Les Lys et la République. Henri, comte de Chambord (1820-1883). Œuvres choisies. (extrait)

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© Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © Domaine national de Chambord, 2013

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Éric Blanchard Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Contribution éditoriale : Marie Sanson Suivi éditorial : Christine Dodos-Ungerer

ISBN : 978-2-7572-0688-1 Dépôt légal : juin 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)


LES LYS ET LA RÉPUBLIQUE Henri, comte de Chambord (1820-1883) ŒUVRES CHOISIES


Cet ouvrage a été édité à l’occasion de l’exposition « Les Lys et la République. Henri, comte de Chambord (1820-1883) », organisée par le Domaine national de Chambord du 15 juin au 22 septembre 2013 Exposition placée sous le haut patronage de Monsieur Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale Gérard Larcher Président du conseil d’administration du Domaine national de Chambord Jean d’Haussonville Directeur général du Domaine national de Chambord

Commissariat de l’exposition Luc Forlivesi Conservateur en chef du Patrimoine, directeur du Patrimoine et des Publics Assisté de : Virginie Berdal Chargée de recherches Denis Grandemenge Régisseur des collections Christelle Turpin Gestionnaire administrative et financière

Communication

Chercheurs associés

Cécilie Munk Koefoed Chargée de communication Société Image Sept, Paris

Corinne Legoy Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Orléans

Comité scientifique Emmanuel de Waresquiel Ingénieur de recherche à l’École pratique des hautes études (Paris) – Président Jean d’Haussonville Directeur général du Domaine national de Chambord Luc Forlivesi Conservateur en chef du Patrimoine, directeur du Patrimoine et des Publics Éric Anceau Maître de conférences à l’université Paris-IV Sorbonne et à l’Institut d’études politiques (Paris)

Jacqueline du Pasquier Historienne de l’art, conservateur en chef honoraire du Patrimoine, directrice honoraire du musée des Arts décoratifs de Bordeaux Philip Mansel Historien, membre de l’Institute of Historical Research (Londres) Olivier Tort Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Artois Thibaut Trétout Doctorant à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne

Jean-Paul Bled Professeur émérite à l’université Paris-IV Sorbonne

Scénographie et conception graphique

Bruno Centorame Historien et historien de l’art

« Collectif Entre vous » Pierre Bonnerue, Gilles Puech, Olivier Schimmenti

Daniel de Montplaisir Historien, conseiller de l’Assemblée nationale Hilaire Multon Directeur du Musée d’archéologie nationale et du Domaine national de Saint-Germain-en-Laye


REMERCIEMENTS Que soient remerciées ici toutes les institutions et toutes les personnes qui, par leurs prêts ou leur soutien, ont contribué à la réussite de cette exposition : Avec la participation exceptionnelle du musée des Arts décoratifs de Bordeaux Mme Constance Rubini, directrice Mme Valérie de Raignac, régisseur des œuvres

Musée de la Chasse et de la Nature Claude d’Anthenaise, conservateur en chef, directeur Musées et Domaine nationaux de Compiègne et Blérancourt M. Emmanuel Starcky, directeur Musée de la Vénerie, Senlis Mme Marie-Bénédicte Astier-Dumarteau, conservatrice

Archives départementales d’Indre-et-Loire Mme Lydiane Gueit-Montchal, directrice

Musée des Beaux-Arts d’Orléans Mme Isabelle Klinka-Ballesteros, directrice

Archives départementales de Loir-et-Cher Mme Anne-Cécile Tizon-Germe, directrice

Musée du Louvre, Paris Jean-Luc Martinez, président-directeur

Archives nationales Mme Agnès Magnien, directrice

Musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie Mme Anne de Chefdebien, directrice

Bibliothèque nationale de France M. Bruno Racine, président M. Bruno Blasselle, directeur de la Bibliothèque de l’Arsenal Centre national des arts plastiques M. Richard Lagrange, directeur Établissement public du château, du musée et du Domaine national de Versailles Mme Catherine Pégard, présidente Mme Béatrix Saule, directrice du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie M. Guy Cogeval, président Évêché de Blois Mgr Philippe Verrier, curé de Chambord Médiathèque de l’architecture et du patrimoine M. Jean-Daniel Pariset, directeur Mobilier national et Manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie M. Bernard Schotter, administrateur général Mme Christiane Naffah-Bayle, directrice des Collections M. Jean-Jacques Gautier, inspecteur Musée Carnavalet – Histoire de Paris M. Jean-Marc Léri, directeur

Prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme Monseigneur le duc de Vendôme Comtesse Alexis de Limburg-Stirum M. Emmanuel de Waresquiel M. Pierre de Beaumont M. Karl Benz M. Roch de Coligny, expert-conseil au sein du cabinet « Honoré d’Urfé » (Paris) M. Christophe de Mirambet M. Henri Loyrette M. Patrick Guibal M. Vincent Haegelé, directeur des bibliothèques de la ville de Compiègne Mme Elsa Marguin-Hamon M. Éric Johannot M. Nicolas Lormeau, de la Comédie-Française Mmes Clarisse Burnant et Marine Venti ; MM. Sébastien Calmel, Jean Chenivesse, Jean-Michel Leber et Germain Schimmenti Mlle Camille Brosseaud et M. Bernard de Lauriston (stagiaires) Nous exprimons nos remerciements particuliers et notre gratitude à l’ensemble des agents du Domaine national de Chambord pour leurs compétences multiples et leur aide efficace. Cette exposition leur doit beaucoup. Les notices de l’ensemble des œuvres exposées et les textes d’accompagnement sont disponibles auprès du service de la conservation du Domaine national de Chambord.

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SOMMAIRE 8 Avant-propos Jean d’Haussonville, directeur général du Domaine national de Chambord 10 Introduction « Le Chambordisme », un romantisme du désespoir, Emmanuel de Waresquiel 17 La monarchie ou la République : 1870-1875 29 30 34 36 40 46 49 58 66

Le prince : de l’enfant du miracle au « roi impossible » L’assassinat du duc de Berry La naissance de « l’enfant du miracle » Le baptême La petite enfance du duc, l’éducation d’un prince L’abdication de Charles X et le départ en exil Les débuts de l’exil (1830-1846) La vie au fil du temps Les dernières années et la mort

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Les représentations du prince La naissance de l’héritier du trône Un nouvel Henri IV Le prince dans tous ses états

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Chambord, le prince et son domaine Le don de Chambord La gestion du domaine de Chambord Les œuvres du prince

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COGNIET, Léon (1794-1880)

Scène de juillet 1830, dit aussi Les drapeaux 1830 Huile sur bois H. : 19 cm ; l. : 24 cm Orléans, musée des Beaux-Arts. Inv. 208. Legs Cogniet et Thévenin, 1892 No 2

