Les collections de Monsieur, frère de Louis XIV (extrait)

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De nombreuses personnes et institutions ont contribué à soutenir cet ouvrage de longue haleine. Sans leur généreux mécénat, surtout leur passion pour l’histoire de l’art, cette publication n’aurait jamais vu le jour. Qu’ils soient tous chaleureusement remerciés : Monsieur Philippe d’Arschot Monsieur Victor Barcimanto Monsieur H. Woody Brock Monsieur et Madame Kenneth Buckfire Monsieur et Madame Thomas Cassilly Le musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Christie’s Maître Yves Cosquéric Monsieur et Madame Michel David-Weill Fondation Simone et Cino del Duca de l’Institut de France Messieurs David Eidenberg et Wellington D. Watters Monsieur Asbjörn Lunde Monsieur Ziane Nadji Monsieur François de Ricqlès Madame Joan Rosasco Monsieur Henri Schiller Selz Foundation S. J. Shrubsole Monsieur Ira Sonn Silver Society, Londres Monsieur Jean-Pierre Siméon Monsieur Michael Simon Madame Jeanne Sloane Monsieur et Madame Peter Smith Sotheby’s Monsieur Kristen Van Riel © Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © Paul Micio, Paris, 2014 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Julien Boitias Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Réalisation CD : Benoît Labourdette Contribution éditoriale : Anne-Marie Valet Suivi éditorial : Christine Dodos-Ungerer Index : Astrid Bargeton Iconographie : Anne Tailleux-Buffeteau ISBN 978-2-7572-0780-2 Dépôt légal : novembre 2014 Imprimé en Italie (Union européenne)

Pages de garde  Planche gravée par Jean Dolivar, d’après Berain, de la fête donnée à Sceaux le 14 juillet 1685, musée du Domaine départemental de Sceaux, 84.58.68. Fig. 1  Jean Varin (1604-1672), Philippe de France, frère unique du roi Louis XIV, médaille signée « Warin », sans date, argent (avers), D. 6 cm, Paris, BnF, cabinet des Médailles, inv. Série des princes, no 35.


Paul Micio

Les Collections de Monsieur frère de Louis XIV Orfèvrerie et objets d’art des Orléans sous l’Ancien Régime


Sommaire Liste des transcriptions figurant sur le CD d’accompagnement 8 Remerciements 10 Préface de Michèle Bimbenet-Privat, conservateur en chef du département des Objets d’art du musée du Louvre 13 Avant-propos de Béatrix Saule, directeur conservateur général du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon 15 Avertissement au lecteur 16 Introduction 18

Première partie

Monsieur, frère unique de Louis XIV 20 Chapitre Ier

Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

Chapitre V

4

Le goût de Monsieur

22

Louis XIV, « frère unique de Monsieur »

31

Le fonctionnement de la maison des Orléans

38

L’administration des biens de Monsieur et des Orléans Les maisons de Monsieur et de Madame

39 41

La formation de la collection

42

Monsieur et la succession d’Anne d’Autriche Dons et legs à Monsieur Cadeaux diplomatiques Foires et marchands Loteries

43 46 47 48 50

La première Madame

56

Henriette d’Angleterre « Madame se meurt, Madame est morte »

57 63

Les mille et une nuits de Monsieur

68

Saint-Cloud Les pyramides, les « pourcelaines » et le service L’orfèvrerie religieuse de Monsieur Monsieur et l’ambassade du Siam Les présents échangés entre la famille royale du Siam et la famille royale de France Le mobilier d’argent de Monsieur et celui du roi Le mystère du mobilier d’argent de Monsieur Monsieur et les grandes fontes : le registre de 1689-1690 L’agencement de la collection

69 79 88 91 97 99 104 106 111


Chapitre VI

Le Palais-Royal

Chapitre VII La disparition du frère unique du roi La mort de Monsieur La collection de Monsieur en 1701

114 120 121 125

Deuxième partie

Les liens dynastiques

128

Chapitre VIII La famille de Philippe d’Orléans

130

Gaston d’Orléans Marguerite d’Orléans et l’échansonnerie de Chambord Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre Henriette-Marie, lord Jermyn et la chapelle de Rushbrooke Manuscrits français et anglais Le coffre Orléans Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise Le chevalier de Lorraine

131 137 139 143 146 151 154 158 160

Troisième partie

Évolution de la collection

164

Chapitre IX

La princesse Palatine

166

Dot et contrat de mariage L’héritage du Palatinat La princesse Palatine après la mort de Monsieur L’année terrible de 1709 Les Orléans et les fontes de 1709 Le vol Davoust La mort de la princesse Palatine La collection de Madame en 1722 La collection de pierres gravées des Orléans

167 170 176 177 178 181 182 183 184

Chapitre X

Les Orléans et les successions de la Grande Mademoiselle et du Grand Dauphin 188

Chapitre XI

Les bijoux des Orléans

192

Les carrousels Les habits parés de pierreries des Orléans L’étincelant mariage du duc de Chartres avec Mlle de Blois

193 194 200

5


Chapitre XII Philippe II d’Orléans, Régent Le système de Law Acquisition du diamant dit « le Régent » La visite du tsar La visite de Mehmed Efendi Un nécessaire de la Régence La duchesse de Berry et le dîner au palais du Luxembourg Assouplissement concernant la fabrication des objets en métal précieux sous la Régence La fonte d’argenterie sous la Régence

Chapitre XIII La succession du Régent Le Régent et l’argenterie du cardinal Dubois La mort du Régent et la tradition des « droits de charge »

Chapitre XIV Les premiers surtouts de table et les ducs d’Orléans Le développement du surtout de table en France Étude et datation du dessin du surtout de table aux armes du duc d’Orléans Les premiers surtouts de table et Monsieur, frère du roi Les surtouts de table après l’édit somptuaire de mars 1700 Les surtouts de table et les Orléans après la mort de Monsieur Les surtouts de table et Louis XV

Chapitre XV Les services de toilette et les Orléans

206 208 209 210 210 211 214 217 220 222 223 224 230 231 237 242 246 247 248 252

Henriette-Marie de France 253 Henriette d’Angleterre 254 Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne 258 Anne-Marie d’Orléans, duchesse de Savoie 258 Marguerite-Louise d’Orléans, grande-duchesse de Toscane 259 Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise 259 Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne 259 Élisabeth-Charlotte d’Orléans, duchesse de Lorraine 259 Monsieur 260 Françoise-Marie de Bourbon, duchesse de Chartres, puis d’Orléans 260 Charlotte-Aglaé d’Orléans, duchesse de Modène 263 Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, duchesse de Berry 272 La princesse Palatine 273 Le Régent 274

Chapitre XVI Fin des collections des Orléans

6

276


Quatrième partie

Annexes complémentaires

280

Annexe I

282

Typologie par objet et par date (1625-1724)

Annexe II Glossaire

306

Annexe III

315

Présentation des orfèvres, joailliers, horlogers et marchands merciers qui travaillèrent pour la famille d’Orléans

Artisans qui travaillèrent pour Gaston d’Orléans et sa famille Artisans qui travaillèrent pour Monsieur et Madame Artisans qui travaillèrent pour le Régent et sa famille Liste des orfèvres, joailliers, horlogers et marchands merciers qui travaillèrent pour les Orléans (1625-1724)

Annexe IV

Repères chronologiques

Annexe V

Arbres généalogiques

315 315 317 318 322

Maison de France Succession d’Angleterre Maison Palatine

329 330 331

Principales sources manuscrites Principales sources imprimées

333 336

Bibliographie

Index

351

Crédits

359

7


Liste des transcriptions figurant sur le CD d’accompagnement

CD-21 Description des habits parés de pierreries (octobre 1677) CD-22 Description de la collation donnée à Fontainebleau (octobre 1677) CD-23 Description du service digne d’un « exercice de gens de guerre » (octobre 1677)

TRANSCRIPTIONS - XVIIe SIÈCLE CD-1 Inventaire de la vaisselle et des pierreries de la dot d’Henriette-Marie de France (2 juin 1625) CD-2 Scellés de Gaston d’Orléans (3 février 1660) CD-3 Description de Monsieur en roi de Perse lors du Carrousel (1662) CD-4 Lettres patentes de Louis XIV déclarant l’acceptation du legs des collections de Gaston d’Orléans (5 juin 1663) CD-5 Les maisons de Monsieur et de Madame (à partir de 1663) CD-6 Testament d’Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre, fait à Somerset House (juin 1665)

CD-24 Poème anonyme de la fête donnée à Saint-Cloud (octobre 1678) CD-25 Régal offert à l’ambassadeur d’Espagne en l’honneur des fiançailles de Marie-Louise d’Orléans et du roi Charles II d’Espagne (août 1679) CD-26 Inventaire des bijoux de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne (1679) CD-27 Description de la fête royale (16 janvier 1680) CD-28 Description de la grande fête offerte par Henri-Jules de Bourbon-Condé (février 1680) CD-29 Description de la fête en l’honneur de la Dauphine au Trianon (avril 1680)

CD-7 Testament d’Anne d’Autriche (3 août 1665)

CD-30 Explication du plan de table, fête en l’honneur de la Dauphine (mai 1680)

CD-8 Extraits de l’inventaire après décès d’Anne d’Autriche concernant Monsieur (1666)

CD-31 Fête donnée à Saint-Cloud en l’honneur de la Dauphine (mai 1680)

CD-9 Inventaire des biens d’Henriette-Marie de France, fait à Colombes par les Anglais (31 octobre-5 novembre 1669) CD-10 Permission donnée par l’archevêque de Paris à la délégation de Charles II d’entrer dans le monastère de Chaillot après la mort d’Henriette-Marie (6 novembre 1669) CD-11 Inventaire des biens d’Henriette-Marie, fait à Chaillot par les Français (8 novembre 1669) CD-12 Inventaire de la vaisselle d’Henriette-Marie, fait à Chaillot par les Anglais (9 novembre 1669) CD-13 Décharge du coffre de la vaisselle d’argent d’Henriette-Marie à Chaillot par les Français (13 novembre 1669) CD-14 Mémoire d’une sœur du monastère de Chaillot au sujet de la feue reine d’Angleterre (16 novembre 1669)

CD-32 Description de Saint-Cloud (avril 1681) CD-33 Structure de la maison royale relative aux habits parés de pierreries (1682-1722) CD-34 Objets offerts à Monsieur par le roi (mars 1683) CD-35 Testament d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, dite « La Grande Mademoiselle » (février 1685) CD-36 Description d’une grande fête donnée à Sceaux (juillet 1685) CD-37 Liste des présents envoyés à Louis XIV par le roi du Siam (mai 1686) CD-38 Les ambassadeurs du Siam sont reçus par Monsieur et Madame à Versailles (septembre 1686) CD-39 État de la vaisselle, diamants et bijoux de l’héritage de la princesse Palatine (septembre 1686)

CD-15 Inventaire après décès d’Henriette d’Angleterre (1671)

CD-40 Liste des présents offerts par le roi du Siam à Louis XIV, au Dauphin et à la Dauphine (selon Chaumont, 1686)

CD-16 Monsieur reçoit le roi à Saint-Cloud (juillet 1671)

CD-41 Visite des ambassadeurs du Siam à Saint-Cloud (26 novembre 1686)

CD-17 Monsieur reçoit la Palatine à Villers-Cotterêts (novembre 1671)

CD-42 Pierreries montrées aux ambassadeurs du Siam (décembre 1686)

CD-18 Inventaire de la vaisselle et des pierreries apportées en France par la Palatine (30 janvier 1672)

CD-43 Présents offerts à l’ambassadeur du Siam par Monsieur (janvier 1687)

CD-19 Estimation des pierreries que la princesse Palatine a apportées en France (12 mars 1672)

CD-44 Déclaration portant défense de fabriquer les pièces d’orfèvrerie qui y sont mentionnées (10 février 1687)

CD-20 Déclaration pour régler le poids et la qualité de la vaisselle d’or et d’argent (6 mai 1672)

CD-45 Présents offerts par Louis XIV au roi du Siam et à ses ambassadeurs (avril 1687)

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CD-46 Testament de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne (février 1689)

CD-69 Liste des personnes qui envoyèrent leur vaisselle à la Monnaie (1709)

CD-47 Legs de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne (février 1689)

CD-70 Estimation des pierreries de Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, future duchesse de Berry (1710)

CD-48 Inventaire après décès de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne (24 juin 1689) CD-49 Récépissé des legs de la défunte reine d’Espagne à Madrid (23 juillet 1689) CD-50 Détail de la loterie offerte par Monsieur à Saint-Cloud (juillet 1689) CD-51 Déclaration portant règlement sur les ouvrages et vaisselle d’or et d’argent (14 décembre 1689) CD-52 Registre des grandes fontes (1689-1690)

CD-71 Estimation des pierreries appartenant au duc de Berry (1710) CD-72 Fête offerte par la duchesse de Berry au duc et à la duchesse de Lorraine (du 28 février au 1er mars 1718) CD-73 Inventaire après décès de la duchesse de Berry (1719) CD-74 Estimation des pierreries de la dot de Charlotte-Aglaé d’Orléans, future duchesse de Modène (janvier 1720)

CD-53 Mariage du duc de Chartres et de Mlle de Blois, vu par Saint-Simon (1692)

CD-75 Estimation des pierreries appartenant en propre à Charlotte-Aglaé d’Orléans, future duchesse de Modène (février 1720)

CD-54 État des pierreries données à Mlle de Blois par Louis XIV lors de son mariage avec Philippe II d’Orléans, duc de Chartres (1692)

CD-76 Déclaration concernant la vaisselle d’argent (18 février 1720)

CD-55 Souper donné par Monsieur au Palais-Royal en l’honneur du duc et de la duchesse de Chartres (mars 1692) CD-56 Extrait du procès-verbal de la vente, en 1693, des meubles et pierreries de la Grande Mademoiselle (1694) CD-57 Supplication des frères Villers (1696) CD-58 Inventaire après décès d’Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise (avril 1696) CD-59 Consentement, par Monsieur, de la mise en possession de Marguerite-Louise duchesse d’Orléans, grande-duchesse de Toscane, des biens d’Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise, du 30 janvier 1697 CD-60 Mariage d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans (fille de Monsieur et de la Palatine) avec Léopold-Joseph-Charles, duc de Lorraine (octobre 1698)

CD-77 Description des habits en pierreries et des pierreries sous la Régence par l’ambassadeur ottoman (1721) CD-78 Déclaration concernant la vaisselle d’argent (23 novembre 1721) CD-79 Inventaire après décès de la princesse Palatine (1722) CD-80 Diverses pièces relatives à l’argenterie du cardinal Dubois, de la succession du Régent et de la matière première fournie par Samuel Bernard (1722-1728) CD-81 Vaisselle d’argent du Régent provenant du cardinal Dubois selon Seilhac (14 août 1723) CD-82 Inventaire après décès de Geneviève Person, veuve de Pierre Cœuret (30 novembre 1723)

CD-61 Testament de Monsieur (1699)

CD-83 Inventaire après décès du Régent, y compris l’argenterie du cardinal Dubois (mars-avril 1724)

TRANSCRIPTIONS - XVIII SIÈCLE

CD-84 Constitution entre les héritiers du Régent et Edme-François de Montigny, premier maître d’hôtel du Régent, pour la vente de l’argenterie du Régent payable contre une rente viagère (juin 1724)

e

CD-62 Déclaration du roi contre le luxe (20 mars 1700) CD-63 Inventaire après décès de Monsieur (1701) CD-64 Pierreries de Monsieur vendues au Palais-Royal (1702)

CD-85 Description du surtout de table par Claude Ballin pour le comte de Daun (mai 1726)

CD-65 Inventaire après décès du chevalier de Lorraine (1702)

CD-86 Extraits de l’arrêt du Parlement concernant la succession du Régent (mars 1729)

CD-66 Inventaire des composantes du surtout de table de Jean-François Cousinet pour Karl XII de Suède (1703-1705)

CD-87 Extraits des débats concernant la succession du Régent (février-mai 1740)

CD-67 Extrait de l’inventaire de l’atelier de Nicolas Delaunay (1705)

CD-88 Jugement portant règlement des comptes de la succession du Régent (18 avril 1744)

CD-68 Testament olographe de la princesse Palatine (1706)

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Remerciements Écrire une œuvre historique, c’est un peu comme monter un opéra. Dans les deux cas, le soutien et la collaboration d’innombrables personnes derrière la scène sont indispensables. Sans leur apport précieux, le spectacle ne serait jamais arrivé à terme ni présenté au public. Je tiens à remercier ici tous ceux qui m’ont aidé à entrer en scène. J’ai grand plaisir à remercier le régisseur de cet « opéra », mon ancien directeur de thèse, madame Michèle Bimbenet-Privat, qui non seulement m’a heureusement suggéré ce sujet en or, mais m’a patiemment appris la paléographie. Ses encouragements très bienveillants et son soutien sans faille m’ont permis de mener à bien ce projet. Ma dette et mon amitié envers elle sont incommensurables. Il m’est agréable de remercier S.A.R. Monseigneur le comte de Paris et la Fondation Saint-Louis de m’avoir gracieusement permis de consulter les archives privées de la maison d’Orléans et surtout de m’avoir autorisé à publier des documents inédits. Je tiens aussi à remercier ceux qui travaillent pour la Fondation Saint-Louis, sans l’assistance desquels je n’aurais pu étudier les documents indispensables : M. Michel Fleury (†), Mme Christine Nougaret et M. Jean-Louis Sureau. Aucun opéra ne pourrait être réalisé sans le soutien de généreux mécènes et je souhaite réitérer ma profonde et sincère gratitude à tous ceux qui figurent sur la liste des bienfaiteurs ayant contribué à financer cette production. L’enthousiasme de Mme Béatrix Saule, au château de Versailles, et celui de MM. Jean-Pierre Babelon, Hervé Danesi et Gabriel de Broglie, à l’Institut de France, m’ont particulièrement touché et le soutien de ces deux institutions a permis la parution de ce livre. Comme dans le domaine de l’opéra, un bon livret est indispensable au succès de l’œuvre. Personne n’a été aussi proche du texte, endossant le rôle de Vaugelas, que mon fidèle ami le docteur Michel Venturini. Mme Claudine Brunet a très aimablement relu le texte et m’a donné nombre de judicieux conseils pour le rendre plus clair et plus précis. Florence Austin Montenay m’a fait profiter de son immense connaissance de Saint-Cloud ainsi que d’innombrables suggestions importantes. Jean-Marie Bouchard a relu le texte avec une exactitude exemplaire et m’a fait réfléchir davantage sur certains aspects de l’argenterie française. À Françoise Bayle, Marie Leimbacher et Anne-Marie Valet est revenue la difficile tâche de vérifier texte et notes afin de corriger les erreurs qui, sans elles, seraient passées inaperçues. Les opéras produits de nos jours sont souvent des coproductions internationales et je tiens à exprimer toute ma reconnaissance au professeur Maurice Girault qui a bien voulu se charger

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de la traduction en français des lettres inédites de la princesse Palatine, ainsi qu’à Mme Adeline Rucquoi et à M. Alain Bunge qui ont donné beaucoup de leur temps pour traduire les documents espagnols. Mon collègue Martin Olin a eu l’extrême obligeance de traduire les documents suédois. Comme tous les chercheurs contemporains qui dépendent de la technologie moderne, j’ai une grande dette envers les « machinistes », en l’occurrence les informaticiens qui ont assuré avec beaucoup de compétence la maintenance de quatre ordinateurs et de trois imprimantes successifs, sans parler des « plantages » informatiques. À chaque incident, ils m’ont dépanné avec beaucoup de dévouement : MM. Alexis André à Paris, Donald de Cain à New York et Patrick Morgenstern dans le Midi. J’éprouve aussi beaucoup de reconnaissance envers Martine Beck-Coppola qui m’a fait bénéficier de ses talents de photographe. Je ne peux oublier les « éclairagistes », tous ceux qui m’ont fait profiter de leurs immenses connaissances et ont éclairé pour moi des points qui, sans eux, seraient restés dans l’ombre. Il m’est agréable de remercier pour leur aide au cours de ce travail mesdames et messsieurs Daniel Alcouffe, Pierre Arizzoli-Clémentel, Catherine Arminjon, Philippe d’Arschot, Guillaume Attlane, Mathilde Avisseau-Broustet, Claire Badillet, François Baudequin, Anne-Catherine Baudoin, Christian Baulez, David Beasley, Katia Béguin, Marie-Hélène Bernard, Dominique Biancarelli, Alain Bilhaud (†), Tiina Björkbacka, Alexandre de Bothuri, Chantal Bouchon, Claudine Boulouque, Thierry Boutignon, Dominique Brême, Vanessa Brett, David Brouzet, Emmanuelle Brugerolles, Hélène Bucaille, Nigel Bumphrey, Jocelyne Busson, Daniel Cagigao, Jacques Charles-Gaffiot, Gildas Charmel, Arnaud de Chassey (†), Jean-Marc Chatelain, Pierre-Jacques Chiappero, Kirsten Christiansen, Cristina Neiva Correia, Jean-François Costa (†), Nicolas Courtin, Pamela Cowen, Thierry Crépin-Leblond, Benoît Derouineau, Daniel Dessert, Jean-François Dontenwill, Leonor D’Orey, Geneviève Douillard, Anne Droguet, Marc Durand, Ann Eatwell, Martha Mel Edmunds, Fabrice Faré, Luc Forlivesi, Anne Forray-Carlier, Nicole Garnier, Marie-Noël de Gary, Pierre Gatulle, Véronique Girard, Philippa et Gordon Glanville, Catherine Gougeon, Denis Grandemenge, Denis Grisel, Clémentine Gustin-Gomez, Christopher Hartop, Gerhard Immler, Gustaaf Janssens, Bilgi Kenber, Franz Kirchweger, Isabelle Klinka-Ballesteros, Mareike König, Alexis Kugel, Thierry de Lachaise, David Langeois, Madeleine Lassère, Clare Lecorbeiller (†), Sophie Lee, Sylvain Lévy-Alban, Gérard Mabille,


Philippe Malgouyres, Alexandre Maral, Nicolas Marischael, Delphine Massart, Jean-François Méjanès, Andrew Morrall, Tessa Murdoch, Christian Musson, William R. Newton, Sylvie Nicolas, Juliet Nusser, Derek Ostergard, Hans Ottomeyer, Philippe Palasi, Luisa Penalva, Jean-Christian Petitfils, Anthony Phillips, Michel Popoff, Alexandre Pradère, Maxime Préaud, Tamara Préaud, Patrick Ramade, Jonathan Rendell, Marie-Laure de Rochebrune, Bertrand Rondot, Chantal Saint-Jevin, Xavier Salmon, Édouard de Sevin, Florence Slitine, Jeanne Sloane, Corinne Thépaut-Cabasset, Kevin Tierney, Charles Truman, Isabelle Turquin, Nuno Vassallo e Silva, Paola Venturelli, Ubaldo Vitali, Stefanie Walker, Susan Weber, John Whitehead et Gillian Wilson. En plus des éclairagistes, j’ai plaisir à remercier les membres du « chœur », précieux assistants de recherche qui m’ont aidé pendant mon travail : Florian Behrendt, David Bridgwater, Anthony Brown, Barry Cenower, Mimi Dreux, Irina Farley, Jennie Foley, Françoise Hamel, Edward Kasinec, Agnès Léger, Lisa Skogh, Joan Spiller, et Kyle Triplett. Je tiens à exprimer mes vifs remerciements aux « scénographes » chez Somogy éditions d’art qui, de la « partition » que je leur ai confiée, ont créé cette belle nouvelle production. Je souhaiterais louer les talents du graphiste Julien Boitias ainsi que la rigueur du responsable de la fabrication, Michel Brousset. Un grand merci aussi à Nicolas Neumann, directeur éditorial, ainsi qu’à MarcAlexis Baranes, Christine Dodos-Ungerer, Benoît Labourdette, Stéphanie Méséguer, Anne Tailleux et à toute l’équipe Somogy. Ma profonde gratitude va de même au professeur Alain Mérot ainsi qu’à MM. Yves Carlier, Jean-François Dubost et Patrick Michel qui m’ont fait l’honneur de faire partie du jury lors de la soutenance de ma thèse en 2009. Je suis également redevable envers l’université de Paris IV-Sorbonne et, bien sûr, envers cette France, inépuisable source d’histoire et d’art, qui depuis longtemps m’a ouvert les bras. Je voudrais, pour terminer, mentionner ma famille et quelques amis intimes dont la fidélité et le soutien font que, sans eux, la comédie de la vie n’aurait aucun sens : à « mes deux Victor » Alonzo et Barcimanto, Judith de Baeck, James Fegan, Ziane Nadji, Andrew Packard et Susanna Linhart, François-Léopold Pinet, Joan Rosasco, Hervé Roumec, Michel Sénéchal, Michael Simon, Sandra Smith et Wellington D. Watters. Enfin, last but not least, ma mère (†) et mon père… qui m’ont tout donné.

Le château de Saint-Cloud. Le salon de Vénus et l’enfilade des trois salons de réception, vers 1860, détail de la figure 45.

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Fig. 2  La grande cascade de Saint-Cloud, par Antoine Le Pautre (1621-1679) fut terminée en 1665, elle fut réparée et complétée en 1699 par Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), Centre des monuments nationaux, CRW 13-0103.

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Préface Michèle Bimbenet-Privat Conservateur en chef au département des Objets d’art du musée du Louvre

Avec ce très bel ouvrage, fruit de sa thèse de doctorat soutenue en 2009, monsieur Paul Micio touche au but d’un long parcours entamé aux États-Unis au Bard Graduate Center et poursuivi en France à l’université de Paris IV-Sorbonne, parcours sous-tendu par une passion avouée pour la France du Grand Siècle, un goût affirmé pour l’orfèvrerie française et une indéniable volonté. Le sujet que nous avions défini ensemble envisageait de façon globale les collections précieuses des Orléans, et nous l’avions volontairement centré autour des personnes de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, et de ses deux épouses successives. Il faut rendre hommage à monsieur Micio d’avoir fait sien ce projet de recherche réputé difficile, sinon impossible du fait de la disparition des œuvres, et qui en aurait découragé plus d’un. Au contraire, c’est en se prenant au jeu de cette difficulté, en approfondissant sans cesse sa quête d’archives inédites, en se condamnant à d’ingrates transcriptions que monsieur Micio a construit ce monument à Monsieur et ses collections, non sans l’élargir à l’entourage du prince, à ses prédécesseurs et à ses héritiers. Et c’est ainsi qu’ont été mises au jour les plus belles découvertes de ce livre. S’appliquant à l’orfèvrerie, le mot « collection » s’avérait insatisfaisant, mais nos discussions n’en ont pas fait émerger de meilleurs. Au xviie siècle, l’orfèvrerie se définit uniquement par sa matière métallique. Elle entre donc dans des domaines aussi divers que la vaisselle, qui peut être utilitaire ou relever de l’apparat, l’orfèvrerie sacrée, la bijouterie, la joaillerie, l’horlogerie, les gemmes montées en vases, les intailles et camées et leurs montures précieuses, un corpus disparate et voué à une destinée très diverse : comme l’a bien souligné monsieur Micio, chaque possesseur peut à sa guise conserver sa vaisselle ou la fondre (le cas le plus courant), garder ou démonter ses pierreries, aliéner ou transmettre ses collections de gemmes. C’est tout l’intérêt de cette recherche où furent menées de front l’étude de la personnalité des princes collectionneurs et celle de l’évolution du goût et de l’usage des œuvres. C’est donc une galerie de portraits des hommes et des femmes de la maison d’Orléans que monsieur Micio nous invite à parcourir. Le rôle-titre est tenu par Monsieur, à propos duquel l’auteur souligne un vide bibliographique certain. Aux antipodes de l’image du « petit homme ventru monté sur des échasses tant ses souliers étoient hauts, toujours paré comme une femme » brossé méchamment par SaintSimon, le portrait minutieux construit au prisme des collections du prince ouvre maintes perspectives : on le découvre lanceur de bien d’autres modes que vestimentaires, commanditaire des premiers surtouts de table, précurseur du mobilier d’argent qui fit la gloire de son frère, amateur de diamants certes, mais comme héritier de sa mère. Quant à sa prétendue cupidité, elle a sans doute favorisé en lui cette fibre particulière, faite de chasse autant que de possession, que l’on reconnaît à tout collectionneur.

