LOUVRE LENS L’album 2013 La galerie du temps
Xavier Dectot Jean-Luc Martinez Vincent Pomarède
INTRODUCTION
Xavier Dectot Directeur du musée du Louvre-Lens La Grande galerie est le cœur du Louvre-Lens. Elle accueille des expositions conçues pour cinq ans à partir des œuvres confiées à la garde du Louvre et forme, en quelque sorte, la collection permanente du musée lensois. Comme toute exposition permanente, cependant, elle n’est pas immobile : à Lens, les respirations seront notamment marquées par des rotations annuelles, qui verront quelques œuvres partir pour être remplacées par d’autres. Ce qui fait surtout l’originalité de la première exposition qui s’y tient, la Galerie du temps, c’est le choix de présentation. Tirant tout le parti de la longue galerie conçue par SANAA, la muséographie élégante et astucieuse du Studio Adrien Gardère présente les œuvres dans un seul espace, selon une logique chronologique. Ainsi se trouveront confrontées des œuvres qui, dans tous les musées encyclopédiques du monde, se trouvent séparées parce qu’appartenant à des civilisations ou à des techniques différentes. Et pourtant le monde mésopotamien et perse est en contact permanent avec le monde hellénique et l’Égypte, et, au Moyen Âge comme au 16 e ou au 17e siècle, bien des artistes interviennent à la fois comme peintres, sculpteurs ou spécialistes d’autres techniques. La Galerie du temps offre donc aux visiteurs un aperçu unique de l’histoire de l’art, dans les limites qui sont celles des collections du Louvre, s’ouvrant avec l’invention de l’écriture en Mésopotamie au 4e millénaire avant notre ère et se terminant avec la révolution industrielle au milieu du 19 e siècle, au moment où commence l’exploitation charbonnière à Lens.
l’antiquité
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L’Orient ancien au temps de la naissance de l’écriture
Girsu (aujourd’hui Tello), Mésopotamie (Iraq actuel) Vers 2120 avant J.-C. Diorite Gudéa, prince de l’État de Lagash H. 70,5 ; l. 22,4 cm AO 29155 Achat, 1987
3. Girsu (aujourd’hui Tello), Mésopotamie (Iraq actuel) Vers 2120 avant J.-C. Diorite Gudéa, prince de l’État de Lagash H. 70,50 ; l. 22,40 cm AO 29155 Achat, 1987
Au 3e millénaire avant J.-C., dans la région traversée par le Tigre et l’Euphrate et qui s’étend vers le nord jusqu’en Syrie, se forment des petits États dirigés par un prince qui cumule toutes les fonctions : chef de guerre, de la justice, des constructions publiques, il est aussi l’intermédiaire entre le monde divin et celui des hommes. Les listes royales sumériennes donnent les noms de ces souverains mythiques, tel le héros Gilgamesh, roi d’Uruk, qui auraient régné après le Déluge. Plusieurs dynasties ont dirigé l’État de Lagash, plus au sud. Gudéa, qui régna vers 2120 avant J.-C., en est le prince le plus connu, car les fouilles de Tello ont révélé une vingtaine de statues le représentant, découvertes dans les sanctuaires qu’elles ornaient. Taillée dans une pierre dure, la diorite, importée de Magan (péninsule d’Oman), la statuette montre le roi coiffé d’un bonnet (de fourrure ?), les mains jointes, dans un style académique qui veut évoquer la force et la piété du prince.
Dès le 2e millénaire avant J.-C., dans une zone qui s’étend entre le Tigre et l’Euphrate et va vers le nord jusqu’en Syrie, se forment des petits États dirigés par un prince qui cumule toutes les fonctions : chef de guerre, de la justice, des constructions publiques, il est aussi l’intermédiaire entre le monde divin et celui des hommes. Les listes royales sumériennes donnent les noms de ces souverains mythiques, tel le héros Gilgamesh, roi d’Uruk, qui auraient régné après le Déluge. Plusieurs dynasties ont dirigé l’État de Lagash, plus au sud. Gudéa, qui régna vers 2120 avant J.-C., en est le prince le plus connu, car les fouilles de Tello ont révélé une vingtaine de statues le représentant, découvertes dans les sanctuaires qu’elles ornaient. Taillée dans une pierre dure, la diorite, importée de Magan (péninsule d’Oman), la statuette montre le roi coiffé d’un bonnet (de fourrure ?), les mains jointes, dans un style académique qui veut évoquer la force et la piété du prince.
