LYON RENAISSANCE. Arts et Humanisme (extrait)

Page 1


Le présent ouvrage accompagne l’exposition Lyon Renaissance Arts et humanisme, organisée par le musée des Beaux-Arts de Lyon, présentée du 23 octobre 2015 au 25 janvier 2016. Elle est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État. Avertissement Dans cet ouvrage figure l’intégralité des fiches techniques des œuvres exposées, ainsi qu’une large part des reproductions. Les notices d’œuvres et le complément des reproductions sont dématérialisés (voir symbole : ) et hébergés sur le site du musée, accessibles via le QR code suivant :

Abréviations ADR Archives départementales du Rhône (Lyon) AGOP Archivio Generale dell’Ordine dei Predicatori (Rome) AML Archives Municipales de Lyon AN Archives nationales (Paris) ASFi Archivio di Stato di Firenze (Florence) BAV Biblioteca Apostolica Vaticana (Cité du Vatican) BML Bibliothèque municipale de Lyon BnF Bibliothèque nationale de France (Paris) Est. Département des Estampes (BnF) GDSU Gabinetto dei Disegni e Stampe degli Uffizi (Florence) MC Minutier central des notaires de Paris Mss. Département des Manuscrits (BnF) Rés. Réserve SRA Service régional de l’archéologie (Lyon) UB Universitätsbibliothek Basel (Bâle)

© Musée des Beaux-Arts de Lyon, 2015 © Somogy éditions d’art, Paris, 2015

ISBN 978-2-7572-0991-2 Dépôt légal : octobre 2015 Imprimé en République tchèque (Union européenne)

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 2

22/09/2015 12:30


LYON R ENAISSANCE Arts et Humanisme

Sous la direction de Ludmila Virassamyna誰ken

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 3

22/09/2015 12:30


Remerciements Nous tenons à remercier le maire de Lyon, M. Gérard Collomb, et le premier adjoint au maire, délégué à la Culture, aux grands événements et aux droits des citoyens, M. Georges Képénékian, pour leur soutien, ainsi que le directeur général des services de la Ville de Lyon et le directeur général adjoint chargé de la Culture. À la direction régionale des Affaires culturelles, nous tenons à remercier Alain Daguerre de Hureaux, directeur, et Lionel Bergatto, conseiller pour les musées. Ce projet a bénéficié du soutien de l’Institut national d’histoire de l’art, qui a accueilli Ludmila Virassamynaïken pour une résidence d’une durée de trois mois en 2013 et 2014, dans le cadre du programme d’accueil des conservateurs territoriaux. Nous souhaitons témoigner notre reconnaissance à Antoinette Le NormandRomain, directrice générale. Nous tenons à exprimer nos remerciements aux institutions et aux collectionneurs privés, qui ont contribué par leurs prêts au caractère exceptionnel de cette exposition : Allemagne Augsbourg, Staats-und Stadtbibliothek Augsburg Dr. Reinhard Laube, directeur Cologne, Museum für Angewandte Kunst Dr. Petra Hesse, directeur Furtwangen, Deutsches Uhrenmuseum Prof. Eduard C. Saluz, directeur Kassel, Museumslandschaft Hessen Kassel, Astronomisch-Physikalisches Kabinett Prof. Dr. Bernd Küster, directeur

Beauvais, musée départemental de l’Oise Gilles Baud-Berthier, conservateur en chef du Patrimoine, directeur Écouen, Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen Thierry Crépin-Leblond, conservateur général du Patrimoine, directeur Grenoble, musée de Grenoble Guy Tosatto, conservateur en chef, directeur Lyon, Archives municipales Anne-Catherine Marin, conservatrice en chef du Patrimoine, directrice Lyon, Bibliothèque municipale Gilles Eboli, conservateur général des Bibliothèques, directeur Lyon, direction régionale des affaires culturelles Lyon, musées Gadagne Xavier de La Selle, conservateur en chef du Patrimoine, directeur Lyon, Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière Hugues Savay-Guerraz, conservateur en chef du Patrimoine, directeur Lyon, musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique Joseph Belletante, conservateur en chef du Patrimoine, directeur Lyon, musées des Tissus et des Arts décoratifs Maximilien Durand, directeur Lyon, Société académique d’architecture de Lyon Jean-Marc Tourret, président

Munich, Bayerische Staatsbibliothek Dr. Klaus Ceynowa, actuel directeur général

Montpellier, musée Atger Hélène Lorblanchet, conservateur des Bibliothèques, directeur

Stuttgart, Staatsgalerie Stuttgart, Graphische Sammlung Prof. Dr. Christiane Lange, directeur

Paris, Bibliothèque nationale de France Bruno Racine, président

Stuttgart, Württembergisches Landesmuseum Prof. Dr. Cornelia Ewigleben, directeur

Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève Yves Peyré, directeur

Autriche Vienne, KHM-Museumsverband Dr. Sabine Haag, directeur général Belgique Anvers, Musée royal des Beaux-Arts Dr. Else Janssen, directeur des collections États-Unis New York, The Metropolitan Museum of Art Thomas P. Campbell, directeur

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 4

France Amiens, direction régionale des Affaires culturelles de Picardie

Paris, musée du Louvre Jean-Luc Martinez, président-directeur Paris, Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris Christophe Leribault, conservateur général du Patrimoine, directeur Sèvres, Sèvres – Cité de la céramique David Caméo, directeur général Tournon-sur-Rhône, château-musée Frédéric Sausset, maire Patrick Delord, proviseur du lycée Gabriel-Faure

New York, The Morgan Library and Museum Dr William M. Griswold, directeur

Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Béatrix Saule, directrice scientifique

New York, The New-York Historical Society Louise Mirrer, President

Madame et Messieurs les Maires ainsi que les paroisses de quatre localités de Rhône-Alpes

22/09/2015 12:30


Italie Florence, Archivio di Stato Dr.ssa Carla Zarrilli, directeur Florence, Galleria degli Uffizi Dott. Eike Schmidt, directeur Florence, Museo Nazionale del Bargello Dr.ssa Paola d’Agostino, directrice Gênes, Musei di Strada Nuova Dott. Piero Boccardo, directeur Modène, Galleria Estense Dr.ssa Martina Bagnoli, directeur Padoue, Musei e Biblioteche del Comune di Padova Dott. Davide Banzato, directeur Turin, Archivio di Stato Dott. Stefano Vitali, directeur Turin, Biblioteca Reale Dott. Giovanni Saccani, directeur Pays-Bas Amsterdam, Rijksmuseum Dr. Wim Pijbes, directeur général Royaume-Uni Bristol, Bristol Museums & Art Gallery Dr. Laura Pye, directeur Londres, British Library Dr. Roly Keating, directeur Londres, The British Museum Neil Mc Gregor, directeur Londres, The National Gallery Gabriele Finaldi, directeur Londres, Victoria and Albert Museum Dr. Martin Roth, directeur Suisse Genève, Bibliothèque de Genève Alexandre Vanautgaerden, directeur Genève, musées d’Art et d’Histoire Jean-Yves Marin, directeur Genève, musée international de la Réforme Isabelle Graeslé, directrice Lausanne, Musée historique Alain Golay, directeur Que soient tout particulièrement remerciés Salima Hellal, conservatrice du Patrimoine chargée des objets d’art au musée des Beaux-Arts de Lyon, et François Planet, responsable du médaillier dans ce même musée, pour le soutien précieux qu’ils n’ont cessé d’apporter à ce projet. Aux auteurs de cet ouvrage, nous souhaitons également témoigner notre profonde reconnaissance pour cette riche collaboration, ainsi qu’à Vanessa Selbach et Federica Carta pour leurs traductions. Nous souhaitons remercier très cordialement Nicolas Neumann, directeur des éditions Somogy, Stéphanie Méséguer et les collaborateurs qui ont allié leurs

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 5

compétences, énergie et dévouement dans ce projet exigeant, en particulier : Anna Bertaccini, Nelly Riedel, Anne Chapoutot, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros. Nous souhaitons enfin remercier toutes celles et tous ceux qui, à des titres divers, nous ont apporté leurs précieuses contributions : Sébastien Allard, Stijn Alsteens, Emmanuelle Arlot, Dorothea Augel, Thierry Badel, Françoise Barbe, Muriel Barbier, Ray Barnett, Michael Beck, Hélène-Sybille Beltran, Marta Bencini, Dr. Vivienne Bennett, Raffaella Besta, Pascale Billard, Maryline Billod, Aurore Bisman, Roger Bland, Chantal Bor, Philippe Bordes, Marc Bormand, Agnès Bos, Sylvie Bouteille, Patricia Brattig, Cécile Breffeil-Ducrot, M. le chanoine Daniel Bréhier, Isabel Bretones, Emily Brochier, Isabelle Brouillet, Maria Teresa Brunner, Gérard Bruyère, Florence Caillieret, Lisa Cain, Andrew Caputo, Georges Cardoso, Nelly Cauliez, Hubert Cavaniol, Christine Chabod, Cécilie ChampyVinas, Hugo Chapman, Anne Chapoutot, Priscille Chapuis, Olivier Christin, Ilaria Ciseri, David Clot, Dominique Cordellier, Caitlin Corrigan, Roberta Cortopassi, Valérie Corvino, Zoé Courdier, Laurent Creuzet, Antonietta De Felice, Rebecca Deighton, Martine Depagniat, Sylvie Deswarte-Rosa, Taco Dibbits, Philippe Dramais, Isabelle Dubois-Brinkmann, Christel Dupuy, Jannic Durand, Philippe Dramais, Frédéric Elsig, Virginie Estère, JeanJacques Fanjat, Peggy Fogelman, Guillaume Fonkenell, Josette Galiègue, Michel Gallavardin, Claudio Galleri, Elisabetta Gastaldi, Maria Gattullo, Karstel Gaulke, Chris Gebel, Aurélie Gerbier, Mathieu Gilles, Dott.ssa Nicoletta Giordani, George R. Goldner, Rolf Griebel, Thierry Grillet, Catherine Guillot, Pierre Guinard, Claire Halliman, Maxence Hermant, Allison Hollis, Wobke Hooites, Alban Horry, Nicolas Jorge, Dr. Hans-Martin Kaulbach, Claude-Alain Künzi, Frédéric Lacaille, Aurélie Laruelle, Anne Lasseur, Olivier Laville, Oriane Lavit, Fabienne Le Bars, Anne Le Bot-Helly, Jean-Pierre Legendre, Maud Lejeune, Patrick Lemasson, Anne-Solène Leho, Séverine Lepape, Camille Leprince, Estelle Leutrat, Camille Lévêque-Claudet, Tania Lévy, Tatiana Luginbuhl, Laurence Madeline, Piero Marchi, Anne-Catherine Marin, Marino Marini, Alain Marshall, Béatrice Meizoz, Jocelyn Monchamp, Dr. Irmgard Muesch, Yannick Nexon, Marc Nolibé, Anita Oger-Leurent, Roberta J. M. Olson, Bryanna O’Mara, Stéphane Paccoud, Beatrice Paolozzi-Strozzi, Carole Paret, Ulrike Paul, Nicholas Penny, Sabine Pénot, Dott.ssa Anna Maria Piccinini, Serguei Piotrovitch-Dorlik, Eliana Pollone, Samantha Reichenbach, Philip Roe, Jacques Rossiaud, Bernard Roux, Angela Rowbottom, Alice Rymill, Simona Sala, Vicky Sall, Xavier Salmon, Brigitte Sanvoisin, Maria-Anne Privat-Savigny, Cécile Scailliérez, Nicolas Schätti, Richard Schuler, Hanne Schweiger, Vanessa Selbach, Jérôme Sirdey, Lindsay Stavros, JeanChristophe Stuccili, Gilles Thomas, Laurence Tilliard, Lesley Thomas, Pascaline Todeschini, Rita Toma, Isabelle Varloteaux, Vittoria Vignone, Dominique Vingtain, Sophie Vassogne, Tristan Vuillet, Roger S. Wieck, Scott Wixon, Sophie Worley, Dominique Yoyo, Régis Zeller. Pour finir, nos remerciements vont à l’ensemble du personnel du musée des Beaux-Arts de Lyon.

22/09/2015 12:30


Exposition Commissariat Ludmila Virassamynaïken Conservatrice du Patrimoine, chargée des peintures et sculptures anciennes Assistée de Federica Carta Diplômée de l’université de Pise et de l’École du Louvre Comité scientifique réuni autour de Ludmila Virassamynaïken : Olivier Christin, professeur ordinaire en histoire moderne à l’Université de Neuchâtel Thierry Crépin-Leblond, conservateur général du Matrimoine, directeur du Musée national de la Renaissance à Écouen Sylvie Deswarte-Rosa, directeur de recherche émérite au CNRS Frédéric Elsig, professeur associé en histoire de l’art de la période médiévale à l’Université de Genève Cécile Scailliérez, conservateur en chef du Patrimoine, au département des Peintures – Écoles française du XVIe siècle, flamande et hollandaise des XVe -XVIe siècles au musée du Louvre

Musée des Beaux-Arts de Lyon

Montage de l’exposition

Direction du musée Sylvie Ramond

Christian Dufournel, ainsi que Lambert Bissuel, Madjid Boukeroui, Philippe Contamin, Didier Iriarte, Frantz Metzger, Hervé Philiponska, Teddy Robert

Secrétariat général Patricia Viscardi Administration Emmanuel Allemand, Violaine Doucerain-Thiébaud, Heidi Galut, Carole Jambe, Régine Malaghrakis, Marie Vicente Coordination des prêts Maryse Bertrand Régie des œuvres Sophie Leconte, Armelle Bonneau, Marie Nérot Éditions scientifiques Léna Widerkehr Service Images Henrique Simoes Bibliothèque et documentation Gérard Bruyère, Dominique Dumas, Ewa Penot, ainsi que Géraldine Heinis Communication, presse, site Internet Guillemette Naessens, ainsi que Mathilde Hospital, Sylvaine Manuel de Condinguy, Stéphane Degroisse Développement Agnès Cipriani, ainsi qu’Isabelle Duflos, Claire Moret Médiation culturelle et activités pédagogiques Sophie Onimus-Carrias, ainsi que Stéphanie Dermoncourt et Florence Manin, Claire Beyssac, Mélanie Celle, Muriel Charrière, Yann Darnault, Marion Duffoux, Marion Falaise, Pierre Lacôte, Romain Perrin et Sophie Saillard Service Réservation Frédérique Colanéri, Leïla Messaï

Lumière Jean-Luc Miraillet Sécurité Stéphane Bayeul, ainsi que Jocelyne Reynaud et les agents du service Gestion technique du bâtiment Accueil et surveillance Marilyn Buchet, Albéric Chastel, ainsi que les adjoints du patrimoine et les agents occasionnels des salles de l’exposition Et aussi : Restauration du mobilier Anne Jacquin, restauratrice mobilier, et son équipe C2RMF : Roberta Cortopassi et Anne-Solène Leho Constats d’état Julie Barth, Bérengère Chaix, Sophie Cheam, Gaëlle Girarlt, Charlotte Kasprzak, Violaine Pillard, Céline Wallut Transport des œuvres : LP Art Scénographie Martin Michel Graphisme de l’exposition Costanza Matteucci Fabrication : ATC, Picto, Cristal sérigraphie Graphisme communication Formaboom : Bérangère Perron et Quentin Guillaume Audioguide (enregistrement et montage) Les Muséastes

Outils d’aide à l’interprétation Véronique Moreno-Lourtaut

6

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 6

22/09/2015 12:30


Ouvrage Musée des Beaux-Arts de Lyon Direction scientifique Ludmila Virassamynaïken Chargée des éditions scientifiques Léna Widerkehr Service images Henrique Simoes

Somogy éditions d’art Directeur éditorial Nicolas Neumann Responsable éditoriale Stéphanie Méséguer Suivi éditorial Anna Bertaccini Tadini Conception graphique Nelly Riedel Contribution éditoriale Anne Chapoutot Fabrication Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

Auteurs

Sylvie Deswarte-Rosa (S. D.-R.) Directeur de recherche émérite, Institut d’histoire de la pensée classique (GRAC UMR 5037), École normale supérieure de Lyon Christel Dupuy (C. D.) Docteure en histoire de l’art Maximilien Durand (M. D.) Directeur des musées des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon Frédéric Elsig (F. E.) Professeur associé en histoire de l’art de la période médiévale à l’Université de Genève Guillaume Fonkenell (G. F.) Conservateur du Patrimoine, Musée national de la Renaissance, Écouen Judith Forstel (J. F.) Conservateur en chef du Patrimoine, service Patrimoines et Inventaire, Région Ile-de-France Claudio Galleri (C. G.) Ancien responsable de la collection d’estampes de la Bibliothèque municipale de Lyon ; responsable du musée Médard, Centre d’interprétation du livre et de l’écrit, Lunel

NB : Le nom de chaque auteur est suivi des initiales qui figurent dans le catalogue dématérialisé.

Aurélie Gerbier (A. G.) Conservatrice du Patrimoine, Musée national de la Renaissance, Écouen

Stijn Alsteens (S. A) Conservateur au Department of Drawings and Prints, The Metropolitan Museum of Art, New York

Jean Guillemain (J. G.) Conservateur des Bibliothèques, responsable de la bibliothèque Université Paris Descartes – Bibliothèque H. Piéron, Boulogne-Billancourt

Ilaria Andreoli (I. A.) Enseignant-chercheur, équipe Item du CNRS Françoise Barbe (F. B.) Conservatrice du Patrimoine au département des Objets d’art, collections de la Renaissance : céramiques, verres et émaux, Paris, musée du Louvre Muriel Barbier (M. B.) Conservatrice du Patrimoine, Écouen, Musée national de la Renaissance ; collaboratrice scientifique à la section Histoire du Louvre, Paris, musée du Louvre Agnès Bos (A. B.) Conservateur du Patrimoine, au département des Objets d’art, collections de la Renaissance à la première moitié du XVIIe siècle : mobilier sculpté et textiles, responsable de la documentation, Paris, musée du Louvre

Catherine Guillot (C. G.) Conservateur en chef du Patrimoine, Conservation régionale des Monuments historiques, DRAC Rhône-Alpes Salima Hellal (S. H.) Conservateur du Patrimoine, chargée des objets d’art, musée des Beaux-Arts de Lyon Maxence Hermant (M. H.) Archiviste paléographe, conservateur des Bibliothèques, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits, service médiéval Alban Horry (A. H.) Archéologue-céramologue Inrap, chargé d’études en céramologie médiévale et moderne

Federica Carta (F. C.) Diplômée de l’Université de Pise (Italie) et de l’École du Louvre

Fabienne Le Bars (F. L. B.) Conservatrice du Patrimoine, direction des Collections – Réserve des livres rares, Bibliothèque nationale de France, Paris

Cécilie Champy-Vinas (C. C.) Conservatrice du Patrimoine, Sculptures, livres Moyen Âge – Renaissance, Paris, musée du Petit Palais

Maud Lejeune (M. L.) Doctorante à l’Université Louis-Lumière Lyon II, assistante qualifiée à la Bibliothèque municipale de Lyon

Olivier Christin (O. C.) Professeur ordinaire en histoire moderne à l’Université de Neuchâtel

Camille Leprince (C. L.) Expert auprès de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection et historien de l’art

Thierry Crépin-Leblond (T. C.-L.) Conservateur général du Patrimoine, directeur du Musée national de la Renaissance, Écouen

Estelle Leutrat (E. L.) Maître de conférences, Université Rennes 2

Tania Lévy (T. L.) Docteure en histoire de l’art, chercheuse associée au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris Marino Marini (M. M.) Conservateur des collections de majolique, d’art islamique et arménien, Museo Nazionale del Bargello, Florence Nathalie Mathian (N. M.) Docteur en histoire de l’art et de l’architecture, maître-assistant associée à l’Université LouisLumière Lyon II Thomas Mentrel (T. M.) Doctorant à l’Université de Dijon Roberta J. M. Olson (R. J. M. O.) Conservatrice des dessins à la New-York Historical Society, New York Carole Paret (C. P.) Conservatrice des antiquités et objets d’art du Rhône, Service de la conservation des antiquités et objets d’art du Rhône, Archives départementales du Rhône Alexandre Parnotte (A. P.) Doctorant, Université Louis-Lumière Lyon II Yves Pauwels (Y. P.) Professeur d’histoire de l’art, Université FrançoisRabelais, Tours ; membre de l’Institut universitaire de France François Planet (F. P.) Responsable du médaillier, musée des Beaux-Arts de Lyon Daniel Régnier-Roux (D. R.-R.) Ingénieur de recherche CNRS, Institut d’histoire de la pensée classique (GRAC UMR 5037), École normale supérieure de Lyon Jacques Rossiaud (J. R.) Professeur émérite de l’Université Louis-Lumière Lyon-II Hughes Savay-Guerraz (H. S.-G) Conservateur en chef, directeur du Musée gallo-romain de Lyon Cécile Scailliérez (C. S.) Conservateur en chef du Patrimoine, au département des Peintures – Écoles française du XVIe siècle, flamande et hollandaise des XVe -XVIe siècles au musée du Louvre Vanessa Selbach (V. S.) Conservatrice, responsable de la Réserve des estampes, Bibliothèque nationale de France, Paris Ludmila Virassamynaïken (L. V.) Conservatrice du Patrimoine, chargée des peintures et sculptures anciennes, musée des Beaux-Arts de Lyon Léna Widerkehr (L. W.) Docteure en histoire de l’art ; chargée des éditions scientifiques, musée des Beaux-Arts de Lyon

7

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 7

22/09/2015 12:30


Un tableau passionnant, celui d’une ville en plein essor, intellectuel, économique et culturel, nous est brossé au musée des Beaux-Arts de Lyon. Dans une exposition intelligente et rigoureuse, nous admirons pour la première fois le visage tout à fait singulier offert par la Renaissance à Lyon. Dans cette ville considérée au XVIe siècle comme « deuxième œil de France et cœur d’Europe », où le commerce et l’imprimerie font florès, mais où la présence de la Cour joue un rôle tout aussi déterminant, les arts s’épanouissent de manière remarquable. La redécouverte de l’antique capitale des Gaules, les échanges nourris au sein de l’importante communauté d’humanistes lyonnais, les développements scientifiques et la présence de nombreux étrangers ont également alimenté cet essor artistique d’exception. Des personnalités pour l’essentiel issues des mondes des musées, des bibliothèques et de l’université, spécialisées dans les domaines de la peinture de chevalet, de l’enluminure, de l’estampe, de la majolique, de l’orfèvrerie, du mobilier, du textile, du vitrail, de l’émail, de la médaille ou encore de la reliure, ont collaboré pour étudier ce panorama de la vie artistique entre Rhône et Saône au XVIe siècle. Je suis très heureuse d’attribuer à cette exposition le label d’intérêt national. Il récompense un effort particulier en faveur de la médiation culturelle, et notamment des jeunes. Je me félicite également de la dynamique qui a été mise en place pour associer d’autres institutions, suscitant ainsi des formes très variées de propositions au public du musée.