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AVANT-PROPOS

La République est l’héritière de la France dans sa continuité. C’est ainsi qu’elle protège des monuments, témoins des différents régimes qui ont fait la France, et que certains d’entre eux, parmi les plus significatifs, sont placés sous la protection tutélaire du président de la République, comme l’Institution nationale des Invalides ou le Domaine national de Chambord. Chambord, à cet égard, est un miracle de l’Histoire. Conscients d’être en présence d’une œuvre de génie, tous les régimes de la France en ont respecté l’architecture et l’intégrité territoriale. Par un paradoxe apparent, la IIIe République, en faisant l’acquisition de Chambord en 1930, étend sa protection au dernier domaine royal, encore propriété des princes de Bourbon, parvenu intact jusqu’à nos jours. Elle réitère en cela ce qu’a fait la Restauration. Plus d’un siècle auparavant, en 1821, le gouvernement de Louis XVIII avait organisé une souscription nationale pour acheter Chambord des mains de la maréchale Berthier, l’offrir à « l’enfant du miracle », dernier Bourbon de la branche aînée, et sauver un monument en péril. Sûre d’elle-même, la IIIe République sait aussi qu’elle fait l’acquisition du lieu où s’est manifestée, pour la dernière fois de notre histoire, une expression politique de l’Ancienne France, d’une puissance encore égale à la République naissante. Une vie d’homme seulement sépare le Manifeste du drapeau blanc du 5 juillet 1871, rédigé à Chambord, de l’acte d’acquisition de 1930. L’exposition « Les Lys et la République. Henri, comte de Chambord (1820-1883) » est d’intérêt civique. Placée sous le parrainage de M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, lointain successeur de Jules Grévy, républicain et premier président de l’Assemblée nationale de 1871, cette exposition revient sur certains des premiers éléments fondateurs de la synthèse républicaine. En recherchant pourquoi le comte de Chambord reste attaché au sacré de l’Ancien Régime, elle révèle en quoi le Prétendant est en décalage avec les aspirations de la société française, y compris dans les rangs de ses propres partisans. Elle montre aussi en quoi le drapeau bleu, blanc, rouge, le drapeau de Lafayette, des droits de l’homme, de la Constitution, en un mot, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, est l’expression d’une nouvelle conception du sacré qui reste nécessaire à notre pacte républicain. Chambord, lieu de mémoire de notre histoire politique nationale, est un symbole de la République française.

Jean d’Haussonville Directeur général du Domaine national de Chambord

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LES LYS ET LA RÉPUBLIQUE

LE « CHAMBORDISME » UN ROMANTISME DU DÉSESPOIR ’il a été quelque chose le comte de Chambord a d’abord été le prince de la jeunesse. C’est par là que j’aimerais commencer. Alors qu’il cherchait à expliquer l’histoire de la Révolution et le combat pour les libertés au cours du XIXe siècle, François Guizot avait opté pour un modèle original et pertinent, celui des générations qui se succèdent et adoptent tour à tour des comportements et des attitudes différents au fil du temps1. Il voyait ainsi trois générations de jeunes gens, à la fois semblables et différents, se succéder tout au long de son siècle. Cette jeunesse libérale, décrite par Guizot, a été aussi royaliste. C’est elle qui en mars 1815 refusera de servir Napoléon brusquement sorti de son « carré de choux » de l’île d’Elbe, et suivra le roi Louis XVIII sur des routes boueuses du Nord au nom de la liberté. Lamartine parle d’elle comme d’une « jeune France » partie à la conquête d’un avenir rêvé « de réconciliation et de liberté2 ». Plus tard, elle s’est divisée. Certains sont devenus républicains, d’autres sont restés fidèles à la monarchie. Mais peu importe. Quelque chose leur ressemble et les rassemble, de 1815 aux années qui suivirent la guerre de 1870, dans l’ombre portée de la Révolution. Cela relève plus d’un climat, d’un univers sensible, que d’un quelconque programme politique. Génération après génération, en 1815, en 1830, en 1870, la jeunesse s’est retrouvée brutalement confrontée à la paix et à l’ennui après le tumulte de la guerre et des révolutions. Elle a été dégoûtée de tout avant même d’avoir goûté à quelque chose. Elle a inventé le spleen bien avant Baudelaire, elle a cherché désespérément un héros qui puisse donner un sens aux hoquets de l’Histoire, un enchanteur dans la vallée des larmes. 1815 marque la fin des guerres de la République et de l’Empire dans le ballet des compromis, voire des trahisons de 1814 et des Cent-Jours. 1830, ce sont les « Trois Glorieuses », la chute de la branche aînée des Bourbons, la bourgeoisie régnante du juste milieu, l’émigration de l’intérieur et les rêves de revanche d’une « jeune France3 » contrainte à l’inutile. 1870, c’est, à nouveau, la guerre,

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Sedan, les incendies et les fusillades de la Commune, jusqu’au rêve d’un impossible sauveur. À chaque fois, une certaine jeunesse s’est sentie sacrifiée sur l’autel de la raison – « l’astre glacial de la raison », dit Musset – et des intérêts économiques, à chaque fois elle a cherché fébrilement, anxieusement, les voies de son salut. Elle en a éprouvé ce mélange d’utopie et de mélancolie, de guerre à mener et de bataille perdue, de croisade et de déroute, de paradis inventés et d’enfer à venir, qui est le propre des époques de grandes ruptures ou de grandes transitions. Ce sont ces mêmes jeunes, au fond, qui se révolteront en mai 1968 et que Paul Morand prenait pour de nouveaux croisés. Alfred de Musset a compris cela : « Toute la maladie du siècle présent vient de deux causes ; le peuple qui a passé par 93 et par 1814 porte au cœur deux blessures. Tout ce qui était n’est plus ; tout ce qui sera n’est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux4. » De Chateaubriand à Huysmans, les héros qui ont fait rêver la jeunesse se suivent et se ressemblent. René, abandonné au vague de ses passions, ouvre le siècle, des Esseintes, enfermé dans son inutilité, le ferme5. Entre les deux, le mal du siècle a pris tous les visages, celui du chevalier Des Touches, qui n’en finit pas de chouanner pour le roi dans le bocage, du général de Montriveau, dont Balzac a fait le parfait représentant de cette « jeunesse incertaine » de la Restauration, marquée à jamais par les désillusions des Cent-Jours, du comte d’Athol que l’imagination fébrile de Villiers ligote dans les rets de la mort et les fantômes de l’amour6. Ceux qui vont se reconnaître dans ces personnages ne sont pas seulement des hobereaux de province ou des élégants du noble faubourg, ils appartiennent à la « jeunesse des écoles », à la boutique, à la basoche. Ils sont multiples et ils se ressemblent. Le comte de Chambord, dernier héritier d’une interminable race de rois, né sous la Restauration et mort sous la IIIe République, n’aurait pas eu de véritable consistance historique et politique s’il n’avait été à la fois le catalyseur et le miroir – Stendhal aurait parlé


