Les préfaces d'henry loyrette 2001 2013 (extrait)

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les préfaces

d’henri

loyrette 2001-2013

Un hommage du service des Éditions du musée du Louvre à Henri Loyrette à l’occasion de son départ du Louvre, 9 avril 2013 Violaine Bouvet-Lanselle Laurence Castany Fabrice Douar Catherine Dupont Christine Fuzeau Fanny Meurisse Camille Sourisse Diane Vernel Avec Adrien Goetz


photo Philippe Fuzeau

Adrien, Diane, Laurence, Catherine, Violaine, Fanny, Christine, Camille, Fabrice.

Avec la généreuse complicité des éditions Somogy de leur présidente Louise Blouin et de leur directeur éditorial Nicolas Neumann Graphisme Philippe Pierrelée Photo de couverture Laurence Castany © Henri Loyrette, 2001-2013 © musée du Louvre, 2013


Dans la préface du livre paru en 1975 intitulé Préfaces avec une préface

aux préfaces (Prólogos con un prólogo de prólogos), Jorge Luis Borges, signalant en tête du recueil de ses préfaces que « nul n’a encore formulé une théorie de la préface », précise que « Préface des préfaces n’est pas un superlatif venu de l’hébreu comme Le Cantique des Cantiques, La Nuit des Nuits ou Le Roi des Rois » avant d’imaginer un autre livre, série de prologues à des livres qui n’existeraient pas. Peut-être aurions-nous pu vous demander, pour préfacer ces préfaces à des publications bien réelles, ce que Borges appelle « une sorte de préface élevée à la puissance deux » ? Ce livre reflète une activité éditoriale, durant douze années, à nulle autre pareille. À quoi mesure-t-on son intensité ? À sa quantité – deux cent soixante et une préfaces, sept cent trente mille signes –, à sa diversité, mais aussi au fait que la plupart des grands domaines de l’édition en sciences humaines sont couverts. Il y a aussi tous ces livres sans préface (deux cent soixante-sept), notamment les bandes dessinées et les ouvrages pour la jeunesse, qui comptent autant pour vous que tous les autres. Nous avons produit ensemble cinq cent vingt-huit livres : en douze ans, c’est beaucoup ! Votre action a permis à l’édition, et pas seulement à l’édition au Louvre, de se diversifier, de se multiplier et de s’étendre, enfin vous avez permis à nos nombreux coéditeurs de montrer leur attachement à nos valeurs. Vous avez prouvé, par votre volonté, que le livre était un médium incontournable dans le domaine de la culture, un support du savoir destiné à tous ces publics qui se pressent toujours plus nombreux dans nos murs, certes, mais avant tout un moyen d’exprimer noir sur blanc ce que nous voulions dire sur nos collections, nos recherches, sur les événements qui se déroulaient au Louvre, sur les invités de marque que nous y faisions venir. Vous avez stimulé, fait écrire et permis d’éditer des catalogues d’exposition et des catalogues de collections, des guides de


visite et des manuels d’histoire de l’art, des actes de colloques et des écrits d’auteurs et d’artistes, une revue de qualité et des monographies d’œuvres. Ce livre de préfaces conserve en résumé la mémoire de ce que fut votre action. Nous avons été heureux de dresser année après année, de conserve avec vous, un programme éditorial varié et cohérent, de monter avec vous les numéros de Grande Galerie. Nous nous sommes sentis élus, car nous avions avec vous un contact privilégié, et investis d’une mission au service de la culture et de l’art. Nous espérons vous faire plaisir en vous offrant le « livre des livres ». Vous avez montré combien vous aimiez les livres, permettez-nous de vous dire combien nous vous aimons. Service des éditions du musée du Louvre et Grande Galerie le journal du Louvre



les

catalogues

d’expositions


LE TRÉSOR DE CONQUES

2001

le mécénat du groupe Natexis Banques

Sous la direction de Danielle Gaborit-Chopin

Populaires.

et Élisabeth Taburet-Delahaye

La présentation du trésor dans l’aile

Il est des événements qui, pour être

Richelieu, à la fin de la galerie des Objets

inattendus, n’en sont pas moins fastes ;

d’art du Moyen Âge, souligne la place qu’il

la nécessité d’entreprendre des travaux

occupe dans l’histoire de l’art médiéval,

dans les locaux d’exposition du trésor

à côté des trésors de Saint-Denis et de

de Conques permet ainsi de présenter ce

la Sainte-Chapelle. Ainsi pourront être

trésor au musée du Louvre. À juste titre

rappelés à l’attention et à la révérence

inscrit sur les listes du Patrimoine mondial

des visiteurs du Louvre quelques-unes

de l’Unesco, ce trésor est en effet quasi

des œuvres les plus significatives, témoins

mythique puisque il est le seul regroupant

sans égal de l’art des orfèvres qui, depuis

des objets du haut Moyen Âge qui existe

les temps mérovingiens jusqu’à la période

encore en France. Il offre aussi – ou

gothique, ont su matérialiser la piété de

peut-être d’abord – à notre émerveille-

milliers de pèlerins dans l’alliance des

ment l’impressionnante, l’inoubliable

métaux, des pierres précieuses et des

statue reliquaire de sainte Foy, patronne

émaux.

de l’abbaye de Conques que les pèlerins invoquent pour la guérison des aveugles et la délivrance des prisonniers, et qui est 2003

la plus ancienne statue reliquaire qui soit

DE DELACROIX À MATISSE.

conservée.

DESSINS FRANÇAIS DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS D’ALGER

Le rassemblement à Paris, pour quelques

Natalie Coural, Dalila Mahammed-Orfali, Arlette Sérullaz

mois, des plus belles pièces du trésor est tout aussi exemplaire : il témoigne de la collaboration fructueuse entre la Ville de

En 1930, à l’occasion du Centenaire de

Conques, la Direction de l’Architecture et

l’Algérie française et grâce aux crédits du

du Patrimoine et les Musées, confortée

Commissariat général de ce Centenaire,

par la bienveillance et la compréhension

la ville d’Alger inaugurait en présence

des autorités ecclésiastiques, favorisée par

du président de la République française, 43


L es

p réfaces

d ' H enri

L o y rette

Gabriel Doumergue, son nouveau musée

l’Algérie. Le cabinet des estampes s’est

des Beaux-Arts, édifié dans un cadre

enrichi ainsi dans les années quatre-vingt

superbe par l’architecte Guion sur la

d’œuvres sur papier (dessins et gravures),

colline dominant le jardin d’Essai avec

de différents artistes algériens et depuis,

une vue incomparable sur la ville et sur la

le fonds contemporain n’a cessé de

baie. Cet acte majeur dotait l’Algérie d’un

s’accroître.

musée qui allait dans un laps de temps

Dans le cadre de « Djazaïr, une année

assez court gagner de l’importance et

de l’Algérie en France », il était tout à fait

même rivaliser avec certaines institutions

naturel que le musée du Louvre s’associe

de la métropole.

aux diverses manifestations organisées à

Grâce à une politique d’acquisition

travers la France. L’exposition présentée

soutenue où le dessin, d’emblée, tint

dans les salles du département des Arts

une place importante comme l’attestent

graphiques, au second étage de la région

les expositions organisées dans les

Sully, est consacrée aux dessins français

années cinquante tant à Alger que

du dix-neuvième et du début du vingtième

dans différentes villes européennes, les

siècle – pour lesquels Jean Alazard avait

collections s’agrandirent en effet très vite.

une prédilection marquée – et reflète son

Conçu à l’origine de façon à présenter

souci d’établir des liens entre les grands

au public d’Afrique du Nord une image

interprètes de l’Orient dont il était l’histo-

aussi complète que possible de l’art

rien éminent et les artistes vivants venus

français moderne et contemporain, le

travailler ou s’établir à Alger. La plupart

musée conserva ce cap tout le temps du

des œuvres exposées n’ont jamais été

directorat de Jean Alazard, celui-ci ayant

présentées au public parisien.

eu à cœur d’évoquer aussi les écoles de

Je tiens à remercier très sincèrement

peinture ancienne. Lorsqu’un cabinet

Madame

Dalila

Mahammed-Orfali,

d’estampes et de dessins fut ajouté aux

directeur du musée national des Beaux-

salles de peintures, de moulages et de

Arts d’Alger, et toute son équipe pour

sculptures, le musée national d’Alger

l’accueil réservé à Arlette Sérullaz,

formait à l’époque un tout cohérent.

conservateur général au département

Le musée a connu des moments

des Arts graphiques, directeur du musée

difficiles et douloureux : la volonté et

Delacroix, lors de sa venue à Alger. Arlette

la ténacité de ceux et celles qui l’ont

Sérullaz a, de concert avec Madame Orfali,

dirigé après la mort de Jean Alazard

sélectionné les dessins et coordonné, en

en a préservé l’essentiel. Depuis sa

compagnie de Natalie Coural, conserva-

réouverture officielle, en 1965, d’autres

teur, responsable des arts graphiques et de

orientations ont été développées, liées

la photographie au Centre de recherche et

notamment à l’histoire culturelle de

de restauration des musées de France, la 44


L E S

C A T A L O G U E S

D ' E X P O S I T I O N S

campagne de restauration, de montage et

le titre d’empereur des Français décerné

d’encadrement réalisée à Paris, au musée

le 18 mai 1804, Napoléon entendait ne le

du Louvre, dans les ateliers de la Direction

devoir qu’à lui-même ? Ce geste éner-

des Musées de France et du musée du

gique, hardi, arrogant même, David le

Louvre.

peignit sur la toile, avant de le changer radicalement, pour figurer l’attitude plus calme et presque religieuse qui faisait de Napoléon, comme il le dit lui-même, un

LE SACRE DE NAPOLÉON 2004

« chevalier français ». Cette modification,

PEINT PAR DAVID

qui transforme si profondément l’esprit et

Sous la direction de Sylvain Laveissière

l’équilibre de la scène, dont seule pourtant la figure principale fut alors retouchée,

Le Sacre de Napoléon : l’un des tableaux

soulève de nombreuses questions.

les plus célèbres du monde a-t-il encore

Qui en fut l’instigateur ? L’histoire en

des secrets à livrer ?

crédite le peintre Gérard, portraitiste

On sait bien qu’il s’agit là non d’un

bien en cour, qui aurait ainsi conseillé

reportage fidèle, mais d’une somptueuse

son ancien maître David ; mais à Sainte-

page d’histoire, soigneusement réécrite en

Hélène, Napoléon parlait d’une « petite

vue de la postérité. Il est ainsi de notoriété

intrigue de Joséphine », qui pensait ainsi

puwblique que la mère de l’Empereur,

conjurer la menace d’un divorce. Quand

Letizia, hostile à Joséphine, était à Rome

se produisit ce changement, qui devait

ce jour-là : sur ordre de Napoléon, le

être fort diversement jugé ? On peut

peintre corrige la réalité et lui fait occuper

aujourd’hui, avec de solides arguments,

la loge d’honneur.

le dater précisément d’août 1806.