Les historiens, comblés par les extraordinaires archives du GardeMeuble de la Couronne que nous devons au méthodique Colbert, ont peu étudié les collections royales de façon comparative. Finalement, qu’est-ce qui distinguait le mobilier d’argent massif du roi de celui, garni d’argent, de Monsieur ? Le même effet chez les deux frères. Mais chez le roi dominaient une grande plasticité, l’usage de figures allégoriques et morales, une thématique glorificatrice unissant l’architecture et le décor, tandis que chez Monsieur coexistaient des ornements de fleurs et de personnages plus anecdotiques et sans doute moins signifiants. Pourtant, ce répertoire floral traditionnellement appliqué aux appartements féminins allait devenir au siècle suivant une magistrale ode à la Nature célébrée par tout un environnement champêtre. Monsieur Micio souligne de façon convaincante l’intérêt de Monsieur pour les jeux de lumière obtenus à force de plaques, miroirs et « chandeliers » (lustres), bien avant les scintillements de l’ameublement d’argent des Grands Appartements de Versailles. Son analyse menée très minutieusement à partir des inventaires et des relations des chroniqueurs mondains montre combien ces objets connurent un développement parallèle chez le roi et les princes de la cour. À la génération de Monsieur, il y eut sans doute une forme d’émulation entre les deux frères, où Louis XIV n’était pas forcément gagnant. De passionnants documents ont été retrouvés sur l’orfèvrerie d’Henriette-Anne d’Angleterre et de sa mère, Henriette-Marie de France, et sur l’influence de l’orfèvrerie française sur les modes anglaises. La découverte de la chapelle de Rushbrooke, confectionnée à Paris vers 1660 et portant les armoiries d’un proche conseiller d’Henriette-Marie de France, illustre bien les différences typologiques entre objets français et anglais. Mais la véritable internationalisation de la collection des Orléans n’intervient qu’avec l’arrivée de la princesse Palatine. La toute nouvelle diversité des collections du couple princier à cette époque transparaît dans les propres écrits de Madame ; elle est confirmée par des inventaires d’une incomparable précision. S’y côtoient de grands gobelets sur pied caractéristiques de l’orfèvrerie allemande de la Renaissance, des agates d’Allemagne, des émaux peints d’Augsbourg, des porcelaines orientales (sans doute des Imari), de la porcelaine blanche « brodée » (chinoise), des piqués d’or napolitains… Gardons-nous de décrire davantage l’ouvrage qu’il convient maintenant de lire, avec tout le plaisir que nous valent sa présentation particulièrement soignée, ses textes généreusement illustrés de portraits, dessins et objets, et son abondant glossaire qui prouve son utilité par quelques savoureuses raretés, comme par exemple ces « gargoulettes » ou ces « grimaces » dont la langue du Grand Siècle fut si prodigue.

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Le château de Saint-Cloud. La cour d’honneur, détail de la figure 14.

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Avant-propos Béatrix Saule Directeur conservateur général du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Un ouvrage sur Monsieur, frère du roi Louis XIV, est à la fois une gageure et une avancée scientifique considérable pour la connaissance sur Versailles. C’est donc naturellement que l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles a soutenu la publication du livre de Paul Micio sur les collections de Philippe d’Orléans. Cette étude minutieuse est remarquable en raison de ce qu’elle nous apprend non seulement sur l’histoire des collections mais aussi sur l’histoire d’un homme qui a contribué à la formation du goût qui s’est imposé à Versailles et, sans aucun doute, dans toute l’Europe à l’époque moderne. Ce travail explore les champs de recherche sur l’histoire des arts décoratifs et sur la vie de cour sous l’Ancien Régime ; fruit d’une recherche exhaustive dans les archives, il présente un corpus d’objets et d’orfèvrerie tout à fait inédit, complet et richement illustré. Cette publication rend accessible tant aux spécialistes qu’au plus grand nombre une personnalité singulière, précieuse et baroque, dont les collections se révèlent un parfait miroir. Sans nul doute, Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV a vocation à devenir un ouvrage de référence en histoire de l’art, pour celle des collections et du goût en Europe au Grand Siècle.

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Avertissement au lecteur Pagination et notes Les pages sont numérotées à la suite en bas de page et en chiffres arabes, y compris les annexes complémentaires. Les notes dans le texte, dont la numérotation est placée en exposant, renvoient à la note correspondante en bas de page. Elles sont copieuses et détaillées pour que le lecteur puisse reprendre le fil facilement s’il le veut. La numérotation des notes est en continu sur tout l’ouvrage. Illustrations Les illustrations sont numérotées dans le texte, en gras (fig. 1). Transcriptions Les documents transcrits sont numérotés et présentés, dans l’ordre chronologique, sur le CD d’accompagnement ; ils sont cités dans le texte, en abrégé et en gras, entre parenthèses (CD-1). Il faut garder à l’esprit que les transcriptions citées dans le texte seront en fonction des événements décrits et ne seront donc pas forcément dans l’ordre strictement numérique. Protocole pour les sources manuscrites et imprimées L’orthographe originale des manuscrits, parfois pittoresque, a été conservée dans les transcriptions ; mais à certains endroits, afin de faciliter la compréhension, nous avons modernisé ponctuation et accentuation. Les textes imprimés ont été transcrits tels quels, sans aucune modification. Liste des abréviations employées AN : Archives nationales AN, min. cen. : Archives nationales, minutier central AN, AP : Archives nationales, Archives privées BnF : Bibliothèque nationale de France BnF, mél. Colbert : Bibliothèque nationale de France, mélanges Colbert BnF, Cab. des Est. : Bibliothèque nationale de France, cabinet des Estampes

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« Sic » Les règles de l’orthographe aux xviie et xviiie siècles n’étaient pas encore bien établies. Il aurait été inutile de signaler chaque variante par rapport à l’orthographe actuelle en introduisant des « sic », car leur inévitable prolifération aurait considérablement gêné la lecture. Nous n’avons donc conservé le « sic » que lorsque l’orthographe ancienne est très éloignée de celle en usage actuellement ; nous avons expliqué le sens de certains mots incompréhensibles entre crochets, comme dans l’exemple suivant : « temples [sic pour tempes] ». Notes explicatives Les explications d’un terme inhabituel ou tombé en désuétude, comme « ferrière », sont données dans les notes de bas de page, mais seulement à la première occurrence. Par ailleurs, tous les termes « techniques » ont été regroupés dans un glossaire que l’on trouvera à la fin de l’ouvrage. Crochets et parenthèses Pour les manuscrits, certains items ou lignes de texte ont été omis des transcriptions, car ils ne relevaient pas du sujet de cette étude. Ces omissions sont indiquées entre crochets avec trois points de suspension : […]. Pour les textes imprimés, les parenthèses ( ) sont celles de l’auteur du texte cité. Les explications ajoutées par nous sont indiquées entre crochets [ ]. Les seuls points de suspension « … », sans crochets ni parenthèses, correspondent aux « … » que l’on trouve dans les textes et dans les inventaires, et dans ce dernier cas ils correspondent à des lignes de points de suite permettant d’aligner des sommes, des quantités, etc. Citations étrangères Les citations étrangères utilisées parfois dans le corps du texte, sont traduites en français immédiatement après, entre crochets. Maîtrise et Jurande Après avoir fait son apprentissage, et selon la disponibilité des places, un artisan pouvait se présenter à la corporation pour être


reçu maître orfèvre. Dans le texte, on distingue la date de sa maîtrise ainsi : « reçu en (année) ». Quand nous indiquons l’année du poinçon de jurande porté par un objet, il s’agit de l’année de la lettre-date en vigueur, e. g. 1681 sous-entend l’année fiscale 16811682 établie par la Maison commune. Dates À partir de 1582, la plupart des pays européens adoptèrent le calendrier grégorien (calendrier révisé de Grégoire XIII, encore appelé nouveau style), alors que les Anglais et les États protestants en étaient toujours au calendrier julien (calendrier de Jules César ou vieux style). Le décalage était de dix jours au xviie siècle et de onze jours au xviiie siècle (1700 n’ayant pas été une année bissextile dans les pays grégoriens). L’Allemagne adopta le nouveau style à partir du 1er mars 1700 ; l’Angleterre ne suivit qu’en 1752, ce qui veut dire que les dates des lettres des correspondants de la Palatine, par exemple, ou des journaux tenus par des auteurs britanniques, tels que Pepys ou Evelyn, avaient dix jours de retard sur le reste de l’Europe. La monnaie sous l’Ancien Régime, la valeur relative de la livre, et la crue Il existait deux types de monnaies, le premier étant l’argent sonnant et le second une monnaie pour les comptes qui était, en effet, fictive : la livre tournois ou franc1. La livre tournois servait à fixer la valeur des biens dans les actes notariés, les inventaires, les contrats et les baux, mais n’avait pas d’équivalent matériel sous forme de pièces2 . Un écu valait 3 livres. Afin de pouvoir estimer la valeur de certains des objets que l’on trouve dans les différentes collections, quelques comparaisons monétaires sont données dans le texte. Mais il faut bien avoir à l’esprit que la valeur réelle de la livre ne cessa de baisser au fil du temps,

1. Depuis la réforme du système monétaire sous Louis XIII dans les années 1640, le franc d’alors devint une monnaie désuète. Cependant, le terme « franc » reste vivace dans les esprits ; Mme de Sévigné, Molière et Boileau employèrent tous le mot « franc » pour « livre ». 2. Petitfils, 1986, p. 354.

de la minorité de Louis XIV jusqu’à la Régence. La valeur de la monnaie fut très affectée par les dévaluations successives décidées par le gouvernement. Il est donc quasiment impossible de tenter d’établir une valeur de la livre sur une centaine d’années et il serait chimérique d’essayer de donner un équivalent en valeur actuelle. La livre n’a cessé de se dévaluer et il faut garder cela en mémoire quand on compare les chiffres3 . Une dernière observation s’impose concernant la valeur des objets répertoriés dans les inventaires après décès sous l’Ancien Régime : ils furent systématiquement sous-évalués. Mais à cette sous-estimation s’ajoutait un tarif obligatoire : la crue. Elle était de 25 % à Paris 4 . Normalement, la crue ne s’appliquait pas à l’argenterie, dont le prix était connu de tous ; celle-ci était estimée au poids et sans aucune considération pour la façon. C’est pour cette raison que l’on trouve souvent dans les documents concernant l’argenterie la mention « sans crue » ou, beaucoup plus rarement, « avec la crue ». Le titre de « Monsieur » L’appellation « Monsieur » n’est pas un surnom mais un titre réservé au frère cadet du roi. Quand Philippe d’Orléans était garçon, on l’appelait souvent « le petit Monsieur » pour marquer la différence entre lui et son oncle, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, « le grand Monsieur ». En 1660, à la mort de ce dernier, Philippe, jusqu’alors duc d’Anjou, reprit le titre de « Monsieur » et devint, à vingt ans, le duc d’Orléans, chef de la maison d’Orléans.

3. Pour une discussion de la valeur de la livre sous l’Ancien Régime, voir, entre autres, Bernier, 1981 ; Meyer, 1985. 4. Schnapper, 2004, p. 196.

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Introduction Le but de cette introduction est de définir les paramètres de cet ouvrage, d’en décrire le contenu et d’exposer brièvement les limites qui se sont imposées au cours de notre travail. Nous avons suivi la trace des collections d’orfèvrerie, de bijoux et d’objets d’art de Monsieur, frère de Louis XIV, et de sa famille, de la Renaissance jusqu’à la fin du xviiie siècle. Mais notre étude se borne principalement à la période 1625-1725, un siècle qui commence avec la dot d’Henriette-Marie, sœur de Gaston d’Orléans, tante et bellemère de Monsieur, car certains objets lui ayant appartenu passèrent par la suite dans les collections des Orléans ; elle s’achève en 1725, date autour de laquelle commencèrent les procédures juridiques relatives à la succession du Régent5. Le terme « orfèvrerie » employé dans cet ouvrage est pris au sens large, dérivant de son étymologie latine du mot « orfèvre », auri faber, « qui travaille l’or », ce qui inclut la bijouterie et tous les objets (gemmes, pierreries, porcelaines, etc.) quand ils sont montés en métal précieux par un orfèvre. Les ouvrages en bronze, qu’ils soient dorés ou argentés, et les autres métaux n’ont pas été pris en compte. Les objets dont la monture est en bronze doré ou argenté et qui figurent dans les inventaires n’ont généralement pas été transcrits, sauf, par exemple, s’ils faisaient partie d’un groupe de pierres dures montées en argent, en vermeil ou en or, ou s’il semblait plus logique de décrire tout le groupe, sans éliminer quelques objets sous prétexte qu’ils ne répondaient pas, stricto sensu, à nos critères. Les ustensiles de cuisine en métal non précieux, comme le cuivre rouge, n’ont été étudiés que lorsque nous trouvions les deux types de métaux – noble et commun – groupés ensemble, dans un même article, ce qui nous permettait de faire des comparaisons. Les médailles n’ont pas été retenues, car c’est un vaste sujet qui mérite une étude indépendante. En ce qui concerne le mot « collection », il faut garder à l’esprit qu’il y avait une différence entre les objets relevant des nécessités d’une position sociale affirmée (constitution d’une vaisselle d’apparat ou d’un mobilier d’argent, par exemple) et ceux appartenant à l’univers de la collection proprement dite (filigranes, bijoux, objets montés, camées, etc.).

5. Constitution de 1724 (CD-84) ; arrêt du parlement de 1729 (CD-86).

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Nous avons dépouillé quinze inventaires de la famille d’Orléans, de 1625 à 1724, dont les extraits très complets relatifs à notre sujet se trouvent, avec les autres documents transcrits, dans l’ordre chronologique sur le CD d’accompagnement. En même temps, nous avons établi une typologie dans laquelle nous avons classé toutes les pièces d’argenterie mentionnées dans chacun des inventaires. Cet outil est très utile et surtout très pratique : il permet de voir d’un seul coup d’œil l’évolution de chaque type d’argenterie au fil du temps. Au cours de cette étude, nous avons été confronté à des termes rares, techniques, inhabituels ou tombés en désuétude que nous définissons dans un glossaire. Chaque entrée est suivie d’un bref renvoi indiquant la date et le document dans lequel nous avons rencontré le terme pour la première fois. Grâce aux inventaires, nous avons eu la bonne fortune de pouvoir comprendre, parfois, le sens de certains termes qui ne figurent dans aucun dictionnaire. Par exemple, dans l’inventaire de la duchesse de Berry, nous trouvons la signification du mot « journée » : « Une petite tabatière ronde d’or à filets, appelée journée. » Lorsque, en dépit de tous nos efforts, certains termes n’ont pas livré leur signification, ils figurent néanmoins dans le glossaire, dans l’espoir que d’autres chercheurs feront un jour d’heureuses découvertes enrichissantes. La quatrième partie du livre est constituée des annexes complémentaires, qui comprennent la typologie, le glossaire, une liste récapitulative des orfèvres ayant travaillé pour les Orléans, une chronologie, les arbres généalogiques, les bibliographies et l’index. En raison de l’énormité et de la complexité du sujet, il n’a pas été possible ni même souhaitable de le traiter dans un ordre strictement chronologique ou par une étude purement thématique. Nous avons élaboré un plan horizontal des collections sans négliger, autant que faire se peut, un cheminement chronologique. Finalement, plutôt que de chercher à paraphraser les textes de l’époque, nous avons préféré les reproduire. Bien que ce soit la seule voie d’accès à cette réalité, il faut garder à l’esprit le caractère officiel de certaines publications, comme celle du Mercure galant, qui ont souvent encensé la vie des princes ou qui étaient un instrument de la propagande royale et qu’à ce titre elles peuvent être sujettes à caution.


Limites et lacunes En commençant à travailler sur ce sujet, nous avons eu l’impression de recevoir une boîte à parfiler6 dans laquelle ne restaient que quelques fils, la plupart en laine, quelques-uns en soie, quelques autres en argent et, plus rares encore, en or. Mais nous avons voulu relever le défi et avons tenté, avec les fils restants, de reconstituer une tapisserie qui, nous l’espérons, donne une idée de cette majestueuse tenture que fut la collection d’orfèvrerie, de bijoux et d’objets d’art de Monsieur et de sa famille. L’étude de ce sujet s’affronte à deux difficultés bien connues de tous les chercheurs : la perte des objets eux-mêmes et celle des documents d’archives. Dans le cas particulier du frère du roi, les registres de la Trésorerie de Monsieur ne nous sont pas parvenus. En outre, il faut prendre en compte l’absence d’une quantité non négligeable de feuilles d’archives et de registres de notaires, certains perdus, d’autres volés. En ce qui concerne les gravures publiées dans le Mercure galant, les lacunes sont nombreuses, ces gravures ayant disparu depuis longtemps dans les copies conservées aussi bien dans les bibliothèques parisiennes que dans celles de New York ; en raison de ces manques, beaucoup de patience fut nécessaire pour arriver à réunir les images souhaitées. À ces lacunes s’ajoute le fait qu’il n’existe, pour cette période, aucun registre pour les collections des Orléans équivalant à l’Inventaire général du Mobilier de la Couronne, au Journal du GardeMeuble ou aux Comptes des Bâtiments du roi. De même que de l’époque de Monsieur et du Régent, on ne retrouve aucun document semblable à l’inventaire des porcelaines du Grand Dauphin (1680) ou à cet important registre de Monseigneur, l’inventaire des collections du Grand Dauphin7, tenu de 1689 jusqu’à sa mort en 1711. En matière d’actes notariés, nous avons systématiquement dépouillé tous les registres entre 1660 et 1725 pour essayer de

6. « Parfiler (v. n.) Défaire fil à fil une étoffe ou un galon, soit d’or, soit d’argent, et séparer l’or et l’argent. On parfile aussi des morceaux d’étoffe en soie sans dorure ; c’est séparer les brins de la trame et de la chaîne, et en remplir la boîte à parfiler » (Littré, xixe siècle). 7. Cet inventaire est soigneusement divisé en sept chapitres : « Agates », « Cristaux », « Porcelaines », « Porcelaines données par les Siamois », « Orfèvrerie donnée par les Siamois », « Bronzes » et « Pendules et Bureaux ».

trouver des marchés passés entre des orfèvres et les Orléans. Quoique des dizaines de marchés des ducs et des duchesses d’Orléans aient été répertoriés pendant deux générations, nous n’avons pas trouvé un seul contrat passé avec un orfèvre. Nous reviendrons sur cette question dans l’Annexe III qui énumère la liste des orfèvres ayant travaillé pour les Orléans. Les registres des orfèvres parisiens de cette époque n’existent plus, ce qui nous a encore compliqué la tâche et nous a empêché de retrouver les commandes qu’ils avaient reçues. Qui plus est, certains ouvrages imprimés aux titres prometteurs, comme l’Explication historique de ce qu’ il y a de plus remarquable dans la maison […] de Monsieur à Saint Cloud, publiée à l’apogée de la gloire de Saint-Cloud, en 16818, n’évoquent que les jardins et les peintures, sans un mot pour l’argenterie qui décorait le château9. On éprouve la même frustration en ce qui concerne les comptes du Régent. La comptabilité de la maison d’Orléans a presque entièrement disparu dès avant 178710 et nous sommes donc privé des livres de comptes qui n’auraient pas manqué de répertorier les dépenses concernant les achats d’argenterie. Dernière difficulté enfin : Monsieur n’aimait ni lire ni écrire. Sa deuxième femme, la princesse Palatine, a peut-être exagéré quand elle dit qu’il n’en était pas capable mais il est vrai qu’il n’a laissé pratiquement aucune correspondance. Cependant, une de ses rares lettres autographes, écrite à la Palatine en 1676, n’est pas sans intérêt car elle nous apprend comment la cour, venue chasser à Chambord, passait son temps entre jeux, spectacles et concerts. La fin de la lettre atteste que Monsieur admettait très bien qu’il était – et serait toujours – exclu de toute participation aux affaires du Royaume : « pour les affaires d’État l’on n’en parle point, et quand il y en aurait je ne m’en mêlerais pas, comme vous savez11 ». Le temps que Monsieur ne passa pas à s’occuper des affaires de l’État, il put le consacrer à ses collections, et c’est précisément ce que nous allons découvrir maintenant.

8. Combes, 1681. 9. Même déception concernant La promenade de Saint-Cloud (1669) de Gabriel Guéret : « Après avoir visité les appartemens et considéré à notre aise ce qu’ils renfermoient de rare, nous descendîmes dans le jardin... ». 10. Voir à ce sujet, par exemple, Pradère, 2003, p. 32-42. 11. Lettre du 23 septembre 1676, BnF, ms., Fichier Charavay 138, Orléans, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 185.

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Première partie

Monsieur, frère unique de Louis XIV

Fig. 3  Attribué à Robert Nanteuil (vers 1623-1678), Portrait de Monsieur, frère unique du roi, vers 1665, pastel sur papier gris, 49 × 38 cm, abbaye royale de Chaalis, musée Jacquemart-André, inv. S1393. De tous les portraits de Monsieur, celui-ci est l’un, nous semble-t-il, des plus ressemblants et pénétrants.



Chapitre Ier

Le G oût de Monsieur

« Les mœurs particulières de Monsieur, Philippe, duc d’Anjou puis d’Orléans (1640-1701), l’ont livré en pâture à la petite histoire plus qu’à la grande12 . » C’est ainsi que l’Histoire a traité le frère unique de Louis XIV depuis trois cents ans (fig. 4). Il nous a paru opportun d’essayer de définir, au-delà des jugements, ce que fut son goût très sûr et le rôle important qu’il joua dans l’histoire des arts décoratifs par sa passion pour ses collections, son extrême sensibilité et son insatiable besoin de s’entourer d’objets de toute première qualité. Si la question des mœurs à la cour de France au xviie siècle n’entre pas dans le cadre de cet ouvrage, on se devait d’évoquer l’homosexualité de Monsieur qui a pu être considérée comme l’un des éléments déterminants de sa personnalité. Maints mémorialistes confirment que l’homosexualité était chose courante à cette époque, surtout parmi les grands. La princesse Palatine, seconde femme de Monsieur et fine observatrice de la société qui l’entourait, dissertait souvent sur ce sujet : « Tous les héros étaient ainsi : Hercule, Thésée, Alexandre, César13. Ceux qui ont ce goût-là […] le considèrent comme un simple divertissement. Ils s’en cachent tant qu’ils peuvent pour ne pas scandaliser le vulgaire, mais ils en parlent ouvertement entre gens de qualité14. » Bien que Louis XIV n’eût aucun goût pour les mœurs dites « italiennes », l’ambiguïté faisait partie intégrante non seulement de sa cour mais aussi de sa proche famille : sans remonter jusqu’à Henri III, on peut citer son oncle (César de Vendôme15), son cousin (le Grand Condé16), son frère (Philippe) et son fils (Vermandois17). Mais en fin de compte,

12. Schnapper, 1994, p. 347. 13. Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, lettre du 13 décembre 1701, 1985, p. 211. 14. Ibid., citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 180. 15. César de Vendôme (1594-1665), fils naturel d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, demi-frère de Louis XIII. 16. Louis II de Bourbon-Condé (1621-1686). 17. Louis, comte de Vermandois (1667-1683), fils légitimé de Louis XIV et de Louise de La Vallière.

Fig. 5  Attribué à Charles Beaubrun (1604-1692), Portrait de Louis XIV et du duc d’Anjou, enfants, Sotheby’s Londres. Masculin / féminin : les caractères différents des deux princes sont déjà bien établis dans ce portrait d’enfance.

Fig. 4  Claude Lefebvre (1632-1675), Portrait du duc d’Orléans, Bordeaux, inv. BXE339 BXN 7.067.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 6  Pierre Paul Sevin (1646-1710), Passage aux hommes du Dauphin Louis, fils de Louis XIV, 1668, encre, 12,2 × 15,7 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 8990. Monsieur figure à droite du roi dans cette représentation du passage aux hommes de son neveu.

la qualification d’« homosexuel » s’applique mal aux gens de cette époque18 et surtout à Monsieur si l’on considère qu’au cours de son mariage avec Henriette d’Angleterre, il y eut huit grossesses en neuf ans et qu’il eut encore, par la suite, trois enfants avec la Palatine.

pierreries pour prêter et donner à celles qui étoient assez heureuses pour être ses favorites19. »

Dans ses Mémoires, Mme de Motteville brosse ce portrait du duc d’Anjou : « Ce prince eut de l’esprit aussitôt qu’il sut parler. La netteté de ses pensées étoit accompagnée de deux belles inclinations qui commençaient à paroître en lui, et qui sont nécessaires aux personnes de sa naissance, la libéralité et l’humanité. Il seroit à souhaiter qu’on eût travaillé à ôter les vains amusemens qu’on lui a soufferts dans sa jeunesse. Il aimait à être avec des femmes et des filles, à les habiller et à les coiffer : il savoit ce qui seyoit à l’ajustement, mieux que les femmes les plus curieuses : et sa plus grande joie, étant devenu plus grand, étoit de les parer, et d’acheter des

À l’époque, tous les petits princes portaient des jupes pendant leurs premières années (fig. 5) avant de « passer aux hommes » à l’âge de sept ans (fig. 6). Mais l’un des compagnons de jeux de Monsieur, le fameux abbé de Choisy, garda toute sa vie l’habitude de se travestir. Il raconte ses souvenirs de jeunesse, et notamment comment il servait son jeune ami à table : « On m’habilloit en fille toutes les fois que le petit Monsieur20 venoit au logis et il y venoit au moins deux ou trois fois la semaine. J’avois les oreilles percées, des diamans, des mouches, et toutes les autres petites afféteries auxquelles on s’accoutume fort aisément, et dont on se défait fort difficilement. Monsieur, qui aimoit aussi tout cela, me faisoit toujours cent amitiés. Dès qu’il arrivoit, suivi des nièces du cardinal Mazarin

18. Le terme n’existait pas au xviie siècle et, comme l’a constaté Jos van Ussel, « nous ferions un anachronisme si nous voulions appliquer notre terminologie psychologique ou psychanalytique actuelle à cette époque-là » (Van Ussel, 1972, p. 31, cité dans Godard, 2002, p. 138).

19. Motteville, 1891, t. Ier, p. 363. 20. Quand Philippe était garçon, on l’appelait souvent « le petit Monsieur » pour marquer la différence entre lui et son oncle, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, « le grand Monsieur ».

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Le goût de Monsieur

et de quelques filles de la Reine, on le mettoit à sa toilette, on le coiffoit. Il avoit un corps pour conserver sa taille. (Ce corps étoit en broderie) : on lui ôtoit son justaucorps, pour lui mettre des manteaux de femmes et des jupes ; et tout cela se faisoit, dit-on, par l’ordre du cardinal, qui vouloit le rendre efféminé, de peur qu’il ne fît de la peine au Roi, comme Gaston avoit fait à Louis XIII. Mais la nature a été la plus forte en lui : quand il a fallu se battre, il s’est montré du sang de France, et a gagné des batailles ; je l’ai vu pendant des campagnes entières quinze heures à cheval, en suivant les ordres du Roi, exposant toute sa beauté à un soleil qui ne l’épargnoit pas. Quand Monsieur étoit habillé et paré, on jouoit à la petite prime (c’étoit le jeu à la mode), et sur les sept heures on apportoit la collation ; mais il ne paroissoit pas de valets ; j’allois à la porte de la chambre quérir les plats, et les mettois sur des guéridons autour de la table ; je donnois à boire, dont j’étois assez payé par quelques baisers au front, dont ces dames m’honoroient21. » Monsieur n’écrivit que très peu de lettres, souvent de simples lettres de politesse. La première connue, rédigée vers 1652 (il avait alors douze ans), est adressée au cardinal Mazarin. On perçoit dès cet âge ses goûts pour la décoration mais aussi pour les bijoux, comme l’a constaté Mme de Motteville : « J’ai hâte de vous revoir ; je vous prie de revenir bientôt ici ; vous serez fort bien logé, car j’ai vu votre logement. Pour moi, j’ai un appartement qu’il n’y a rien de si beau, entre autre une petite chambre que ma cousine [Mlle de Montpensier] m’a fait bâtir, qui est la plus jolie du monde. J’ai acheté un lit couleur de feu en broderie d’or et d’argent, et un chapelet d’émeraudes que la reine d’Angleterre [Henriette-Marie] m’a vendu ; il m’a coûté trois cents pistoles ; c’est grand marché22 . » En 1655, le père Révérend, un des aumôniers de Philippe, publie un petit ouvrage intitulé Les Dits notables de Monsieur Philippe de France, duc d’Anjou, frère unique du Roy. Les anecdotes qu’il contient se rapportent à des événements qui eurent lieu avant l’âge de treize ou quatorze ans (fig. 7). Cet ouvrage moralisateur vantait les qualités du prince et ce qu’elles laissaient présager. Deux histoires, probablement vraies, nous éclairent sur des traits de caractère emblématiques de sa personnalité. Le jeune duc d’Anjou était entouré de belles choses de qualité royale, mais, dans ce cas précis, il est impossible de connaître le type exact d’objet dont il s’agissait : « La Reyne estant un jour au miroir ce Prince entra dans sa chambre, & comme il avoit à la main un petit cercueil d’or où l’on voyoit un squellette de mesme matiere, en luy monstrant ce bigeou : Il luy dit, Madame, voila un beau miroir pour les grands du monde, dont la glace ne flatte jamais23. » Nous verrons que Monsieur avait beaucoup de défauts, mais la compassion était l’une de ses vraies qualités, comme le laisse entendre la seconde anecdote. Ce qui suit est, en effet, l’histoire

21. Abbé de Choisy, cité dans La Batut, 1927, p. 27. 22. Philippe d’Orléans, BnF, ms. Baluze, Papiers des armoires, 328, fo 157, cité dans Clément, 1867, p. 505. 23. Révérend, 1655, p. 44, no XXII.