FLEUR PELLERIN

Ministre de la Culture et de la Communication

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 8

22/09/2015 12:30


« Deux choses appartiennent à cet âge plus qu’à tous ses prédécesseurs : la découverte du monde, la découverte de l’homme. » En amorçant par ces mots sa mémorable définition de la Renaissance, Jules Michelet permet d’entrevoir l’extraordinaire foisonnement créatif que représenta le XVIe siècle. À la croisée des grandes routes d’Europe, ouverte au monde et à toutes les influences, Lyon fut au cœur de ce vaste mouvement qui signa l’entrée de notre continent dans l’époque moderne. Place économique et financière de premier plan, ville phare des révolutions techniques et scientifiques de l’époque et grande capitale culturelle, Lyon rayonnait alors grâce à l’activité florissante de ses soyeux, au génie de ses poètes et au talent de ses imprimeurs. Étienne Dolet éditait les œuvres de Rabelais, Sébastien Gryphe, celles d’Érasme, et Jean de Tournes, les écrits de Maurice Scève ou de Louise Labé. Notre cité était l’un des principaux foyers de diffusion de la pensée humaniste en Europe ; un âge d’or dont les ensembles architecturaux du vieux Lyon illustrent aujourd’hui encore toute la puissance. C’est ce moment majeur de l’histoire de notre ville que le musée des Beaux-Arts de Lyon a choisi de nous faire redécouvrir, dans une exposition remarquable tant par la beauté et la diversité des œuvres réunies que par l’ambition de son propos. C’est en effet la première fois qu’est présenté un tel panorama de la vie artistique de cette époque entre Rhône et Saône : trois cents objets rassemblés grâce à une coopération exemplaire entre le musée des Beaux-Arts et un très grand nombre d’institutions culturelles de notre métropole mais aussi des musées nationaux et internationaux. Le public pourra ainsi prendre la mesure de tout ce que l’identité économique, sociale, culturelle et urbaine de notre cité doit à la Renaissance, cette période où l’Europe bâtit sa prospérité et son rayonnement grâce au génie de ses villes. Outre l’héritage matériel, dont les arts et l’architecture de Lyon portent aujourd’hui encore la marque, le legs de la Renaissance réside aussi dans un élan constant vers la connaissance et une certaine aptitude à prendre appui sur le passé pour inventer l’avenir. J’exprime ma gratitude à la commissaire de l’exposition et à l’ensemble de l’équipe du musée des Beaux-Arts de Lyon pour ce précieux travail. Cette grande institution ne pouvait rendre un plus bel hommage à notre cité, à son histoire et aux valeurs humanistes qui l’ont forgée. GÉR ARD COLLOMB

Sénateur-maire de Lyon Président de la Métropole de Lyon

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 9

22/09/2015 12:30


Avant-propos

L’exposition « Lyon Renaissance. Arts et humanisme » a pour ambition de présenter un panorama aussi large que possible des arts à Lyon au XVIe siècle. La richesse de la vie artistique lyonnaise doit beaucoup à la situation géographique privilégiée de la cité, au confluent du Rhône et de la Saône et au croisement de routes européennes, où convergèrent marchands, artistes et œuvres. La diffusion quasi instantanée des formes et des idées consacra un renouveau que les recherches entreprises ces dernières décennies et les œuvres exposées dans le cadre de cet événement rendent patent. La vie artistique à Lyon à la Renaissance n’a jamais été traitée, si ce n’est au travers d’une évocation succincte en 1958 à la Bibliothèque municipale de Lyon dans le cadre des expositions organisées pour célébrer le bimillénaire de la ville. Cette exposition s’inscrit dans une relecture de l’art de la Renaissance que plusieurs musées à Paris et en région ont récemment suscitée : à Rouen en 2008 avec « Fastes de la Renaissance en Normandie », à Paris en 2010, aux Galeries nationales du Grand Palais, avec « France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance », à Tours en 2012 avec « Tours 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance », à Nancy en 2013 avec « L’Automne de la Renaissance », jusqu’à cet automne 2015 avec « Le Siècle de François Ier » au domaine de Chantilly. Elle prolonge aussi cette exploration de la scène lyonnaise que nous avons entreprise en 2007 avec « Le Temps de la peinture. Lyon 1800-1914 », qui entendait révéler et revisiter le laboratoire artistique que fut Lyon au XIXe siècle, dans ses échos et ses dissidences par rapport aux courants de l’art français ou européen. Pour réunir les quelque trois cents objets témoignant de cet apogée – dessins, tableaux, manuscrits enluminés, livres imprimés, estampes, mobilier, étains, majoliques, émaux

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 10

peints, monnaies et médailles, tapisseries, broderies, pièces archéologiques –, le musée des Beaux-Arts de Lyon a bénéficié de la collaboration de nombreuses institutions. À Lyon, la Bibliothèque municipale a très généreusement consenti un nombre important de prêts et l’équipe de son fonds ancien nous a apporté un soutien indéfectible tout au long de la préparation du projet. Que soient également remerciés pour leur active collaboration les Archives municipales, le Musée gallo-romain, les musées Gadagne, le musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, ainsi que les musées des Tissus et des Arts décoratifs, le service des Monuments historiques de la DRAC Rhône-Alpes et le Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel – région RhôneAlpes. Sans cette communauté d’échanges, cette exposition n’aurait pu avoir lieu. Largement mises à contribution, les institutions parisiennes ont également généreusement prêté leur concours, prodiguant des conseils stimulants et accordant des prêts d’exception. La Bibliothèque nationale de France, le musée du Louvre, le musée national de la Renaissance, la Cité de la céramique, le Petit Palais ont ainsi apporté à ce projet une dimension à laquelle nous n’aurions pu prétendre sans leur appui. D’importants musées en Europe et aux ÉtatsUnis ont été associés à l’exposition. De nombreuses institutions en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas, ainsi qu’outre-Atlantique, la New-York Historical Society, le Metropolitan Museum et la Morgan Library & Museum, nous ont accordé leur confiance et ont permis d’enrichir considérablement le dialogue que nous souhaitions instaurer entre les œuvres réunies à Lyon. Nous ne saurions oublier les particuliers, collectionneurs et amateurs passionnés, qui ont

22/09/2015 12:30


prêté des œuvres permettant de compléter le propos de l’exposition. Sans pouvoir citer ici – tant leur liste est longue – tous les conservateurs, les chercheurs et les universitaires qui ont été associés au projet et qui ont accepté pour certains d’entre eux de prolonger leur participation dans le catalogue, nous souhaiterions mentionner tout particulièrement les membres du comité scientifique qui ont accompagné Ludmila Virassamynaïken : Olivier Christin, professeur ordinaire en histoire moderne à l’Université de Neuchâtel, Thierry Crépin-Leblond, conservateur général du Patrimoine, directeur du musée national de la Renaissance à Écouen, Sylvie DeswarteRosa, directeur de recherche émérite au CNRS, Frédéric Elsig, professeur associé en histoire de l’art de la période médiévale à l’Université de Genève, et Cécile Scailliérez, conservateur en chef du Patrimoine, au département des Peintures – Écoles française du XVIe siècle, flamande et hollandaise des XVe -XVIe siècles au musée du Louvre. Nous adressons également des remerciements plus personnels à ceux qui nous ont encouragés tout au début de la programmation du projet : Philippe Bordes, professeur d’histoire de l’art à l’Université Lyon 2, qui a animé des séminaires sur le genre du portrait, Olivier Christin, alors président de l’Université Lyon 2, et Frédéric Elsig, qui a organisé en 2013, dans le cadre de son enseignement à l’université de Genève, un colloque consacré à « Peindre à Lyon au XVIe siècle ». Nous devons aux travaux d’Henri Zerner, professeur émérite d’histoire de l’art à l’Université de Harvard, de Nathalie Zemon Davis, historienne, docteur de l’Université du Michigan, spécialiste de l’histoire culturelle et sociale de la France et de l’époque moderne, et de Sylvie Deswarte-Rosa, de nous avoir sensibilisés à ce chapitre si riche de l’histoire de Lyon.

L’exposition servira d’écrin pour présenter pour la première fois au public l’exceptionnel portrait de l’Homme au béret tenant une paire de gants de Corneille de La Haye, dit Corneille de Lyon (cat. 147). Ce peintre, que la ville de Lyon a accueilli dans les années 1530, compte parmi les plus grands portraitistes de la Renaissance. Cette acquisition a été rendue possible grâce aux mécènes du Cercle Poussin, qui nous accompagnent dans notre politique d’acquisition depuis 2010, et au concours de la Fondation Bullukian. Cet achat a été l’occasion pour le musée d’organiser une deuxième souscription publique après le succès rencontré par la première, lancée en 2013 pour L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint de Jean Auguste Dominique Ingres : mille trois cents donateurs ont généreusement répondu à notre appel, nous permettant ainsi d’enrichir une galerie de portraits de la Renaissance qui compte déjà parmi les artistes représentés Joos van Cleve, Barthel Bruyn et Lucas Cranach l’Ancien. Que ces nombreux donateurs soient très vivement remerciés pour leur engagement et leur fidélité envers le musée, ainsi que les entreprises et les fondations qui se sont associées à cette acquisition : L’Auxiliaire, Cabinet d’avocats Colbert, Cabinet Bonnet, C’M’S Bureau Francis Lefebvre Lyon, la Fondation de l’Olivier, le Fonds des Célestins, SIER, 6e sens Immobilier, VEAMA, Ydès Avocats. En 1910, le musée des Beaux-Arts de Lyon espérait déjà pouvoir faire entrer dans ses collections un portrait de Corneille de Lyon ; toutefois, le portrait du dauphin François (inv. B 918) s’est rapidement avéré être une réplique tardive du XIXesiècle. Il aura fallu attendre plus d’un siècle pour que ce projet se réalise enfin. SYLVIE R AMOND

Conservateur en chef du Patrimoine Directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon

11

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 11

22/09/2015 12:30


Sommaire

Lyon, deuxième œil de France et cœur d’Europe

15

Exposer les arts à Lyon au « beau XVI »

18

e

LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN

Lyon, 1500-1562. Essai d’anthropologie culturelle

24

JACQUES ROSSIAUD

« Une ville située sur une montagne ne peut être cachée » (Mt, V, 14). Lyon, capitale religieuse

34

OLIVIER CHRISTIN

Catalogue Entre Rhône et Saône, Lyon au carrefour des échanges

40

Lyon la catholique, Lyon la réformée

50

Humanismes lyonnais

61

Échanges d’images, images d’échanges : Le livre illustré lyonnais à la Renaissance

62

ILARIA ANDREOLI

Antiquaires et humanisme à Lyon

68

SYLVIE DESWARTE-ROSA

Traités des arts « mechaniques et mathématiques » à la Renaissance à Lyon

76

DANIEL RÉGNIER-ROUX

Le brodeur Pierre Eskrich et Cie, ses activités de peintre et graveur à Lyon, vers 1548 – vers 1590

82

VANESSA SELBACH

Les dessins d’oiseaux de Pierre Eskrich et la question des échanges entre Genève et Lyon

88

ROBERTA J. M. OLSON

Catalogue Lyon, capitale de l’imprimerie

98

Le milieu antiquaire

108

Les sciences à Lyon

118

Figures de Lyon

137

Les séjours et entrées de la Cour à Lyon

138

TANIA LÉVY

« Des petits portraits au naturel, qu’on nomme cornilla »

144

CÉCILE SCAILLIÉREZ

L’art de la médaille à Lyon : une Renaissance tardive mais profonde

154

FRANÇOIS PLANET

Le portrait gravé à Lyon au XVIe siècle

160

ESTELLE LEUTRAT

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 12

Catalogue La Cour à Lyon : origines mythiques, séjours et entrées

166

Portraits des souverains et de la Cour

174

Les Lyonnais

184

22/09/2015 12:30


Influences étrangères

197

« Philibert De l’Orme, Lyonnois, architecte »

198

YVES PAUWELS

La nation florentine à Notre-Dame-de-Confort

204

FEDERICA CARTA

Le peintre Tomasi et la majolique historiée lyonnaise

210

CAMILLE LEPRINCE

Les peintres nordiques à Lyon

218

TANIA LÉVY

Catalogue Mécénat et influences italiennes

224

Influences nordiques et germaniques

250

Questions de style

257

Bernard Salomon dessinateur

258

MAUD LEJEUNE

Les « bois sculptés de l’école lyonnaise » au musée des Beaux-Arts de Lyon

266

SALIMA HELLAL

Production et commande de manuscrits enluminés à Lyon à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance

274

MAXENCE HERMANT

Catalogue Bernard Salomon dessinateur

280

Le mobilier lyonnais

288

La fabrique des modèles

291

La gravure sur cuivre à Lyon au XVI siècle. Le Maître JG, le Maître CC et Georges Reverdy

292

e

ESTELLE LEUTRAT

« Comme en ung cabinet tresbien garny ». L’œuvre de Bernard Salomon, répertoire de formes pour les arts graphiques et décoratifs

298

MAUD LEJEUNE ET ESTELLE LEUTRAT

La diffusion en Allemagne de modèles gravés lyonnais

302

MAUD LEJEUNE

Catalogue La gravure sur cuivre et son rayonnement à Lyon

306

Artistes attirés à Lyon par l’imprimerie

312

La reprise des modèles dessinés par Bernard Salomon dans les arts appliqués

316

Bibliographie

339

Crédits photographiques

359

00-Renaissance Lyon p001-013.indd 13

22/09/2015 12:30


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 14

22/09/2015 12:31


Lyon, deuxième œil de Fr ance et cœur d’Europe

Vue du cœur de Lyon, avec notamment, la cathédrale Saint-Jean sur la rive droite de la Saône, et, sur les hauteurs, l’Antiquaille, le domaine de Pierre Sala, détail du Plan scénographique de Lyon, 1550 (cat. 1)

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 15

22/09/2015 12:32


S

cève, je me trouvai comme le fils d’Anchise Entrant dans l’Élysée et sortant des enfers, Quand après tant de monts de neige tout couverts Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise. Son étroite longueur, que la Saône divise, Nourrit mille artisans et peuples tous divers : Et n’en déplaise à Londre [sic], à Venise et Anvers, Car Lyon n’est pas moindre en fait de marchandise, Je m’étonnai d’y voir passer tant de courriers, D’y voir tant de banquiers, d’imprimeurs, d’armuriers, Plus dru que l’on ne voit les fleurs par les prairies. Mais je m’étonnai plus de la force des ponts Dessus lesquels on passe, allant delà les monts, Tant de belles maisons et tant de métairies. Joachim du Bellay, Les Regrets, Paris, Frédéric Morel, 1558

À

Louise Labé, Lyonnaise

La chance a fait qu’un jour je vienne à Lyon et que je puisse assouvir pour de bon mon désir de renom : J’ai vu le lieu où l’impétueux Rhône accapare en son sein la calme Saône et lui ôte son nom. J’ai vu le lieu où les marchands étalent fines soieries, perles orientales et ouvrages en or. J’ai vu l’écrin où les rois vont puiser, pour mener leur armée et surtout la payer, un infini trésor. J’ai contemplé toute l’architecture, ceinte de murs par l’art et la nature d’un enclos si charmant. J’ai vu le plomb imprimer maints volumes rapidement, alors qu’avec la plume il y faudrait du temps. […] en fond :

Plan scénographique de Lyon, 1550 (cat. 1, détail).

Jacques Peletier du Mans, « A Louïze Labé, lionnoese », Opuscules, Jean de Tournes, Lyon, 1555

16

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 16

22/09/2015 12:32


L’

auteur à sa muse : Muse, dy moi, dy moi l’Antiquité De ce Lyon, ce grand Lyon de France Lugdus Lyon edifia, Lugdus de Gaule Roy trézieme, Plancus le reedifia, Romain qui les Romains y seme. […] Philosophes Atheniens, Selon aucuns, l’edifierent : Maints philosophes anciens A tout le moins y habiterent […] En erain et marbre on peut voir Belles romaines escritures, Et des morts merveilleux manoirs, Les fortes clauses sepultures. […] Les foires franches quatre fois, Quatre fois l’an y sont hantees D’Alemans, Toscans, Portuguois, Et des plus loingtains frequentees. […] Les nouvelles de toutes parts Des grans trafiques & menees, Et de toutes nouvelles arts Vous diriez illec estre nees. […] En mille maisons au-dedans, Vu grand million de dents noires, Vu million de noires dents Travaille en foires & hors foires, Sur estampe blanche mordans D’une merveilleuse morsure, Qui sans entrer avant dedans Dure sans fin & sans mesure […] Ou est la ville ayant tel bruit En Changes, Foires, Marchandises ? Nulle mieux que Lyon ne bruit, Soient les Anvers ou les Venises.

Charles Fontaine, Ode de l’antiquité et excellence de la ville de Lyon, Lyon, Jean Citoys, 1557

17

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 17

22/09/2015 12:32


Exposer les arts à Lyon au « beau xvie »

LUDMIL A VIR ASSAMYNAÏKEN

Fig. 1

Francesco Salviati, L’Incrédulité de saint Thomas, vers 1547.

Huile sur bois transposée sur toile. H. 275 ; l. 234 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV 593 (voir dessin préparatoire, cat. 163)

1. Cat. exp. Lyon 1958. 2. Voir ici même l’essai d’Olivier Christin, p. 34-39. 3. Rondot 1884. 4. Ibid., p. 363. 5. Ibid., p. 360. 6. Ibid., p. 364. 7. Ibid., p. 359. 8. Inscription à l’intérieur de l’aile gauche : « le XXVIII jour de mars / lan mil CCCC L X + XV jehan barbet dit de lion fist cest angelot ». 9. Vincent 1980, p. 37. 10. J. Thuillier [préface] dans Galactéros-de Boissier 1991, p. 12.

Chantée avec tant de feu par les poètes et si sensible aujourd’hui encore pour qui déambule dans les rues du Vieux Lyon, environné de fenêtres à croisées, de médaillons sculptés de bustes, de loggias ou de puits, la Renaissance lyonnaise constitue pourtant un sujet qui n’a jusqu’à présent été envisagé que de manière fragmentaire par les études et les expositions. Seule exception notable, l’un des quatre volets des expositions du bimillénaire de la ville de Lyon, consacré en 1958, à la bibliothèque municipale, aux « Aspects de Lyon au XVIe siècle1 », la sixième et ultime section de cette rétrospective d’ordre historique ayant trait à la vie artistique. Une gageure ? Brosser un panorama des arts à Lyon durant « le beau XVIe », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Le Roy Ladurie, peut paraître aventureux. La pénurie d’œuvres est pour beaucoup dans ce sentiment, l’histoire lyonnaise étant régulièrement scandée par des épisodes de destructions et de vandalisme. La terrible vague d’iconoclasme qui déferle sur la ville en 15622 (fig. 10), sous l’égide du baron des Adrets, les déprédations révolutionnaires, suivies du siège dévastateur de la ville d’octobre à août 1793, en représailles à son soulèvement contre la Convention, se sont ajoutées aux effets du passage du temps. Le cas lyonnais s’est par ailleurs aggravé de négligences lourdes de conséquences au moment de l’établissement de l’inventaire des tableaux saisis dans la cité rhodanienne3, à partir de listes aussi rares que lacunaires. Manquent à l’appel nombre d’œuvres et même des pans entiers de la production artistique de ce temps, si l’on pense par exemple aux pièces textiles et orfévrées, très nombreuses pourtant à en croire les archives. Pour ce qui est de la soierie, amenée à connaître un destin particulièrement florissant à Lyon, il ne s’agissait encore que de confectionner des plains, autrement dit des étoffes unies, les façonnés, plus luxueux, continuant à être importés. Il nous est également impossible de définir les traits saillants de la sculpture à Lyon au XVIe siècle, en dépit des réalisations qui n’ont pu manquer de voir le jour dans une ville aussi

industrieuse. Pour le même XVIe siècle, Natalis Rondot a recensé dans les archives lyonnaises pas moins de quatre-vingts tailleurs d’images ou « ymagiers », des artistes polyvalents qui étaient aussi bien peintres que graveurs ou orfèvres. Dans de rares cas, les commandes auxquelles ils répondaient sont connues : il s’agissait soit de décors éphémères pour les entrées des souverains, comme lorsque Perrin Jacquet, « mouleur pour les termes et grandz figures tant de plastre et colle que terre et allebastre », travailla à celle d’Henri II en 1548 4, soit d’écus aux armes de la ville taillés dans le bois, comme Pierre de Loches en livra en 1524 5. À la lecture de ces documents, le déficit des commandes consulaires est patent, si l’on excepte celles des décors éphémères destinés aux entrées royales, dont il ne reste que les évocations figurées dans les livrets. Parfois, les patronymes des sculpteurs établis à Lyon révèlent leurs origines : la Bavière, la Lorraine, Chambéry ou encore Florence, dans le cas de Salvatore Salvatori, auquel est confiée la direction des travaux de décoration de l’entrée de la reine Éléonore et du Dauphin en 1533 6. Les archives nous apprennent aussi que les Lyonnais Jean Rollin et Henriet ont œuvré sur le chantier des églises de Brou7. À ce jour, une seule sculpture est reliée sans équivoque au contexte lyonnais : l’Ange d’inspiration nordique conservé à la Frick Collection à New York (fig. 3), fondu par le canonnier lyonnais Jean Barbet8. De nombreuses inconnues subsistent également au sujet de la peinture d’histoire. Madeleine Vincent est allée jusqu’à écrire que l’histoire de la peinture lyonnaise ne pouvait « être faite que de lambeaux 9 », Jacques Thuillier osant pour sa part déclarer : « nous ne possédons plus aucun tableau lyonnais antérieur au XVIe siècle10 ». Comme le démontre cette exposition, la réalité est heureusement plus nuancée, les portraits peints par Jean Perréal, Corneille de Lyon et Étienne de Martellange ayant échappé au vol et à la destruction, pour avoir appartenu à des particuliers, au contraire des retables. Comme pour la sculpture, la question reste donc d’actualité pour la seule peinture d’histoire et il reste à trouver la clé de voûte qui permettra de reconstituer l’édifice. C’est ainsi que l’on a

18

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 18

22/09/2015 12:32


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 19

22/09/2015 12:32


Lyon, 1500-1562 Essai d’anthropologie culturelle JACQUES ROSSIAUD

Fig. 5

Guillaume II Le Roy, Vue de l’Antiquaille.

Dans Pierre Sala, Les Prouesses de plusieurs roys, manuscrit enluminé sur vélin, fo 1 vo. Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss., Français 10420 (voir cat. 69)

1. L’espace contraint de cet essai m’oblige à la brièveté. Plusieurs des thèmes abordés ici sont développés dans Rossiaud 2012, p. 13-57. En l’absence de notes, que le lecteur sache que les pages présentes doivent beaucoup aux travaux de Jean Balsamo, Brigitte Biot, Evelyne Berriot-Salvadore, Dominique Bonnet-Saint-Georges, Philippe Bordes, Jacqueline Boucher, Gérard Bruyère, Elizabeth Burin, Michèle Clément, Richard Cooper, Natalie Zemon Davis, Sylvie Deswarte-Rosa, Anne Dubois de Groër, Jean Marie Dureau, Frédéric Elsig, Marie Madeleine Fontaine, M. Grindberg, Jean Guillemain, Mireille Huchon, Françoise Joukovsky, Elsa Kammerer, Estelle Leutrat, Tania Lévy, Claude Longeon (†), Henri-Jean Martin (†), Marie-Félicie Perez, Gabrielle André Pérouse (†) . 2. Voir ici même, p. 16-17.

Prélude Enluminures, médailles, gravures, portraits, et mille autres objets précieux1 ! Voici donc Lyon en majesté, mais aussi Lyon transfigurée. Car ces œuvres, élaborées dans les ateliers du Temple, de la rue Neuve ou de la rue Mercière au temps de Louis XII, François Ier ou Henri II, restituent une réalité brute : le dynamisme des années 1500 et l’excellence des artisans d’art ; elles retransmettent également une image magnifiée de la ville, en couvrant d’un voile doré les blessures et les purulences urbaines. Lyon ne fut pas en effet la cité du bonheur décrite par les poètes du temps et si souvent évoquée après eux 2. Les citadins de la Renaissance durent s’accommoder, ici comme ailleurs, d’une météorologie malade, multipliant les grands hivers et les étés torrides et provoquant de désastreux mariages fluviaux entre fleuve et rivière, et des maigres catastrophiques asséchant la Saône et faisant flamber les prix. Les chertés (1501 à 1505, 1527 à 1532) paupérisaient le menu peuple et le rendaient physiologiquement vulnérable aux infections diverses et à la peste en particulier. Car la mort noire rôdait encore, ici et là dans la vallée, et, trop souvent, frappait en pleine ville (la récurrence de 1520-1521 fut terrible). Entre 1500 et 1560, seules vingt années furent totalement exemptes d’inquiétude. La détérioration des conditions de vie des humbles, l’accaparement du consulat par une oligarchie de notables, ainsi qu’une politique fiscale scandaleusement inégalitaire, n’incitaient pas à la concorde. Entre 1515 et 1521, la « querelle des consuls et des artisans », ponctuée de libelles et d’injures publiques, déchire la société municipale ; « un climat de haine civile a alors pénétré les cœurs », note Guillaume Paradin. Chez les plus modestes, la colère est par nécessité contenue ; elle peut s’exprimer violemment lorsque la survie familiale est en jeu. C’est le cas en 1529 lors de la Grande Rebeyne, rapidement matée. Moins de deux ans plus tard, la ville est pourtant envahie de pauvres hurlant leur faim. La présence des miséreux constitue désormais une menace obsédante qui s’ajoute aux désordres

de la société stable. Symptômes multiples de ce malaise : les bravades confraternelles, les revendications salariales, les grèves ponctuées de violences. Bref, les contemporains de Rabelais ont dû avoir le sentiment de vivre dans une société anguleuse, difficile, pleine de dangereuses remises en cause. Les marchands, quant à eux, portaient le regard bien au-delà du lieu et de l’instant. Éclairés par l’activité des grands banquiers ultramontains ou souabes, ils savaient, en 1530 comme en 1500, que Lyon confortait sa position. Les forces qui, depuis plus de deux siècles, tendaient à placer le Rhône au centre de l’espace occidental, multipliaient les conjonctions heureuses. La ville était devenue en outre la porte principale, et pour une part obligée, du vaste marché français. L’aisance monétaire apportée par les foires ainsi que la convergence des talents permettaient toutes les réussites – la soierie après l’imprimerie –, entraînant derrière elles une infinité d’entreprises. Comme l’écrit Joachim du Bellay, « la ville est une efflorescence, d’activités productrices » dans la lumière aurorale du printemps commercial français. Ainsi confortée par une durable croissance, la « marchandise » lyonnaise peut-elle grossir ses rangs, garnir ses coffres et envoyer ses fils dans les meilleures universités. Lyon, autour de 1500, entreprend sa métamorphose pour devenir, une génération plus tard, un foyer d’humanisme au sein duquel coexistent clercs d’Église, religieux mendiants, jeunes patriciens et aventuriers de l’esprit et de l’œil attirés par la richesse urbaine. Tous croient à la dignité de l’homme, admirent les Anciens et révèrent leur ville de naissance ou d’adoption ; ils l’idéalisent d’autant plus aisément qu’ils échappent aux malheurs du commun et pensent qu’en agissant ainsi, ils contribuent à leur propre gloire. Leur « humanisme civique », un peu comparable à celui qui animait les Florentins un siècle auparavant, élabore une mythographie durable et stimulante. Les Lyonnais de deux générations « globalement heureuses » vécurent avec ces rêves lumineux qu’il nous faut maintenant évoquer et comprendre.