INTRODUCTION

de cristallisation à propos du sentiment amoureux – des aspirations contradictoires de cette jeunesse ennuyée et batailleuse qui a porté le romantisme à travers tout un siècle comme on porterait sa douleur en bandoulière. Au début de cette histoire, on ne trouve que de la tristesse et des larmes. Pour une partie du peuple français bien au-delà de la noblesse et du clergé, la Révolution a été ressentie comme un traumatisme et une dépossession : celle d’un ordre social disloqué, de hiérarchies renversées, d’un temps qui ne sera plus jamais le même avant et après 1789. La guillotine, la terreur, l’émigration, l’exil, les confiscations bouleversent des vies et façonnent les imaginaires des victimes dans un crépuscule de fin du monde. En 1814 et surtout en 1815, à la chute de l’Empire, en même temps qu’elle tente d’imposer le pardon et l’oubli, la Restauration incarnée par le frère de Louis XVI, le roi Louis XVIII, cherche à transformer cette histoire imposée et subie en action réparatrice. Au sacrifice des heures noires de la Révolution et de la Terreur doivent succéder l’expiation et la pénitence. D’un mal doit sortir un bien. Il n’y aura pas de salut, pas de réconciliation nationale sans l’apprentissage de cette douleur partagée consentie et collective. Toute la France, y compris la France révolutionnaire, ce qui évidemment n’ira pas de soi, est invitée sans rechigner à porter le deuil de la Révolution. Ce faisant, le régime, largement suivi et même dépassé en cela par le clergé catholique, s’engage dangereusement dans ce qu’Emmanuel Fureix appelle, à juste titre, une « politique des émotions7 », à travers une série de rites de commémoration, à commencer par celle de la mort de Louis XVI le 21 janvier 1793, de missions d’amende honorable et de monuments expiatoires destinés à célébrer les martyres d’un événement présenté comme la figure absolue du mal. Cette « France des larmes » est bien sûr une France catholique. « J’ai pleuré et j’ai cru », écrivait déjà Chateaubriand dans sa préface au Génie du christianisme. Le libéral Charles de Rémusat parle à ce propos d’un « nuage d’encens funéraire » et de

la « lugubre auréole » dont s’entourent les Bourbons restaurés. Ce romantisme des vaincus, cette France implorante des premières années de la Restauration forme la toile de fond et le décor sensible qui entoure la naissance de celui qu’on appellera d’abord le duc de Bordeaux, le 29 septembre 1820. Bordeaux, parce que, le 12 mars 1814, en pleine débâcle impériale, la ville avait été la première à se déclarer en faveur de la monarchie et du drapeau blanc. Bordeaux, mais aussi Henri, le prénom du grand ancêtre, Henri IV, le fondateur de la dynastie des Bourbons dont l’enfant sera le dernier représentant de la branche aînée. On se perd toujours un peu dans la généalogie de cette famille. Louis XVIII n’avait pas d’enfant et ne pouvait en avoir. Son frère Charles X, qui régnera à la mort de ce dernier en 1824, avait deux fils, le duc d’Angoulême et le duc de Berry. Là encore, seul le cadet aura une descendance par son mariage en 1816 avec une princesse napolitaine, Marie-Caroline, encore une Bourbon, mais italienne celle-là. Une fille d’abord et enfin un fils, le seul enfant mâle de la famille, naturellement destiné à recevoir la succession sur le trône, de ses oncles, de son grandpère et de son père. On le verra, la question de l’hérédité joue un rôle immense dans cette histoire. Dès le départ, le duc de Bordeaux est unique, solitaire et fragile. Il est d’abord l’enfant du martyre, celui de son grand aïeul Henri IV assassiné par Ravaillac en 1610, celui de son oncle Louis XVI bien sûr, et enfin celui de son père également poignardé par le dernier régicide de l’histoire de France, le bonapartiste Louvel, quelques mois avant la naissance de l’enfant, le 13 février 1820, à Paris, au sortir de l’Opéra. Lourde hérédité, l’hérédité du malheur et de la tristesse. « Les Bourbons, écrit Chateaubriand toujours prêt au chant funèbre, […] ont vu, par une destinée extraordinaire, leur premier roi tomber sous le poignard fanatique, et leur dernier sous la hache de l’athée8. » Mais Bordeaux est aussi « l’enfant du miracle », c’est Lamartine qui trouve l’expression, l’enfant qu’on n’espérait plus sept mois

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après la mort de son père, le seul à pouvoir continuer la race et permettre à ses partisans de rester dans l’Histoire. Le martyre et le miracle, ces deux fées un peu insolites, vont l’accompagner tout au long de sa vie. En août 1830, à la suite de la révolution des 28, 29 et 30 juillet, la Couronne passe à la branche cadette des Bourbons, celle de LouisPhilippe d’Orléans, le fils du régicide, « le roi félon », qui régnera jusqu’en 1848. À dix ans, le jeune prince s’embarque à Cherbourg avec la famille royale pour un exil qui ne finira qu’à sa mort en 1883, d’abord en Écosse au château de Holyrood, puis à Prague, puis à Goritz le long de l’Adriatique et enfin à Frohsdorf près de Vienne. Son grand-père et son oncle ont abdiqué en sa faveur. Il était duc de Bordeaux en quittant la France, il devient en exil le comte de Chambord, en souvenir de la donation du domaine du même nom qui lui fut faite par souscription à sa naissance en 1820. Tous les espoirs des royalistes convergent vers lui et l’engouement de ses partisans prend des allures de vœu et de prière. On se battra pour lui et pour sa mère la duchesse de Berry en Vendée en 1832, on conserve la moindre de ses reliques – mèches de cheveux, morceau de tissu, on pleure et on le pleure, on va le voir en exil comme on irait en pèlerinage. Le fétichisme et la mélancolie ont toujours fait bon ménage. Julien Gracq, qui visite à Nantes dans les années 1960 une exposition consacrée à sa mère, parle à ce sujet de « royalisme mystique de la légitimité9 ». En tuant le roi, la Révolution a eu cette conséquence paradoxale de lui donner une dimension sacrificielle et mystique qu’il n’avait pas jusqu’alors. « Fils de Saint Louis, montez au ciel », murmure l’abbé Edgewood, le confesseur de Louis XVI, au pied de la guillotine le 21 janvier 1793. Le jeune duc de Bordeaux hérite en quelque sorte de la quasi-sainteté de son oncle. Dieu, dit Ballanche, un ami de Chateaubriand, a « condamné le juste pour le salut de la France qu’il aime10 ». Le dernier des Bourbons, régénéré par le martyre de 1793, est ainsi entré sans le vouloir dans une sorte d’au-delà des anges et des