Fig. 7  Attribuée à Jean (I) Petitot (1607-1691), Portrait de Philippe d’Orléans, vers 1665, miniature en émaux peints, monture en émaux opaques blancs et noirs sur or, dans le style de Gilles Légaré, Paris, musée du Louvre, inv. RF 30926.

de Jean Valjean et de l’évêque de Digne deux siècles avant la lettre : « Un Seigneur s’oposant de parole à la grace que ce Prince vouloit obtenir de la Reine Regente, en faveur d’un miserable qui avoit volé des flãbeau d’argent dans la Chãbre de sa Majesté24. Il [Philippe] luy témoigna aussi-tost son ressentiment, & luy dit tout enflammé de l’ardeur de son zele, que ce voleur estoit moins coupable que luy, parce que la necessité sans doute l’avoit contraint à commettre ce crime, & que si Dieu l’eust puny la premiere fois qu’il eut offensé, il ne seroit pas en estat de s’opposer à la grace qu’il demandoit à sa Majesté pour ce criminel à qui il sauva la vie25. » Son éducation de prince ne fut pas négligée et il reçut des leçons de littérature, de latin, de calcul, de sciences, de maintien, d’équitation et d’escrime. Il n’était guère passionné par la lecture mais adorait la comédie et s’intéressait beaucoup à l’héraldique26. Grâce

24. Les vols dans les maisons de la famille royale étaient un problème continuel et ne se limitaient pas à l’argenterie domestique. Dans l’Inventaire général du Mobilier de la Couronne, nous trouvons cette note en marge d’un item décrivant deux petites nefs à encens : « Nota : qu’il manque une cuillère et la chaisne d’une navette qui ont esté vollées sur l’affirmation du s. Le Bel » (Guiffrey, 1885-1886, t. Ier, p. 19, no 91). En revanche, on trouve dans le Journal du Garde-Meuble l’entrée suivante : « Il m’a été raporté par un ecclésiastique de la paroisse de St Germain l’Auxerrois, un sac de cuir, dans lequel il y avoit plusieurs morceaux et feuillages d’argent, provenants de diverses pièces du chapitre de la grande argenterie, pesans ensemble sept marcs deux onces sept gros ; lesquels morceaux cet ecclésiastique m’a dit luy avoir été mis es mains pour me les remettre par forme de restitution » (AN, O1 3309, fo 225 vo, 22 mars 1717). 25. Révérend, 1655, p. 65-66, no XXXVI. 26. Bouyer, 2003, p. 58.

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Chapitre II

Le F onctionnement de la maison des Orléans L’administration des biens de Monsieur et des Orléans Ce n’est qu’en 1693, après la mort de la Grande Mademoiselle, que Monsieur acquit une certaine indépendance financière visà-vis de son frère. Cette grande fortune provenait de la mère de la Grande Mademoiselle, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, première femme de Gaston d’Orléans. En 1681, le roi se livra à une extorsion : en échange de la libération de l’amant de Mlle de Montpensier, Lauzun, qui avait été incarcéré pendant dix longues années dans la forteresse de Pignerol, il reçut de celle-ci un tiers environ des avoirs de la Grande Mademoiselle, qui fut donné au duc du Maine, fils naturel du roi, alors âgé de onze ans. Ces biens incluaient la principauté des Dombes et le comté d’Eu. Mais, après son décès, ce qui restait de sa fortune assurait à Monsieur un revenu annuel de quelque 140 000 livres – 60 000 sous forme de rentes et 80 000 en revenus de domaines et seigneuries. Pourtant, tous ces chiffres doivent être relativisés. La Grande Mademoiselle avait raison lorsqu’elle disait que son père avait laissé beaucoup de dettes et bien peu de chose pour les payer. De la même manière, au décès de Monsieur, en 1701, les dettes de sa succession s’élevaient à 2 193 023 livres et nécessitèrent une dépense annuelle de plus de 100 000 livres pour tenter de les apurer. En tant que fils de France, Monsieur recevait du Trésor royal chaque année plus de un million de livres, mais aucun registre de comptes n’a été retrouvé dans les archives de la famille. Il est donc impossible de savoir comment Monsieur dépensait son argent, ni au jour le jour ni, au moins, année par année. Nous n’avons aucun moyen d’estimer ses dépenses pour l’acquisition des bijoux et des objets en métal précieux. Ses pertes au jeu et les cadeaux qu’il faisait à ses favoris ne peuvent pas être évalués non plus.

Le personnel de sa maison augmenta de façon régulière pour passer approximativement de 850 personnes en 1672 à 1 226 en 1698106 (voir plus loin). Monsieur se trouvait constamment à court d’argent en raison des salaires et de l’entretien du domaine de Saint-Cloud (fig. 18). En général, le roi assurait le paiement de ces salariés, encore que ce ne fût pas une règle absolue. Monsieur, qui était souvent égocentrique et seulement préoccupé de son plaisir, semblait peu touché par la détresse des pauvres. Pourtant, comme nous le verrons plus loin, il y eut quelques exceptions : durant la famine de 1693-1694, on le vit dans son carrosse, sur la route de Paris à Calais, tenant un sac de pièces entre ses genoux, jeter des poignées de monnaie à la foule des paysans107 et, vers 1699, il fonda l’hôpital de la Charité à Villers-Cotterêts pour y recevoir les malades pauvres108. Après le décès de Gaston d’Orléans à Blois le 2 février 1660109, Philippe, alors duc d’Anjou, hérita du titre de Monsieur et, en tant que frère cadet du roi, bénéficia de l’apanage jusque-là versé à son oncle. Après lui, ce titre ne devait plus être utilisé sous l’Ancien Régime qu’en 1774 par le comte de Provence, frère du nouveau roi Louis XVI110. À l’époque du décès de Gaston, les biens de celui-ci étaient mal gérés et, par manque de surveillance, ne rapportaient que fort peu par rapport à leur vraie valeur, c’est-à-dire l’équivalent d’environ quinze pour cent des revenus annuels de Monsieur. On imagine le plus souvent Philippe comme superficiel et peu préoccupé de finance ou d’administration, « le plus incapable par nature

106. « Estat général de la maison de Monsieur, duc d’Orléans », État de la France, 1682, t. Ier, p. 409-456, 498-564 ; ibid., 1698, t. II, p. 65-132, cité dans Barker, 1989, p. 180. 107. Vatout, cité dans Barker, 1989, p. 181. 108. Melleville, 1854, p. 458-459, cité dans Riboulleau, 1991, p. 117. 109. Apanages confirmés par les édits de mars 1661 et d’avril 1672. 110. Ce titre fut utilisé pour la dernière fois par le comte d’Artois quand son frère, le comte de Provence, devint roi sous le nom de Louis XVIII.

Fig. 18  Nicolas de Fer (1646-1720), détail du Plan de la belle et manifique [sic] maison de Monsieur à St Cloud, 1705, RMN-Grand Palais (château de Versailles), recueildegravuresGrosseuvre54. Ce détail de plan ne montre qu’une partie localisée de ce que fut le vaste domaine de Saint-Cloud à l’ époque de Monsieur.

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Le fonctionnement de la maison des Orléans

laissa à son fils, nécessitées par ces investissements, sont bien peu de chose comparées aux énormes revenus que ses investissements astucieux allaient assurer à ses descendants aux siècles suivants.

Les maisons de Monsieur et de Madame Avec les immenses ressources dont bénéficiait Monsieur, particulièrement après l’héritage de la Grande Mademoiselle en 1693 (chap. X), on peut se demander comment il se trouvait continuellement à court d’argent. Bien qu’il fût parfaitement exact qu’il aimait le jeu et qu’il donnait des cadeaux de grand prix à ses favoris, cela ne peut expliquer ses problèmes financiers continuels. Il faut plutôt s’intéresser au train des deux maisons d’Orléans, qui représentent la source principale des dépenses sur sa cassette. Monsieur n’aimait pas la chasse, par exemple, mais nous reproduisons en note la liste impressionnante des services de la vénerie liés à sa maison121. Les gages annuels de l’ensemble de tous ses serviteurs s’élevaient à plus de 800 000 livres, dont au moins une partie était payée par le Trésor royal. Pour donner une idée du large éventail des salaires, les valets des pages ou filles de chambre touchaient 30 à 150 livres par an, tandis que la dame d’honneur de Madame percevait 8 000 livres122 . Le montant des gages annuels de la maison de la duchesse d’Orléans dépassait à lui seul 250 000 livres123. Il faut aussi rappeler que lorsque le roi invitait Monsieur dans l’une de ses résidences, il l’hébergeait ainsi que sa famille et ses gens, mais que son entretien et celui de sa suite restaient à la charge de Monsieur124. En 1663, l’État général de la maison de Monsieur125 totalisait presque 500 serviteurs, sans compter ceux d’Henriette. Six ans plus tard, en 1669, la maison de Monsieur comprenait plus 121. Les services de la vénerie de Monsieur comprenaient : 1 premier veneur pour le cerf, 4 lieutenants, 3 gentilshommes ordinaires, 4 autres gentilshommes, 4 piqueurs ordinaires, 1 valet de chiens à cheval, 4 grands valets de chiens ordinaires, 2 petits valets de chiens courants, 3 valets de limiers ordinaires, 4 fourriers, 1 chirurgien ordinaire, 3 palefreniers ordinaires, 1 maréchalferrant, 1 premier veneur pour le chevreuil, 2 lieutenants, 3 piqueurs ordinaires, 1 valet de chiens ordinaire à cheval, 4 grands valets de chiens ordinaires, 2 petits valets de chiens couchants, 3 valets de limiers, 1 palefrenier ordinaire, 1 maréchal-ferrant, 1 premier veneur pour le renard, 1 premier veneur pour le loup, 1 lieutenant, 1 piqueur, 2 valets de chiens, 3 valets de chiens pour mener les laisses des lévriers, 2 valets de limiers, 1 capitaine des toiles, 1 lieutenant, 1 valet de chiens, 1 chef de la meute pour les lièvres, 1 capitaine des levrettes, 3 valets de levrettes, 1 premier fauconnier, 1 maître fauconnier pour la corneille, 5 piqueurs, 1 porte-duc, 1 chirurgien de la fauconnerie, 1 maître fauconnier pour la pie, 2 piqueurs, 1 chef des oiseaux pour le vol des champs, 1 maître fauconnier, 1 piqueur et 1 chef des oiseaux du cabinet. 122. Champier et Sandoz, 1900, t. Ier, p. 158. 123. D’Espezel, 1936, p. 70. 124. La Batut, 1927, p. 104. 125. État de la France, Paris, 1663, t. Ier, p. 355-371.

de 1 000 personnes et celle de Madame plus de 200. L’État de la France, publié annuellement, permet d’établir des listes, véritable catalogue de ce que comprenaient les deux maisons (CD‑5)126. En même temps, il nous aide à comprendre l’énorme et dispendieuse organisation que représentait la maison d’un frère du roi. Le chapitre consacré à Monsieur dans l’État de la France fournit des renseignements précieux, car « l’on voit le nom & les gages de tous ses Officiers ». L’État décrit, avec autant de précision, le train de maison de Madame. Bien que les chapitres en rapport avec la maison de Monsieur ne donnent que peu de détails sur chaque fonction, celles-ci sont clairement explicitées dans le chapitre précédent, consacré à la maison du roi. L’organisation de la maison de Monsieur était calquée sur celle du roi ; on peut donc extrapoler et en conclure que ce qui est valable pour le roi l’est pour Monsieur. L’État de la France de 1663 le confirme : « Tous les Officiers qui composent généralement la maison de Monsieur le Duc d’Orléans, joüissent de tels & semblables priviléges, fonctions, & prérogatives, que ceux des Maisons du Roy & des Reines127. » À ces informations s’ajoutent celles des registres de la Cour des Aides128, présentant nombre de lacunes, qui « devait approuver les États de la maison du roi [et du duc d’Orléans et des autres princes] et les traitements qui y figuraient ; en conséquence on lui remettait copie de l’État de chaque année129 ». Le nombre considérable de personnel dans les maisons de Monsieur et de Madame explique la ponction principale sur ses revenus. Examinons maintenant comment la collection fut formée et comment elle fut enrichie.

126. Ibid., diverses années, auteurs et éditeurs, 1663-1722. 127. Ibid., 1663, t. Ier, p. 371. 128. Malheureusement, les registres de la Cour des Aides sont incomplets : en ce qui concerne le roi, il nous manque cent soixante états sur les deux cent cinquante environ que nous devrions posséder de 1532 jusqu’au début de la Révolution ; ceux des ducs et duchesses d’Orléans sont d’autant plus lacunaires ; en ce qui concerne Philippe Ier d’Orléans, nous n’avons que le registre de l’année 1647 (très incomplet et qui ne nous fournit rien) ; celui de 1652 (qui ne nous fournit rien), celui de 1655 (qui ne nous donne que le nom de son garde du cabinet des raretés, François Belocq), et ceux de 1660, 1661, 1663 et 1664 ; en ce qui concerne Philippe II d’Orléans, nous n’avons que celui de 1709. 129. Guiffrey, 1872-2, p. 55-108.

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Fig. 19  École de Pierre Mignard (1612-1695), Philippe de France, duc d’Orléans, près du portrait de sa fille aînée, Marie-Louise d’Orléans, vers 1670, huile sur toile, 150 × 178 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 2161.

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Chapitre III

La F ormation de la collection Monsieur et la succession d’Anne d’Autriche Le 3 août 1665, un an avant sa mort, Anne d’Autriche écrivit son testament (CD‑7). À l’exception des reliques et reliquaires qui se trouvaient dans son oratoire au Louvre et qu’elle offrit presque intégralement à l’abbaye du Val-de-Grâce130, tous ces legs étaient monétaires ; les bénéficiaires en furent les proches parents et quelques familiers de la reine. La part la plus importante, une somme exorbitante de un million de livres, fut attribuée à sa petitefille, Marie-Louise d’Orléans (fig. 19), future reine d’Espagne (fille de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre) et non à AnneMarie-Louise d’Orléans, la Grande Mademoiselle (fille de Gaston d’Orléans), comme l’a publié Jean Cordey131. La reine nomma quatre exécuteurs testamentaires : Colbert, conseiller et contrôleur général des Finances ; d’Argouges, premier président du parlement de Bretagne ; Tubeuf, président de la Chambre des comptes à Paris ; et Le Tellier, secrétaire d’État. Après sa mort, le 20 janvier 1666, ces exécuteurs procédèrent à la nomination des experts pour établir l’inventaire et priser les objets de la feue reine. Jean Pittan132 et Claude (I) Ballin133 furent désignés pour l’argenterie, l’orfèvrerie et les pierreries134. Monsieur était très proche de sa mère, on les voit ensemble dans un détail de tapisserie lors du mariage du roi qui avait eu lieu cinq ans plus tôt (fig. 20). L’une des qualités de Monsieur était de prendre soin des gens qu’il aimait quand ils étaient malades. La dévotion qu’il manifesta pour sa mère mourante frappa son entourage. Il ne s’éloigna que rarement de son chevet, mais, quand elle rendit le dernier soupir, il partit aussitôt pour Saint-Cloud : « Le Roi envoya après lui pour lui dire de venir entendre lire le testament de la Reine leur mère, et prendre une clef de ses pierreries.

130. AN, L 1037 (Guiffrey, 1872-3, p. 261-274). 131. Cordey, 1930, p. 210. 132. Jean Pittan (ou Pitan), orfèvre du roi, maître en 1637, mort en 1676. En 1670, le fils de Jean Pittan, Nicolas, reçut 239 371 livres pour l’or destiné au buffet d’or de Louis XIV (Nocq, 19261931, t. III, p. 340). 133. Claude (I) Ballin devait contribuer par la suite à la création de nombreuses merveilles à Versailles pour Louis XIV. Il fut maître orfèvre en 1637, garde en 1655 et 1666, grand garde en 1667, consul en 1672, orfèvre ordinaire du roi en 1677. 134. Cordey, 1930, p. 210.

Monsieur lui manda qu’il le supplioit de l’excuser : qu’il fît tout ce qu’il lui plairoit ; que ce qu’il ordonneroit seroit toujours bien fait et lui seroit agréable, et s’en alla entièrement occupé de sa douleur135. » Sa peine était vraiment profonde et cela semble être la seule fois où Monsieur laissa passer son émotion avant son intérêt. L’ensemble des possessions d’Anne d’Autriche était évalué à 1 779 379 livres136. Les notaires déduisirent de cette somme les objets qui furent légués par la reine ou offerts par les deux frères à d’autres personnes. Le reste fut partagé entre le roi et Monsieur. À la lumière de l’inventaire général des biens de la feue reine et grâce à la liste qui recense les joyaux et les objets en métal précieux que reçut Monsieur (CD‑8), examinons le détail de ce partage. De la collection des filigranes de la reine, Philippe n’eut qu’une « monstre, le crochet et la chaisne de filigrane, garnie de diamants » (no 160), et « une croix de filigrane toutte garnie de diamants jaunes » (no 168). À ces deux exceptions près, la totalité des filigranes revint au roi, qui nourrissait une véritable passion pour ces objets fragiles et avait déjà transformé le « grand cabinet » du château de Versailles en « cabinet des Filigranes » l’année précédente137. Dès le 30 mars 1666, les cinquante-quatre pièces en filigrane d’or ou d’argent, dont certaines étaient sans doute d’origine espagnole, vinrent enrichir la collection conservée au cabinet des Filigranes. Toute la vaisselle d’or, de « vermeil doré usé », et toute la vaisselle d’argent138 revinrent en totalité au roi. Cependant, Philippe fut loin d’être oublié, car il reçut les chenets – objets royaux par excellence – de sa mère. Colbert jalousait fort le train de vie de Fouquet et, au moment de l’arrestation du surintendant en 1661, il osa écrire que le roi « n’avait même pas une paire de chenets d’argent pour sa chambre139 ». Mais l’inventaire d’Anne d’Autriche,

135. Motteville, 1891, t. IV, p. 446. 136. Cordey, 1930, p. 211. 137. Saule, 1992-2, p. 143. 138. Ces objets furent conservés dans la demeure du sieur de Bartillat, trésorier général de la reine. 139. Colbert, 1861-1873, t. II, 1re partie, p. 66, article 7 : « Les bastimens, les meubles, argenterie et autres ornemens n’estoient que pour les gens de finances et les traitans, en quoy ils faisoient des dépenses prodigieuses, tandis que les bastimens de Sa Majesté estoient bien souvent retenus par le défaut d’argent, que les maisons royales n’estoient pas meublées, et qu’il ne se trouvoit pas mesme une paire de chenets d’argent pour la chambre du Roy. » Ironiquement, à la mort de Colbert en 1683, l’inventaire de ses biens montre qu’il possédait aussi deux paires de chenets d’argent (Buckland, 1989, p. 333).

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

un gros diamant connu sous le nom de « Rose d’Angleterre » et un anneau de rubis143. On ne trouve aucun diamant ainsi nommé dans le testament de la reine mère, mais il faut toutefois signaler l’importante croix dont Monsieur hérita (no 224) : elle était sertie, entre autres, d’un « grand diamant » et sa valeur s’élevait à 130 000 livres. On ne peut donc exclure un enrichissement de la collection de pierreries de Monsieur provenant de Mazarin par voie d’héritage maternel. Nous verrons plus loin que, par le même codicille, Mazarin avait légué à Monsieur trente et une émeraudes. Dans la succession d’Anne d’Autriche, Monsieur hérita d’une autre grande croix composée de six « forts diamants » qui fut prisée, à elle seule, 250 000 livres (no 226), alors que la totalité de l’argenterie profane de la reine ne représentait qu’une fraction de cette somme, à peine 66 650 livres. Un tableau anonyme de l’époque montre la reine tenant une telle croix faite de six grands diamants (fig. 21).

Fig. 20  Philippe d’Orléans et sa mère, Anne d’Autriche, détail de la tapisserie « Le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660 » de l’Histoire du Roy, atelier de Jean-Baptiste Mozin d’après le carton de Saint-André, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, GMTT 98.4.

qui fait apparaître une importante quantité et une grande variété d’objets à usage courant, ne mentionne pas moins de cinq paires de chenets en argent140. Les chenets qui figurent sous les numéros 72, 73, 74, estimés ensemble 15 200 livres, vinrent enrichir le patrimoine de Monsieur, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, tandis que les deux autres paires furent données par le roi et Monsieur à la marquise de Senecey141. Dans les inventaires royaux, les joyaux et les pierreries représentent habituellement à eux seuls une somme beaucoup plus importante que les objets d’or et d’argent. Là encore, Monsieur fut largement favorisé. Selon le Mercure galant, il hérita de toutes les pierreries « de la feuë Reine Mere, le Roy ne s’estant reservé que les Perles142 ». On peut se demander si c’est parce que son amour des bijoux était notoire ou parce que Louis XIV disposait déjà des bijoux de la Couronne et de sa cassette personnelle qui comptait, entre autres, les dix-sept mazarins légués par le cardinal en 1661. Dans un second codicille, Mazarin avait légué à Anne d’Autriche

140. Cordey, 1930, p. 209-275. 141. Marie-Catherine de La Rochefoucauld, marquise de Senecey (ou Seneçay), dame d’honneur d’Anne d’Autriche et gouvernante de Louis XIV. 142. Mercure galant, décembre 1686, 2e partie, p. 6.

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Outre les bijoux, la balustrade de la chambre de la Reine (n° 67) constitue l’objet le plus spectaculaire dont hérita Monsieur ; elle fut prisée plus de 30 500 livres, c’est-à-dire presque la moitié de la valeur globale de tous les objets d’orfèvrerie qui lui furent attribués et, de ce fait, l’objet le plus cher qu’il reçut. Elle se composait de vingt-deux balustres, chacun d’eux étant surmonté d’un vase, sans oublier les sept pilastres avec leurs soubassements et entablements. À titre d’illustration, nous reproduisons la planche de l’Almanach de 1684 qui montre les derniers instants de la reine Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, alitée dans sa ruelle entourée d’une autre balustrade, peut-être celle en argent livrée en 1681144 (fig. 22). L’ensemble des éléments de la balustrade de Monsieur pesait environ 900 marcs, soit 220 kilos. Si nous estimons que le poids d’un tiers de la balustrade se composait de vases, pilastres, soubassements et entablements, il nous reste environ 145 kilos pour les balustres, donc moins de 7 kilos chacun. Un tel poids, relativement léger, laisse supposer que les balustres n’étaient pas pleins145. Mme de Motteville raconte que, pendant les derniers instants de la reine mère, le prince de Condé se tenait contre cette balustrade, tandis que Louis et sa jeune épouse étaient « appuyés contre la table d’argent qui était dans ce lieu146 ». Cette table, « faicte en Espagne », pesant 156 marcs (environ 38 kilos), fut pareillement inventoriée et donnée à Monsieur (no 68). Les « deux grands Maures » (no 69), qui pesaient ensemble 378 marcs (environ 92 kg) et étaient estimés à plus de 14 364 livres147, ne furent pas attribués à Philippe, mais leur existence, en 1666, mérite d’être citée, car de tels objets, tout comme la balustrade et la table d’argent de Monsieur, montrent clairement qu’un mobilier d’argent a bien existé avant même le programme d’ameublement

143. P. Michel, 1999, p. 312. 144. La balustrade de la reine Marie-Thérèse, livrée en 1681, comprenait 32 balustres, 11 pilastres, et pesait 3 109 marcs (environ 760 kilos) (AN, O1 3305, fo 87 vo, 21 décembre 1681. 145. Nous remercions le docteur Michel Venturini d’avoir attiré notre attention sur cette question du poids de la balustrade. 146. Motteville, 1891, t. IV, p. 439. 147. On les retrouve dans l’Inventaire général du mobilier de la Couronne : « Deux guéridons à figures de Maures, d’argent vernis de noir, cizeléz sur le pied des armes de feue la Reyne mère », cité dans Havard, 1887-1890, t. II, col. 1108.



Chapitre IV

La première M adame Henriette d’Angleterre Elle n’avoit pu être Reine ; et, pour réparer ce chagrin, elle vouloit régner dans le cœur des honnêtes gens, et trouver de la gloire dans le monde par des charmes et par la beauté de son esprit. On voyoit déjà en elle beaucoup de lumière et de raison ; et au travers de sa jeunesse, qui jusques alors l’avoit comme cachée au public, il étoit aisé de juger que, lorsqu’elle se verroit sur le grand théâtre de la cour de France, elle y feroit un des principaux rôles227. Madame de Motteville

Henriette-Anne Stuart (fig. 29) est née le 16 juin 1644 à Exeter, au plus fort de la guerre civile opposant son père, Charles Ier d’Angleterre, aux parlementaires anglais d’abord, puis à Cromwell ensuite. Fille d’Henriette-Marie de France, elle était donc la petitefille de Henri IV, la nièce de Louis XIII et la cousine germaine de Louis XIV et de son futur époux, Philippe d’Orléans. Stuart par son père et Bourbon par sa mère, la petite princesse était doublement de sang royal. En raison des conflits politiques, l’enfant fut confiée à lady Morton228. Toutes deux furent transférées de force près de Londres, mais lady Morton refusa de livrer l’enfant au Parlement. Craignant pour la vie de la petite princesse dont elle avait la responsabilité, elle s’échappa durant l’été 1646 pour rejoindre la reine Henriette-Marie et les autres réfugiés anglais à la cour de Louis XIV. En France, la reine Henriette-Marie se vit accorder une pension d’environ quatre cent mille livres par an, le Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye comme résidence de campagne et un appartement au Louvre. Mais, en réalité, elle y vivait très frugalement, ayant à peine de quoi se chauffer, car la reine d’Angleterre envoyait l’essentiel de sa pension à son époux. La vie d’Henriette-Marie fut donc loin d’être facile et, pour assurer sa subsistance et celle de sa fille, elle se vit obligée de vendre bijoux et argenterie229, tel le chapelet d’émeraudes que Monsieur lui avait acheté en 1652230.

227. Motteville, 1891, t. IV, p. 256. 228. Anne Wortley, fille de sir Richard Wortley (du Yorkshire). 229. Duchêne, 1995, p. 29. 230. Montpensier, 2005, p. 261.

La princesse fut élevée au couvent de Chaillot par les sœurs de la Visitation. Le mariage, évidemment décidé par Louis XIV, avait un intérêt diplomatique, car il renforçait les liens entre la France et l’Angleterre, entre la maison des Bourbons et celle des Stuarts récemment remontés sur le trône. Le mariage fut célébré sans cérémonie au Palais-Royal le 31 mars 1661. Henriette était extrêmement maigre et le roi aurait même dit à Philippe : « Mon frère, vous allez épouser tous les os des saints innocents231. » Selon certains, elle était bossue, mais, comme l’explique la Grande Mademoiselle, « la reine d’Angleterre [sa mère] avait un tel soin de son habillement que l’on ne s’en est aperçu qu’après qu’elle a été mariée232 ». Pepys, qui vit la jeune Henriette en 1660, l’année avant son mariage, nous a laissé ce témoignage : « The Princess Henriettee is very pretty, but much below my expectation – and her dressing of herself with her haire frized short up to her eares did not make her seem so much the less to me 233 » (« La princesse Henriette [alors âgée de seize ans] est très jolie, mais beaucoup moins que ce à quoi je m’attendais– et la manière dont elle est coiffée, avec ses cheveux tout frisés très courts et près des oreilles, n’a guère diminué cette impression à mes yeux »). Nous voyons cette coiffure, avec ses « anglaises » « frized short up to her eares », ainsi qu’un collier de belles perles, dans une miniature de Samuel Cooper (fig. 30). Le bijou de ce portrait est peut-être l’un des deux magnifiques colliers qu’elle reçut en cadeau : le premier de son frère, Charles II, en 1661, estimé 40 000 livres234, le second, de 1663-1664, de son beau-frère, Louis XIV, pour lequel le trésorier de l’Argenterie de la maison du roi fit un versement de 44 500 livres235 à l’orfèvre Jean Pittan236, orfèvre de Monsieur237. Le montant de la dot promise s’élevait à 60 000 jacobus d’or, soit 870 000 livres. Finalement, comme c’était souvent le cas, il ne fut payé que progressivement : quatre ans après leur mariage, en 1661, on trouve dans les archives une quittance de « 160 319 livres 231. Le cimetière des Innocents où se trouvait un charnier renfermait les ossements de milliers de défunts (ibid., p. 277, note 19). 232. Ibid. 233. Pepys, 1970, t. Ier, p. 299, 22 novembre 1660. 234. AN, K 541, no 11. 235. Bimbenet-Privat, 2002, t. Ier, p. 475. 236. BnF, mél. Colbert, 264-268, cité dans Bimbenet-Privat, 2002, t. II, p. 475. 237. État de la France, 1665, t. Ier, p. 420 ; ibid., 1674, t. Ier, p. 435 ; ibid., 1677, t. Ier, p. 423.

Fig. 29  Nicolas Mignard (1606-1668), Portrait d’Henriette d’Angleterre, 79 × 63 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 3502.

