Le TRÉSOR DE PRESLAV. Reflet d'un âge d'or du Moyen Âge bulgare (extrait)

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TRÉSOR de

Preslav Reflet d’un âge d’or du Moyen Âge bulgare

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Cet ouvrage accompagne l’exposition « Le trésor de Preslav », présentée à Paris, au musée du Louvre, du 27 juin au 5 novembre 2018. Il bénéficie de la générosité du « Mark Pigott Lecture and Research Fund ». Exposition organisée par le musée du Louvre en partenariat avec le ministère de la Culture de la République de Bulgarie dans le cadre de la Présidence bulgare du Conseil de l'Union européenne.

MUSÉE DU LOUVRE Jean-Luc MARTINEZ Président-directeur Karim MOUTTALIB Administrateur général Valérie FOREY-JAUREGUI Administratrice générale adjointe Jannic DURAND

MINISTÈRE DE LA CULTURE DE LA RÉPUBLIQUE DE BULGARIE Boil BANOV Ministre

Vincent POMARÈDE Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle

Jannic DURAND Directeur du département des Objets d’art du musée du Louvre Dorota GIOVANNONI Documentaliste scientifique au département des Objets d’art du musée du Louvre

Coordination de l’exposition pour la France Alexandre BARALIS Archéologue au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Plamen SLAVOV Directeur du Musée archéologique de Véliki Preslav Andrey ALADJOV Chercheur auprès de l’Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences)

Directeur du département des Objets d’art

COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION

Coordination de l’exposition pour la Bulgarie Ekaterina DJUMALIEVA Directrice de la Direction du patrimoine culturel, des musées et des beaux-arts du ministère de la Culture

Mariela INKOVA Directrice du département d’Archéologie du Musée national d’histoire de Sofia

Lora ATANASOVA Experte principale à la Direction du patrimoine culturel, des musées et des beaux-arts du ministère de la Culture

AUTEURS Andrey ALADJOV, Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences) (A. A.)

Radostina GEORGIEVA, Musée archéologique de Véliki Preslav (R. G.)

Marlène AUBIN, Römisch Germanisches Zentralmuseum, Mayence

Matthias HEINZEL, Römisch Germanisches Zentralmuseum, Mayence

Stoycho BONEV, Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences) (ST. B.)

Mariela INKOVA, Musée national d’histoire, Sofia (M. I.)

Antje BOSSELMANN-RUICKBIE, Johannes Gutenberg-Universität, Mayence, et Justus-Liebig-Universität, Gießen

Stanislav STANILOV, Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences) (S. S.)

Dimitar DIMITROV, Musée archéologique de Véliki Preslav (D. D.) Jannic DURAND, musée du Louvre, département des Objets d’art

Plamen SLAVOV, directeur du Musée archéologique de Véliki Preslav (P. SL.)

Susanne GREIFF, Römisch Germanisches Zentralmuseum, Mayence

Kremena STOEVA, Musée archéologique de Véliki Preslav (K. S.)

Galina GROZDANOVA, Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences), département des Expositions (G. G.)

Margarita VAKLINOVA, Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences)

TRADUCTRICES

PRÊTEURS DE L’EXPOSITION

Traduction du bulgare : Albena MILANOVA, Centre d’études slavo-byzantines « Prof. Ivan Dujcev », Université Saint-Clément, Sofia

Musée archéologique de Véliki Preslav

Traduction de l’allemand : Élisabeth AGIUS D’YVOIRE

Musée national d’histoire de Sofia

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Institut national d’archéologie et musée de Sofia (Académie bulgare des sciences).

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SOMMAIRE

LE TRÉSOR DE PRESLAV AU MUSÉE DU LOUVRE

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JANNIC DURAND

LA BULGARIE AU HAUT MOYEN ÂGE

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STANISLAV STANILOV

VÉLIKI PRESLAV (893-971) LE « SIÈCLE D’OR » DE LA BULGARIE MÉDIÉVALE

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MARGARITA VAKLINOVA

CATALOGUE

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LA CÉRAMIQUE PEINTE DE PRESLAV

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STANISLAV STANILOV

LE TRÉSOR DE PRESLAV : DÉCOUVERTE, COMPOSITION ET DATATION

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ANDREY ALADJOV

UN PROJET DE RECHERCHE CENTRÉ SUR UN TRÉSOR MÉDIÉVAL LE TRÉSOR DE PRESLAV EN BULGARIE

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SUSANNE GREIFF, ANTJE BOSSELMANN-RUICKBIE, MARLÈNE AUBIN ET MATTHIAS HEINZEL (RGZM)