24

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 24

22/09/2015 12:32


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 25

22/09/2015 12:32


Lyon, 1500-1562. Essai d ’anthropologie culturelle

Fig. 6

Jean Perréal, La Complainte de Nature à l’alchimiste errant.

Dans Pierre Sala, La Complainte de Nature à l’alchimiste errant. Paris, musée Marmottan Monet, csollection Wildenstein, no 147 (voir cat. 70)

27

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 27

22/09/2015 12:32


Lyon, 1500-1562. Essai d ’anthropologie culturelle

Fig. 8

Les trois « Amys » humanistes autour d’une table. Dans Le Traicté de peyne, poëme allégorique dédié à Monseigneur et à Madame de Lorraynne, manuscrit enluminé sur vélin, France, xvie siècle.

Page : H. 16,7 ; l. 11,1 cm, fo 1 vo. San Marino, The Huntington Library, Ms. HM 49

31

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 31

22/09/2015 12:32


« Une ville située sur une montagne ne peut être cachée » (MT, V, 14) Lyon, capitale religieuse OLIVIER CHRISTIN

Fig. 10

Peintre actif à Lyon ?, Le Sac de Lyon par les réformés, vers 1565. Huile sur toile. H. 98,5 ; l. 131 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. B. 561 (voir cat. 35)

1. Reid, 2009, I, p. 80-81. 2. Kammerer 2013 ; Clément et Incardona 2008, en particulier p. 15-18.

Foyer humaniste cosmopolite favorisé par l’essor précoce et le succès spectaculaire de l’imprimerie, chaudron où bouillonnent les projets de renouveau religieux d’autant plus divers qu’il n’y a ni université ni parlement pour veiller au respect des dogmes de l’Église romaine, capitale intellectuelle du protestantisme français et place forte des calvinistes durant la première guerre de Religion (1562-1563), tête de pont de la réforme tridentine et de la reconquête spirituelle romaine – y compris dans ses formes les plus brutales : les clichés sur Lyon, laboratoire religieux du XVIe siècle français et européen, se bousculent. Ils sont tous vrais. Du moins en bonne part, même si chacun d’eux appelle aujourd’hui des nuances et des rectifications. Lyon connut donc au XVIe siècle un destin singulier où rien n’était écrit d’avance. Et plutôt que de décrire le lent cheminement des idées protestantes dans la cité, l’érosion progressive de la domination politique, culturelle et spirituelle des catholiques, qui aboutirait aux bouleversements des années 1560, au risque de qualifier un peu vite de protestantes des positions et des propositions de la première moitié du siècle qui ne l’étaient pas vraiment, et d’écrire une histoire totalement orientée vers les violences des guerres de Religion de la seconde partie du siècle, il paraît plus sage et plus parlant d’isoler quelques grands moments décisifs, pour en souligner les spécificités et les enjeux. « Plusieurs faulces doctrines ont esté semées et divulguées » (plainte de l’abbé de l’Ile-Barbe, septembre 1529) Il faut sans doute partir des années 1520 et de l’effervescence à la fois religieuse, artistique, littéraire et économique qui caractérise alors Lyon pour saisir les caractéristiques originales de l’humanisme qui s’y épanouit, avant que la révolte de 1529, connue sous le nom de Grande Rebeyne, et les premiers bûchers d’hérétiques ne sonnent le glas de cet âge d’or de la Renaissance. Le long séjour de Marguerite d’Angoulême dans la ville, entre octobre 1524 et août 1525, joue sans conteste un rôle clé. La sœur du roi rassemble en effet autour d’elle

un vaste réseau, composé d’hommes et de femmes aux trajectoires et aux ambitions dissemblables mais bénéficiant tous à un titre ou un autre de sa protection et de son intérêt pour les lettres et les arts. Surtout, ils se retrouvent, avec la souveraine, dans un même souci de perfectionnement spirituel et de rénovation religieuse, même si celui-ci prend des formes différentes. Dans ce cercle se rejoignent ainsi des clercs, des théologiens, des prédicateurs désireux de retrouver la pureté du message évangélique, de simplifier la liturgie, de rénover le culte, comme Antoine Papillon, Pierre de Sibiville, Aimé Maigret, qui entretiennent des relations épistolaires avec les réformateurs allemands et suisses, Luther, Zwingli et Oecolampade1. On y rencontre aussi des lettrés, comme le jeune Clément Marot ou Jean de Vauzelles, membre d’une grande famille du consulat de Lyon, traducteur probable de Francesco Colonna en français, lecteur assidu de Pétrarque et auteur d’une oraison pour le décès de Louise de Savoie, ou des « dames lyonnaises » à qui Marguerite accorde sa protection et qui joueront un rôle important dans l’histoire de l’humanisme lyonnais et de ses formes littéraires2 (voir aussi cat. 209 ). Des groupes ou des réseaux lettrés partiellement imbriqués se forment donc dès cette époque. Ils vont marquer durablement l’histoire intellectuelle, artistique et religieuse de Lyon en mêlant poètes, imprimeurs-libraires, grands négociants, « dames » des milieux privilégiés dans des cénacles comme celui de Pierre Sala (voir cat. 68 à 70) et Symphorien Champier (cat. 72, 73) ou celui de MarieCatherine Pierrevive (cat. 51), où se croiseront Étienne Dolet, Papire Masson et Maurice Scève (voir cat. 3), par exemple. D’emblée, cet humanisme chrétien lyonnais entrelace ainsi aspirations religieuses, recherches philologiques, notamment sur la langue hébraïque, ambitions littéraires et artistiques. La quête d’une piété plus sincère et plus authentique, plus conforme au message du Christ et à l’Église des Apôtres, rejoint et féconde les efforts déployés par des savants comme Sante Pagnini pour établir sérieusement le texte de la Vulgate de saint Jérôme, comparer et amender

34

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 34

22/09/2015 12:32


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 35

22/09/2015 12:32


Entre Rhône et Saône, Lyon au carrefour des échanges

cat. 1 Plan scénographique de Lyon, 1550

Vue en perspective cavalière composée de 25 feuilles Burin sur papier vergé. Chaque feuille : H. 34 ; l. 44 cm ; assemblées : H. 170 ; l. 220 cm Lyon, Archives municipales de Lyon, 2 SAT 3

40

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 40

22/09/2015 12:32


41

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 41

22/09/2015 12:32


Lyon, deuxième œil de Fr ance et cœur d’Europe

42

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 42

22/09/2015 12:32


Entre Rhône et Saône, Lyon au carrefour des échanges

cat. 2

Joris Hoefnagel (1542-1600) Lugdunum

Eau-forte rehaussée à l’aquarelle (une plaque imprimée sur une feuille, pliée en deux dans l’ouvrage). Plan : H. 37,4 ; l. 46 cm Dans Georg Braun (1541-1622) et Franz Hogenberg (1535-1590), Théâtre des cites dv monde […], V, s. l. [Cologne ?], s. d., [ca. 1620], in-fol., H. 44,2 ; l. 32 ; ép. 4,5 cm, in. fo, fo. [no 19] Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 5133

43

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 43

22/09/2015 12:32


Lyon, deuxième œil de Fr ance et cœur d’Europe

48

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 48

22/09/2015 12:32


Entre Rhône et Saône, Lyon au carrefour des échanges

cat. 9

Guillaume II Le Roy (connu de 1498 à 1528)

Le Garbeau de l’épicerie, 1519

À gauche : armes du royaume de France et écu lyonnais. À droite : une séance du consulat lyonnais accompagnée d’une inscription sur le phylactère de la bordure : Les ordonnances de la ville de Lion baillées par messieurs les conceillers à Guillaume Gautheret, marchant appotticaire de la dicte ville. Enluminures gouache et or sur parchemin. Feuille : H. 33,4 ; l. 23,8 cm Dans Les Ordonnances du garbeau de l’épicerie, manuscrit sur parchemin, fos 1 vo – 2 ro Lyon, Archives municipales de Lyon, CC 4292

49

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 49

22/09/2015 12:32


Lyon la catholique, Lyon la réformée

cat. 10 Charte de mariage de Jehan de Rivery et Fluvie de la Rivyre, Lyon, 1572 Enluminure sur parchemin. H. 27 ; l. 32 cm Lyon, musées Gadagne, inv. 37.65

cat. 11 (voir fig. 11) Charte de mariage de George Lamgloys et Jane Mersier, Lyon, 21 mai 1587 Enluminure sur parchemin. H. 27,3 ; l. 34,2 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Coste 343-1

50

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 50

22/09/2015 12:32


Lyon la catholique, Lyon la rĂŠformĂŠe

59

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 59

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 60

22/09/2015 12:33


Humanismes lyonnais

Jean Naze, Astrolabe planisphĂŠrique, 1553 (cat. 104, dĂŠtail)

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 61

22/09/2015 12:33


Échanges d’images, images d’échanges : le livre illustré lyonnais à la Renaissance ILARIA ANDREOLI

Fig. 15

Ludovico Ariosto, Orlando furioso, Lyon, Guillaume Rouillé, 1550, i n-4o, édition en espagnol, Lyon, M. Bonhomme, 1550.

Paris, Bibliothèque nationale de France, inv. YD-412. Ouvert au chant Ier

1. Pour l’illustration du livre lyonnais aux XVe et XVIe siècles, d’anciens travaux sont encore au nombre des références incontournables : Rondot 1896, ou les classiques Brun 1969 et Mortimer 1964-1974, I. 2. Pour l’histoire de l’imprimerie lyonnaise de la Renaissance, voir Martin 1970 ; cat. exp. Lyon 1981 ; Coq 1989 ; Dureau 1989 ; Davis 1989 ; Fau, Saksik et al. 2003 ; Moledina et Varry 2006 ; Andreoli 2010. 3. Saby 2000 ; Andreoli 2013.

Concentrer son attention sur le livre illustré permet à l’historien de l’imprimerie lyonnaise de la Renaissance d’offrir sous une forme ramassée un tableau d’ensemble des grandes tendances de l’ars artificialiter scribendi, des publics auxquels il s’adressait, et surtout de son caractère international au cours des XVe et XVIe siècles dans une ville de foires très cosmopolite1. Capitale européenne de l’imprimerie au même titre que Venise, Lyon établit en effet avec la Sérénissime, dès l’époque des incunables, un circuit très dense d’échanges de modèles iconographiques grâce auquel, de l’Allemagne du Sud à l’Espagne en passant par la France méridionale et le nord de l’Italie, des quantités considérables d’images livresques d’origine nordique furent mises en circulation et se répandirent jusqu’en Angleterre et dans le Nouveau Monde. Elle fut, dans le monde du livre, une tête de réseau, un centre européen de distribution et de redistribution. Le temps des incunables : l’accumulation primitive L’imprimerie avait été introduite à Lyon en 1473 par des proto-typographes allemands et suisses venus avec leur matériel typographique, et c’est d’ailleurs l’un d’entre eux, Martin Husz, qui acheva d’imprimer le 26 août 1478 le premier livre illustré français, le Mirouer de la Rédemption de l’umain lygnage, orné de bois déjà employés à Cologne et à Bâle2. Une école locale s’y développa, qui copiait de près la production nordique (voir cat. 208). Comme le livre lyonnais dans son ensemble, le livre illustré y était avant tout profane et en langue vulgaire. Ne disposant pas, contrairement à Paris, d’une université ou d’un parlement capables de stimuler une production de théologie, de droit ou de textes classiques, les artisans lyonnais adoptèrent dans les années 1475-1485 une politique éditoriale centrée sur la publication de textes composés en français aux XIVe et XVe siècles dans les cours princières, qu’ils offraient à des nouveaux venus à la lecture pour qui l’achat de livres constituait un signe d’élévation sociale. Ces ouvrages se caractérisaient par une grande unité de forme : même format, mêmes caractères,

même langue modernisée, même mise en texte avec des chapitres courts précédés d’un titre qui servait de légende aux bois d’illustration. Après Martin Husz, son parent Mathieu et Guillaume I Le Roy, d’origine liégeoise, furent les premiers à employer régulièrement des bois gravés à Lyon même, d’une taille grossière qui rappelle celle des cartes à jouer, tandis que d’autres imprimeurs copiaient des séries originales parisiennes de la Nef des fous ou du Calendrier des bergers. Un fonds de planches d’illustration, originales ou d’imitation, fut alors constitué, dans lequel les ateliers typographiques puisaient tour à tour. L’essor du premier XVIe siècle Si Jean Trechsel imprima dès 1493 un Térence ouvert aux nouveautés artistiques venues d’Italie, il fallut attendre le début du XVIe siècle et le « décollage » de l’industrie du livre entre Saône et Rhône pour que prévalût l’italianisme mêlé de fortes influences allemandes qui devait caractériser durablement l’illustration lyonnaise (cat. 209). Dans une bible imprimée en 1512 pour Étienne Gueynard, ce dernier apparaissait aux pieds de la Vierge dans une très belle composition de Guillaume II Le Roy, mais la réimpression de l’ouvrage, en 1516, plaçait en tête de la Genèse une planche qui s’inspirait directement du bois en pleine page d’une bible italienne imprimée à Venise pour Lucantonio Giunta en 1490 et reproduite en 1498 dans une version latine donnée, également à Venise, par Bevilacqua. Giunta lui-même eut recours à des imprimeurs lyonnais, tout comme le grand libraire nurembergeois Anton II Koberger, qui leur prêta des bois gravés par un élève de Dürer, Hans Springinklee. Les bibles imprimées, entre autres, par Jacques Sacon ou Jacques Mareschal sont semées de copies souvent grossières de bois italiens de l’édition Malermi et de bois à pleine page d’origine allemande dont certains portent le monogramme de Springinklee (fig. 16 et cat. 208). Toutefois, ce sont les éditions des Métamorphoses d’Ovide, au début du XVIe siècle, qui offrent l’exemple le plus éloquent des relations croisées entre Lyon et Venise 3. En 1510, Étienne Gueynard, toujours lui, avait

62

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 62

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 63

22/09/2015 12:33


Antiquaires et humanisme à Lyon

S Y LV I E D E S W A R T E - R O S A

page de droite : Fig. 20

La ville marchande sous la domination de Mercure. Dans la suite des Planètes, attribuée à Baccio Baldini et son atelier, vers 1460-1464.

Burin. H. 32,5 ; l. 22,1 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, Est., Ea 29 rés. Cl. 63B 307 709

ci-dessous : Fig. 21

Gabriel Symeoni, La Stèle de Mercure.

Dessin à la plume et lavis de bistre sur papier. Dans L’origine e le antichità di Lione, 1559, fo 50 vo. Turin, Archivio di Stato, ms. J.a.X.16 Simulacro di Mercurio (voir cat. 81)

Nous remercions Alberto Rosa d’avoir bien voulu relire et corriger ce texte. 1. Lambert 1999, no 136. 2. La Cité de Lyon, gravure sur cuivre, H. 28,3 ; l. 73,4 cm, BnF, Est. Rés. inv. AA5 (exemplaire unique). Grisard 1891, p. 21 ; Leutrat 2005a, p. 63-83 ; Sharratt 2005, no 22, p. 83 ; Leutrat 2007, p. 100. 3. Strabon, Géographie, IV, 3. 4. Allut 1859, p. 343. 5. L’ambassadeur de Mantoue Giorgio Conegrani l’identifia aussitôt comme le temple de Mercure dans la relation qu’il fit de l’entrée au jeune duc Francesco III Gonzaga. Scève [1549] 1997, Appendix A, fo 242 vo. 6. Paradin 1573, I, IX, « Des foires […] ». 7. Vauzelles 1538 ; Müller 1997, no 105, 29, « Der Kauffman ». 8. Voir des extraits, ici même p. 17. Hawkins, 1916, p. 65-69. 9. Cooper 1988 ; Lemerle 2005. 10. Ibid., p. 110-112, 213-218. 11. Selon les mots de Jean-Baptiste Dumas (1839, II, chap. II, « Inscriptions et monuments ») ; Bruyère 2001, p. 10.

Lyon ville marchande. Sous l’égide de Mercure Mercure, dieu du commerce, veille sur Lyon comme sur toutes les villes marchandes. Une gravure du Quattrocento florentin nous le montre sur son char au-dessus d’une perspective de ville italienne où s’activent dans leurs botteghe et leurs échoppes artistes, artisans et libraires tandis que dans la rue un groupe d’astrologues devise autour d’une sphère armillaire, avec à l’arrière-plan la loge de commerce1 (fig. 20). Voici encore Mercure, perché sur les nuages, dans les « pourtraits » gravés de villes marchandes, de Venise en 1500, d’Anvers en 1515, et enfin de Lyon vers 1548-1550, vue longtemps attribuée à Jacques Androuet du Cerceau2. À Lugdunum, capitale des Gaules, choisie par les Romains comme centre de leur commerce3, Mercure avait déjà son temple en haut de la colline de Fourvière, au « Forum Mercurii ou lieu des foyres », selon les mots de Symphorien Champier4. Aussi Bernard Salomon ne manquat-il pas de représenter la rotonde de Mercure au fond de La perspective du Change, peinture dont nous gardons le souvenir par la gravure sur bois du livret de l’Entrée d’Henri II à Lyon en septembre 15485 (voir cat. 119). La découverte d’une stèle de Mercure, lors des travaux des fortifications en 1557, dont Symeoni donne le dessin (fig. 21), vint bientôt confirmer la présence de son temple au forum. Lyon est ainsi, de toute antiquité, lieu de commerce et lieu de foires6. On y vit et on y meurt entre les lourds ballots de marchandises, non loin des vaisseaux amarrés sur le fleuve, prêts à partir pour « des navigations lointaines », comme le marchand surpris par la Mort de la planche 29 de la Danse macabre de Hans Holbein le Jeune7 (voir cat. 209). Charles Fontaine, poète parisien, Lyonnais d’adoption, nous parle de Lyon mieux que quiconque, en des mots simples, dans l’Ode de l’antiquité et excellence de la ville de Lyon (Lyon, Jean Citoys, 1557) 8, long poème de quatrevingts quatrains, évoquant tour à tour les différentes facettes de la cité, la ville marchande, la ville humaniste, la ville de l’imprimerie et celle des momeries, et nous lui emprunterons, chemin faisant, des bribes de poésie.

Dans cette ville marchande, dépourvue d’université, les études antiquaires ont été beaucoup plus précoces que dans le reste de la France 9. Pourtant, autre paradoxe, les monuments antiques étaient bien moins visibles à Lyon qu’à Vienne, Arles, Nîmes ou Poitiers10. Seuls les « superbes et triumphants aqueducs », au bel appareil réticulé, magnifiquement dessinés dans le manuscrit des Antiquités romaines de Guillaume du Choul (1538-1547) (fig. 22), rappelaient aux yeux de tous l’importance de Lugdunum, si présente chez les auteurs antiques. Lyon était une « mine d’antiquités11 » car tout était sous terre, ou presque. Aussi les antiquaires se penchèrent-ils surtout sur les inscriptions épigraphiques et les monnaies antiques, qu’ils s’appliquaient à collectionner. Symphorien Champier relève et publie dès 1507 dix-neuf inscriptions épigraphiques,

68

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 68

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 69

22/09/2015 12:33


Traités des arts « mechaniques et mathematiques » à la Renaissance à Lyon DANIEL R ÉGNIER- ROUX

Dedans Lyon sont en grant quantité Livres moult beaulx pour garder vérité Pierre Grosnet (1534)1

Fig. 26

Pierre de Fobis, Horloge astronomique avec sphère mobile terrestre et céleste, vers 1540-1550. Bronze doré, argent et verre. H. 53,6 ; D. sphère céleste 15,2 ; D. sphère des coordonnées 16,5 cm. Paris, galerie Kugel

1. Grosnet 1534, fo 50. 2. Rabelais [1534] 1994, chap. XXII, p. 125-126. 3. Les peyrolliers étaient des artisans des métiers du fer, qui se chargeaient de fabriquer de petits ustensiles. Il existait au XVIe siècle à Lyon une rue de la Peyrollerie qui correspond aujourd’hui au quai de Bondy. 4. Pinet 1564, p. 35.

Zénon Ligre, héros imaginaire de L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, est tout à la fois médecin, ingénieur mécanicien et astrologue, comme le veut la figure classique du savant à la Renaissance. Lyon est choisi par l’académicienne comme la ville où son personnage publie ses ouvrages. Ce choix est historiquement pertinent car les livres du héros yourcenarien, relevant de la médecine et des sciences naissantes, étaient une des spécialités de la cité rhodanienne. Si Paris, premier centre éditorial français au XVIe siècle, pouvait s’enorgueillir de la présence d’un Guillaume Cavellat, éditeur œuvrant presque exclusivement dans le domaine des sciences, Lyon, deuxième centre éditorial du royaume, abritait nombre de libraires qui s’intéressaient à ce genre d’ouvrages. Dans la classification des savoirs de l’époque, ceux-ci relevaient, pour une partie, des arts libéraux et, pour une autre, des arts mécaniques. Souvent en français et très bien illustrés, ils ont constitué un type de production dans lequel les grands imprimeurs-libraires lyonnais, tels Jean de Tournes, Guillaume Rouillé, les Gabiano, les Vincent ou encore Balthazar Arnoullet, ont innové et parfois trouvé leur renom quand d’autres, tels Étienne Dolet et Sébastien Gryphe, s’appliquaient à publier, dans de belles éditions érudites en grec et en latin, les auteurs classiques de l’Antiquité ou les humanistes. Artes liberales & artes mechanicae Parler de sciences et de techniques, au sens contemporain, est pour la Renaissance un anachronisme. Il convient plutôt d’employer les termes de « savoirs théoriques » et « pratiques », désignés dans le lexique de l’époque comme artes liberales et artes mechanicae. Les arts libéraux étaient dispensés dans les universités, tandis que les arts mécaniques, relevant des domaines matériels, s’acquéraient au sein des corporations de métiers ou

lors d’enseignements privés auprès de « professeurs de mathématiques ». Les mathématiques étaient alors considérées comme des « sciences intermédiaires », mais relevaient plus largement des arts mécaniques. L’organisation des connaissances et de leur transmission était proche de celle du Moyen Âge. La Renaissance ne modifia que peu à peu cet état de fait avec l’apparition de nouvelles modalités de diffusion de l’information, comme l’imprimerie, grâce encore à l’essor du commerce et des échanges ainsi qu’à la création de nouveaux lieux où les savoirs étaient partagés : le collège des lecteurs royaux, les cercles littéraires ou les officines des imprimeurs et des artisans. Artificialia et mirabilia lugdunensis : officines, boutiques et l’art du faire L’humanisme favorise un enseignement soucieux des textes antiques, mais aussi curieux d’expérimentations. Si, au XIIIe siècle, il y eut déplacement de la formation intellectuelle des monastères aux universités, le XVIe siècle est traditionnellement perçu comme le moment de l’ouverture des apprentissages sur « le grand livre du monde ». Les œuvres les plus remarquables de la Renaissance française témoignent de ces changements. Ainsi en est-il de la formation du héros de Rabelais : « [Gargantua et son maître Ponocrates] allaient voir comment on tirait les métaux, ou comme on fondait l’artillerie ; ou allaient voir les lapidaires, orfèvres & tailleurs de pierreries, ou les Alchimistes & monnayeurs, ou les hautelissiers, les tissotiers, les velotiers, les horologiers, mirailleurs [miroitiers], imprimeurs, organistes, tinturiers, & autres telles sortes d’ouvriers […]2. » Lyon, qui, au XVIe siècle, n’avait ni université ni parlement, était une cité animée d’une vie économique intense grâce à ses imprimeurs de la rue Mercière, via mercatoria, ses armuriers, ses ferblantiers, ses peyrolliers 3 ou ses orfèvres : « Lyon est aussi fort riche en manufactures : de sorte qu’il y a peu de Ville, je ne dis pas en France, mais en Europe, ou les Artizans ayent meilleure commodité de faire proffit, qu’en ceste-cy4 » (cat. 5). Nous

76

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 76

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 77

22/09/2015 12:33


Le brodeur Pierre Eskrich, ses activités de peintre et graveur à Lyon, vers 1548 – vers 1590 VA N E S S A S E L B A C H

Fig. 32

Pierre Eskrich, Lettrine « C », Comptabilité des recteurs trésoriers de l’Aumône générale, année 1564-1567.