Cette immense toile peinte par David de

Par extraordinaire, l’opération demeure

1805 à 1808 représente en fait le couron-

visible sur la toile. Derrière le Napoléon

nement de l’impératrice Joséphine par

définitif, on devine nettement, en

Napoléon, le 2 décembre 1804, à Notre-

« repentir », celui du premier projet : son

Dame de Paris, après que l’Empereur

profil de médaille, ses lauriers d’or, sa

eut été sacré par le pape Pie VII et se fut

couronne brandie…

couronné lui-même.

Non moins étonnante est la figure

David avait d’abord représenté ce

du personnage que David a peint pour

moment précis où l’Empereur élève

remplacer le torse de l’empereur, que

au-dessus de sa tête la couronne qu’il

cambrait son geste grandiloquent : les traits

destine à Joséphine, tout en serrant son

de cet ecclésiastique italien, en fait, sont

épée à son côté : comment dire plus claire-

ceux de Jules César ! Abandonnant à regret,

ment que ce pouvoir absolu, consacré par

pour raison de convenance, l’attitude digne 45


L es

p réfaces

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L o y rette

d’un César qu’il avait donnée à Napoléon,

BERNARDO BELLOTTO.

David revient à cette idée en peignant tout

UN PEINTRE VÉNITIEN À VARSOVIE

près de lui son modèle antique.

Sous la direction de Stéphane Loire

L’exposition conçue et organisée par

2004

Sylvain Laveissière envisage bien d’autres

Dans le cadre de la saison polonaise,

aspects de l’œuvre, lui apporte de multiples

le Louvre a le rare privilège de présenter

éclairages. Présentée dans la salle Daru,

dix-huit des vingt-deux Vues de Varsovie

autour du tableau même – ce qui ne va

peintes par Bernardo Bellotto (Venise,

pas sans contraintes –, elle occupe quatre

1722-Varsovie, 1780) pour le château royal

espaces (clos car la lumière doit être

de Varsovie. Cette exposition permet tout

contrôlée à cause des dessins et des tissus)

d’abord de découvrir l’œuvre d’un peintre

correspondant à quatre sections, qui sont

qui a joué un rôle déterminant pour la

autant d’approches : l’institution du sacre,

diffusion de l’art vénitien au nord des

la journée du 2 décembre, l’élaboration du

Alpes, en introduisant le genre des vues

tableau (c’est bien sûr la plus développée),

urbaines dans des cités où il n’existait pas

enfin sa réception par le public, qui sous

encore. Le neveu et l’élève de Canaletto,

l’Empire n’eut guère que six mois pour le

à la fois peintre, dessinateur et graveur,

contempler.

Bellotto a travaillé en Italie puis auprès

Le public d’aujourd’hui qui, attiré par

des cours européennes de Dresde, Vienne

la figure mythique de Napoléon, vient

et Munich, et enfin Varsovie ; à sa mort, les

admirer le chef-d’œuvre de David, décou-

collections royales polonaises détenaient

vrira encore la multitude de portraits

près d’une centaine de peintures de sa

dont beaucoup sont ici (c’est une autre

main, des vues imaginaires d’Italie, des

nouveauté) précisément identifiés : sur les

tableaux d’histoire et surtout, des vues

191 personnages dénombrés, quelque 146

peintes de la capitale polonaise.

figures offrent une physionomie distincte,

Exécutés à la demande du roi de

dont plus de la moitié sont désormais

Pologne Stanislas Auguste Poniatowski,

identifiées : et l’enquête est loin d’être

ces tableaux ont tous été peints pour

achevée. Revisiter les chefs-d’œuvre est

une unique pièce du Château Royal de

toujours une aventure : celle-ci est particu-

Varsovie, la « Sala del Canaletto » où il

lièrement enrichissante, qui nous permet

furent présentés jusqu’à la Seconde Guerre

d’approfondir les voies de la création.

mondiale. Après la destruction totale de cet édifice en 1944, ils furent exposés au Musée national de Varsovie. Entreprise en 1971 et achevée en 1984 grâce à un prodigieux effort collectif de tous les Polonais, la reconstruction complète du Château 46



publications scientifiques


LA GALERIE D’APOLLON

2004

lorsque le roi s’en va, laissant son palais aux

AU PALAIS DU LOUVRE

Académies. Salle du Cabinet des tableaux

Sous la direction de Geneviève Bresc-Bautier

du Roi, elle préfigure le musée, avant d’être la dernière ambition de l’Académie royale

1663-1677 : Charles Le Brun invente la

de peinture et de sculpture, tentée par le

galerie d’Apollon, le plus fastueux espace

grand décor. Elle est aussi le premier lieu

de son temps ; 1766-1781 : l’Académie décide

de l’exposition des dessins et des Objets

de la compléter ; 1848-1851 : Duban exécute

d’art, avant de devenir, au xixe siècle l’écrin

une restauration intégrale et exemplaire,

des joyaux les plus précieux, hérités de la

dont Delacroix, par sa course d’Apollon,

Couronne. Daniel Alcouffe, conservateur

souligne l’aboutissement magistral  ;

général chargé du département des Objets

1999-2004 : l’architecte en chef du palais

d’art, a dirigé le programme muséogra-

du Louvre, Michel Goutal, dirige l’étude

phique de la nouvelle installation de cette

préalable puis la restauration complète de

collection prestigieuse.

cet ensemble prestigieux. Chaque siècle

L’histoire du financement des restau-

aura marqué de son empreinte la galerie

rations montre aussi que les temps ont

d’Apollon. Mais les temps ont changé : lors

changé. Au xviiie siècle, on se reposait,

des grande étapes précédentes, des chefs-

lentement et sans attention à l’architecture,

d’œuvre ont été créés pour la galerie ; en

sur la bonne volonté des artistes. Au xixe

revanche, de nos jours prime la restau-

siècle, l’État, qui vient d’inventer la notion

ration méticuleuse d’un état ancien, en

de monument historique, prend en charge

l’occurrence celui que nous a légué le xixe

la restauration globale, en partageant la

siècle. Le respect du passé se conjugue

responsabilité entre l’architecte, Duban, et

seulement avec les techniques d’investi-

le musée qui veille aux peintures, inscrites

gation et de restauration du présent.

sur ses inventaires. À la charnière entre le

Ce passé est celui du Louvre, musée dans

xxe et le xxie siècle, c’est le mécénat qui

un palais. L’histoire de la galerie se confond

prend le relais. Total, présidé par Thierry

totalement avec lui. Sublime réalisation du

Desmarest, a été le partenaire généreux

Premier peintre d’un jeune roi-soleil s’iden-

et confiant d’une opération de grande

tifiant avec son astre, elle reste inachevée

envergure, à laquelle ont collaboré dans 137


L es

pr é f a c es

d ' H enri

L o y re t t e

un climat de parfaite entente la direction

Inspiré en partie par l’exemple du musée

du Patrimoine représentée par Colette Di

d’antiques du Vatican, dont il s’attacha le

Matteo, le musée du Louvre, le Centre

conservateur Ennio Quirino Visconti, le

de recherche des musées de France, que

Louvre devint à son tour un modèle large-

dirige Jean-Pierre Mohen, et dont le travail

ment imité, même après les restitutions

des équipes a été coordonné par Nathalie

de 1815.

Volle, les restaurateurs dont la compétence

Napoléon et le Louvre. Le lien est donc

mérite d’être soulignée. Ce livre, qui réunit

fort entre les deux noms. Un excellent petit

les contributions de près de quarante

guide, dû à Philippe Malgouyres, les avait

collaborateurs, remarquablement dirigés

déjà associés, à propos de l’architecture et

par Geneviève Bresc-Bautier, conserva-

du décor des salles. Sait-on que le Louvre

teur général, chargée du département

doit à Napoléon l’achèvement de la cour

des Sculptures et de l’histoire du Louvre,

Carrée ? Que les meilleurs sculpteurs du

reflète une histoire à rebondissements

temps y ont pris le relais de Jean Goujon et

et une restauration qui fera date. Que

de Jacques Sarazin ? Qu’ils ont par ailleurs

tous trouvent ici l’expression de notre

élaboré la statuaire du monde moderne,

reconnaissance pour l’accomplissement

alors dominé par le militaire, au fil des

d’une restauration exemplaire -voulue

commandes impériales et sur l’arc du

par mon prédécesseur, Pierre Rosenberg-

Carrousel ? Que Percier et Fontaine ont

qui donne une nouvelle jeunesse à un

laissé, dans les salles qui portent leurs

ensemble artistique de première grandeur,

noms, le plus délicat exemple de leur

désormais mieux compris et mieux mis en

génie décoratif ? Mais aussi que les divers

valeur aux yeux du public.

départements exposent dans tous les domaines les plus belles créations d’une époque dont l’histoire guerrière masque souvent la richesse artistique ?