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saints. Il est l’ultime intercesseur, le dernier qui puisse sauver le pays des malheurs du régicide de 1793 et de l’usurpation de 1830. Il a pris une dimension eschatologique qu’aucun de ses prédécesseurs n’avaient eue. On ne comprendrait pas cela si l’on ne prenait pas la mesure de la persistance d’un royalisme populaire dans le Nord, le Midi et l’Ouest de la France. Mais aussi de la renaissance catholique à l’œuvre sous la monarchie de Juillet et le Second Empire. Derrière le roi caché, le roi perdu de l’exil, on trouve ce qu’un historien appelle joliment « la rumeur de Dieu11 ». Les visions, les prophéties, les apparitions, se multiplient un peu partout en France, à La Salette dans l’Isère en 1846, à Lourdes dans les Hautes-Pyrénées en 1858, à Pontmain en Mayenne en 1871, toujours dans des régions isolées, épargnées par la civilisation industrielle qui gagne tout le pays, toujours à des enfants, à des simples. Quand elle apparaît, la Vierge pleure, met en garde et déplore les malheurs de la France. Il n’y a pas ici de cloisons étanches dans les messages qu’elle délivre entre le politique et la foi, du moins dans les interprétations qu’en font les partisans du prince exilé. Le comte de Chambord n’est pas seulement le roi très chrétien, il est devenu « l’ange roi ». Les récits que font ses partisans, des rencontres qu’ils ont avec lui, relèvent littéralement de la vision et de l’apparition, beaucoup plus que de la relation d’une banale audience royale. À chaque fois, c’est une commotion. L’artiste légitimiste Félicie de Fauveau, qui est reçue auprès de lui en décembre 1839 à Rome, racontera par la suite qu’elle en était restée « muette », « éblouie » et parle « de son attitude si royale, si antique », « de son divin visage ». « La pure ressemblance de Saint Louis était là12. » Même chose, quarante ans plus tard, de la part d’un jeune officier royaliste, Hubert Lyautey, le futur maréchal de France. « Je viens de le quitter. L’émotion est telle, l’emprise si forte que je ne parviens pas à reprendre conscience de ma personnalité, abdiquée, fondue en lui pendant ces heures de grâce. Le roi de France ! Je l’ai vu, je l’ai touché, je l’ai entendu. » Au même moment


INTRODUCTION

Lyautey raconte dans son Journal être revenu chez lui « comme on revient de la table de communion, ramassé sur soi-même, les yeux repliés sur la vision intérieure13 ». Pour beaucoup, le comte de Chambord, jeune ou âgé, mais toujours beau, est devenu le roi chevalier de leurs rêves, de plus en plus idéalisé au fur et à mesure qu’il perd pied avec la réalité du pouvoir. Il est, dit encore Barbey d’Aurevilly, « le tabernacle » du principe monarchique. En attendant son retour et l’avènement d’un nouveau royaume, on se réunit avec ferveur le jour de sa fête, la Saint-Henri, le 15 juillet14. On met la France sous la protection de saint Michel, l’ange de la justice et du bien, dont l’anniversaire, le 29 septembre, correspond à celui de sa naissance. On est ici beaucoup plus du côté du culte, d’une sorte de « religion royale » que d’un parti politique. L’un de ses fidèles dira plus tard à propos de son manifeste d’octobre 1852 : « On dirait le pontife de la légitimité, le grand prêtre de la religion monarchique célébrant la puissance et l’éternité de son dogme devant un peuple qui l’oublie et se fourvoie […]15 » Le principe monarchique qu’incarne le prince exilé, pur de toutes compromissions, cristallise les sentiments d’une jeunesse qui ne se reconnaît plus qu’en lui. Le roi chevalier de l’exil représente ce que les régimes qui se succèdent en France, de la monarchie de Juillet à la République et au Second Empire, n’incarnent plus à leurs yeux : l’honneur, la foi, la loyauté, la fidélité. Dans Les Misérables, Victor Hugo, devenu républicain après avoir été royaliste, place l’utopie du côté de l’avenir. Pour les légitimistes, ceux pour qui le comte de Chambord est le seul prince « légitime », elle est du côté du passé. Il y eut des romantiques de la Révolution comme il y eut des romantiques de la Contre-Révolution. Les uns rêvent de fraternité et de république sociale, les autres réinventent la chevalerie, les tournois, les batailles, les jacqueries d’autrefois pour oublier le monde tel qu’il est. On redécouvre le Moyen Âge, on sculpte des chevaliers en armures, on construit d’improbables donjons. Prêter l’esthétique du règne des Capétiens et des Valois à la cause du dernier des Bour-

bons, c’est mettre la question de l’hérédité au cœur de ce qu’on pourrait appeler une esthétique de la légitimité. Les formes ogivales, donjonnées et crénelées, ce qui deviendra par la suite le néogothique, habillent leur vision d’une histoire qui est tout autant nationale que généalogique, héraldique et dynastique. Ces romantiques de la fidélité à tout prix veulent oublier leur temps pour le merveilleux des saints et des rois. Ils sont, pour reprendre l’expression d’Antoine Compagnon, profondément antimodernes. Ils se vivent comme les derniers survivants d’un monde en pleine décadence. « La révolution était achevée lorsqu’elle éclata : c’est une erreur de croire qu’elle a renversé la monarchie », constate Chateaubriand pour qui l’univers dont il se réclame était déjà en ruine en 1789. « Je crois la monarchie finie », ose-t-il dire à Louis XVIII en juillet 1815 et Joseph de Maistre pense de même, trois ans plus tard, en pleine Restauration : « La Révolution est bien plus terrible que du temps de Robespierre16. » Plus ils savent la révolution incontournable – c’est une « époque » et non un simple événement dit encore Maistre dans ses Considérations sur la France –, plus ils se réfugient dans le droit divin. Leur vision est celle d’un monde habité par les silences de la transcendance. Leur conception de l’histoire est indissociable de l’idée de Révélation. Le droit divin, la succession, l’hérédité, la primogéniture l’emportent à leurs yeux sur tout le reste précisément parce qu’ils échappent aux circonstances et ne dépendent pas de la volonté des hommes. Ils abominent le droit naturel, le contrat social, le bon sauvage. L’homme est trop méchant pour être libre. Le premier péché d’Adam l’étouffe. Il ne pourra trouver son salut que dans un ordre qui le dépasse et ne relève pas de lui. Leur monde est théocratique à des années-lumière de la souveraineté du peuple. Pour eux, la communauté l’emporte sur l’individu, la liberté sur l’égalité, la singularité sur l’indifférenciation généralisée. Toute leur vie est un cri contre la maladie de leur temps qui non seulement veut faire des individus à toute force, mais décide que ces individus seront égaux, et, pire encore, qu’ils seront semblables. Un seul vête-

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ment, une seule, tête, une seule voix. De cette blessure jamais fermée coule la mélancolie de leur révolte. C’est bien tout cela qui conduit à l’inévitable et à l’échec de la dernière tentative de restauration monarchique au début des années 1870, après la chute de Napoléon III et les errances de la Commune. On a voulu l’expliquer par les programmes, la politique, les stratégies électorales ou parlementaires, et on a eu tort. Les élections de février 1871, où les légitimistes obtiennent 200 sièges à l’Assemblée nationale, ne leur ont jamais été plus favorables. Ils représentent, avec les députés orléanistes, le parti de l’ordre et de la paix. Ils ont largement payé leur patriotisme de leur sang en défendant leur pays contre les armées prussiennes. Certains aspects de leur programme, qui est aussi celui de leur candidat, le comte de Chambord, sont souvent plus progressistes que ceux des orléanistes et des républicains modérés : le suffrage universel dans son principe, la liberté scolaire, la décentralisation, une doctrine sociale favorable au droit d’association et qui prend en compte la misère ouvrière, sous l’influence d’un Villeneuve-Bargemont puis plus tard d’un Frédéric Le Play. Le légitimisme, ce n’est évidemment pas comme l’écrit Jean-Baptiste de Pesquidoux qui déplorait en 1848 le poids des idées reçues dans la paysannerie du Gers, « l’Ancien Régime, […] le retour des privilèges, des droits féodaux, de la dîme et de la corvée, […] tous ces monstres en un mot qui dévorèrent [leurs] pères […]17 ». Les légitimistes tout au contraire acceptent en bonne partie le programme politique et social de 1789. Par ailleurs, la fusion avec le parti orléaniste est en marche et se fera en août 1873 sur la base d’une transaction. Le comte de Paris, le petit-fils de Louis-Philippe, reconnaît son cousin comme le seul représentant du principe monarchique en France. Mais dans la mesure où ce dernier n’a pas eu d’enfant de son mariage avec une princesse de Modène en 1846, ce sont les Orléans qui lui succéderont après sa mort. Tout cela n’a pas suffi. Le 30 janvier 1875, l’amendement Wallon, qui instaure le prin-