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Chapitre V

Les M ille et une nuits de Monsieur Pourvu que Monsieur ait de l’argent pour acheter des bijoux, élever constructions sur constructions dans ses délices de Saint-Cloud, et surtout pour jouer, il ne veut pas savoir autres choses 276. Primi Visconti

Saint-Cloud Entre 1680, date de la fin des travaux à Saint-Cloud (fig. 41), et le décès de Monsieur en 1701, on estime qu’il donna plus de mille soupers, collations ou médianoches, auxquels il faut encore ajouter des dizaines de grandes fêtes étalées sur plusieurs jours277. De toutes ces réceptions, plus fastueuses les unes que les autres, il ne reste qu’assez peu de témoignages et pratiquement rien sur l’argenterie ou le mobilier d’argent utilisés à ces occasions. Nous essaierons tout de même de retrouver parmi les documents quelques éléments susceptibles de nous éclairer sur ces collections. Le nom de Saint-Cloud est mentionné dès le vie siècle. Le moine Clodoald, petit-fils de Clovis et de Clotilde, fils de Clodomir, roi d’Orléans, mourut en 560. Certains miracles survenus autour de son tombeau lui ayant été attribués, les habitants décidèrent de donner son nom à la ville. Avec le temps, Sanctus Clodoaldus devint Saint-Cloud278. La riche histoire de Saint-Cloud, où Henri III fut assassiné en 1589, est bien connue, et nous n’en rappellerons que quelques événements capitaux en rapport avec notre étude. À la fin du xvie siècle, le banquier florentin Jérôme Gondi fit construire une grande maison dans le goût italien, entourée de parterres de fleurs. Dès cette époque, le jardin était très élaboré ; on y trouvait déjà des grottes, 276. Primi Visconti, 1988, p. 91. 277. Van der Cruysse, 1988, p. 225-226. 278. Montenay, 2005, p. 13.

des fontaines, des cascades et de nombreuses statues. À la mort de Gondi, en 1604, le domaine revint d’abord à son fils, Jean-Baptiste, qui, ayant des problèmes financiers, se vit obligé de le vendre au seigneur de Bueil, comte de Sancerre, argentier du roi279, lequel à son tour mourut en 1625. Ses héritiers revendirent le domaine à la famille Gondi, mais cette fois à Jean-François de Gondi, premier archevêque de Paris. En 1644, John Evelyn, voyageur anglais, disait de la maison qu’elle n’était pas très grande, mais il fut tout de même impressionné par les fresques : « The Palace, (as I sayd) is not extraordinary ; the out walles onely painted a fresca280 » (« Comme je l’ai déjà dit, le palais n’a rien d’extraordinaire, hormis le fait que tous les murs extérieurs sont peints à fresque »). Dès cette période, ce furent les jardins qui suscitèrent l’admiration de tous les visiteurs. Evelyn, pour sa part, raconta : « I have never seen an[y]thing exceeding it281 » (« je n’ai jamais rien vu qui le dépasse »). Il se maria en juin 1647 et emmena sa femme et sa mère à Saint-Cloud le mois suivant (13 juillet), où il nota : « we collation’d, and were serv’d in Plate282 » (« la collation nous fut servie dans de la vaisselle d’argent »). À la mort de l’archevêque, en 1654, la propriété fut vendue à Barthélemy Herwart (ou Hervart), lui aussi argentier du roi et protégé de Mazarin. Tout le temps où il posséda Saint-Cloud, il entreprit non seulement d’accroître les réserves d’eau pour alimenter les fontaines, mais aussi d’édifier une aile parallèle à la première pour doubler la superficie des bâtiments et créer de nouveaux appartements, fastueusement meublés. Comme Fouquet devait le faire trois ans plus tard, Herwart reçut le roi et la cour à Saint-Cloud le 6 octobre 1658. Il va sans dire que la fête fut somptueuse, comme en témoigne La Gazette de France. Monsieur découvrit Saint-Cloud et ressentit un véritable coup de foudre : « Le Roi, avec lequel était Monsieur, alla prendre le divertissement de la promenade dans la belle maison du Sieur

279. Ibid., p. 15. 280. Evelyn, 1955, t. II, p. 107-108. 281. Ibid., p. 107. 282. Ibid., p. 536.

Fig. 41  Étienne Allegrain, Vue panoramique de Saint-Cloud (détail), vers 1681, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 743.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 59  Christ à la colonne, jaspe sanguin, Italie vers 1650 (?), monture en or émaillé vers 1670, Paris, H. 22,2 cm, Paris, musée du Louvre, inv. MR 153. Monsieur avait dans sa chambre à Saint-Cloud un Christ en or dont le travail était certainement de la même qualité, remarquable, que celui faisant partie de la collection de la Couronne.

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Les mille et une nuits de Monsieur

Fig. 72  Attribué à Claude (II) Ballin (reçu en 1688), pot à oille et plateau, argent doré, Paris, 1713-1714, pot 20,5 (avec le couvercle) × 20,5 × 22,5 cm (avec les anses), plateau D. 28,5 cm, Munich, Residenz, Silberkammer, Inv. Res. Mü SK1259-1261. Pour réaliser des pièces d’orfèvrerie de cette importance, il fallait une autorisation de la Couronne.

raison entre la vaisselle d’or du roi et celle de Monsieur, décédé en juin de la même année. Mais cette comparaison s’avère épineuse pour deux raisons. Premièrement, dans l’inventaire de Monsieur, le Christ en or (qui, stricto sensu, n’entre pas dans la catégorie de la vaisselle) fut regroupé et pesé avec d’autres pièces de vaisselle d’or. Ensuite, certains objets furent estimés sans avoir été pesés. Chez le roi, la vaisselle d’or comprenait 68 étuis renfermant autant de cuillères, fourchettes et couteaux, mais ces couverts d’un poids considérable étaient destinés aux membres de la famille royale480. 480. Par exemple, l’« un éstuy garny de cuillière, fourchette et cousteau d’or » faisant partie de la vaisselle pour la chambre du Dauphin.

Gardons ces observations à l’esprit et examinons la vaisselle d’or des deux frères. L’origine de l’or de Monsieur se divise en trois catégories : français, allemand et siamois481. Le nombre de pièces françaises en or massif est impressionnant : 30 assiettes, 3 petites boîtes, 5 burettes, 1 cadenas garni de sa salière et de son poivrier, 1 petite cassolette, 2 couvercles de carafe avec 1 petite chaîne, 9 cuillères, 9 fourchettes, 9 manches de couteau, 1 cure-dent, 1 écuelle, 1 petit

481. À titre de comparaison, en 1648, au moment de la Fronde, Mazarin a confié au banquier Cantarini une partie de son argenterie, qui comprenait « Argent blanc d’Italye », « Argent de Paris », « Vermeil de Paris », « Argent d’Allemagne doré », et « Argent d’Angleterre » (P. Michel, 1999, p. 173).

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Chapitre VI

Le P alais-Royal Le soir on se rendit à Paris au Palais-Royal […] où la foule était si grande qu’on pensa y étouffer. C’est une incommodité qu’on trouve agréable en ce pays-la 505 . Sophie de Hanovre

Bien avant d’être propriétaire du Palais-Royal (fig. 75), ce qui ne fut effectif qu’en 1692, Monsieur consacra beaucoup de temps et d’argent pour agencer sa résidence parisienne à son goût et, dès 1662, il y donna de somptueuses réceptions. Quelquefois, les chroniqueurs n’arrivaient pas à accéder à la fête et, par conséquent, leurs relations manquent de précisions, comme dans ce petit poème de La Muze historique : Monsieur, dans son Palais-Royal, Ces jours passez donna le Bal, Qui fut (ainsi qu’il se pratique) Suivy d’un Banquet magnifique : Mais comme c’est la vérité Que ne fus pas invité Daller en cette feste auguste, Je ne sçaurois en parler juste 506 . Il pouvait aussi arriver que le journaliste fût jeté dehors, ce qui, encore une fois, nous prive de détails précis, comme dans ce récit qui racontait une autre fête donnée en 1657 : Si j’ûsse eu chez Monsieur, l’entrée Durant cette grande soirée, J’en aurois mieux reprézenté, Et la splendeur et la beauté : Mais un Garde, au second passage, Soit qu’il connût bien mon vizage, Ou bien qu’il ne le connût pas, Me fit retourner sur mes pas 507. Avant la mort d’Anne d’Autriche, en 1666, quatre girandoles de cristal, appartenant à la reine mère, se trouvaient déjà « ches Monsieur au pallais royal508 ». Quelques jours seulement avant son décès, le poète La Gravette de Mayolas décrit les richesses du Palais-Royal : 505. Hanovre (en 1679), 1990, p. 157. 506. Loret, 1857-1878, t. III, p. 510, vers 225-232, lettre du 3 juin 1662. 507. Ibid., t. II, p. 292, vers 211-218, lettre du 20 juin 1657. 508. Le numéro 203 de l’inventaire d’Anne d’Autriche.

On alla dans la Galerie, Où sans aucune flaterie, Grand nombre de lustres brillans Et des miroirs étincelans, Faisans voir diférente image, N’y laissérent aucun ombrage 509 . Saint-Cloud étant la résidence préférée de Monsieur, il y donna beaucoup de fêtes dont certaines furent relatées dans la presse, qui fit peu mention des festivités parisiennes. En revanche, grâce aux récits détaillés des réjouissances données en l’honneur du mariage de Marie-Louise d’Orléans, fille de Monsieur et d’Henriette, avec le roi d’Espagne, en 1679, nous savons que de grandes pièces d’argenterie, que l’on peut qualifier de « mobilier d’argent », meublaient le Palais-Royal. On y trouve des lustres, des miroirs et des guéridons que nous avons déjà décrits en comparant le mobilier d’argent de Monsieur et celui du roi. L’année suivante, une autre grande fête fut organisée par Henri-Jules de Bourbon-Condé510, fils du Grand Condé (cousin de Monsieur), pour célébrer le mariage de son neveu, le prince de Conti511, avec la nièce de Monsieur, MarieAnne de Bourbon512 , la première Mlle de Blois (fille naturelle de Louis XIV et Louise de La Vallière). Le récit publié dans le Mercure galant en février 1680 (CD‑28) est des plus importants car il donne une information complète sur la richesse de l’orfèvrerie qui existait dans les résidences parisiennes des membres de la proche famille de Monsieur peu avant les grandes fontes de 1689, en l’occurrence dans l’hôtel de Bourbon-Condé513.

509. La Gravette de Mayolas, « Lettre en vers à Madame », 10 janvier 1666, dans Rothschild, 1881-1882, t. Ier, col. 590, vers 205-210. 510. Henri-Jules de Bourbon-Condé (1643-1709), fils du Grand Condé. 511. Louis-Armand (I) de Bourbon-Conti, prince de La Roche-sur-Yon, 2e prince de Conti en 1666 (1661-1685). 512. Marie-Anne de Bourbon (1666-1739), fille de Louis XIV et Louise de La Vallière, n’est pas à confondre avec la seconde Mlle de Blois, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, qui épousa Philippe II d’Orléans en 1692. 513. L’hôtel de Bourbon-Condé se situait à l’intersection des rues de Condé, des Fossés Monsieurle-Prince, et de Vaugirard, soit à l’emplacement de l’actuel théâtre de l’Odéon, où le duc habitait avec son père. (Nous remercions M. David Brouzet et Mme Katia Béguin pour ces précisions.)

Fig. 75  Jacques Rigaud (1680-1754), Le Palais-Royal, gravure aquarellée de la première moitié du xviiie siècle, Paris, musée Carnavalet, ND-434 Ancien Paris.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 76  Élie Pacot (1657-1721), élément du milieu de table, argent, Lille, 1709-1710, L. 39,2 cm, Philadelphie, Philadelphia Museum of Art, inv. 1961-196-1.

Après le jeu, vers 9 heures du soir, « on se rendit dans le Sallon où le Soupé estoit préparé. On a pris soin de faire éclairer tous les Apartemens de ce vaste Hostel, & il y avoit des Lustres jusques sur les degrez. Deux Bufets avoient esté dressez dans deux hors d’œuvre aux deux bouts du Sallon où l’on soupa. Celuy qu’on avoit placé du costé du haut bout de la Table, estoit le plus magnifique. Il estoit garny de Vases, de Bassins, de Cuvetes, & de quantité d’autres Ouvrages d’argent & de vermeil doré cizelez. Il y avoit un fort grand nombre de Bras de vermeil, & des Orangers naturels aux deux costez. Quatre grand Guéridons estoient aux quatre coins du Sallon, avec des Girandoles d’argent sur chacun des Guéridons. De tres-beaux Tableaux estoient placez tout autour, avec des Bras de vermeil aux deux côtez de chaque Tableau. Outre tous les ornemens & les diverses lumieres qui faisoient briller ce magnifique Sallon, il estoit encore éclairé de plusieurs Lustres de cristal. La Table où le Soupé fut servy, avoit quinze pieds de long sur huit de large. Quatre grandes Corbeilles dorées & faites en octogone, estoient au milieu. Il y en avoit aux costez huit plus petites en façon de Quaisses, le tout remply de Fleurs printanieres. Entre les grandes Corbeilles qui faisoient la ligne du milieu, on avoit mis des Girandoles d’argent, garnies de Bougies, & entre les petites, & à costé, estoient cinquante Flambeaux d’argent & de vermeil doré. Tous ces ornemens faisoient des Allées de fleurs & de lumiere qui produisoient à la veuë un effet aussi beau que singulier. Chaque Service fut de quatre grands Plats, de quatorze plus petits, & de vingt-deux de vermeil doré. Il y en eut trois. Le premier estoit de Potages & d’Entrées ; le second, de Rost & Entremets ; & le troisiéme, de tout ce qu’on peut s’imaginer pour un magnifique Dessert […]. Le Lieu où la Comédie devoit se joüer, estoit éclairé de plusieurs 116

Lustres, qui descendoient du Plafond. Il y en avoit en Plaques, avec des Bordures de glaces, d’autres de vermeil doré, & d’autres d’argent. La Corniche & les Portes estoient toutes couvertes de Flambeaux d’argent & de vermeil. L’endroit où l’on avoit dressé le Theatre, estoit un enfoncement hors d’œuvre tout visà-vis de la Porte. Ce Theatre estoit en voûte, & brilloit si fort, que les yeux ne s’y pouvoient attacher sans estre éboloüis. Les Fleurs peintes estoient si adroitement meslées avec les Fleurs naturelles, qu’il sembloit que l’artifice n’y eust point de part. Outre la Décoration ornée de Peintures & toute rehaussée d’or, il y avoit un rang de Guéridons des deux costez du Theatre, sur lesquels estoiẽt des Vases d’argent, & des Quaisses dans le fond, avec de vrais Arbres514 ». Cette description témoigne qu’il y avait autant de vermeil que d’argent blanc : bras, plaques de lumière, quatre grandes corbeilles, quantité de flambeaux et vingt-deux plats, sans parler des « autres ouvrages de vermeil doré cizelez » cités, sans détails supplémentaires malheureusement. On trouve aussi des plaques dans les inventaires de Monsieur de 1671 et de 1701, mais aucune n’est en vermeil. Ce récit atteste également le soin particulier de l’éclairage de cette fête. Malgré les innombrables flambeaux, lustres et girandoles énumérés, le fils du Grand Condé fit encore placer des flambeaux d’argent et de vermeil sur les corniches et les portes. Il avait évidemment bien compris ce qui fut écrit, en 1674, dans L’Art de bien traiter : « La beauté d’un repas est infiniment plus considérable le soir aux flambeaux que pendant le jour515. » Tout aussi pertinente est la description des quatre grandes 514. Mercure galant, février 1680, p. 206-218. 515. L. S. R., L’Art de bien traiter, 1674, cité dans D. Michel, 1999, p. 64.


Le Palais-Royal

Fig. 77  André Bouys (1656-1740), Nature morte au surtout d’argent rempli de friandises, huile sur toile, 74 × 92 cm, cabinet Turquin.

corbeilles dorées, de forme octogonale, qui étaient alignées au centre de la table. Il y avait, en outre, huit corbeilles plus petites, le tout rempli de fleurs. Cet ensemble évoque le fameux milieu de table d’Élie Pacot516 qui se composait, à l’origine, de dix-neuf pièces, dont quatre corbeilles octogonales (fig. 76). De telles pièces furent représentées dans la peinture de l’époque, comme sur ce tableau d’André Bouys qui dépeint une corbeille remplie de friandises (fig. 77). Cela montre une fois de plus que les pièces d’argenterie pouvaient avoir plusieurs usages et être remplies aussi bien de fleurs que de mets. Nicole Cartier et Isabelle Cartier-Stone ont étudié de façon approfondie le milieu de table d’Élie Pacot qui date de 1709-1710, le seul de ce genre qui nous soit parvenu517. Leur arrangement supposé est représenté dans la figure 78. Pour une raison difficilement compréhensible, nombre de gravures et dessins de plans de table ne montrent pas d’éclairage. Mais le récit ci-dessus apporte de nouvelles précisions sur ces milieux de table et sur les éléments d’éclairage qui s’intégraient intimement aux 516. Élie Pacot (1657-1721), maître orfèvre lillois. 517. Cartier, 1992, p. 42-51 ; Cartier, 1994 ; Cartier et Cartier-Stone, 2006, t. II, p. 535-541.

Fig. 78  Distribution supposée du milieu de table d’Élie Pacot, dans Nicole Cartier, Les Orfèvres de Lille, t. II, p. 539.

corbeilles. Les girandoles d’argent étaient placées entre les grandes corbeilles et une quantité surprenante de flambeaux – cinquante –, en argent et en vermeil, formaient avec huit petites corbeilles des allées tout le long de la table. Cette disposition semble plus logique qu’une simple accumulation de corbeilles concentrées au centre de la table sans lumière, mais il faut garder à l’esprit que l’éclairage coûtait très cher à l’époque et qu’un tel déploiement de flambeaux et de bougies était vraiment exceptionnel. Une gravure extraite du Cuisinier moderne de Vincent La Chapelle montre une assez 117



Chapitre VII

La D isparition du frère unique du roi La mort de Monsieur Je rêve à la beauté de ces lieux [Saint-Cloud] ; que je les ai faits, et que je dois bientôt les quitter 528. Monsieur

Les habitudes et les goûts de Monsieur semblent avoir assez peu changé au fil du temps. En 1691, dix ans avant la mort de celui-ci, Sophie de Hanovre avait demandé dans une de ses lettres à Madame si, l’âge venant, il était devenu plus pieux. La Palatine ayant retransmis la question à Monsieur, celui-ci avait éclaté de rire et répondu : « Dites à votre tante que je compte plus que jamais mes diamants et que je ne suis pas plus dévot que j’étais quand j’ai eu l’honneur de la voir529. » Deux autres lettres des années 1690 confirment que, jusqu’à la fin, Philippe d’Orléans ne pensait qu’à lui et à ses seuls plaisirs : « [Monsieur] est toujours le même, tel que vous le connaissez. Il dépense tout son bien avec les jeunes garçons et vend tous ses bijoux l’un après l’autre. Il a dit carrément à sa femme et à sa fille que, puisqu’il n’avait plus beaucoup de temps à vivre et qu’il commençait à vieillir, il ne voulait pas lésiner sur ses plaisirs et dépenser tout ce qu’il avait au jeu ou autrement, et il garde sa parole530. » Et, l’année suivante : « Monsieur dit hautement et n’a pas caché ni à sa fille ni à moi que, comme il commence à se faire vieux, il n’a pas de temps à perdre ; qu’il veut tout employer et ne rien épargner pour s’amuser jusqu’à la fin ; que ceux qui lui survivront se débrouilleront comme ils pourront, mais qu’il s’aime mieux que moi et ses enfants. Et il fait comme il dit531. » À la fin de 1698, Monsieur, qui appréhendait l’approche de la soixantaine, vendit tous les biens qui lui restaient à Colombes532 .

528. Philippe Ier, duc d’Orléans, cité dans Poncet de La Grave, 1788-1789, t. IV, p. 55. 529. Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, lettre du 27 décembre 1691 à Sophie de Hanovre, 1867-1881, t. Ier, no 70, p. 119-120. 530. Ibid., lettre du 23 octobre 1695, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 369. 531. Ibid., lettre du 7 mars 1696, 1985, p. 128-129. 532. Schnapper, 1994, p. 354.

Il rédigea un premier testament le 27 août 1691 et un second, daté du 11 avril 1699 (CD‑61). Madame raconte que le nouveau confesseur de Monsieur, le père du Trévou, lui dit sans détour « qu’il était vieux, usé de débauches, gras, court de col, et que, selon toute apparence, il mourrait d’apoplexie, et bientôt. C’étaient là d’épouvantables paroles […]. Il devint triste, abattu, et parla moins qu’à l’ordinaire », et puis la Palatine rajouta : « c’est à dire encore comme trois ou quatre femmes533 ». Quelques jours avant la fatale apoplexie de Monsieur, le chevalier de Lorraine le surprit à SaintCloud dans l’un de ses magnifiques salons, plongé dans ses pensées, et lui dit : « Monsieur est bien rêveur ? » Ce à quoi Philippe répondit, paraphrasant le soupir de Mazarin sans le savoir : « Je rêve à la beauté de ces lieux ; que je les ai faits, et que je dois bientôt les quitter534. » Au début de juin 1701, Monsieur saigna du nez et cracha, mais il prit grand soin de cacher son état de santé aux médecins pour ne pas subir la saignée du bras. Comme il était assis à côté de Mme de Maintenon, à Marly, en attendant que le roi sorte du Conseil, celle-ci le trouva triste et un peu songeur, et lui demanda « s’il avait quelque chagrin ». « Oui, répondit-il en soupirant. — Mais encore, repritelle ? — Le Jubilé, dit Monsieur, m’a fait faire de sérieuses réflexions. — Il faut les cultiver », repartit Mme de Maintenon535. La dispute fatale survint entre Monsieur et Louis XIV à cause de la conduite du duc de Chartres envers sa femme, la fille du roi, et plus particulièrement à cause de sa liaison affichée avec Mlle de Séry, fille d’honneur de Madame. Ainsi, le 8 juin 1701, à Marly, « Le Roi […] fit sèchement des reproches à Monsieur de la conduite de son fils, Monsieur, qui, dans la disposition où il

533. Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, lettre du 2 juillet 1699, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 405. 534. Poncet de La Grave, 1788-1789, t. IV, p. 55. 535. Ibid., p. 52-53.

Fig. 80  Gérard Jean-Baptiste Scotin l’Aîné (1671-1716), d’après Jean Berain, Mausolée pour la cérémonie funèbre de S.A.R. Philippes de France, 1701, Paris, BnF, inv. E 078753.

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La disparition du frère unique du roi

Fig. 80, détail Cérémonie funèbre de Monsieur en 1701, exposition du cercueil dans l’allée centrale de l’église de l’abbaye à Saint-Denis.

l’air ; mais pendant toute sa promenade, et même pendant sont souper, on lui vit toujours couler les larmes des yeux543. » Monsieur décéda le 9 juin 1701 vers midi, à l’âge de soixante ans. On l’autopsia et l’on découvrit que sa mort était due à une quantité de sang caillé dans son cerveau. La peine du duc de Chartres fut extrême, car, selon Saint-Simon, « le père et le fils s’aimoient tendrement. Monsieur étoit doux, le meilleur homme du monde, qui n’avoit jamais contraint ni retenu Monsieur son fils544 ». Ironiquement, c’est précisément ce que lui reprochaient Madame et le roi. Pendant les cérémonies, « les cris furent horribles, et Mme la duchesse de Bourgogne, qui, huit jours auparavant, avoit été à 543. Sourches, 1882-1893, t. VII, p. 74-76. 544. Saint-Simon, 1879-1928, t. VIII, 1891, p. 332.

Saint-Cloud, où son grand-père lui avoit offert une grande collation et une espèce de fête, fut si affligée, qu’elle s’en trouva mal, et fut longtemps dans l’appartement de M. le duc d’Orléans avant de pouvoir aller donner l’eau bénite545 ». Mais tout le monde ne regrettait pas Monsieur, ainsi Mme de Maintenon, qui « sentoit la perte de Monsieur comme une délivrance, elle avoit peine à retenir sa joie ; elle en eût eu bien davantage à paroître affligée546 ». Comme le nota Saint-Simon, « Mme de Maintenon n’aimoit pas Monsieur : elle le craignoit, il lui rendoit peu de devoirs, et, avec toute sa timidité et sa plus que déférence, il lui étoit échappé des traits sur elle, plus d’une fois, avec le Roi, qui marquoient son mépris, et la honte qu’il avoit de l’opinion publique547 ».

545. Ibid., p. 368-369. 546. Ibid., p. 330-331. 547. Ibid., p. 322-323.

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La disparition du frère unique du roi

Fig. 83  Bézoard monté en filigrane d’or, Goa, fin du xviie siècle, H. 11,6 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer, inv. 1001.

furent vendues. La vente eut lieu en avril 1702, dans l’enclos du Palais-Royal, et, dès le mois précédent, le Mercure galant publia la liste des bijoux et des objets qui seraient dispersés 567 . Nous la reproduisons in extenso en annexe (CD‑64). Le procès-verbal de la vente, dont le manuscrit comporte plus de cent pages, est conservé aux Archives nationales568. Les nombreux items qui y

figurent ne font que reproduire ceux déjà suffisamment décrits dans l’inventaire après décès (CD‑63). Retenons seulement le détail principal concernant la recette : la vente fut un échec et ne rapporta que 500 801 livres, chiffre très inférieur aux estimations et valeurs réelles. Cela est d’autant plus surprenant que, c’est bien connu, les objets répertoriés dans les inventaires après décès furent systématiquement sous-évalués.

567. Mercure galant, mars 1702, p. 201-207. 568. AN, KK 388.

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Deuxième partie

Les liens dynastiques Ayant examiné les collections d’orfèvrerie et d’objets d’art de Monsieur dans la première partie de cet ouvrage, il convient de retracer maintenant leur origine et d’étudier le goût des propres collections des membres de sa famille.

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Chapitre VIII

La F amille de Philippe d’Orléans Gaston d’Orléans Pour entamer notre investigation sur les collections de la famille d’Orléans, il faut remonter au début du xviie siècle, à l’époque de Gaston d’Orléans (fig. 85). L’étude des objets d’art de la période de Louis XIII se révèle très difficile du fait de l’absence quasi complète de documents. À titre d’exemple, aucun document ne nous renseigne sur la part exacte prise par Gaston lors de la vente après décès de Marie de Médicis en 1642569. Le Luxembourg était la résidence parisienne de Gaston d’Orléans qui lui fut attribuée officiellement en 1646, même s’il y séjourna avant cette date, ayant déjà fait réaliser de somptueux aménagements, comme le note l’Anglais John Evelyn en 1644 : « At the end of it [the gallery] is the Duke of Orleans’s Library, rarely furnish’ d with gold ; in the Cabinet joyning to it, are onely the smaler Volumes, with 6 Cabinets of Medails ; and an incomparable [collection] of shells and Achates, whereof some are prodigiously rich and glorious570 . » (« Au bout de la galerie se trouve la bibliothèque du duc d’Orléans, luxueusement dorée ; dans le cabinet attenant sont rangés les livres de moindre taille, avec 6 cabinets pour les médailles ; et une collection incomparable de coquillages et d’autres acquisitions dont certains sont prodigieusement riches et merveilleux. ») Nous nous sommes attaché à rechercher de nouveaux documents susceptibles de jeter quelque lumière sur la collection d’orfèvrerie et de bijoux de Gaston d’Orléans. À Blois, nous avons pu relever les scellés de Gaston en date du 3 février 1660 (CD‑2). Dans un cabinet attenant à sa chambre se trouvaient une petite cassette qui contenait une paire de pendants d’oreilles en diamants « de grand prix », ainsi qu’un petit coffret « plain de reliques, une croix

569. Castelluccio, 2002-2, p. 32, 52. 570. Evelyn, 1955, t. II, p. 128.

de reliques entourées de petits diamans ». La plupart des autres objets précieux, religieux ou profanes, furent renfermés dans une autre petite cassette qui contenait : « deux paires de brasseletz de pied d’eslan, ung reliquaire d’ébeine garny d’un cercle d’or, ung cœur de cristal enchâssé d’or émaillé, une petite croix noire émaillée dans lequel il y a la vraye croix, un reliquaire émaillé dans lequel il y a le portraict de mondict Seigneur, ung petit vase d’agatte orientalle enchâssé d’or, une petite boiste d’or avecq du corail dessus et deux petites croix d’or, une Nostre-Dame enchâssée dedans de l’or, une descente de la Croix enchâssée d’or avecq des rubys, quatre petites bagues dont il y a une turquoise fine, ung petit chappelet de grenadille571, avec deux petites croix de petitz diamans, une petite mousche de diamans, une paire de pandans d’oreille ayant six petites perles, une boiste d’or émaillée de bleu, ung reliquaire de Jésus, Marie et Joseph enchâssé d’or, une petite chappelle d’or dans laquelle il y a une Nostre-Dame, une Annonciation de la Vierge dans une petite boiste d’or, une jacinthe572 figurée et ung petit cœur d’esmail, six espingles avec de petits diamans, une petite fiolle d’ambre émaillé de blanc avecq de petits cercles d’argent, ung reliquaire dans un boys [sic pour bois] avec ung cercle d’or enrichy de petits rubys, ung reliquaire de cristal enchâssé d’or, une petite boiste d’or avecq un petit miroir, le tout remis dans ladicte cassette ». Parvenu à la fin de ce document, on lit avec plaisir : « Et au regard de la vaisselle d’argent… », avant d’être désappointé par la fin de la phrase : « n’en a esté faict aulcune description, d’aultant que la dicte vaisselle d’argent est entre les mains du sieur controlleur général. » Il s’agit de René Grymauldet, « escuyer, sieur de la Croiserie, conseiller du roy en ses conseils, lieutenant général des bailliage, siège présidial et gouvernement de Bloys ». Comme tous les autres chercheurs qui

571. « Grenadille. Fruit d’une plante des Antilles, qui rampe comme le lierre, & dont la feüille est semblable à celle de la folle vigne à cinq feüilles » (Thomas Corneille, 1694). 572. « Jacinthe. Pierre pretieuse, qui par son feu semble tenir du rubis » (Thomas Corneille, 1694).

Double-page précédente : fig. 84 Pierre Mignard, La Famille de Louis de France, fils de Louis XIV, dit « le Grand Dauphin », en 1687, huile sur toile, 232 × 304 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 8135. Fig. 85  Atelier de Juste d’Egmont (1601-1674), Portrait de Gaston d’Orléans, huile sur toile, vers 1651, 126 × 97 cm, Rouillac, vente à Cheverny, 10 juin 2013.

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La famille de Philippe d’Orléans

Fig. 112  Coffre en cristal de roche dont la monture de bois laqué or est rehaussée d’argent doré, Venise ou Milan, vers 1600, H. 42 × L. 67,3 × Pr. 47 cm, coll. part.

assiettes à Colombes en 1669, alors qu’Henriette n’en avait toujours que vingt parmi ses biens inventoriés deux ans plus tard. Du fait des descriptions trop brèves rédigées en anglais et parce que les poids ne sont pas mentionnés, il est impossible d’établir un lien direct entre la succession d’Henriette-Marie et l’inventaire de sa fille de 1671. Parmi les objets en vermeil, on trouve dans les deux inventaires un sablier et un poivrier, mais cela pourrait être une simple coïncidence. En examinant la Typologie à la fin de ce volume, il apparaît bien difficile de trouver un lien réel entre les deux collections. Nous verrons cependant plus avant que nous pouvons au moins établir que l’un des objets les plus importants inventoriés à Colombes, un magnifique coffret en cristal de roche, fait bien partie de l’héritage d’Henriette-Marie et que, grâce à elle, il vint enrichir les collections Orléans. Autres pièces intéressantes répertoriées à Colombes, les deux boîtes de toilette en argent doré qui avaient « French arms upon them » (« des armoiries françaises dessus »). Comme pour les pièces aux armes espagnoles inventoriées à Chaillot, on se demande d’où peuvent provenir ces objets. Normalement, en qualité de reine d’Angleterre, Henriette-Marie aurait dû avoir des armoiries d’alliance plutôt que des armoiries françaises. La question reste posée.

