Louvre, une histoire de palais (extrait)

Page 1


Musée du Louvre

Édition

musée du louvre

éditions somogy

Henri Loyrette Président-directeur

Direction du développement culturel

Nicolas Neumann Directeur éditorial

Didier Selles Administrateur général

Violaine Bouvet-Lanselle Chef du service des éditions

Marie Thomas Suivi éditorial

Catherine Sueur Administratrice générale adjointe

Moïna Lisowski et Cédric Béal Coordination et suivi éditorial

Michel Brousset Béatrice Bourgerie Mathias Prudent Fabrication

Christophe Monin En charge de la Direction du développement culturel

Marie-Hélène Charpentier et Cédric Béal Collecte de l'iconographie

L'auteur : Geneviève Bresc-Bautier est conservateur général, chargée du département des Sculptures du musée du Louvre. Elle a créé la section « histoire du Louvre » et est spécialiste de ce sujet.

Le texte rédigé par Geneviève Bresc-Bautier a été publié dans sa version primitive par les éditions Assouline dans un ouvrage paru en 1995, intitulé Le Louvre : histoire, architecture et décors et dont les photos étaient dues à Keiichi Tahara. Nous reproduisons ce texte remanié et mis à jour dans la présente édition, avec l’aimable autorisation des éditions Assouline ; l’illustration est totalement différente. © éditions Assouline, Paris, 1995, pour la première édition © Musée du Louvre éditions, Paris, 2008, ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-176-0 © Somogy éditions d’art, Paris, 2008 ISBN Somogy : 978-2-7572-0176-3 www.louvre.fr www.somogy.fr

En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.

Françoise Malvezin Correction

Jean-Marc Pubellier Conception graphique de la couverture La boulangerie/Pascal Guédin Conception graphique de l’intérieur


Le Louvre, une histoire de palais Geneviève Bresc-Bautier


sommaire

préface

7

une forteresse médiévale

9

le palais de la renaissance

21

le « grand dessein » des bourbons

41

du désir de muséum à la naissance du musée du louvre

81

la vitrine de l’état : musée et palais

97

le nouveau louvre

117

la victoire du musée

141

vers le grand louvre

157

annexes

177

5


préface

Le palais du Louvre témoigne de huit siècles d’architecture et d’histoire : les meilleurs architectes l’ont construit, les meilleurs artistes l’ont embelli par des décors. Raymond du Temple, Jean Goujon, Le Vau, Le Brun, Poussin, Percier, Fontaine, Delacroix, Carpeaux, Ieoh Ming Pei, tant d’autres noms glorieux ont contribué à la grandeur et à la richesse du Louvre. Il recèle aussi les collections du musée le plus connu au monde, et c’est en général ce que le visiteur vient découvrir. L’histoire du Louvre, de son architecture, de ses agrandissements et embellissements constitue à elle seule une visite à part entière, un centre d’intérêt au-delà même des collections du musée. Car le musée ne doit pas faire oublier le palais, d’abord château fort au Moyen Âge, puis résidence royale à la Renaissance, agrandi par les rois, musée dès 1793, le Louvre se transforme pour s’agrandir, se moderniser, mieux accueillir les œuvres et le public. Il se transforme aussi car l’on prend soin du patrimoine légué par nos prédécesseurs et on le restaure pour le mettre en valeur. Ainsi, la restauration de la galerie d’Apollon a représenté un chantier de plusieurs années. Sous un décor réalisé par Le Brun, Delacroix, Callet, les frères Marsy, et bien d’autres encore, brillent les joyaux de la Couronne. À l’extrême, l’art contemporain est aussi à l’honneur, comme il le fut par le passé. Au plafond de la salle Henri II peint par Braque dans les années 1950, on peut ajouter à plus

de cinquante ans de distance le décor d’Anselm Kiefer inauguré fin 2007 pour l’escalier du Midi. Mais ces réalisations ne sont que la poursuite de longues traditions – le plafond de Delacroix à la galerie d’Apollon, les décors de Le Brun, furent bien, en leur temps, des « œuvres contemporaines ». Ce que l’auteur, Geneviève Bresc-Bautier, conservateur général chargée du département des Sculptures, pendant longtemps responsable de la section histoire du Louvre et spécialiste du palais du Louvre, a voulu nous montrer, c’est la poursuite pendant plus de huit siècles d’une longue tradition d’exigence architecturale, de perfection décorative, à quoi est venue s’ajouter la recherche d’une muséographie adaptée au cadre ancien, respectueuse des traditions mais aussi accueillante pour les visiteurs d’aujourd’hui. Ceux-ci, qui, d’année en année sont de plus en plus nombreux, dépassant les 8 millions par an, témoignent de cette réussite et de cette renommée. Sans son environnement, le Louvre serait moins attractif : le jardin des Tuileries, rattaché au domaine du Louvre, forme un cadre magnifique pour ce musée-palais que nous dirigeons avec bonheur car ceux qui y ont œuvré et qui y œuvrent au quotidien ont su en faire un lieu surprenant.

Henri Loyrette Président-directeur du musée du Louvre

7



une forteresse mĂŠdiĂŠvale


fin du xııe/xıııe siècle : la grosse tour du louvre

L’histoire du Louvre commence sous Philippe Auguste, un des grands hommes d’État du Moyen Âge. À son avènement, en 1180, Paris est encore une bourgade, le roi un prince féodal cantonné dans son domaine d’Île-de-France. À sa mort, en 1223, la ville commence à s’affirmer comme capitale du royaume de France. L’Université est un foyer intellectuel et le souverain, victorieux à Bouvines (1214), est un des chefs politiques de la chrétienté. C’est lui qui décide la création d’un nouveau château parisien. Il faut imaginer le Paris médiéval, une cité petite, aux rues tortueuses, bâties sur les deux rives autour de l’île de la Cité où se dresse le «žPalais » qui depuis l’époque mérovingienne est une des résidences du roi. À l’extérieur, des faubourgs peu urbanisés, animés de quelques maisons le long des routes qui s’éloignent, et de grands établissements religieux cernent la ville. À l’ouest, un lieu-dit est appelé « Louvrež». Le toponyme apparaît seulement en 1186 lors de la fondation de l’hôpital Saint-Thomas «ždu Louvrež». Sa signification est bien incertaine, et a excité l’ingéniosité des philologues. En torturant le mot latin, lupara, ou la forme française, «žLovrež» ou «žLouvrež», on a trouvé des étymologies souvent fantaisistesž: forteresse saxonne (Lower)ž? léproserie ? tour à signaux d’origine romainež? chenil à chasser le loup (lupus en latin)ž? lieu planté de chênes (rouvres en ancien français)ž? endroit rougež? Le plus 1

Maquette du Louvre sous Philippe-Auguste Réalisée par Rémi Munier et Sophie Polonowski, sous la direction de Laurent Guinamard Musée du Louvre.

10

satisfaisant serait d’y voir un nom de cours d’eau, d’origine celtique, portant le suffixe ara, qui donne la signification d’hydronyme. Les fouilles archéologiques, menées à l’occasion des travaux du Grand Louvre ont montré sinon une occupation humaine, du moins une fréquentation depuis les temps les plus reculés, 4 000 ans avant J.-C. Les hommes du néolithique l’ont hanté. On a trouvé des vestiges d’un habitat de la fin de l’âge du bronze. Mais cela ne signifie pas une occupation continue. Quand Paris s’appelait Lutèce, au ıer siècle, le lieu est très extérieur à la cité. Des carrières d’argile sont exploitées, là où s’étendra, plus tard, la cour du Carrousel. Il faut supposer qu’elles servaient à élaborer les briques et les tuiles de la cité romaine. On a retrouvé le pic – et même le squelette d’un malheureux carrier. Mais l’ensemble du terroir est agricole entre la courbe de la Seine et la voie romaine qui file vers l’ouest, dont le cours est plus ou moins celui de la rue Saint-Honoré. Un parcellaire limité par des fossés organise une mise en exploitation de la proche banlieue. Au xııe siècle, le faubourg n’a encore qu’un habitat lâche, au milieu de jardins, protégé des crues de la Seine par un bourrelet argileux. Pourtant Robert de Dreux, fils de Louis VI, y fonde une institution religieuse en l’honneur de saint Thomas de Canterbury, l’archevêque tué en 1170 dans sa cathédrale par le roi d’Angleterre, ennemi du roi de France.




le palais de la renaissance


embellir le louvre, une décision de françois ier

La paix revenue, de Charles VII à Louis XII, la capitale est abandonnée au profit des châteaux de la vallée de la Loire. Certes, Louis XII, fortifiant Paris, fait transformer à partir de 1513 l’antique enceinte de Charles Vžen une solide fortification, pourvue de tours basses où l’artillerie peut évoluer. Les robustes murailles d’escarpe et de contrescarpe, visibles dans l’espace du Carrousel, témoignent encore de cette entreprise 14. Alors que se développent les nouveaux châteaux de la Renaissance, le Louvre reste dans son état médiéval. Enfin François Ier 13, à la fin de son règne, après s’être consacré à tant d’embellissements fastueux, Chambord, Blois, Villers-Cotterêts, Madrid, et surtout Fontainebleau, s’occupe de son vieux palais parisien. Mécène fastueux, grand amateur d’italianisme – n’a-t-il pas attiré auprès de lui Léonard de Vinci, Andrea del Sarto, le Primatice, Rosso ou Celliniž? –, organisateur de fêtes éblouissantes, tel ce camp du Drap d’or dont le souvenir perdure, rénovateur de l’art et protecteur des écrivains, François Ier songe peu à sa capitale, qui ne lui offre pas les parcs giboyeux qu’il affectionne. Pourtant, dès le 15 mars 1528, au retour de sa captivité en Espagne, François Ier avait annoncé aux échevins de Paris qu’il comptait bien s’installer dans la capitale, et principalement au Louvre, «žcognoissant nostre chastel du Louvre estre ce lieu plus commode et plus à propos pour nous y logerž». Il avait décidé de «žfaire réparer et mettre en ordre ledict chastelž». C’est alors qu’il fit condamner 13 Jean Clouet (1475/1485-1540)

François Ier, roi de France Musée du Louvre, département des Peintures.