NAPOLÉON ET LE LOUVRE

2004

C’est tout cela que, précédés par un chapitre historique dû à Thierry Lentz,

Sous la direction de Sylvain Laveissière

présentent

Pendant plus de dix ans, le Louvre s’ap-

Anne

Dion-Tenenbaum,

Isabelle Leroy-Jay Lemaistre et Sylvain

pela Musée Napoléon. De fait Napoléon

Laveissière, trois conservateurs respon-

est chez lui au Louvre.

sables, entre autres, dans leur département

Le musée doit à l’Empereur plus que des

respectif, des collections d’objets d’art,

collections : le rayonnement universel d’un

de sculpture et de peinture de l’époque

établissement qui offrit au monde, l’espace

consulaire et impériale.

de son règne, la plus prestigieuse collec-

Fruit d’une collaboration de la Librairie

tion de chefs-d’œuvre jamais rassemblée.

Arthème Fayard et du musée du Louvre, 138


L E S

P U B L I C A T I O N S

S C I E N T I F I Q U E S

qui s’est déjà concrétisée dans le magni-

PEINTURES GRECQUES ANTIQUES.

fique volume sur les Antiques du Louvre,

LA COLLECTION HELLÉNISTIQUE

cet ouvrage étend son propos à tous les

DU MUSÉE DU LOUVRE

aspects que le Louvre peut refléter ou

Agnès Rouveret

illustrer – souvent de manière unique – de

2004

Au musée du Louvre, l’abondance d’une

l’époque consulaire et impériale. Le lieu est celui d’un double palais royal

collection comme celle des antiquités

et impérial, avec les Tuileries disparues ;

grecques, étrusques et romaines fait

le pouvoir est présent avec la légende de

qu’elle recèle encore, dans l’ombre des

Napoléon, à laquelle les arts ont forte-

grands chefs-d’œuvre dont la célébrité

ment contribué, ses œuvres de guerre

s’est depuis longtemps répandue dans

et de paix, les fastes du sacre et ceux du

la faveur du public, des documents plus

mariage autrichien ; l’art, naturellement,

modestes, mais dont l’intérêt est capital

se présente avec ses acteurs et ses rites,

pour la connaissance de l’art antique. Ainsi

dont le plus attendu était le Salon ; la

en est-il de ces peintures hellénistiques,

société enfin, observée à travers le prisme

dont le présent catalogue révèle une

de la vie quotidienne, du décor de la vie

existence jusqu’ici fort obscure. Agnès

mondaine et des résidences impériales.

Rouveret, professeur à l’Université de Paris

Le public du Louvre, toujours plus

X-Nanterre, que ses travaux bien connus

nombreux, ne manquerait pour rien au

sur la peinture antique placent au premier

monde une station devant Le Sacre de

rang de la recherche, a bien voulu accepter

Napoléon peint par David. C’est devant ce

d’en rédiger le texte, nourri de la riche

tableau, le plus grand du musée après Les

expérience qu’elle a acquise tant à partir

Noces de Cana de Véronèse, que s’opère

de la lecture des textes que de l’observa-

la fusion unique de l’histoire, de l’art et

tion des monuments. La raison d’être de

du lieu. Avec ce livre, il découvrira que

cet ouvrage vient de l’heureuse rencontre

Napoléon n’est pas seulement présent

entre sa compétence et l’ensemble des

dans cette toile justement illustre. Il

analyses de laboratoire entreprises au

comprendra que l’époque que Napoléon a

Centre de Recherche et de Restauration

marquée de son sceau n’est pas seulement

des Musées de France, où Philippe Walter

celle d’une épopée fulgurante et guer-

a joué le premier rôle. On y trouvera donc,

rière, mais un temps de reconstruction

à partir d’œuvres dont la restauration a

et d’expériences novatrices, et que la

heureusement accompagné la réflexion

société de ce début du xixe siècle nous a

scientifique, des informations sur cet art

légué les trésors d’une civilisation souvent

majeur qu’était la peinture grecque dont le

méconnue, qui est la nôtre.

contenu fait considérablement progresser la connaissance. Nombre de ces objets 139


L es

pr é f a c es

d ' H enri

L o y re t t e

ainsi tirés d’un injuste oubli figureront non

Denon, à l’intersection des parcours

seulement dans une exposition provisoire

chronologiques de la sculpture italienne

organisée dans le cadre de l’Actualité du

des temps modernes et de la sculpture

département, mais aussi dans la présen-

romaine antique, la salle du Manège brille

tation en cours de réflexion de salles où

à nouveau de tous ses feux : construite sous

seront rassemblées les œuvres de l’art grec

Napoléon III et destinée à l’art équestre,

des périodes classique et hellénistique.

elle méritait qu’on redécouvre sa belle

Conserver, présenter, publier : ces trois

architecture, sa voûte spectaculaire et ses

démarches majeures de l’institution du

chapiteaux animaliers ; sa restauration et

musée se trouvent ici réunies. On ne peut

son éclairage, dus aux travaux conjoints

que s’en féliciter.

de l’architecte du palais du Louvre, Michel Goutal et de la direction de l’architecture et de la muséographie (tout particulièrement Philippe Maffre et Françoise Gauchet),

LES ANTIQUES DU LOUVRE.

2004

autorisent désormais sa contemplation.

UNE HISTOIRE DU GOÛT D’HENRI IV À NAPOLÉON I

Elle réunit près de soixante pièces illustrant cette rencontre fructueuse entre les

er

fragments de sculptures antiques progres-

Sous la direction de Jean-Luc Martinez

sivement sortis du sol et la création des

En 2000, la belle exposition « D’après

xvie, xviie et xviiie siècles : restaurations,

l’antique » avait rappelé au public du

pastiches, imitations, les sculpteurs

Louvre l’importance et la diversité de la

italiens et français (Le Bernin, l’Algarde,

réception de l’art antique en Occident du

Duquesnoy…) n’ont pas cessé de mettre en

Moyen Age à l’époque contemporaine.

scène et de proposer la statuaire antique à

En 2004, la réouverture de la salle du

l’admiration des artistes et des amateurs.

Manège permettra de prolonger cette

L’ouvrage collectif composé et coordonné

redécouverte du « goût pour l’Antique »

par Jean-Luc Martinez tente de faire le

qui traverse l’art européen. Une nouvelle

point sur cette histoire complexe dans

fois, notre musée a l’occasion de remercier

laquelle le goût du collectionneur, l’érudi-

chaleureusement un mécène fidèle, Marc

tion des restaurateurs ou des antiquaires

Ladreit de Lacharrière. La générosité du

qu’ils s’associent comme les disponibilités

groupe Fimalac qu’il dirige a permis de

offertes par un marché de l’art naissant

rénover l’éclairage et la présentation de

jouent un rôle. Richelieu, Mazarin ou Louis

cette salle consacrée à l’histoire des collec-

XIV en France, Scipion et Marcantonio

tions d’antiques françaises et italiennes

Borghèse ou Alexandre Albani pour l’Italie

des xviie et xviiie siècles. Directement

n’ont pas collectionné les mêmes antiques

accessible depuis la pyramide par l’entrée

et ne les ont pas présentées de la même 140



actes des colloques, des confĂŠrences et chaire du louvre


L’AVENIR DES MUSÉES

2001

a proliféré, elle s’est modernisée, les constructions nouvelles continuent à se

Actes du colloque établis par Jean Galard

multiplier. Mais la « vogue » des musées,

En 1993, lors des commémorations du

pendant les vingt-cinq dernières années,

bicentenaire de son ouverture, le musée

ne s’est pas accompagnée de l’excitation

du Louvre a organisé un colloque inter-

intellectuelle que d’autres temps ont

national sur la situation des musées en

connue. Tout se passe comme si l’insti-

Europe dans la seconde moitié du xviiie

tution, dans son principe, allait de soi et

siècle. Michel Laclotte, alors président-

comme si c’étaient les moyens de sa survie

directeur du Louvre, avait confié à Edouard

qui devenaient problématiques. On crée

Pommier la responsabilité scientifique de

volontiers de nouveaux musées. Il est plus

ces journées, dont les actes sont parus en

difficile d’assurer, année après année,

1995. L’érudition des spécialistes réunis

les conditions de leur fonctionnement.

à cette occasion avait permis d’évoquer

Les textes qui forment ce volume sont

des thèmes d’une haute ambition : ceux

souvent empreints de l’inquiétude qui

qui, dans l’Europe des Lumières, allaient

est aujourd’hui le lot des responsables de

composer le « discours fondateur de la

musées. Mais c’est à travers l’expression

culture du musée ».

de tels soucis que se manifestent finale-

Le colloque que Pierre Rosenberg, avec

ment les désirs les plus passionnés. Si l’on

l’aide de Jean Galard et de l’équipe du

en juge d’après ce colloque, l’avenir des

service culturel, a consacré à la question

musées, pour nos contemporains , relève

de l’avenir des musées, en 2000, présente

moins du rêve et de la théorie que de la

un intérêt indéniable et une difficulté non

résolution patiente de quelques problèmes

moins évidente. La difficulté – outre le fait

fort complexes, éminemment significatifs

qu’il n’existe aucun spécialiste de l’avenir

de notre temps.

des musées – vient de ce qu’il n’y a plus

Cette réflexion sur l’avenir de l’institu-

aujourd’hui de débat aussi vigoureux

tion muséale s’est développée en synergie

qu’au xviii siècle, ou qu’au xix (ou

avec le programme « Musée-musées »,

même qu’au cours de plusieurs périodes

exploration méthodique du renouveau

du xx ) sur le sens du musée. L’institution

des musées dans toutes ses composantes.