BIBLIOGRAPHIE

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LE TRÉSOR DE PRESLAV AU MUSÉE DU LOUVRE JANNIC DURAND

Le 26 juillet 811, Kroum, khan des Bulgares, inflige aux Byzantins une terrible défaite. L’empereur Nicéphore Ier est tué au combat et, comme le rapporte Théophane le Confesseur dans sa Chronographie1, son crâne une fois décharné et serti d’argent est transformé en vase à boire. Deux siècles plus tard, le 29 juillet 1014, la victoire décisive du Kleidion permet à Basile II le Bulgaroctone (le « tueur de Bulgares ») d’anéantir en 1018 le premier royaume bulgare. Selon la chronique de Jean Skylitzès, l’empereur aurait renvoyé chez eux les vaincus après les avoir fait aveugler, n’en épargnant que un sur cent pour pouvoir guider les autres2. Entre ces deux moments de la lutte séculaire entre Bulgares et Byzantins, s’épanouit le premier État bulgare chrétien. Il naît en 864 avec la conversion au christianisme du khan Boris et des Bulgares, et disparaît en 1018 avec la victoire de Basile II. En 893, le tsar Siméon abandonne Pliska et déplace sa capitale à Preslav (ou Véliki Preslav : « Preslav la Grande »), une cité construite dans un site vallonné à l’emplacement d’une ancienne forteresse romaine. La nouvelle capitale, centre politique économique et spirituel de l’État bulgare, se développe rapidement. Une ville intérieure, ceinte de murailles, regroupe autour du palais royal des églises et des bâtiments administratifs. Tout autour se déploie en moins d’un demi-siècle un vaste réseau urbain, également fortifié, sans compter l’existence de plusieurs monastères suburbains importants. Preslav ne résiste pas, cependant, au raid dévastateur du prince Sviatoslav de Kiev en 969, encouragé par les Byzantins, qui réagissent à leur tour : en 971, Jean Ier Tzimiskès met la ville à sac et la rebaptise Iôannoupolis. Brièvement réoccupée par les Bulgares en 986, Preslav retombe aux mains des Byzantins au cours des guerres qui mettent fin à l’Empire bulgare. Désormais byzantine mais amoindrie, la ville est reléguée au second rang et, lorsque se reconstitue un État bulgare à la fin du XIIe siècle, c’est sur le sommet escarpé et fortifié du Tzarevetz que s’établit sa nouvelle capitale, Véliko Tarnovo. Preslav peu à peu s’évanouit, pour disparaître avec la conquête ottomane. C’est au printemps de 1978, il y a tout juste quarante ans, que fut trouvé un peu à l’extérieur de la ville, à l’occasion de travaux d’arpentage dans un champ au lieu-dit Kastana, le trésor de Preslav, la plus importante découverte jamais faite de bijoux médiévaux princiers byzantins, un ensemble emblématique où