Plume et encre brune. Env. H. 15 ; l. 15 cm. 1er feuillet (détail). Lyon, Archives municipales de Lyon, archives des Hospices civils de Lyon, E 172

1. Papillon 1766, p. 229 et suiv. 2. Une partie des onze gravures sur bois répertoriées sous le nom de Pierre Eskrich par l’Inventaire du fonds français, XVIe siècle, du département des Estampes de la BnF provient de la collection personnelle de Mariette avec ses annotations et ses attributions à « Moni » et « Eskricheus ». 3. Renouvier 1853-1856, II, p. 205. 4. Firmin-Didot 1863, col. 261-163. 5. Steyert 1868. 6. Rondot 1898 ; Rondot 1901a ; Rondot 1901b. 7. Baudrier [1895-1921] 1964, notamment le tome IX consacré à Guillaume Rouillé. 8. Ainsi qu’il l’affirme devant les gouverneurs de la Bourse des pauvres à Genève en 1562. Rondot 1898, p. 28-30. 9. Paris, BnF, Mss., Fr., Fr. 2261. Signalé dans Rabelais, éd. 1959. 10. BnF, Rés. Ye-1579. 11. Selbach, à paraître.

Brodeur, peintre, poète, dessinateur pour la gravure sur bois et peut-être graveur lui-même, aujourd’hui surtout connu comme illustrateur d’ouvrages lyonnais et genevois, où il se montre aussi prolifique et fécond que Bernard Salomon, Pierre Eskrich ne jouit pas d’une renommée aussi grande que son confrère. Contrairement à celui de Salomon, son nom tomba rapidement dans l’oubli. Les causes en sont sans doute multiples. La confusion que purent introduire les variantes de son nom germanique, « Eskrich », francisé en « Cruche » ou « Vase », latinisé en « Eskricheus », a pu brouiller son identité ; son nom n’apparaît pas dans les préfaces ni dans les ouvrages de ses contemporains, au contraire de celui de Salomon ; le style volontiers protéiforme de l’artiste, qui le rend parfois difficile à reconnaître, a enfin rendu périlleux l’établissement d’un corpus sur des bases stylistiques. Les premiers historiens du XVIIIe siècle ont confondu l’œuvre d’illustrateur de Pierre Eskrich avec celle d’un imaginaire Jean Moni, nom inventé par Jean Michel Papillon1 à la suite de Pierre Jean Mariette2, à cause d’une mauvaise lecture d’une gravure où il croyait déceler une signature. Ce nom fut adopté au XIXe siècle par Jules Renouvier 3, ainsi que par Ambroise Firmin-Didot, qui élargit son corpus 4. Eskrich ne dut finalement sa résurrection qu’à l’intérêt que quelques historiens de l’imprimerie et de la vie artistique lyonnaise et genevoise portèrent aux illustrations qu’il avait pu laisser. C’est donc le Pierre Eskrich graveur que parvinrent à exhumer dès le milieu du XIX e siècle les travaux d’Ambroise Firmin-Didot, de Jules Renouvier, et surtout du pionnier Alfred Steyert, qui retrouva son nom d’Eskrich et rejeta le nom imaginaire de Jean Moni, qu’il identifie à Pierre Cruche5. Les découvertes d’archives lyonnaises et genevoises d’Alfred Cartier et Natalis Rondot contribuèrent à poser les jalons de la carrière tantôt lyonnaise tantôt genevoise de cet artiste converti au protestantisme, qualifié dans les documents de peintre et/ou de brodeur, une fois de graveur (« tailleur d’histoires » en 1561) 6. Leur contemporain Julien Baudrier, dans sa Bibliographie lyonnaise (1895-1921), a établi les bases du corpus

d’illustrations attribuables à Pierre Eskrich, et c’est aujourd’hui encore le travail de référence pour cette partie lyonnaise de son activité7. Des informations sur la formation de brodeur de Pierre Eskrich et ses premiers travaux parisiens ont récemment fait surface. Né à Paris8, sans doute vers 1520, Pierre Eskrich est le fils d’un maître orfèvre, bourgeois de Paris, originaire de Fribourg-en-Brisgau, Jacob Eskrich. Notre artiste semble avoir fait partie de cette élite de l’artisanat qui travaillait pour de grands personnages, se frottait à leur culture, s’intéressait aux belles-lettres, était ouverte aux idées nouvelles et se passionnait pour les travaux des humanistes de son temps. Un petit recueil de vers 9 offert en 1541 à François Ier par Robert de Luz, dit maître Robinet, brodeur lettré et valet de chambre du roi, contient en effet les épîtres de deux de ses protégés, apprentis brodeurs qui s’étaient précédemment distingués en écrivant des poèmes sur la mort du célèbre peintre italien Rosso, et dont il loue le talent de façon appuyée : Pierre Eskrich et Louis Gicquet, formés par l’un des grands maîtres brodeurs de la capitale, Pierre Vallet, brodeur du duc de Nevers, chez qui le père d’Eskrich, qui travaillait lui-même pour la famille du duc de Nevers, avait assez logiquement placé son fils en apprentissage. Pierre Eskrich devait entretenir d’autres rapports avec la sphère « marotique » dont il se réclame dans ce recueil de vers, en témoigne l’exemplaire de l’ouvrage Disciples et amis de Marot contre Sagon, paru à Lyon, chez Pierre de SainteLucie, qui porte l’ex-libris de Pierre Eskrich et un envoi d’auteur10. Eskrich cultiva sans doute ses talents poétiques sa vie durant, puisqu’en 1569 il publia avec le juriste mâconnais Philibert Bugnon des sonnets sur des enfants jumeaux siamois mort-nés dans le Forez, préfiguration de l’union dont ils espéraient qu’elle rassemblerait bientôt les Français catholiques et protestants11. Il y imprima sa savante devise « Assez tôt si assez bien », c’est-à-dire : ce qui est bien fait est fait à temps, maxime de sagesse de Caton l’Ancien reprise par saint Jérôme et volontiers appliquée aux artistes de la Renaissance.

82

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 82

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 83

22/09/2015 12:33


Les dessins d’oiseaux de Pierre Eskrich et Cie et la question des échanges entre Genève et Lyon R O B E R TA J . M . O L S O N

Fig. 37

Pierre Vase/Eskrich, Combattant varié, vers 1548-1555.

Aquarelle, gouache et encre noire, sur papier. Dans Ornithologie de Jacques Dalechamps, manuscrit, 365 fos. H. 44 ; l. 29 cm, fo 167. Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss., Latin 11858

Je remercie Vanessa Selbach pour sa complicité et la traduction de cet essai et Alexandra Mazzitelli qui a compilé les statistiques concernant les aquarelles. Au sujet de Pierre Eskrich, nous renvoyons ici même à l’essai de Vanessa Selbach, p. 82-87. 1. Voir Olson et Mazzitelli 2007 (qui traite en outre d’un quatrième projet du XVIIIe siècle avec quatre aquarelles d’Eleazar Albin) ; Van den Abeele 2002. 2. Olson et Mazzitelli 2007, fig. 12, 19, 25, 27, 29, 31 (N-YHS, inv. 1889.10.2.55, 1889.10.3.2, 1889.10.3.5, 1889.10.3.6, 1889.10.3.12, 1889.10.3.47). 3. Bâle, Universitätsbibliothek Basel, Ms. K I 1. Voir Sackmann 1991 ; Springer et Kinzelbach 2009 ; Egmond 2013. 4. Lownes 1940 ; Godine et Gingerich 1970, no 18, n. p. ; Welch 1972.

La présentation dans cette exposition de treize extraordinaires « portraits » d’oiseaux ainsi que d’un recueil d’aquarelles ornithologiques offre une occasion unique de documenter l’une des entreprises de recherche scientifique les plus complexes et les plus avancées menées au XVIe siècle au sein des cercles humanistes de Lyon et de Genève. Les premiers sont issus de quatre albums conservés à la New-York Historical Society (cat. 88-100) ; quant au recueil d’aquarelles ornithologiques exécutées par un certain nombre d’artistes parmi lesquels Pierre Vase, alias Cruche, également connu sous le nom d’Eskrich, il est conservé à la Bibliothèque nationale de France (voir cat. 87). Ces aquarelles d’oiseaux appartiennent en effet à un ensemble vaste quoique fragmentaire qui permet de reconstituer un chapitre manquant de l’histoire de l’illustration scientifique et ornithologique. L’histoire de ces rarae aves et l’examen de leurs filigranes montrent que les deux cités n’ont cessé d’entretenir des relations à la faveur d’un projet mettant en jeu un réseau particulièrement dense d’artistes et de naturalistes désireux de cataloguer les phénomènes de la nature, autant d’efforts encouragés par l’esprit de liberté qui habitait alors les milieux réformés. Elle jette aussi des lumières sur la situation politique et religieuse tumultueuse qui était celle de l’Europe à la Renaissance. Le premier groupe d’aquarelles, au nombre de huit cents environ, met en relation quatre recueils de provenance anglaise, conservés à la New-York Historical Society (N-YHS, cat. 88-100) – et constitués majoritairement de deux cent quatorze feuilles d’oiseaux, dont cinq présentés par paires, et d’une feuille de chauve-souris – et deux recueils de la Bibliothèque nationale de France (BnF, cat. 87) – cinq cent quatre-vingt-sept aquarelles dont une de chauve-souris – dont l’origine remonte à un personnage central de cette entreprise, le médecin et naturaliste Jacques Dalechamps (cat. 86). Ces feuilles correspondent à deux projets de recherche datant du XVIe siècle et à une partie d’un troisième1. Toutes les aquarelles du

projet initial ou apparenté, sauf une (fig. 37), sont issues des recueils de la N-YHS. Certaines de ces œuvres très en avance sur leur temps sont antérieures aux premiers traités ornithologiques illustrés, publiés en 1555 : L’ histoire de la nature des oyseaux de Pierre Belon et le Quid est de avium natura de Conrad Gesner, qui fait partie de son Historia animalium. Le second projet, représenté par des aquarelles de la N-YHS et par d’autres de la BnF, a débuté après la publication de ces traités, s’est poursuivi tard dans le XVIe siècle et a impliqué Dalechamps. Il comporte un certain nombre de versions et de copies (de deux à quatre) du même oiseau (fig. 39-41), toutes destinées à être envoyées à des confrères occupés à étudier et répertorier les espèces d’oiseaux. Des inscriptions figurant sur quatorze des feuilles de la BnF situent leur exécution entre 1559 et 1581 pour la plus tardive d’entre elles. Le troisième projet du groupe de la N-YHS se rapporte au traité de Gesner : six œuvres lui sont associées, dont cinq modèles pour ses bois gravés2 (cat. 97 et 98). Jusque là, seuls dix-huit modèles destinés à Gesner et provenant de la collection du médecin Félix Platter avaient été identifiés dans la bibliothèque de l’université de Bâle 3 . Pour la première fois, un lien a pu être établi entre les huit cents feuilles de la N-YHS et de la BnF et deux ensembles inédits d’aquarelles autrefois réunis, ce qui porte le total à environ un millier. Le premier de ces deux ensembles, conservé à la Middleton Collection de l’université de Nottingham (Angleterre), consiste en un minimum de quatre-vingt-cinq feuilles qui sont des copies ou des dérivations des oiseaux de la N-YHS et de la BnF. Le second, qui se trouve dans la collection Albert E. Lownes de la bibliothèque Hay de l’université Brown à Providence (Rhode Island), comprend quelque cent cinq feuilles en relation avec le second projet. Tous deux appartenaient aux spécialistes d’histoire naturelle Francis Willughby et John Ray4 . L’existence de ces versions et de ces copies supplémentaires (fig. 39-41), non seulement confirme le caractère complexe de ce

88

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 88

22/09/2015 12:33


01-Renaissance Lyon p014-135.indd 89

22/09/2015 12:33


Les dessins d ’oiseaux de Pierre Eskrich et Cie et la question des échanges entre Genève et Lyon

93

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 93

22/09/2015 12:33


Les dessins d ’oiseaux de Pierre Eskrich et Cie et la question des échanges entre Genève et Lyon

97

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 97

22/09/2015 12:33


Lyon, capitale de l’imprimerie

cat. 39 Marque à la salamandre de la famille Senneton, 1552

Gravure sur bois, impression en deux couleurs. Feuille : H. 11 ; l. 14 cm Lyon, musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, inv. 1840

cat. 40 (voir fig. 7)

Graveur Lyonnais (?) Portrait de Sébastien Gryphe et marque au griffon, 1556

Burin. Cuvette : H. 16 ; l. 11 cm Une signature [non déchiffrable] apparaît sous les tailles dans l’angle inférieur gauche : … Fec Lyon, musée de l’Imprimerie et de la Communication graphique, inv. 382

98

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 98

22/09/2015 12:33


Lyon, capitale de l’imprimerie

cat. 52

cat. 53

Jean Crespin (1520-1572) Actes des martyrs […]

Paolo Giovo (1483-1552) Histoires sur les choses faictes et avenues de son temps, tome I

Genève, Jean Crespin, 1565 Livre imprimé, in-2o, H. 33,5 ; l. 21 ; ép. 6,5 cm, 1 104 p. ; ex. réglé Reliure en maroquin brun à panneau central de veau blanc, décor de fers dorés, Genève, atelier du relieur genevois du Roi, vers 1565-1570 Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. H 153

Lyon, Guillaume Rouillé, 1558 Livre imprimé, in-2o, H. 35 ; l. 23 ; ép. 5 cm, 604 p. ; ex. réglé Reliure en veau roux aux armes peintes et au nom de Denonville, à décor de plaquettes et fers dorés à rehauts peints, Lyon, atelier non identifié, vers 1558 Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. K 16

101

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 101

22/09/2015 12:33


Lyon, capitale de l’imprimerie

60.

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 105

105

22/09/2015 12:33


Humanismes lyonnais

cat. 62

Maître JG (connu à Lyon vers 1520) Le Massacre des Innocents

Plume, encre brune, lavis brun. H. 21 ; l. 32 cm Paris, Bibliothèque nationale de France, Est. Rés. B6a

106

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 106

22/09/2015 12:33


le milieu antiquaire

cat. 65

La Table claudienne, art romain, après 48 après J.-C.

Moitié inférieure d’une table divisée en deux colonnes de texte, brisée en deux morceaux, d’où l’appellation erronée de « Tables claudiennes » Fonte à cire perdue, reprise à froid au burin. H. 139 ; l. 193 (moitié g. : 93 cm ; moitié dr. : 100 cm) ; ép. 0,8 ; H. lettres : 2 cm Prov. : Découverte sur les pentes de la colline de la Croix-Rousse en 1528 Lyon, Musée gallo-romain de Lyon Fourvière, inv. AD 12

108

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 108

22/09/2015 12:34


Pierre Sala

cat. 66

Épitaphe de Claudius Rufinus, ie-iie siècle après J.-C.

Autel, calcaire dur. H. 90 ; l. 40 ; ép. 43 cm Lyon, Musée gallo-romain de Lyon Fourvière, inv. AD 290 Voir ici même fig. 24, le dessin de Pierre Sala dans Antiquités de Lyon

109

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 109

22/09/2015 12:34


Humanismes lyonnais

cat. 67 Lyon, Étui du Petit livre d’amour ou Énigmes […], vers 1500 Bois recouvert de cuir vert, doré et gravé. H. 13,3 ; l. 11,1 cm Londres, The British Library, Stowe 955

110

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 110

22/09/2015 12:34


Le milieu antiquaire

cat. 68

Jean Perréal (connu à Lyon à partir de 1483 – Paris ?, 1530) Portrait de Pierre Sala, vers 1500 Enluminure sur parchemin dans Pierre Sala, Petit Livre d’amour, manuscrit sur parchemin et papier, H. 13 ; l. 9,5 cm, 35 fos Londres, The British Library, Stowe 955

111

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 111

22/09/2015 12:34


Les sciences à Lyon Les traités

cat. 84

Guillaume Rondelet (1507-1566)

Libri de piscibus marinis

Lyon, Matthias Bonhomme, 1554 Imprimé, in-2o, H. 34,4 ; l. 25,2 ; ép. 8,2 cm, 583 p. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 21217 Ouvert à la page 419 : Georges Reverdy ou Pierre Eskrich (?), Poisson globe, gravure sur bois

118

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 118

22/09/2015 12:34


cat. 85

Jacques Dalechamps (1513-1588) De l’histoire générale des plantes

Lyon, héritiers de Guillaume Rouillé, 1615 Imprimé, in-2o, H. 39 ; l. 25,6 ; ép. 8,3 cm, t. 1, 960 p. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 26975 Ouvert aux pages 416-417 : Pierre Eskrich, Graminacées, 1585-1586, gravure sur bois

119

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 119

22/09/2015 12:34


Humanismes lyonnais

cat. 86

cat. 87

Pierre Eskrich Portrait de Jacques Dalechamps

Artiste anonyme Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), après 1555-1556

Gravure sur bois. Feuille : H. 17, L. 11 cm Dans Jacques Dalechamps, La Chirurgie françoise, Lyon, Guillaume Rouillé, 1570, imprimé, in-12, ép. 5,5 cm, 933 p. Paris, Bibliothèque nationale de France, Rés. P-T-76

Aquarelle, plume encre noire et brune, gouache et blanc de plomb, sur papier vergé ivoire Inscriptions de Jacques Dalechamps à la plume et encre brune en haut à gauche : 0. 142. 139, et au centre : . Pipra muraria / . pic de muraille. Dans Album ornithologique, manuscrit, in-8o, H. 44 ; l. 31,5 ; ép. 8 cm, fol. 97 Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss., Lat. 11859

120

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 120

22/09/2015 12:34


91.

123

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 123

22/09/2015 12:34


Instruments de mesure

cat. 101

Pontus de Tyard (1521-1605) Solitaire second ou Prose musicale

Lyon, Jean de Tournes, 1555 Imprimé, in-4o, H. 23,2 ; l. 15,5 ; ép. 1,5 cm, 160 p. Lyon, collection particulière Ouvert au folio 161 : Monocorde.

cat. 102

Michel de Nostredame, dit Nostradamus (1503-1566) Pronostication nouvelle et prediction portenteuse pour Lan M. D. LV […] Lyon, Jean Brotot, 1554

Imprimé, in-8o, H. 16 ; l. 11,3 ; ép. 0,5 cm, 32 p. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, B 512544 Ouvert au frontispice

cat. 103

Jacques Focard Paraphrase de l’astrolabe

Lyon, Jean de Tournes, 1555 Imprimé, in-8o, H. 16,8 ; l. 12 cm, 192 p. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. B 488428 Ouverture aux pages 110-111 : « Pour sçauoir la haulteur d’vne Tour ou autre chose, par l’vmbre d’icelle. »

130

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 130

22/09/2015 12:34


Humanismes lyonnais

105.

cat. 105

Jean Naze Horloge astrolabique circulaire, vers 1554-1581 Laiton gravé et doré, argent. H. 7,3 ; D. 10,2 cm

Signé sur le fond de la boîte : I. NAZE, dans un cartouche orné d’une fleur de lys

Écouen, Musée national de la Renaissance – château d’Écouen, inv. E.Cl. 2162

cat. 106

Noël Dauville (actif à Lyon entre 1529 et 1546) Horloge de table, 1544 Laiton ciselé et gravé, bronze doré, bois. H. 13 ; D. 9,7 cm Inscription : « N. DAVVILLE » et 1544 (sur le socle) Furtwangen, Deutsches Uhrenmuseum, inv. K-1296

cat. 107

Jean Naze Horloge astronomique avec sphère céleste mécanique, 1550 ( ?) Laiton doré ciselé et gravé, bronze doré, fer, argent. H. 32,2 ; l. 8,3 ; D. globe 13 cm Inscription : I. NAZE ALION D L CORDELIERS Cassel, Museumslandschaft Hessen Kassel, Astronomisch-Physikalisches Kabinet, inv. APK U 45

132

01-Renaissance Lyon p014-135.indd 132

22/09/2015 12:34


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 136

22/09/2015 12:37


Figures de Lyon

Corneille de Lyon, Homme au béret noir tenant une paire de gants, vers 1535 (cat. 147, détail)

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 137

22/09/2015 12:37


Les séjours et les entrées de la Cour à Lyon

TA N I A L É V Y

Fig. 42

La Nef du cerf volant, un navire à l’antique sur la Saône tiré par un cerf ailé.

Dans L’entrée de François Premier à Lyon, 1515 ou peu après, manuscrit enluminé sur parchemin, 1 + 40 + 1 fos, fos 7 vo – 8. H. 32 ; l. 21,8 cm. Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Cod. Guelf. 86.4 Extrav.

1. Boitel 1838, II, p. 461. 2. Laborde 1850, I, p. 174-178. 3. Blanchard 2003.

La période des alentours de 1500 et de la première moitié du XVIe siècle est marquée à Lyon par les séjours de plus en plus longs des monarques français, même si la ville entretient depuis plusieurs décennies des rapports étroits avec l’administration royale. Louis XI, auquel la ville est restée fidèle pendant la Ligue du Bien public, joue un rôle important en lui accordant une quatrième foire en 1463, dès le début de son règne (1461-1483). Il est en revanche peu présent sur les bords de Saône et ne fait sa première entrée dans la ville qu’en 1476. Quant à Charles VIII, Louis XII et François Ier, ils consacrent Lyon comme seconde capitale politique, et Henri II y fait sa première entrée en 1548, avant même celle de Paris un an plus tard. Transformée en point de départ – et de retour – des expéditions militaires italiennes dès 1494, la ville accueille aussi ponctuellement la régence du royaume, notamment du temps de François Ier. Ces séjours plus ou moins prolongés (de quelques semaines à plusieurs mois) sont inaugurés par des célébrations de grande envergure, les entrées. L’une des caractéristiques de Lyon est qu’elle organise également des entrées secondaires, particulièrement au retour des guerres d’Italie. Toutes ces occasions mobilisent les artistes et la ville entière, puisqu’il faut réunir des fonds et préparer décors, costumes, histoires et parcours. Les rois à Lyon Les souverains résident donc volontiers sur les bords de Saône. Pourtant, ils n’ont pas de logement véritablement attitré lors de leurs séjours et demeurent par exemple chez des particuliers liés à la Cour. Une fois marié, Charles VIII, suivant l’exemple de ses successeurs, fixe son lieu de villégiature au palais archiépiscopal – le plus souvent – ou dans un établissement ecclésiastique, comme le fit Louise de Savoie à SaintJust durant ses régences1. Si les informations sur ces lieux et sur les embellissements que les rois ont pu y apporter demeurent minces, l’on sait toutefois que ces séjours étaient pour eux l’occasion de faire des achats, surtout lors des foires. René d’Anjou s’y procure par exemple du parchemin, un tableau ou encore du verre.

Toutefois, les commandes royales demeurent rares. La seule véritablement identifiée est celle passée aux peintres Jean Prévost et Pierre de Paix, en 1494 : Charles VIII leur confie l’exécution de cinq bannières pour un navire militaire. Les Lyonnais ne sont pas les seuls à travailler en prévision des festivités : le peintre en titre du roi, Jean Bourdichon, est également payé pour avoir peint l’image de Notre-Dame sur trois autres étendards et les armes d’Orléans et de Milan sur huit bannières supplémentaires2. Les œuvres commandées à Jean Prévost et Pierre d’Aubenas se révèlent être des réalisations éphémères, et bien modestes au regard de celles du peintre en titre. Les entrées royales Une entrée royale, pour la définir en quelques mots, est la cérémonie organisée par le pouvoir local à l’occasion de la visite du souverain. Elle se compose de plusieurs moments immuables : l’accueil par les consuls hors des limites de la ville, la remise des clés, parfois mise en scène, le cortège dans les rues, la représentation (dans des lieux précisément choisis) d’histoires, de mystères, de joyeusetés ou de tableaux vivants et l’aboutissement de la procession à la cathédrale. L’un des éléments clés de l’événement, souligné par de récents travaux d’historiens3, est la notion de réciprocité, de dialogue entre la ville et le souverain. Il s’agit en effet d’une cérémonie à la gloire du roi, mais également de la ville, souvent mise en scène et exaltée par les décors et les histoires. L’entrée s’organise donc autour de la personne accueillie et autour de la cité elle-même. L’élément religieux tient lui aussi une place prépondérante dans ce dispositif. La forme même de cette cérémonie fait référence à la Fête-Dieu, notamment grâce à la présence du dais porté au-dessus du roi. En outre, la procession qui conduit l’hôte de la porte de la cité à la cathédrale emprunte beaucoup aux processions religieuses qui émaillent le calendrier des citadins de la fin du XVe siècle. Les entrées les plus anciennes présentent d’ailleurs uniquement des scènes hagiographiques ou bibliques, comme par exemple en 1476, lors de la première venue de Louis XI à Lyon. À l’occasion

138

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 138

22/09/2015 12:37


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 139

22/09/2015 12:37


« Des petits portraits au naturel, qu’on nomme cornilla » CÉCILE SCAILLIÉREZ

Fig. 48

Corneille de Lyon, Pierre Aymeric, 1534.