22

le louvre, une histoire de palais

l’ancienne entrée principale, au sud, privilégiant la porte orientale, vers la ville, ce qui conditionne désormais toute l’orientation du grand axe parisien, depuis la porte d’honneur du Louvre jusqu’aux hauteurs de la Défense. En revanche, à partir de 1519, l’ancienne voie sur berge devient un quai maçonné, qui permet une intense activité commerciale animée par de petits ports, ainsi que la possibilité de sortir de la ville par une route le long du fleuve. Le quai du Louvre permet aussi de gagner le lieu des Tuileries, où le roi a acquis en 1518 un domaine pour loger sa mère, Louise de Savoie. Trouvant sans doute l’austère forteresse trop sombre, François Ier avait déjà fait raser la grosse tour en février 1528, combler les fossés et paver la cour. L’air et la lumière pénètrent enfin dans la cour centrale. On aménage de nouveaux appartements, certains peints de fresques au goût du jour avec nymphes et satyres. Les services des communs sont réorganisés dans les pourtours du palaisž: cuisines autour d’une cour à l’ouest (vers 1530), jeu de paume à l’est. Mais le château garde son antique fonctionž: s’il n’héberge plus de prisonniers, on y a déposé le Trésor de l’Épargne en 1523, ainsi que le Trésor des guerres et l’administration des Finances. Le palais est aussi une résidence. Le roi y séjourne souvent. On y donne des fêtesž: mariage du duc de Guise et de Mademoiselle de Longueville, réception du roi d’Écosse. La plus belle sera donnée pour la venue à Paris du grand rival, l’empereur Charles Quint, le 1er janvier 1540. Dans un château fort encore


27 Francisque Scibecq de Carpi (connu de 1537-1560)

Plafond de la chambre du Roi Musée du Louvre. Si le menuisier passe un marché avec Pierre Lescot en 1556, c’est un sculpteur, François Carmoy qui fournit le modèle du plafond. Autour des armoiries royales, les compartiments abritent des trophées d’armes.

30

le louvre, une histoire de palais



le ÂŤ grand dessein Âť des bourbons


1594/1610 : henri iv construit un immense palais parisien

41

Henri IV à cheval entrant dans Paris Paris, vers 1594 Paris, musée Carnavalet. À droite, on remarque le rez-de-chaussée de la Petite Galerie inachevée.

Entrant dans Paris conquis le 22 mars 1594, Henri IV veut faire du Louvre sa grande résidence – même s’il décide ensuite d’embellir aussi les châteaux de Saint-Germain-en-Laye et Fontainebleau 41. Après la longue guerre civile et religieuse, le roi de Navarre, devenu roi de France, veut asseoir la légitimité de sa branche dynastique, celle des Bourbons, et proclamer devant la ville ligueuse l’autorité monarchique de droit divin. On garde souvent l’image bonhomme du Béarnais souriant et bon vivant, de son cortège de maîtresses et de sa poule au pot, en oubliant son habileté politique. Grand administrateur d’un royaume à reconstruire sur les ruines de la guerre, il va chercher par-dessus tout à établir les bases d’un État moderne. C’est dans cet esprit qu’il décide de faire du Louvre et des Tuileries un grand palais symbolique, inscrit dans la capitale, au cœur du royaume, qui rassemble les organes du pouvoir, les artistes officiels, les collections et porte sur ses murs une emblématique royale. Il ordonne d’abord l’achèvement des Tuileries, puis de l’aile méridionale du vieux Louvrež; viennent ensuite la surélévation et l’achèvement de la Petite Galerie, enfin en 1595 la construction d’une «žgrande galeriež» pour relier la Petite Galerie aux Tuileries, le long de la Seine. Henri IV a en tête un vaste dessein. Il projette de quadrupler la petite cour du Louvre et de

42

La Grande Galerie Façade sur la Seine Musée du Louvre. Au premier plan, l’arcade sud de la Petite Galerie, puis le pavillon des Ambassadeurs, et ensuite l’élévation orientale de la Grande Galerie.

42

le louvre, une histoire de palais

relier le Louvre et les Tuileries par deux longues ailes, recoupées par tout un système de cours 43. Ses architectes, Louis Métezeau et Jacques II Androuet du Cerceau, n’auront pas le temps de mener à bien cet ambitieux projet. L’assassinat du roi, frappé par Ravaillac rue de la Ferronnerie et ramené mourant au Louvre où il s’éteint le 14 mai 1610, stoppa net le chantier, laissant inaccompli ce qu’on appelle désormais le « grand desseinž». Les architectes du roi s’étaient passionnés pour cet énorme chantier. En 1596, on achève la Petite Galerie, surélevée d’un étage. On peut attribuer à cette époque l’abondance du décor sculpté composé d’allégories dans les écoinçons des arcs et d’une frise très classique à triglyphes, qui subsiste encore sur la face orientale 42. En revanche, rien ne reste de sa face occidentale, que le sculpteur Pierre Biard décore, en 1602, de captifs enchaînés. À l’intérieur, l’étage est consacré à une «žgalerie des Peinturesž» ou « galerie des Roisž». Dès novembre 1601, Toussaint Dubreuil s’engage à peindre le plafond de scènes mythologiques (Pan et Syrinx, Persée et Andromède, Jupiter et Danaé), et d’une gigantomachie qui symbolise la victoire du souverain, nouveau Jupiter, contre ses ennemis. Mais le peintre officiel du règne meurt un an plus tard, en ayant sans doute eu le temps


43

Vue cavalière du château du Louvre projeté sous Henri IV Peinture murale, vers 1600, repeinte au xixe siècle Fontainebleau, musée national du château de Fontainebleau, galerie des Cerfs. La vue idéale montre la cour Carrée quadruplée, dont les angles et les faces devaient être soulignés de hauts pavillons. Elle aurait été prolongée vers l’ouest par deux cours entourées de bâtiments subsidiaires. À gauche, la Grande Galerie court jusqu’au château des Tuileries, passant au-dessus du fossé de Charles V, dont la défense sur la Seine est marquée par une haute tour, la tour de bois.

le « grand dessein » des bourbons

43


84

Vue du château du Louvre (Détail), vers 1666 L’aile sud vue du Pont-Neuf Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Avant la construction de la Colonnade, la façade sud se présente dans l’état où l’a laissée Le Vau : à gauche, la Petite Galerie, puis le pavillon du Roi et l’aile Renaissance qui s’articule sur un grand pavillon édifié par Le Vau ainsi que l’aile adjacente. La largeur de la Colonnade obligera à cacher tous ces bâtiments par une nouvelle façade ; à droite, l’hôtel de Bourbon, siège du Garde-Meuble royal.

72

le louvre, une histoire de palais


le palais des académies

87

Une Séance de l’Académie française, réception d’un académicien Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes.

74

Louis XIV avait beaucoup vécu au Louvre. Il y avait joui de spectacles variésž: Molière était venu jouer Le Docteur amoureux en 1658 dans la salle des Cariatides, avant L’Étourdi et Les Précieuses ridicules ; dans la salle des Machines des Tuileries, construite par Vigarani, s’étaient déroulés de grands spectacles, et le roi lui-même avait participé en 1662 au somptueux carrousel donné pour la naissance du dauphin, où toute la noblesse déguisée en tenues exotiques s’était adonnée aux plus beaux exercices équestres. En 1669 encore, alors qu’il s’est replié vers les Tuileries, Louis XIV anime lui-même au «žgros pavillon sur la rivièrež» un ballet somptueux, le ballet de Flore, dont le nom va désormais désigner le pavillon. Mais le roi abandonne Paris. Malgré son jardin des Tuileries à la noble perspective, il manque d’espace. Pas de chasse, son sport favori, le souvenir douloureux de sa mère, morte au Louvre en 1666, le poids d’un peuple parisien qui avait été celui de la Fronde… Louis XIV part s’isoler avec sa cour dans son parc de Versailles, malgré l’avis de Colbert qui juge indispensable un grand palais royal dans la capitale. Une partie du Louvre de Louis XIV est une coque vide. Et tout ce qui est habitable est utilisé par les administrations royales, les courtisans et surtout par les académies royales et les artistes. Les plus beaux appartements servent aux séances des académies, des institutions anciennes déjà, qui sont rassemblées dans le palais 87. L’Académie française a été installée en 1672, alors que le roi y réside, théoriquement, encore. Elle y tient ses séances au rez-de-

le louvre, une histoire de palais

chaussée du pavillon du Roi. L’Académie des inscriptions et belles-lettres occupe le rez-de-chaussée de l’aile Lemercier, à l’ouest de la cour Carrée, en 1685. L’Académie de peinture et sculpture, qui avait à ses débuts logé dans des locaux étroits de la Grande Galerie, quitte une dépendance du Palais-Royal, pour emménager magnifiquement en 1692, l’année où les antiques du roi sont exposés dans la salle des Cariatides, promue nouvelle salle des Antiques. Elle occupe le Salon carré et les salles avoisinantes (actuelles salles Duchâtel et Percier-Fontaine), à côté du cabinet des Tableaux du roi, situé dans la galerie d’Apollon et la Rotonde. L’Académie d’architecture s’établit la même année dans l’appartement de la Reine, à l’étage (actuel musée Charles X). L’Académie des sciences fait de même, à partir de 1699, dans l’appartement du Roi. Bibliothèques et collections, bocaux et squelettes s’entassent dans les anciennes chambres, alors que les séances se tiennent dans l’antichambre et la salle des gardes. Il y a aussi l’Imprimerie royale, la Chalcographie, le cabinet de Marine et de mécanique, l’Académie de politique dans le pavillon de l’Horloge, et même toute la série des grands plans en relief des places fortes de France déployés dans la Grande Galerie, pour servir à l’enseignement de la stratégie militaire. L’Académie de peinture et sculpture est à la fois une docte compagnie d’artistes, qui se réunissent et écoutent des conférences qui forgent la doctrine artistique et un organe


88 Jean-Baptiste Martin (1659-1735)

Une Assemblée ordinaire de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture Musée du Louvre, département des Peintures. De 1712 à 1721, l'Académie occupait six grandes pièces de ce qui avait été l’appartement de la reine mère Anne d'Autriche. Ici est représentée la salle des séances ordinaires (actuelle salle de Diane), qui occupait l'espace entre l'appartement d'hiver et l'appartement d'été de la reine mère. Le décor en trompe-l'œil à l'italienne en avait été réalisé par Grimaldi dit il Bolognese. Il a disparu en 1799. Aux murs sont disposées les collections de l'Académie : portraits d'académiciens, dont, au centre, celui de Charles Le Brun par Largillière, cadeaux, morceaux de réception. À gauche, on distingue de grands moulages en plâtre réalisés à Rome, Flore et Hercule Farnèse, Laocoon du Vatican. Les statuettes de marbre sont des morceaux de réception d'académiciens.

