoratif. Alors que son frère s’affirme, Nicolas Coustou apparaît ici comme un collaborateur de second ordre. Mieux même, les modèles de deux anges destinés au sanctuaire ne furent pas retenus. La collaboration avec Robert de Cotte trouva son aboutissement avec la commande en 1712 du décor du chœur de Notre-Dame de Paris. Les travaux 76


Fig. 50 Nicolas Coustou Monument funÊraire de François Louis de Bourbon, prince de Conti (1664-1709), entre 1710 et 1713 (voir cat. 15) 83


et de Nerwinde (1693), où il est blessé. Promu alors lieutenant-général, il participe encore, en1694, à la campagne de Flandre. La paix de Ryswick l’aurait mis au chômage si le roi n’avait réussi, en juin 1697, à le faire élire roi de Pologne ; court intermède : emmené avec l’escadre royale commandée par Jean Bart, le prince débarque à Dantzig (Gdansk) pour apprendre que l’électeur de Saxe, Auguste le Fort, est monté sur le trône et que la ville lui est dévouée. Dépité, il rembarque et rentre en France. La guerre de Succession d’Espagne allait le rendre à l’armée. Nommé à la tête de l’armée d’Italie, il meurt cependant à Paris, en février 1709.

e Les portraits Coustou n’exécuta que peu de portraits : les bustes de Colbert (musée de Versailles) 129 et de l’abbé Jean-Paul Bignon, et surtout la statue en pied, plus célèbre, du maréchal de Villars, gouverneur de Provence (fig. 53), commandée en 1719, mais laissée inachevée130. Destiné à l’Académie de peinture et de sculpture, le portrait de Colbert est une reprise du buste que son oncle Coysevox avait exécuté du vivant du ministre. Présenté en 1716, trente-trois ans après la mort de Colbert, le marbre ne peut que refléter la vision officielle de l’image du protecteur de l’Académie, même si le travail de la dentelle du col démontre au moins le savoir-faire du sculpteur.

Fig. 53 Nicolas Coustou Claude Louis Hector de Villars, maréchal de France Aix-en-Provence, hôtel de ville


Fig. 55 Nicolas Coustou Louis XV en Jupiter, 1726-1731 (voir cat. 17) 90


Catalogue des œuvres de Nicolas Coustou au musée du Louvre

99


8 La Seine et la Marne MR 1801 1699-1712 Groupe, marbre H. 2,44 ; L. 2,725 ; Pr. 2,13 m Signé derrière la roche où est assis le Fleuve : NICOLAVS / COVSTOV LVGD. / FECIT. 1712.

Création Commandé par la surintendance des Bâtiments du Roi pour la pièce d’eau des Nappes du parc de Marly, avec La Loire et le Loiret par Van Clève (MR 2107) et les groupes de Rivières par Anselme Flamen et Simon Hurtrelle (disparues). Esquisse : paiement à Coustou le 4 décembre 1700 « pour un modèle de groupe en cire qu’il a fait pendant le mois de may 1699 pour Marly représentant un fleuve » (137 livres), sur l’exercice de 1702. On ne peut absolument pas mettre l’œuvre de Coustou en rapport avec une maquette de terre cuite de la fondation Sackler, qui présente les caractères grivois des pastiches du XIXe siècle. Modèle : destiné à la pièce d’eau des Nappes du parc de Marly avec La Loire et le Loiret de Van Clève et les groupes de Rivières par Anselme Flamen et Simon Hurtrelle. Un modèle en plâtre était mis en place en août 1699. Coustou aurait fait son modèle « sous les yeux de sa majesté », selon Cousin de Contamine. En août 1699, le mouleur Jean Le Pilleur, les sculpteurs-mouleurs Pierre Langlois et Jean Robert et les sculpteurs Jacques Desjardins, Jean Thierry et Pierre Varin s’engagent à mouler les quatre groupes, en sus des groupes des Saisons et du groupe de La Renommée du roi de Coysevox. Ils devaient remettre en octobre 1699 le creux et une épreuve en plâtre à chaque sculpteur pour servir de modèle au marbre, et une autre épreuve en plâtre, peinte en blanc, destinée à remplacer les modèles originaux à l’emplacement prévu. Ces moulages, exécutés en septembre et octobre 1699, furent payés à Le Pilleur les 20 septembre (300 livres), 4 octobre (150 livres), 18 octobre (150 livres),