Parmi ses possessions à Colombes, Henriette-Marie avait quatre verseuses appelées « thea pott » ou « tea pott » par les Anglais. On s’attendrait à les trouver dans l’inventaire d’Henriette d’Angleterre moins de deux ans plus tard, mais elles n’y sont pas. Furent-elles renvoyées en Angleterre ou inventoriées sous un autre nom ? La reine avait probablement pris l’habitude de boire du thé en Angleterre, mais Monsieur ne partageait pas cet usage à l’époque, et peut-être fit-il fondre les théières. S’il fit servir du thé lors de la grande fête à Saint-Cloud en novembre 1686, il faut attendre 1719, date bien tardive, pour trouver mention d’une théière en argent parmi les biens des Orléans : la duchesse de Berry n’en possédait qu’une seule. Un dernier détail du manuscrit de Colombes de 1669 attire l’attention. Le groupe de bijoux inventorié à la fin de ce document fut laissé dans les mains de sir Thomas Bond comme garantie sur l’emprunt d’un montant de 18 200 livres sterling qu’HenrietteMarie avait souscrit comme avance sur les revenus de la « hearth tax », c’est-à-dire l’impôt sur les cheminées, qui obligeait l’occupant de la maison à acquitter une taxe proportionnelle au nombre de foyers. Cet impôt, très impopulaire, constituait une importante partie des revenus annuels de la reine mère qui anticipait ses revenus en empruntant avant même de l’avoir 149


La famille de Philippe d’Orléans

Fig. 115  École française du xviie siècle, Portrait de Marie-Louise d’Orléans, vers 1679, 81 × 64 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 3548.

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Troisième partie

Évolution de la collection La dernière partie de cet ouvrage retrace l’historique et la destinée des collections de la famille d’Orléans à travers les différentes alliances, événements politiques et publics, ainsi qu’héritages et successions.



Chapitre IX

La princesse P alatine

Quand on vient d’Allemagne, on n’a pas l’air français 734. La Grande Mademoiselle

Le sens inné de l’anecdote, l’honnêteté, la drôlerie, mais aussi l’immensité de sa production font d’Élisabeth-Charlotte – « Liselotte » – von der Pfalz735 (fig. 129) un cas à part dans le genre de la littérature épistolaire, et très peu d’écrivains peuvent lui être comparés. Selon les estimations les plus prudentes, la princesse Palatine aurait écrit plus de 60 000 lettres (certains avancent même le chiffre de 90 000), deux tiers en allemand et le reste en français. Elle pouvait rédiger jusqu’à dix ou douze lettres par jour, dont certaines de vingt à trente pages. Malheureusement, il n’en reste qu’à peine un dixième, dont les 850 lettres françaises, publiées pour la première fois en 1989 par Dirk Van der Cruysse736. À titre de comparaison, on ne conserve que 1 200 lettres de Mme de Sévigné. La Palatine se décrit avec discernement : « J’écris comme je parle, car je suis trop naturelle pour écrire autrement que je ne pense737. » Cette volumineuse correspondance nous intéresse au plus haut degré car la Palatine nous renseigne sur ce qui se passait tous les jours à la cour et parle explicitement de ses héritages, des agissements de Monsieur, du destin funeste de son argenterie, de sa collection de pierres gravées et des fontes commandées par son auguste beau-frère en 1689 et 1709.

734. Mlle de Montpensier (Anne-Marie-Louise d’Orléans, la Grande Mademoiselle), Mémoires, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 140. 735. Élisabeth-Charlotte était fille de l’Électeur palatin. Son contrat de mariage la désigne correctement comme la « princesse électorale palatine du Rhin », mais les Français du Grand Siècle se trompaient en l’appelant « Élisabeth-Charlotte de Bavière ». Au xviie siècle, l’appellation « princesse palatine » était réservée à Anne de Gonzague de Clèves (1616-1684), épouse du prince palatin Eduard, oncle paternel de Madame, et surintendante de la maison de la reine, à ne pas confondre avec Anne-Marie de Mantoue, comtesse Palatine, sœur de la reine de Pologne (Van der Cruysse, 1988, p. 15 ; La Batut, 1927, p. 29). 736. [Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans], Van der Cruysse, éd., 1989. 737. Id., lettre du 26 mars 1696, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 475.

Dot et contrat de mariage Nous ne parlerons pas ici de l’enfance ni de l’éducation de Madame, largement décrites par d’autres auteurs, et nous nous attacherons à étudier en détail son mariage avec Philippe d’Orléans, événement qui devait avoir un important retentissement sur la politique internationale et, au travers de sa dot, une grande influence sur l’évolution des collections de la famille d’Orléans. Les termes du contrat furent soigneusement choisis par le père d’Élisabeth-Charlotte, qui voulait éviter de préciser ses obligations concernant la dot : « En faveur dudit mariage, mondt Seigneur prince Électeur palatin a constitué en dot, et fait don à lade dame Princesse sa fille, de la mesme somme que les princesses de la maison palatine ont accoûtumé de recevoir, et que ses estats, dont il est à présent en possession, sont en usage de donner en pareilles occasions, qui sera délivrée partie en argent, partie en bagues, dont inventaire sera fait, et estimation, qui luy tiendront nature de propre, laquelle somme sera payée dans un an après la consommation du mariage738 . » Mais, selon l’abondante correspondance à ce sujet, la totalité de sa dot ne fut jamais complètement payée739. On trouve seulement trace d’une « Quittance donnée par Monsieur et Madame à l’Électeur palatin, de la somme de 32.000 florins d’Allemagne, valeur monnoye de France, 64.000 l. pour la dot de Madame. 24 novembre 1680 740 ». Ce non-paiement allait donner aux Bourbons des droits sur sa succession et être à l’origine de nombreux incidents diplomatiques.

738. AN, K 542, no 8, fo 2 ro. 739. Entre autres, Sophie de Hanovre, lettre à Karl Ludwig (père de la princesse Palatine), Osnabrück, 23 novembre 1679, 1885, no 394, p. 390, citée dans Barker, 1989, p. 273, note 15. 740. AN, K 542, no 14.

Double-page précédente : fig. 128  Famille des Perelle, Vue et Perspective du Chasteau et du Canal de St-Cloud, 1708, estampe, 28,5 × 37 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, inv. GR139. Fig. 129  Nicolas de Largillierre (1656-1746), La Princesse Palatine en source, huile sur toile, 65 × 54 cm, Chantilly, musée Condé, inv. PE 331.

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La princesse Palatine

Fig. 130  La Naissance de Méléagre, tapisserie d’après le carton (avant 1661) de Charles Le Brun, 340 × 331 cm, laine et soie, Lisbonne, Musée national d’art ancien, inv. 72 Tap. Parmi la vaste collection de tentures que possédait Monsieur, maintes tapisseries étaient rehaussées de fils d’or, ou d’or et d’argent ; des pièces d’orfèvrerie figuraient souvent sur ces tapisseries ainsi que sur leurs bordures.

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La princesse Palatine

Fig. 136  René-Antoine Houasse (vers 1645-1710), nef, détail du plafond du salon de l’Abondance, vers 1683, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, inv. 5374.

effet dévastateur pour les orfèvres. Quelques années plus tard, sous la Régence, une autre catastrophe – naturelle cette fois – les frappa à nouveau : pendant l’hiver de 1716, une partie du quai des Orfèvres s’effondra dans la Seine873 .

Le vol Davoust À Versailles, les appartements des Orléans se trouvaient dans l’aile des Princes à l’extrémité sud du premier étage. En 1689, pour avoir plus de logements pour la famille royale en pleine croissance, Louis XIV fit construire l’aile du Nord, élevée en pendant de l’aile des Princes. Appelée aussi aile Neuve, elle fut achevée en 1689. Louis XIV donna au duc de Chartres l’appartement qui se situait près de l’escalier, au centre de l’aile 874 . Il ne faut pas croire que la 873. Petitfils, 1986, p. 311. 874. Newton, 2000, p. 29, 31.

vie de château était toujours réjouissante : la Palatine se plaignait beaucoup des serviteurs qui achetaient leurs offices et qui servaient par quartier : « Je ne peux pas m’habituer à l’achat et la vente des offices qui a comme conséquence qu’on est servi par une personne pendant trois mois à la fois, et change de serviteur quatre fois par an. Ce qu’ils ont appris en trois mois, ils le désapprennent dans les neuf autres, si jamais ils ont appris quelque chose. Cela produit aussi des serviteurs malhonnêtes, car ils achètent leurs charges pour le profit et espèrent en tirer le maximum pour eux-mêmes […] c’est donc une belle manière de leur apprendre à voler875 . » En janvier 1706, on lui vola trois diamants876 . L’été de l’année 1709 fut aussi très funeste pour Madame Palatine : on découvrit que son trésorier, Davoust, qui était entré en fonction en 1672, lui avait subtilisé une somme considérable, tout comme Boisfranc du vivant de Monsieur. Écrivant à la raugrave Louise, elle raconta : « Je me trouve dans un labyrinthe 875. Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, lettre du 7 juillet 1719, citée dans id., 2006, p. 17. 876. Van der Cruysse, 1988, p. 645.

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Chapitre X

Les O rléans et les successions

de la Grande Mademoiselle et du Grand Dauphin

Louis de France, aîné et seul survivant des six enfants légitimes de Louis XIV, naquit le 1er novembre 1661 (fig. 143). Ce n’est qu’à partir du 1er janvier 1681 qu’il disposa d’une cassette personnelle et qu’il commença de collectionner. Ses dépenses étaient considérables, mais son père réglait ses dettes et les Bâtiments du roi assumaient les frais d’entretien de sa résidence privée de Meudon. Monseigneur meubla ce château avec passion et selon la dernière mode. Comme nous l’avons déjà vu, le Grand Dauphin, Monsieur et les autres membres de la famille royale aimaient fréquenter les boutiques et les foires ainsi que les meilleurs marchands merciers de la capitale. Outre les dons, legs et achats que nous avons étudiés dans le chapitre III, les ventes après décès étaient un moyen propice d’enrichir une collection. Louis XIV ne dédaignait pas d’acquérir de l’argenterie ancienne provenant de collections prestigieuses. En 1665, il acheta pour 80 000 livres d’objets en argent à la vente après décès du cardinal Mazarin930, et il fit de même, en 1669, au décès de la reine de Pologne931. L’année suivante, il acquit, de M. des Ormes932 , des meubles en argent933. De la même manière, Monseigneur fréquentait ces liquidations publiques, telles celles qu’organisèrent, en 1683, les héritiers de Madeleine Séguier, femme du chancelier. Quelques années plus tard, en 1688, mourait Marie de Lorraine, duchesse de Guise, dite « Mlle de Guise »934 (à ne pas confondre avec Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise, morte en 1696), qui 930. Schnapper, 1994, p. 309. 931. AN, O1 3304, fo 142, avril 1669, cité dans Buckland, 1989, p. 331. 932. Charles Béchameil des Ormes, frère de Louis Béchameil. 933. AN, Journal, O1 3304, fo 182 vo, avril 1669, cité dans Buckland, 1989, p. 331. 934. Marie de Lorraine ou de Guise (1615-1688), fille de Charles de Lorraine-Guise, duc de Guise, et d’Henriette-Catherine, duchesse de Joyeuse, fut la dernière représentante de la branche aînée de la maison de Guise. Tous les projets de mariage la concernant échouèrent et elle resta célibataire. Elle testa le 8 janvier 1688 et légua ses biens à Charles-François de Stainville. Sur la requête

léguait tous ses vases de pierre dure à sa nièce, Anne-Marie-Louise d’Orléans, la Grande Mademoiselle. Dans son testament (CD‑35), la Grande Mademoiselle donnait son château de Choisy au Grand Dauphin, à l’exclusion du mobilier, et désignait Monsieur comme son légataire universel. Lorsqu’elle mourut, ses collections furent dispersées en vente publique entre le 2 juin et le 28 juillet 1693. Son inventaire après décès n’est pas parvenu jusqu’à nous935, mais, grâce à un extrait du procès-verbal936, nous pouvons avoir idée de ce que Monsieur acquit lors de cette vente (CD‑56) : des diamants et une topaze, mais surtout « le gros diamant » estimé à lui seul 80 000 livres. Huit ans plus tard, on le retrouve dans son inventaire après décès, estimé 130 000 livres937. À la différence du Grand Dauphin, il n’acheta aucune pierre dure, mais préféra l’argenterie (blanche et dorée), tant française qu’allemande, y compris des filigranes, sans oublier une écuelle en or payée 1 861 livres. Cet important document nous donne le poids des objets acquis et le montant de la dépense (plus de 66 000 livres). Cependant, comme aucune des pièces n’est détaillée, il est impossible de savoir si l’une d’entre elles a survécu aux fontes de 1689 et si elle est répertoriée dans son inventaire après décès. Seule exception : on trouve mention, dans l’inventaire de Monsieur de 1701, d’une écuelle couverte en or (no 1234) qui pourrait bien être celle acquise lors de la vente de sa cousine.

de ses héritiers, le parlement de Paris cassa son testament le 26 avril 1689 et ses biens furent dispersés entre plusieurs héritiers. 935. Son inventaire dut être fait par un commissaire délégué par le parlement de Paris, comme c’était l’usage pour les membres de la famille royale. Malheureusement, les inventaires relatifs aux princes du sang aux Archives nationales (série X) ne commencent qu’au xviiie siècle (Le Moël, 1994, p. 195). 936. AN, AP 300 I 93, no 177. 937. « [1244 bis] Premièrement – Un grand diamant à facette provenant de la succession de feüe Mademoiselle, formé en pendeloque avec une brèche en bas du costé gauche auprèz de laquelle il y a un mal net enfumé de belleaue, prisé cent trente mils livres, cy… CXXX m l » (AN, AP 300 I 746*).

Fig. 143  Attribution incertaine, détail de Madame de Ventadour avec Louis XIV et ses héritiers, vers 1715-1720, huile sur toile, 127,6 × 161 cm, Londres, The Wallace Collection, Dist. RMN-Grand Palais/The Trustees of the Wallace Collection, inv. P122. Le Grand Dauphin, neveu de Monsieur, décède en 1711 de la petite vérole. Ses fils épousèrent tous les trois des princesses d’Orléans, petites-filles de Monsieur. Dans ce tableau posthume, Louis XIV montre du doigt le petit duc de Bretagne, arrière-petit-fils de Monsieur et futur Louis XV. Celui-ci est tenu en laisse par la duchesse de Ventadour. Quand Louis XV passe aux hommes, en 1717, la duchesse de Ventadour cesse d’ être sa gouvernante mais elle est nommée dame d’ honneur de la princesse Palatine, duchesse douairière d’Orléans.

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Chapitre XI

Les B ijoux des Orléans Les cérémonies sont un des plus forts remparts de l’autorité royale. Dépouillez le prince de l’éclat qui l’environne. Il ne sera plus, aux yeux de la multitude, qu’un homme ordinaire ; car le peuple respecte son souverain moins pour ses vertus et son rang que pour l’or qui le couvre et la pompe qui l’environne 950 . Le comte d’Hézecques

Les carrousels

estima que ce carrousel avait coûté près de un million de livres953 . Carlo Vigarani était responsable des aménagements et de l’organisation, et il y participait. D’après les sept planches de la marche, quatre nations étaient représentées dans ce carrousel qui comptait presque mille trois cents participants. Monsieur dirigea le quadrille des Perses : sa veste, qui scintillait de rubis, « semblait recevoir un nouvel éclat par la bonne grâce de celui qui la portait954 ».

Les carrousels, qui faisaient partie des grandes fêtes, cérémonies et manifestations officielles, étaient une autre occasion de porter des habits et des déguisements somptueux. Fêtes équestres venues d’Italie et introduites en France sous Henri IV, sans doute à l’instigation de la reine, les carrousels étaient l’un des événements les plus marquants de la vie de cour, réservés aux seuls chevaliers (noblesse d’épée), souvent axés autour d’un thème historique ou chargés d’un message politique. Celui de 1612 avait célébré l’alliance entre l’Espagne et la France grâce au double mariage de l’infante Anne d’Autriche avec Louis XIII et de Philippe IV d’Espagne avec Élisabeth de France951. En 1661, année qui marqua le début du gouvernement personnel de Louis XIV, le roi commença immédiatement les préparatifs pour fêter la naissance du Dauphin. Ces festivités culminèrent avec le carrousel de juin 1662, donné devant le Louvre sur la place qui porte ce nom en mémoire de l’événement. Le jeune roi voulait ainsi établir son autorité, afficher sa puissance et aussi rendre hommage à son amour du moment, Louise de La Vallière. Dès le mois de mars 1662, Louis commença à s’entraîner quotidiennement et il organisa en privé des compétitions avec des princes et des seigneurs, à l’issue desquelles l’on récompensait dès cette époque les vainqueurs952 . Les carrousels étaient des entreprises ruineuses et, bien que les cavaliers invités fussent obligés de fournir leur costume et leur équipage, Colbert, probablement assez près de la vérité,

Pour commémorer ce carrousel, le roi commanda un album. Les textes furent confiés à Charles Perrault et la plupart des gravures à Israël Silvestre. L’exemplaire personnel du roi fut aquarellé par le graveur et peintre en miniature Jacques (I) Bailly. Grâce à cet album, Courses de Testes et de Bague faittes par le Roy et par les Princes et Seigneurs de sa Cour en l’Année 1662, nous avons un témoignage de Monsieur fièrement monté sur son magnifique cheval (fig. 146) ainsi que la description : « La veste étoit de brocart d’argent rebrodé d’argent & parsemé de rubis, & se joignoit par devant avec de grosses agrafes de rubis. Sur le devant autour du col d’une épaule à l’autre, il y avoit une chaîne de gros rubis, les entourneures

950. Hézecques, 1987, p. 62. 951. Les mariages n’eurent lieu que trois ans plus tard (Castelluccio, 2002-1, p. 16). 952. La Gorce, 2005, p. 45.

953. Cité dans Castelluccio, 2002-1, p. 27. 954. Ibid., p. 27. 955. La Gorce, 2005, p. 47-48.

Des prix d’une valeur considérable furent remis par la reine Marie-Thérèse : une boîte garnie de diamants renfermant un portrait du roi, estimée 8 600 livres, pour la course des têtes, emportée par le marquis de Bellefons, un des chevaliers de la quadrille de Monsieur, et une bague en cœur taillée à facettes, estimée plus de 9 000 livres, pour la course de bague, emportée par le comte de Sault955 .

Fig. 146  Jacques Bailly (1629-1679), « Monsieur, Roy de Perse », Courses de testes et de bague faittes par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l’année 1662, gravure aquarellée, 42 × 26 cm, Versailles, Bibliothèque municipale de Versailles. À la vue de cette illustration, on imagine facilement la joie de Monsieur qui aimait tant le faste des cérémonies et les habits parés de pierreries lors des carrousels des années 1660.

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Les bijoux des Orléans

Fig. 147  Felipe de Liaño († 1625), Portrait d’Isabelle-Claire-Eugénie de Habsbourg, fille d’Élisabeth de Valois et petite-fille d’Henri II (1566-1633), Madrid, musée du Prado. La tradition d’orner les vêtements des Grands de ce monde avec des pierreries était très répandue en Europe. Elle remonte à l’Antiquité.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 148  Nicolas (I) de Larmessin, « La Joüaillier », gravure du recueil Costumes grotesques de Larmessin, Paris, BnF, OA-60-PET.

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Les bijoux des Orléans

Fig. 149  Charles Beaubrun, Marie-Thérèse d’Autriche et le Dauphin, vers 1665, 225 × 175 cm, Madrid, musée du Prado, inv. no 2291.

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Les bijoux des Orléans

Fig. 150  Pierre Gobert, Portrait de Françoise-Marie de Bourbon, Mlle de Blois, duchesse de Chartres, puis d’Orléans, vers 1700, huile sur toile, 137 × 106 cm, musée du Domaine départemental de Sceaux, inv. 90.37.1. Fruit d’un double adultère de Louis XIV et Mme de Montespan, le mariage forcé de Mlle de Blois avec le duc de Chartres a ulcéré la princesse Palatine. Personnage hautain er orgueilleux, le Régent appelait son épouse « Mme Lucifer ».

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Fig. 152  Hyacinthe Rigaud, Portrait de Philippe II d’Orléans, 1689, huile sur toile, 129 × 97 cm, Perpignan, musée Hyacinthe-Rigaud.


Chapitre XII

Philippe II d’Orléans, R égent « Mon fils [fig. 152] a beaucoup d’esprit et je suis convaincue que sa conversation ne vous déplairait pas ; il sait beaucoup de choses, il a bonne mémoire et ce qu’il sait, il le dit sans pédanterie aucune ; il ne se sert que d’expressions nobles, mais ses sentiments ne sont pas assez élevés : il préfère la société de gens du commun, de peintres, de musiciens, à celle des gens de qualité1024. » C’est ainsi que la princesse Palatine brosse ce portrait pénétrant du duc de Chartres, en 1699. Peintre amateur lui-même, d’assez bon niveau, il constitua ce qui fut la collection de peintures la plus importante en France, certains disent même qu’elle surpassait celle de la Couronne. Et s’il appréciait les pierres précieuses et acheta en 1717 le diamant appelé « le Grand Pitt », sa véritable passion fut la peinture : il lui arriva même de mettre en gage ses diamants personnels pour acquérir certaines œuvres, notamment la collection de deux cent soixante tableaux qui avait appartenu à la reine Christine de Suède1025. Le Régent ne cessa d’accroître les collections de son père et, dans la galerie du Palais-Royal, on comptait quatre cent vingttrois chefs-d’œuvre dont la liste, selon les attributions de l’époque, donne le vertige : vingt-sept Carrache, vingt et un Titien, dix-neuf Véronèse, douze Tintoret, douze Raphaël, douze Poussin, neuf Téniers, sept Corrège, sept Rubens, six Reni, six Rembrandt, six Parmesan, trois Caravage, deux Vinci, deux Champaigne, deux Michel-Ange, un Bellini, un Clouet et un Lorrain1026 . Comme son père, il poursuivit les travaux et les améliorations de sa demeure parisienne, et, comme ses parents, il était friand de théâtre et d’opéra1027 – leurs appartements, au Palais-Royal, communiquaient directement avec les loges ou la salle de théâtre1028. Après la mort de Monsieur, Philippe II confia à Antoine Coypel la décoration du plafond de la galerie qui, du fait de son iconographie, fut appelée « galerie d’Énée ». La voûte fut terminée en 1705, mais la décoration des murs fut achevée plus tardivement, à une date qu’il est impossible de préciser. Le décorateur Oppenordt1029 orna la galerie de trophées, de pilastres et de pyramides, ce qui accrut son prestige. Seulement décorateur au début de sa carrière, celui-ci devint

1024. Id., lettre du 26 juillet 1699, 1985, p. 178. 1025. Les négociations, commencées en 1713, furent longues et n’aboutirent qu’en 1721 (Petitfils, 1986, p. 282). 1026. Thomas, 2004, p. 99. 1027. Le Régent a même composé des opéras, dont l’un nous est parvenu. 1028. L’Académie royale de musique occupait, en plus, une aile du Palais-Royal (Petitfils, 1986, p. 34). 1029. Gilles-Marie Oppenordt (1672-1742).

ensuite architecte et fut nommé « directeur général des bâtiments et jardins » du duc d’Orléans. Saint-Simon raconte que Philippe II avait « magnifiquement accommodé et augmenté » son « grand appartement » à une date antérieure à 1713. En 1719-1720, certaines pièces du « petit appartement » furent reconstruites par Philippe II et elles aussi confiées à Oppenordt1030. Bien que Philippe II ait eu la plus grande fortune privée de France, avec un revenu annuel d’environ deux millions de livres, il éprouvait, à l’encontre de son flamboyant géniteur, peu d’intérêt pour la vie de cour, le rituel des grands dîners ou la collection d’objets en métal précieux. À la mort du grand roi, le Régent quitta immédiatement Versailles pour revenir à Paris ; le Palais-Royal devint non pas un palais de fêtes féeriques, comme au temps de son père, mais le siège du gouvernement. Pendant la Régence, Philippe II habitait le Palais-Royal, tandis que l’enfant-roi demeurait aux Tuileries, entouré de sa propre maison. Pour sa part, le Régent préférait les dîners en petit comité avec ses intimes, reflet du nouveau style de vie adopté par ses contemporains, rejetant l’étiquette formelle et la vie en perpétuelle représentation qui avait caractérisé la cour du Roi-Soleil. Il avait appris à faire la cuisine en Espagne et s’amusait à mettre la main à la pâte avec ses amis lors de dîners où il n’y avait ni cuisiniers ni domestiques. On peut facilement imaginer l’élégance de ce décor raffiné où brillaient la vaisselle, la porcelaine1031 et le cristal. Philippe II aimait se griser de champagne et ces soirées se terminaient souvent en parties fines et passades1032 . Si Monsieur a laissé beaucoup de dettes à sa mort, il légua plusieurs résidences magnifiques, somptueusement meublées et décorées. Parce que le faste de son père représentait déjà une époque révolue et que le Régent était plus attiré par tous les divertissements de la capitale que par les charmes d’un château à la campagne, SaintCloud devint une sorte de « belle au bois dormant ». Même indifférence envers Villers-Cotterêts1033 . Il entretint ces châteaux mais sans y faire de modifications. Il conserva Saint-Cloud pour sa femme et sa

1030. Sauvel, 1963, p. 105-106. 1031. Philippe, Régent, acheta pour Mme de Parabère, sa maîtresse, 1 800 000 livres de porcelaine (Petitfils, 1986, p. 259). 1032. Ibid., p. 255. 1033. En 1716, Saint-Simon suggère au Régent de passer Pâques au château de Villers-Cotterêts, lui rappelant « le nombre d’années qu’il ne l’avoit vu », mais celui-ci ne s’y rendit pas (SaintSimon, 1856-1858, t. XIII, p. 360).

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Philippe II d’Orléans, Régent

Fig. 156  Théière en porcelaine de Chine, décorée et montée en or à Paris, 1717-1722, H. 9,2 cm, Paris, musée du Louvre, OA 12237-2.

Fig. 157  Tasse et soucoupe en porcelaine de Chine, décorée et montée en or à Paris, 1717-1722, H. 4,5 cm, Paris, musée du Louvre, OA 2237-4.

Fig. 158  Sucrier en porcelaine de Chine, monture parisienne en or, 1717-1722, H. 7,8 cm, Paris, musée du Louvre, OA 12237-7.

Fig. 159  Flacon en cristal de roche et or, Paris, 17171722, H. 9,2 cm, Paris, musée du Louvre, OA 12237-8.

Fig. 160  Boîte à thé en or, Paris, 1717-1722, H. 7,4 cm, Paris, musée du Louvre, OA 12237-9.

Fig. 161  L’avers de la spatule d’une des cuillères du nécessaire (fig. 154), Paris, musée du Louvre, OA 12237-10.

Fig. 162  Paire de cuillères, vraisemblablement en vermeil et de fabrication parisienne des années 1717-1722, L. 13 cm, Paris, musée du Louvre, OA 12237-10 et OA 12237-11.

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Philippe II d’Orléans, Régent

Fig. 168  Attribuée à Jean Écosse (reçu en 1705), aiguière en argent, Paris, 1705, H. 29,9 cm, Boston, Museum of Fine Arts, inv. 1993.357. À la limite du poids permis pour les aiguières selon les lois somptuaires édictées par Louis XIV et confirmées ensuite par le Régent dans la déclaration de 1721, cette aiguière est un chefd’œuvre de l’orfèvrerie française par la perfection de ses proportions et de son ornementation. On déplore que son bassin ne soit pas parvenu jusqu’ à nous.

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Chapitre XIII

La S uccession du Régent Le Régent et l’argenterie du cardinal Dubois À l’instar de Mme de Maintenon, l’une des ascensions les plus fulgurantes et inattendues de toute l’histoire de France est celle de Guillaume Dubois (fig. 173), simple fils de médecin-apothicaire, né à Brive, en Limousin, en 16561104 : précepteur du jeune duc de Chartres, puis conseiller d’État (janvier 1716), membre du conseil des Affaires étrangères (mars 1717), archevêque de Cambrai (juin 1720), cardinal (juillet 1721), surintendant des Postes (novembre 1721) et, enfin, Premier ministre (août 1722)1105. Madame, en parlant du nouvel archevêque, écrivait : « Je puis vous assurer en vérité qu’il n’y a pas d’archifripon plus faux en toute la France que celui-là1106. » En plus de partager les rênes du pouvoir, cet infatigable travailleur civil devint – à la consternation de la haute aristocratie – cardinal. De ce fait, il fallait désormais lui donner du « Monseigneur », il était précédé par douze porteurs de flambeaux, il pouvait appeler le roi « mon cousin » et empochait chaque année 150 000 livres de rente1107. Son sacre fut célébré en grande pompe au Val-de-Grâce devant le Régent et toute la cour. La fête se termina par une somptueuse collation au Palais-Royal pour plusieurs centaines d’invités. On estime que ses revenus annuels s’élevaient, vers la fin de sa carrière, à quelque 574 000 livres1108. Comme son maître, Dubois était friand de tableaux. Sa collection d’antiques, de mobilier, de camées et d’argenterie passait pour l’une des plus importantes d’Europe et il sut profiter de la faillite de Law pour enrichir sa belle bibliothèque de celle du ministre des Finances démis de ses fonctions1109. 1104. À la fin de sa vie, il pouvait se prévaloir de nombreux titres : Sa Grandeur Guillaume Dubois, cardinal de la sainte Église romaine et apostolique, archevêque-duc de Cambrai, prince du Saint Empire et comte du Cambrésis, principal ministre, conseiller d’État, grand maître et surintendant général des Courses, Postes et Relais, membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des inscriptions, président de l’Assemblée générale du clergé de France et de la Compagnie des Indes, prieur de Brive, abbé d’Airvaux, de Saint-Just-en-Chaussée, de Nogent-sous-Coucy, de Saint-Riquier, de Bourgueil, de Cercamp, de Saint-Bertin et de Bergues-Saint-Winoc (Thomas, 2004, p. 227). 1105. Van der Cruysse, 1988, p. 600. 1106. Élisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, lettre du 16 novembre 1720, citée dans Van der Cruysse, 1988, p. 600. 1107. Thomas, 2004, p. 183, 187. 1108. Ibid., p. 199. 1109. Ibid., p. 203-204.