le « grand dessein » des bourbons

75


les timides efforts de la régence

Le xvıııe siècle n’est pas propice à l’embellissement du Louvre. À la mort de Louis XIV, le souverain est un enfant, le jeune Louis XV, que le Régent, le duc d’Orléans, ramène de Versailles à Paris. Il l’installe au château des Tuileries à partir de 1716 et même, quelques mois, au Louvre en 1719. Le gouvernement, c’est-à-dire les Conseils du roi, occupe des appartements du Louvre. Philippe d’Orléans, qui réside au Palais-Royal voisin, a ainsi voulu établir le pouvoir au cœur de la capitale. Ce bref intermède (1716-1722) prend fin lorsque le roi regagne Versailles. La Régence a signifié la rupture avec le carcan du grand siècle, un nouvel air de liberté, un style léger et festif, l’enrichissement rapide d’une classe jouisseuse, vite ruinée par la faillite du système financier de Law. La vie parisienne se concentre désormais dans les hôtels des nobles faubourgs où se développent les salons de la bonne société. Mais bien peu d’aménagements ont concerné le Louvre et se concentrent principalement vers les Tuileries où réside le roi. De cette époque datent pourtant l’embellissement du jardin des Tuileries, 92

Plan du Louvre Vers 1730 Paris, Archives nationales

78

le louvre, une histoire de palais

orné de grandes statues de marbre provenant des parcs de Versailles ou de Marly 93. C’est ainsi qu’une grande partie de la statuaire royale, après avoir fait l’ornement des jardins, a été par la suite abritée au musée du Louvre, où elle occupe désormais les cours Marly et Puget. L’architecte Robert de Cotte construit aussi au nord du jardin des Tuileries un Manège, qui allait être sous la Révolution le siège de la première assemblée. En 1722, on loge dans l’appartement des reines mères la petite infante d’Espagne, Marie-AnneVictoire, fiancée au roi à l’âge de quatre ans. Le mariage ne sera jamais consommé et la petite fille quittera la France, laissant pourtant son nom au jardin du bord de l’eau, réaménagé alors par Robert de Cotte 92. Il installe dans ce «žjardin de l’Infantež» une suite de statues de nymphes de Diane, prévues primitivement pour le parc de Marly. Le Louvre est alors un vaste caravansérail qui accueille les académies, les archives du ministère des Affaires étrangères (dans le pavillon de l’Horloge), les Conseils, ou encore le tribunal de la Garenne du Louvre (dans la salle des Cariatides). Les appartements sont morcelés, voire entresolés en logements divers pour les courtisans et les artistes pensionnés, parfois aussi pour leur veuve. On envisage même alors le transfert au Louvre de la Bibliothèque royale, logée à l’étroite rue de Richelieuž: entre 1720 et 1722, Robert de Cotte en étudie le projet qui devait vite être abandonné, même s’il est régulièrement repris sans succès jusqu’au xıxe siècle.



du désir de muséum à la naissance du musée du louvre


vers le muséum

Louis XV était parti pour Versailles et ses autres résidences, Marly, Fontainebleau, Compiègne, où se déroule la vie de cour, délaissant le Louvre, palais des arts. Mais la capitale, devenue un des hauts lieux de l’intelligence, développe désormais les idées nouvelles de l’illuminisme. La ville de l’Encyclopédie (1751-1780), des philosophes, celle où se crée l’art qui donne le ton en Europe, regarde moins vers les palais royaux. Le renouveau intellectuel se fait sentir à Paris, en particulier dans les salons qui entourent le Louvre, celui de Madame Geoffrin, rue Saint-Honoré, celui d’Helvétius, rue Sainte-Anne. Le quartier du Louvre, le château lui-même, avec ses académiciens et ses artistes, est un des foyers de la culture nouvelle qui annonce des temps nouveaux. Le château du Louvre, occupé par les courtisans, empêtré dans des conflits entre administrations concurrentes, est divisé en de nombreux ateliers d’artistes. Il est cerné par les habitationsž: un pâté de maisons subsiste dans la cour Carrée, des écuries s’accrochent aux façades de la Colonnade. Menés par Laffont de Saint-Yenne, qui imagine dans un pamphlet «žl’ombre du grand Colbertž» venant se plaindre de l’inachèvement de son œuvre, les hommes des Lumières fustigent l’abandon du palais. En 1753, les Bâtiments du roi constatent que les tirants de fer, imaginés par Perrault pour maintenir les énormes pierres de la Colonnade, ont rouillé et fait éclater les structures. Il était urgent d’intervenir. Le marquis de Marigny, frère de Madame de Pompadour et directeur 94 >

Passage nord de la cour Carrée dit du Coq Architecture par Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) Musée du Louvre.

82

le louvre, une histoire de palais

des Bâtiments du roi, prend les choses en main, d’autant que le roi décide alors d’installer au Louvre le Grand Conseil, une machine de guerre politique contre le Parlement rebelle. Orchestrée par l’architecte Ange-Jacques Gabriel, assisté de Jacques-Germain Soufflot, la remise en ordre commencež: mise en état de l’aile nord de la cour Carrée, destinée au Grand Conseil, dégagement de la cour elle-même, libérée de ses indésirables, démolition de ses maisons qui cernent la Colonnade (1756), percement de passages entre la cour et l’extérieur 94, au nord – où on reconnaît encore un bel ordre à colonnes dû à Soufflot – et restauration de la façade vers la ville. On reconstruit aussi le second étage du revers sur la cour où Perrault avait adopté un ordre corinthien, totalement différent de l’attique réalisé par Lescot et répété par Le Vau sur les cinq huitièmes de la cour. Après des tâtonnements et des discussions théoriques sur l’architecture, Gabriel reprend le parti de Perrault, en modifiant son exécution. Soufflot propose en 1757 des modèles de chapiteaux à l’Académie d’architecture qui fait le choix définitif. Les travaux commencent et c’est alors seulement (1758-1759) que Guillaume II Coustou sculpte le fronton oriental de la cour 95. Pourtant, faute de moyens financiers – la guerre de Sept Ans engloutit l’effort de la nation –, le chantier s’arrête rapidement. Marigny mène cependant à bien un projet plus limitéž: l’aménagement de l’ancienne salle des Machines du palais des Tuileries, qui va


102 Hubert Robert (1733-1808)

La Grande Galerie Après 1801 Musée du Louvre, département des Peintures. La Grande Galerie est encore un long tunnel, éclairé latéralement par des fenêtres du côté de la Seine. Des colonnes, surmontées de bustes, rythment l’architecture. Les tableaux sont disposés à touche-touche sur plusieurs rangs, les petits en bas, les grands en haut, dépassant la corniche et légèrement inclinés vers les spectateurs.

90

le louvre, une histoire de palais



la vitrine de l’état : musée et palais


le musée napoléon, le palais de l’empire

109 Lorenzo Bartolini (1777-1850)

Buste de Napoléon Ier 1805, commandé pour la porte du musée Napoléon Musée du Louvre, département des Sculptures. L’inscription portée sur le buste donne non seulement le nom du sculpteur, mais celui de Denon qui a dirigé l’œuvre, celui du fondeur et du ciseleur.

98

L’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte, qui réside au château des Tuileries depuis qu’il a été nommé Premier consul, s’inscrit dans la continuité de la politique monarchique. Il va poursuivre le «žgrand desseinž» pour étonner l’Europe conquise. Soucieux de faire oublier ses origines et d’établir un pouvoir dynastique, l’Empereur restaure tout le système liturgique de la monarchiež: étiquette, grandeur, cérémonial et surtout utilise avec abondance l’emblématique et l’iconographie pour marquer de son N, de ses aigles, de ses abeilles, le palais ancien qu’il fait décorer. Mais il va jouer aussi au protecteur des arts, enrichissant le musée qui est qualifié par son seul prénom, musée Napoléon, en 1803, avant même d’accéder à l’Empire. Napoléon Bonaparte protège avec jalousie «žsonž» musée, dont la porte d’entrée s’orne d’un colossal (1,90 m) buste en bronze 109 qui le représente à l’antique, œuvre du Florentin Lorenzo Bartolini (aujourd’hui dans les salles d’histoire du Louvre). L’exécution en a été dirigée par le tout-puissant directeur du musée Napoléon, le sémillant Dominique Vivant Denon. Ce brillant Bourguignon, franc-maçon et esthète, graveur fertile et écrivain léger, a accompagné Bonaparte dans son expédition d’Égypte. Bien en cour, un peu flagorneur – c’est lui qui imagine le nouveau nom du musée –, puissant travailleur, il sera l’instrument de la grandeur d’un musée qui va étonner l’Europe. Mais le musée n’est qu’une partie de la cité impériale du Louvre et des Tuileries, siège du pouvoir. Napoléon relève donc l’ancien projet royal de réunir les deux châteauxž: «žtout ce qui

le louvre, une histoire de palais

est grand est beauž», affirme-t-il. Il fait place nette. Une rue est percée pour relier le Louvre et les Tuileriesž: elle va du pavillon de l’Horloge au Carrousel et coupe à travers le quartier étroit et dangereux, où s’est déroulé en 1800 l’attentat de la rue Saint-Nicaise. L’Empereur fait expulser, en 1806, tous les indésirables, courtisans, artistes, et même le tout récent Institut qui transporte ses pénates dans l’ancien collège des Quatre-Nations. En 1808, un plan d’ensemble est proposé par une série d’architectes. L’Empereur décide de confier la réalisation du nouveau «žgrand desseinž» à l’architecte Pierre-François-Léonard Fontaine, que conseille et qu’aide son meilleur ami, Charles Percier 110. Les maçons s’activent. Au nord, on commence une aile nouvelle le long de la rue de Rivoli qui vient d’être ouverte. Deux tronçons, destinés à se rejoindre, sont entreprisž: à l’ouest, il subsiste aujourd’hui encore quelques travées de la face sud, dont l’élévation reproduit celle que Du Cerceau avait construite pour la Grande Galerie d’Henri IV. À l’est, se dressait la chapelle circulaire Saint-Napoléon, commencée près du pavillon de Beauvais pour faire pendant à la rotonde du salon du Dôme de Le Vauž; elle a disparu au Second Empire. Le plus visible des grands travaux de Napoléon est constitué par le décor extérieur. L’arc de triomphe du Carrousel est alors élevé en l’honneur de la Grande Armée (1806), sur le modèle des arcs romains 111. Son prix fut fabuleuxž: un million, payé par la Grande Armée. On avait pourtant économisé sur les colonnes de marbre rouge du Languedoc, récupérées au magasin des marbres parmi les matériaux



119

Plafond de la salle de Diane Au centre : Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823), Diane implorant Jupiter de ne pas l’assujettir aux lois de l’hymen, 1801 Musée du Louvre. Les compartiments du plafond se réfèrent au décor de l’escalier Henri II, reprenant les motifs de satyres et de chiens courant. Les reliefs représentent Les Danses des jeunes filles spartiates en l’honneur de Diane par Pierre Cartellier, Diane et ses nymphes demandant à Vulcain des armes de chasse par Jean-Joseph Espercieux, Danse des Amazones à la fondation du temple de Diane par Jean-Joseph Foucou, Oreste et Iphigénie enlevant la statue de Diane taurique par Pierre Petitot.