1er novembre (150 livres) et 15 novembre 1699 (300 livres) ; parfait paiement de 1 800 livres le 4 avril 1700 (500 livres). Aux sculpteurs, les acomptes furent versés les 20 septembre (1 200 livres), 4 octobre (800 livres), 18 octobre (1 500 livres), 1er novembre (500 livres), 15 novembre (300 livres), 21 novembre 1699 (400 livres) et le 13 janvier 1700 (400 livres) ; parfait paiement de 6 000 livres le 4 avril 1700 (400 livres). Ils furent peints en blanc. Piganiol de La Force les vit en place en 1701 : « […] en descendant toujours, l’on trouve deux bassins, ornés de rocaille, & de quatre Groupes de marbre blanc qui représenteront des Rivières & des Nymphes. La Seine & la Marne, par Coustou. Le second sera la Loire et le Loiret, par Van Clève ». L’architecte suédois Daniel Cronström les fit dessiner. Marbre : l’exécution en marbre, prévue en 1700, fut remise à 1701 en raison du coût de l’opération. En août 1702, le roi fit étudier la réalisation en « plomb et étain », et fit provisoirement peindre façon bronze les modèles. L’exécution ne commença probablement qu’en 1704. Acomptes à Coustou « sur un groupe qu’il fait en marbre à la pièce d’eau des Napes du jardin de Marly, représentant la Seine, enfants 113


des joints et fissures. Consolidation au silicate d’éthyle. 2013 : restauration par Hugues et Jacqueline de Bazelaire. Traitement biocide, nettoyage, démontage, ragréage, bouchage des joints et fissures, remontage et rejointoiement.

Œuvre en rapport Moulage par l’atelier de la Réunion des musées nationaux, 1999.

Sources Comptes des Bâtiments du Roi, années 1703-1706, voir no 9. – Inventaires des collections royales, 1707, Arch. nat., O1 1976A, p. 33-34 ; 1722, O1 1969A, p. 144-145 ; O1 1969B, p. 188.– Aquarelles du Recueil d’aquarelles dit album de Marly, 1714, Arch. nat., O1 1470B, no 8, O1 1472, no 9, éd. Castelluccio, 1999, pl. 29, 31, 32, – État des restaurations à faire, 1788, Arch. nat., O1 1465 (160), fo 2 vo . – Inventaire du 11 frimaire an II (1er décembre 1794), Arch. dép. des Yvelines, QII 32 no 7, fo 4 ro.– Journal de Lenoir, éd. Courajod, t. 1, 1878, p. 161. – Archives du musée des Monuments français, t. I, 1883, p. 59-60,180, 208 ; t. III, 1897, p. 21-23, 230.

11 Chasseur au repos MR 1796 1707-1710 Groupe, marbre H. 1,77 ; L. 0,85 ; Pr. 0,95 m Signé sur la face postérieure de la plinthe : [NIC]OLAVS COVSTOV LVGD. FECIT 1710

Création En 1707, Coysevox et son neveu Coustou reçoivent chacun une commande de trois statues sur un thème bucolique, destinées au fer à cheval en bas de la Rivière : Coysevox, le Faune flûteur, Flore et Hamadryade, et Coustou, ce Chasseur au repos et deux Nymphes (nos 12 et 13). Modèle, plâtre : exécuté en 1707. Une liste du 1er juillet 1707 des Ouvrages faits à Marly en la présente année 1707 pour augmentation audelà des fonds cite « les modèles en plâtre faits sur le lieu des six figures et des quatre vases des rampes de la demi-lune. […] Lesdites figures et vases moulez en place et les plâtres