C’est évidemment la collection d’orfèvrerie du cardinal Dubois qui retient notre attention. À son décès, le 11 août 1723, il légua au Régent ses carrosses et toute son argenterie. Cette argenterie est répertoriée à la fin de l’inventaire après décès du Régent de 1724 : « Détail de toute la vaisselle d’argent gravée aux armes de S.A.R. Monseigneur le duc d’Orléans provenant de S.E. Monseigneur le Cardinal Dubois » (CD‑83). Le Régent, dans un geste élégant, n’accepta ce legs qu’après avoir indemnisé les héritiers, à concurrence de 152 065 livres 6 sols1110. Tout comme Louis XIII et Richelieu, morts à quelques mois d’intervalle, le Régent à son tour décéda le 2 décembre 1723, moins de quatre mois après son ancien précepteur1111. Dubois était un roturier parvenu et probablement a-t-il blasonné son argenterie à ses armes, au-dessus desquelles il a pu faire graver son tout nouveau chapeau de cardinal. Mais l’un des points les plus intéressants, au moment de cet accroissement important de la collection d’argenterie des Orléans, est le fait que, lorsque l’inventaire fut établi, quelques mois seulement après que toutes les pièces étaient passées dans la collection du Régent, elles étaient déjà gravées – ou re-gravées – aux armes du duc d’Orléans. L’argenterie du cardinal Dubois est intéressante à deux titres. Premièrement, comme nous n’avons pas les livres de comptes de Philippe II, nous sommes privé de toutes les informations concernant ses achats éventuels. Deuxièmement, les deux collections ayant été inventoriées simultanément, elles nous permettent de comparer les goûts et les besoins de ces deux personnages qui gouvernaient la France. L’argenterie de Dubois est incluse dans l’inventaire du Régent, mais, heureusement, elle fait l’objet d’un chapitre indépendant. Dans la Typologie, elle apparaît dans la colonne 1723 – quand le Régent en hérite. Celle du Régent est inscrite dans la colonne 1724 – date de son inventaire. Chaque ensemble est ainsi bien séparé et nous pouvons percevoir d’un simple coup d’œil les différences entre ces deux collections.

1110. Dans l’inventaire du Régent, cette argenterie est décrite comme celle qui a été « acquise des héritiers du feu Monsieur le Cardinal du Bois ». 1111. Thomas, 2004, p. 230-231.

Fig. 173  Hyacinthe Rigaud, Portrait du cardinal Guillaume Dubois, 1723, huile sur toile, 180,5 × 148 cm, Cleveland, Cleveland Museum of Art, inv. John L. Severance Fund 1967.17. Grâce au legs du cardinal Dubois au duc d’Orléans, nous avons le détail de toute son argenterie répertoriée dans l’inventaire après décès du Régent.

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Chapitre XIV

Les premiers S urtouts de table et les ducs d’Orléans Très peu de dessins d’orfèvres français sont parvenus jusqu’à nous, perte d’autant plus regrettable qu’ils ont existé en très grand nombre dans tous les ateliers, tant parisiens que provinciaux1132 . Un important ensemble a été récemment découvert qui, pour autant qu’on puisse le déterminer, proviendrait d’un même atelier orléanais ; un certain nombre de feuilles portent le sceau de la généralité d’Orléans1133. Allant du milieu du xviie siècle jusqu’au début du xixe siècle, ces dessins représentent le travail de plusieurs générations d’orfèvres1134. La plupart de ces dessins sont répartis entre des collections publiques et privées en France. Le premier groupe en compte soixantedeux, dont une sélection a déjà été publiée1135 . Le second groupe de soixante-quatorze, que l’on peut attribuer à ce même atelier avec les

précautions d’usage1136 , fut vendu aux enchères en 20111137. Le troisième groupe est divisé entre une collection particulière et le musée des Beaux-Arts d’Orléans1138 . Deux dessins de ce dernier groupe sont présentés ici. Parmi toutes ces feuilles, le grand dessin à la sanguine représentant un surtout de table (fig. 175) est des plus intéressants, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, on compte sur les doigts de la main les dessins illustrant les premiers surtouts de table français (avant 1730) ; ensuite, c’est le plus ancien de tous les dessins connus d’un surtout garni de l’ensemble de ses éléments ; enfin, ce surtout est surmonté de la couronne de prince du sang.

Le développement du surtout de table en France 1132. Dans le seul atelier de François Thomas Germain : « Il conservait dans son cabinet de sculpture plus de sept cents dessins d’orfèvrerie, classés dans des boîtes et des cartons ou reliés en volume : surtouts, terrines, pots à oille, toilettes, chandeliers etc… D’autres (une trentaine) encadrés ornaient son cabinet de travail. Les “traits et plans” qui leur correspondaient et permettaient de “conduire les ouvriers” emplissaient sept cartons » (Perrin, 1993, p. 46-47). 1133. Un autre élément permet d’établir l’origine de ces dessins : l’un d’eux est signé « Bardin » et porte l’inscription « Concours commencé à la fin de frimaire an 5e » (fin décembre 1796). Jean Bardin (1732-1809) était directeur de l’école de dessin d’Orléans et correspondant de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Bardin, qui jouissait d’une grande réputation à son époque, fut lauréat du premier prix de l’Académie royale en 1765 et reçu membre en 1779. Il fut aussi le maître de David et de Regnault. 1134. Ce groupe de dessins est probablement celui décrit par Pierre Jouvellier dans son ouvrage publié en 1986 : « On peut avoir une certaine idée de ce que pouvaient faire nos orfèvres [orléanais] dans ce genre [d’orfèvrerie religieuse], par les dessins que nous publions. Ils sont extraits d’un ensemble de dessins, généralement peu poussés, d’études plutôt, ou de projets, qui nous a été communiqué par Me Savot, commissaire-priseur à Orléans. Quelques papiers utilisés pour certains dessins permettent d’attribuer cet ensemble à un orfèvre d’Orléans, vers la fin du xviiie siècle. Un dossier de cet ensemble est formé de modèles de dessin et de dessins d’élèves de l’école gratuite de dessin d’Orléans ; l’un d’eux porte le nom de Florimond Béchard et la signature de Jean Baudin [sic pour Bardin], directeur de l’école. Nous avions pensé que ces feuillets provenaient de l’atelier de Jean-François Béchard, mais nous n’avions pas trouvé trace de Florimond » (Jouvellier, 1986, p. 50). Curieusement, et bien que Jouvellier affirme qu’une partie de ces dessins ont été publiés dans son livre, ils en sont apparemment absents. L’explication réside peut-être dans le fait que Jouvellier mourut avant l’achèvement de l’ouvrage, qui fut publié par Me Louis Savot ; ce dernier nous a aimablement fait savoir qu’il ne possède aucune photo des dessins vendus par lui qui auraient pu permettre la comparaison. (Communication écrite du 23 février 2005.) 1135. Les Orfèvres d’Orléans, 2003, p. 140-179.

Aucune pièce d’argenterie n’avait à cette époque une place aussi importante sur la table que le surtout. À l’encontre de nombre d’autres objets utilisés pour le service de la table, dont l’origine remonte souvent à la plus haute Antiquité, il est possible de déterminer avec précision l’apparition du surtout au cours du xviie siècle. Le service à la française comportait des règles précises concernant les changements d’assiettes et seuls quelques objets comme les chandeliers et les boîtes à épices1139 restaient sur la table tout au long du repas. Somptueuse « machine » souvent en argent 1136. Parmi ce lot figure une feuille tirée du même registre que le dessin du premier groupe reproduit dans le catalogue Les Orfèvres d’Orléans, 2003, p. 173, no 19, ce qui semble attester une provenance commune. Nous remercions M. Christian Musson pour cette précision. 1137. SVV Beaussant Lefèvre, vente du 10 juin 2011, lot 18. 1138. « Bilan des acquisitions 2007 – Ensemble de plus de cinquante dessins d’orfèvrerie, don de Paul Micio », Les Amis des musées d’Orléans, Bulletin no 28, 2008, p. 10. 1139. Parmi les douze « Marchands fournissans & Gens de Mêtier » de la maison de Monsieur figurait un marchand épicier (Besongne, 1682, article IX, p. 524).

Fig. 179, détail  L’orfèvre Delaunay désigne fièrement son surtout de table, vraisemblablement destiné au Grand Dauphin.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 175  Attribué à un atelier d’orfèvrerie orléanais, dessin de surtout de table, vers 1715-1723, sanguine, coll. part.

Fig. 176  François Massialot, « Machine, autrement dit Surtout, pour servir au milieu d’une grande Table, qu’on laisse pendant tous les Services », Le Nouveau Cuisinier royal et bourgeois, édition de 1712, Paris, BnF, ARS 8-S-9793.

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doré, regroupant au centre de la table tout ce qui était nécessaire, le surtout fut le couronnement de cette pratique. Dans l’édition de 1712 du Nouveau Cuisinier royal et bourgeois de Massialot figure la gravure d’une « Machine, autrement dit Surtout, pour servir au milieu d’une grande Table, qu’on laisse pendant tous les Services » (fig. 176). Cette gravure, plutôt maladroite, présente des formes caractéristiques du xviie siècle et il est à noter que la pièce au centre est agrémentée de bras de lumière. Massialot, qui était officier de bouche de Monsieur ainsi que de son fils, publia, dans sa Nouvelle Instruction pour les Confitures, une autre planche représentant une table mise pour le dessert sur laquelle figurent des fruits en pyramide et le même type de surtout de table, cette fois sans bras de lumière, mais rempli de fleurs (fig. 177). Cela montre, une fois de plus, la polyvalence dans l’emploi de l’orfèvrerie à l’époque, comme nous l’avons déjà vu chez Monsieur qui aimait tant présenter les fleurs dans de la vaisselle sur la table. Les livres de cuisine de Vincent La Chapelle et de François Massialot furent édités et réédités à maintes reprises au cours du xviiie siècle et certains


Les premiers surtouts de table et les ducs d’Orléans

Fig. 177  Gravure illustrant une table mise pour le dessert sur laquelle figurent des fruits en pyramide, Nouvelle Instruction pour les Confitures, les Liqueurs et les Fruits, par François Massialot, Paris, Claude Prudhomme, édition de 1715, Paris, BnF, 8-S-9799.

Fig. 178  Gravure  illustrant un « Surtout de table des plus leste pour les Desserts », Le Confiturier Royal ou Nouvelle Instruction pour les Confitures, les Liqueurs et les Fruits, par François Massialot, Paris, édition de 1776, Paris, BnF, V- 35245.

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Les premiers surtouts de table et les ducs d’Orléans

Fig. 186  Johann Ludwig Biller (1656-1732), surtout de table, Augsbourg, 1718-1720, argent, H. 71 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. 8615.

sang et bonnet de pair. Dans le chapitre V, nous avons mentionné la « Machine dorée d’une invention agréable » qui fit partie des fêtes données pour inaugurer Saint-Cloud en octobre 1678. Un autre récit de ces mêmes festivités décrit un assemblage d’éléments qui préfigurait les futurs surtouts de table et qui comprenait deux couronnes différentes : Le Gobelet du Roi1181 s’acquit beaucoup d’estime ; Car son service fut royal et magnanime : Il changea le service à chacun des repas ; La verdure & les fleurs, par ordre & par compas, Au milieu de la table étaloient un parterre Pareil à ceux que Flore émaille sur la terre ; La vue & l’odorat d’abord il surprenoit, De sa diversité l’ordre toujours plaisoit. Le soir qu’on arriva, d’une grace imprévue, On vit une couronne : elle étoit soutenue Par nombre de Dauphins qui pourroient [être] des Tritons.

Fig. 185 Marguerin Daigremont d’après Jean Berain, détail d’une gravure de surtout de table, avant 1711, The Metropolitan Museum of Art, Rogers Fund, 1915, transferred from the Library, 1921, inv. 21.36.141.f.

1181. On ne doit pas s’étonner que le Gobelet du roi assure le service chez Monsieur, coutume usuelle quand le roi dînait dans d’autres maisons que les siennes.

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Les premiers surtouts de table et les ducs d’Orléans

Fig. 194  Surtout de table, première moitié du xviiie siècle, bronze doré, 57,8 × 54,6 cm, Toledo, Ohio, The Toledo Museum of Art, inv. 1971-178. (Les plaques en marbre sur le plateau furent rajoutées postérieurement.)

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Chapitre XV

Les services de T oilette et les Orléans De même que pour les surtouts de table, le développement de la toilette en France (fig. 195) est indubitablement lié à la famille d’Orléans. Étant donné l’intérêt des documents concernant les services que nous avons étudiés ici pour la première fois, nous leur avons consacré un chapitre à part. L’histoire et l’usage des services de toilette ont été largement analysés et documentés ailleurs1248, et nous nous en tiendrons à l’étude des seules toilettes ayant appartenu aux Orléans. Grâce à la Typologie, il apparaît au premier coup d’œil que, tout au long de la période considérée, les femmes de cette famille ont toutes possédé un service de toilette ou, au moins, quelques éléments de celui-ci. Nous soulignerons d’abord une caractéristique de ces services : objets très coûteux, ils nécessitaient une quantité importante de métal précieux et, à l’instar des surtouts de table, ils furent touchés par les lois somptuaires.

Henriette-Marie de France Comme nous l’avons vu dans le chapitre VIII, il est difficile de dresser avec précision la liste des objets qui, à la suite du décès d’Henriette-Marie de France, retournèrent en Angleterre et ceux qui furent donnés à Henriette, bien que nous ayons la certitude qu’elle hérita de certains d’entre eux, dont le magnifique coffre en cristal de roche (fig. 112). Dans l’inventaire de 1625, établi au moment de son mariage, on trouve mention des objets de toilette en argent blanc sous la rubrique « besognes à la façon d’Espagne » : « Un petit bassin à pampe1249 « Une esquière « Quatre petites ferrières1250 1248. Voir, entre autres, Albainy, 1999 ; Bimbenet-Privat, 2002, t. II, p. 35-45 ; Carlier, 2004 ; Cavalié, 2008. 1249. C’est-à-dire pétales (Bimbenet-Privat, 2001, p. 182). 1250. « Ferrière, est aussi une grosse bouteille de métal, & ordinairement d’argent, dans laquelle on porte du vin chez le Roi. Elle est carrée, ou demi-ronde d’un côté, & plate de l’autre. On en

« Deux petites caisses carréés « Deux petites bouettes [boîtes] tournéés « Quatre boittes en ovalle « Une escriptoire à mettre les fers à friser « Un rechault à les faire chauffer « Un grand coffre couvert d’argent « Un grand mirouer d’argent « Trois pelottes garnies d’argent « Plus deux boittes en ovalle. » L’objet le plus intéressant dans ce groupe est évidemment l’« escriptoire à mettre les fers à friser » et le « rechault à les faire chauffer ». Il est probable que ces fers aient été utilisés pour faire des « anglaises ». Cette coiffure, bien que n’étant pas du goût de Pepys, comme nous l’avons signalé, était très à la mode à l’époque. À la fin de sa vie, elle possédait un autre service de toilette, cette fois en vermeil, inventorié à Colombes par les Anglais en 1669 : « In the Queen’s Toilett « Two great salvoes of silver guilt « One little one « Two quarrees of silver guilt « A silver guilt powder box « Two little silver guilt bottles, and one plaine one « Another powder box of silver guilt « Two little guilt boxes with the French armes upon them « A little guilt cup « A little enamel’ d box « A pin box or pin cushion « A great brush & a little one wth silver guilt handles « An estuys with forke, knife & spoone of gold « Two blew [sic] cush[ions]

orne les buffets, & les Dames en mettent de petites sur leurs toilettes ; elles sont remplies de fleur d’orange. La ferrière n’est différente du flacon que par la figure » (Trévoux, 1743-1752).

Fig. 195  Attribué à Jean-François de Troy (1659-1752), Dame à sa toilette recevant un cavalier, vers 1734, huile sur toile, 64,7 × 45,7 cm, Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City, Missouri, inv. 82-36/2.

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Les services de toilette et les Orléans

Fig. 196  Miroir (verso), Paris, 1684-1687, or, émail, pierres précieuses, 37 × 24,5 cm, coll. part. Fig. 196, détail  Travail minutieux de ciselure au verso du miroir en or.

Fig. 197  Miroir (recto), Paris, 1684-1687, or, émail, pierres précieuses, 37 × 24,5 cm, coll. part. Fig. 197, détail  Émail et pierres précieuses ornant la face du miroir en or.

la somme de trois mil soixante douze livres, cy … IIIm LXXII l. » Afin d’apprécier la qualité du travail de ce genre d’objet royal, nous mentionnons ici un miroir, lui aussi en or ciselé, qui est poinçonné plusieurs fois de la décharge de 1684-16871259, c’est-àdire à la veille même des désastreuses fontes de 1689 (fig. 196). À cette époque il est exceptionnel de trouver un poinçon de charge ou de décharge sur un objet en or mais on ne doit pas s’étonner du manque de poinçon de maître car les « orfèvres en or » de

Paris n’étaient obligés d’apposer leur poinçon personnel sur un objet qu’à une date beaucoup plus tardive, en 17211260. Malheureusement, jusqu’à présent, les archives sont muettes quant à la commande de cet objet qui aurait pu être un puissant présent diplomatique du monarque. La face de ce miroir est en or émaillé richement coloré sur un fond blanc et serti de pierres précieuses : diamants, rubis et éme-

1259. Bimbenet-Privat et Fontaines, 1995, p. 84, n° 236 (poinçon de décharge pour les plus petits ouvrages).

1260. Bimbenet-Privat et Plé, 2014.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 211  Bassin en argent doré, poinçonné de Nicolas Besnier, Paris, 1719.

Fig. 212  Nicolas Delaunay, détail d’un dessin de boîte à poudre pour le service de toilette de la comtesse Oxenstierna, vers 1696, 22,5 × 13,7 cm, Stockholm, Nationalmuseum, THC 843.

le fait que les deux coupes couvertes soient décrites dans l’inventaire comme « deux tasses couvertes », ce qui devrait nous rappeler combien on doit se méfier des termes dont le sens a évolué depuis trois cents ans. L’aiguière et le bassin (fig. 210 et détail) sont poinçonnés de la charge de 1717-1722, ainsi que de la jurande de 1719. Le bassin (fig. 211) est agrémenté des mêmes motifs décoratifs que celui de la duchesse d’Orléans conservé au Louvre, y compris des têtes joufflues à collerettes. On trouve ce zéphyr sur un dessin de boîte à poudre (vers 1696) de Nicolas Delaunay pour le service de toilette

Fig. 211, détail  Tête joufflue du bassin de Besnier. Cette même tête de vent se trouve sur les bassins réalisés par Besnier, d’après le modèle de Delaunay, pour l’ infante-reine (fiancée éphémère de Louis XV), pour la femme du Régent, ainsi que pour sa fille, la duchesse de Modène.

de la richissime Suédoise, la comtesse Oxenstierna 1304 (fig. 212). Le bassin en mains privées est marqué d’un poinçon de maître incomplet mais attribuable à Besnier et ce sont évidemment les modèles du même orfèvre avec les mêmes têtes joufflues sur les bouts des deux bassins dorés (fig. 205 et 211, détails). Nous avons vu, dans le chapitre précédent, les liens étroits qui existaient entre Delaunay et Besnier, aussi n’est-il pas surprenant que Besnier ait pu utiliser ce motif, étant donné son accès direct aux modèles de Delaunay.

1304. Walton, 1985, p. 200-201 ; Dee et Walton, 1988, p. 60-64.

266


Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 215  Nicolas Besnier, paire de boîtes à poudre, Paris, 1719, argent doré, 7,3 × 13 × 13 cm, coll. part.

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Fig. 216  Couvercle de la boîte à poudre au profil masculin.

Fig. 217  Couvercle de la boîte à poudre au profil féminin.

Fig 216, détail  Fleur de lys des armes de France qui figurent sur les couvercles.

Fig. 217, détail  Aigle des armes d’Este qui figurent sur les couvercles.


Les services de toilette et les Orléans

Fig. 218  « Quarré », Paris, 1719, 11,2 × 30,2 × 25,4 cm, coll. part.

Fig. 218, détail a  Couvercle du grand carré.

Des quatre « quarrés » répertoriés dans l’inventaire de la duchesse de Modène, celui-ci est le seul connu à ce jour.

Les armoiries du couvercle du grand carré sont entourées d’un riche décor de masquerons, de fleurs de lys et de palmettes.

Fig. 218, détail b Côté long du grand carré.

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Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Fig. 219  Nicolas Besnier, flacon, Paris, 1717-1722, argent doré, 20,2 × 6,8 × 6,8 cm, coll. part.

Fig. 220 Nicolas Delaunay, détail d’un dessin de flacon pour la toilette de la comtesse Oxenstierna, 28 × 10 cm, Stockholm, Nationalmuseum, inv. THC 851.

On connaît le dessin (à droite) depuis longtemps mais c’est la première fois que l’on arrive à mettre un flacon (à gauche) en rapport avec lui.

270

Fig. 219, détail a

Fig. 219, détail b

Allégorie sur l’un des pans du flacon qui dépeint une femme tenant une cloche, personnification de la musique et allégorie de l’harmonie. Le chien à ses pieds est une allusion à la fidélité conjugale.

Allégorie sur la face opposée du flacon qui dépeint une femme assise montrant du doigt un pélican qui s’ouvre la poitrine de son bec pour nourrir ses petits de son sang, allusion à l’amour maternel.


Les services de toilette et les Orléans

Fig. 225 Aiguière couverte, Manufacture de Saint-Cloud, vers 1730-1740, pâte tendre avec monture d’argent, H. 20 cm, bassin D. 22 cm, Rouen, Musée de la céramique, inv. C 1311/C 1312.

275


Fig. 226  « L’effondrement du château de Saint-Cloud, après le 13 octobre 1870 », Album Schneider, Department of Image Collections, National Gallery of Art Library, Washington, DC, inv. A244, vol. 1, pl. 9. Vue du salon de Mars, prise de l’antichambre des Grands Appartements. La galerie d’Apollon, détruite à jamais, est au fond.


Chapitre XVI

F in des collections des Orléans

La raison pour laquelle Monsieur fut « livré en pâture à la petite histoire plus qu’à la grande » ne tient pas à ses « mœurs particulières » mais plutôt à la destruction totale de toutes ses collections ainsi que de la demeure qui fut l’œuvre de sa vie (fig. 226). Le château de son frère est aujourd’hui visité chaque année par des millions de touristes, alors que Saint-Cloud n’est plus qu’un champ de verdure. Qui plus est, il ne reste que très peu de documents relatifs à Monsieur en comparaison de ceux qui concernent son frère. Comment se fait-il, pour ne citer que l’exemple le plus flagrant, que les nombreux invités au Palais-Royal et la presse de l’époque ne parlent pas une seule fois de l’exceptionnelle balustrade en argent, héritée de sa mère ? Cette lacune ne se limite pas à l’argenterie, car ce qui avait été conservé des magnifiques collections de tableaux de Monsieur et du Régent fut vendu en 1791 par Philippe Égalité1315 . Même constat en ce qui concerne la lignée des Bourbons. Ainsi ne reste-t-il qu’une seule porcelaine dont on peut suivre la trace avec certitude dans les collections du Grand Dauphin, alors qu’il possédait en son temps des centaines de porcelaines orientales, dont quatre-vingt-quatre pièces qui faisaient partie des cadeaux offerts par les ambassadeurs du Siam1316 . Différence principale entre les collections des Bourbons et celles des Orléans, les possessions des Orléans étaient leurs biens propres, tandis que les collections royales appartenaient à la Couronne et, de ce fait, étaient inaliénables. Les Orléans pouvaient donc en disposer ou se délester de ce qui ne leur plaisait plus. Ce besoin de changement est succinctement évoqué, en 1740, dans la description des pierreries qui figure dans les débats relatifs à la succession du Régent : « On ne peut pas révoquer en doute que l’on a changé des diamans, bijoux et pierreries que Made la duchesse d’Orléans avoit dans le tems de son mariage, ou qu’on luy a donnés, c’est à dire que l’on en a composé de nouveaux ornements et que l’on en a ôté des anciens ou que mesme on les a supprimés pour en faire de nouveaux à mesure des modes qui se sont introduites1317. »

1315. Petitfils, 1986, p. 283. 1316. Watson et Whitehead, 1991, p. 16. 1317. AN, AP 300 I 116, no 96, ffos 5 vo-6 ro.

Monsieur a pourtant légué deux choses importantes qui se sont transmises jusqu’à nos jours. La première est le fait qu’il fut le plus prolifique géniteur de la noblesse européenne de son temps, il le fut paradoxalement beaucoup plus que son frère et ce, en dépit de son orientation. De ce fait, la plupart des têtes couronnées descendirent de lui1318 et, par le jeu des alliances politiques souvent consanguines, il fut l’ancêtre de Louis XVI aussi bien que de Marie-Antoinette1319. Ironie du sort, quand la lignée Bourbon française s’éteignit au xixe siècle1320 , les droits passèrent aux Orléans. Le second de ses legs est que, comme nous l’avons vu, grâce à son Conseil, à d’astucieux placements, à de profondes réformes et à une excellente gestion, Monsieur fit d’un maigre apanage ce qui allait devenir la plus grande fortune privée de France. Bien qu’il soit impossible de déterminer la part réelle qui revient à Monsieur dans le choix des décisions, il reste néanmoins que, sous sa direction, la fortune des Orléans allait croître progressivement, surtout au xviiie siècle. Son arrière-arrière-petit-fils, Louis-Philippe-Joseph, Philippe Égalité, fut, après le roi, le plus grand propriétaire terrien ; il possédait un revenu annuel de plus de 7 millions de livres1321, les apanages seuls rapportant 4 368 000 livres1322 . La fortune de Philippe Égalité était, en effet, plus importante que celle des deux frères de Louis XVI, les comtes d’Artois et de Provence1323 , et elle fut suffisante pour lui permettre de satisfaire son goût pour la politique, créer un puissant parti d’opposition à la Couronne et jouer un rôle dans la Révolution naissante. Il vota la mort du roi, ce qui ne l’empêcha pas de monter à son tour sur l’échafaud le 6 novembre 1793. Il était le dernier des ducs d’Orléans de l’Ancien Régime.

1318. La conséquence de ces mariages consanguins est ressentie jusqu’à nos jours : Michel de Grèce, par exemple, descend de Louis-Philippe (et donc de Monsieur) par quatre de ces alliances familiales (Michel de Grèce, 2004, p. 112-113). 1319. Du fait de son premier mariage avec Henriette d’Angleterre, sa petite-fille était duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV et arrière-grand-mère de Louis XVI ; du second, avec la princesse Palatine, son petit-fils était François III (duc de Lorraine, empereur du Saint Empire romain germanique, époux de Marie-Thérèse), père de Marie-Antoinette. 1320. Le comte de Chambord, dernier descendant légitime de Louis XIV, s’éteignit le 24 août 1883. 1321. Hyslop, 1965, p. 77, cité dans Barker, 1989, p. 240. 1322. AN, R4 268, cité dans ibid., p. 293, note 18. 1323. Ibid., p. 240.