Huile sur bois (noyer). H. 16,5 ; l. 14,2 ; ep. 0,4 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, INV 1976-15 (voir cat. 146)

1. Beaulieu 1544. Le rondeau se porsuit avec ces vers : « Bref, ce qu’il painct monstre ung incarnatif / Qu’on diroit chair […] ». 2. Dubois de Groër 1996, p. 39 (les numéros de catalogue issus de cet ouvrage seront abrégés en DdG). 3. Scudéry 1646 : « Un Portrait de la main de Corneille de Lyon. Ce peintre d’un mignard pinceau / a fait des merveilles étranges ; Jamais un si petit tableau / N’avait pu mériter de si grande louange ». Ce texte précède immédiatement le dernier poème du recueil, qui est consacré au Portrait de Ronsard par Janet [François Clouet]. 4. Vienne, Albertina, Inv. 82802 : Dubois de Groër 1996, p. 266. 5. Ibid., p. 39-40. 6. Rondot 1888a. 7. Audin et Vial 1918. 8. Dubois de Groër 1996. 9. Le fait est relaté dans Borghini 1584, p. 579. La date n’est pas précisée mais déduite. 10. Dubois de Groër 1996, p. 17, 89 et p. 100 note 25.

Corneille de Lyon : réputation et documents La connaissance de l’œuvre de Corneille s’est longtemps appuyée sur les témoignages précoces, rares mais concordants, de la réputation qu’il avait acquise dans l’art du portrait, genre qu’il semble avoir exclusivement pratiqué. Dès 1536-1537, Eustorg de Beaulieu, poète alors au service de Pomponne de Trivulce, gouverneur de Lyon, insistait en effet, dans son Rondeau 68 « à la louange d’un painctre de Flandre », sur la vivacité de ses portraits : « Pour bien tirer un personnage au vif / Ung painctre dict. Cornylle est aloué / Et de plusieurs estimé et loué / N’avoir en France aucun comparatif […]1. » Un peu plus tard, le neveu de l’ambassadeur de Venise en France, Giovanni Capello, de passage à Lyon en 1551, frappé par « molti quadretti naturalissima mente espresso » qu’il avait vus chez le peintre2, soulignait l’une des grandes originalités de ses portraits, leur très petite taille, et c’est ce caractère qui s’imposa au siècle suivant. George de Scudéry, évoquant dans son Cabinet fictif Un Portrait de la main de Corneille de Lyon, concluait : « Jamais un si petit tableau / N’avait pu mériter de si grande louange 3 » ; et l’annotateur d’un portrait dessiné représentant Corneille conservé à l’Albertina à Vienne 4 en était suffisamment averti pour désigner le peintre « Corneille de Laye Flament qui excelloit à faire des petits portraits au naturel, quon nomment Cornilla », indiquant ainsi que sa pratique du petit portrait avait abouti à un véritable genre. On doit enfin rappeler que le témoignage de l’ambassadeur vénitien cité plus haut, comme celui de Brantôme relatant quelques années plus tard une visite que Catherine de Médicis avait faite chez Corneille, sans doute en 1564, en compagnie de Jacques de Savoie, duc de Nemours, alors gouverneur de Lyon5, signalent dans la maison du peintre une « grand-chambre » emplie d’une quantité de ces petits portraits figurant des personnages de la Cour. On n’a guère de mention d’un tel « décor » ou « accrochage » chez d’autres peintres de l’époque et ce détail confirme une conception sérielle du portrait. Il laisse imaginer que Corneille présentait cette « grand-chambre » au visiteur – et client – comme catalogue de modèles et

modèle de ces cabinets de portraits qui se répandirent en Europe au milieu du XVIe siècle. Ce n’est que plus tard que les recherches dans les archives lyonnaises apportèrent à cette réputation des fondements historiques précis. Entreprises par Natalis Rondot6, complétées par Marius Audin et Eugène Vial7 et plus récemment par Anne Dubois de Groër, auteur de la première monographie sur l’artiste 8, elles permettent de retracer le profil de ce peintre originaire de La Haye en Hollande et mort à Lyon en 1575, à l’exception de sa jeunesse, encore plongée dans l’ombre. Rien ne permet en effet de savoir si c’est à La Haye qu’il apprit son art, aucune relation n’étant établie avec les peintres alors présents dans les Pays-Bas septentrionaux. Sa date de naissance n’est pas davantage connue. Mentionné pour la première fois en 1533 alors qu’il était déjà établi à Lyon, Corneille naquit vraisemblablement avec le siècle ou peu après, se forma autour de 1520-1525, soit en Hollande, soit en Flandre sur le chemin qui devait le mener à Lyon, soit à Lyon. La question de la genèse de son style si original est par conséquent l’une des plus ouvertes de l’étude de son œuvre. La première mention connue de l’artiste émane en tout cas du journal de son compatriote, le poète utrechtois Jean Second, de passage à Lyon en 1533, qui assista avec lui les 19 et 20 juin aux divertissements donnés pour l’entrée de la reine Éléonore dans la ville (cat. 118). Deux documents ultérieurs attestent que Corneille, toujours désigné comme de La Haye, ou plus rarement, « flamand », resta lié à l’importante « nation » des Flamands implantés à Lyon et conserva des attaches avec sa culture d’origine : d’une part il accueillit dans son atelier, pendant six mois, vers 1545-1547, le peintre brugeois en route pour l’Italie, Jan van der Straet (Stradanus) 9, et de l’autre il reçut procuration, le 13 septembre 1565, d’un confrère originaire de la Haye, « Jacques Guillaume de la Haye en Ollande demeurant à Lyon », pour recouvrer vingt-deux écus que devait à celui-ci François Montper, « peintre natif d’Anvers » – ce qui laisse même supposer que ce fut à l’occasion d’un voyage de Corneille aux Pays-Bas que cette mission lui fut confiée10.

144

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 144

22/09/2015 12:37


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 145

22/09/2015 12:37


L’art de la médaille à Lyon : une renaissance tardive mais profonde FRANÇOIS PLANET

Fig. 56

Jean de Candida (école de), Médaille biface : Robert Briçonet, président de la chambre des Enquêtes du parlement de Paris, vers 1488-1493.

Fonte postérieure, bronze. D. 5,93 cm ; poids 84,43 g. Lyon, musée des Beaux-Arts

Fig. 57

Michel Collombe et Jean Chapillon (attribuée à), Médaille uniface : Louis XII, roi de France, vers 1499. Fonte originale, bronze. D. 3,48 cm ; poids 15,45 g. Lyon, musée des Beaux-Arts

L’auteur adresse ses remerciements à Zoé Courdier pour sa collaboration. 1. Pastoureau 1982 ; Pastoureau 1988. 2. Tricou 1958, p. 5-6.

L’art de la médaille remonte à la Renaissance italienne. En 1438, lors du concile de Ferrare, le pape Eugène IV demande à Antonio di Puccio Pisano, dit Pisanello, d’imaginer pour l’empereur de Byzance Jean VIII Paléologue un nouveau support artistique valorisant au mieux l’allié de toujours, venu signer une alliance contre les Turcs. La médaille, telle que nous l’entendons depuis, est officiellement née. Au droit figure le portrait du commanditaire accompagné de ses noms et titres. Au revers, son emblème personnel ou une allégorie renvoyant à ses vertus illustrent sa devise1. Sur les deux faces d’un même disque de métal, ce que l’on est s’associe à ce que l’on voudrait être, voire à ce que l’on voudrait que le monde soit. Immédiatement admirées de tous, les médailles vont aussitôt devenir des objets à la mode, un luxe obligé. Hommes politiques ou hommes de guerre, savants, bourgeois ou même ecclésiastiques et courtisanes, commandent aux meilleurs médailleurs de leur temps leur « portrait métallique ». C’est à l’occasion du retour en France des rois à la suite des guerres d’Italie que les premières véritables médailles françaises sont frappées ou coulées, à Lyon en 1493-1494 et 1499-1500 et à Tours en 1501. À Lyon, il s’agissait d’offrir aux rois, Charles VIII (cat. 124) puis Louis XII, et à la reine Anne de Bretagne (cat. 125), des présents comparables à ceux qu’ils avaient pu découvrir ou recevoir audelà des Alpes. Les premières médailles lyonnaises surprennent tant par leur qualité artistique que par leur originalité : le roi et la reine sont mis sur un pied d’égalité, chacun occupant pleinement une face. Paradoxalement, l’utilisation de lettres gothiques dans les légendes ainsi que d’éléments héraldiques tels les fleurs de lis ou les hermines dans le décor inscrit ces productions à mi-chemin entre un art médiéval hiératique finissant et une expression artistique nouvelle, maintenant orientée vers la personne et non plus seulement vers la fonction de cette dernière2. Frappée à l’occasion de sa visite à Tours en 1501, la médaille de Louis XII fait clairement référence à la victoire française dans le Milanais puisque le souverain porte le titre

de roi de France ainsi que celui de duc de Milan. Son portrait, remarquablement exécuté par Jean Chapillon, est dû au sculpteur Michel Colombes, qui reçut un écu d’or pour le dessin des coins (fig. 57). Au revers figure un porc-épic, symbole personnel de Louis XII. Nous retrouvons cet emblème propre aux Orléans sur les traditionnels écus d’or du roi, ce qui permet de les distinguer de ceux de ses prédécesseurs. La tradition italienne ne se limite pas aux villes où séjourne la cour royale mais s’établit également dans les cours princières périphériques. L’exemple savoyard autant que l’épisode napolitain de Robert d’Anjou ont eu pour conséquence le recrutement de graveurs qui produisent des médailles en Bourgogne et en Dombes, à la cour d’Anjou-Lorraine-Provence puis au plus près du roi et de ses proches. La médaille française peut également revendiquer une seconde filiation, celle de la monnaie médiévale. Les premières « médailles » frappées en France sont plus anciennes et remontent aux années 1455-1480. Elles sont en or et ressemblent à de grosses pièces de monnaie. Les nommer « médaillons », par analogie avec les multiples d’or frappés sous le Bas-Empire romain, serait plus approprié. La plus célèbre d’entre elles, conservée au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France, remonte à Charles VII. Elle est appelée « calaisienne » par ses origines, pèse 112,72 g et figure le roi assis en majesté au droit et à cheval au revers. Frappés de 1451 à 1460, ces médaillons sont destinés à la Cour et renvoient aux événements marquants de l’époque. En cela, ce sont véritablement des médailles. En revanche, leur iconographie, la composition même de l’image véhiculée ou la graphie et le contenu de la légende monétaire restent profondément médiévaux. Les deux faces montrent toujours des représentations stéréotypées du souverain et ne mettent pas en avant sa personnalité. Elles sont empruntées à l’ancien lexique sigillographique mais rappellent surtout des monnaies anciennes et réputées : la masse d’or de Philippe IV le Bel et le franc à cheval de Jean II le Bon par exemple pour la « calaisienne ». Parfois

154

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 154

22/09/2015 12:37


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 155

22/09/2015 12:37


Le portrait gravé à Lyon au xvie siècle

E S T E L L E L E U T R AT

Fig. 60

Anonyme lyonnais, Portrait d’Antoine du Verdier, 1567.

Gravure sur bois. H. 151 ; l. 129 cm. Dans Antoine du Verdier, La prosopographie ou Description des personnages insignes […],Lyon, Antoine Gryphius, 1573, in-4 o (feuille : 22,4 cm), 520 p., f. [n.p.] *2r. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 320028

1. Voir Pommier 2011. 2. Meyer 1997. 3. Le portrait est anonyme (H. 15 ; l. 13 cm). Du Verdier 1573. Voir Audin 1909, p. 87-88 ; Bourgeaux, Jarry et Renaudin 2005, p. 56-57, 68 et 70-71. 4. Longeon 1975, p. 74. 5. Voir ici même l’essai de Vanessa Selbach, p. 82-87. Selbach 2014.

À l’évocation du portrait gravé en France au XVIe siècle, les noms des burinistes parisiens Jean Rabel, Thomas de Leu ou Léonard Gaultier s’imposent, de même que celui de Jacques Fornazeris, Italien actif à Lyon dont la carrière a été récemment mise en lumière1. Tous exerçaient dans les dernières décennies du siècle et si Fornazeris, du fait de ses origines, était marqué par l’art ultramontain, les autres mirent au point un style et une technique hérités des Flandres, qui allaient constituer les fondements du portrait gravé tel qu’il s’épanouirait au Grand Siècle2. Ce serait néanmoins oublier qu’avant la domination de la gravure sur cuivre, le bois était hégémonique et que le genre du portrait avait déjà toute sa place au sein du livre illustré. La renommée de Lyon dans le domaine de l’imprimerie, non seulement en France mais dans l’Europe entière, en faisait tout naturellement un lieu privilégié pour le développement du portrait gravé. Alors qu’en Allemagne ou en Italie, dès la fin du XVe siècle, celui-ci apparaît comme un instrument de promotion de l’image politique, le plus souvent dans des estampes en feuilles volantes, en France, avant Henri II et surtout Henri III, le portrait gravé se retrouve pour l’essentiel dans les recueils retraçant la généalogie des rois de France, à l’instar de celui de l’Epitome des gestes des cinquante huict roys de France publié à Lyon par Balthazar Arnoullet en 1546 (cat. 128). Au XVIe siècle, hormis les recueils d’hommes illustres dans la tradition de Plutarque, composés d’une succession de petits médaillons inspirés des médailles antiques (cat. 127), le portrait gravé sur bois plus ambitieux, de dimensions plus imposantes, fleurit avant tout en ouverture du livre (cat. 86 et peut-être cat. 40 ; fig. 7), peu après la page de titre, et représente l’auteur de l’ouvrage généralement en buste dans un dispositif en pleine page ou suivi de quelques vers à sa louange. La présence d’un portrait n’est pas anodine, elle répond à des exigences précises qu’il est souvent difficile de retracer aujourd’hui, faute de documents. Néanmoins, l’étude d’un cas particulier, celui du célèbre bibliographe Antoine du Verdier, dont on connaît trois représentations exécutées de son

vivant, permettra d’esquisser les principales caractéristiques du portrait gravé à Lyon au XVIe siècle, les mécanismes de sa commande et les attentes qu’il suscitait. Le premier portrait répertorié d’Antoine du Verdier porte la date de 1567 (fig. 60), mais paraît seulement en 1573 en tête de la Prosopographie éditée à Lyon par Antoine Gryphius, le fils du grand imprimeur 3. En 1567, lorsqu’il remet son manuscrit à l’éditeur, l’auteur est âgé de vingt-deux ans et, malgré sa jeunesse, présente déjà un parcours riche et prometteur. Né dans le Forez, sans doute à Montbrison en 1544, il suit vers l’âge de seize ans le cardinal Du Bellay à Rome, où il séjourne autour de 1560, puis, à son retour en France, s’engage vers 1562 comme homme d’armes dans la compagnie de Guillaume de Gadagne, sénéchal de Lyon, mais aussi protecteur des arts et des lettres 4. Sans doute initié dans la ville italienne au goût de l’histoire et de la littérature, Du Verdier regagne la France avec un goût prononcé pour l’étude et l’écriture. C’est ainsi qu’il rédige à l’âge de vingt ans, nous apprend-il dans l’épître au lecteur, la Prosopographie, soit la « description des personnes insignes ». Alors qu’il entame tout juste sa carrière d’homme de lettres, il choisit d’introduire son portrait en pièce liminaire à son texte et lui accorde la plus grande attention, conscient, nous le verrons, de l’importance que revêt une telle représentation. Comme souvent, le portrait doit exalter les vertus du personnage, et ici, tout est organisé autour de la devise de l’auteur : Et Marti, Et Minervæ, double allusion à ses fonctions d’homme de guerre et de lettré. L’effigie prend place au centre d’un dispositif visuel tout à la fois simple, efficace et élégant, formé d’un encadrement architecturé, structuré avec rigueur, composé de motifs hérités du vocabulaire ornemental bellifontain, tels des cuirs enroulés, des mufles de lion, des guirlandes de fruits et de fleurs et des trophées. La partie gauche est réservée à l’évocation guerrière, avec le personnage de Mars brandissant l’épée et, audessus, un scorpion associé au dieu planétaire et à la puissance. À droite, Minerve, symbole du savoir et des sciences, dont les attributs en

160

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 160

22/09/2015 12:37


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 161

22/09/2015 12:37


La Cour à Lyon : origines mythiques, séjours et entrées

cat. 110

Manufacture d’Arras (?) Galathès, fils d’Hercule, 11e roi des Gaules, et Lugdus, fondateur de Lyon, troisième pièce de la tenture de l’Histoire des Gaules, vers 1530

Tapisserie sur métier : laine, lin. H. 212 ; l. 538 cm. Carton sans doute exécuté à Paris vers 1530 Prov. : Offerte par Nicolas d’Argillières en 1561 Beauvais, cathédrale Saint-Pierre, trésor MH : classement en date du 25 février 1899 Propriété de l’État

166

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 166

22/09/2015 12:37


167

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 167

22/09/2015 12:37


Figures de Lyon

cat. 111

Jean d’Auton (?) [vers 1466-1527] Les Alarmes de Mars sur le voyage de Milan, avec la conqueste et entree d’icelle Lyon, vers 1500

Enluminé par le Maître des Alarmes de Mars Parchemin, H. 30 ; l. 21,5 ; ép. 3 cm, A-D + 54 fos Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Français 5089 Ouvert au folio Dv : Maître des Alarmes de Mars, Mars sur son char aux côtés de l’armée française aux couleurs de Louis XII, enluminure

168

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 168

22/09/2015 12:37


Figures de Lyon

cat. 115

Anne de Bretagne et Charles Orland, Vienne (Isère), 1494

Médaille biface, argent coulé et doré, D. 7,41 cm Avers : ET NOVA PROGENIES CELO DIMITTITVR ALTO I494. La reine est assise de face sur un siège large sans dossier. Elle est couronnée et porte un sceptre de la main droite. Elle soutient du bras gauche son fils qui est debout sur une jambe. Le petit Charles Orland porte un dauphin de la main gauche. Le champ est semé à droite de fleurs de lis et à gauche d’hermines Revers : VIENNA CIVITAS SANCTA MARTIRVM SANGVINE DEDICATA. Écu écartelé de France et Dauphiné accosté de deux dauphins, et suspendu à un arbre arraché (l’orme de Vienne) dont les racines coupent la légende Prov. : Collection Pichon Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. X.368

cat. 116 Plat aux armes du Dauphin, Lyon, 2nde moitié du xvie siècle Plat en céramique engobée glaçurée décorée à la barbotine (terre vernissée). H. 5,5 ; D. 35,5 cm Prov. : Découvert lors des fouilles de la place des Terreaux en 1993 (voir aussi p. 235) Lyon, dépôt du SR A

170

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 170

22/09/2015 12:38


Portraits de souverains et de la Cour

121.

cat. 121-123

Jean Perréal Portraits dits de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, Lyon, vers 1490-1495

Diptyque peint sur bois, tirettes de bois, monté autour d’un fragment de livre d’heures (8 fos). H. 22,5 ; l. 14,5 cm (surface peinte : H. 17 ; l. 10,7 cm et H. 18,2 ; l. 10,7 cm) Couvert d’une toile brodée rapportée ; Espagne ou sud-ouest de la France, début du xive siècle Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Latin 1190 cat. 121 Fragment de livre d’heures cat. 122 Portrait dit de Charles VIII

174

cat. 123 Portrait dit d’Anne de Bretagne

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 174

22/09/2015 12:38


122.

123.

175

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 175

22/09/2015 12:38


Portraits de souverains et de la Cour

177

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 177

22/09/2015 12:38


Portraits de souverains et de la Cour

cat. 135

Étienne de Martellange (1540-1603) Portrait d’une femme âgée de vingt-quatre ans, vers 1570

Huile sur bois. H. 22,5 ; l. 16,4 ; ép. 0,5 cm Inscription de l’âge de la jeune femme en haut à gauche : Æ. 24 Grenoble, musée de Grenoble, inv. MG 1767

181

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 181

22/09/2015 12:38


Les Lyonnais

cat. 140 Jean de Talaru, chanoine, Lyon, 1509

Médaille biface, bronze coulé. D. 4,8 cm Avers : D IOHANNES DE TALARV. Son buste à droite coiffé d’un bonnet carré. 1518 au-dessous Revers : ACCELER A VT ERVAS ME. Un ange agenouillé tenant un écu aux armes des Talaru. 1518 à l’exergue Lyon, musée des Beaux-Arts. Provenance et numéro d’inventaire inconnus

cat. 141 Jacques de Vitry, chanoine, Lyon, 1518

Médaille biface, bronze coulé. D. 4,8 cm Avers : D IACOBVS DE VITRI. Son buste à gauche, coiffé d’un bonnet carré. 1518 au-dessous Revers : NON CONFVNDAS ME AB EXPECTACIONE MEA. Un ange emportant au ciel un écu échancré aux armes de Vitry Lyon, musée des Beaux-Arts. Provenance et numéro d’inventaire inconnus

184

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 184

22/09/2015 12:38


Les Lyonnais

191

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 191

22/09/2015 12:38


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 196

22/09/2015 12:38


Influences étr angères

Lyon ?, Plateau d’aiguière : Achille et l’hydre de Lerne (cat. 194, détail)

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 197

22/09/2015 12:38


« Philibert De l’Orme, Lyonnois, architecte »

Y V E S PA U W E L S

Fig. 63

Lyon, cour de l’hôtel Bullioud avec l’aménagement par Philibert De l’Orme, 1536

1. Entre le 3 et le 9 juin. Voir Pérouse de Montclos 1986, p. 16-18. Il est surprenant, voire scandaleux, que la page consacrée par l’encyclopédie Wikipedia à « Lyon à la Renaissance » page consultée le 20 février 2015 ne mentionne pas le nom de De l’Orme. L’architecture n’y est du reste représentée que par deux lignes sur les « vestiges architecturaux »… Sur la vie de Philibert De l’Orme, on se référera à cat. exp. Lyon 1993 et Pérouse de Montclos 2000. Sur l’art de Philibert De l’Orme, voir Pauwels 2002 et 2013. Plus généralement, voir Y. Pauwels et F. Lemerle, Philibert De l’Orme Un architecte dans l’ histoire Arts - Sciences- Techniques, Turnhout, Brepols, sous presse. Toutes les éditions des traités de Philibert De l’Orme sont consultables en ligne sur le site « Architectura » du Centre d’études supérieures de la Renaissance à Tours. 2. De l’Orme 1561. 3. Grodecki 2000, p. 93. 4. Voir Pérouse de Montclos 2000, p. 19-27. 5. Voir Vitruve 1523. 6. Voir Vitruve 1511. Sur les métamorphoses de cette édition, Pagliara 2004 et Lemerle 2015. 7. Cesariano 1521. Voir Lemerle et Pauwels 2013, p. 32 sq. 8. Voir Lemerle 2005, p. 57-60. 9. De l’Orme, Instruction [n. d.], Paris, BnF, ms. 801, coll. Moreau ; voir Berty et Legrand 1868, p. 179-185, en particulier p. 184. L’Instruction a été rééditée par Blunt 1963, p. 168-173. 10. Voir Pauwels 2009 (http://hleno. revues.org/227). 11. En réalité Santo Stefano del Bosco. Voir Lenzo 2015. 12. De l’Orme, Instruction [n. d.], dans Blunt 1963, p. 173 : « et feu Mons. de Langes, Guillaume du Belloy, Mons. le cardinal son frère, me debauchairent du service du pape Paulle, à Rome, où j’estoys, et avoys une belle charge à Sainct-Martin dello Bosco, à la Callabre, et pour revenir en France… ».