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LA BULGARIE AU HAUT MOYEN ÂGE STANISLAV STANILOV

L’État bulgare est né dans le tourbillon des grandes migrations qui, entre le Ve et le VIIe siècle, ont accompagné la désintégration du monde antique et l’émergence d’une nouvelle réalité médiévale en Europe. Il a pris corps sur le territoire même de l’ancien Empire romain d’Orient, ce qui lui a laissé une empreinte indélébile et durable tout au long du Moyen Âge. À partir du VIIe siècle et jusqu’à la conquête byzantine en 1018, le Haut Moyen Âge bulgare se divise en deux périodes distinctes : les temps païens, de 681 à 864, puis une seconde période qui s’ouvre avec la conversion des Bulgares au christianisme en 864 et court de cette date à 1018. Le noyau territorial se situe approximativement autour du Bas-Danube, entre Carpates et Grand Balkan (Stara planina), avec comme capitales successives Pliska et Véliki Preslav. À l’extrême fin du Xe siècle, la conquête byzantine contraint le centre étatique à se déplacer vers les terres du Sud-Ouest, en Macédoine actuelle, avec les capitales éphémères de Prespa puis d’Ochrid. La structure étatique de la Bulgarie païenne s’inscrit très largement dans les traditions nomades des steppes eurasiatiques. Elle est en effet fondée par un peuple d’origine turco-iranienne, celui des Bulgares, désignés par l’historiographie moderne comme Protobulgares. Une fois installés autour du Bas-Danube, ils partagent le territoire de plusieurs tribus d’origine slave qui se sont établies dans les mêmes régions et adhèrent dès sa formation à l’État bulgare, en tant que fédérées. À la tête de l’État, le khan est assisté par deux hauts dignitaires – le kavhan (ou kaukhan) et l’ichirgu (ou chargobilya) –, essentiellement chargés de l’armée et du palais, ainsi que par une institution collective – un conseil de boyards (ou grands boïls). La préséance des titres militaires et administratifs suit une hiérarchie structurée sur trois niveaux. L’aristocratie gouverne les provinces, divisées en comitats et tarkanats militaires et administratifs. Dès leur installation dans les régions du Bas-Danube, les Bulgares entretiennent des rapports complexes avec l’Empire byzantin voisin, aux dépens duquel ils constituent leur propre État à l’issue de guerres acharnées qui s’achèvent provisoirement par un traité conclu avec les Byzantins en 681, véritable acte de fondation d’un État bulgare. Au début du VIIIe siècle, le khan bulgare Tervel (701-721) intervient même aux côtés de l’empereur Justinien II, qu’il aide à reconquérir le trône, à la suite de quoi il reçoit de l’empereur le titre

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VÉLIKI PRESLAV (893-971) LE « SIÈCLE D’OR » DE LA BULGARIE MÉDIÉVALE MARGARITA VAKLINOVA

FIG. 1 Preslav, les ruines. Carte postale des remparts de la ville intérieure, avant 1914 FIG. 2 Preslav, ville intérieure, le palais, salle du Trône, 1964

Avant la conversion des Bulgares, la ville de Véliki Preslav est déjà conçue comme la seconde résidence du khan et se place au centre d’un groupe de camps militaires qui assurent la défense du pays face au voisin byzantin. Elle est parfois même considérée comme un centre étatique parallèle, selon un modèle répandu dans l’Europe aussi bien orientale qu’occidentale. Véliki Preslav est aussi, après la conversion, la capitale chrétienne du pays dans laquelle fleurit la remarquable culture ancienne bulgare du Xe siècle, impressionnante par son développement urbanistique et architectural, la richesse de ses édifices, l’expansion de ses arts somptuaires et l’essor de sa littérature. Cette ville est le symbole même de la puissance de l’État bulgare et de sa créativité culturelle, de ses prétentions à rivaliser avec les grandes puissances européennes de l’époque, en particulier Byzance et l’Empire carolingien. Sa prospérité, cependant, dure moins d’un siècle, à peine quatre-vingts ans, le désastre de 971 qui aboutit à l’annexion de la Bulgarie par Byzance en 1018 mettant fin à son essor. Le transfert de la capitale de Pliska à Véliki Preslav en 893 se fait à l’initiative du saint roi Boris, qui ne ménage pas ses forces et réagit avec fermeté dans les circonstances dramatiques imposées au pays, consécutives à sa décision