104

le louvre, une histoire de palais


les musées de la restauration

La première abdication n’avait pas apporté de grands changementsž: les alliés étaient prudents et ne voulaient pas choquer les élites et la population. Mais après les Cent-Jours (1815), ils décident le retour dans leurs pays d’origine des chefs-d’œuvre conquis en Europe par les armées de la Révolution et de l’Empire. Et le musée se vide en grande partie. Pourtant, après la chute de l’Empire, le retour des Bourbons, qui politiquement est une rupture complète avec l’époque révolutionnaire et impériale, ne signifie pas au Louvre un changement brutal. Certes, le directeur Denon est remercié, mais l’architecte Fontaine reste. La politique du musée ne change pas fondamentalement, sous l’autorité du nouveau directeur, le comte

de Forbin, agréable dessinateur. Le roi Louis XVIII s’installe au château des Tuileries, et quelques administrations de prestige prennent place au Louvre (salle des États, Conseil d’État). On n’en oublie pas pour autant le muséež: l’administration royale de la liste civile achète des œuvres, commande des décors peints et sculptés. On ouvre de nouvelles sections, et on poursuit, timidement, le «žgrand desseinž». Le mécénat royal s’affiche, dans un souci d’exalter les créations nationales. Les peintres vont devoir exprimer par le pinceau la qualité de l’art français dans sa continuité et les bienfaits d’une monarchie qui renoue avec l’Ancien Régime. Dans un premier temps, l’architecte Fontaine achève les chantiers entrepris sous l’Empire. La Maison du roi commande en 1818 les plafonds de l’escalier du musée. Celui de la cage elle-même, commandé à Prud’hon, est finalement exécuté par Abel de Pujol (La Renaissance des Arts), il sera détruit sous le Second Empirež; celui du premier palier (La France sous les traits de Minerve protégeant les arts), par Charles Meynier est inauguré pour le Salon de 1819. Dans la salle suivante, dite aujourd’hui salle Duchâtel 122, le même Meynier exalte Le Triomphe de la peinture française, hymne à Poussin, Le Sueur et Le Brun (1822). Dix ans plus tard, le décor est complété par des voussures peintes dont l’iconographie explicite le sens de la composition centralež: sous la présidence de La France protectrice et La Munificence royale, se succèdent des médaillons en trompe l’œil des grands ancêtres (Vouet, Le Sueur, Le Lorrain ou Poussin) auxquels

121 Pierre Petitot (1760-1840)

122 >

Les Arts rendent hommage au buste de Minerve

Au centre, Charles Meynier (1768-1832), Le Triomphe de la peinture française. Apothéose de Poussin, de Le Sueur et de Le Brun, 1822 ; voussures présentant des médaillons avec les portraits de peintres français, 1828-1833 Musée du Louvre.

Plafond de la salle Duchâtel

1824, relief de l’ancien escalier du musée, devenu la salle Percier et Fontaine Musée du Louvre.

106

le louvre, une histoire de palais



le nouveau louvre


la « mecque de l’intelligence »

La révolution de février 1848 déferle sur le Louvre. C’est le grand mouvement utopique et social qui embrase l’Europe. La fureur populaire se dirige essentiellement sur les bastions des Orléans, le Palais-Royal et les Tuileries, qui sont saccagés. Le trône des Tuileries est porté à la Bastille et brûlé, signe de l’anéantissement de la monarchie. Mais la révolution a épargné le musée, perçu comme le bien de la nation. Un comité d’artistes volontaires a d’ailleurs veillé sur les collections. L’organisation de la victoire républicaine va faire du Louvre un des enjeux majeurs de la politique culturelle. Un nouveau directeur du musée, le peintre Philippe-Auguste Jeanron, est nommé. Il va jeter les bases de la muséologie moderne, par des principes simples et efficacesž: «žinventorier, conserver, décrire, classer, communiquer, exhiber.ž» Sous son directorat, bref mais déterminant, de nouveaux domaines sont mis en valeurž: l’art grec archaïque, l’art paléochrétien, l’art médiéval, l’ethnographie.

138 Rodolphe Pfnor

Vue perspective de la réunion du Louvre et des Tuileries d’après les plans officiels de M. Visconti Gravure, 1852 Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes.

118

le louvre, une histoire de palais

Le palais lui-même est au cœur des préoccupations. Le gouvernement, soutenu par l’Assemblée, proclame par décret, le 24 mars 1848, que «žle Louvre doit être achevéž» et qu’il est le «žpalais du peuplež». Noble ambition que soutient Victor Hugo, proclamant à l’Assemblée que le Louvre doit devenir la «žMecque de l’intelligencež». Ce devrait être aussi un grand chantier qui, dans une optique keynésienne, devrait résorber le chômage et relancer la machine économique, à l’instar des ateliers nationaux. Des projets de réunion des palais du Louvre et des Tuileries sont élaborés, en particulier par Louis Visconti et son collaborateur, Émile Trélat. Ils n’aboutissent pas faute d’argent et de volonté politique 138. Finalement l’Assemblée vote un énorme crédit de deux millions et lance le travail. Le vieil architecte Fontaine – il a quatre-vingt-six ans – cède la place en octobre 1848 à Félix Duban, qui s’était fait la main dans la restauration de la Sainte-Chapelle et du château de Blois. Le palais des études de l’École des beaux-arts


140 Eugène Delacroix (1798-1863)

Apollon vainqueur du serpent Python ou Le Triomphe d’Apollon Compartiment central de la galerie d’Apollon, 1851 Musée du Louvre. Delacroix lui-même a décrit minutieusement ce combat du Bien et du Mal. Apollon sur son char lance ses flèches, aidé par sa sœur, Diane, qui porte un carquois derrière lui. Python est déjà atteint. En bas, les eaux du Déluge se retirent dévoilant des scènes d’horreur. Minerve, Hercule et Mercure attaquent les autres monstres. Vulcain chasse la nuit ; Borée et Zéphyr assèchent les eaux. En haut, à droite, les déesses nues sur l’Olympe. À gauche, la Victoire va couronner Apollon, alors qu’Iris déploie son écharpe, symbole du triomphe de la lumière.

120

le louvre, une histoire de palais


145 Giuseppe Castiglione (1829-ap. 1906)

Le Salon carré 1861 Musée du Louvre, département des Peintures.

le nouveau louvre

123


le « nouveau louvre » de napoléon iii

Le vent politique a tourné. Dans une France industrieuse, où la bourgeoisie s’est jetée à corps perdu dans la conquête économique, rêvant de progrès, de machinisme et de richesse, la République inquiète et le régime impérial rassure et protège. Le coup d’État de LouisNapoléon Bonaparte (2 décembre 1851) est un coup de grâce pour le régime des libertés. Il précède le rétablissement de l’Empire au profit de Napoléon III, qui veut poursuivre sur un mode plus tranquille l’héritage de son oncle et renouer avec la grandeur impériale. Sa résidence officielle est au palais des Tuileries. Il y donne des soirées mémorables et s’y entoure d’une cour brillante. Il veut faire du grand complexe Louvre-Tuileries une ville impériale 146. On pourrait croire que Louis-Napoléon, l’ancien carbonaro aux idées avancées, reprend à son compte les projets de la République. En fait, c’est le chef d’un pouvoir fort qui dirige, et le programme du Louvre a changé avec le coup d’État de décembre 1851ž: de «žMecque de l’intelligencež», le complexe du Louvre et des Tuileries devient le palais de l’État, où se réunissent les corps constitués, où se pressent les administrations, où s’activent les écuyers impériaux, où se 146 Victor-Joseph Chavet (1822-1906)

Le Louvre de Napoléon III Modèle de tapisserie destinée à la galerie d’Apollon, 1857 Musée du Louvre, département des Peintures.

déploient des casernes. L’Empereur n’en oublie pas le musée pour autant, mais c’est avant tout pour lui un outil de prestige. Il ordonne des missions archéologiques, confie la rénovation du musée à un intime, le sculpteur Émilien de Nieuwerkerke, grand ami de sa cousine, la princesse Mathilde. Il veille personnellement à l’acquisition d’une collection immense, celle du marquis Campana, et la fait exposer au Louvre sous le nom de «žmusée Napoléon IIIž» avec le produit des fouilles ordonnées par l’État à l’étranger. Mais le musée reste régi par son bon vouloir, les tableaux sont affectés tantôt à la décoration des palais résidentiels, tantôt à l’exposition pour le public. Une désinvolture et une gloriole que lui reprocheront avec aigreur les opposants au régime. Car la grande affaire du règne est l’accomplissement du «žgrand desseinž». L’architecte Louis Tullius Joachim Visconti, nommé architecte de la réunion des palais en mars 1852, avait présenté son plan dès février au conseil des Bâtiments civils, qui l’avait approuvé 147. Il est le fils de l’ancien conservateur des antiques du musée du Louvre, venu en 1798 à la suite des statues antiques de Rome, saisies par l’armée d’Italie. De formation et d’esprit classiques, auteur des plus jolies fontaines de Paris, la fontaine Saint-Sulpice, la fontaine Molière, il sait allier un profond respect de l’architecture qui l’a précédé à un fonctionnalisme nouveau. Devant le Palais-Royal, la première pierre de ce qu’on appelle alors le «žNouveau Louvrež» est posée en grande pompe le 25 juillet 1852 par le ministre d’État, le comte de Casabianca,

147 > Nicolas Gosse (1787-1878)

Napoléon III visitant le chantier de l’aile nord Esquisse pour une composition destinée à la salle du Trône au Sénat, 1854 Musée du Louvre, département des Peintures.