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e

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185


L es

p ré f a c es

d ' H enri

L o y re t t e

A l’auditorium du Louvre, au cours des

minutieuse autant que passionnante sur

futures journées-débats et des conférences

ces œuvres remarquables encore trop

de ce programme, cette réflexion conti-

peu connues. Les études réunies dans cet

nuera d’être nourrie et enrichie.

ouvrage comparent autant les données matérielles, iconographiques que stylistiques, enrichissent notre connaissance des foyers de création des Pays-Bas

RETABLES BRABANÇONS

2001

méridionaux à la fin du gothique tardif et

DES XV e ET XVI e SIÈCLES

nous apportent une vision originale sur

Actes du colloque établis

ces œuvres brabançonnes.

par Sophie Guillot de Suduiraut

Nous sommes impressionné, à la lecture de ces pages, par la qualité du travail

Les actes de colloques se suivent et ne

réalisé autant sur le plan scientifique

se ressemblent pas. De la monographie

qu’éditorial. Par sa volonté de publier des

à l’étude thématique, de la recherche

ouvrages scientifiques, le musée du Louvre

interdisciplinaire à la mise au point d’un

participe ainsi aux débats du monde de la

sujet précis, chaque ouvrage prouve sa

recherche et lui apporte son soutien par

singularité. Mais chaque ouvrage fournit

l’intermédiaire de cette collection.

l’occasion de faire connaître les dernières découvertes, les nouvelles orientations de la recherche, de partager avec le plus 2001

grand nombre la connaissance et la

PRUD’HON

passion des érudits. C’est ce qui fait leur

Actes du colloque établis par Sylvain Laveissière

point commun et c’est pour nous un très grand plaisir de voir avec quelle vivacité

Prud’hon : ce

le monde scientifique démontre la richesse

pour peu que l’on veuille bien ne pas le

et la diversité de cette discipline appelée

confondre avec son presque homonyme

histoire de l’art.

Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865),

Cet ouvrage ne fait pas exception à

nom discret et sourd,

évoque le mélancolique portrait de

l’esprit de cette collection et je tiens à

L’Impératrice Joséphine, la vaporeuse

saluer ici le remarquable travail effectué

Psyché enlevée par les zéphyrs, la puissante

par Sophie Guillot de Suduiraut. Après

et sombre Justice et la Vengeance divine

avoir rédigé le catalogue raisonné des

poursuivant le Crime : trois chefs-d’œuvre

sculptures brabançonnes du musée du

de la maturité réunis au musée du Louvre,

Louvre, elle poursuit dans ce volume, avec

entre les David et les Ingres. À eux seuls,

la collaboration des plus grands spécia-

ils suggèrent le rôle de « passeur » qui fut

listes de la question, son travail d’enquête

celui de l’artiste, entre un classicisme 186



la collection

solo


BAOUIT :

2002

éléments demeurés en Égypte. L’église

UNE ÉGLISE COPTE AU LOUVRE

de Baouit est une « œuvre » architecturale

Dominique Bénazeth

qui recèle, à son tour, des chefs-d’œuvre peints et sculptés, dont l’agencement et la

À la suite du partage des fouilles de Baouit,

lecture sont ici éclairés.

voici un siècle, un nombre considérable de sculptures provenant de ce couvent arriva au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Son

MAURICE-QUENTIN DELATOUR.

modeste fonds s’enrichit subitement de

LA MARQUISE DE POMPADOUR

pièces témoignant de l’art monastique

Jean-François Méjanès

égyptien à son apogée, cependant que les

2009

célèbres tissus commençaient à former

Le plus beau et le plus célèbre des pastels

l’autre pôle de la collection. Une véritable

conservés au musée du Louvre ne pourra

section copte était désormais constituée

figurer dans l’exposition « Madame de

en son sein, avec un espace d’exposition,

Pompadour et les arts », inaugurée au

baptisé « Salle de Baouit » en raison du

château de Versailles avant de gagner

décor architectural qui en était le fleuron.

Munich, puis Londres : la poudre fragile

Aujourd’hui la section copte conserve

du pastel n’autorise ni vibration ni, donc,

près de six mille objets, et une nouvelle

mouvement.

salle de Baouit abrite une présentation

Ce dix-neuvième volume de la collec-

très évocatrice de la fameuse église.

tion Solo permet d’abord de pallier cette

L’auteur de la présente monographie

absence. Le conservateur responsable des

a participé à sa réalisation, avec les

dessins français des xviie et xviiie siècles –

chercheurs, architectes et restaurateurs

le pastel travaillé sur papier est un dessin

qui ont joint leurs efforts et leur talent

–a prolongé les recherches entreprises

afin de comprendre et de restituer les

pour une présentation du Portrait de la

vestiges démembrés du monument. Elle

marquise de Pompadour à l’auditorium

a dépouillé les archives archéologiques

du Louvre, dans le cadre de « L’œuvre en

et s’est rendue au Caire pour étudier les

direct ». 211


L es

pré f aces

d ' H enri

L o y rette

Il apporte une lecture nouvelle de cette

département égyptien du Louvre, celle

œuvre exceptionnelle. Jeanne-Antoinette

de Padiimenipet fils de Sôter, mort en 116

Poisson naquit dans la bourgeoisie

apr. J.-C. à l’âge de vingt et un ans, offre

montante qu’était encore le monde des

un intérêt qui dépasse de loin la simple

financiers du début du xviiie siècle. Belle,

curiosité pour un corps embaumé. Sans

intelligente et ambitieuse, elle sut s’agréger

doute les conditions de sa découverte y

au monde artistique et intellectuel de

sont-elles pour quelque chose. En 1820, à

Paris et intéresser écrivains, philosophes,

une époque où les chasseurs d’antiques

artistes et aussi savants. Belle, intelligente

écumaient l’Égypte et où le brigandage

et amoureuse, elle sut conquérir Louis XV

était de règle, un nombre important de

et, à travers lui, régner – quasiment – sur

cercueils fut mis au jour dans une tombe

la France. Elle tenta de convaincre le roi

collective de la nécropole thébaine, où

de découvrir, à ses côtés, l’évolution qui

Padiimenipet reposait en compagnie de

animait alors le royaume.

nombreux parents ; cette trouvaille d’im-

C’est le programme qu’elle demanda

portance connut un grand retentissement

à Delatour de traduire. L’essentiel de ce

dans le monde savant contemporain, avant

que propose Jean-François Méjanès est

même que Champollion, avec sa fameuse

une analyse aussi précise que documentée

Lettre à Dacier (1822), ne pose les bases de

du programme suggéré au roi par la

l’égyptologie moderne.

marquise. Cette proposition repose sur les

Padiimenipet faisait partie d’une famille

ouvrages que la marquise choisit de placer

que l’on peut suivre sur six générations,

à ses côtés. Les modifications et adjonc-

grâce aux inscriptions qui établissent

tions qu’elle demanda à l’artiste prouvent

soigneusement non seulement les généa-

et son intérêt pour les idées nouvelles et

logies, mais aussi, pour une bonne partie

son suivi attentif de l’évolution politique.

de ses membres, les dates de naissance et de mort rédigées en égyptien ou en grec. Padiimenipet n’est donc pas une figure isolée, même si les textes le concernant ne

PADIIMENIPET

2002

livrent aucun événement de sa vie passée.

FILS DE SÔTER

Après avoir évoqué l’histoire antique et

François René Herbin

moderne de cette vaste famille, François René Herbin s’est attaché à réunir ici,

S’il existe une catégorie d’« antiquités »

en se fondant sur un matériel original et

dont le pouvoir de fascination s’est de tout

précieux à la fois, tout ce que l’on sait de

temps exercé sur le public des musées,

ce jeune Thébain de l’époque impériale.

c’est bien celle des momies humaines. Exposée depuis quelques années au 212



l’art contemporain l ’ a r t

c o n t e m p o r a i n


JAN FABRE AU LOUVRE.

2008

particulièrement familière, puis le musée

L’ANGE DE LA MÉTAMORPHOSE

du Louvre, référence incontournable pour

Marie-Laure Bernadac, Paul Huvenne,

cet artiste connaisseur de longue date de

Christos Joachimides et Eckhard Schneider

A près

ses collections. Jan Fabre intervient donc dans les

le succès des expositions

salles de peinture des Écoles du Nord, un

Contrepoint, le musée du Louvre poursuit

département particulièrement riche du

sa politique en faveur de l’art contempo-

musée et encore trop méconnu. La tradi-

rain. Désormais, un seul artiste est invité

tion picturale flamande fut en effet pour

à intervenir dans un département de

lui une source d’inspiration constante et

son choix. Pour cette nouvelle édition, le

déterminante, tant sur le plan technique

Louvre donne carte blanche à l’artiste belge

qu’iconographique : « À dix-huit ans, je

Jan Fabre dont l’œuvre pluridisciplinaire,

suis allé à Bruges pour voir les peintures

transgressant les genres et les frontières,

des primitifs flamands représentant le

répond particulièrement bien aux enjeux

Christ, ses plaies de mutilation et de

du musée. Il ne s’agit plus uniquement

flagellation. Et là, j’ai découvert le body

de faire des correspondances d’œuvre à

art et la performance. » D’autre part, les

œuvre, mais plutôt d’établir un dialogue

primitifs flamands peignaient avec du sang

entre artistes du passé et artiste vivant,

et des os mélangés aux pigments, ce qui

pour montrer une similitude d’univers,

conférait à leurs couleurs – rouge, bleu

de visions du monde, et la permanence,

et blanc –, une qualité exceptionnelle. Le

au-delà des mutations matérielles et

recours à ces matériaux organiques a été,

formelles, de certains thèmes.

sous d’autres formes, perpétué par l’artiste.