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Aux origines des civilisations méditerranéennes
Syros (île des Cyclades), Grèce Vers 2700-2300 avant J.-C. Marbre Idole féminine nue aux bras croisés : divinité ? H. 62,8 cm MNE 1045 Don de M. Cordesse, 1997
Par leur position géographique centrale entre l’Anatolie et la Grèce continentale, les îles des Cyclades voient l’émergence aux 4 e et 3 e millénaires d’une civilisation singulière, qui produit notamment une vaisselle et une sculpture de marbre, la toute première du monde grec. On ignore la fonction et le mode de présentation de ces curieuses statuettes tant admirées par les sculpteurs du début du 20 e siècle. L’idole féminine nue aux bras croisés s’apparente bien aux représentations préhistoriques de la déesse-mère en train d’accoucher. On connaît cependant quelques rares figurations de musiciens dans le même style, et certaines de ces œuvres ont été découvertes dans un contexte domestique, ce qui complique le débat sur leur usage. La simplification graphique (tête en forme de lyre, angle dessiné par les épaules servant de repère pour d’autres parties de l’anatomie) est toute relative : sur d’autres exemplaires conservés, des oreilles sculptées à l’arrière de la tête et peu visibles de face, et des traces de peinture pour les yeux et la bouche indiquent que ces œuvres n’étaient pas dépourvues de décor.
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L’Orient ancien au temps de Babylone
Butin de Babylone, Mésopotamie (Iraq actuel) Vers 1900 avant J.-C. Diorite Portrait royal : le roi de Babylone Hammurabi ? H. 15,2 ; l. 9,7 ; pr. 11 cm Sb 95 Fouilles de J. de Morgan, Suse (Iran actuel), 1908
Après des « invasions barbares » venues de l’Ouest syrien, le royaume de Babylone parvient à reconsti tuer l’unité de la Mésopotamie à son profit. Au temps du roi Hammurabi, qui règne vers les années 1790-1750 avant J.-C., la cité devient la capitale politique, intellectuelle et religieuse d’un vaste empire. Célèbre pour son code de lois, conservé au musée du Louvre à Paris et comportant 282 articles touchant à tous les domaines de la vie privée et publique, Hammurabi est l’un des rares personnages historiques de l’Orient ancien connu du grand public. On a longtemps voulu reconnaître ses traits dans la petite tête de la statuette de diorite que le bonnet rond à haut bord désigne comme appartenant à un portrait royal. L’expressivité des traits fatigués, marqués par l’âge, contraste avec le traitement conventionnel et décoratif des sourcils unis et de la barbe calamistrée. Mais ce petit chef-d’œuvre de sensibilité est sans doute un peu plus ancien et doit, vers 1900 avant J.-C., représenter un souverain antérieur de la même dynastie.
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L’Orient ancien au temps de Babylone
Région de Marlik (Iran actuel) Vers 1400-1100 avant J.-C. Terre cuite rouge lustrée Vase en forme de taureau à bosse H. 23 ; l. 36,5 cm AO 21112 Don de M. Foroughi, 1962
à l’est de la plaine de Mésopotamie, l’élam (Iran actuel) connaît dans la seconde moitié du 2e millénaire avant J.-C. une période de brillante civilisation urbaine. Au nord de cette région, des populations nomades venues de l’est de la mer Caspienne ignorent l’écriture, mais mettent au point la première métallurgie du fer. La nécropole de Marlik, au sud-ouest de la mer Caspienne, a révélé une riche culture qui, de 1400 à 1100 avant J.-C., a produit des vases d’or, d’électrum et d’argent ainsi qu’une céramique exécutée dans une très belle pâte rouge lustrée particulièrement originale. Les vases les plus spectaculaires prennent une forme animale : léopard, cerf ou, comme ici, taureau à bosse stylisés sont en fait des récipients d’où le liquide s’écoulait par le bec en gouttière placé sur le museau.