Le plus grand des architectes français du XVIe siècle, Philibert De l’Orme, vit le jour à Lyon au mois de juin 15141 ; dans le titre des Nouvelles inventions, traité qu’il publie en 1561, il tient encore à se présenter comme « Lyonnois, Architecte, Conseiller & Aulmonier ordinaire du feu Roy Henry2 ». Cette origine lyonnaise n’est pas sans conséquences sur le destin d’un homme qui, né dans une famille d’entrepreneurs et formé sur les chantiers, allait progressivement acquérir la vaste culture humaniste qui lui permit de métamorphoser l’artisan qu’il aurait pu rester en un « architecte », noble profession que l’Italie renaissante venait de ressusciter avec Brunelleschi à Florence, et, dans son sillage, tous les grands artistes bâtisseurs de Milan, Venise et Rome. Le père de Philibert, Jean De l’Orme, occupait une place non négligeable parmi les maçons d’une ville alors en pleine expansion. À sa mort (avant 1543), il était « maçon juré ès ouvrages de maçonnerie de la ville de Lyon3 », et, sans être très riche, jouissait de revenus assez confortables pour avoir pu se rendre propriétaire de la maison familiale et de deux vignes à la CroixRousse 4. C’est dans ce milieu que Philibert reçut sa première formation, qui l’amena, dès l’âge de quinze ans – c’est du moins ce qu’il dit dans ses Nouvelles inventions – à commander une équipe de plus de trois cents hommes, probablement sur un chantier de fortifications, domaine dans lequel il revendiquera toujours une solide expertise. Il n’a pas dû être insensible à l’effervescence culturelle et humaniste de la cité de Maurice Scève et Pernette du Guillet, où œuvraient alors les meilleurs imprimeurs français. C’est à Lyon que parut en 1523 l’une des premières éditions de Vitruve à voir le jour hors d’Italie5, contrefaçon des éditions florentines des Giunta de 1513 et 15226 auxquelles les héritiers de Balthazar de Gabiano empruntaient une partie de leurs illustrations, une autre étant copiée sur la traduction publiée à Côme en 1521 par Cesare Cesariano7 : les textes de Vitruve étaient bien présents à Lyon dans ces années 1520-1530. Toutefois, le jeune homme n’était sans doute pas capable d’en assimiler les leçons. Il aurait fallu pour cela qu’il sût le latin, et rien ne le

prédisposait alors à un tel apprentissage ; il aurait fallu aussi qu’il eût une expérience directe des ruines antiques, qui, en dépit du prestigieux passé de Lugdunum et des efforts des humanistes tels que Symphorien Champier, Guillaume du Choul ou Pierre Sala, restaient à Lyon très peu lisibles8. Certes, De l’Orme a pu voir dans sa jeunesse celles de Vienne, pousser jusqu’à Orange, Arles ou Nîmes, à la recherche des antiquités galloromaines ; mais rien dans son œuvre n’atteste qu’il s’y soit beaucoup intéressé. En revanche, un apprenti architecte se devait d’aller mesurer les plus prestigieuses ruines, celles de Rome. C’est ce que fit De l’Orme en séjournant dans la Ville éternelle entre 1533 et 1536. Nous sommes assez bien renseignés sur ce « voyage d’études » grâce aux confidences que Philibert a livrées dans le Premier tome de l’Architecture, publié bien des années plus tard, en 1567, et dans l’Instruction de Monsieur d’Yvry dict de l’Orme, mémoire manuscrit conservé à la bibliothèque de l’Institut, qu’il rédigea pour sa défense au moment de sa disgrâce après la mort d’Henri II9. Selon toute vraisemblance, il vint seul à Rome, ce qui n’était pas courant car un tel voyage était fort onéreux pour qui ne faisait pas partie, comme François Rabelais ou Joachim du Bellay, de la suite d’un puissant cardinal. Il y commença, dit-il, à mesurer les ruines avec une telle compétence qu’il attira l’attention de Marcello Cervini, évêque et érudit proche des Farnèse et du pape Paul III, qui devait lui-même devenir pontife l’espace de trois semaines, en 1555, sous le nom de Marcel II10. Cervini lui donna sans doute l’occasion de pénétrer dans le milieu du chantier du palais Farnèse, que dirigeait alors Antonio da Sangallo le Jeune, le prestigieux collaborateur de Raphaël ; il lui procura aussi quelques revenus, si l’on en croit l’Instruction, par un petit bénéfice ecclésiastique à « Saint-Martin dello Bosco », en Calabre11. D’autres rencontres, plus fructueuses pour l’avenir, suivirent : celle du cardinal du Bellay et de son frère Guillaume de Langey, dont Philibert dit qu’ils l’ont « débauché » du service du pape Paul III12. Et, par la même occasion, celle de François Rabelais, qui était à Rome auprès du cardinal entre janvier et avril 1534, puis d’août

198

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 198

22/09/2015 12:38


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 199

22/09/2015 12:38


La nation florentine à Notre-Dame-de-Confort

F E D E R I C A C A R TA

1. Ainsi Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal d’Aragon, décrit-il Lyon dans le célèbre récit de son voyage de 1517-1518 : voir De Beatis, éd. 1913, p. 206-207. 2. « Pare all’uomo entrare improvvisamente in una città d’Italia, e per la maniera delle fabbriche, e per i modi dello vestire e del favellare degli abitanti » (Minucci [1549] 1862, trad. dans Smith 1990, p. 85). Pour d’autres exemples de descriptions d’une « Lyon italienne », voir les études de Marc Smith, en particulier Smith 1993. 3. S’appuyant sur les sources fiscales pour l’année 1571, Richard Gascon compte quarante-deux Florentins, trente-six Milanais, vingt-sept Lucquois et autant de Génois, contre seulement vingt-deux Allemands. Voir Gascon 1971, I, p. 359. 4. La rançon du roi est en effet payée par le Florentin Tommaso Guadagni, dont le nom est francisé en Thomas I er Gadagne. 5. La bibliographie sur la présence des marchands-banquiers florentins à Lyon est très vaste : si l’étude de Gascon 1971 reste fondamentale, voir plus récemment Tognetti 2013. 6. Sur les fuoriusciti, voir Simoncelli 2006. 7. Parmi les signataires de la lettre adressée en 1497 au pape pour la défense de Savonarole, les Florentins résidant à Lyon sont nombreux : Albizzi, Altoviti, Bondelmonti, Bonsi, Capponi, Corbinelli, Da Diacceto, Del Rosso, Gaddi, Gondi, Nasi, Orlandini, Panciatichi, Pitti, Ridolfi, Rucellai, Salviati et Strozzi : voir Dall’Aglio 2006, en particulier p. 90-91. De plus, l’un des principaux disciples de Savonarole, le dominicain Sante Pagnini (1470-1536), passa ses dernières années dans le couvent des Jacobins de Lyon, où il publia en 1527 sa traduction de l’Ancien et du Nouveau Testament. 8. Sur les spécificités des nationes italiennes, voir Petti Balbi 2007, p. 397-423. 9. BAV, Reg. Lat. 1914, Capitoli della natione fiorentina habitante in Lione l’anno 1501, publiés dans Masi 1941. 10. Pour l’histoire de l’édifice, en grande partie du XIIIe siècle, voir Vachet 1895, p. 390-399.

Tant par son commerce que par ses hommes, ses femmes et son aspect, cette ville a un je ne sais quoi de la belle Italie, ce qui la fait juger la plus belle ville de France1. Antonio de Beatis L’idée, commune de nos jours, d’une Lyon « italienne » est présente depuis le XVIe siècle. Que ce soit par la proximité géographique avec la Péninsule ou par le caractère marchand de la ville, la ressemblance de Lyon avec l’Italie a souvent frappé les voyageurs de passage, en dépit de différences remarquables dans le style architectural. En effet, cette « italianisation » peut s’expliquer par la très forte présence des marchands transalpins, qui, depuis l’approbation des privilèges des quatre foires annuelles par Louis XI (voir cat. 6), avaient abandonné Genève pour s’installer à Lyon. Les marchands italiens demeuraient surtout du côté de Fourvière, sur la rive droite de la Saône, dans l’actuel vieux Lyon, si bien que, « passé ce pont, il vous semble entrer soudain dans une ville italienne, eu égard tant à la manière des constructions qu’aux façons de s’habiller et de parler des habitants2 ». Pour la plupart, ils provenaient des grandes villes marchandes de Gênes, Lucques, Milan et Florence 3 ; toutefois, les Florentins l’emportaient par le nombre et la richesse, notamment grâce à l’appui de la Couronne dès la fin de la captivité madrilène de François Ier 4, puis à celui de la reine Catherine de Médicis, elle-même florentine. La Nazione fiorentina Dès le dernier tiers du XVe siècle, la communauté florentine comptait donc de nombreux membres. Dans un premier temps, les marchands arrivèrent de Genève en conservant leur raison sociale initiale – comme ce fut le cas de la banque Médicis, transférée en 1463 –, tandis que d’autres, tels les Gondi, ouvraient de nouvelles filiales liées à l’essor économique de la ville 5. Parfois, le choix de s’installer à Lyon était dicté par des considérations non seulement économiques, mais aussi politiques. En

effet, les partisans de Savonarole ou les opposants aux Médicis choisirent souvent cette ville comme lieu d’exil volontaire et, après la prise de pouvoir de Côme Ier en 1512 et la création du duché, Lyon devint l’un des foyers des fuoriusciti6 , nostalgiques de la libertas républicaine ou également fidèles aux idées de Savonarole7. À l’instar des communautés génoise et lucquoise, les citoyens florentins étaient organisés en « nation », terme qui désigne une association de particuliers, ressortissants d’une même ville, qui se fédéraient afin de poursuivre les mêmes objectifs, en l’occurrence la protection de leurs intérêts commerciaux. Cette association était reconnue par le pouvoir politique tant de la ville d’origine que de celle d’accueil, ce qui permettait à la communauté étrangère d’être administrée par des lois et des magistrats qui lui étaient propres 8. L’organisation de la communauté reposait sur des statuts, auxquels chacun des membres prêtait serment, et sur l’élection annuelle d’un consul, qui était le représentant de la nation auprès de la ville. Dans un premier temps, la nation florentine de Lyon conserva les statuts de celle de Genève – dont elle était directement issue – puis les renouvela en 15019 pour garantir le « vivre civil » et l’honneur de la nation. L’église Notre-Dame-de-Confort Dès les premiers articles de ces statuts, l’importance de la chapelle consacrée au patron de Florence, saint Jean Baptiste, en tant que lieu de réunion et d’autoreprésentation de la communauté, apparaît de manière très nette : tous les membres étaient appelés à contribuer selon leurs revenus aux frais d’entretien de l’édifice et aux dépenses effectuées en vue de la célébration de la fête du saint. Alors que les résidences et l’activité économique des Florentins se concentraient principalement sur la rive droite de la Saône, c’est l’église des frères prêcheurs, Notre-Dame-deConfort10, au cœur de la presqu’île, qui fut choisie par les marchands florentins comme siège de leur vie religieuse et communautaire, mais également comme lieu d’autoreprésentation

204

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 204

22/09/2015 12:38


Fig. 68

Andrea del Sarto, L’A ssomption de la Vierge, dite Assomption Panciatichi, vers 1522.

Huile sur bois. H. 239 ; l. 209 cm. Florence, Palazzo Pitti, inv. 1912 – no 191

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 205

22/09/2015 12:38


Le peintre Tomasi et la majolique historiée lyonnaise CAMILLE LEPRINCE

page de droite et ci-dessus : Fig. 74

Gironimo Tomasi, Plat : Le Bâton d’Aaron changé en serpent, Lyon, 1582. Majolique. D. 41,5 cm. Londres, The British Museum, inv. BEP 1959,0401.1

Fig. 75

Inscription au revers : lla verGa di faraô / in serpentte / 1582 / GTVF / léon (voir cat. 183)

1. D’un point de vue technique, la majolique est une faïence stannifère, c’est-à-dire une pâte argileuse recouverte d’une glaçure rendue opaque et blanche grâce à la présence d’oxyde d’étain dans la composition. On obtient ainsi une surface entièrement blanche permettant la pose d’un décor peint. La majolique italienne se distingue par un aspect particulièrement brillant obtenu grâce à la coperta, une glaçure plombifère ajoutée sur l’émail. Ce n’est pas toujours le cas pour la production exécutée en France. 2. Rondot 1892. L’érudit lyonnais est le premier à avoir étudié les archives citant des potiers italiens installés à Lyon. 3. Le Dr Chompret a publié dans Les Faïences françaises primitives, 1946, des pièces de ces pharmacies. Le classement des types décoratifs qu’il établit fait référence. 4. AML, Actes consulaires de la ville de Lyon, BB 621, fo* ISS-S-i, publié dans La Ferrière-Percy 1862, p. 46.

Devenue à la Renaissance le principal foyer français de fabrication de faïence stannifère de tradition italienne, Lyon tient une place unique dans l’implantation de la majolique1 en France. Le foyer lyonnais se caractérise par des migrations italiennes de « colonies de potiers » plutôt que d’artistes isolés, attirées par la situation économique, culturelle et commerciale de cette ville au carrefour de l’Italie, de l’Allemagne et de la France. Les échevins y avaient mis en place une politique économique libérale permettant de fabriquer et de commercer librement, et favorisée par les foires que le roi Charles VIII avait réhabilitées en 1494. Dans la première moitié du XVIe siècle, on doit aux potiers florentins2 émigrés à Lyon une production pharmaceutique à la manière des majoliques toscanes destinée aux nouvelles pharmacies des hôpitaux de la région3. D’importants témoignages des années 15201530 sont encore aujourd’hui conservés in situ, comme dans la pharmacie de l’hôtel-Dieu de Louhans, où se côtoient faïences hispaniques, italiennes et lyonnaises. Le musée des Hospices civils de Lyon conserve les pièces de pharmacie provenant de l’hôpital de la Charité de la ville. Les décors peints en camaïeu bleu ou en orange, bleu, jaune et vert déclinent les modèles italiens, essentiellement toscans (Florence, Montelupo, Caffagiolo), avec quelques variations : entrelacs géométriques inspirés des décors a tirata italiens, feuilles de vigne à nervures sur le modèle des majoliques toscanes, elles-mêmes inspirées des faïences lustrées de Manisès. La seconde moitié du XVIe siècle constitue une période de transition dans l’histoire de la faïence française. Lyon tient désormais une place centrale, devenue une étape obligatoire pour les potiers génois et ligures venus s’installer en France, notamment à Nevers. En 1556, Sebastiano Griffo, premier potier d’une importante colonie génoise, se voit offrir une exemption d’impôts pour fonder une « manufacture de terre », au motif que « la dicte manufacture est nouvelle en ceste ville et au royaulme de France 4 ». Les frères JeanFrançois et Christofle Pezaro, originaires de Ligurie, revendiquent également l’importation

des techniques de la poterie peinte « à la façon de Venise » et sont établis comme « potier[s] de terre façon de Venize ». À la tête d’un atelier important, Jean François Pézard, nom francisé de Pezaro, fait venir dans les années 1570 des potiers d’Albisola (Ligurie) : Domenico Tardessir puis les frères Seiton, suivis, dans les années 1580, de peintres qui vont marquer l’art de la majolique peinte en France : Giulio Gambino (Jules Gambin) et Gironimo Tomasi (Jérôme Thomas). En 1574, un an après la mort de Christofle Pézard, Dominique Tardessir et Jules Gambin contestent le privilège de Jean François Pézard. Ils demandent une révocation immédiate de ce privilège et obtiennent du roi Henri III l’autorisation de fabriquer librement de la faïence à la « façon de Venise ». Ces immigrés italiens résident principalement dans le quartier Bourneuf, où ils s’associent avec des artisans locaux comme les Courtoyes ou les Atier. La migration des potiers est vraisemblablement liée à la venue en France de puissants verriers d’Altare, petit bourg du haut-Montferrat appartenant au duc de Mantoue, et situé près d’Albisola, auxquels ils s’associent et dont ils reprennent la stratégie commerciale5. Bien que les fours utilisés par les potiers et les verriers soient différents, les matières premières (soude et bois) sont les mêmes. Les verriers sont exemptés de taxe à l’achat et au transport de ces matières, privilège qui profite également aux potiers. Par l’entremise des verriers, notamment de Jacques Sarode (Jacopo Saroldo), les potiers peuvent étendre leur commerce à d’autres marchés, en particulier à Paris6. Sarode reçoit en 1574 des lettres patentes du roi Henri III pour établir un atelier à Lyon, privilège qui lui est à nouveau accordé en 1584 pour un nouvel atelier à Nevers, tout en ayant la possibilité d’écouler sa production de verrerie à Paris7. C’est ainsi que certains verriers d’Altare se sont d’abord installés à Lyon dans les années 1570, puis à Nevers, en poursuivant parallèlement leur activité dans les deux villes. À Lyon, les verriers et les potiers entretiennent des relations étroites – en 1583, on sait que Jacques Sarode est témoin du mariage de la fille du peintre faïencier Jules

210

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 210

22/09/2015 12:38


02-Renaissance Lyon p136-255.indd 211

22/09/2015 12:38


Les peintres nordiques à Lyon

TA N I A L É V Y

Fig. 82

Guillaume II Le Roy, Scène de présentation, vers 1505-1510.

Enluminure. Dans Symphorien Champier, L’origine et antiquité de la cité de Lion, fo 7 vo. Paris, Bibliothèque nationale de France, Arsenal 5111 (voir cat. 72)

1. Vingtrinier 1911. 2. Gascon 1971. 3. Boucher 1994. 4. Tableau conservé au Louvre, autrefois intitulé Le Mariage de Charles VIII et Anne de Bretagne, aujourd’hui attribué au Maître de 1499. 5. Michiels 1877. 6. Roques 1963. 7. Elsig 2004a. 8. Une question abordée dans Ternois 1976 et reprise ici même. 9. Lafond 1911 ; Chédeau 1999 ; Lorentz 2007 ; Cassagnes-Brouquet 2005, p. 46. 10. Sosson 1970. 11. Crowe et Cavalcaselle 1872, p. 153-154 ; Van der Haeghen 1906, p. 5, 8 ; Roques 1963, p. 216. 12. AML, EE Chappe 198d, no 114, cahier no 12, fo 3.

En 1911, Emmanuel Vingtrinier décrivait Lyon de la façon suivante : une ville « cosmopolite, avec ses colonies d’Italiens et d’Allemands, son flot sans cesse renouvelé de marchands étrangers, de savants, d’ambassadeurs, d’aventuriers1 ». Et en effet, la cité de la fin du XV e et du XVIe siècle était ouverte aux étrangers, comme l’ont montré les travaux de nombreux historiens, tels Richard Gascon2 et Jacqueline Boucher 3. Parmi les étrangers installés en ville, la présence d’artistes venus du Nord a fait l’objet de différentes recherches depuis le XIXe siècle. Dès 1877, Alfred Michiels insiste ainsi, en s’appuyant sur une œuvre aujourd’hui désattribuée à l’aire lyonnaise 4, sur l’arrivée d’éléments culturels et artistiques flamands à Lyon, par le truchement notamment de la gravure et de l’imprimerie5. Plus récemment, Marguerite Roques a également insisté sur la présence septentrionale dans la vallée du Rhône 6. En 2004, Frédéric Elsig abordait son chapitre sur la peinture de la région en la désignant comme « la plaque tournante lyonnaise7 ». Il est certain que l’installation précoce et massive, dès 1473, d’imprimeurs flamands et allemands a joué un rôle capital, notamment dans l’essor tant économique que culturel de la ville, pourtant non adossé à des institutions locales (l’université lyonnaise ne fut en effet créée qu’au XIXe siècle). Mais l’historiographie a retenu dans sa grande majorité les liens entre la cité et l’Italie et Lyon a ainsi acquis l’image d’une ville tout italienne où marchands, banquiers et artistes ultramontains étaient les plus nombreux. Les peintres nordiques parmi les peintres de Lyon Pourtant, dans le domaine pictural, ce sont des Flamands – ou désignés comme tels – qui quantitativement occupent la première place. Ce que recouvre exactement la désignation de « flamands » n’est pas établi avec certitude et il faut rester prudent dans l’emploi de ce terme 8. Il pouvait d’ailleurs y avoir une confusion avec des personnes originaires de pays germaniques. Cette prépondérance flamande n’est pas une caractéristique lyonnaise : on la retrouve dans d’autres villes du royaume, telles

que Rouen, Dijon ou Paris, et même Londres9. Les foires ont sans doute favorisé les liens économiques avec les contrées du Nord. L’arrivée de peintres nordiques sur les bords de Saône est donc peut-être liée à ce contexte économique comme à l’espoir de trouver des règlements moins rigoureux10. Ces artistes apparaissent dans les archives à partir des années 1490 : Gautier et Daniel de Crane, Jean de Hollandes, Guillaume II Le Roy, Pierre II, les Vandermère (Liévin, Jean et Gabriel), Mathieu d’Anvers, Jean Le Grenu, Nicolas de Bavière, la peintresse Ysabeau, Josse de Momper, Pierre de Bruxelles, Baudoyn d’Anvers et Bastien de Laye. On sait également que deux peintres flamands travaillèrent à l’entrée de Louis XII en 1499, sans que leurs noms soient précisés. Outre ces derniers, dont l’origine est connue par leur patronyme ou par des mentions explicites, plusieurs artistes venaient sans doute eux aussi d’Europe septentrionale : Roboam de Masles, Josse Vangomeryn et Léonard Combren. Tous étaient peintres et la moitié d’entre eux ont acquis le titre de maître dans la cité lyonnaise. Certains d’entre eux peuvent être rattachés à une ville avec précision, comme la famille des Vandermère (Van der Meire ou Van der Meer), par exemple, dont on connaît Liévin, Jean et Gabriel. Plusieurs peintres du même nom mais de branches diverses sont recensés à Gand aux XVe et XVIe siècles : les Vandermère de Lyon peuvent être issus de cette cité11. Cependant, un Lievin van de Moere, apprenti en 1480 puis maître en 1489, apparaît dans les registres de la corporation des peintres de Bruges, où l’on trouve également un Harnout van der Merre en 1524. Or il s’agit précisément de la ville dont est originaire Gautier de Crane, comme l’indique une mention des listes d’établies : « ungt nomé Gautier de Crane, paintre de Burges en Flandres12 ». Les deux familles De Crane et Vandermère nouèrent des liens étroits une fois installées à Lyon, où elles demeuraient dans un voisinage immédiat. Cette proximité permet de supposer qu’elles se connaissaient auparavant et que le Liévin documenté à Bruges est le même que celui connu à Lyon à partir de 1507. Gautier de Crane

218

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 218

22/09/2015 12:38


Les peintres nordiques à Lyon

Fig. 85

Guillaume II Le Roy, Le Temple de Vénus. Dans Jean Lemaire de Belges, La Concorde des deux langaiges, Lyon, 1511.