En juin 2006, Jan Fabre avait été invité

Le parcours proposé par Jan Fabre dans

par le musée royal des Beaux-arts d’Anvers,

les collections peut être perçu comme une

à imaginer un parcours de ses œuvres au

« dramaturgie mentale » mettant en scène

sein des collections du musée. Nous lui

les figures majeures de son œuvre avec

avons demandé de réinterpréter l’exercice

celles proposées par les maîtres anciens.

dans un autre contexte. D’abord Anvers,

L’artiste fait ainsi dialoguer son univers

sa ville natale, une collection qui lui est

fantasmatique avec certaines thématiques 241


L es

préfa c es

d ' H enr i

L o y rette

universelles qu’il a repérées dans les collec-

de se vider de sa propre substance pour

tions : la mort et la résurrection, les vanités,

absorber d’une nouvelle manière les

l’argent, le fou, le jeu, l’agneau mystique, la

leçons du passé. Dans la salle Rubens, un

bataille, l’armure, l’atelier. Cette exposition

autoportrait sarcastique en forme de ver

permet donc de découvrir à la fois le monde

de terre rampant sur des pierres tombales.

si particulier de l’artiste, et le regard qu’il

Cette larve issue de la terre, et rongeur de

porte sur les tableaux anciens. Une des

cadavres, qui dit la nudité et la décompo-

sources premières de sa démarche réside

sition de l’être humain, est un symbole de

dans son intérêt pour l’entomologie,

la vanité, du passage de la vie à la mort,

héritage de son ancêtre Jean-Henri Fabre,

et de la métamorphose. Pour Jan Fabre,

dont les écrits furent pour lui une constante

l’artiste est par excellence « l’ange de la

source d’inspiration. Cette filiation se

métamorphose », de la transformation de

traduit d’abord par des dessins formés par

la matière, de la chair en œuvre d’art.

les traces d’insectes, puis par l’utilisation

Une quarantaine d’œuvres, de techniques

des élytres de scarabée, comme matériau

diverses – dessins de sang, de larmes, au

de ses sculptures. Son positionnement entre

Bic bleu, sculptures, installations, films de

l’art et la science – qui lui fait inventer des

performance –, viennent ainsi rythmer

animaux hybrides, étudier les similitudes

le parcours des collections, et nous faire

entre l’homme et l’animal –, le conduit

percevoir différemment les œuvres de

à privilégier un bestiaire symbolique,

Van Eyck, Metsys, Memling, Rembrandt,

composé du hibou, du scarabée, mais aussi

Rubens, Vermeer, Van der Weyden, Bosch…

du perroquet et de l’agneau. Son attitude de

La cohérence du parcours et le choix des

résistance politique et poétique, qui allie la

œuvres les plus significatives de Jan Fabre,

folie et la spiritualité, ainsi qu’une forme de

permettent une autre vision de l’histoire de

mysticisme contemporain, le rapproche des

l’art, dans laquelle l’artiste contemporain,

primitifs. On peut ainsi déceler les affinités

réactive et actualise les œuvres du passé,

profondes de l’artiste avec une tradition

leur restituant parfois un sens perdu.

artistique flamande qui, de Bosch à Rubens, explore avec jubilation une esthétique du grotesque, renouvelant ainsi le genre de la ANSELM KIEFER AU LOUVRE

danse macabre, et du carnaval. L’exposition commence et se termine

2008

Sous la direction de Marie-Laure Bernadac

par des autoportraits de l’artiste. À l’entrée, un Jan Fabre nain se blesse le nez en

Dès son origine, le musée du Louvre

se cognant sur un tableau de maître.

fut conçu pour les artistes vivants, qui

Témoignage de modestie de la part de

venaient y travailler, copier, exposer.

l’artiste vis à vis de ses maîtres, ou besoin

Au cours des différentes étapes de la 242


L ’ A R T

C O N T E M P O R A I N

construction du palais puis du musée, les

pour le palais une peinture monumentale,

maîtres d’œuvre ont fait appel à des artistes

Athanor. L’athanor, c’est le four des alchi-

de leur temps pour décorer plafonds et

mistes, dans lequel le plomb devient or

escaliers, complétant parfois des décors

et la matière vile, œuvre d’art. Par cette

commencés des décennies auparavant.

commande, le Louvre donne un carac-

Ainsi, la partie centrale du plafond de

tère officiel et patrimonial à la création

la galerie d’Apollon, voulue par le jeune

contemporaine, et permet à un public non

Louis XIV, fut commandée à Delacroix

initié de découvrir la démarche d’un artiste

en 1849. En 1947, Georges Salles invitait

vivant, mettant ainsi en avant le caractère

Picasso à présenter ses œuvres dans la

universel du musée. Cette réalisation

Grande Galerie, à côté de tableaux de

constitue donc un volet essentiel de la

son choix, avant de demander en 1954 à

politique de dialogue entre l’art du passé et

Georges Braque le décor du plafond de la

l’art du présent. L’œuvre d’Anselm Kiefer

salle Henri-II. Lors du réaménagement

est installée dans l’escalier nord de la

du Grand Louvre, la pyramide de Pei

colonnade, qui constitue, avec l’escalier sud

constitua en elle-même une création

de la colonnade, l’unique exemple encore

contemporaine au cœur du palais ancien.

en place de l’architecture de prestige telle

Depuis 2003, afin de réactiver un

que la concevaient les deux architectes de

regard « artistique » sur les collections et

Napoléon, Percier et Fontaine. Entièrement

de réintroduire la question de la création

minéral, l’escalier nord possède un décor

dans un musée en constante mutation, le

inachevé du xixe siècle, organisé autour

Louvre a refait sien cet héritage avec la

d’un ordre corinthien. Très vite considéré

nomination d’un conservateur spéciale-

comme un espace muséal à part entière,

ment chargé de l’art contemporain dans

le palier supérieur de l’escalier méridional

le musée et l’organisation, entre autres,

servit par exemple en 1819 à montrer des

des expositions « Contrepoints » ou les

instruments d’optique lors de l’Exposition

invitations à un photographe tous les ans

publique des produits de l’industrie fran-

à l’occasion du Mois de la photographie.

çaise. Menant aujourd’hui au département

Mais l’expression la plus manifeste de ce

des Antiquités égyptiennes, l’escalier nord

retour de la création contemporaine au

de Percier et Fontaine fut, dès le début

Louvre est la reprise des commandes de

ou presque, considéré comme un lieu

décors pérennes à des artistes vivants.

d’exposition d’œuvres autant qu’un lieu

C’est avec Anselm Kiefer que le Louvre

de passage. Son aspect, quoique conforme

a eu le plaisir et l’honneur de renouveler

dans ses grandes lignes à ce qu’ont laissé

cette tradition en lui commandant un

les architectes, témoigne cependant de son

décor permanent. L’artiste allemand,

inachèvement. Plusieurs niches et surtout

installé dans le Gard depuis 1993, a créé

une grande arcade aveugle sur le mur 243


L es

préfa c es

d ' H enr i

L o y rette

ouest étaient vides. L’impression donnée,

l’efficacité et la singularité de son style.

celle d’un espace nu, était sans doute assez

Très naturellement, Yan Pei-Ming a choisi

éloignée de la volonté d’origine.

de travailler sur le tableau le plus célèbre

Le décor proposé par Anselm Kiefer,

du monde qui signifie à lui seul le Louvre,

en s’inscrivant parfaitement dans l’archi-

La Joconde, la fameuse Monna Lisa, qu’il

tecture de l’escalier, permet de renouer

découvrit à Shanghai, en reproduction

avec les intentions des architectes et offre

dans les manuels de peinture à l’huile.

au spectateur, à travers une peinture et

Peintre des archétypes et des clichés, après

deux sculptures, une vision unifiée de

Mao, Bruce Lee, Jean XXIII, Marilyn,

l’espace. Je tiens donc à remercier tout

Obama, Yan Pei-Ming ne pouvait mieux

particulièrement Anselm Kiefer qui a

tomber en affrontant cette icône mythique

consacré son énergie et son temps à la

de la peinture occidentale.

réalisation de ces œuvres monumentales

Mais comment peindre aujourd’hui une

pour le musée du Louvre, ainsi que les

image devenue quasi invisible par excès

AGF qui nous ont permis de mener à

de visibilité ? Yan Pei-Ming a décidé de

terme cet ambitieux projet.

l’enterrer, mais de l’enterrer dignement, avec de somptueuses funérailles … Monna Lisa est donc accompagnée d’un portrait de son père mort et d’un autoportrait

YAN PEI-MING.

2009

de l’artiste faisant le mort. S’agit-il, ici,

LES FUNÉRAILLES DE MONNA LISA

d’enterrer l’icône médiatique pour revitaliser la peinture ?

Marie-Laure Bernadac, Bernard Marcadé

Pourquoi

Yan Pei-Ming mène depuis longtemps une ce choix ? Parce que Yan

réflexion sur l’homme, le cycle de la vie et la

Pei-Ming est un peintre, essentiellement

mort, la filiation du père au fils. La Joconde

peintre, attiré autant par l’image que par la

est par ailleurs un des rares portraits de

picturalité. Peintre d’histoire et portraitiste,

femmes peints par Yan Pei-Ming. Elle est

qui n’a pas peur de la monumentalité et

rendue, exceptionnellement, de façon

n’est pas non plus inhibé, culpabilisé par

réaliste, illusionniste, car Yan Pei-Ming

le poids de l’histoire de l’art occidental.

voulait faire un beau portrait de femme et

À l’ère de la mondialisation, et tenant

non le portrait de la peinture. Le paysage

compte de la visée universaliste du musée

mystérieux qui se trouve derrière Monna

du Louvre, il est logique de faire appel

Lisa est devenu immense. Deux tableaux

à un peintre issu d’une double tradition

horizontaux encadrent, comme un trip-

orientale et occidentale. C’est sans doute

tyque, le portrait central. Ils sont parsemés

ce grand écart, cette dialectique entre deux

de crânes peints d’après des scans du crâne

manières de peindre qui font la force,

de l’artiste. « Peindre un paysage, c’est faire 244



les invitĂŠs

du louvre


TONI MORRISON

2007

salles » et même d’une soirée de « slam ».