124

le louvre, une histoire de palais





la victoire du musĂŠe


La commune et l’incendie des tuileries

La chute de l’Empire coïncide avec la fin du rôle politique du Louvre. L’impératrice s’enfuit des Tuileries, abandonnant désormais ce qui avait été le siège d’un pouvoir absolu. Elle laisse la place aux ambulances qui soignent les blessés, pendant la déroute d’un siège de Paris oppressant. Mais la Commune de Paris organise dans les appartements impériaux quelques grands concerts, qui symbolisent la prise par le peuple des dépouilles impériales. En mai 1871, c’est la catastrophe. À l’issue de la semaine sanglante, alors que fait rage la guerre civile entre la Commune et le gouvernement versaillais, quelques communards mettent le feu aux lieux du pouvoirž: la chambre des Comptes, le Palais-Royal, le ministère des Finances, l’Hôtel de Ville. Le palais des Tuileries est la proie des flammes, ainsi que la Bibliothèque du Louvre, face au Palais-Royal. Mais le musée est sauvé, grâce à l’esprit d’initiative et au courage des gardiens, de quelques conservateurs, dont Henry Barbet de Jouy, et de l’armée arrivée en renfort, menée par le commandant Bernardy de Sigoyer. Les ruines noircies du palais des Tuileries vont demeurer là plus de dix ans, dominant des baraquements sordides 171. Lefuel pourtant restaure le pavillon de Flore et lui construit une nouvelle façade vers le nord, là où il joignait le château des Tuileries. Il va aussi reconstruire le pavillon de Marsan et une large portion de

l’aile nord mitoyenne, destinés à accueillir la Cour des comptes 170. Toujours fidèle à son style fleuri, il va organiser un système en miroir, l’architecture et le décor bourgeonnant de l’aile nord, copiant l’aile sud. Après maints projets de reconstruction du palais des Rois, on décide finalement de ne pas le restaurer bien que sa structure calcinée ait bien résisté. Par décision idéologique, soutenue par Jules Ferry, l’Assemblée nationale vote la démolition des Tuileries, en 1882, afin d’anéantir le signe visible des monarchies. C’est désormais le château qui forme le point de départ de l’axe parisienž; un axe de guingois, puisque le château, construit perpendiculairement à la Seine, n’était pas parallèle au palais des Tuileries. Le musée reste théoriquement le maître de tout l’espace, mais quelques administrations s’y installent à la faveur des déplacements consécutifs aux incendies de la Commune et vont considérablement limiter son expansion. L’aile Rivoli est dévolue au ministère des Finances en 1871. Le pavillon de Flore, après avoir accueilli la préfecture de Paris, du temps du célèbre préfet Poubelle, est lui aussi affecté aux Finances. La future salle des Sessions, après avoir abrité le Congrès international de géographie (1875), était le lieu des séances du conseil municipal de Paris pendant qu’on reconstruisait l’Hôtel de Ville (1879-1883). 170

Le pavillon et l’aile de Marsan vus des Tuileries Architecture d’Hector Lefuel Musée du Louvre.


171 Giuseppe De Nittis (1846-1884)

La Place du Carrousel ; les Tuileries en ruine 1882 Musée du Louvre, département des Peintures, dépôt du musée d’Orsay.

la victoire du musée

143


le sort malheureux de l’œuvre d’edmond guillaume

La République se met difficilement en place. Alors qu’on hésite sur le régime à adopter, le Louvre devient un symbole national. On le restaure pour lui redonner sa splendeur d’avant l’incendie et un des premiers soucis du pouvoir, dans la continuité de la IIe République, est d’organiser un décor fastueux sur le modèle du Salon carré et du salon des Sept cheminées. C’est l’architecte Edmond Guillaume qui est chargé des travaux. Ce Valenciennois, formé à l’archéologie, enseignait la théorie de l’architecture à l’École des beaux-arts. Devenu architecte du château de Versailles, où il avait aménagé le Jeu de Paume, puis du Louvre, il se consacra dans la tradition de ses prédécesseurs à faire du musée un palais. Adepte des fonds rouges, des décors tapissants, il fut la grande victime de la rénovation des années 1930 à 1960, qui allait faire table rase de l’éclectisme décoratif de la fin du siècle. Mais Guillaume lui-même avait beaucoup détruit. À partir de 1882 il fait mettre à bas le décor de la salle des États de Napoléon III, dont toute l’iconographie était un hymne politique au pouvoir impérial. Le plafond de Muller laisse place à une verrière, les colonnes cannelées et la tribune sont remplacées par une cloison qui obture les fenêtres 172. En 1886, la salle est ouverte avec un nouvel éclairage, évidemment zénithal, des murs rouges aux longues cimaises pour y disposer les tableaux, et en partie haute un décor de stuc d’une opulence certainež: deux grandes statues de la France ancienne ou monarchique (par Gabriel-Jules Thomas) et de la France moderne,

144

le louvre, une histoire de palais

républicaine (par Ernest-Eugène Hiolle), des médaillons figurant des artistes, exclusivement français (Clouet, Poussin, Le Lorrain, Le Brun, Mignard, Watteau, Boucher, Ingres, Delacroix, etc.), des chapiteaux, des guirlandes, des génies, des frises. Si le régime a changé, le poids politique de l’iconographie est toujours sensible, et la Revue de l’Architecture en 1887 explique avec une belle inconscience que «žle génie a toujours été, comme il devra toujours être, en France, protégé et honoré par tout gouvernement fortž»ž! Quoique réalisée par des artistes respectables, cette décoration devait bien vite paraître démodée. Elle allait être détruite en 1947, sans états d’âme, à une époque où un certain purisme faisait des ravages dans l’art officiel 177. Le second grand décor de Guillaume a été démasqué et restauré après un long purgatoire. Il s’agit de la grande salle du pavillon de Beauvais, décorée entre 1889 et 1891, pour être consacrée aux dessins flamands et hollandais. L’architecte avait récupéré une toile de Carolus-Duran, peinte en 1878 pour le palais du Luxembourg, restée inemployée, qui représentait Le Triomphe de Marie de Médicis, en hommage à la série de tableaux que Rubens avait brossée pour le décor du palais 173. Guillaume mit la toile en valeur dans un luxueux plafond de carton-pierre, à la manière des menuiseries de la chambre du Roi. Il installa aussi trois compositions peintes par Hector Leroux dans la petite salle voisine destinée aux pastels. Déconsidérées dans les années puristes, elles ont été cachées en 1962. Si en 1993 le


172 Auguste Tilly

La Nouvelle Salle des États au Louvre, aménagée pour l’installation de l’École française de peinture Gravure, 1886 Musée du Louvre, Documentation de l’histoire du Louvre.

173 > Charles Durand dit Carolus-Duran (1837-1917)

Le Triomphe de Marie de Médicis Exécuté pour le palais du Luxembourg, en 1878, posé au plafond de la salle Marie-Antoinette en 1890, actuellement salle Grog Musée du Louvre, département des Objets d’art. Comme l’espace était dévolu à la salle des Dessins flamands et hollandais, le thème de Marie de Médicis avait été choisi en référence au cycle de la vie de cette reine par Rubens.

la victoire du musée

145


178 Louis Béroud

À la gloire de Rubens Musée du Louvre, département des Peintures. Cette esquisse d’une toile exposée au Salon de 1905 montre la salle Rubens avec Rubens qui « curieux de voir sa galerie Médicis […] est accueilli par tous les personnages qui descendent de leur cadre pour rendre hommage au maître de l’art, le plus somptueux et le plus magnifique ». On reconnaît les groupes tirés de la Vie de Marie de Médicis, dont les figures nues du Débarquement à Marseille.

la victoire du musée

149


le louvre, un musée de collections

Le souci de laisser une trace après leur mort et de préserver l’autonomie et la spécificité de leur collection, avait conduit bien des collectionneurs à donner leurs biens à un musée sous réserve que des salles particulières soient aménagées pour les accueillir. Tel avait été le cas sous le Second Empire de la collection de Sauvageot, violoniste à l’Opéra et prototype du Cousin Pons de Balzac. Nommé conservateur de «žsonž» musée, il l’avait jalousement surveillé de 1856 à 1861, à l’étage de la cour Carrée. Peu avant la chute de l’Empire, la collection de tableaux léguée par le bon docteur Louis La Caze, philanthrope et amateur, avait chassé une partie du «žmusée Napoléon III » de l’ancienne salle des Séances de l’aile Henri II 180. Les cimaises offraient un florilège de 582 chefs-d’œuvre de la peinture française (le Pierrot de Watteau, le Repas de paysans de Le Nain), espagnole (le Pied-bot de Ribera) ou nordique (la Bohémienne de Frans Hals). Mais c’est sous la IIIe République que se multiplient les salles, voire les «žmuséesž» de donateurs. Les salles His de La Salle exposent les dessins de cet amateur à une époque où le cabinet des Dessins montrait encore ses trésors dans les salles de la cour Carrée. À la mort de madame Thiers (1881), les collections d’objets d’art qu’elle avait réunies avec son mari, l’homme d’État Adolphe Thiers, prirent place dans la grande salle du pavillon Marengo. Puis ce sont les collections d’objets d’art d’Adolphe de Rothschild (1900), les bronzes de Barye et les tableaux de l’école de Barbizon légués par Thomy-Thiery (1902) ou

par Alfred Chauchard, propriétaire des Grands Magasins du Louvre (1910). Une galerie de l’aile de Flore fut consacrée au baron Basile Schlichting (1914), donateur de l’Odalisque de Boucher et de la Belle Nani de Véronèse, alors que la marquise Arconati-Visconti, bénéficiait d’une salle spécifique dans l’aile nord de la cour Carrée pour les 124 sculptures et objets d’art donnés en 1916. La collection d’Isaac de Camondo, offerte en 1911, avait été disposée en 1914 au deuxième étage de l’aile Mollien dans une ambiance de salon cossuž: dans les pièces ornées de boiseries remontées étaient exposés des chefs-d’œuvre de