277


Les Collections de Monsieur, frère de Louis XIV

Louis XIV obligea Monsieur, ainsi que le jeune duc de Chartres, à quitter le métier des armes, où ils excellaient, pour les plonger dans une vie désœuvrée à la cour. Ils furent de ce fait condamnés à ce que Saint-Simon appela « la plus molle oisiveté1324 ». Ils trouvèrent refuge dans les plaisirs et la débauche, et se divertirent en constituant des collections, celles de Monsieur touchant à plusieurs domaines alors que celles du Régent concernaient plutôt la peinture. On a tendance à attribuer la perte de l’argenterie française à Louis XIV et à la Révolution, et c’est en partie exact. Mais les collections des Orléans furent dilapidées bien avant 1789. Ce goût constamment changeant, propre à l’aristocratie française, fit que chaque génération n’hésita pas à vendre ou à envoyer à la fonte ce dont elle avait hérité, ce qui ne lui plaisait plus, ce qui était usé ou simplement ce qui lui paraissait démodé. Ce besoin de détruire pour être à la pointe de la mode fut bien stigmatisé par Louis-Sébastien Mercier, selon qui l’on « veut effacer son voisin1325 » par un luxe ruineux. Il décria encore : « Faut-il que la vaisselle soit de l’orfèvre à la mode, & qu’on refonde tous les ans son argenterie1326 ? » Monsieur en effet fit fondre l’orfèvrerie palatine et le Régent se hâta d’envoyer à la fonte l’argenterie qu’il venait d’hériter de sa mère et qui comprenait aussi celle de son père, dont la plus grande partie datait du xviie siècle1327. Nous avons remarqué aussi qu’après la mort du Régent, un état général des biens de sa veuve fut rédigé pour éviter toute confusion ou contestation dans la perspective d’une vente qui allait payer une partie des dettes. Stéphane Castelluccio a étudié l’histoire des collections des Orléans pour la période qui suit notre investigation et nous nous y référons pour nous aider à brosser un bref résumé de leur destin au xviiie siècle1328 . Le fils du Régent, Louis, fut vivement critiqué pour avoir dispersé la plus grande partie de la collection. À peine trois ans après sa mort furent vendus non seulement meubles en tout genre mais aussi la quasi-totalité des objets de pierres de couleur et de cristal de roche, sans parler des coquilles, porcelaines, bronzes et autres pièces jusque-là conservés à Saint-Cloud. Cette longue vente aux enchères eut lieu du 25 juin au 12 octobre 1726 et rapporta 295 875 livres1329. Les prix furent plus élevés que les estimations établies par les experts lors de l’inventaire après décès du Régent, ce qui montre qu’il y avait parmi l’assistance des connaisseurs et des marchands qui se rendaient bien compte de la valeur réelle des pièces. Ainsi Charles Cressent et André-Charles Boulle achetèrent-ils des meubles. Ce dernier profita également de la vente pour acquérir quelques objets, tel le reliquaire orné du bas-relief de la Vierge en argent provenant de l’arrière-cabinet. Le grand orfèvre Nicolas Besnier, qui, avec Claude (II) Ballin, fit l’estimation des objets en métal précieux du Régent, fut présent à la vente où il emporta un vase de cristal de roche monté en vermeil aux ornements d’or et de turquoises, certainement le numéro 3127 de l’inventaire : « Un grand vase de cristal de roche, forme antique,

1324. Saint-Simon, 1947-1961, t. II, p. 5. 1325. Mercier, 1783-1788, t. VII, chap. DLXXIII, p. 164. 1326. Ibid. 1327. AN, AP 300 I 751*, ffos 125 ro-127 vo. 1328. Castelluccio, 2002-2, p. 132-133. 1329. AN, R4 1065 ; AN, AP 300 I 760, procès-verbal de vente, cité dans Castelluccio, 2002-2, p. 132.

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garni de ses deux anses de bronze doré d’or moulu, garni par le pied et goulleau de cercles de vermeil orné de petits ornemens d’or par le pied et enrichi de petites turquoises enchâssées dans de l’or, prisé la somme de deux cens livres. » Tous les grands marchands de l’époque profitèrent de la vente : Régnier, Godin, Larin, Capet, Beauchamp, Marcelle, Drouard, Signard, Grillet, Le Gras, Thomas-Joachim Hébert, Charles de La Fresnaye et Maurissant. L’objet le plus coûteux de l’inventaire du Régent (le no 3118), une grande tasse ovale d’agate ornée de dauphins d’or émaillé, estimée 2 400 livres en 1724, fut acquis par Le Riche, qui la paya 3 200 livres. On se souviendra toujours du duc Louis-Philippe, fils de Louis, comme de celui qui a vendu Saint-Cloud à Louis XVI pour Marie-Antoinette1330 , en 1785, empochant la somme de 6 000 000 livres1331. Son fils, Louis-Philippe-Joseph, futur Philippe Égalité, tout aussi peu intéressé par les collections de famille, s’empressa de vendre tout ce qu’il put, immédiatement après la mort de son père, la même année1332 . Comme nous l’avons vu, il publia en 1786 un catalogue annonçant la vente des pierres gravées qui avaient été réunies avec tant de passion par la princesse Palatine. Cette collection, qui surpassait toutes les autres collections royales en Europe, partit pour la Russie en 1787. Non content de la liquidation des camées et des intailles, il fit vendre par la suite une grande partie des biens de famille : les équipages en 1785, le mobilier ainsi que des porcelaines et la garde-robe en 1786. Rien ne fut épargné, et ce fut bientôt le tour du cabinet d’histoire naturelle puis l’intégralité d’une salle de spectacle, décor et mobilier compris. Suivirent des meubles d’étoffe, de menuiserie et d’ébénisterie, sans parler des bronzes. En 1788, selon l’annonce de la vente, il mit aux enchères ce qui restait, des « tapisseries des Gobelins, dont quelques-unes rehaussées en or, porcelaines d’ornement, partie garnies en vermeil et en bronze doré1333 ». On peut dire qu’au moment de la Révolution, à l’exception des gemmes léguées à Louis XIV par Gaston, des pierres gravées vendues à Catherine II et de quelques rares objets qui étaient déjà à l’abri hors de France, il ne restait quasiment rien des magnifiques collections des Orléans rassemblées avant 1725. Insulte finale, en octobre 1793, selon le décret de la Convention, les tombeaux royaux furent tous saccagés dans la crypte de Saint-Denis pour en extraire le plomb des cercueils. Les corps de Monsieur, d’Henriette d’Angleterre, de la princesse Palatine et du

1330. La promesse de vente fut signée le 24 octobre 1784, à Versailles, et le contrat était libellé au nom de la reine (Montenay, 2005, p. 86). 1331. En plus du château, dépendances et parc de Saint-Cloud, l’acte stipulait que le duc d’Orléans céderait également « les meubles meublants et effets… à la réserve du linge, argenterie, batterie de cuisine, bois, provisions de bouche, portraits de famille… » (AN O1 3870, cité dans ibid.). 1332. Grace Dalrymple Elliott nous a laissé ce portrait de Louis-Philippe-Joseph d’Orléans, dont elle fut la maîtresse : « Ce prince était un homme de plaisir, qui ne pouvait supporter ni embarras ni affaire d’aucun genre ; il ne lisait jamais et ne s’occupait de rien que de son amusement » (Elliott, 2001, p. 25). 1333. Annonce de vente, citée dans Castelluccio, 2002-2, p. 133.


Fin des collections des Orléans

Fig. 227  Le Château de Saint-Cloud en ruine, photographie anonyme vers 1871, musée d’Orsay, inv. Pho1984-103-7-2. Le chef-d’œuvre de Monsieur, bombardé, brûlé et ruiné avant sa disparition définitive en 1892.

Régent vinrent rejoindre les autres membres de la famille royale dans la fosse commune1334 .

demeure, mais on choisit de la raser en 1892. En Russie, après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux palais étaient aussi détériorés, mais les Russes préférèrent les remettre en état plutôt que de détruire leur patrimoine.

L’argenterie, les objets et bijoux que Monsieur avait réunis avec tant de soin ont complètement disparu et son seul héritage architectural, Saint-Cloud, fut incendié par un obus en 1870, pendant la guerre franco-prussienne (fig. 227). Comme l’a constaté Théophile Gautier, « on ne peut, sans l’avoir vu, se faire l’idée d’un pareil désastre, et l’on devrait garder Saint-Cloud comme une Pompéi de la destruction1335 ». On aurait pu restaurer cette

Pour clore cet ouvrage, nous laissons le dernier mot à Mercier qui résume parfaitement non seulement le sort des collections des Orléans, mais aussi celui de toute l’orfèvrerie française : « Chaque siècle a son moule qui passe de mode, Tout s’y jette ; on le change : les deux siècles n’ont presque plus la même physionomie1336 . »

1334. La Batut, 1927, p. 299. 1335. Théophile Gautier, Tableaux de siège, mars 1871, cité dans Le Bail et Austin, 2013, p. 12.

1336. Mercier, 1783-1788, t. IV, chap. DLV, p. 51.

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Quatrième partie

Annexes complĂŠmentaires


Annexe I

Typologie par objet et par date (1625-1724)

Bien que nous ayons exclu les objets en pierre dure, nous avons inclus les tabatières de tout genre. Nous avons admis les quelques salières et objets de toilette réalisés en cristal de roche ou en agate quand ils sont garnis en métal précieux, de façon à donner un tableau complet des éléments constitutifs d’un service de table ou de toilette.

L’ordre que nous avons adopté pour présenter chaque type d’objet est : d’abord les objets en argent ou sans autres indications précises ; puis par couleur de métal (vermeil, or) ; ensuite par taille (du plus petit au plus grand) ; et finalement par précisions qualitatives, e. g. : cuillère (argent ou sans précisions) cuillère (vermeil) cuillère (or) cuillère, petite cuillère, petite (vermeil) cuillère, petite (or) cuillère, grande, etc. cuillère à olives cuillère à ragoût.

Il faut se méfier de certains termes, comme « lustre », qui pouvaient avoir des significations différentes : il pouvait s’agir d’un lustre, tel que nous l’entendons, mais aussi d’appliques murales, comme dans les « Trois lustres à mirouir garnis de leurs bordures ». De même « chandelier », qui pouvait aussi être suspendu, même si l’on a parfois la mention « chandelier à pendre ».

Les années des inventaires mentionnées ci-dessous sont celles que l’on retrouve dans la Typologie ; les transcriptions des inventaires correspondants se trouvent sur le CD d’accompagnement. Les deux inventaires d’HenrietteMarie faits par les Anglais au même moment, en 1669, sont groupés ensemble dans la Typologie.

Pour établir cette Typologie, nous avons utilisé les quinze inventaires dépouillés des collections de Monsieur et de sa famille qui s’échelonnent sur un siècle exactement, de 1625 à 1724. Ne sont mentionnés que les objets en argent, en vermeil ou en or. Les objets simplement « garnis » d’argent, de vermeil ou d’or n’ont pas été retenus, à l’exception des miroirs, qui font souvent partie intégrante des services de toilette. De la même façon, les bijoux, excepté les montres, ne sont pas pris en compte.

Les deux inventaires d’Henriette-Marie, établis par les envoyés de Charles II, en 1669, à Colombes et à Chaillot, sont en anglais. Quelques approximations ont été nécessaires pour traduire le plus exactement possible ce qui est décrit dans un anglais du xviie siècle. Chaque fois qu’un objet est mentionné comme d’origine étrangère, nous le signalons. En ce qui concerne la dot et l’héritage de la Palatine, la plupart de ces objets étaient probablement d’origine allemande, mais, en l’absence de précision, nous n’avons émis aucune hypothèse à ce propos. Le problème des aiguières, qui avaient habituellement leur bassin (souvent confondu avec des jattes), est un peu plus complexe, car ces ensembles ont souvent été dépareillés et le nombre des bassins ou des jattes est plus important que celui des aiguières. La parité n’étant pas toujours respectée, nous avons choisi de classer ces deux types d’objets séparément. Dans la Typologie, la classification se fait d’abord par type d’objet, mais certains articles, comme les mouchettes et porte-mouchettes, restent groupés. Pour les mêmes raisons, les objets faisant partie d’un seul type, tels les chapelles, filigranes, surtouts, toilettes ou apothicaireries, sont classés ensemble.

1625 – Dot d’Henriette-Marie. 1666 – Héritage d’Anne d’Autriche : biens légués à Monsieur. 1669 – Inventaire des biens d’Henriette-Marie à Colombes, fait par les Anglais. 1669 – Inventaire de la vaisselle d’Henriette-Marie à Chaillot, fait par les Anglais. 1671 – Inventaire après décès d’Henriette d’Angleterre. 1672 – Dot de la princesse Palatine. 1686 – Héritage de la princesse Palatine. 1689 – Inventaire après décès de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne. 1696 – Inventaire d’Élisabeth d’Orléans, duchesse de Guise. 1701 – Inventaire après décès de Monsieur, frère du roi. 1702 – Inventaire après décès du chevalier de Lorraine. 1719 – Inventaire après décès de Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, duchesse de Berry. 1722 – Inventaire après décès de la princesse Palatine. 1723 – Inventaire de la vaisselle du Régent provenant du cardinal Dubois. 1724 – Inventaire après décès du Régent.

Double-page précédente : fig. 228 Famille des Perelle, La Fontaine de Rocaille et les Goulettes de St Cloû et Les petites cascades de St Cloû, fin XVIIe siècle, estampe, 19 × 27,5 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, inv. RecueildegravureGrosseuvre140.

282


ITEM 1625 1666 1669 1671 1672 1686 1689 1696 1701 1702 1719 1722 1723 1724 Aiguière 1 3 5 4 10 3 4 6 6 12 Aiguière (en partie dorée) 5 Aiguière (vermeil) 1 15 3 1 1 Aiguière (or) 1 Aiguière, petite (vermeil, garnie d’hyacinthes) 1 Aiguière, grande (vermeil, garnie d’hyacinthes) 1 Aiguille (de tablette) 2 1 Aiguille (or) 1 Apothicaire - Bassin, grand, couvert 1 Apothicaire - Biberon (vermeil) 1 Apothicaire - Écuelle 2 Apothicaire - Gobelet couvert 3 Apothicaire - Spatule 1 Apothicaire - Tasse à médecine (vermeil) 1 Arrosoir (de cuisine) 2 1 1 Assiette (sans précisions) 11 56 24 24 154 20 170 Assiette (vermeil) 24 49 11 2 52 63 56 121 Assiette (vermeil d’Allemagne) 6 16 10 Assiette (or) 9 30 12 Assiette, petite 30 Assiette, petite (vermeil, garnie d’hyacinthes) 6 Assiette, grande, à volaille (vermeil, garnie d’hyacinthes) 6 Assiette, à découper (vermeil) 6 Assiette, à découper (vermeil, garni d’hyacinthes) 12 Assiette, à pans 72 Assiette, à plat (vermeil) 6 Assiette, carrée 2 Assiette, creuse 20 12 Assiette, creuse (vermeil) 3 Assiette, creuse (vermeil d’Allemagne) 2 Assiette de couvert (ou de table) 219 96 35 Assiette de couvert (vermeil) 36 Assiette de couvert, petite (vermeil) 11 Assiette de couvert, petite (vermeil d’Allemagne) 12 Assiette de couvert, grande (vermeil d’Allemagne) 12 Assiette de fond 43 5 23 Assiette de fond (vermeil) 3 3 Assiette, ronde 84 Assiette volante 2 29 4 3 Assiette volante, petite 28 Assiette volante, grande 4 Baguier 1 Balustrade d’argent 1 1 Banquette (argent d’Allemagne) Le sens de ce mot demeure introuvable. 2 Voir aussi plus loin : 14 pots à blanquettes Baril à moutarde 2 Baril à moutarde (vermeil) 2 Bassin (sans précisions) 1 1 4 1 8 Bassin (vermeil) 2 1 Bassin (vermeil d’Allemagne) 3 283


Annexe II

Glossaire Les mots qui figurent dans ce glossaire sont ceux rencontrés au cours de notre recherche dont la signification est très technique ou l’usage passé depuis longtemps. Nous avons essayé, chaque fois que possible, de retrouver leur signification, mais, en dépit de tous nos efforts, certains termes ont gardé leur mystère. Ils figurent néanmoins dans ce glossaire, en espérant que d’autres chercheurs compléteront ce travail. Après chaque définition, séparée par une barre oblique ( / ), nous indiquons la date et le document dans lequel nous avons rencontré le terme pour la première fois. Puis, si la description a un intérêt particulier, nous la citons aussi. La plupart des définitions que nous avons trouvées proviennent des sources ci-dessous, citées en abrégé. LÉGENDES A Catherine Arminjon, Objets civils domestiques, Paris, 1984 AB Catherine Arminjon et Michèle Bilimoff, L’Art du métal, Paris, 1998 AC Dictionnaire de l’Académie française, Paris, édition de 1762 AF Dictionnaire de l’Académie française, Paris, première édition, 1694 BP Michèle Bimbenet-Privat, Les Orfèvres et l’orfèvrerie de Paris…, Paris, 2002 F Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye, 1690

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GM Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique…, Paris, 1694 H Henry Havard, Dictionnaire de l’ameublement…, Paris, 1887-1890 L Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, 1872 et supplément de 1877 LC La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de l’ancien langage françois…, Niort et Paris, œuvre posthume publiée en 1875-1882 MC Inventaire général des meubles de la Couronne, AN, O1 3330-3363 MG Mercure galant PV Primi Visconti, Mémoires, Paris, œuvre posthume, éd. de 1988 R Pierre Richelet, Dictionnaire de la langue françoise ancienne et moderne, Genève, 1680 ST Supplément au Dictionnaire de Trévoux, Paris, 1752 T Trévoux, Dictionnaire universel françois et latin, Paris, 1743-1752 TC Thomas Corneille, Dictionnaire des arts et des sciences, Paris, 1694 VG Victor Gay, Glossaire archéologique, Paris, 1887 Afin d’éviter de répéter « inventaire » à chaque fois que nécessaire, on dit, par exemple, « Monsieur, 1701 », pour indiquer l’inventaire après décès de Monsieur, fait en 1701.


agaçante (s. f.) Sens exact introuvable. / MG, juillet 1689, p. 186 : « Une agaçante de diamans. » agrément (s. m.) « Agrément, se dit aussi de quelques ornemens qu’on met sur un habit, sur un visage. Ornatus, ornamentum, munditia. Un passepoil, un petit galon d’or, est un agrément sur un habit. Ce qui se dit particulièrement en broderie, des ouvrages de paillettes, de grains faits de bouillons, ou de petits points noués, quand ils sont bien assis, & donnent de la grace à la besogne. Une mouche qui n’est pas mise par nécessité sur un visage, s’appelle un agrément. Les Perruquiers appellent aussi agrément les cheveux bouclés qui accompagnent les temples [sic pour tempes] ; parce qu’ils donnent un air plus agréable au visage. » (T) / MG, octobre 1698, p. 260 : « Mariage d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans. » amande (s. f.) « Les Lapidaires & Miroitiers appellent aussi Amandes, les morceaux de crystal de roche, ou de crystal fondu, qu’ils ont taillés au rouet, d’une figure approchante de ce fruit. On s’en sert dans la monture des lustres de crystal, à en faire des pendans qu’on mêle avec les boules. » (T) / Régent, 1724, no 3246. apprestat, aprétador, aprestador, apprétador ou prestador (s. m.) « C’est un ornement que les Dames portoient sur leurs testes : par exemple, un filet de perles, ou une petite chaisne de diamants, ou quelqu’autre chose semblable. De l’Espagnol aprétador : qui signifie la mesme chose, & qui a été fait d’apretar, qui signifie étreindre, serrer. Ce mot est nouveau en France : & ça été la Reine Anne d’Autriche qui l’y a apporté. Il n’est présantement comme plus en usage. » (GM) / Henriette-Marie, 1625, fo 56 vo (comme « aprestador ») ; inv. des pierreries de Marie-Louise d’Orléans, 1679 (comme « prestador »). argent d’Allemagne (s. m.) Titre employé en Allemagne, en Alsace et à Montbéliard de 9 deniers, 20 grains, au remède de 2 grains. (Brault-Lerch, 1976, p. 116.) argent haché (s. m.) Argenture au mercure. (AB, p. 277, 347) / Régent, 1724, no 3801, concernant les garnitures de carrosse : « le tout de fonte argentée d’argent haché ». assiette creuse (s. f.) « Les assiettes des conviés seront creuses aussi afin que l’on puisse se présenter du potage et sen servir à soi-même ce que chacun en désirera manger sans prendre cuillerée à cuillerée dans le plat, à cause du dégout que l’on peut avoir les uns des autres de la cuilliere qui au sortir de la bouche puisera dans le plat sans l’essuyer auparavant. » (N. Bonefons, Les Délices de la campagne, édition de 1673, p. 250, cité dans VG, 1887, I, p. 79) / Monsieur, 1701, no 1209. assiette volante (s. f.) « Une assiette d’entremets ou de ragousts, qu’on met ou qu’on oste sans changer le service de la table » (F) ; « L’assiette volante : […] certaines assiettes creuses que l’on sert entre les plats et où l’on met les entrées, les ragoûts » (AC, t. II, pl. 1464, cité dans AB, 1984, p. 90) ; « À

l’intérieur même du premier service [à la française], il arrive qu’on ajoute des petits potages et des secondes entrés, dites “petits” ou “grosses”, les petites prenant le nom d’assiettes volantes ou “hors-d'œuvre”. » (D. Michel, 1999, p. 204) / Monsieur, 1701, no 1390. attache (s. f.) « Le lien qui joint deux choses ensemble. Donnez moy une attache pour mettre à mes bas. On appelle des bas d’attache, de grands bas qui vont jusqu’au haut des cuisses, & qu’on attache à des trousses, ou à des culottes. » (F) / Henriette d’Angleterre, 1671, no 212. baguier (s. m.) « Petit coffre ou escrain où on serre les bagues & les pierreries. Il est divisé en plusieurs petites rayes ou sillons où on fourre l’anneau, ensorte qu’il ne paroist dehors que la pierre precieuse. » (F) / Anne d’Autriche, 1666, no 238. balais (adj.) « Qualité d’un rubis excellent. Ce nom vient de Balassia, qui est un Royaume en terre ferme entre Pegu & Bengala, où se trouvent ces rubis balais. » (F) / Henriette-Marie, Colombes, 1669, fo 195 vo. bandège (s. m.) « C’est ce qu’on appelle autrement cabaret, plateau, ou espèce de table à petits rebords, & ordinairement sans pieds, sur laquelle on met des tasses de caffé, des soucoupes, un sucrier, & des cuilliers lorsqu’on prend du thé, du caffé, ou du chocolat. Quatre grands bandeges garnis d’argent, ouvrage du Japon. Vingt-six sortes de bandeges du plus beau vernis du Japon. De Chaumont. Un bandege garni d’une caffetiere & de tout le petit meuble qu’il faut pour prendre du caffé. Merc. de Juin. 1720. On apporte ensuite des tasses de thé sur un bandege. A la Chine, au commencement du second service, chaque convié fait apporter par un de ses valets un bandege, où sont divers petits sacs de papier rouge, qui contiennent un peu d’argent pour le cuisinier, pour les maîtres d’hôtel, pour les comédiens (car dans les festins il y a toujours une comédie qu’on représente pendant le repas) & pour ceux qui servent à table. Les bandeges se portent devant le maître du logis. Observ. sur les Ecrits Mod. » (T) / MG, juillet 1689, p. 180, « Loterie offerte par Monsieur à Saint-Cloud » en mai 1689. banquette (s. f.) Sens introuvable. / Régent, 1724, no 2084 : « quatorze pots à banquettes et deux banquettes ». baril (s. m.) « Petit vaisseau de bois rond en forme de tonneau. On met le vinaigre, le verjus dans des barils. Menage derive ce mot de l’Italien barigle, qui a esté fait du Latin varra, à cause des petites barres qui sont aux barils. Du Cange le derive de l’Anglois baril. On a dit aussi barile & barillus dans la basse Latinité. Il vient de l’Espagnol barril, qui signifie proprement un vaisseau de terre qui a un grand ventre & un col étroit. » (F) / Monsieur, 1701, no 1212. barillet (s. m.) « Petit baril d’argent, d’yvoire, pour mettre des parfums ou autres choses precieuses. » (F) / Henriette d’Angleterre, 1671, no 288.

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Annexe III

Présentation des orfèvres joailliers, horlogers et marchands merciers qui travaillèrent pour la famille d’Orléans

Cette annexe se compose de trois brefs articles sur les artisans qui travaillèrent pour Gaston d’Orléans, pour Monsieur et Madame, pour le Régent et leurs familles, suivis de la liste de tous les orfèvres, joailliers, horlogers et marchands merciers à leur service que nous avons pu relever. Avant de présenter cette liste, nous préciserons certains aspects de nos recherches. Comme nous l’avons dit dans l’Introduction, les actes notariés pour les années 1660-1725 ne mentionnent aucun marché entre un orfèvre et les Orléans. Mais, en dépouillant systématiquement tous les actes, nous avons trouvé neuf marchés passés avec des personnes portant des noms qui pourraient être ceux d’un orfèvre : Janvier 1671 – marché : Pierre Regnier1342 et Jean Gobert à Monsieur duc d’Orléans. Janvier 1674 – marché : Pierre Prévost1343 à Mondict Seigneur [le duc d’Orléans]. Mars 1674 – marché : Nicolas Martin1344 à Monsieur. Octobre 1674 – devis et marché : Jean Girard1345 à Monsieur, duc d’Orléans. Avril 1675 – marché : Jean Girard à Monsieur, frère du Roy. Avril 1691 – marché : Pierre Prévost à la duchesse d’Orléans. Mai 1691 – marché : Pierre Prévost à Madame. Juin 1692 – deux marchés du même mois : Pierre Prévost à Monsieur. Pour comble de malchance, pratiquement toutes les liasses pour la période qui nous intéresse manquent dans les archives, à l’exception d’avril 1675 pour Jean Girard, ce qui nous permet de savoir qu’il s’agit d’un entrepreneur ayant travaillé à Saint-Cloud et non d’un orfèvre1346. En ce qui concerne les deux marchés de Pierre Prévost en juin 1692, il s’avère que la liasse en question ne commence qu’au 27 du mois et que l’on ne trouve pas trace de ces deux marchés non plus1347. Ces manques nous empêchent de savoir si, parmi les autres personnes citées dans ces actes, il a pu y avoir des orfèvres. Étant donné qu’aucun des noms cités n’est celui d’un grand orfèvre et que le seul que nous ayons pu vérifier est entrepreneur, il convient d’abandonner cette piste. Dans l’ensemble des actes, nous avons bien trouvé des quittances d’orfèvres, ainsi celles de Ballin, mais, encore une fois, aucune ne concerne les Orléans. Comment peut-on expliquer cette absence totale de trace de marchés ou de quittances alors que nous avons la preuve, par exemple, que Claude (II) Ballin était orfèvre ordinaire du Régent ? S’il est vrai que les Orléans ont acheté souvent sur stock, il est impossible qu’il n’ait pas été

1342. On trouve deux orfèvres nommés Pierre Regnier dont Pierre (I) Regnier, reçu en 1621 (Bimbenet-Privat, 2002, t. Ier, p. 489). 1343. Il y a trois maîtres orfèvres de ce nom, dont Pierre (III) Prévost, reçu en 1671, garde en 1716 (ibid., p. 483). 1344. Reçu en 1637 ; garde en 1666 (ibid., p. 439). 1345. Jean Girard, orfèvre protestant qui ne fut jamais reçu maître ; il travailla pour Louis de Bourbon, prince de Condé, à partir de 1646 ; il obtint des lettres de « denization » (naturalisation) à Londres en 1681 (ibid., p. 349).

passé de commandes particulières. On pourrait émettre trois hypothèses relatives à ces lacunes : 1. par une singulière coïncidence, dans les registres subsistants, tous les marchés de leurs commandes d'argenterie manquent ; 2. les ducs d’Orléans ne passaient pas de marchés à proprement parler pour leur argenterie ; 3. ils passaient des marchés sous seing privé, par exemple par le biais du chevalier de Lorraine qui, souvenons-nous, prenait des pots-de-vin « sur tous les marchés qui se faisaient chez Monsieur » (Saint-Simon).

Artisans qui travaillèrent pour Gaston d’Orléans et sa famille Bien qu’il ne soit pas possible d’associer le nom d’un orfèvre aux œuvres ayant appartenu à Gaston, nous pouvons au moins inclure dans la liste ci-dessous le nom de ceux qui travaillèrent pour lui qui nous sont connus. La plupart de ces artisans sont cités dans les éditions successives de l’État de la France. La Cour des Aides devait approuver les États de la maison du roi et celle des princes, ainsi que les traitements qui y figuraient. Ces registres furent répertoriés en 1872 par Jules Guiffrey mais, concernant la maison de Gaston, nous n’en avons les États que pour les années 1627 et 1641. En ce qui concerne Henriette-Marie de France et la Grande Mademoiselle, nous ne possédons que très peu de renseignements, mais nous connaissons au moins les noms de quelques orfèvres et joailliers ainsi que d’un horloger qui travaillèrent pour elles et qui figurent dans la liste ci-dessous1348.

Artisans qui travaillèrent pour Monsieur et Madame En rassemblant les informations contenues dans l’État de la France et les registres de la Cour des Aides, on parvient à retrouver les noms des orfèvres qui travaillèrent pour Monsieur et Madame et à quelles dates. D’autres informations complémentaires, recueillies dans la presse, entre autres sources, complètent cette liste. Grâce à la relation de la fête offerte au comte de Portland1349 en 1698, nous savons que l’orfèvre du roi, Nicolas Delaunay, travailla également pour Monsieur. En outre, nous avons vu dans le chapitre XV consacré aux services de toilette des Orléans que, au cours de la même année, Delaunay livra la toilette

1346. AN, min. cen., ET CXIII, 79, avril 1675. 1347. Ibid., 148, juin-juillet 1692. 1348. Toutes les références concernant la Grande Mademoiselle sont citées dans Guiffrey, 1872-2, p. 107. 1349. Hans Willem (dit John William) Bentinck, premier comte de Portland.