ÉTRANGER CHEZ SOI

Vous en avez le témoignage entre les mains dans la deuxième partie de ce livre,

Depuis deux ans, le Louvre entretient

celle qui accompagne le texte éclairant de

avec Toni Morrison une relation d’amitié

Toni Morrison.

dont ce livre est le témoignage. Quand

Un thème, « Etranger chez soi », a

nous avons formulé puis développé l’idée

inspiré tout ce travail. Il a été choisi par

d’inviter chaque année une personnalité

Toni Morrison elle-même et détaillé par

extérieure au monde des musées, de

les collaborateurs du musée, les conser-

travailler avec quelqu’un qui proposerait

vateurs, les équipes de l’auditorium et de

à nos visiteurs un regard transversal et

la direction des publics. La définition du

différent sur nos collections, le nom de

concept d’étranger et celle de lieu d’appar-

Toni Morrison s’est naturellement imposé

tenance qui se retrouvent dans la fondation

à nous. Après le juriste Robert Badinter en

de toutes les sociétés, qu’elles soient d’écri-

2005, avant le peintre Anselm Kiefer en

ture ou non, sont étonnamment variables

2007 et le musicien Pierre Boulez en 2008,

mais toujours liées. On le voit par exemple

nous sommes heureux d’accueillir, cette

ici dans la société antique grecque où le

année, un écrivain de la stature de Toni

destin de la femme, liée au « foyer », peut

Morrison. Qui mieux que cette femme,

se comparer à celui de l’étranger qui en est

la première issue de la culture afro-

le profanateur. On le voit en Mésopotamie,

américaine à recevoir le prix Nobel (en

avec les grandes déportations de Ninive.

1993), pouvait porter un regard nouveau

On le voit dans l’Egypte ancienne où la

et décapant sur notre musée ?

mort a ce statut – entre autres. Trois

Nous le pensions, deux ans de travail

parcours, initiés avec Toni Morrison dans

avec les équipes du musée, deux années de

les salles antiques, développent ces idées.

rencontres et d’échanges fructueux nous

Cette thématique qu’on retrouve à la

le prouvent. Le résultat a pris la forme

fondation de toutes les sociétés humaines

multiple d’expositions, de conférences, de

est aussi une problématique individuelle

colloques, de lectures, de projections de

qui ne peut qu’intriguer l’écrivain, inven-

films, de concerts, de « parcours dans les

teur d’histoires, qu’est Toni Morrison. Où 263


L es

p ré f aces

d ' H enri

L o y rette

est-on chez soi ? Dans un lieu d’origine ou

de dialoguer avec Toni Morrison devant

dans un lieu d’accueil ? Ailleurs encore ?

le public à propos des questions cruciales

Même si, comme le dit Georges Steiner,

de l’origine et de la création.

« l’homme n’a pas de racines, il a avant tout

Un mot pour finir. Toni Morrison a choisi

des jambes », ces racines sont fondamen-

de traiter le thème de « Etranger chez soi »

tales dans la formation de la personnalité.

à travers une lecture originale et éclairante

En écrivain accompli, Toni Morrison a su,

du célèbre tableau de Géricault, Le Radeau

dans toute son œuvre, se placer sur ces

de la Méduse. Cette saison 2006 s’achève

deux plans : celui de l’individu et celui de la

magnifiquement avec ce texte qu’elle lui

critique sociale. Ses thèmes transversaux :

consacre et que présente ce petit livre en

les communautés humaines ballottées par

accompagnement du programme général.

les événements du monde, l’esclavage et

Que soient ici enfin remerciés les colla-

ses héritages, les villes sans passé, les

borateurs du musée qui ont accompagné

ghettos à l’âme cassée, les croyances, les

Toni Morrison et ont ainsi permis la réali-

fois vraies ou trafiquées, les superstitions,

sation de ce programme et de cet ouvrage.

les enjeux du politique, tout cela nous le retrouvons dans les journées organisées avec elle : PIERRE BOULEZ.

Le musée peut-il jouer un rôle dans l’intégration des individus à une société ?

2008

ŒUVRE : FRAGMENT. DESSINS, PARTITIONS ET TEXTES CHOISIS

Comment la musique africaine mêlée ou

Pierre Boulez, Henri Loyrette, Marcella Lista

non de l’occidentale a-t-elle su survivre

Sur la belle page (impaire, à droite),

aux bouleversements du xxe siècle ? Quel rôle les voix noires ont-elles joué

face à la page paire (à gauche) mais

dans l’interprétation ? Comment abolir

dans l’unité voulue de la double page,

les frontières en art ? En réponse à cette

Un Coup de Dés, en capitales, constellation

dernière question, grâce au chorégraphe

solitaire, éloignée de ce qui suit par une

William Forsythe et au vidéaste Peter Welz,

demi-page blanche et les trois quarts de la

les liens entre peinture et danse nous

double page suivante, également blanche.

semblent lumineux. Pourquoi le grand

L’exposition voulue par Pierre Boulez

réalisateur afro-américain Charles Burnett

ouvre, nécessairement, par le manuscrit

est-il encore inconnu en France ? En l’invi-

de Mallarmé, quand le verbe, « l’instant

tant avec Toni Morrison, nous espérons

de paraître », surgit dans l’espace infini

d’ailleurs mettre fin à cette anomalie. Et

et le silence ; par cet ultime poème qui

nous permettons enfin à des écrivains

interroge l’acte créateur, sa genèse, son

comme Michael Ondaatje, Boubacar Boris

développement dans l’espace et le temps,

Diop, Assia Djebar ou Edwige Danticat

toutes considérations – mais aussi le 264


L E S

I N V I T É S

D U

L O U V R E

silence, le jeu et, donc, le hasard, le

touchant la création artistique, progressi-

rythme – depuis toujours présentes chez

vement formulées à partir de la génération

Pierre Boulez, méditées, intégrées dans

romantique. Pour être formulées aussi

son œuvre, assimilées et développées par

clairement, il fallait en effet que l’artiste

la diversité de ses expériences, fonctions et

émerge en tant que tel, que s’estompent les

positions – compositeur, chef d’orchestre,

barrières sociales qui naguère le ravalaient

enseignant, théoricien, polémiste, direc-

au rang des fournisseurs, que le musée ou

teur de l’Ircam, et toujours soucieux de

la salle de concert le sacralisent.

la vie musicale.

L’exercice proposé à Pierre Boulez

Pierre Boulez convoque tous les

voulait qu’il confrontât son œuvre de

arts, apprend autant de Klee ou de

compositeur, évoquée par le manuscrit de

Mallarmé que de Messiaen, souligne

plusieurs de ses œuvres, à celle d’écrivains

les proximités formelles et structurelles

et surtout de peintres (et sculpteurs),

de créateurs qui ne se sont pas connus

représentée par des manuscrits et des

(Joyce/Berg ; Mondrian/Webern ; Klee/

dessins. Cette nécessaire correspondance

Stravinski ou Klee/ Webern ; Kandinsky/

visuelle, limitée au domaine graphique,

Schönberg…), parle d’instrumentation en

éliminait, de fait, nombre de problé-

citant Delacroix et Matisse, rapproche le

matiques propres à son œuvre pour se

travail de Wagner sur le Ring de celui de

concentrer sur ce qui forme ici les divers

Montaigne sur les Essais. Interrogations

chapitres de cette exposition : genèses, la

qu’il faut toujours lier au développement

partie et le tout, continuités et ruptures,

de son œuvre de compositeur et qui lui

l’œuvre en suspens.

sont consubstantielles. Car l’œuvre se

La gestation de cette exposition, l’établis-

nourrit de ces Regards sur autrui, aiguisés

sement de la programmation de concerts,

par un « don exceptionnel », celui qu’il

conférences, musique filmée…, ont donné

reconnaissait chez Adorno, qui « dans un

lieu à de longues discussions avec Marcella

domaine circonscrit ne suscite pas une

Lista, Carel van Tuyll, Monique Devaux

sorte d’intuition presque professionnelle

et moi-même. Avec l’appui de Johannes

dans un autre domaine, dont les données

Wetzel, nous avons eu, Pierre Boulez et

primaires nous échappent ».

moi-même, jusqu’au 14 juillet 2008, une

À travers lui, grâce à lui, bénéficiant des

série d’entretiens, très partiellement

œuvres et des réflexions de toute une vie,

retranscrits ici pour éclairer et préciser les

de son regard sur ces autrui qui sont ici

questions abordées dans cette invitation

Cézanne, Degas, Delacroix, Klee, Wagner,

au Louvre. La plupart ont hanté Pierre

Stravinski, Kafka, Kandinsky, Mallarmé,

Boulez toute sa vie et sont déjà posées

Giacometti…, l’exposition s’interroge

dans ses œuvres inaugurales. Reprise

sur quelques questions fondamentales

donc de réflexions anciennes, élargies, 265


L es

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d ' H enri

L o y rette

approfondies, éclairées par soixante ans

de compositeur, dans sa réflexion sur la

de création artistique, selon ce mouvement

création – depuis notamment la publica-

spiralé qui préside à l’élaboration de son

tion du Livre de Mallarmé par Jacques

œuvre. Avec le temps – et dans le temps

Scherer en 1957 : l’œuvre fragment d’infini

– certaines questions prennent sans doute

et, donc, nécessairement « ouverte ». En

plus d’importance que naguère. Ainsi celle

post-scriptum de ces conversations avec

de la trajectoire de l’artiste, c’est-à-dire tout

Pierre Boulez qui, naturellement, se

à la fois ses capacités à tenir la distance,

limitent à quelques bribes, quelques frag-

sa faculté de renouvellement, la richesse

ments, je citerai la réponse, à mes yeux

de son développement, bref tout ce qui fait

définitive, de Flaubert dans une lettre à

de lui, selon la formule de Pierre Boulez,

sa chère Mlle Leroyer de Chantepie du 18

un « créateur obstiné ».