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L’égypte des grands temples
Assiout, Égypte Vers 1950 avant J.-C. Bois peint Porteuse d’offrandes H. 49,7 ; l. 10,1 ; pr. 22 cm E 12001 Fouilles du cimetière d’Assiout (Égypte), don de l’Institut français d’archéologie orientale, 1903
L’Égypte contemporaine des civilisations babylonienne et hittite connaît au 2e millénaire avant J.-C. son apogée : conquêtes territoriales qui repoussent les frontières sud et est du pays, au-delà de la première cataracte du Nil, vers la Nubie, pour remonter jusqu’en Syrie ; période de magnificence marquée par la construction des grands temples de la région d’Abydos, de Thèbes, d’Assouan ou d’Abou Simbel. Le plus souvent creusées dans le rocher, les tombes d’Assiout, en Moyenne-Égypte, et de Thèbes, en Haute-Égypte, ont livré un mobilier funéraire caractéristique de cette période : les statuettes de faïence bleue côtoient des modèles de bois peint des serviteurs du mort, véritables substituts en trois dimensions des décors peints des parois des chapelles funéraires. La porteuse d’offrandes au buste menu, aux seins dévoilés, aux formes mises en valeur par une longue robe ajustée est une œuvre colorée représentative de cet art funéraire plein de saveurs.
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L’égypte des grands temples
Thèbes ? Égypte Vers 1400-1350 avant J.-C. Bois de grenadille et de karité Touy, prêtresse de Min, dieu de la Fertilité H. 33,4 ; l. 8 ; pr. 17 cm E 10655 Achat, 1895
C’est avec le Nouvel Empire (vers 1550-1069 avant J.-C.) que l’Égypte devient la première puissance politique et militaire de la région, poussant ses frontières, au sud jusqu’à la quatrième cataracte du Nil, englobant la Nubie tout entière, au nord-ouest en direction de la Libye et au nord-est jusqu’à l’Euphrate, aux confins de la Syrie. C’est une époque brillante, celle des pharaons Thoutmosis, des Aménophis et des célèbres Ramsès, qui a laissé un art de cour d’un très grand raffinement. La statuette de bois de grenadille et de karité représentant Touy, prêtresse de Min, dieu de la Fertilité, est un petit chef-d’œuvre datant du règne d’Aménophis III (vers 1391-1353 avant J.-C.) : le visage juvénile, les yeux en amande, la bouche charnue, la finesse du rendu de la lourde perruque et du vêtement transparent qui révèle le corps élancé en font un sommet de l’élégance de ce style Aménophis III, qui se plaît à vanter les charmes de la reine Tiy, dont Touy est sans doute une parente.
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La Méditerranée des cités
Béotie, Grèce Vers 700 avant J.-C. Terre cuite Idole féminine en forme de cloche : objet votif ou funéraire destiné à être suspendu H. 33 ; l. 15 cm CA 623 Achat, 1894
Après des troubles qui précipitent vers 1200 avant J.-C. l’effondrement des civilisations palatiales, la Méditerranée connaît une période de mutations fondamentales d’où émerge un monde structuré en petites cités-États. Dans la Grèce de l’époque archaïque (900-500 avant J.-C.), malgré un vocabulaire décoratif commun, se définissent des styles régionaux propres à chacune des cités et dont la variété et la rapide évolution ne cessent de fasciner. L’idole féminine en forme de cloche, produite en Béotie (Grèce centrale), témoigne d’une rupture par rapport à la conception organisée du corps humain qui se développe à la même époque à Athènes. Elle présente une grande fantaisie de composition malgré le recours à un répertoire décoratif similaire pour la robe : la petite tête juchée sur un long cou est l’expression d’une vision différente du corps humain. L’objet, destiné à être suspendu, a pu être offert dans un arbre, mais a sans doute, dans un second temps, appartenu au mobilier d’une tombe.