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cipe de l’élection d’un président de la République à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés, passe à une voix de majorité (353 contre 352). Le mot « République » est à nouveau prononcé. Ce sera la Troisième. En réalité, ce qui s’est passé est d’un autre ordre que l’ordre politique. C’est pour cela que personne ne croit vraiment à la fusion des deux partis royalistes rivaux. La césure avec les orléanistes et avec le centre gauche modéré est métapolitique beaucoup plus que politique. Ce qui cimente les royalistes légitimistes au-delà des nuances de programme, c’est une certaine idée de la transcendance en politique. Beaucoup ont la conviction que les huit siècles capétiens résultent d’une évidente élection divine et placent le pouvoir monarchique, comme sa dévolution, hors de portée de la volonté humaine ou d’une quelconque forme de transaction entre le roi et la nation. En aucun cas, l’homme ne saurait constituer la société. Dès lors, le roi est du côté de la providence. Dieu en dispose autant sinon plus que les hommes. Nulle théorie du complot là-dedans, mais un fatalisme pessimiste et irrationaliste qui met le mal audessus du bien, et, en dernier recours, Dieu au-dessus du mal18. Ce roi élu de Dieu et dont la souveraineté préexiste à celle de la nation ne saurait être le « roi des Français », comme l’avait été LouisPhilippe en 1830. Il ne peut être que le « roi de France ». Cette infime différence de préposition n’est pas une nuance, elle est un gouffre. Le Manifeste du 5 juillet 1871 puis la fatale lettre par laquelle, le 23 octobre 1873, le comte de Chambord réaffirme clairement son attachement au drapeau banc, et non pas au drapeau tricolore, n’a été que le signe, le symbole et le prétexte d’un désaccord infiniment plus profond sur la nature même du pouvoir et de la souveraineté en France. On en connaît les termes nostalgiques : « Je l’ai reçu [le drapeau blanc] comme un dépôt sacré du vieux roi mon aïeul […] ; il a toujours été pour moi inséparable de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe19. »


INTRODUCTION

Dès lors le temps du roi restera jusqu’à sa mort celui des rêves et de l’exil. Il n’y aura pas de successeur. Le légitimisme de ses derniers partisans, et ils sont encore nombreux, va finir par ressembler étrangement à une politique de la Chute. Le « Chambordisme » est une sorte de royalisme du désespoir, « dès lors que le principe incarné par un homme doit périr avec lui20 ». Chateaubriand avait senti cela très tôt, en quittant l’enfant-roi, après l’avoir vu à Prague en 1833. « Je saluai l’orphelin : je devais partir dans la nuit. Je lui dis adieu en français, en anglais et en allemand. Combien Henri apprendra-t-il de langues pour raconter ses errantes misères, pour demander du pain et un asile à l’étranger. » Lui aussi rêvait d’un roi des croisades et des aventures, « une couronne sur le front ou une balle dans le cœur21 ». Son vœu n’aura pas été exaucé. Il ne le saura pas. Le comte de Chambord mourra bien après lui, de vieillesse, à Frohsdorf en 1883. Il ira rejoindre, le dernier, loin des tombeaux de SaintDenis, la cohorte de ses ancêtres, ces « oints du Seigneur » qui donnèrent au merveilleux quelque chose de leur mystère. Emmanuel de Waresquiel NOTES 1. François Guizot, Trois générations. 1789-1814-1848, Paris, Michel Lévy frères, 1863. 2. Alphonse de Lamartine, Mémoires de jeunesse, Paris, Tallandier, 1990, p. 168. 3. L’expression a été inventée par Le Figaro, le 30 août 1831. 4. Alfred de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, Paris, Éditions R. Simon, 1934, p. 33. 5. René de François René de Chateaubriand est publié en 1802 ; À rebours, dont le personnage principal est des Esseintes, de Joris-Karl Huysmans, en 1884.

6. Successivement : Le Chevalier Des Touches, de Jules Barbey d’Aurevilly, publié en 1864 ; La Duchesse de Langeais, d’Honoré de Balzac, publiée en 1834 ; Les Contes cruels, « Véra », d’Auguste Villiers de L’Isle-Adam, publiés en 1883. 7. Emmanuel Fureix, La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique (18141840), Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 169. 8. François René de Chateaubriand, « De Buonaparte et des Bourbons (1815) », Œuvres complètes, Firmin-Didot, 1847. Tome deuxième, Œuvres historiques, p. 155. 9. Julien Gracq, Lettrines, Paris, José Corti, 1975, p. 11. 10.Pierre-Simon Ballanche, Antigone. L’homme sans nom, Paris, H. L. Delloye, 1841, p. 79. 11.Claude Guillet, La Rumeur de Dieu. Apparitions, prophéties et miracles sous la Restauration, Paris, Imago, 1994. 12.Lettre de Félicie de Fauveau à Félicie de La Rochejaquelein, Rome, 28 décembre [1839] in E. de Waresquiel, Félicie de Fauveau, Paris, Robert Laffont, 2010, p. 116117. 13.Lyautey voit le comte de Chambord un an avant la mort de ce dernier, à Goritz, en 1882. André Maurois, Lyautey, Paris, Plon, 1931, p. 19, lettre à Antonin de Margerie et Journal. 14.Voir Éric Derennes, « La Saint-Henri en France (1821-1847). Quelques éléments sur la légitimité, le pouvoir et la sainteté, entre l’enfance et l’exil », Revue d’histoire de l’Église de France, Brepols, tome 95 (no 235), juillet-décembre 2009, p. 215-238. 15.Léonce Dubosc de Pesquidoux, Le Comte de Chambord d’après lui-même. Étude politique et historique, Paris, V. Palmé, 1887, p. 91 (cité par Éric Derennes dans un autre de ses articles : « Le mouvement pétitionnaire pour la restauration d’Henri V […] », Revue historique, 661, janvier 2012, p. 66, note 81). 16.François René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, Flammarion, 1982, tome II, p. 631 et Joseph de Maistre, Œuvres complètes, Lyon, Vitte, 18841886, vol. XIV, p. 148, lettre au chevalier d’Olry, 5 septembre 1818. 17.Jean-Claude Drouin, « Trois Gersois au XIXe siècle : P. S. Laurentie et les Pesquidoux. Leur correspondance inédite 1859-1870 », Revue de l’Agenois, bulletin trimestriel de la Société académique d’Agen, IIIe année, no 4, septembredécembre 1984, lettre de J. B. de Pesquidoux à P. S. Laurentie, mars 1848. 18.L’idée traverse tout le siècle de Joseph de Maistre à Barbey d’Aurevilly (La Légitimité, 1873). 19.Manifeste du 5 juillet 1871. 20.Voir Stéphane Rials, Révolution et Contre-Révolution au XIXe siècle, « La droite ou l’horreur de la volonté », chapitre IV, Paris, DUC/Albatros, 1987 et Le Légitimisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1983, p. 38. 21.François René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, op. cit., tome IV, p. 252 et 258.