180 > Bertrand et Froment

Musée du Louvre. Salle de la collection Louis La Caze Gravure, 1870 Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes.

la victoire du musée

151


le purisme des années 1930

Compartimenté en collections, subdivisé en «žmuséesž», le Louvre ne pouvait disposer ses collections de façon cohérente. Il devait redéployer ses circuits. Ce fut la grande campagne des années 1930. Commencée en 1926 sous l’impulsion du directeur, Henri Verne, continuée grâce au plan de l’«žoutillagež» national, c’est-à-dire de la lutte contre le chômage par les grands travaux soutenue par le Front populaire, elle fut interrompue par la guerre, et s’acheva en fait dans les années 1970. Verne avait proposé deux solutions pour réorganiser le Louvre. La première était la redistribution des collections dans le palais affecté au musée (en excluant d’ailleurs certains domaines, promis au déménagement). La seconde, révolutionnaire, consistait en l’annexion au musée de tout ce qui était encore entre les mains du ministère des Finances, pavillon de Flore et aile Rivoli. Quoique largement soutenue par l’opinion publique, cette seconde solution, perpétuellement envisagée et préparée par des programmes précis, ne devait se concrétiser qu’à partir de 1961 pour le pavillon de Flore, et seulement en 1989 pour l’aile Rivoli, dénommée dès lors Richelieu. De 1927 à 1939, ce fut un remaniement complet du palais et de tous les départements, spécialement des départements des Antiquités orientales et des Sculptures. Le style en était très moderne et très pur, mis en scène par l’architecte Camille Lefèvre, puis par son successeur, Albert Ferran, formé aux

la victoire du musée

États-Unis, au M.I.T. de Boston, où il avait enseigné. On lui doit la transformation de l’escalier de la Victoire de Samothrace 183, mais aussi les salles du rez-de-chaussée de la cour Carrée, très pures et simples, qui accueillent les Antiquités orientales. Pour l’ancienne salle La Caze devenue la salle des Bronzes antiques (1936-1938), il abaisse le plafond jusqu’aux consoles de la galerie,

183

L’escalier Daru, ou de la Victoire de Samothrace Architecture d’Hector-Martin Lefuel et Albert Ferran.

153




vers le grand louvre


de la guerre aux années malraux

Le redéploiement du plan Verne était complété par la nécessité de réorganiser la structure même du musée. Dès les années 1930, on prévoit le départ du musée de la Marine vers le palais de Chaillot, qui sera effectif pendant la guerre. D’autres transferts étaient inévitables. Déjà en 1878, le Louvre avait été contraint de se séparer des collections précolombiennes, qui dépendaient du département antique, et du « musée ethnographiquež», affecté au musée du Trocadéro (depuis le musée de l’Homme, avant de partir au quai Branly). En 1945, les collections asiatiques sont destinées au musée Guimet. À cette époque, on décide aussi d’exposer au Jeu de Paume des Tuileries les collections impressionnistes. Conçu comme un simple prolongement du Louvre, le musée du Jeu de Paume, inauguré en 1947, sera remplacé en 1986 par celui d’Orsay, qui accueille toutes formes de collections postérieures à 1848. 186 Pierre Jahan (1909-2003)

La Destruction des stucs de la salle des États 1947 Musée du Louvre, Documentation de l’histoire du Louvre.

158

le louvre, une histoire de palais

Le Louvre peu à peu perd ainsi sa vocation de musée universel. Il est d’abord constitué de sept «ždépartementsž» (trois «žantiquesž» – Antiquités égyptiennes, orientales, grecques, étrusques et romaines – et quatre «žmodernesž», du Moyen Âge à 1848, Peintures, Sculptures, Objets d’art et Arts graphiques), puis de huit après l’institution du département des Arts de l’Islam en 2004. Les plans des années 1950 à 1980 ont tenté de parachever le redéploiement de ces départements, dans une continuité relative, avec le plan Verne d’avant-guerre. L’opération de « nettoyagež» des stucs abhorrés du xıxe siècle se poursuit avec allégresse 186. De 1945 à 1952, l’architecte du Louvre, JeanJacques Haffner, aménage selon des principes différents le Salon carré (mais on garde les stucs du plafond), les salles Daru et Mollien, la salle des États, la Grande Galerie, où on cherche à retrouver l’état rêvé par Hubert Robert, grâce à des pilastres et des corniches de stuc. Une nouveauté intervient avec la nomination, à côté de l’architecte titulaire, de deux architectes d’intérieur, Jean-Charles Moreux et Emilio Terry. Désormais, devant la complexité des chantiers, l’habitude va se prendre de recourir à la fois à l’architecte en charge du palais et à des architectes extérieurs, responsables d’un chantier d’aménagement. En 1953, Moreux remanie totalement l’ancienne salle Rubens, selon les directives cette fois de la conservation. L’ordre est celui du cycle de la vie de Marie de Médicis, mais la monumentalité du lieu est soulignée par de robustes encadrements de bois noir,


187

La salle Rubens Architecture de Jean-Charles Moreux Musée du Louvre, Documentation de l’histoire du Louvre.

vers le grand louvre

159


le grand louvre

L’affectation au Louvre de l’aile des Finances, dite aile Richelieu, annoncée par François Mitterrand le 26 septembre 1981, allait contraindre à une nouvelle transformation radicale, celle du «žGrand Louvrež»ž: ultime métamorphose qui a mis en place des circuits logiques pour tous les départements, pour la commodité du public et la mise en valeur des œuvres. La structure du musée changeait complètementž: d’un plan en L, elle devenait un immense U, aux bras allongés et écartés où tous les départements gagnaient de nouvelles salles pour exposer les œuvres, dont certaines dormaient en réserve depuis des années. Préparée par une programmation détaillée, confiée à la suite d’un concours à Jérôme Dourdin, cette lourde tâche a été celle de l’Établissement public du Grand Louvre (E.P.G.L.), constructeur des espaces nouveaux, créé en novembre 1983. Un séminaire de direction tenu à Arcachon en janvier 1984 divise les espaces entre les départements et pose les bases d’une restructuration complète. Alors que les départements peaufinent leur programme muséologique, l’E.P.G.L., dirigé par Émile Biasini, et le musée du Louvre, sous la houlette de Michel Laclotte, mènent la direction d’un gigantesque chantier. Il fut décidé d’abandonner les extrémités du U, trop éloignées, qui étaient au nord, le musée des Arts décoratifs, et qui au sud devaient laisser place à l’École du Louvre et au laboratoire et au service de restauration des musées de France. Le palais gagnait en compacité à condition de lui donner un nouvel espace d’accueil central, une desserte irriguant 192

193 > Ieoh Ming Pei

Le chantier des fouilles archéologiques dans la cour Napoléon

La pyramide du Louvre Musée du Louvre.

Juin 1985.

162

tous les lieux et une logistique adaptée. Dès juillet 1983, l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, est désigné comme architecte du nouveau projet. Il s’était déjà affirmé dans la construction de grands musées, auteur de l’aile neuve de la National Gallery de Washington et de celle de Boston. La première étape devait être la création d’un accueil central au musée, sous la cour Napoléon, une solution déjà envisagée, mais toujours repoussée faute de moyens. Pei imagine alors la construction de la fameuse pyramidež: une structure arachnéenne d’acier et de verre qui recouvre un hall lumineux 193. La pyramide suscite une polémique qui fait les choux gras de la presse. «žEn verre et contre tousž», le volume géométrique déchaîne les passions tant esthétiques (anciens contre modernes) que techniques (sur la programmation). Il s’y glissait aussi des arrière-pensées politiques contre le choix du prince, la forme et le signe pharaonique, l’absence de concours. En fait, pendant que l’architecte en chef, Georges Duval, fait nettoyer les façades de la cour Carrée, c’est d’abord l’occasion d’étudier et de restaurer le palais ancien. Des fouilles archéologiques menées en 1984 et 1985 sous la direction de Michel Fleury et de Venceslas Kruta exhument le spectaculaire Louvre médiévalž; la campagne dirigée par Yves De Kisch et Pierre-Jean Trombetta livre des témoignages sur le quartier du Louvre, depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à sa destruction, et sur les tuileries qui ont donné leur nom au palais de Catherine de Médicis 192.

le louvre, une histoire de palais



circuit autour d’une cour couverte qui abrite la reconstitution du palais assyrien de Sargon II à Khorsabad (vıııe siècle av. J.-C.). Les antiquités islamiques, jusqu’alors réduites à la portion congrue, sont désormais en sous-sol. Deux grandes cours vitrées, la cour Puget et la cour Marly 195, permettent de déployer à la lumière du jour la grande statuaire

vers le grand louvre

française dont le reste des collections est exposé dans les salles voisines. Les objets d’art, dans des vitrines somptueusement éclairées grâce à la fibre optique, conçues par l’agence Wilmotte, sont présentés dans une succession de salles qui mène aux appartements Napoléon III, les anciens salons de réception du ministère 197.

195

La cour Marly Inaugurée en novembre 1993 Architecture d’Ieoh Ming Pei et Michel Macary Musée du Louvre.

165



chronologie

1560-1574 Règne de Charles IX

1610-1643 Règne de Louis XIII

1560-1565

1617

Construction et décor de l’aile sud.

Assassinat de Concini au Louvre.

1564

1624

Début de la construction du château des Tuileries pour Catherine de Médicis.

Reprise des travaux par Louis XIII.

1639 1180-1223 Règne de Philippe Auguste

1540

1566

Réception de Charles Quint au Louvre.

1190

1546

Philippe Auguste partant pour la croisade ordonne aux bourgeois de Paris de construire une enceinte autour de Paris.

Début des travaux du nouveau corps de logis Renaissance par Pierre Lescot pour François Ier.

Première pierre de la Petite Galerie et d’une galerie pour la relier aux Tuileries, posée par Charles IX. Nouvelle enceinte de Paris.