Bibliographie Piganiol, 1717, p. 244 ; Piganiol, 1724, p. 240 ; Piganiol, 1730, p. 253. Cousin de Contamine, 1737, p. 17-21 ; Mariette, [1750] 1851-1860, Abecedario, t. IV, p. 22 ; Piganiol, 1751, t. II, p. 273 ; Dezallier d’Argenville, 1755, p. 138 ; Dandré-Bardon, 1765, t. II, p. 31 ; Dezallier d’Argenville, 1787, p. 280 ; Jouin, note 1 dans Archives des monuments français, t. II, p. 22-23 ; Dilke, 1901, p. 8 ; Lami, 1906, p. 112 ; Thieme et Becker, t. VII, 1912, p. 603 (Méléagre) ; Inventaire des richesses d’art de la France, Province, 1911, p. 181 ; KellerDorian, 1920, p. 49-50 ; Souchal, 1977, t. 1, no 45, p. 166, repr. (Méléagre) ; Souchal, 1980, p. 200-203, no 45, p. 251, pl. 15a (Méléagre) ; Rosasco, 1980, p. 212-219, no 17, p. 385-389, fig. 126-128 (Chasseur au cerf) ; Souchal, 1999, p. 18 (Méléagre) ; t. 4, 1993, no 45, p. 49.

e 121


13 Nymphe de la chasse, dite Nymphe à la colombe MR 1800 1707-1710 Groupe, marbre H. 1,702 ; L. 0,82 ; Pr. 0,99 m Signé sur la face postérieure de la plinthe : NICOLAUS COUSTOU LVGD. FECIT 1710

Création et historique Voir no 11. Nous citons seulement les faits particuliers : Inventaire de 1722 : « Paris. Jardin des Tuileries. En sortant sur la terrasse de la façade du château à main gauche. Une figure de femme de la proportion de 5 pieds ½ ou environ, assise sur un tronc d’arbre, tenant d’une main sur son genou un oiseau ; derrière elle un enfant en action de tirer une épée. La plinte a 2 pieds 5 pouces en quarré. Elle est posée sur un piédestal de marbre ; de M. Coustou l’aîné. » Inventorié à cet emplacement en 1815-1824 ; abrité au Louvre du 28 septembre 1870 au 16 avril 1872, pendant la guerre franco-prussienne et la Commune, ainsi que du 27 décembre 1940 à 1945. – Entré au Louvre en 1970.

2005-2006 : restauré par Jennifer Vatelot grâce au mécénat du PMU.

État 1859 : pied gauche très usé. Index et majeur de la main droite recollés, et petit doigt refait (photo Ch. Nègre). 1912 : tête de la colombe endommagée, gros orteil gauche refait (photo Atget). 1940 : restauration par M. Bouet, nettoyage et suppression du calcin, consolidation, tête de la colombe et orteils du pied gauche de la nymphe refaits (AMN, S2, 1940-1945). 1976 : manquent l’avant-bras gauche de la nymphe, le bras droit de l’enfant, une partie du fourreau de l’épée. La tête et l’aile droite de la colombe, et tous les doigts du pied gauche de la nymphe sont des réfections. Cassures diverses aux extrémités de la draperie. Usure générale de l’épiderme, en particulier à la chevelure et à la main droite.

Iconographie Les comptes ne signalent que des nymphes, et le parfait paiement des Nymphes de la chasse. Piganiol y vit une Vénus en 1713, puis des chasseresses ; Thiéry et Dezallier des Nymphes revenant de la chasse. Il y a ici comme dans les chasseurs, comme plus tard dans les Chevaux retenus par les palefreniers, un abandon de l’iconographie traditionnelle pour des thèmes bucoliques qui se rattachent aussi à la grande commande des Compagnes de Diane de marbre. Les nymphes sont accompagnées chacune d’un enfant. Millin, suivi par le Précis historique et par Landon, y vit à tort Vénus tenant une colombe « pendant que l’Amour joue avec la terrible épée de mars qu’il a soumis à sa puissance et rendu captif de sa mère ». 127


15 Monument funéraire de François Louis de Bourbon, prince de Conti (1664-1709) LP 554, MV 1902 Entre 1710 et 1713 Haut-relief, marbre H. 1,51 ; L. 1 ; Pr. 0,32 m Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, déposé au musée du Louvre