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LES LYS ET LA RÉPUBLIQUE

E

ntre la proclamation de la République le 4 septembre 1870 et le vote des lois constitutionnelles de 1875, la France connaît une période politique indécise. Le choix du régime républicain se fait dans l’urgence de la défaite face à la Prusse, la carence de l’Empire après la capitulation de Sedan et la capture de Napoléon III. Sans révolution ni effusion de sang, un gouvernement de Défense nationale se met en place et fait face à l’invasion du territoire. Léon Gambetta, « commis voyageur de la République », l’un des ministres les plus actifs, tente, depuis Tours où il s’est replié, de lever des troupes. Les élections générales du 8 février 1871 tournent à l’avantage des conservateurs et l’Assemblée nationale est l’une des plus aristocratiques que la France ait connues, notamment grâce au vote de la population rurale qui a soutenu les thèmes fédérateurs, comme la recherche de la paix et de l’ordre. Arithmétiquement majoritaires, les monarchistes se divisent en deux groupes, légitimistes et orléanistes. Jules Grévy, aux fortes convictions républicaines, est pourtant élu à la présidence de l’Assemblée… La capitulation de Paris et le siège éprouvant qui s’installe exacerbent les esprits. Proclamée le 28 mars 1871, la Commune de Paris fait surgir une guerre civile qui oppose l’armée « officielle » et les communards. Chef du pouvoir exécutif, Adolphe Thiers fait réprimer très durement ce mouvement par le maréchal de Mac-Mahon et affirme que le régime est en place « en attendant qu’il soit statué sur les institutions de la France »… À cette période, le comte de Chambord, très informé des événements par le biais de dépêches télégraphiques et la lecture de nombreux journaux, décide de se rapprocher de la France. Entre août 1870 et avril 1871, il s’installe en Suisse d’ou il écrit au futur empereur Guillaume qu’il se tient prêt, « si [s]on pays l’appelle », à remplir la mission « qu’un devoir sacré » lui impose, mais avec son aide à la faveur de la victoire prussienne. La réponse est claire : Guillaume ne veut en rien imposer un régime en France et s’en tient à un statu quo. La tentation d’une restauration demeure forte chez le prince, qui effectue en juillet 1871 son premier voyage en France depuis 1830. Il se rend dans son domaine de Chambord, qu’il découvre pour la première fois. Son séjour est organisé dans le plus grand secret par ses proches et le régisseur du lieu. Arrivé à Blois dans la nuit du 2 au 3 juillet, il se rend à l’Hôtel d’Angleterre, qui domine les quais de la Loire. Il parcourt de nuit le cœur historique de la ville, puis s’accorde un peu de repos avant de rejoindre Chambord. Le comte y est accueilli par le régisseur du domaine, Eugène Arnoult, qui a préparé à son intention un logement dans l’enceinte basse du château. Pendant son séjour, le prince accorde de nombreuses audiences à

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des personnalités ou à des anonymes venus le saluer. Il rencontre également le personnel du domaine. Les rapports de surveillance rédigés par la gendarmerie de Bracieux et de Saint-Dyé-sur-Loire affirment que plus de 600 personnes ont été reçues par le prince en trois jours ! Il assiste également à des offices dans l’église Saint-Louis de Chambord, se promène dans le village et le parc, visite le château. C’est pendant ce séjour qu’il rédige son célèbre « Manifeste », par lequel il maintient son attachement irréversible au drapeau blanc. Le texte est publié quelques jours plus tard dans le journal Le Figaro. Le comte quitte Chambord le 6 juillet pour se rendre à la gare de Blois, d’où il prend un train de nuit pour Paris. Étrangement, aucune gravure, aucune photographie, ne semble avoir été réalisée à l’occasion du séjour du prince dans son domaine. Il reprend ensuite le chemin de l’exil… À Paris, en plein débat « constitutionnel », Adolphe Thiers poursuit sa politique et affirme que la République est le régime qui divise le moins les Français. Le titre de président de la République remplace celui de chef du pouvoir exécutif le 31 août 1871 et un régime parlementaire conservateur se met en place. À l’occasion d’un vote, le 23 mai 1873, Thiers, président de la République, est mis en minorité et doit partir, vaincu par les droites coalisées. Le duc de Magenta, Patrice de Mac-Mahon, lui succède, tandis que le duc de Broglie devient chef du gouvernement. Les conditions d’une restauration monarchique sont apparemment réunies et le rapprochement, voire la fusion, des deux branches royalistes semble imminent. La situation se renverse pourtant à partir du mois d’août 1873. Dans un contexte d’ordre moral et de ferveur religieuse, le comte de Paris se rend à Frohsdorf où il est reçu par le comte de Chambord. C’est un moment crucial pour qu’une restauration devienne possible. Les conditions posées au prince d’Orléans sont claires : il doit simplement reconnaître le principe de légitimité monarchique et renouer ainsi avec la continuité dynastique… Mais, sans espoir de postérité pour le comte de Chambord, la succession irait aux Orléans… La rencontre, soigneusement préparée, semble cordiale aux yeux des témoins. Seule la question cruciale du drapeau reste sans réponse. Le comte de Chambord veut traiter cette question directement avec l’armée après son retour sur le trône de France. Une commission constitutionnelle se forme à Paris et commence à travailler en attendant la réponse du prince exilé. Charles Chesnelong, député royaliste des Pyrénées, est envoyé à Frohsdorf à la mioctobre. L’accord semble réalisé sur la plupart des sujets : droit royal héréditaire, élaboration d’une constitution, séparation des pouvoirs, etc. La couleur du drapeau reste épineuse et Chesnelong pense obtenir