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La Méditerranée des cités
Paros (île des Cyclades), Grèce Vers 540 avant J.-C. Marbre Jeune homme nu (couros) : statue provenant du sanctuaire d’Asclépios, dieu de la Médecine H. 1,03 m MND 888 Achat, 1910
La Galerie du temps propose d’apprécier, depuis les idoles cycladiques du 3 e millénaire avant J.-C., la fascination qu’exerce dans la culture grecque le corps humain, thème qui traverse l’art romain puis l’art occidental. On a voulu l’expliquer par la religion, qui multiplie les dieux et les héros aux formes humaines très éloignées des êtres mythiques mianimaux mi-humains des Orientaux. Le répertoire dont l’Occident hérite est de fait assez restreint. Si la sculpture animalière, les représentations de magistrats et d’hommes de guerre ont bien existé, la Grèce transmet à Rome deux archétypes : le drapé féminin et le nu masculin. La statue du jeune homme nu consacrée à Paros dans le sanctuaire d’Asclépios, dieu de la Médecine, rappelle que cette nudité est liée à l’idéal athlétique, le sport se pratiquant nu (du grec gumnós, qui a donné le mot « gymnastique »). L’intérêt porté aux articulations (genoux, poignets, clavicules…), afin de camper un corps dans l’espace, trahit la volonté de placer cette sculpture dans un monde idéal auquel renvoie sans doute le mystérieux sourire du visage.
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L’Empire assyrien
Assyrie, Mésopotamie (Iraq actuel) Vers 800-700 avant J.-C. Bronze Pazuzu, démon protecteur des vents et des démons mauvais H. 15 ; l. 8,6 ; pr. 5,6 cm MNB 467 Achat, 1872
L’Empire assyrien (9 e -7e siècle avant J.-C.), né au cœur de la Mésopotamie (Iraq actuel), connaît son extension maximale sous le règne d’Assurbanipal (668-627 avant J.-C.), à la tête d’un territoire qui regroupe presque tout le Proche-Orient ancien, annexant même l’Égypte. Ce moment d’hégémonie politique et militaire est à l’origine de la diffusion d’une culture, d’une littérature et de sciences qui constituent un patrimoine commun au ProcheOrient ancien, dont héritèrent les Perses, puis les Grecs et les Romains. L’astronomie comme l’astrologie, mais aussi la médecine antique en sont issues. La statuette de bronze de Pazuzu, démon protecteur des vents et des démons mauvais, rappelle que la médecine de ce temps est plus ou moins liée à la magie. Pazuzu est en effet invoqué pour chasser les démons mauvais qui tourmentent les malades. Doté de quatre ailes, pour voler dans toutes les directions, il s’écrie, selon l’inscription gravée au revers de la figurine : « Je suis Pazuzu, fils de Hampa. Le roi des mauvais esprits des vents qui sort violemment des montagnes en faisant rage, c’est moi ! »
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L’égypte du crépuscule
Thèbes ? Égypte Vers 945-715 avant J.-C. Bois polychrome Sarcophage de la dame Tanetmit : couvercle du cercueil intérieur H. 1.95 ; l. 0,58; pr. 0,40 m N 2587, N 675
Au 1 er millénaire avant J.-C., l’Égypte connaît une période de troubles et de morcellement politiques. Le pays fait face à l’occupation étrangère par des dynasties venues de Libye ou du pays de Kouch (Soudan actuel), avant la conquête, en 664 avant J.-C., par les armées assyriennes d’Assurbanipal, suivie par celle des Perses en 525 et l’arrivée d’Alexandre le Grand, en 332. Ces occupations alternent cependant avec des moments de reprise du pouvoir par des dynasties locales. Ces périodes sont marquées par une reprise politique et culturelle, véritable renaissance de l’architecture religieuse et de la sculpture faisant référence aux grands styles du passé. L’évolution la plus notable de la pensée religieuse des Anciens égyptiens affecte leur conception de la survie après la mort : on assiste alors à une véritable « démocratisation » de la pratique de la momification, qui s’étend à de nombreux particuliers. C’est donc pour cette période que le matériel funéraire découvert est le plus abondant et le plus représentatif : les sarcophages en bois polychromes multiplient les décors empruntés au Livre des Morts.