Création Sculpté en 1715, selon Cousin de Contamine, pour l’église Saint-André-des-Arts, mais présent dans l’édition de 1713 du guide de Paris par Brice. ÉPITAPHE : D.O.M.// FRANCISCVS LVDOVICVS BORBONIVS / REGII SANGVINIS PRINCEPS / DE CONTY / NATVS LVTETIÆ PARISIORVM PRIDIE KALENDAS MAII ANNO M DC LXIV / IN BELGICARVM VRBIVM CORTRACI , DIXMVDÆ,

/ LVCEMBVRGI OBSIDIONIBVS POSITO TIRO-

CINIO, / IN HVNGARIAM ADVERSVS TVRCAS PROFECTVS,

/

LOTHARINGIAE PRINCIPI, DVCI VETERANO, JVVENIS

ADMIRATIONI FVIT.

/ DOMVM REVERSVS, TRADIDIT SE / QVI, PAVLO POST EXTINCTVS, IN EO REVIXIT/ A PRIMA VSQVE PVERITIA DELPHINO VNICE DILECTVS, / IN GERMANIA PHILIPPOBVRGVM, MANHEIMIVM, ALIASQVE VRBES EXPVGNANTI, / IN FLANDRIA PRINCIPIS ARAVSICANI IMPETVS INCREDIBILI CELERITATE, PRÆVERTENTI, / COMES VBIQVE ADFVIT ET ADJVTOR. / LVDOVICO MAGNO MONTES ET NAMVRCAM OBSIDENTI / VTILEM OPERAM NAVAVIT. / AD STEENKERCAM, AD NERWINDAM / LABORANTEM ET PENE INCLINATAM ACIEM ITA RESTITVIT, / VT LVCEMBVRGIVS VICTOR MAXIMAM EI PARTEM GLORIÆ CONCLEDERET. / IN POLONIAM BONORVM JVDICIO ET VONTVNTATE AD REGNVM VOCATVS. / CONTRARIA IN DISCIPLINAM PATRVI CONDÆI,

DISSIDENTIVM CIVIVM FACTIONE DESIDERANTI PATRIÆ REDDITVS,

/ OTIVM, MINIME INERS, BONARVM ARTIVM

STVDIIS, LECTIONI, ERVDITIS COLLOQVIIS IMPENDIT.

/

INGENIO MAGNO ET EXCELLENTE, ITA APTVS AD

OMNIA, VT QVICQVID AGERET, AD ID VNVM NATVS ESSE VIDERETVR.

/

DE FAMILIA, DE AMICIS, DE HVMANO

GENERE OPTIME MERITVS, DELICIÆ, HEV BREVES

!/

/

GALLORVM AMOR ET

DIGNAM CHRISTIANO PRIN-

/ ET PRETIOSAM IN CONSPECTV DOMINI / MOR/ MARTII, ANNO CHRISTI M DCC IX, ÆTATIS XLV. / AD CIPE

TEM OBIIT, LVTETIÆ PARISIORVM VIII KALENDAS

SANCTOS PIÆ MATRIS CINERES, VXOR MŒRENS POSVIT.

/ VTI IPSE JVSSERAT – REQVIESCAT VN PACE.

Historique Entré le 1er janvier 1794 au dépôt des PetitsAugustins ; musée des Monuments français (no 206), 1795-1816. – Resté à l’École royale des beaux-arts à la fermeture du musée. – Entré au musée de Versailles en novembre 1835 : « Nicolas Coustou. Minerve ou la Valeur tenant un médaillon portrait de LouisFrançois de Bourbon, prince de Conti, bas relief en marbre, 1709. » En marge : « envoyé id [le 4 novembre 1835] ». – En marge autre main, « rapporté à Paris le 3 avril 1834 – renvoyé à Versailles le 8 avril 1837 ». – Exposé à la galerie au premier étage de l’aile nord. – Mis en dépôt au musée du Louvre en 2012 (effectif en 2013). 131



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