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LA CÉRAMIQUE PEINTE DE PRESLAV STANISLAV STANILOV

La céramique peinte à pâte claire et à glaçure constitue l’un des domaines de la vie artistique où Véliki Preslav a véritablement atteint un sommet. Il s’agit d’une production à la fois diversifiée et destinée à un vaste usage, aussi bien pour le décor architectural des édifices que pour le quotidien et les plaisirs de l’aristocratie, la vie religieuse et la culture écrite. La pratique, héritée de l’Antiquité, consistant à embellir les édifices civils et religieux avec des éléments céramiques multicolores aux décors variés connaît une nouvelle faveur au Moyen Âge en Égypte fatimide et au Proche-Orient, où elle se développe rapidement. Elle est également bien accueillie dans les centres urbains de la Byzance voisine et les ateliers de la capitale bulgare l’adoptent et la portent à une perfection artistique et technique remarquable. La condition favorable à son développement en Bulgarie médiévale réside dans l’existence de dépôts naturels d’argile claire aux environs mêmes de la capitale. L’émergence et l’apogée de cette pratique décorative coïncident avec la période d’existence de Preslav comme centre étatique. Pas moins de neuf ateliers de céramique sont connus à ce jour. Ils se situent dans les domaines et les monastères de la ville fortifiée et de ses environs proches. Toutes les étapes de la préparation et de la fabrication de la céramique peinte peuvent être reconstituées d’après les découvertes faites au monastère de Patléina, d’où provient la fameuse icône représentant saint Théodore en buste aujourd’hui au musée de Sofia. Grâce aux fouilles et aux vestiges d’ateliers et de fours retrouvés, on a pu établir que la fabrication débutait par la transformation de l’argile en fine poudre dans des installations d’épuration. Elle se poursuivait par le modelage des pièces aux formes et dimensions voulues, puis par le séchage sur des toiles, avant la cuisson au four qui intervenait en deux temps : après la pose de l’engobe et du décor, puis une seconde cuisson pour la glaçure. La teinte et la peinture se faisaient avec des pigments minéraux. Le produit fini était recouvert de glaçure incolore. On utilisait parfois aussi des émaux de couleur avec la glaçure. Les pièces architecturales moulurées ou en relief étaient façonnées dans des moules. C’est ainsi que des corniches, des colonnettes, des chapiteaux étaient confectionnés, mais aussi des éléments de lustres, comme l’atteste un

FIG. 1 Preslav, ville extérieure, Patléina, atelier de céramique, 1957

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LE TRÉSOR DE PRESLAV : DÉCOUVERTE, COMPOSITION ET DATATION ANDREY ALADJOV

DÉCOUVERTE Le trésor de Preslav fut découvert en 1978 dans la ville extérieure de la capitale bulgare, Véliki Preslav. Sa mise au jour se fit en deux temps. Tout d’abord, en 1978, au lieu-dit Kastana, situé à 3 km au nord-ouest du centre palatin, des objets du trésor furent trouvés fortuitement par des cultivateurs. L’année suivante, le professeur Totju Totev entreprit des fouilles archéologiques de grande envergure. Durant cette campagne, un terrain de 400 m2 fut excavé. Les résultats permirent de situer le trésor dans son contexte archéologique. Les objets avaient été enfermés dans un coffret en bois recouvert de cuir dont subsistaient quelques fragments avec les fers et le fermoir en argent. Il avait été déposé dans le four en pierre d’une maison d’une zone d’habitat longeant les deux rives de la rivière Derviška. La situation archéologique de la découverte laisse penser qu’il a été délibérément caché à cet endroit, le plus probablement en 971 lorsque l’empereur byzantin Jean Tzimiskès s’empara de Véliki Preslav.

COMPOSITION Le trésor contient plus de cent quatre-vingts objets façonnés en or, argent, pierres précieuses et semi-précieuses, émaux et bronze. Les objets se répartissent en quatre grands groupes d’après leur fonction. Le premier comprend les bijoux les plus richement décorés, le deuxième inclut les appliques de vêtements et de ceintures ainsi que les objets en alliage cuivreux retrouvés sur le site, le troisième des cuillers, des fragments de verre et des perles, et le dernier des monnaies byzantines. Plusieurs types de bijoux sont représentés : un diadème, un collier à double face, un collier de médaillons d’or, des pendants d’oreilles en émail cloisonné et des pendants d’oreilles filigranés avec des perles, des pendeloques sphériques en émail cloisonné, des perles de cristal de roche, un sceau avec une intaille de cristal de roche serti dans une monture en or, des bagues, des perles, des pendeloques, des boutons, des appliques, des bracelets, des anneaux et des éléments de ceinture. Du diadème subsistent cinq plaques d’or cintrées à la partie supérieure, à décor d’émaux cloisonnés enfoncés, nué de neuf couleurs. Quatre d’entre