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L’Empire perse
Suse (Iran actuel) Vers 500 avant J.-C. Briques siliceuses à glaçure Fragment du décor du palais du roi perse Darius I er : archer de la garde royale H. 1,96 ; l. 0,80 ; pr. 0,20 m Sb 23117 Fouilles de R. de Mecquenem, Suse (Iran actuel), 1908-1913
L’Empire perse atteint son apogée sous le règne de Darius Ier (522-486 avant J.-C.), noble du clan des Achéménides. Avec l’orfèvrerie de cour, ce sont les palais de Suse ou de Persépolis qui évoquent le mieux cet art perse achéménide. Les fouilles conduites à Suse entre 1884 et 1886 et reprises au 20e siècle ont fait du musée du Louvre un conservatoire exceptionnel de l’art palatial de ce temps. Le fragment du décor du palais de Darius Ier représentant un archer de la garde royale est le fruit d’une reconstitution minutieuse, car les briques ont été retrouvées éparses, remployées dans des bâtiments plus tardifs. Le palais comportait une salle d’audience, nommée apadana, entourée de trois portiques soutenus par 36 colonnes. Les murs nord et sud portaient 20 bas-reliefs de briques siliceuses à glaçure colorée constituant une frise d’archers portant une lance à embout d’argent, rendu ici par une glaçure blanche. Le vêtement de cour sophistiqué ne semble cependant pas adapté au combat et voudrait sans doute évoquer la Nation perse en armes soutenant le roi.
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La Grèce classique
D’après Naucydès (né dans le Péloponnèse, Grèce ; actif vers 400-390 avant J.-C.) Vers 130-150 après J.-C. Marbre Athlète tenant un disque, copie romaine d’un « Discophore » de bronze H. 1,67 m (avec la plinthe) MR 159 Collection Borghèse, achat, 1807
L’art grec classique (5 e -4 e siècles avant J.-C.) est marqué par Athènes qui restaure alors son Acropole. Dans le domaine de la sculpture, la maîtrise de la fonte à la cire perdue offre la possibilité de réaliser de grandes statues de bronze aux parois de plus en plus en fines, véritable tour de force technologique qui favorise le rendu du mouvement. Si la plupart de ces œuvres ont aujourd’hui disparu, fondues sans doute dès l’Antiquité, l’admiration qu’elles suscitèrent chez les Romains aboutit à la production de répliques de marbre participant au décor de leurs thermes, jardins et palestres. L’athlète tenant un disque, copie romaine d’un Discophore de bronze attribué au sculpteur Naucydès (actif vers 400-390 avant J.-C.) en est un bon exemple. Le sujet – un nu athlétique – rappelle le lien entre ce genre artistique et la pratique du sport en Grèce. Cependant, ce n’est plus l’athlète lui-même qu’il s’agit de représenter, mais la concentration nécessaire au sportif pour accomplir le lancer de disque, concentration notée par la crispation des orteils du pied droit cherchant ses marques, et la tension musculaire du dos voûté.