LA MONARCHIE OU LA RÉPUBLIQUE : 1870-1875

l’accord du prince en proposant la cohabitation des deux modèles… Loin d’y voir une question secondaire, le prince en fait une question primordiale, qui touche à un symbole. Il ne veut pas avoir à le négocier avec l’Assemblée. Sans accord concret, Chesnelong revient à Paris et fait état d’un accord sur un maintien provisoire du drapeau tricolore en attendant un choix futur du souverain. La presse se fait l’écho du consentement du prince. La Restauration n’a jamais été si proche. Un projet de déclaration restaurant la monarchie est rédigé et des voitures de parade sont commandées chez le carrossier Binder pour une entrée royale du prince à Paris. Le cérémonial se met en place pour le 5 novembre. Mais une lettre du comte de Chambord adressée à Chesnelong le 27 octobre, publiée le 30 octobre dans le journal L’Union, ruine tous les espoirs. Le comte de Chambord y répète son refus absolu de devenir un roi « légitime de la Révolution » en cédant sur la couleur

du drapeau. Il se présente comme le garant de la tradition et le défenseur de l’honneur des Bourbons : « Ma personne n’est rien, mon principe est tout. » Rien de nouveau pour le prince, mais une véritable déception chez les royalistes, qui y voient la fin de leur rêve… En attendant, la solution proposée par le duc de Broglie est de prolonger les pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon. Le comte de Chambord tente alors une dernière manœuvre. Il vient incognito en France, le 9 novembre 1873, et s’installe à Versailles. Il y passe douze jours dans l’espoir qu’une rencontre avec Mac-Mahon renverse la situation. Mais le maréchal refuse de le rencontrer et de sortir des prérogatives de sa fonction. Rien ne se passe, au grand dam des royalistes les plus fervents, et le prince reprend le chemin de sa terre d’exil. Le 20 novembre 1873, l’Assemblée vote la loi du septennat et « confie », à tire personnel, le pouvoir exécutif au maréchal de MacMahon qui devra exercer son mandat jusqu’aux « modifications qui pourraient y être apportées ». Une solution d’attente en quelque sorte…

AGRY (graveur)

Plaque commémorative du Manifeste du comte de Chambord (Chambord, le 5 juillet 1871) Fin du XIXe siècle Métal gravé et peint H. : 84 cm ; l. : 125 cm Domaine national de Chambord. Inv. CH/41/0150. Fonds ancien du château No 1

Le comte de Chambord publie son célèbre « Manifeste du drapeau blanc » lors de son séjour à Chambord, en juillet 1871. En souvenir de l’événement, l’Administration du domaine fait réaliser deux plaques commémoratives, dont l’une est gravée du texte complet du Manifeste. Elles sont installées dans l’appartement occupé par le prince dans le château.

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Drapeau blanc offert par Louis XVIII à la garde nationale de Blois Autour de 1820 Soie peinte sur ses deux faces H. : 165 cm ; l. : 175 cm Domaine national de Chambord. Inv. CH/41/0471. Don du chanoine M. Émonée, 1974 Inscriptions : sur l’avers, « Dieu et le Roi / Gardes nationales / Arr. de Blois / Loir-et-Cher » ; sur le revers, « Le Roi à la légion de Blois ». No 3

COGNIET, Léon (1794-1880)

Scène de juillet 1830, dit aussi Les drapeaux 1830 Huile sur bois H. : 19 cm ; l. : 24 cm Orléans, musée des Beaux-Arts. Inv. 208. Legs Cogniet et Thévenin, 1892 No 2

Au lendemain de la révolution de 1830, Léon Cogniet réalise une esquisse évoquant le soulèvement populaire parisien, mais le tableau final ne voit jamais le jour. À la veille de la Révolution, le 26 juillet 1830, Charles X, par quatre ordonnances, tente de remettre en cause le régime constitutionnel. Sur le tableau de Léon Cogniet, des nuages d’orage obscurcissent le ciel autour du drapeau blanc de la Restauration, orné d’une fleur de lys au sommet et décoré des armes de France. Le 27 juillet, premier jour des Trois Glorieuses, les combats commencent ; le peuple dresse des barricades dans la ville de Paris. Le peintre représente alors un drapeau blanc déchiré qui laisse entrevoir le ciel bleu et dont l’extrémité se teinte légèrement de rouge, le sang des révolutionnaires. Le 28 juillet, l’issue de la révolution semble proche : sur le tableau, le ciel se dégage. Le bord du drapeau blanc rougit davantage, reconstituant ainsi le drapeau tricolore. Le 30 juillet 1830, les combats s’achèvent. Charles X est déchu. LouisPhilippe est appelé à devenir « lieutenant général du royaume ». Il reconnaît le drapeau tricolore. « Aux ténèbres enfin succède la clarté Et des pâles lambeaux du drapeau des esclaves Et de l’azur du ciel et du sang de nos braves Naît l’étendard brillant de notre liberté » Même si l’œuvre illustre symboliquement les Trois Glorieuses de juillet 1830, le passage du drapeau blanc de la Restauration au drapeau tricolore adopté par Louis-Philippe correspond précisément aux enjeux des années 1870-1875.

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L’avers présente les armes de France couronnées, entourées des colliers de l’ordre de Saint-Michel et du Saint-Esprit. Au revers, il est orné d’un semis de fleurs de lys dorées et de branches de chêne nouées, d’où pendent la décoration de l’ordre du Lys et le ruban du Loir-et-Cher.


LA MONARCHIE OU LA RÉPUBLIQUE : 1870-1875

SCHWITER Louis Auguste, baron de (1805-1889)

Henri, comte de Chambord 1854 Huile sur toile H. : 424 cm ; l. : 321 cm Domaine national de Chambord. Inv. CH/41/0159. Fonds ancien du château No 4

Recommandé au comte de Chambord dès 1847, le peintre Louis Auguste, baron de Schwiter, réalise un grand portrait équestre du prince en 1854. Le comte, alors âgé de trente-quatre ans, est représenté lors d’une promenade à cheval le long de la lagune vénitienne. Le tableau est livré à Chambord en 1879 et installé dans le grand salon de l’appartement de parade. Au milieu du XXe siècle, il est placé dans le musée du Comte de Chambord.

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LES LYS ET LA RÉPUBLIQUE

MATHIS, F. (dess.) ; MORDRET, A. (éd.)

Musée des souverains XIXe

siècle [1871] Lithographie en couleur H. : 28 cm ; l. : 37 cm Domaine national de Chambord. Donation J.-J. Boucher, 2010 No 8

Cette gravure satyrique évoque le projet d’entrée d’Henri V dans Paris. On le découvre couronné, monté à l’envers sur un âne, recevant les clefs de la ville des mains de Thiers, tandis que des Parisiens armés, postés derrière une muraille défendue par des canons, brandissent le drapeau rouge de la Commune.