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LE TRÉSOR DE PRESLAV

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UN PROJET DE RECHERCHE CENTRÉ SUR UN TRÉSOR MÉDIÉVAL

LE TRÉSOR DE PRESLAV EN BULGARIE SUSANNE GREIFF, ANTJE BOSSELMANN-RUICKBIE, MARLÈNE AUBIN ET MATTHIAS HEINZEL (RGZM)*

Le trésor de Preslav est au cœur d’un projet de recherche interdisciplinaire conduit par le Römisch-Germanisches Zentralmuseum à Mayence ou RGZM (Musée central romain germanique, Leibniz-Forschungsinstitut für Archäologie). Des spécialistes des techniques de l’orfèvrerie, de la restauration et de la conservation y travaillent en étroite collaboration, ainsi que des spécialistes des sciences naturelles en minéralogie et géologie, pour étudier des œuvres exceptionnelles de l’orfèvrerie européenne et extra-européenne. Les œuvres d’orfèvrerie du trésor de Preslav ont été restaurées et soumises à des examens et à des analyses scientifiques de mars 2017 à avril 2018. Dans ce cadre, une priorité absolue a été accordée à la mise en œuvre de méthodes non destructives, sans recourir à des prélèvements d’échantillons. En vue de déterminer la composition des métaux et des émaux, les objets ont été analysés par spectrométrie de fluorescence de rayons X (micro-XRF) et spectroscopie Raman (sous microscope). La micro-fluorescence X et le microscope Raman utilisés en complémentarité sont les instruments les plus appropriés pour obtenir sans prélèvement des informations sur la composition des matériaux. La micro-fluorescence X fournit la composition chimique d’un objet lorsque la surface est bombardée de rayons X en un fin faisceau d’un diamètre de 0,3 mm. Les atomes ainsi excités émettent à leur tour des rayons X dont l’énergie varie d’un élément à l’autre. Le spectre obtenu permet d’identifier l’élément présent et de déterminer sa concentration par comparaison avec des étalons. Dans la spectroscopie Raman, la lumière d’un faisceau laser d’une longueur d’ondes donnée (monochromatique) est envoyée sur l’échantillon. L’échange d’énergie qui s’opère entre ce rayon lumineux et les éléments constitutifs de l’échantillon conduit à un décalage en fréquence de la lumière (dit « effet Raman »). L’analyse de la lumière diffusée par l’échantillon permet ainsi de caractériser la composition moléculaire et la structure d'un matériau. Les spectres Raman de minéraux différents se distinguent les uns des autres de la même manière que se différencient des empreintes digitales. Les résultats obtenus ont permis de constater que, à l’exception des cabochons bleus sur les pendentifs de forme sphérique, le verre n’avait guère été

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employé pour les bijoux. Il a également été vérifié que les pierres rouge violacé ne sont pas des améthystes, mais des rubis et des grenats. De façon plus surprenante, les cristaux de roche présumés du grand collier se sont révélés être des fluorines, une pierre très rarement observée sur les bijoux antiques. Le spectre des matériaux précieux utilisés, notamment pour les émeraudes et les grenats, a montré que les bijoux avaient été fabriqués avec des pierres de plus de valeur qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici. Les analyses des émaux cloisonnés sur or ont également livré des résultats intéressants. L’émail est constitué d’une matière vitreuse qui résulte de la fusion de poudres de verre sur un support de métal auquel elle adhère ainsi. Les nuances de couleurs résultent avant tout de l’emploi de verres translucides diversement colorés. Les verres opaques contiennent des agents opacifiants. Dans le cas de la technique d’émail cloisonné utilisée ici, les champs colorés ou alvéoles sont séparés les uns des autres par de minces cloisons ou d’étroits rubans en or. Comme c’est l’usage pour le verre, les émaux sont caractérisés par les oxydes qui interviennent dans le processus de vitrification, parmi lesquels les fondants et les agents colorants. Pour ceux du trésor de Preslav, déjà fortement altérés, et pour prévenir tout dommage, il a fallu renoncer à la procédure habituelle consistant à travailler sous vide pour quantifier la composition chimique des masses vitreuses en micro-fluorescence X. Il en résulte que, si les éléments colorants ont pu être déterminés, les informations sur les fondants ont en revanche fait défaut. Les spectres obtenus avec la méthode Raman ont néanmoins pu donner des indications qualitatives sur le type de verre, et différents types de verres sodiques au natron ont pu être identifiés. Les composants colorants utilisés correspondent aux recettes traditionnelles en usage depuis l’époque romaine, tandis que les pigments jaune et blanc à base de zinc, déjà courants en Occident à l’époque, ne sont pas attestés. On relève, en revanche, la présence d’un émail jaune translucide lumineux, dont la recette – rare – présente un taux extrêmement élevé de fer et de manganèse.

FIG. 1 Trésor de Preslav, boucle d’oreille 3381/9, radiographie FIG. 2 Trésor de Preslav, boucle d’oreille 3381/9, photographie de détail des émaux

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