mai 1857 : « Aucun grand génie n’a conclu

Ils sont peu nombreux à ses yeux, soit

et aucun grand livre ne conclut, parce

que leurs dons, certains, ne soient pas

que l’humanité elle-même est toujours en

appuyés sur des bases solides (Ives), soit

marche et qu’elle ne conclut pas. Homère

qu’un excès de formalisme conduise à une

ne conclut pas, ni Shakespeare, ni Goethe,

étouffante rigidité et qu’ils n’aient pas su

ni la Bible elle-même. »

préserver cette zone « d’insoumission », une des leçons fondamentales de Klee (Schönberg), soit que, après des débuts admirables, ils fassent volte-face et se

PETIT PAN DE MUR JAUNE.

soumettent au retour à l’ordre (Stravinski,

22 ÉCRIVAINS DU CÔTÉ DU LOUVRE

Picasso)… Méditation donc sur le temps

Sous la direction de Jean-Marc Terrasse

comme Proust la conduisit sur la figure

2010

d’Élstir : l’artiste devient comparable aux

De Balzac dans La Maison du Chat-qui-

maîtres anciens, non seulement parce

pelote à Zola dans L’Assommoir, ou Claudel

qu’il est accroché aux cimaises du musée

dans L’œil écoute, la liste des écrivains à

(ou fréquemment joué dans les salles

s’être inspirés du Palais et de ses collections

de concert), mais parce que son œuvre

est longue. Plus récemment dans Fuir (prix

magnifique révèle une trajectoire person-

Médicis 2005), Jean-Philippe Toussaint fait

nelle, se décompose en phases successives

des salles de peinture du Musée le sujet

et, tout simplement, dure. Déjà s’accomplit

symbolique d’une séparation amoureuse.

le travail de la postérité.

Lié par un téléphone portable, un couple

Comme titre générique de son inter-

se déchire entre la Chine et Paris, l’homme

vention, Pierre Boulez a choisi Œuvre :

dans la modernité tragique d’une ville

fragment, mettant en exergue une question

extrême-orientale en proie à la violence,

fondamentale pour lui dans son activité

la femme dans les galeries du Louvre au 266



visiter le louvre


LE GESTE SURPRIS

2001

mains, le jeu des corps, l’attitude du groupe

Jean Galard

sont fixés pour leur intensité ; ils sont

Photographies d’Etienne Revault

exacerbés : le plus tendre, le plus gracieux, le plus délicat, le plus vigoureux, le plus

Les magnifiques photos d’Etienne Revault

cruel. La photographie recrée ces œuvres

frappent par leur qualité mais aussi par

en nous les donnant à voir d’une autre

ce qu’elles ont d’inattendu et de révélateur.

manière, y compris pour celles qui nous

L’œil du photographe a saisi admirable-

sont familières : avait-on jamais compris ce

ment le geste surpris par lui et, avant lui,

que telle œuvre avait de si remarquable ? Le

par l’artiste. Elles frappent aussi par ce

geste surpris est surprenant d’éloquence,

qu’elles donnent à voir : la répétition de

aucun discours n’est nécessaire pour en

la gestuelle à travers les époques. Pour

saisir la formidable force.

accompagner cet assemblage, un texte de Salomon Reinach, issu d’une conférence prononcée en 1920, qui pointe exactement notre sujet : l’histoire des gestes dans

LE LOUVRE TRANSFIGURÉ

l’histoire de l’art. En guise de conclusion,

Photographies de Jean-Christophe Ballot

Salomon Reinach loue l’invention de la

2001

photographie qui a permis de fixer les

Depuis Napoléon III, le Louvre entre-

gestes, celle-ci fixant en juste retour des

tient avec la photographie une durable

choses le geste immortalisé par l’artiste.

complicité. L’exposition Le Photographe

Le répertoire des gestes qu’ont retenus les

et l’Architecte, Edouard Baldus et Hector-

artistes est finalement peu étendu même

Martin Lefuel, tenue en 1995, en avait retracé

si nous n’en avons ici qu’une part infime :

les premiers moments, quand les pionniers

geste de pudeur, geste délicat et poétique,

maîtrisaient déjà leur technique pour en

geste de tendresse, geste de violence, geste

faire un art. La même année, Electricité de

pour toucher, prendre, tendre, donner,

France mettait en œuvre la mise en lumière

geste pour exprimer une émotion, geste

des cours du Louvre, offrant désormais

d’abandon... Le geste donne le ton à

au public un des plus beaux monuments

l’œuvre sculptée ou peinte ; la position des

parisiens au cœur de la nuit. 275


L es

préfa c es

d ' H enri

L o y rette

Quelques années plus tôt, en 1992,

Ce livre, dont le ton neuf tranche avec

Jean-Christophe Ballot avait suivi la lente

celui des habituels catalogues et guides,

maturation du chantier du Grand Louvre.

propose au lecteur de s’initier à la diver-

Il est revenu cette année pour saisir les

sité des arts et des cultures. Le visiteur est

visions nocturnes et contrastées du Louvre

amené, dans les premières pages, à réfléchir

actuel, éclairé la nuit grâce à la Fondation

sur les représentations de la vie humaine,

Electricité de France. Après avoir transcrit

de l’enfance à la vieillesse, et peu à peu,

la mélancolie silencieuse du passé récent,

dans les chapitres suivants, il en vient à

celui du chantier, des salles abandonnées,

se poser de vraies questions d’histoire de

il a traqué les effets nocturnes surprenants,

l’art. Cette gradation constitue selon moi un

qui intriguent et étonnent. Ce livre rend

des grands mérites du texte d’Adrien Goetz,

compte de cette double démarche.

historien de l’art qui enseigne à l’université

Désormais, le musée du Louvre doit

de Paris-Sorbonne, commentaire clair et

s’ouvrir à la photographie contemporaine.

juste, écrit devant les œuvres. Il touchera

Déjà, dans les expositions temporaires,

le public qui désire posséder quelques clefs

les photographies d’art voisinent avec

essentielles pour pénétrer dans l’univers du

les œuvres anciennes et nouvelles pour

Louvre : ceux qui, il faut bien le reconnaître,

illustrer l’actualité toujours en mouve-

se sentent souvent intimidés ou découragés

ment des collections du Louvre. D’autres

par les manuels traditionnels.

photographes ont hanté le musée, bientôt

Cette promenade sensible et saisissante

demain d’autres viendront y puiser leur

à travers les salles permet de découvrir

inspiration. Place maintenant au regard de

autrement cinq cents œuvres majeures.

l’artiste sur le musée, sur le monument,

L’ouvrage fait la part belle à toutes les

sur les œuvres, sur les gens.

techniques, aux sculptures autant qu’aux peintures et aux arts décoratifs, à l’archéologie comme aux époques modernes. De l’image du corps aux activités de l’esprit, du

AU LOUVRE

2003

monde animal à l’histoire de l’ornement,

LES ARTS FACE À FACE

des représentations de la vie quotidienne

Adrien Goetz

à la rhétorique des sentiments, les thèmes abordés reflètent aussi la diversité des

Le titre de ce livre sonne comme une invi-

regards que l’on peut porter sur une

tation, comme une dédicace, comme une

œuvre. Diversité de l’iconographie, des

adresse. Le Louvre est un microcosme, un

styles, mais aussi diversité des détails,

miroir de l’existence humaine, des passions

des manières de peindre ou de sculpter,

et des sentiments : un monde où chacun

des caractéristiques architecturales dont

peut se retrouver, vivre, agir et créer.

le musée porte la trace. Cette vision 276


V I S I T E R

L E

L O U V R E

humaniste de l’art est à l’origine même de

On connaît la formule, souvent attribuée

la création du Louvre sous la Révolution,

au peintre américain Barnett Newman.

quand l’idéal hérité des Lumières inspira

Il est vrai que nous vivons dans un monde

le premier grand musée public moderne.

d’images et que la modernité chère à

Toutes les images qui illustrent cette

Baudelaire a eu tendance à privilégier la

promenade sont le fruit d’une campagne

peinture. Néanmoins, grâce à ses qualités

menée par Erich Lessing, célèbre

sensibles, son intelligence de l’espace,

photographe de l’agence Magnum, qui

en un mot son incarnation, la sculpture

a parcouru le Louvre en tous sens, avec

a trouvé une nouvelle visibilité dans une

Adrien Goetz, guettant les meilleurs éclai-

société de plus en plus technologique.

rages selon les moments de la journée et

Un public nombreux se plaît à partager

poussant le plus loin possible, grâce au

l’expérience de l’espace et du temps que

talent des équipes des éditions Hazan et

proposent les sculptures et les installa-

du service éditorial du Louvre, le travail

tions. Il suffit d’entrer dans les salles de

sur la fidélité des couleurs.

sculptures françaises du musée du Louvre,

Le visiteur est ainsi invité à sortir des

d’arpenter la galerie des sculptures du

salles les plus fréquentées pour découvrir

musée d’Orsay ou de suivre les visiteurs

des œuvres qui composent, avec celles qu’il

dans le Jardin d’hiver de Dubuffet ou dans

peut déjà connaître, des ensembles qui font

Plight de Beuys au Musée national d’art

sens. Pour la première fois, il est placé, au

moderne du Centre Pompidou, pour s’en

cœur du musée, dans une situation active,

convaincre.

incité à rapprocher les œuvres entre elles,

C’est l’objet de ce livre, qui fait suite

à les associer pour mieux les comprendre.