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LA MONARCHIE OU LA RÉPUBLIQUE : 1870-1875

Lettre confidentielle du comte Monti de Rezé annonçant l’arrivée prochaine et secrète du comte de Chambord à Chambord 1er juillet 1871 Lettre autographe H. : 21 cm ; l. : 13,4 cm Archives départementales de Loir-et-Cher. Cote : carton 16 – Correspondance Arnould (1871) No 5

Cette lettre confidentielle du comte Monti de Rezé, remise en main propre au régisseur de Chambord, Eugène Arnoult, annonce l’arrivée imminente du comte de Chambord dans son domaine. Le prince, qui découvre Chambord pour la première fois, souhaite voyager incognito. Le régisseur est donc sommé de respecter une discrétion absolue sur ce projet et même de feindre la surprise à l’arrivée du maître des lieux. Il est tout juste chargé de mettre à sa disposition un logement sans y faire d’apprêt particulier, le prince n’ayant « besoin d’aucun luxe, ni dans le logement, ni dans la nourriture ». Gendarmerie de Bracieux

Rapport de surveillance du comte de Chambord 6 juillet 1871 Manuscrit original H. : 26 cm ; l. : 20 cm Archives départementales de Loir-et-Cher. Cote 4 M 108 No 6

Le comte de Chambord est étroitement surveillé par les forces de l’ordre pendant son séjour en France. Ainsi, lorsqu’il réside à Chambord, les gendarmeries de Bracieux et de Saint-Dyé-sur-Loire rédigent des rapports, transmis au préfet, dans lesquels ils notent les activités du prince et l’identité de ses visiteurs. Ils observent que « le comte paraît très facile à aborder, tout le monde peut lui parler ». Les informations transmises ne sont pas toujours correctes : ainsi ils pensent le voir se promener en compagnie des princes d’Orléans, alors que ces derniers ne sont jamais venus à Chambord. Après deux jours de surveillance, les gendarmes concluent dans leur rapport : « Les populations des environs ne trouvent rien d’extraordinaire à ce qui se passe aujourd’hui et, à part la noblesse, personne ne désire ce prince pour souverain. »

PANNIER, R. (éd.)

La France faite par ses rois Paris, après 1871 Lithographie en couleur H. : 45 cm ; l. : 32 cm Domaine national de Chambord. Donation J.-J. Boucher, 2010 No 11

En haut, le buste du comte de Chambord surmonte une carte de France sur laquelle sont indiquées les diverses provinces intégrées au royaume de France avant la Révolution et le nom des rois de France qui les ont conquises ou intégrées au royaume par négociation, héritage ou mariage. Sur l’Alsace et la Lorraine, est à l’inverse indiqué : « Perdues par Napoléon III ».

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LES LYS ET LA RÉPUBLIQUE

Trône d’Henri V Vers 1871 Noyer, marbre H. : 270 cm ; l. : 119 cm ; p. : 95 cm Domaine national de Chambord. Inv. CH/41/0156. Fonds ancien du château No 14 De style Renaissance posé sur un socle rectangulaire mouluré ; entretoises à motifs de poissons soutenant une coquille centrale ; accotoirs à motifs de fleurs de lys découpées à l’intérieur d’un quadrilobe ; montants à tête d’ange et volutes ; fronton du dossier aux armes de France, tête d’ange soutenant la couronne ouverte, sceptre et main de justice, corne d’abondance et branche d’olivier de part et d’autre accompagnés de fleurs de lys en haut-relief de chaque côté ; fronton surmonté d’une large coquille et d’une fleur de lys en haut-relief.

Ce grand siège de style Renaissance est entièrement en bois sculpté. Une plaque de marbre incrustée porte la devise « Domine salvum fac regem » (« Seigneur, protégez le roi »). L’inventaire mobilier du château de Chambord rédigé en 1883 précise qu’il a été offert au comte de Chambord « par les dames de France de Blois, représentées par la marquise de Vibraye », Louise Henriette de Blacas d’Aulps (1849-1934). À la fin du XIXe siècle, il est placé dans la salle du trône du château, nouvellement aménagée et ouverte au public. À l’arrière, le mur était recouvert d’une grande tapisserie aux points à motifs de fleurs de lys et au monogramme d’Henri. ANONYME

« Foire du trône. Cirque Bouthor (tournoi Henri V). À cette séance on verra : la grande fusion chambordiste et orléaniste » Entre 1848 et 1873 Dessin à la plume et au crayon, en couleur H. : 47,5 cm ; l. : 61 cm Bordeaux, musée des Arts décoratifs. Inv. 70.2.362 No 28

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LA MONARCHIE OU LA RÉPUBLIQUE : 1870-1875

BASTIEN-LEPAGE, Jules (1848-1884)

Henri Alexandre Wallon (1812-1904), ministre de l’Instruction publique

MAC-MAHON, Marie Edme Patrice Maurice de (1808-1893) ; Assemblée nationale ; Sénat

Loi constitutionnelle relative aux rapports des pouvoirs publics Du 22 juin au 16 juillet 1875 Minute originale avec sceau détaché de la République en cire jaune Manuscrit : h. : 34 cm ; l. : 24 cm. Sceau : diam. : 12 cm Archives nationales, Armoire de fer. Cote AE/I/29/15 No 13

Au sens strict du terme, il n’y a pas de Constitution de la IIIe République mais un ensemble de textes qui régissent le fonctionnement des institutions. Il n’y a ni affirmation solennelle d’un choix de régime ni préambule. Entre février et juillet 1875, trois lois principales définissent l’organisation et le mode de fonctionnement des pouvoirs publics entre eux.

1875 Huile sur toile H. : 103 cm ; l. : 80 cm Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Inv. MV7243. Dépôt du musée d’Orsay, Paris No 21

Né à Valenciennes, Henri Wallon appartient à une famille de la petite-bourgeoisie. Il fait de brillantes études et sort de l’École normale supérieure en 1831. Professeur d’histoire à l’École normale et à la faculté des lettres de Paris, il est secrétaire de la commission pour l’abolition de l’esclavage. En 1871, Wallon revient à la vie politique en se faisant élire dans le département du Nord sur une liste de centre droit. En mars 1875, il devient ministre de l’Instruction publique. Cette carrière ministérielle s’achève un an plus tard à l’avènement du ministère Dufaure. La même année, il est élu, in extremis, sénateur inamovible. Henri Wallon décède à Paris le 13 novembre 1904.

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WALLON, Henri-Alexandre (1812-1904)

Amendement Wallon 29 janvier 1875 Manuscrit original H. : 23,5 cm ; l. : 18,5 cm Archives nationales, Armoire de fer. Cote AE/II/2988/A No 12

Ce manuscrit fait partie des textes « fondateurs » de la IIIe République. Il intervient à un moment où l’Assemblée, majoritairement monarchiste, a nommé une commission constitutionnelle dont les travaux s’éternisent depuis la fin de 1873. Le 6 janvier 1875 commence la discussion sur l’organisation des pouvoirs publics. La question de l’instauration durable du gouvernement de la République vient à l’ordre du jour. Henri Wallon propose alors un amendement qui rend impersonnelle la définition du régime : « Le président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. » Soumis au vote le 30 janvier, le texte est adopté par une seule voix de majorité.

J. J. VAN BREDERODE (inv. et éd.) ; L. VAN DER LEER & co (lith.)

La leçon d’anatomie (politique) d’après Rembrand, pendant les vacances d’été en 1877 Après 1877 Lithographie en couleur H. : 51 cm ; l. : 69 cm Domaine national de Chambord. Inv. CH/41/0722. Acquisition, 2012 No 26

Inspirée d’un tableau de Rembrandt, la gravure représente les principaux hommes politiques, le duc de Broglie, de Fourtou, Thiers, Victor Hugo, Jules Favre, un prêtre, Gambetta, le duc d’Aumale, le comte de Chambord, le prince impérial au chevet de la France, dont la dissection est confiée au maréchal de Mac-Mahon. Leur intérêt à sonder les entrailles du pays illustre les incertitudes sur la forme du nouveau régime, République proclamée ou restauration monarchique.

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