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que Monsieur lui avait commandée pour l’offrir à sa fille, Élisabeth-Charlotte, lors de son mariage avec le duc de Lorraine (CD-60). Un autre lien entre Delaunay et Monsieur se trouve dans un inventaire des biens de l’orfèvre qui fut établi après le décès de sa femme, Madeleine Ballin1350, nièce de Claude (I) Ballin, par le notaire Paul Ballin, frère de la défunte (CD-67). Ce document ne fut rédigé qu’à partir de 1705, alors que Mme Delaunay était décédée en 1702. Delaunay avait investi dans la construction du canal d’Orléans (voir le chap. II), autre exemple des rapports étroits entre le maître orfèvre et Monsieur. Parmi les papiers répertoriés, on trouve « un contrat de constitution de trois cents livres de rente fait au profit de Joachim Anger par les promesses de feu S. A. R. Monsieur duc d’Orléans sur le canal de transnavigation de la rivière de Loire ». Il semble que les rentes promises ne furent payées qu’avec beaucoup de retard. En 1705, Delaunay « est deub les arrérages de la rente de trois cent livres sur le canal d’Orléans à compter du premier janer MVIIc quatre1351 ». Les noms des orfèvres mentionnés dans les États de la France et les registres de la Cour des Aides comprennent l’époque de la jeunesse de Philippe Ier d’Orléans, avant le décès de Gaston en 1660, quand il était duc d’Anjou ; ainsi Luc Crousé, orfèvre, en 1655, avec 60 livres de gages1352. Jean Pittan est cité dans les années 1655 à 16771353 ; Thomas Merlin, en 16801354 ; Jean de Lens, dans les années 1682 à 16891355, puis son fils, François de Lens, jusqu’à la mort de Monsieur, en 1701, au moins1356. Un certain N. Gaillard est cité comme orfèvre de Monsieur en 16871357. Chacun de ces orfèvres ne recevait que 60 livres de gages annuels, ce qui autorise à penser qu’ils étaient seulement chargés de l’entretien de l’argenterie et que, pour toute pièce fabriquée pour Monsieur, il y avait un acte sous seing indépendant. Ce qui expliquerait que, dans l’inventaire de 1671 des biens communs d’Henriette d’Angleterre et de Monsieur, Pittan et Merlin soient nommés comme « débiteurs », ainsi que Pierre Courtet, pour des sommes non encore réglées. Par ailleurs, le 24 janvier 1701, la maison du roi autorisa Jean Gaillard, orfèvre et garde des pierreries de Madame (voir plus loin), à faire deux pots d’or pour le service de Monsieur1358. Parmi les autres personnes chargées de l’argenterie dans la maison de Monsieur, on trouve encore « deux contrôleurs généraux des menus de la

1350. Madeleine Ballin est la fille de Michel Ballin, peintre du roi († 1706), et sœur de Claude (II) Ballin (1661-1742). 1351. AN, min. cen., ET XLVIII, 24. 1352. Guiffrey, 1872-2, p. 101. Luc Crousé n’est pas répertorié dans les ouvrages de BimbenetPrivat (2002) ou de Nocq (1926-1931). 1353. En réalité, Pittan meurt le 5 février 1676. État de la France, 1665, t. Ier, p. 420 ; 1674, t. Ier, p. 435 ; 1677, t. Ier, p. 423 ; Jean Pittan est cité dans les registres de la Cour des Aides en 1669 (Guiffrey, 1872-2, p. 98). 1354. État de la France, 1680, t. Ier, p. 473. 1355. Id., 1682, t. Ier, p. 512 ; 1683, t. Ier, p. 537 ; 1684, t. Ier, p. 500 ; 1689, t. Ier, p. 686. 1356. Id., 1692, t. Ier, p. 724 ; 1694, t. Ier, p. 769 ; 1699, t. II, p. 119 ; registres de la Cour des Aides pour 1700-1701 (Guiffrey, 1872-2, p. 98). 1357. État de la France, 1687, t. Ier, p. 694. N. Gaillard n’est pas répertorié dans les ouvrages de Bimbenet-Privat (2002) ou de Nocq (1926-1931). 1358. Nocq, 1926-1931, t. II, p. 203 ; Bimbenet-Privat, 2002, t. Ier, p. 343. 1359. « Le sieur Fanet [sic, pour Favet, déjà en fonction depuis au moins 1663] et le sieur Jacques Bâtiste de Boinville » (État de la France, 1665, t. Ier, p. 414 ; 1672, t. Ier, p. 417 ; 1674, t. Ier, p. 429 ; 1677, t. Ier, p. 417 ; 1680, t. Ier, p. 467) ; « le sieur Favet et Jâque Bachelier sieur de Boinville » (id., 1682, t. Ier, p. 506 ; 1683, t. Ier, p. 531) ; « le sieur Favet & Philippe son fils, en survivance et Jâque Bachelier Sieur de Boinville » (id., 1684, t. Ier, p. 494 ; 1689, t. Ier, p. 681 ; 1692, t. Ier, p. 717-718 ; 1694, t. Ier, p. 762) ; « le Sr Michel Favet, & Philippe son fils, en survivance et le Sr Jâque Charle Cornet » (id., 1699, t. II, p. 113) ; ils touchaient tous 1 200 livres de gages annuels. 1360. « Jean Marquet » (id., 1665, t. Ier, p. 423 ; 1672, t. Ier, p. 426 ; 1674, t. Ier, p. 438 ; 1677, t. Ier, p. 425) ; « Pierre Marquet » (id. 1682, t. Ier, p. 515 ; 1683, t. Ier, p. 539 ; 1684, t. Ier, p. 502) ; « Nicolas Prud’hõme » (id., 1689, t. Ier, p. 689 ; 1692, t. Ier, p. 727) ; « Antoine Barberet Montandre » (id., 1699, t. II, p. 122) ; ils touchaient tous 600 livres de gages annuels. 1361. « Henry Joüan » (id., 1665, t. Ier p. 423) ; « Dominique La Lane, Sõmier de Vaisselle Ordinaire » (id., 1672, t. Ier, p. 427) ; « Philippe Lelong » (id., 1674, t. Ier, p. 438 ; 1677, t. Ier, p. 426) ; « Pierre de la Cire » (id., 1680, t. Ier, p. 477) ; « Geoffroy Varengot » (id., 1682, t. Ier, p. 516 ; 1683, t. Ier, p. 540) ; « Antoine Boriat, dit Baltazar » (id., 1684, t. Ier, p. 503) ; « René

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chambre, argenterie et écurie1359 » ; « un sommier de vaisselle ordinaire » appartenant à la « Paneterie, Bouche & Commun »1360 ; « un garde-vaisselle ou sommier de vaisselle ordinaire » appartenant à « l’Echansonnerie, Bouche & Commun »1361 ; « un garde vaisselle ordinaire » appartenant à la « Cuisine commune »1362 ; « un garde du cabinet des raretés1363 » et quatre « premiers valets de garderobe » servant par quartier (gages : 600 livres). Ces derniers avaient une situation de toute première importance : c’étaient eux qui avaient « les clefs des coffres ». En 1694 apparut un « sommier de vaisselle d’or ordinaire » qui appartenait à la « Paneterie-Bouche & Commun »1364. Dans le domaine de l’horlogerie, Pierre Séander, cité en 1660-1661, touchait 10 livres de gages1365. Denis Champion, qui faisait partie de la maison des ducs d’Orléans entre 1669 et 1707, est cité dans les registres de la Cour des Aides avec la mention « maître horloger à Paris1366 ». Un autre « orlogier1367 » et un « fourbisseur & enrichisseur d’armes1368 » figuraient parmi les douze « Marchands fournissans, & Gens de Mêtier ». Leurs salaires semblent ne pas avoir changé au fil des années : Jean Pittan touchait 60 livres de gages en 1665 et, soixante-deux ans plus tard, en 1727, les deux orfèvres du duc Louis d’Orléans, fils du Régent, touchaient toujours la même somme1369. Dès 1661, on apprend que Monsieur avait parmi ses serviteurs un « garde du Cabinet des Médailles », mais son nom reste inconnu. Le chevalier de Jant est mentionné comme « garde du cabinet des raretés » de 1665 à 1677, auquel succéda le grand marchand Louis Alvarez jusqu’en 1692. Son fils, Nicolas, n’eut pas le bénéfice de la survivance de la charge, probablement à la suite de la découverte de malversations paternelles. La charge de garde du cabinet des Raretés échut à Antoine du Tour pendant six ans, mais la famille Alvarez réapparut en la personne de François-Pierre, en 1698, puis de celle de Philippe, sieur de Laonville, en 1700, le dernier titulaire du vivant de Monsieur1370. La maison du duc d’Orléans fut la plus importante après celles du roi et de la reine, et le nombre considérable de serviteurs suppose une codification précise des emplois et de la hiérarchie. L’État de la France de 1689 note : « Vous remarquerés que les Chefs ou les Aides de Paneterie & EchansonerieBouche, les Ecurïers ou les Aides de Cuisine-Bouche ; quand Monsieur mange dans sa Chambre : ont l’hõneur de le servir, s’il ne se rencontre ny Premier Gentil hõme de la Chambre de Monsieur, ny Maître de la Garderobe, ny

Choinard » (id., 1689, t. Ier, p. 690 ; 1692, t. Ier, p. 728 ; 1694, t. Ier, p. 773) ; « Pierre Hubert des Aunets » (id., 1689, t. II, p. 122) ; ils touchaient tous 600 livres de gages annuels. 1362. « Christophle [sic] de Basseville [cité aussi comme “Barreville”], sr de Longpré » (id., 1665, t. Ier, p. 425 ; 1672, t. Ier, p. 429 ; 1674, t. Ier, p. 440 ; 1677, t. Ier, p. 428 ; 1680, t. Ier, p. 477 ; 1682, t. Ier, p. 517 ; 1683, t. Ier, p. 541 ; 1684, t. Ier, p. 504) ; « Christophle de Barreville, Sieur de Longpré, & Claude son fils à survivance », (id., 1689, t. Ier, p. 691 ; 1692, t. Ier, p. 729 ; 1694, t. Ier, p. 774 ; 1699, t. II, p. 123) ; tous avec gages de 600 livres annuels. Nota : dans un acte notarié du 26 avril 1675, le sieur de Longpré est cité comme « Basseville » et non pas « Barreville » (AN, min. cen., ET CXIII, 79). 1363. « François Belocq » en 1657 (Guiffrey, 1872-2, p. 100) ; « le sr Chevalier de Jant » (État de la France, 1665, t. Ier, p. 420 ; orthographié « Jam » en 1669 (Guiffrey, 1872-2, p. 98) ; État de la France, 1672, t. Ier, p. 423 ; 1674, t. Ier, p. 435 ; 1677, t. Ier, p. 422) ; « le sieur Loüis Alvarez, & Nicolas son fils à survivance », (id., 1680, t. Ier, p. 473 ; 1683, t. Ier, p. 536 ; 1684, t. Ier, p. 499500) ; « le sieur Antoine du Tour » (id., 1692, t. Ier, p. 724 ; 1694, t. Ier, p. 768) ; ils ont tous touché 1 200 livres de gages annuels. Il est à noter que, selon Guiffrey et sa recherche dans les registres de la Cour des Aides, Philippe Alvarès, sieur de Laonville, était garde du cabinet des raretés entre 1689 et 1700 ; en 1689, son fils, Nicolas, fut nommé à survivance (Guiffrey, 1872-2, p. 97). 1364. « Pierre-René Hubert », 600 livres de gages (État de la France, 1694, t. Ier, p. 772). 1365. Registres de la Cour des Aides (Guiffrey, 1872-2, p. 99). 1366. Ibid., p. 98. 1367. « Claude Mesnier » en 1655 avec 60 livres de gages (ibid., p. 101) ; « Pierre Séander, horloger », en 1660-1661, avec 60 livres de gages (ibid., p. 99) ; « Denys Champion » entre 1669 et 1706 avec 60 livres de gages, désigné comme « maître horloger à Paris » (ibid., p. 98 ; État de la France, 1672, t. Ier, p. 433 ; 1674, t. Ier, p. 445 ; 1677, t. Ier, p. 433 ; 1680, t. Ier, p. 484 ; 1683, t. Ier, p. 548 ; 1684, t. Ier, p. 511 ; 1689, t. Ier, p. 698 ; 1692, t. Ier, p. 73 ; 1699, t. II, p. 130). 1368. « Charles Seigneur » (id., 1672, t. Ier, p. 433 ; 1674, t. Ier, p. 446 ; 1677, t. Ier, p. 433 ; 1680, t. Ier, p. 484 ; 1683, t. Ier, p. 548 ; 1684, t. Ier, p. 511 ; 1689, t. Ier, p. 698 ; 1692, t. Ier, p. 73 ; 1699, t. II, p. 130). 1369. « Claude Charuet et Pierre-Jean Pierre fils » (id., 1727, t. II, p. 393). 1370. Castelluccio, 2002-2, p. 123.


Annexe IV

Repères chronologiques 1598 Édit de Nantes, fin des guerres de Religion 1608 Naissance de Gaston d’Orléans (25 avril) 1615 Mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche à Bordeaux (28 novembre) 1616 Mort de Shakespeare (23 avril) 1627 Naissance d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite « la Grande Mademoiselle », fille de Gaston d’Orléans et de Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier (29 mai) 1630 Premier ex-voto offert par les orfèvres à Notre-Dame, les « Mays » 1635 Naissance de Françoise d’Aubigné, future Mme de Maintenon (27 novembre) 1638 Naissance de Louis XIV (5 septembre) au château de Saint-Germain-en-Laye 1640 Naissance de Philippe d’Orléans, appelé duc d’Anjou, puis Monsieur, duc d’Orléans (1660-1701), au château de Saint-Germain-en-Laye (21 septembre) 1642 Mort de Richelieu (4 décembre) 1643 Mort de Louis XIII (14 mai) Naissance de Philippe de Lorraine-Armagnac, chevalier de Lorraine 1644 Naissance d’Henriette d’Angleterre, fille de Charles Ier et d’Henriette-Marie de France (16 juin) 1646 Henriette d’Angleterre arrive à Paris 1648 Baptême de Philippe d’Orléans en présence de la reine et de toute sa cour ; il eut pour parrain Gaston d’Orléans et pour marraine Henriette-Marie reine d’Angleterre (11 mai) Traité de Westphalie, entérinant la partition de l’Empire entre catholiques et protestants Fondation de l’Académie de peinture et de sculpture par Charles Le Brun 1649 Décapitation de Charles Ier d’Angleterre (30 janvier) 1651 Majorité de Louis XIV (6 septembre) 1652 Défaite de la Fronde Entrée triomphale de Louis XIV, qui s’installe au Louvre Naissance de la princesse électorale Élisabeth-Charlotte, future épouse, en secondes noces, de Philippe d’Orléans, frère du roi (27 mai) 322

1654 Abdication de Christine de Suède (11 mai) Sacre de Louis XIV à Reims (7 juin) 1656 Naissance à Brive, en Limousin, de Guillaume Dubois, futur précepteur et principal ministre du Régent (6 septembre) 1658 Philippe accorde sa protection à la troupe de Molière (la « troupe de Monsieur, frère unique du Roi ») ; en 1665, à la demande du roi, il cède à son frère la compagnie de Molière qui devient la « troupe du Roi », mais elle reste au Palais-Royal. Le roi achète Saint-Cloud pour Monsieur, alors âgé de dix-huit ans, moyennant 240 000 livres (26 octobre) Monsieur prend pour premier architecte Antoine Le Pautre 1659 Traité des Pyrénées mettant fin à la guerre entre la France et l’Espagne (7 novembre) Première lettre connue de la princesse Palatine (23 novembre) 1660 Charles II entre à Whitehall Mort de Gaston d’Orléans (2 février) Philippe acquiert les biens apanagers de la maison d’Orléans Mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche (3-9 juin 1660) 1661 Mort de Mazarin (9 mars) ; le même jour arrive la dispense du pape nécessaire aux mariages entre parents pour Monsieur et Henriette d’Angleterre Louis XIV déclare qu’il gouvernera lui-même sans Premier ministre (10 mars) Mariage de Monsieur (vingt et un ans) avec Henriette d’Angleterre (seize ans) (31 mars) Fête de Vaux (17 août) Arrestation de Fouquet à Nantes (5 septembre) Naissance de Monseigneur, le Grand Dauphin (1er novembre) Naissance de Charles II d’Espagne (6 novembre), futur époux de MarieLouise d’Orléans, fille de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre Mariage de Marguerite-Louise d’Orléans, fille de Gaston d’Orléans, et du futur grand-duc de Toscane, Côme III de Médicis ; en 1675, séparée de son mari, elle vit retirée à l’abbaye de Montmartre 1662 Monsieur et Henriette quittent les Tuileries pour habiter le Palais-Royal Grand carrousel qui laisse son nom à la place située entre Louvre et Tuileries Naissance de Marie-Louise d’Orléans (27 mars), fille de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre, appelée Mademoiselle, future reine d’Espagne, femme de Charles II 1664 Entre 1664 et 1665, Monsieur confie la construction de la Grande Cascade de Saint-Cloud à Antoine Le Pautre Henriette et Louis XIV acceptent d’être parrains du deuxième fils de Molière (février) Monsieur commande à Racine La Thébaïde pour Villers-Cotterêts Fêtes des Plaisirs de l’ île enchantée à Versailles (6-13 mai) Naissance de Philippe-Charles (16 juillet), fils de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre, premier duc de Valois ; il meurt en bas âge, le 8 décembre 1666


1665 La Grande Cascade de Le Pautre est achevée à Saint-Cloud Monsieur charge André Le Nôtre du dessin et de l’exécution des jardins du château de Saint-Cloud Séjour du Bernin en France (juin-octobre) Mort de Philippe IV d’Espagne (17 septembre) 1666 Mort d’Anne d’Autriche au Louvre (20 janvier) Édit instituant la manufacture royale des meubles de la Couronne Création de l’Académie de France à Rome 1667 Henriette accepte la dédicace d’Andromaque de Racine Gabriel Nicolas de La Reynie devient lieutenant général de police (15 mars) Début de la guerre de Dévolution (mai) Monsieur se distingue devant Tournai (mai-juin) Mme de Montespan devient la maîtresse de Louis XIV (juin) Monsieur obtient la seigneurie de Sèvres 1668 Traité d’Aix-la-Chapelle, fin de la guerre de Dévolution (2 mai) 1669 Signature d’un traité d’alliance entre l’Angleterre et les Provinces-Unies (23 janvier) Naissance d’Anne-Marie d’Orléans, fille de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre, appelée Mlle de Valois, future duchesse de Savoie (27 août) Mort d’Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre, à Colombes (10 septembre) Le roi d’Angleterre fait donation du château de Colombes à Monsieur et Madame (26 décembre) Mme de Montespan devient surintendante de la maison de la reine 1670 Monsieur fait construire un pavillon dissymétrique, luxueusement meublé, le Trianon de Saint-Cloud (devenu aujourd’hui pavillon de Breteuil après de multiples transformations) Madame (Henriette d’Angleterre) obtient l’arrestation du chevalier de Lorraine, envoyé à la prison de Pierre-Encise, près de Lyon (30 janvier) Départ d’Henriette, avec une suite de 230 personnes, pour l’Angleterre (24 mai) Ratification du traité secret de Douvres alliant la France et l’Angleterre contre la Hollande (12 juin) Mort d’Henriette d’Angleterre à Saint-Cloud (30 juin) ; accusations d’empoisonnement contre Monsieur 1671 Louis XIV passe la dernière nuit de sa vie à Paris (9 février) Monsieur reçoit le roi à Saint-Cloud (22 et 28 juillet) Abjuration et confession à Metz d’Élisabeth-Charlotte (15 novembre) Monsieur se remarie, par procuration, avec Élisabeth-Charlotte, princesse Palatine (16 novembre) Monsieur et Madame la Palatine se rencontrent à Châlons (20 novembre) Madame arrive à Saint-Germain (1er décembre) Madame visite Saint-Cloud et arrive au Palais-Royal (7 décembre)

1672 Louis XIV rappelle le chevalier de Lorraine (février) Début de la guerre de Hollande (6 avril) Monsieur quitte Paris pour la guerre en Hollande (28 avril) Passage du Rhin (12 juin) Conquête de Zutphen par Monsieur (25 juin) Monsieur rentre à Saint-Germain (1er août) Fête de Saint-Cloud (11 août) 1673 Début des Mémoires de Primi Visconti (1673-1681) Mort de Molière (17 février) Le roi et Monsieur assistent à la création de Cadmus et Hermione de Lully et Quinault, premier opéra français (27 avril) Naissance d’Alexandre-Louis, deuxième duc de Valois, premier fils de Monsieur et de la Palatine, qui meurt en bas âge (2 juin) Rentré de Flandre, Monsieur arrive au Palais-Royal (19 juillet) Joachim de Boisfranc est nommé trésorier de Monsieur Boisfranc reçoit Monsieur et Madame à Saint-Ouen (2 août) Colbert reçoit Monsieur et Madame à Sceaux (17 août)1468 Achat d’une maison pour agrandir Saint-Cloud, vendue 39 000 livres (12 décembre) 1674 Le roi érige la terre de Saint-Cloud en duché-pairie (avril) Première destruction française du Palatinat (juin-juillet) Incendie à Saint-Cloud Naissance de Philippe II d’Orléans, deuxième fils de Monsieur et de la princesse Palatine, titré de Chartres, puis duc d’Orléans (1701-1715), puis Régent (1715-1723), (3 août) 1675 Naissance de Saint-Simon (15-16 janvier) Turenne tué par un boulet de canon près de Sasbach (27 juillet) 1676 Mort d’Alexandre-Louis d’Orléans, deuxième duc de Valois, à l’âge de deux ans et demi ; Louis XIV refuse de maintenir au profit de Monsieur la pension de 150 000 livres accordée au petit prince défunt (16 mars) Monsieur rejoint à Pont-Sainte-Maxence le roi, qui va commander l’armée de Flandre (16 avril) Monsieur prend Bouchain (11 mai) Naissance d’Élisabeth-Charlotte, fille de Monsieur et de la Palatine, appelée « Mlle de Chartres », ou simplement « Mademoiselle » ; elle se marie en 1698 avec le duc de Lorraine (13 septembre) 1677 Monsieur part pour la Flandre (7 mars) Monsieur bat le prince Guillaume d’Orange à Cassel (11 avril) Monsieur prend Saint-Omer (20 avril) Naissance de Françoise-Marie de Bourbon, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, dite « Mlle de Blois », légitimée par le roi par lettres en 1681, future épouse de Philippe II d’Orléans (25 mai) Monsieur propose à Madame de faire chambre à part, ce qu’elle accepte volontiers (septembre) Guillaume d’Orange épouse à Londres la princesse Mary (4 novembre) Par lettres patentes, le roi donne à Monsieur la moitié de la seigneurie de Sèvres (décembre) 1678 Pierre Mignard, travaillant au plafond du salon de Mars à Saint-Cloud, trébuche

1468. Coïncidence ironique : le 17 août est le jour même choisi par son grand rival Fouquet pour la fête de Vaux, douze ans plus tôt.

323


Annexe V

Arbres généalogiques ARBRE GÉNÉALOGIQUE NO 11476

MAISON DE FRANCE

Henri IV († 1610) ép. Marie de Médicis (†1642) Louis XIII († 1643) ép. Anne d’Autriche († 1666)

Philippe Ier d’Orléans († 1701) ép. (1) Henriette d’Angeleterre ép. (2) Élisabeth-Charlotte

Louis XIV († 1715) ép. Marie-Thérèse d’Autriche

Louis, Grand Dauphin († 1711) ép. Marie-Anne de Bavière († 1690)

Louis, duc de Bourgogne († 1712) ép. Marie-Adélaïde de Savoie († 1712) Louis († 1712)

Louis XV († 1774)

Gaston, duc d’Orléans († 1660) ép. (1) Marie de Bourbon ép. (2) Marguerite de Lorraine

Marie-Louise († 1689) ép. Charles II d’Espagne

Charles, duc de Berry († 1714) ép. Élisabeth d’Orléans († 1719) Philippe, duc d’Anjou = Philippe V d’Espagne († 1746) ép. (1) Marie-Louise de Savoie ép. (2) Élisabeth Farnèse

Anne-Marie († 1728) ép. Victor-Amédée de Savoie

Marie-Adélaïde († 1712) ép. Louis, duc de Bourgogne

Marie-Louise († 1714) ép. Philippe V d’Espagne

Mlle de Montpensier († 1693)

Philippe II d’Orléans († 1723) ép. Mlle de Blois

1. Duchesse de Berry 2. Abbesse de Chelles 3. Duchesse de Modène 4. Louis d’Orléans 5. Mlle de Montpensier 6. Mlle de Beaujolais 7. Mlle de Chartres

trois filles, duchesses de Toscane, Guise et Savoie

Élisabeth-Charlotte († 1744) ép. Léopold de Lorraine

Franz-Stephan († 1765) ép. Marie-Thérèse

1476. Arbre généalogique tiré de Van der Cruysse, 1988, p. 630.

329


Bibliographie PRINCIPALES SOURCES MANUSCRITES

En france Archives départementales Archives départementales de Meurthe-et-Moselle B art. 1531 — Mémoire des cordages fait pour Madame la Duchesse de Lorraine depuis son départ par l’ordre de Monsieur Magny, son Contrôleur B art. 1556 — État des frais que j’ay faits à l’occasion du testament de feu Monsieur, et des légères substitutions qui y sont faites en faveur de Son Altesse Royale Madame [la duchesse de Lorraine] Archives départementales de Seine-et-Marne 120 JP 5 et 120 JP 10 — Papiers relatifs à la famille Cœuret (joaillier de Madame, duchesse d’Orléans) Archives départementales du Loir-et-Cher 1 B 282 — Scellés de Gaston d’Orléans du 3 février 1660

Archives diplomatiques du Quai d’Orsay Correspondance politique Lorraine, t. 50

Archives nationales

K 121B — Extrait du procès verbal fait après la pompe funèbre de feu S. A. R. Monsieur frère unique du Roy, des débris et dégâts faits en l’Église de l’abbaye de St Denis K 504, no 4 — Fragment d’un compte d’argenterie (1677) K 538 — Droits de succession de la Palatine K 541, no 4 — Quittance d’une somme de 160.319 livres 10 sols que Monsieur, duc d’Orléans, reconnaît avoir reçue de la reine-mère d’Angleterre, à l’occasion de son mariage avec Henriette d’Angleterre (22 avril 1665) K 541, no 5 — Quittance d’une somme de 14.000 livres que Monsieur, duc d’Orléans, reconnaît avoir reçue du roi d’Angleterre pour partie de la dot constituée à sa sœur, Henriette (22 avril 1665) K 541, no 6 — Mémoire des sommes restant à payer de la dot de Madame, sur le roi d’Angleterre (15 novembre 1670) K 541, no 7 — Mémoire de l’avocat Issaly montrant les droits de Madame, duchesse d’Orléans, sur la succession de la feue reine d’Angleterre, Henriette de France, sa mère (sans date). K 541, no 8 — Mémoire des sommes restant à payer par le roi d’Angleterre de la dot de feu sa sœur, Henriette, duchesse d’Orléans (sans date) K 541, no 11 — Quittance de Monsieur, duc d’Orléans, pour un collier de perles évalué à 40.000 livres, donné par le roi d’Angleterre à sa sœur HenrietteAnne (28 avril 1661) K 541, no 15 — Contrat de mariage entre Monsieur, duc d’Orléans, et Henriette-Anne d’Angleterre

AD+ 425 — Déclaration du 7 avril 1672 portant sur l’or et l’argent qui sera fabriqué et mis en œuvre par les orfèvres (déclaration qui inaugure le poinçon de charge)

K 542, no 5 — Inventaire après décès des meubles de Madame [Henriette-Anne d’Angleterre], communs entre elle et son mari Philippe d’Orléans (16 février 1671 ; copie incomplète)

AD+ 426 — Déclaration du 6 mai 1672 pour régler le poids et la qualité de la vaisselle d’or et d’argent

K 542, no 8 — Contrat de mariage de Monsieur et la princesse Palatine

AD+ 505 — Déclaration de février 1687, portant défense de fabriquer les piéces d’Orfévrerie qui y sont mentionées

K 542, no 10 — Estimation faitte par le sr Courtet de partie des pierreries que Madame [la princesse Palatine] a apportées [en France] et Inventaire des Pierreries, Bijoux et Vaisselle d’or et d’argent que Madame a apportés en France

AD+ 506 — Ordonnance, portant deffenses pour les Lotteries, à peine de saisie de Marchandises, dont les Lotteries seront composées (10 mars 1687) AD+ 522 — Déclaration du 10 décembre 1689 portant sur les louis d’or et pistoles d’Espagne AD+ 522 — Déclaration du 14 décembre 1689 portant sur les ouvrages et vaisselles d’or et d’argent AD+ 522 — Édit du Roy pour la fabrication de nouvelles espèces d’or et d’argent, et la réformation de celles qui ont cours à présent, enregistré le 15 décembre 1689 AD+ 598 — Déclaration du 20 mars 1700 contre le luxe AD+ 757 — Déclaration du 18 février 1720 concernant la vaisselle d’argent AD+ 768 — Déclaration du 23 novembre 1721 concernant la vaisselle d’argent K 121A — Procès-verbal du 10 décembre 1689 (fontes)

K 542, no 9 — Contrat de mariage de la princesse Palatine et Monsieur (1671)

K 542, no 14 — Quittance donnée par Monsieur et Madame à l’Électeur palatin, de la somme de 32.000 florins d’Allemagne, valeur monnoye de France, 64.000 l. pour la dot de Madame (24 novembre 1680) K 542, no 21 — Don à Monseigneur le duc d’Orléans de la somme de 252m l pour l’entretien de la Maison de Madame (7 décembre 1671) K 542, no 40 — Inventaire des pierreries et joyaux que Marie-Louise d’Orléans porte en Espagne suivi du reçu de don Alonso Carnero, secrétaire d’État à la Guerre (31 octobre 1679) K 542, no 44 — Inventaire des bijoux et garde-robe de la reine d’Espagne, Marie-Louise d’Orléans (octobre 1679) K 542, no 54 — Articles concernant le contrat de mariage de Mademoiselle avec Monsieur le duc de Savoye K 542, no 55 — Contrat de mariage de Mademoiselle avec Monsieur le duc de Savoye 333



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