1202

1547-1559 Règne d’Henri II

Première citation de la « tour » du Louvre.

1572

Ferrand de Portugal, comte de Flandre, est emprisonné au Louvre après la victoire de Bouvines.

1364-1380 Règne de Charles V

1515-1547 Règne de François Ier

Destruction de la grosse tour du Louvre sur l’ordre de François Ier.

178

Carrousel en l’honneur de la naissance du dauphin.

1662-1664 Décoration de la galerie d’Apollon sous la direction de Le Brun.

1663 Fronton de la cour du Sphinx.

Projets de décoration de la Grande Galerie par Poussin.

1664

1643-1715 Règne de Louis XIV

1665

Début des travaux de Le Nôtre au jardin des Tuileries.

Voyage du Bernin à Paris. Pose de la première pierre de son projet de façade orientale du Louvre.

1652

Changement de parti décidé par Henri II. L’escalier central est reporté vers le nord.

1588

Anne d’Autriche et Louis XIV s’installent au Louvre.

Journée des barricades. Fuite d’Henri III.

1653-1655

1550

1589-1610 Règne d’Henri IV

1654

1593

Plafond de la chambre du Roi par Guérin.

Les états de la Ligue parisienne au Louvre.

1655-1659

Élargissement de l’aile sud.

1595

Décoration de l’appartement d’été d’Anne d’Autriche.

1672

Jean Goujon sculpte les cariatides de la grande salle.

Construction de l’étage attique. Début des travaux de l’escalier.

1554 Jean Goujon sculpte les reliefs de l’attique.

1608

Sculpture du plafond de la chambre d’Henri II par Scibecq de Carpi.

1666 Décoration de l’appartement d’hiver d’Anne d’Autriche.

Début de la construction de la Grande Galerie pour Henri IV.

1558 1528

1662

1574-1589 Règne d’Henri III

1553 Transformation du Louvre par Raymond du Temple pour Charles V. Construction et décor de la « grande vis ».

Incendie de la Petite Galerie.

1641-1642

Massacre de la Saint-Barthélemy.

1549 1214

Début des travaux de décoration du pavillon de l’Horloge par Lemercier.

1661

Mort d’Anne d’Autriche au Louvre.

1667 Début des travaux à la Colonnade.

1668

Construction de la salle des Machines aux Tuileries.

Pose du fronton de la Colonnade. Installation de l’Académie française au Louvre.

Installation des artistes royaux à l’entresol de la Grande Galerie.

1660

1674

Plan de Le Vau pour le Louvre.

Louis XIV quitte définitivement le Louvre.

1610

1661-1663

Assassinat d’Henri IV. Sa mort au Louvre.

Construction de l’aile méridionale.

le louvre, une histoire de palais

1659


les architectes

et les arts, surmontées par les grandes fenêtres de la galerie à l’étage.

Jacques II Androuet Du Cerceau

Raymond du Temple

Pierre II Chambiges

Connu de 1360 à 1403 Maître des œuvres de Charles V, il transforma de 1364 à 1367 le château de Philippe Auguste en résidence royale, aménageant en particulier la « grande vis », l’escalier monumental, entrepris par le jeune roi au lendemain de la nouvelle de la mort de son père.

1545-1616 On attribue à Pierre Chambiges, héritier d’une dynastie de maîtres d’œuvre, le rez-de-chaussée de la Petite Galerie.

Pierre Lescot Paris, vers 1510Paris, 1578 Après avoir collaboré avec Jean Goujon au jubé de l’église Saint-Germainl’Auxerrois (1541-1544), il fut chargé en 1546 du chantier du Louvre, qu’il assuma jusqu’aux années 1560. Il réalisa l’aile qui porte son nom, le pavillon du Roi et l’aile sud de la future cour Carrée. Humaniste, mathématicien et lettré, il est responsable des nouveautés du palais du Louvre, avec l’escalier à rampes droites à la voûte sculptée, la grande salle des Cariatides, le comble recoupé de l’aile nouvelle, adaptant avec pragmatisme l’héritage de Vitruve.

annexes

Louis Métezeau Dreux, vers 1562Paris, 1615 Descendant des architectes Clément Ier et Thibaut Métezeau, qui étaient passés des chantiers de Dreux à celui de la sépulture d’Henri II à Saint-Denis, Louis Métezeau et son frère Clément II contribuèrent à la formation du langage classique sous Henri IV et Louis XIII. Henri IV chargea Métezeau d’élever la partie orientale de la Grande Galerie, à partir de 1595. Les deux faces de l’édifice présentaient des élévations différentesž: au sud, le long de la Seine, une succession complexe d’étages, où prenaient place un décor tapissant de reliefs portant l’emblématique royale, et une frise figurant des jeux d’enfantsž; au nord, une succession d’arcades au rez-de-chaussée, au décor symbolisant la victoire

Vers 1550-1614 Frère de Baptiste Androuet Du Cerceau (vers 15451590) qui avait succédé à Lescot comme architecte du roi au Louvre (1578-1590), Jacques II appartient à une dynastie d’architectes du roi. Henri IV lui confia la construction de la moitié occidentale de la Grande Galerie, ainsi que celle du pavillon de la Rivière, le futur pavillon de Flore. Du Cerceau préféra adopter l’ordre colossal sur les deux façades. Cette élévation ambitieuse, détruite par Lefuel en 1861, peut encore s’apprécier dans l’aile nord du Carrousel, édifiée par Percier et Fontaine sur le modèle de l’aile sud.

Jacques Lemercier Pontoise, vers 1585Paris, 1654 Descendant d’une famille de maîtres-maçons et d’architectes du Vexin, Lemercier fut l’architecte de Richelieu, tant dans son château du Poitou qu’à la Sorbonne, au palais Cardinal et à l’église de Rueil. Premier architecte du roi, il devait diriger le chantier du Val-de-Grâce et donner les plans de Saint-Roch. Au Louvre, il éleva le pavillon de l’Horloge (1639-1642) et l’aile qui lui fait suite au nord, ainsi que la partie basse

du pavillon de Beauvais et de l’aile en équerre au nord. À l’intérieur du palais, il aménagea l’appartement du Conseil (1653), l’appartement des bains d’Anne d’Autriche (1653-1654). Il avait fait le voyage de Rome en 1607, mais son style qui n’ignore pas les nouveautés italiennes est considéré comme à l’origine du classicisme français.

Louis Le Vau Paris, 1612-Paris, 1670 Un des principaux représentants du classicisme français sous Louis XIV, Le Vau est pourtant parfois tenté par l’ampleur rythmée du baroque. Il dispose les masses monumentales, les anime par le jeu des colonnes, des ouvertures ou du décor à l’antique. Premier architecte du roi en 1654, Le Vau construisit beaucoup pour les particuliers, parfois en collaboration avec son frère Françoisž: hôtel Bullion, hôtel Lambert, hôtel Lauzun. Il introduit une majesté baroque dans le grand dôme et la décoration du château de Vaux-le-Vicomte, édifié pour le surintendant Fouquet, qui attira la jalousie du roi. Et on retrouve le goût de la ligne courbe dans la façade du collège des Quatre-Nations (aujourd’hui Institut de France). Pour la reine mère, il réalisa une aile neuve du château de Vincennes, et au Louvre, lui aménagea des appartements d’été (1655-1659).

À partir de 1661, il mène au Louvre un énorme chantier, reconstruisant l’étage de la Petite Galerie qui abrite la galerie d’Apollon, aménageant une aile en parallèle, restructurant la façade des Tuileries, quadruplant la cour Carrée, avant de participer aux premiers travaux de la façade de la Colonnade. Il est l’auteur des premières étapes du château de Versailles, de l’Orangerie, du premier Trianon de porcelaine et de la façade rythmée avec terrasse en retrait qui allait être complétée par Jules Hardouin-Mansart.

François d’Orbay Paris, 1634-Paris, 1697 Collaborateur de Le Vau après un voyage à Rome en 1660, François d’Orbay, après avoir dessiné sous sa direction, lui succéda sur le chantier du Louvre. À ce titre, il participa à la construction de la Colonnade en collaboration avec le médecin Claude Perrault. On lui doit aussi la cathédrale de Montauban et l’hôpital de la Trinité de Lyon.

Claude Perrault Paris, 1613-1688 Médecin et architecte, frère de Charles Perrault, il fut un esprit curieux, ouvert, avide de connaître. Traducteur de Vitruve, il travailla à la construction de l’Observatoire de Paris et au château de Sceaux. Il participa à l’exécution de l’aile de la Colonnade, où

181


les peintres

Nicolas Poussin Les Andelys, 1594Rome, 1665 En 1640, le plus célèbre peintre classique interrompit à l’invitation de Louis XIII son long séjour romain, entamé en 1624, pour venir à Paris réaliser de grands décors pour le Louvre. Logé dans le jardin des Tuileries, il était à pied d’œuvre. Pour la décoration de la voûte de la Grande Galerie, il donna les dessins d’un cycle des travaux d’Hercule, composé de médaillons et de figures d’atlantes, et en commença l’exécution. La mort de Richelieu et du roi, et surtout le départ de Poussin vers Rome où l’attendait sa famille, interrompirent le travail. Bien que Poussin ait promis de continuer à envoyer des dessins, l’entreprise ne fut jamais complétée. Elle correspondait d’ailleurs assez peu au tempérament de Poussin, le maître des toiles aux sujets composés et réfléchis, qui n’avait rien d’un décorateur. Il subsiste de ce grand projet avorté quelques dessins. Ajoutons qu’une toile circulaire de Poussin, Le Temps et la Vérité, réalisée

184

Eustache Le Sueur

pour le Palais Cardinal, a été placée au xviie siècle dans le Grand Cabinet du roi. Démontée, elle est conservée au musée du Louvre.

Giovan Francesco Romanelli Viterbe, 1610Viterbe, 1662 Mazarin, « militant de l’art baroque », fit venir à Paris un élève de Pierre de Cortone, Romanelli, en 1646. L’artiste réalisa alors le décor de la galerie du Palais Mazarin, composé d’épisodes de la guerre de Troie et des Métamorphoses d’Ovide. Devant le succès de l’entreprise, le cardinal fit revenir le peintre romain pour diriger la décoration de l’appartement de la reine mère au Louvre (1655-1659). Sous ses directives, Michel Anguier réalisa les stucs, Romanelli se réservant les fresquesž: histoire romaine au Grand Cabinet (Mucius Scaevola, Cincinnatus, Scipion), femmes fortes dans la chambre (Judith et Holopherne), Apollon et Diane, Saisons à l’antichambre.