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Le monde d’Alexandre le Grand
Babylone, Mésopotamie (Iraq actuel) Vers 200 avant J.-C. – 200 après J.-C. Albâtre, rubis, or Femme nue debout : compagne de la déesse babylonienne Nanaya, fille du dieu Lune ? H. 15 ; l. 8,6 cm AO 20217 Don de P. H. Delaporte, 1866
C’est avec Alexandre le Grand, roi de Macédoine (336-323 avant J.-C.), que le destin du monde grec bascule. Pendant la longue période qui s’étend de son règne à la fin de la conquête romaine, une culture grecque nouvelle, inventant le musée et accumulant les collections d’art, comme dans les bibliothèques à Alexandrie ou à Pergame, s’impose peu à peu et diffuse un répertoire qui devient commun à des zones géographiques fort éloignées. L’art, fait de références pour les grands styles du passé, explore alors toutes les techniques et toutes les expressions : peinture et mosaïque ; exploration, en sculpture, de la vieillesse, de la laideur ou des caractéristiques ethniques ; sens de l’effet théâtral ; mise en scène de l’espace urbain… Certaines œuvres attestent cette inventivité artistique, telle la précieuse femme nue debout, sans doute une compagne de la déesse babylonienne Nanaya, fille du dieu Lune. Elle allie le modelé réaliste d’un nu féminin grec inventé pour les images de la déesse Aphrodite à l’exubérance orientale de sa parure et de l’incrustation pour ses yeux et son nombril de rubis importés de Birmanie !
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L’Empire romain
Rome, Italie Vers 25 avant J.-C. Marbre Octave Auguste (27 avant J.-C. – 14 après J.-C.), fondateur de l’Empire romain H. 83,5 ; l. 64 cm MR 426 Collection du cardinal Albani
L’art romain est au service d’un système politique complexe et fragile, l’Empire, caractérisé par l’alternance de périodes de stabilité et d’instabilité, tout en assimilant les apports de civilisations fort variées. Les traits d’Octave Auguste (27 avant J.-C. – 14 après J.-C.), considéré comme le véritable fondateur de l’Empire romain, font l’objet d’une réélaboration idéale, qui affirme des valeurs particulières : le format carré de la tête, la fourchette de mèches au-dessus de l’œil droit sont en effet des citations des œuvres du grand sculpteur grec du 5 e siècle avant J.-C. Polyclète. à l’opposé de son ennemi Marc Antoine qui s’était fait représenter comme un roi grec, l’empereur fait ainsi référence aux temps glorieux de la démocratie grecque classique et réaffirme les valeurs de la République romaine, loin de toute prétention monarchique. C’est d’ailleurs le sens de la couronne de chêne qu’il porte, non pas distinction royale, mais simple coiffure de feuillage attribuée à un citoyen romain par le Sénat. Le buste cuirassé, bien que moderne, rappelle que l’empereur est le plus souvent représenté en chef de guerre, car telle est l’origine de son pouvoir confié par les citoyens.
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L’Empire romain
Capitole, Rome, Italie Vers 100-200 après J.-C. Marbre Relief représentant Mithra, dieu iranien du Soleil, sacrifiant le taureau H. 2,54 ; l. 2,75 ; ép. 0,80 m MR 818 Collection Borghèse, achat, 1807
La religion romaine atteste l’importance d’une culture de l’imitation qui n’exprime pas le goût pour une vaine répétition, mais traduit une immense capacité à assimiler l’apport des autres civilisations. Rome cherche à intégrer au fur et à mesure de ses conquêtes les dieux protecteurs des autres peuples. L’exceptionnel relief représentant Mithra, dieu iranien du Soleil, sacrifiant le taureau provenant du grand sanctuaire creusé sous le Capitole, à Rome, témoigne du succès et de la diffusion au cœur de la Rome impériale de ces rites orientaux.
Fortement hiérarchisé et strictement organisé en sept étapes d’initiation, ce culte à mystères dont la fête principale, le 25 décembre, est à l’origine de la fixation de la date de Noël, était très en vogue dans l’armée : on y sacrifie un taureau, du sang duquel on asperge l’initié, qui partage un repas avec les autres initiés. Le dieu porte ce qui selon les conventions désigne un oriental : bonnet phrygien et pantalon. Cette religion particulière révèle des croyances dans une vie meilleure, le fidèle étant associé à la divinité.