à La Grande Galerie des peintures, que

Chemin faisant, il apprend à « voir ». Puisse-

d’allier à la réflexion ce plaisir de la

t-il, sa lecture achevée, revenir souvent,

découverte. Découverte ou redécouverte

pour quelques moments de contemplation

de cette famille des sculptures de nos

et de délectation, « au Louvre ».

musées, une famille plus ancienne et plus diverse que celle des peintures. Malraux écrivait en 1954 dans son « Introduction au premier musée imaginaire de la sculpture

LA GRANDE GALERIE

2005

mondiale » : « aucun art n’est plus chargé

DES SCULPTURES

du langage des artistes dont nous avons

Thierry Dufrêne

oublié la foi et la race, de la présence de l’art dans ce qu’elle a de plus énigmatique ».

L

«  a sculpture ? C’est ce dans quoi on

Qu’y a-t-il de commun entre une petite

se cogne quand on recule pour voir un

sculpture égyptienne vieille de trois

tableau. »

mille ans et une œuvre de Brancusi ? 277


L es

préfa c es

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L o y rette

L’extraordinaire liberté qu’a prise l’artiste

pourtant de très parlantes, qu’on se reporte

dans la stylisation de l’objet. En effet, plus

par exemple à la séquence « Géométrie » qui

que l’imitation de la forme naturelle, et

associe le Gladiateur mourant de Julien à

notamment humaine, c’est la capacité

la Méditerranée de Maillol et à la Sculpture

à dépasser l’apparence qui fonde les

spatiale de Katarzyna Kobro – l’auteur a

ressemblances les plus saisissantes entre

privilégié les transpositions, les approches

les œuvres de sculpteurs d’époques si

différentes de problèmes et de thèmes

éloignées.

auxquels à chaque époque, chaque artiste

La Grande Galerie des sculptures confirme

répond à sa façon.

l’orientation éditoriale définie par les trois

La sculpture prend appui, comme peu

musées : proposer un parcours croisé dans

d’autres arts, sur un riche fonds anthropo-

les collections nationales qui ne soit ni un

logique : c’est ce que montre la première

guide traditionnel, ni un simple recueil

partie, « Histoire(s) de sculptures » – dont le

d’images. Confié à un universitaire, Thierry

titre est un hommage à Jean-Luc Godard –,

Dufrêne, professeur d’histoire de l’art et

à travers des séquences construites sur

spécialiste de l’histoire de la sculpture, il est

l’idole ou le masque, sur l’imaginaire des

avant tout l’expression d’un choix personnel

techniques fondamentales de la sculpture,

mais aussi, grâce aux suggestions et à

l’empreinte, le toucher, le modelage, etc.

l’aide active des départements de sculp-

Une coquille ou une souche d’arbre en

ture des musées concernés, le fruit d’une

disent long sur les origines du sculpter.

collaboration entre musées et université.

Des rencontres d’œuvres font percevoir

On ne peut que s’en réjouir et souhaiter la

les ruptures sous l’apparente continuité :

pousser plus avant. On notera que l’auteur

comme cet étonnant «  ready-made  »

a suivi, à l’instar d’un Perec par exemple,

romain rapproché de la Roue de bicyclette

une contrainte ou plutôt une règle : celle

de Duchamp, ou ce canope étrusque placé

de former des « triptyques » associant au

en vis-à-vis du Verre d’absinthe de Picasso

moins une sculpture choisie dans chacune

dans la séance « Assemblage ».

des institutions. Il s’est parfois laissé aller

La deuxième partie « Incarner, suggérer »

à des choix multiples : on ne s’en plaindra

fait la démonstration de la double alchimie

pas, tant la variation est l’énergie de tout

opérée par le sculpteur, réaliser le corps

système ! Ces rapprochements reposent

dans tous ses états et incarner l’idée. Le

rarement sur des reprises directes, des cita-

rapprochement de l’œuvre de Pradier

tions d’œuvre à œuvre que les sculpteurs

Satyre et bacchante et de la Boule suspendue

ont pratiquées certainement autant que les

de Giacometti le résume magistralement :

peintres et qu’on pourrait faire rimer d’un

le chaos de la passion et de la cruauté se

musée, d’une époque à l’autre. Plutôt que

discipline dans la rigueur de la forme. Ou

les échos ou les rimes formelles – il y en a

encore, le cri de la Montserrat entre en 278


V I S I T E R

L E

L O U V R E

vibration avec celui du Milon de Crotone

portera ses fruits lorsque l’analyse d’émo-

et le saisissant autoportrait de Pigalle

tions ressenties face aux œuvres permettra

rejoint l’empreinte du visage de Penone

au lecteur de découvrir des rapports, des

dans Soffio.

lignes d’évolution et de faire lui-même sa

D’emblée, la troisième partie entre en

propre expérience visuelle et mentale.

accord avec notre sensibilité contempo-

C’est alors, pour citer Stendhal, que le

raine : c’est bien « recréer l’espace, donner

beau apparaîtra vraiment comme « une

forme au temps », qui nous touche dans

promesse de bonheur ».

l’art rythmé, participatif qu’est la sculpture. Alors que le philosophe Lessing voulait distinguer entre arts du temps comme la poésie et arts de l’espace comme

MILLE ET UNE PEINTURES

la sculpture, l’évolution de la sculpture

DU LOUVRE

va lui donner tort. Une séquence parmi

Vincent Pomarède et Delphine Trébosc

d’autres montre que le sculpteur interroge

2005

le temps mieux que quiconque : « Les Âges

On ne quitte pas le Louvre sans avoir

de la vie » rapproche l’enfant sculpté par

vu l’ensemble des chefs-d’œuvre des diffé-

Houdon, l’homme d’âge mûr selon Camille

rentes écoles de peinture, à commencer

Claudel et cette vanité moderne qu’est

par l’universelle Joconde ou le Sacre de

la laitue d’Anselmo qui flétrit et met en

Napoléon. On se laisse envoûter par la

péril la construction jusqu’à ce que le

beauté des Chardin, des Rubens, des

conservateur l’ait remplacée. La sculpture

Léonard, des Rembrandt, des Poussin et

s’anime avec Tinguely : c’est le temps des

des Corot. On fait un détour pour admirer

sculptures-machines, dépassant l’arrêt

les Le Brun, les Titien, les Véronèse, les

sur le « moment fécond » que, comme le

Vermeer, les Ingres, les Delacroix…

photographe et même bien avant l’inven-

Mais qui soupçonne l’existence d’autres

tion de la photographie, le sculpteur avait

chefs-d’œuvre peints, provenant des

toujours recherché.

divers départements du musée et dont

Puisqu’il vient d’en être question et que

témoignent plus de deux cents œuvres

l’on sait combien il est difficile de repro-

parmi les 1 027 reproduites dans cet

duire la sculpture, il convient de saluer

ouvrage ? Car la peinture ne se borne pas

ici le travail des photographes et celui

exclusivement au tableau, contrairement

du graphiste qui a su reconstituer dans

à l’image immédiate que suscite souvent

le cadre du livre l’atmosphère spatiale où

la simple évocation du mot. Les peintres,

s’éprouve la sculpture.

au cours du temps, se sont servis de

Nul doute que cet ouvrage, produit

différents supports et ont utilisé diverses

d’expériences et d’un choix personnels,

techniques pour reproduire leur vision 279


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L o y rette

LE GUIDE DU LOUVRE

artistique du monde. De la fresque à la toile, de la céramique à l’émail, tout est

2005

prétexte à création picturale. C’est juste-

Le visiteur qui aborde le Louvre ne peut

ment l’ambition de ce florilège que de

qu’être impressionné par le nombre et la

montrer le champ de la peinture dans sa

richesse des collections qui s’offrent à son

plus large expression, tant géographique

regard. Car le musée du Louvre est une

que temporelle, à l’image du musée du

admirable machine à remonter le temps :

Louvre qui expose ses œuvres avec cette

d’un seul pas, d’une salle à une autre,

même démarche didactique.

on franchit des siècles, on traverse des

Loin d’avoir la prétention de présenter

civilisations entières. Comment choisir,

une histoire de la peinture à travers les

parmi tant de trésors ?

œuvres du Louvre, cet ouvrage propose

Ce guide est donc nécessairement très

de précieuses évocations de l’art pictural

sélectif. Il s’est donné pour but non pas

de l’Antiquité au xixe siècle, dévoilant

de tout montrer, mais de tout évoquer à

les trésors connus ou méconnus – et

travers un choix de près de six cents chefs-

pour certains jamais publiés – tels que

d’œuvre. Depuis l’Antiquité jusqu’au milieu

les stèles peintes de l’Orient ancien, les

du xixe siècle, le lecteur aura un aperçu

parchemins égyptiens, les peintures

aussi complet que possible de tous les

grecques et romaines, les miniatures de

départements qui constituent aujourd’hui

l’Islam, les délicates œuvres du départe-

le Louvre – y compris celui, tout récem-

ment des Arts graphiques, enluminures

ment créé, des Arts de l’Islam – et de la

médiévales, aquarelles et pastels trop

collection d’Arts premiers présentée au

fragiles pour être exposés en permanence,

sein du musée.

ou encore les vitraux, les émaux peints

Outre les commentaires qui accom-

et les objets d’orfèvrerie du département

pagnent les principaux chefs-d’œuvre,

des Objets d’art.

une présentation synthétique des périodes

Ces « mille et une peintures » forment une

abordées replace les collections dans leur

éblouissante galerie imprimée de tableaux

contexte artistique, et éclaire la person-

choisis pour plaire et instruire. Elle s’offre

nalité des artistes les plus fameux. Le

au lecteur aussi bien en préambule à une

lecteur pourra ainsi consulter cet ouvrage

exploration des richesses picturales du

aussi bien en préambule à sa visite qu’en

Louvre qu’en souvenir de ses découvertes.

souvenir de ses découvertes. Ne pouvant contenir tout le Louvre, ce guide en propose une traversée idéale.

280



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