Manuscrit enluminé sur parchemin, 1 + 28 + 1 fos. H. 28 ; l. 20 cm, fo 4 vo. Carpentras, bibliothèque Inguimbertine, Ms. 412

223

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 223

22/09/2015 12:39


Mécénat et influences italiennes La nation florentine et Notre-Dame-de-Confort

cat. 158 Bartolomeo Panciatichi, banquier, Lyon, 1517-1518

Médaille biface, bronze coulé. D. 4,6 cm Avers : BARTHOLOMEVS PANCIATIC CIVIS FLORENTI. Son buste coiffé d’un bonnet à droite Revers : HANC CAPPELLA EVDAVIT ANO DNI M D XVII. Écu échancré de ses armes Lyon, musée des Beaux-Arts. Provenance et numéro d’inventaire inconnus (?)

cat. 159 et 160 Thomas Gadagne, banquier, Lyon, 1523

Médaille biface, bronze coulé. D. 10,5 cm Avers : DE GVADAGNIS CI FLO. Son buste à gauche coiffé d’un bonnet Revers : NOBILIS· / THOMAS·DE / GVADAGNIS·CIVIS / FLOR·CONSILIARI-/VS·ATQ ORDINARIVS· / MAGISTER·DOMVS CH-/RISTIANISSIMI·FR AN-/CISCI·P’·GALLOR R·AC / DV·MEDIO·HÀC CAPPE· / FACIEDAM CVR AVIT· / AN·D·M·D·XX/III·, en douze lignes cat. 159 Lyon, musées Gadagne, inv. N. 660

cat. 160 Lyon, musée des Beaux-Arts

224

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 224

22/09/2015 12:39


Mécénat et inf luences italiennes

cat. 165

Bernard Salomon Lettrine C avec L’Incrédulité de saint Thomas, [1548]

Encre brune, aquarelle, or, palette polychrome. H. 15,7 ; l. 15,3 cm Enluminure dans Registre de comptes de réception, manuscrit sur papier H. 43,2 ; l. 30 ; ép. 2,5 cm Lyon, Archives municipales de Lyon, Archives des Hospices civils, Charité E 159, fo 1 ro

229

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 229

22/09/2015 12:39


Le cardinal de Tournon

cat. 167

Le Médailleur du cardinal de Tournon (actif dans la première moitié du xvie siècle)

François de Tournon, archevêque de Bourges puis de Lyon, 1535

Médaille uniface, bronze coulé. D. 7,2 cm Avers : F DE TOURNONE S E R P / CARD ETA 46. Son buste barbu à gauche coiffé d’une barrette. Au-dessous, la date 1535 Lyon, musée des Beaux-Arts. Provenance et numéro d’inventaire inconnus

cat. 166

Giovanni Capassini (vers 1510 – vers 1579) Portrait du cardinal de Tournon (1489-1562) Huile sur bois. H. 46 ; l. 36 ; ép. 0,5 cm Avignon, collection particulière

cat. 168a et 168b

Giovanni Capassini cat. 168a Recto : Le Cardinal de Tournon et Noli me tangere, 1548 cat. 168b Verso : L’Ange de la Résurrection

Huile sur bois (noyer). H. 116 ; l. 101 ; ép. n.d. cm Inscription en italien dans marge inférieure, à gauche : F. a Turnone Coll. Fun an. 1548. Tournon-sur-Rhône, lycée Gabriel Faure, en dépôt au musée-château de Tournon-sur-Rhône, inv. D1995.1.1.3

230

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 230

22/09/2015 12:39


Le cardinal de Tournon

168a. 231

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 231

22/09/2015 12:39


La majolique lyonnaise

232

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 232

22/09/2015 12:39


cat. 169

Cipriano Piccolpasso (1524-1579)

Li Tre libri dell’arte del vasaio, entre 1556 et 1559

Manuscrit, in-4o, H. 28 ; l. 23 cm Londres, Victoria and Albert Museum, National Art Library, MSL/1861/7446 Ouvert au folio 58 : L’Atelier du potier, vers 1557, plume et encre

233

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 233

22/09/2015 12:39


Influences étr angères

Céramiques lyonnaises et d’importation provenant des fouilles lyonnaises Un air d’Italie : céramiques à Lyon au xvie siècle ALBAN HORRY

Les fouilles archéologiques menées à Lyon depuis une trentaine d’années ont largement contribué à renouveler la connaissance des céramiques du XVIe siècle1. Depuis les pentes de la Croix-Rousse jusqu’aux rives de la Saône, en passant par la presqu’île, cette documentation exceptionnelle extraite du sous-sol lyonnais révèle toute la diversité des vaisselles fabriquées, diffusées et utilisées dans la ville à la Renaissance. À Saint-Georges, sur les berges de la Saône, place de la Bourse ou sous la place des Terreaux (voir aussi cat. 116), l’archéologie a mis au jour de grands assemblages céramiques, reflets éclatants, abondants et diversifiés de la vie quotidienne lyonnaise au XVIe siècle2. À regarder de plus près les origines de tous ces vases, on peut aisément se figurer les marchands ou les revendeurs de poteries arrivant sur les foires de la ville avec des pots de cuisine de Bresse ou du Châlonnais, ou encore des assiettes, des pichets et de petites écuelles en terre vernissée issus de contrées plus ou moins lointaines, autant de marchandises qui contribuèrent à l’essor de la vaisselle de table. Ce furent surtout les belles faïences aux décors colorés fabriquées par les Italiens établis sur la presqu’île qui se firent remarquer à côté des pièces luxueuses importées d’Italie. La variété des produits qui s’offraient alors aux consommateurs lyonnais était aussi étroitement liée à l’invention de nouvelles techniques de fabrication associées à la création de nouvelles formes, lesquelles donnent cet « air d’Italie » si particulier aux vaisselles lyonnaises. Il s’agit d’une part de l’apparition des premières terres vernissées décorées recouvertes d’engobe, d’autre part de la faïence produite par les potiers florentins arrivés en ville vers 1510. Les objets qu’ils fabriquaient, ainsi que leurs successeurs pendant tout le XVIe siècle, dans des officines parfois situées en pleine ville, sont aujourd’hui assez bien caractérisés. Désormais le répertoire est riche de vaisselles diverses : plats (cat. 173), assiettes, coupelles, écuelles,

234

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 234

boîtes, salières, cruches et aiguières aux décors recherchés n’avaient rien à envier aux produits de la péninsule italienne. Les pots de pharmacie étaient aussi largement diffusés sous la forme d’albarelli et de chevrettes. Les registres décoratifs de la première moitié du XVIe siècle présentent des influences toscanes et hispaniques (cat. 174). Plus tard, on observe que les vaisselles de table sont ornées du motif dit a foglie issu tout droit des officines de Faenza. En parallèle, le motif alla porcellana, constitué d’arabesques et de rinceaux en camaïeu bleu sur fond blanc, était également largement diffusé, de même que les motifs d’écailles ou les simples sujets géométriques. La diversité des associations de couleurs et des procédés décoratifs s’exprime amplement sur les plats et les écuelles. Les céramiques engobées et décorées apparues vers le milieu du XVIe siècle sont très proches des faïences tant dans les formes que dans le style ornemental. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elles soient issues des mêmes officines. Si l’apport des artisans de la péninsule italienne est donc aisément perceptible grâce aux faïences et aux terres vernissées locales, leurs produits côtoient aussi des objets importés parfois de loin, qui témoignent d’une ouverture de la ville sur le reste du monde et d’un goût prononcé pour le luxe coloré des faïences italiennes (cat. 176) et espagnoles. On mentionnera ainsi plusieurs témoignages archéologiques des majoliques italiennes issues des

grands ateliers de Montelupo, de Faenza ou de Ligurie, sous la forme parfois de simples plats ou d’écuelles, mais aussi de grands plats historiés (cat. 173, 175) ou encore de crespine dont certaines font référence au fameux décor faentin a quartieri. Des vaisselles en terre vernissée de Pise ou de Vénétie étaient aussi présentes dans les intérieurs de la ville. Les faïences espagnoles aux décors de lustre de cuivre et bleu de cobalt faisaient également partie des produits appréciés des Lyonnais, comme l’attestent bon nombre de plats, d’écuelles et surtout de pots de pharmacie (cat. 174). Il incombait enfin aux porcelaines de donner un brin d’exotisme à ce vaisselier bigarré. Au XVIe siècle, Lyon fut souvent qualifiée de « capitale des épices », lesquelles arrivaient d’Orient via l’Italie, soit par le sud de la France, soit par les Alpes. On peut supposer que les petits bols blancs et bleus en porcelaine Ming (cat. 171) et le vase en grès céladon (cat. 172) trouvés place des Terreaux ont suivi les mêmes routes, ou celle si prestigieuse de la Soie. Leur rareté en fait des pièces de grand luxe évoquant plutôt des cadeaux ou des objets ayant voyagé avec leurs propriétaires. Toutes témoignent cependant de la circulation, parfois sur de longues distances, de la céramique pendant le début de la période moderne, au même titre que ce plat en céramique ottomane d’Iznik découvert à Saint-Georges (fig. 179).

1

1. Horry 2015. 2. Horry 2012.

NB. Les dessins des céramiques ci-après présentent le profil du récipient avec à gauche la coupe et la face interne et à droite la face externe.

Lyon, place de la Bourse, 1991 cat. 170

Faenza, 2nde moitié du xvie siècle Fragment de crespina Majolique. H. 6,4 ; D. 20,4 cm Lyon, Service régional de l’archéologie

5

22/09/2015 12:39


La majolique lyonnaise

cat. 184

attribué à Gironimo Tomasi Saladier : Putto et grotesques, vraisemblablement Lyon, vers 1584 Majolique. H. 14,4 ; D. 35,5 cm Inscription au revers : [? : 1584] Gironimo / urbin fe Prov. : Ancienne collection François Artaud, achat vers 1835 Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. H 499

237

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 237

22/09/2015 12:39


La diffusion du vocabulaire ornemental et architectural classique à Lyon

cat. 191 Jean de Courcy, La Boucquechardière

Lyon, peu avant 1482 ; enluminé dans l’atelier de Guillaume Lambert (Maître Boilly et Maître Rosenberg), actif à Lyon vers 1475-1585 Parchemin, H. 36 ; l. 26 cm, 242 fos Reliure de veau raciné aux armes et au chiffre de Napoléon Ier ; tranches dorées et ciselées, xve ou xvie siècle Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Français 698 Ouvert au folio 3 : Atelier de Guillaume Lambert, Adam et Ève avec Dieu

cat. 190 Lectionnaire et bénédictionnaire de la collégiale Saint-Nizier de Lyon Lyon, vers 1500-1510 ; enluminé par le Maître des Entrées Parchemin, H. 34 ; l. 23 cm, 1 + 100 fos Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 5136 Ouvert au folio 70 : La Résurrection du Christ

cat. 192 Horae ad usum Lugdunensem [Heures à l’usage de Lyon]

Lyon, 1495-1500 ; enluminé dans l’atelier de Guillaume Lambert Parchemin, H. 18,5 ; l. 12 cm, 1 + 106 + 1 fos Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 583 Ouvert au folio 45 : Le Baiser de Judas

243

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 243

22/09/2015 12:39


Influences étr angères

cat. 196

Philibert De l’Orme (1510-1570) Le premier tome de l’architecture

Paris, chez Federic Morel, 1567 Imprimé, gravures sur bois, in-fol., H. 38,4 cm, 287 fos Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 22910 Ouvert aux folios 282vo-283 ro : Philibert De l’Orme, L’Allégorie du bon architecte, gravure sur bois

246

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 246

22/09/2015 12:39


Influences nordiques et germaniques cat. 202-206

Anonyme Fabriczy [Hendrik Gijsmans (1540-1560 – 1611-1612) ?]

Ensemble de cinq vues de Lyon provenant d’un carnet d’esquisses exécutées peu avant 1570 à la plume et encre brune par un dessinateur alors anonyme désigné comme l’anonyme Fabriczy, du nom du découvreur du carnet. Récemment, Stijn Alsteen a proposé d’identifier l’artiste anonyme à Hendrik Gijsmans. Ce carnet de dessins est conservé à la Staatsgalerie de Stuttgart.

cat. 202 La Cathédrale Saint-Jean à Lyon vue depuis la colline de Fourvière Au verso : Le Faubourg de Saint-Just sur sa hauteur H. 20,54 ; l. 28,8 cm Stuttgart, Staatsgalerie, inv. C 5789 ro

cat. 203 Lyon vu depuis la colline de la Croix-Rousse H. 27,1 ; l. 42,7 cm Stuttgart, Staatsgalerie, inv. C 5811 vo

cat. 204 Le Château de Pierre-Scize à Lyon vu du nord H. 25,2 ; l. 39,3 cm Stuttgart, Staatsgalerie, inv. C 5819 ro

cat. 205 L’Île Barbe

Au verso : Le Faubourg de Saint-Just sur sa hauteur H. 20 ; l. 28,5 cm Stuttgart, Staatsgalerie, inv. C 5795 vo et ro

250

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 250

22/09/2015 12:39


Inf luences nordiques et germaniques

cat. 211

Jérôme Durand (1555-1605), d’après Albrecht Dürer Le Chevalier, la Mort et le Diable, 1569

Plume et encre brune, lavis brun et gris, aquarelle. H. 34 ; l. 24,3 cm Inscription en bas dans la marge : Moy Jierosme durand hay pourtraict este piece en moys de decembre mil cinq cent soixante neuf. Dans Cahier d’exercices de J. Durand ; registre de 60 fos Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 5399, fo 13 ro

255

02-Renaissance Lyon p136-255.indd 255

22/09/2015 12:39


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 256

22/09/2015 12:42


questions de style

Lyon ?, Coffre de mariage aux armes des familles Bertholon et Bellièvre, 1512 (cat. 232, détail)

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 257

22/09/2015 12:42


bernard salomon dessinateur

MAUD LEJEUNE

Fig. 86

Bernard Salomon, Hymne de novembre.

Gravure sur bois, H. 10,3 ; l. 8,3 cm (encadrement) ; H. 7,3 ; l. 8,3 cm (médaillon central). Dans Hymnes du temps et de ses parties, Lyon, Jean de Tournes, 1560, in-4 o, p. 80. Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 373727

1. Du Verdier 1585, p. 119. 2. Pour les témoignages d’époque, voir la Bibliothèque d’Antoine du Verdier (1585), p. 119, et les avis au lecteur des Hymnes du temps (De Tournes, 1560), d’Olympe, ou Métamorphose d’Ovide (De Tournes, 1582) et des Icones historicae Veteris et Novi Testamenti (De Tournes, 1681). Natalis Rondot a identifié un monogramme dans deux gravures : la Nativité dans les Figures du Nouveau Testament (1554) et sur l’une des balances tenues par Septembre dans les Hymnes du temps (1560), mais leur présence n’est pas évidente ; Rondot 1897b, p. 69. 3. Au lecteur, dans Guéroult 1560. 4. Inconnue de Cartier et de Sharratt, cette édition rare de 1595 est citée dans le catalogue de vente de la bibliothèque de Méon en 1803. Celle de 1605 est plus répandue ; Hymnes des vertus. Représentées au vif par belles et délicates figures, [Genève], Jean de Tournes, 1605, in-4 o, dans cat. vente Paris 1803, p. 349. 5. AML, CC 980.

Bernard Salomon est un peintre et illustrateur documenté à Lyon entre 1540 et 1561. Mentionné une vingtaine de fois dans les archives consulaires, il jouit d’une certaine célébrité dans la cité, où il participe aux programmes iconographiques d’ampleur qui accompagnent les entrées solennelles de 1540, 1548, 1550 et 1559, dont il peut aussi avoir la direction. Artiste savant, auteur d’un traité de perspective malheureusement perdu, il a pourvu en modèles, aujourd’hui disparus, les industries locales : orfèvrerie, céramique, broderie, tissage, ébénisterie, ferronnerie. En 1585, il est encore crédité d’un grand nombre de « figures et pourtraictures, paintures et tableaux sortis de sa main, qui se voyent encore de luy à Lyon1 ». Bien que Salomon figure parmi les artistes les plus féconds du XVIe siècle français, aucune peinture, aucun dessin ne peuvent lui être formellement attribués. On connaît pourtant sa manière, son style caractéristique, grâce aux nombreuses illustrations gravées qui ornent les livres imprimés lyonnais. Là encore, aucune estampe, aucune gravure ne sont signées de sa main, néanmoins des séries de figures gravées sur bois lui sont données avec certitude sur la base de témoignages d’époque2. Une suite au moins lui fut attribuée de son vivant, celle parue dans les Hymnes du temps et de ses parties, en 1560, où l’imprimeur-libraire associé Jean de Tournes rend un très bel hommage à l’illustrateur vers la fin de sa carrière : « avec ce que j’espere que tu y prendras quelque delectation, pour estre le tout sorti de bonne main : car l’invention est de M. Bernard Salomon Peintre autant excellent qu’il y en ayt point en nostre Hemisphere3 ». Cette suite réunit dix-sept bois où le Temps se trouve personnifié à l’intérieur de bordures élaborées en volutes, rinceaux ou entrelacs. Les figures ont une corpulence marquée sous des vêtements amples, des bras potelés, des mains un peu rondes aux doigts courbés et écartés. Les figures féminines sont caractérisées par des coiffures souvent relevées, avec des mèches en frisotis sur le pourtour du front (fig. 86). On peut associer à cet ensemble ce qui apparaît comme la suite annoncée par l’imprimeur, lequel précise : « si je vois que tu les reçoives en bonne part, je te

feray voir en brief quelques autres semblables livrets ». Suite qui ne verra pas le jour du temps du père, mais que fera paraître son fils Jean II de Tournes en 1595 dans l’édition des Hymnes des vertus4 . Elle rassemble vingt figures emblématiques des Vertus et des Vices. Quelquesuns de ces bois d’illustration sont réunis sur deux feuilles d’épreuves conservées au cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France (fig. 87). Deux autres séries, presque des « monuments », ont inspiré un grand nombre d’artistes et d’artisans en Europe : ce sont d’une part celle des Quadrins historiques de la Bible (1553, 1555) (voir cat. 251), d’autre part celle de la Métamorphose d’Ovide figurée (1557) (voir cat. 281), où l’accent est mis sur la qualité narrative de la scène, avec des personnages aux silhouettes effilées et dynamiques, à l’intérieur de vastes paysages en perspective. On voit que Salomon s’inspire des maîtres et des petits maîtres allemands, mais également des éditions illustrées parisiennes, celles de Denis Janot en particulier, et aussi des modèles bellifontains. Il nourrit un goût particulier pour le répertoire antique, ainsi que pour la nature, la flore et le bestiaire où sont réunis des animaux marins, volants, sauvages, rustiques et fantastiques. L’on note également sa connaissance de l’architecture italienne, sans doute à travers Serlio. On identifie des constantes dans son œuvre, notamment la figure de Dieu sous l’apparence d’un homme d’âge mûr, barbu et couronné, les parures et les costumes, souvent des toges à l’antique, les voiles légers se déployant en arc de cercle autour des corps, les chevelures ondulées flottant au vent ou relevées en chignon, le motif de l’arbre au tronc noueux et au feuillage pendant ou moussu que l’on retrouve aussi chez ses contemporains, Jean Cousin et Pierre Eskrich. Ces deux séries lui sont données à partir des témoignages du bibliographe Antoine du Verdier (voir fig. 60) et des descendants de Jean de Tournes, Jean II et Samuel. Enfin lui sont attribuées les quinze planches ornant la relation officielle de l’entrée du roi et de la reine, Henri II et Catherine de Médicis, à Lyon en 1548, car on sait que Salomon en dirigea les travaux de peinture et

258

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 258

22/09/2015 12:42


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 259

22/09/2015 12:42


Les « bois sculptés de l’école lyonnaise » au musée des Beaux-Arts de Lyon SALIMA HELLAL 1. Garmier 1980. 2. C’est Carrand père qui découvrit dans une demeure de l’île Barbe, sur la Saône en amont de Lyon, le cabinet reproduit dans Du Sommerard 1846, chap. XII, pl. XIII. Acquis à la vente Soltykoff par le baron Sellières, ce cabinet fut acheté plus tard, puis revendu, par le Getty Museum à Los Angeles comme un meuble de style. De même que ceux du cabinet Revoil trouvé à Lyon en 1820 (musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. MR R 60), ses vantaux (inférieurs) sont sculptés de figures de femmes dont les bras se terminent en enroulements de rinceaux. 3. Sa collection, qui apparaissait déjà comme l’une des plus riches de la ville, devint bientôt « la première de France, en dehors de Paris » (Bertaux 1913). 4. Migeon 1903. Après sa mort en 1897, sa collection fut vendue par ses héritiers au marchand Joseph Duveen (Duveen Brothers Inc., place du Marché-SaintHonoré à Paris). Certains des meubles lui ayant appartenu sont aujourd’hui dans des musées américains. 5. Quatre-vingt-trois planches en héliogravure fixent le souvenir de ce rassemblement extraordinaire des trésors privés lyonnais. Giraud 1878, et Giraud 1880. 6. Un an après l’Exposition rétrospective d’art ancien, Aynard et Chabrières-Arlès furent désignés respectivement président et vice-président du conseil d’administration des musées de Lyon. Giraud, qui avait donné la preuve de son érudition en rédigeant ses premières publications à l’occasion de la manifestation, fut nommé au poste de conservateur des « musées d’archéologie » et devint ainsi le premier conservateur du département des Objets d’art au palais Saint-Pierre. 7. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. MR R 60. 8. « Le fronton avait disparu et M. Révoil l’avait remplacé par une décoration moderne, lorsque, il y a vingt-cinq ans, un amateur de la région, M. de Saint-Didier, eut la bonne fortune de découvrir à Neuville-sur-Saône le couronnement original et le céda au Louvre » (Bonnaffé 1886, p. 64). 9. Rondot 1889, p. 3. 10. Conservé aux Archives départementales du Doubs (7E 1426), extrait dans Thirion 1998, annexe no IV, p. 255-261.

Le goût du Moyen Âge et de la Renaissance a été précoce à Lyon, où de grandes collections se sont constituées dès le début du XIXe siècle1. Pierre Révoil (1776-1842), professeur à l’école des Beaux-Arts de la ville, possédait ainsi une importante collection de mobilier Renaissance, cédée au musée du Louvre. C’était aussi le cas de son ami le peintre Anthelme Trimolet (1798-1866), dont les meubles XVIe siècle sont aujourd’hui conservés au musée des BeauxArts de Dijon. Jacques Antoine Lambert (17701850) a réuni près d’un millier d’objets, entrés dans les collections lyonnaises à sa mort, en 1850. Parmi les cabinets les plus riches figurait également celui de Jean-Baptiste Carrand2 (1792-1871), en partie légué par son fils au musée du Bargello, à Florence. En 1877 fut organisée à Lyon l’Exposition rétrospective d’art ancien, dans les locaux du tout récent musée d’Art et d’Industrie (fig. 91). La majorité des œuvres provenait des amateurs les plus illustres, comme le banquier et conseiller municipal Édouard Aynard3 (1837-1913) et surtout Maurice Chabrières-Arlès4 (1829-1897), trésorier général des Finances du Rhône. L’une des six sections était consacrée au mobilier Renaissance, en particulier local. Jean-Baptiste Giraud (1844-1910) se chargea de la rédaction du catalogue5. Il y affirme le premier l’existence « irréfutable » à Lyon au XVIe siècle d’une école de bois sculptés. Nommé conservateur au musée de la ville6, il ouvrit dès 1881 une salle des bois sculptés composée, pour l’essentiel, de meubles réputés lyonnais. Quelques années plus tard, Edmond Bonnaffé (1825-1903) célébrait à son tour l’école lyonnaise du milieu du XVIe siècle comme « la meilleure école française de son temps après l’Ile-deFrance » ; il tenait ainsi « l’armoire du Louvre7, trouvée à Lyon par M. Révoil en 1820 »8, comme son chef-d’œuvre. En 1887, dans Le Meuble en France au XVIe siècle, l’auteur esquissait une classification des ateliers régionaux, s’appuyant sur les publications de Giraud pour dresser une liste assez longue des meubles Renaissance rattachés à cette école. Natalis Rondot (1821-1900), souhaitant attester par l’archive l’activité d’une industrie du bois sculpté à Lyon au XVIe siècle, avait le premier exploré les sources locales. Après avoir recensé soixante-dix

menuisiers indépendants, il était cependant forcé de conclure : « nous devons constater que, dans les documents originaux écrits, nous n’avons retrouvé ni des actes ni des faits qui confirment l’existence de cette manufacture à Lyon9 ». Dans l’inventaire après décès de Gauthiot d’Ancier enregistré à Besançon en 159610, on rencontre bien, pour qualifier le style des pièces de mobilier, la mention « façon de Dijon » qui s’opposerait à la « façon de Paris » ; mais existait-il une « façon de Lyon » qui, elle, se vérifierait à l’examen ? On aimerait pouvoir poser quelques jalons d’une histoire du mobilier local au XVIe siècle en s’appuyant sur la collection du musée des Beaux-Arts de Lyon. Celui-ci n’ayant pas hérité des meubles que comptaient les grandes collections de la ville, ses conservateurs successifs ont constitué un ensemble de « bois sculptés de l’école lyonnaise » qui comprend aujourd’hui un peu plus d’une dizaine de numéros. Les meubles de provenance lyonnaise L’histoire du meuble local à la Renaissance doit beaucoup au « coffre de mariage aux armes des familles Bertholon et Bellièvre », baptisé ainsi par Jean-Baptiste Giraud11, conservé dans la collection du musée (cat. 232). Il s’agit en effet de l’un des rares meubles lyonnais dont on connaisse avec certitude l’époque et peut-être la provenance (fig. 92). Aux extrémités sont sculptées des armoiries interprétées par Giraud comme étant celles de deux familles lyonnaises chargées des plus hautes fonctions publiques. Le blason des Bertholon, de gueules à trois fasces d’or, répondrait à celui des Bellièvre, d’azur à la fasce d’argent accompagnée de trois trèfles d’or. Ce meuble correspondrait alors au coffre de mariage d’Estienne Bertholon, qui devint conseiller de ville en 1529, et d’Andrée Bellièvre, fille de Barthélemy II Bellièvre, intendant du cardinal de Bourbon et conseiller de ville à plusieurs reprises entre 1496 et 1512. Dans un article paru en 1946, Jean Tricou (1890-1977)12 contestait toutefois cette lecture des armoiries, communes à plusieurs familles au XVIe siècle. Elles présentent néanmoins l’intérêt d’être accompagnées d’une date sans équivoque : 1512 (voir détail, p. 254). En chêne massif, le coffre se caractérise par son aspect compact. Il est porté par une base,

266

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 266

22/09/2015 12:42


Fig. 91

La salle Renaissance de l’exposition rétrospective d’art ancien de Lyon.

Dessin de Bardey dans Le Monde illustré, 20 octobre 1877. Lyon, Archives municipales, 177 wp 90

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 267

22/09/2015 12:42


Production et commande de manuscrits enluminés à Lyon à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance MAXENCE HERMANT

Fig. 96

Guillaume II Leroy, Louise de Savoie sous les traits de Prudence.

Dans François Demoulins, Traité des vertus cardinales, Lyon, vers 1510, parchemin, A + 19 fos. H. 29 ; l. 21 cm, fo 4. Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss., Français 12247

1. Notamment Jacobs 1993 ; cat. exp. Paris 1993-1994, p. 199-201 (F. Avril) et 357-369 (F. Avril et N. Reynaud) ; Burin 2001. 2. Cat. exp. Paris 1993-1994, no 198 (notice de F. Avril) ; Adam 2015. 3. Delaunay 2001.