Paris, 1617-Paris, 1655 L’auteur des cycles de la vie de saint Bruno, de la décoration du cabinet de l’Amour, puis de la chambre des Muses, vers 1652-1655, à l’hôtel Lambert (tous ces décors sont conservés au musée du Louvre), fut chargé des peintures de l’appartement du Roi. Il n’en subsiste plus que quelques dessins préparatoires.

Charles Le Brun Paris, 1619-Paris, 1690 Le premier peintre de Louis XIV reçut en 1661, après l’incendie de la Petite Galerie, la charge de décorer ce qui devait devenir la galerie d’Apollon. Il conçut un décor en l’honneur du dieu du soleil, du cycle du temps et des Muses. Incomplètes, endommagées et restaurées, les compositions de Le Brun sont surtout connues par quelques dessins préparatoires et la série de gravures de Saint-André en 1695. Demeurent cependant Le Triomphe de Neptune, ou Cortège de Neptune, peinture murale de l’extrémité sud de la galerie, et deux toiles formant des compartiments de la voûte, Le Soir ou Morphée, et La Nuit ou Diane.

Hugues Taraval Paris, 1729-Paris, 1785 En 1769, il présenta à l’académie de Peinture et Sculpture, sur l’ordre de celle-ci, une toile, L’Automne,

le louvre, une histoire de palais

ou Le Triomphe de Bacchus, qui prit place dans un compartiment de la galerie d’Apollon.

Louis-Jacques Durameau Paris, 1733-Paris, 1796 Prix de Rome en 1757, il est agréé à l’académie de Peinture et Sculpture en 1766, et doit exécuter pour sa réception, en 1774, un compartiment du plafond de la galerie d’Apollon, L’Été ou Cérès et ses compagnes implorant le Soleil. Fortement protégé par l’administration royale, il fut un des grands décorateurs de bâtiments officielsž: Apollon couronnant les Arts au plafond de l’Opéra de Versailles, deux plafonds (détruits) pour l’Opéra du Palais-Royal, plafond de la Chancellerie d’Orléans. Il aura parallèlement une carrière de conservateurž: garde des tableaux du roi (1784-1792), et conservateur du musée spécial de l’École française (1795-1796).

Antoine-François Callet Paris, 1741-Paris, 1823 Prix de Rome en 1764, Callet fut agréé à l’académie de Peinture et Sculpture en 1777 comme peintre d’histoire. Elle lui ordonna pour sa réception, en 1780, une toile, Le Printemps ou Le Zéphyr et Flore couronnant de fleurs Cybèle, destinée à compléter le décor de la galerie d’Apollon.

Michel-Martin Drölling Paris, 1756-Paris, 1851 Sous Charles X, Drölling reçut la commande de deux plafonds pour le Louvre : La loi descend sur Terre pour le Conseil d’État (1827) et Louis XII proclamé « père du peuple » (1828) pour la galerie sud (actuelle galerie Campana).

Pierre-Paul Prud’hon Cluny, 1758-Paris, 1823 Fils d’un tailleur de pierre de Cluny, il se forma principalement à Dijon où il obtint le prix de l’Académie qui lui permit de séjourner à Rome. Revenu à Paris et adepte des idées révolutionnaires, il fut contraint à se réfugier à Gray lorsque le vent tourna. De retour à Paris, protégé de Bonaparte, il bénéficia des premières commandes officielles. Ainsi au Louvre, après avoir exécuté en 1800 un médaillon (L’Étude guide l’essor du Génie) pour la chambre d’Anne d’Autriche, agrandie pour devenir la dernière salle du musée des Antiques, au sud, Prud’hon réalisa le plafond de la salle de Diane, Diane implorant Jupiter de ne pas l’assujettir aux lois de l’hymen, commandé en 1801. Portraitiste de Joséphine (1805) et de Napoléon, il connut ensuite son heure de gloire (L’Innocence préfère l’Amour, La Vengeance poursuivant le Crime, 1808ž; Psyché enlevée par les Zéphyrs, 1808), avant d’en


les sculpteurs

Gilles Guérin

Jean Goujon

Philippe De Buyster

Connu depuis 1540 à Rouen jusqu’en 1568 environ à Bologne. Le plus célèbre sculpteur de la Renaissance française, qui apparaît sur les chantiers de Rouen en 1540, vient à Paris collaborer avec l’architecte Pierre Lescot sur le chantier du jubé de Saint-Germainl’Auxerrois. Auteur des reliefs de la fontaine des Innocents, il exécute au Louvre ses œuvres les plus célèbresž: les reliefs de la façade de l’aile Henri II et les cariatides de pierre qui soutiennent des musiciens de la grande salle.

Anvers, 1595-Paris, 1688 Ce Flamand venu travailler à Paris s’intégra à l’équipe de Sarazin. Sous sa direction il exécuta le décor du pavillon de l’Horloge à parité avec Gilles Guérin (1639-1640). Les frises d’enfants qui jouent dans les guirlandes forment un ensemble très raffiné, alors que ce sont plutôt des qualités de monumentalité qui caractérisent les robustes figures de cariatides et les Renommées de la partie haute.

Jacques Sarazin Noyon, 1592-Paris, 1660 Après une longue formation à Rome durant dix-huit années, Sarazin, de retour à Paris, est parfaitement intégré au milieu des artistes de la cour, auxquels il apporte sa connaissance du premier baroque romain. Logé au Louvre, il donne les modèles des cariatides du pavillon de l’Horloge, élevé par Jacques Lemercier, décoré vers 1639-1640.

188

Gérard Van Opstal Bruxelles, 1605-Paris, 1668 Formé à Anvers, mais enrôlé précocement dans l’équipe de Sarazin, Van Opstal exécuta sous ses directives un relief d’œil-de-boeuf pour l’aile Lemercier, Les Richesses de la Terre et de la Mer, le seul à avoir été sculpté à cette époque. Il jouera par la suite un rôle majeur dans l’affirmation des thèmes de l’enfance (enfants de Maisons, aujourd’hui à Vaux-le-Vicomtež; reliefs en marbre du Cabinet du roi au Louvre).

Vers 1611-1678 Sous la direction de Sarazin, il exécute en collaboration avec De Buyster la moitié du décor du pavillon de l’Horloge (1639-1640). Sa participation à l’équipe de Sarazin se poursuivit au château de Maisons-Laffitte. Accédant aux grandes commandes royales, il exécuta le plafond de la chambre du Roi au Louvre (1654), la statue en marbre du jeune Louis XIV (château de Chantilly), avant d’œuvrer pour le parc de Versailles.

Michel Anguier Eu, 1614-Paris, 1686 Formé en Picardie, puis à Rome en compagnie de son frère aîné, François, lui aussi sculpteur, Michel Anguier séjourne longuement à Rome, d’où il revient en 1651, pour travailler sur les grands chantiers de la cour et du surintendant Fouquet. La sculpture des appartements d’été d’Anne d’Autriche au Louvre, sous la direction du peintre romain Romanelli, et celle du Val-de-Grâce fondé par la reine mère, sont ses œuvres de décoration architecturale les plus célèbres par leur qualité d’exécution, fortement influencée par le baroque italien, mais assagie par le goût français. Son caractère à la fois dynamique et réfléchi s’exprime surtout dans les grandes figures de la Nativité du Val-de-Grâce (aujourd’hui à Saint-Roch) et

le louvre, une histoire de palais

une suite de petits bronzes représentant dieux et déesses antiques selon leur tempérament et leur expression propres.

Thomas Regnaudin Moulins, 1622-Paris, 1706 Élève de François Anguier, collaborateur et ami de Girardon, il participa avec lui aux premières grandes commandes de Louis XIV. Auteur du quart des stucs de la galerie d’Apollon, alors que les Marsy et Girardon en exécutent les autres figures, il retrouve la même équipe pour réaliser le groupe des Chevaux du Soleil dans la grotte de Thétis à Versailles, pour sculpter un des bassins des Saisons (Cérès) et des marbres de la commande de 1764.

Gaspard Marsy Cambrai, 1624-Paris, 1681

Balthazar Marsy Cambrai, 1628-Paris, 1674 Élèves de leur père à Cambrai, puis de Sarazin à Paris, les Marsy s’intégrèrent à l’équipe des sculpteurs du roi. Au Louvre, ils travaillèrent aux frontons de la Grande Galerie (disparus). Leur œuvre majeure est constituée par la moitié des stucs de la galerie d’Apollon, où, sous la direction de Le Brun, ils exécutèrent des figures de Muses tout à fait remarquables. Tout naturellement le reste de leur carrière se déroula à Versailles, où le bassin de Latone et celui de l’Encelade témoignent encore de leur habileté.

François Girardon Troyes, 1628-Paris, 1715 Après un séjour à Rome, le jeune Girardon entre dans l’équipe de Gilles Guérin, qui l’emploie en particulier lors de la sculpture du plafond de la chambre du Roi. Le décor de la galerie d’Apollon fut le point de départ de son succès. Auteur du quart de la décoration des stucs, il reçut une gratification particulière pour avoir réussi mieux que les autres sculpteurs. Dès lors il allait s’affirmer comme le sculpteur majeur de la cour de Louis XIV (avec Coysevox). Le groupe d’Apollon servi par les nymphes, le bassin de Saturne, L’Hiver, L’Enlèvement de Proserpine dans le parc de Versailles, ainsi que de nombreux tombeaux, le monument équestre de Louis XIV place Vendôme, constituèrent les étapes d’une carrière éblouissante, couronnée par une sorte de direction morale et technique des sculpteurs de la Cour.

Guillaume II Coustou Paris, 1716-Paris, 1777 L’auteur du fronton oriental de la cour Carrée était le fils du sculpteur des Chevaux de Marly, chef-d’œuvre fougueux du baroque français auquel il collabora. Si son activité concerna tous les domaines de la sculpture funéraire (monument du dauphin à Sens), mythologique et religieuse, il se spécialisa dans les grands frontonsž: celui des bâtiments de Gabriel place Louis XV,



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.