Ville riche et populeuse, Lyon abrita au tournant des XVe et XVIe siècles une importante communauté d’enlumineurs dont les contours se sont précisés au fil des études qui lui ont été consacrées1. Pour autant, cette production ne cesse d’étonner. Le nombre de manuscrits qui subsistent témoigne certes de l’existence d’ateliers prospères à même de fournir des livres plus ou moins luxueux à une large clientèle, mais cette activité n’a laissé que peu de traces dans les archives. De plus, la grande variété, pour ne pas dire l’hétérogénéité, du corpus réuni est loin d’avoir été étudiée en profondeur, tant les influences qui le sous-tendent sont multiples. L’enluminure lyonnaise connut un certain renouveau dans les années 1430-1440 avec le Maître du Roman de la Rose de Vienne, artiste longtemps considéré comme flamand ou du nord de la France, mais dont l’ancrage local a été restitué par François Avril. Anonyme, comme la plupart des enlumineurs lyonnais, il a reçu un nom de convention, choisi d’après un manuscrit de référence (Vienne, Österreischische Nationalbibliothek, cod. 2568). Son activité, qui ne se limite pas aux seuls livres d’heures et livres liturgiques, mais s’étend aux textes profanes présentant de riches cycles iconographiques, se prolonge jusque dans les années 1460. En contact avec la culture italienne, cet artiste fait le lien entre l’art courtois, le gothique international, dont il commence à s’éloigner mais dont il conserve certains archétypes, et le réalisme flamand qu’il semble ignorer. Le vrai renouveau eut lieu dans les années 1480, avec le développement de la cité de Lyon et la grande prospérité qu’elle connut alors. Les foires jouèrent à n’en pas douter un rôle considérable, en favorisant une bourgeoisie marchande cosmopolite aux origines diverses. Cette donnée explique l’ouverture sur l’extérieur de la librairie lyonnaise et ses liens étroits avec les productions parisiennes, tourangelles ou berruyères. L’atelier dit de Guillaume Lambert occupa une place primordiale à Lyon durant les vingt dernières années du XVe siècle. Le manuscrit de référence qui donna son nom à ce groupe est

un livre d’heures copié à Lyon par un certain Guillaume Lambert, et aujourd’hui non localisé (Londres, coll. Quaritch, 1931, no 47). Le terme d’« atelier », bien qu’utile pour qualifier un ensemble d’artistes amenés à travailler ensemble autour d’un maître principal obtenant vraisemblablement la commande, est peutêtre ici inadéquat, tant il est difficile de démêler les différentes mains et les responsabilités des uns et des autres. Lynn F. Jacobs, suivie de François Avril et d’Elizabeth Burin, a ainsi tenté de recréer des corpus au sein de cet « atelier », dégageant la personnalité du Maître Getty, du Maître Rosenberg, du Maître du Latin 18015 ou du Maître des Alarmes de Mars, pour n’en citer que quelques-uns (cat. 111, 191, 192. Si l’on a pu préciser certains caractères stylistiques ou de composition communs, les manuscrits réunis sous l’appellation d’« atelier de Guillaume Lambert » forment un ensemble disparate, de qualité et d’ambition diverses. On peut tout particulièrement mettre en valeur d’étonnantes Heures à l’usage de Lyon peintes en grisaille (BnF, Mss., Latin 18015), seul exemple conservé d’une œuvre de ce type en milieu lyonnais et dont les liens avec d’autres centres de production ont été récemment étudiés2. Des commanditaires fortunés, parfois étrangers à Lyon, pouvaient à l’occasion passer commande de manuscrits à ces artistes, tels la duchesse de Bourbon Jeanne de France pour sa Défense de la Conception Immaculée de la Vierge Marie, vers 1480 (BnF, Mss., Français 989 ; fig. 97), ou le cardinal Jean Louis de Savoie pour sa Boucquechardière (cat. 191). Les livres d’heures à l’usage de Lyon, plus stéréotypés, sans marque de possession et dont on conserve un assez grand nombre, posent quant à eux la question, mieux connue en milieu parisien3, des manuscrits d’étal à même de satisfaire un large éventail de commanditaires. Seules des études sérielles sur les reprises de composition permettraient d’avoir une idée plus précise de cette question. Fils de Guillaume I Leroy, liégeois d’origine et premier imprimeur de la ville de Lyon, Guillaume II Leroy est un des rares enlumineurs lyonnais dont le nom et l’activité, documentée dans les archives de 1498 à 1528, peuvent

274

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 274

22/09/2015 12:42


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 275

22/09/2015 12:42


Bernard Salomon dessinateur cat. 212-219

Ensemble de huit dessins sur papier vergé, vers 1550-1553 :

cat. 212 Isaac et Abimélech (Genèse, XXVI, 3)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 9 ; l. 11,7 cm Lyon, musées Gadagne, inv. 014.3.1

cat. 213 Le Retour des frères de Joseph auprès de Jacob (Genèse, XLII, 29) Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 8,7 ; l. 11 cm Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, RF 53031 ro

cat. 214 Le Festin de Joseph (Genèse, XLIII, 34)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 9,3 ; l. 11,4 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7063

cat. 215 Joseph se faisant reconnaître (Genèse, XLV, 1-4)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 9,0 ; l. 11,4 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7065

214.

cat. 216 Joseph embrassant Benjamin (Genèse, XLV, 14)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 8,7 ; l. 11,6 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7066

cat. 217 Jacob traversant l’Égypte (Genèse, XLVI, 5-7)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 9 ; l. 11,4 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7067

cat. 218 Moïse cachant le corps de l’Égyptien dans le sable (Exode, II, 12) Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 9,7 ; l. 11,9 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7068

cat. 219 Les Sept Filles de Jethro (Exode, II, 16-19)

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun. H. 8,7 ; l. 11,9 cm Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms. 7069

219.

280

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 280

22/09/2015 12:42


220.

223.

cat. 220 Le Festin de Joseph (Genèse, XLIII), vers 1550-1553

Bois gravé. H. 5,5 ; l. 8 ; ép. 2,3 cm Genève, musée d’Art et d’Histoire, cabinet d’Arts graphiques, inv. E/M 0357

cat. 221

D’après Pierre Eskrich (vers 1520 – après 1590) La Lapidation d’Achan (Josué, VII), vers 1560-1580 ?

Bois gravé. H. 5,5 ; l. 8 ; ép. 2,3 cm Genève, musée d’Art et d’Histoire, cabinet d’Arts graphiques, inv. E/M 374

cat. 222 Les Amours d’Apollon et de Leucothoé (Ovide, Métamorphoses, livre IV)

Bois gravé. H. 4,2 ; l. 5,3 ; ép. 2,3 cm Genève, musée d’Art et d’Histoire, cabinet d’Arts graphiques, inv. E/M 0420

cat. 223 Proserpine ravie par Pluton (Ovide, Métamorphoses, livre V)

Bois gravé. H. 4,2 ; l. 5,3 ; ép. 2,3 cm Genève, musée d’Art et d’Histoire, cabinet d’Arts graphiques, inv. E/M 0421

281

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 281

22/09/2015 12:42


questions de style

cat. 227

Attribué à Bernard Salomon Lettrine C ornée avec saint Antoine, 1551

Plume et encre brune et noire, gouache, or, sur papier vergé. Au filet : H. 16,2 ; l. 16,2 cm (dessin). En ouverture d’un registre de comptes de l’Aumône général. H. 43 ; l. 30 ; ép. 3 cm Lyon, Archives municipales de Lyon, archives des Hospices civils, Charité, E 162, fo 1 vo

cat. 228

Atelier de Bernard Salomon Dans Pourtraits divers, Lyon, Jean de Tournes, 1557

Imprimé, in-8o, H. 14,7 ; l. 9,7 cm, 62 figures gravées sur bois Lyon, collection particulière Ouvert au folio 41 : Chasseur de canards, gravure sur bois

286

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 286

22/09/2015 12:42


Bernard Salomon dessinateur

cat. 229

Attribué à Bernard Salomon Lettrine C ornée avec la Charité, 1546

Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun, sur papier. Au filet : H. 14,5 ; l. 14,1 cm En ouverture d’un registre de comptes de l’Aumône général. H. 44 ; l. 30 ; ép. 3 cm Lyon, Archives municipales de Lyon, archives des Hospices civils, Charité, E 158, fo 1 ro

287

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 287

22/09/2015 12:42


Le mobilier lyonnais cat. 230 (voir fig. 93)

Lyon (?) Armoire à deux corps aux divinités, 2e tiers du xvie siècle Noyer. H. 195 ; l. 120 ; pr. 49 cm Prov. : Legs Pollet, 1839 Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. H 291

cat. 231 (voir fig. 94)

Lyon (?) Armoire à deux corps aux divinités, 2nde moitié du xvie siècle Noyer. H. 167,5 ; l. 121,5 ; pr. 48 cm Prov. : Legs Lambert, 1850 Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. L 1113

cat. 232

Lyon ? Coffre de mariage aux armes des familles Bertholon et Bellièvre, 1512 Chêne (couvercle moderne). H. 99 ; l. 175 ; pr. 66 cm Prov. : Legs Boy, 1902 Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. D 760

288

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 288

22/09/2015 12:42


cat. 233

Lyon ? Buffet deux corps, 2nde moitié du xvie siècle Noyer. H. 213 ; l. 160 ; pr. 61,5 cm Prov. : Legs Ferrier, février 1925 Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. E 589

289

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 289

22/09/2015 12:42


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 290

22/09/2015 12:42


La fabrique des modèles

Attribué à Colin Nouailher plaque : Abraham et Melchisédech, d’après Bernard Salomon, vers 1565-1570 (cat. 267, détail)

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 291

22/09/2015 12:42


La gravure sur cuivre à Lyon au XVIe siècle Le Maître JG, le Maître CC et Georges Reverdy Pour Henri Zerner E S T E L L E L E U T R AT 1. Voir notamment La colonne dressée a Rome en la place S. Antoine au nom et a la memoire de Henry IIII. Roy de France et de Navarre (Hollstein, German, XII, 124, 66) et le portrait d’Henri IV tourné vers la gauche, avec l’inscription : « à LYON par Mathieu Grüter l’Alleman » (Hollstein, German, XII, 88). 2. Voir la belle étude qu’Henriette Pommier consacre à cet artiste (Pommier 2011). 3. « Le Huen 1488 », voir Barbier 2003, no 143, p. 255 ; plus généralement, sur l’ouvrage de Breydenbach, voir Ross 2014. 4. Voir Rondot 1887 ; Rondot 1898 ; Rondot 1902 ; Zerner 1967 ; cat. exp. Los Angeles, New York et Paris 19941995. Nous nous permettons également de renvoyer à notre étude, Leutrat 2007. Désormais, les abréviations JG, CC et GR suivies d’un numéro feront référence à notre catalogue des œuvres des trois graveurs. 5. Bartsch, IX, p. 143-149. Pettegree et Walsby (2012, no 69303) mentionnent une édition d’Érasme de l’Enchiridion militis christiani publiée en 1522 par Jean II Dupré et la veuve de Jean de Gourmont. 6. Comme l’avait déjà relevé à juste titre Jules Renouvier (1853-1856, I), p. 195. 7. Et non en 1551, comme nous l’avions nous-même avancé, à la suite d’autres (Leutrat 2007, p. 47-49 et 255-256). 8. L’adresse « Sadler excud » dans la composition figurant aux pieds de Flore (épreuves à la Bibliothèque universitaire de Pise (HP.A.20.2) et à Vienne, Albertina, voir Hollstein Flemish-Dutch, XXI, p. 298, no 18) fut effacée par le nouveau propriétaire de la plaque (H. 15,5 ; l. 17 cm), qui conserva le titre et la lettre sur trois lignes dans la marge supérieure : « FLORAE DEAE / Iinter patrios […] variorum florum subsequente effigie » ; voir épreuve en ligne conservée à Paris à la Bibliothèque interuniversitaire de santé [(7663(2)]. 9. Une comparaison de l’édition tardive de la série avec l’adresse « Sadler. excud. » (Pise) et les épreuves sans adresse de Paris [7663(2)] révèle que la série « parisienne » est une copie fidèle quoique plus sommaire de la première. La question de l’auteur de cette copie demeure posée : Gourmont aurait-il tenté une diffusion parisienne de la série provenant d’Europe centrale des Sadeler, établis entre Prague, Munich et Venise ?

Dans les dernières années du XVIe siècle, Lyon attire des graveurs sur cuivre de l’Europe entière, qu’ils viennent s’y établir durablement ou qu’ils y séjournent le temps de quelques commandes. Les presses actives d’Horace Cardon, de Claude Morillon ou de Pierre Rigaud exigent l’intervention de ces artistes dont la pratique est devenue indispensable à l’illustration du livre. Désormais, le cuivre, grâce à la précision et à la finesse d’exécution qu’il permet, a définitivement supplanté le bois, devenu trop sommaire, réservé, pour l’essentiel, à une production bon marché. C’est à Lyon, vers 1595, que l’Allemand Matthias Greuter commémore Henri IV le roi victorieux de la Ligue, absous par le pape Clément VIII, et grave plusieurs portraits du souverain, avant de s’établir à Rome1. Peu après, l’Italien Jacques Fornazeris, préférant quitter Turin et la cour de Charles Emmanuel Ier de Savoie, se fixe dans la cité rhodanienne, où il rencontre un succès immédiat et où il demeure jusqu’à sa mort, survenue vers 16192. L’attractivité de la ville, centre éditorial de premier plan, se comprend aisément, d’autant que son commerce florissant draine les capitaux. Lyon peut aussi se prévaloir d’une longue tradition de gravure sur cuivre qui a pu accroître son attrait et favoriser l’installation de burinistes en ses murs. Des structures, des habitudes de travail et peut-être un matériel d’impression étaient déjà en place. Les origines de la gravure sur cuivre à Lyon sont anciennes, après une première expérience en 1488, celle de la relation du pèlerinage en Terre sainte de Bernard de Breydenbach, traduite et adaptée par Nicolas Le Huen3. L’ouvrage réunit des gravures sur bois, mais aussi sept gravures sur cuivre de grand format – représentations de villes sur le chemin de Jérusalem – qui représentent l’une des premières tentatives d’impression en taille-douce en France. Les imprimeurs Michel Topié et Jacques Herenberch, tous deux d’origine allemande, souhaitaient sans doute importer une technique en pleine expansion dans leur pays, espérant recueillir le même succès en France. L’expérience ne connut toutefois pas de prolongements immédiats : était-elle trop coûteuse pour des

profits insuffisants, à moins qu’aucun graveur sur place n’ait possédé les compétences requises ? Ce n’est qu’à partir des années 1520 que l’art du burin renaît à Lyon pour, cette fois, ne plus disparaître 4. Ce renouveau est dû à la présence d’un graveur, le Maître JG, inventeur d’un type de composition original, qui constitue la principale spécificité de la production lyonnaise (cat. 63, 64, 235). Beaucoup d’interrogations demeurent au sujet de cet artiste classé par Bartsch parmi les anciens maîtres allemands, et rapproché par Natalis Rondot – à la suite de Mariette – de l’imprimeur parisien Jean Ier de Gourmont, mort en 15225. L’une des estampes du Maître JG étant datée de 1526, cette identification qui, par ailleurs, ne repose sur aucun fondement solide 6, ne peut être maintenue. Il n’est pas davantage possible de soutenir le rapprochement du graveur avec le buriniste parisien qui signe « J Gourmont fecit », auteur notamment d’un portrait de Charles II de Bourbon, archevêque de Rouen et cardinal de Vendôme. Une inscription dans la partie supérieure du portrait précise que le cardinal, nommé « A BORBONIO », est âgé de vingt-huit ans. Charles de Bourbon étant né en 1562, l’estampe a donc été exécutée en 1590 ou peu après7, date à laquelle il hérite, à la mort de son oncle, le Charles X de la Ligue, du titre de cardinal de Bourbon, événement que le portrait gravé vient commémorer. La signature et l’adresse « J Gourmont fecit / & excudit » apparaissent encore sur l’épreuve d’un rare état de la personnification de Flora, précédemment édité par les Sadeler 8, placée en tête d’une suite de treize planches de botanique, qui, par leur style, participent de la sphère flamande des dernières décennies du siècle 9. Le Maître JG a alors disparu depuis longtemps. Pourrait-il s’agir de l’orfèvre, sans doute d’origine picarde, Jacques Gauvain, actif à Lyon de 1515 à 1547 ? L’hypothèse est séduisante, mais mérite encore d’être consolidée par des documents d’archive, les œuvres seules – pour l’essentiel des médailles – ne permettant pas de procéder à des rapprochements suffisants avec les estampes, même si, comme

292

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 292

22/09/2015 12:42


Fig. 100.

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 293

22/09/2015 12:42


« Comme en ung cabinet tresbien garny » L’œuvre de Bernard Salomon, répertoire de formes pour les arts graphiques et décoratifs M A U D L E J E U N E E T E S T E L L E L E U T R AT

Fig. 105

Atelier parisien, Coffret brodé, dernier tiers du xvie siècle.

Broderie au petit point de laine, soie et fils métalliques or et argent sur canevas d’après des modèles gravés de Bernard Salomon ; damas ; laiton ; âme en bois. H. 31 ; l. 62 ; pr. 43 cm. Écouen, Musée national de la Renaissance – château d’Écouen, inv. Ec. 1995

Les auteurs adressent leurs remerciements les plus vifs à Ludmila Virassamynaiken, Léna Widerkehr, Vanessa Selbach, Muriel Barbier, Astrid Castres et Jean-Roch Bouiller. 1. Le premier auteur à avoir consacré une monographie à Bernard Salomon est Natalis Rondot (Rondot 1897b). Depuis, l’ouvrage de Peter Sharratt (2005, p. 181-207) fait référence et dresse l’état de la question le plus complet à ce jour sur le rayonnement des gravures de l’artiste. 2. Aneau 1549, p. 7. 3. Paradin 1555, fo M8 vo. 4. Chaque gravure mesure environ H. 5 ; l. 8 cm. 5. Vers 1517, H. 24 ; l. 17,3 cm. NHD (Lucas de Leyde) 182. 6. Voir, à titre d’exemple, FrigerioZeniou 2001. 7. Vers 1569, D. 23,8 cm. NHD (Philips Galle) 127. 8. Voir ici même l’essai de Maud Lejeune, voir p. 258-265. 9. L’influence de Bernard Salomon sur la majolique a été bien étudiée, notamment par Deswarte-Rosa 2003, en particulier p. 68-83 ; Rocha 2008 et plus récemment Leprince [2009] 2013, p. 38-40. Nous renvoyons ici même à l’essai de Camille Leprince, « Le peintre Tomasi et la majolique historiée lyonnaise », p. 210-217. 10. Rondot 1892 et Rondot 1895 ; voir les nombreuses études d’Anna Rosa Gentilini et Carmen Ravanelli Guidotti ; Wilson 2003.

Du XVIe siècle jusqu’au XVIIIe, des artistes appartenant à des univers très différents ont allégrement puisé dans les livres illustrés lyonnais, comme les y invitaient d’ailleurs les imprimeurslibraires dans la préface de leurs ouvrages1. Ainsi, lorsque Barthélemy Aneau, en 1549, évoque « l’usaige & utilité » que pourrait avoir son édition des Emblèmes d’Alciat, il précise que quiconque lira ce livre y « aura [...] (comme en ung cabinet tresbien garny) tout ce qu’il pourra, & vouldra inscripre, ou pindre aux murailles de la maison, aux verrieres, aux tapis, couvertures, tableaux, vaisseaulx, images, aneaulx, signetz, vestemens, tables, lictz, armes, brief à toute piece & utensile, & en tous lieux 2 ». Les illustrations attribuées à Bernard Salomon qui figurent dans les ouvrages imprimés par Jean de Tournes – bible, Métamorphoses d’Ovide (cat. 281), Fables d’Ésope, ou Trionfi de Pétrarque – ont circulé dans l’Europe entière, les petites gravures lyonnaises, hautes d’à peine quelques centimètres, ayant été abondamment copiées sur des objets et des supports d’une grande diversité de formes, de couleurs et d’usages. L’identification du modèle n’est pas toujours aisée, les artistes adaptant parfois les vignettes avec une certaine liberté, et Salomon lui-même, selon une pratique de composition alors courante, a largement tiré profit de la production des maîtres italiens, allemands ou bellifontains, ce qui rend d’autant plus délicate la recherche des sources figurées. Toutefois, les formes inventées par l’artiste possèdent un style propre, et l’on reconnaît immédiatement ses paysages naturels ou urbains à la profondeur saisissante, où évoluent des protagonistes gracieux aux gestes tourmentés. De plus, ces gravures fourmillent d’une multitude de détails, souvent repris par les artistes, ce qui permet de déterminer le modèle avec plus ou moins de certitude. L’épisode de Jaël tuant Sisera (Juges, IV, 17-24), extrait des Quadrins historiques de la Bible, présente un dispositif visuel caractéristique de la manière de Salomon3 (fig. 107). Au centre d’une architecture semi-circulaire richement décorée de niches, de pilastres ou encore d’un plafond à caissons, la jeune femme, tel Samson maîtrisant le lion, immobilise de ses jambes le

chef de l’armée cananéenne étendu sur le sol. Dans un mouvement spiralé que reprennent les méandres de son voile, elle brandit d’une main un marteau imposant et applique de l’autre un pieu sur la tempe de Sisera. De part et d’autre s’étend un paysage constitué tout à la fois de ruines desquelles pendent des éléments de végétation et de formes montagneuses tout juste esquissées dans le lointain, qui apportent une profondeur étonnante à cette vignette de petites dimensions4. Pour exécuter sa composition, Salomon a notamment pu prendre appui sur la gravure de Lucas de Leyde traitant le même sujet, et il a ajouté de la fougue aux personnages impassibles du Hollandais5. On le sait, grâce au réseau de diffusion de Jean de Tournes et à la traduction de l’ouvrage en de nombreuses langues, les Quadrins historiques de la Bible ont circulé dans l’Europe entière, voire au-delà, et ont été abondamment copiés, utilisés comme de véritables réservoirs de modèles6. Il est par exemple probable que Philips Galle, dans la série qu’il consacra aux femmes illustres, s’en est librement inspiré, transposant sur le cuivre, au burin, la gravure sur bois du Lyonnais dans un format beaucoup plus large, comme le suggèrent le mouvement tout en courbe de la tente ou la position de Sisera7. Si les graveurs ont amplement puisé dans le répertoire de formes que constituent les œuvres de Bernard Salomon 8, d’autres artistes s’en sont également inspirés, en particulier les céramistes, qu’ils appartiennent aux grands centres de production de majoliques historiées en Italie, comme Faenza ou Urbino, ou aux ateliers espagnols, flamands ou français9. Grâce aux inscriptions parfois portées au dos de la vaisselle peinte, notamment les citations versifiées de la Bible, il est possible d’identifier assez précisément l’édition illustrée qui a servi de modèle. Si la majolique exécutée à Lyon demeure encore mal connue, malgré la présence attestée de faïenciers et de potiers italiens dans la ville10, en revanche, celle de Nevers, mieux cernée, révèle l’influence décisive des vignettes de Salomon11. Ainsi un plat aujourd’hui conservé au musée de l’Ermitage est-il nettement inspiré de la composition de Jaël et Sisera des Quadrins historiques de la

298

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 298

22/09/2015 12:43


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 299

22/09/2015 12:43


La diffusion en Allemagne de modèles gravés lyonnais

MAUD LEJEUNE

Fig. 109

Augsbourg, maître anonyme d’après Bernard Salomon, Les Trois Maries se rendant au tombeau de Jésus, fin du xvie siècle.

Plaquette en bronze. H. 10,4 ; l. 17,2 cm. Bruxelles, collection particulière

1. Engammare 2003. 2. Sharratt 2005, p. 156. 3. Klose 1988.

Les modèles lyonnais sont bien connus grâce aux livres illustrés qui les ont diffusés. Leur propagation vers l’Allemagne a été facilitée par la mise sur le marché de livres spécifiquement destinés aux communautés allemandes. Dans le cas des éditions de Jean de Tournes, les inventions de Bernard Salomon, notamment pour l’illustration de la Bible, ont fait l’objet de publications en sept langues, dont l’anglais, le flamand et l’allemand, mais aussi le latin, langue internationale1. La suite gravée de la Metamorphose de l’Ovide figuree (1557 ; voir cat. 281) a fait partie de trois éditions du temps du père et fut encore employée par le fils, Jean II, dans ses propres éditions. L’une d’elles, datée de 1582, apporte dans son avis au lecteur quelques éclaircissements quant à la réception des vignettes par les peintres : « Mon père lors, voyant que son premier desseing estoit eslongué, en faveur des peinctres, et autres qui se servent ou prennent plaisir à la poesie, fist veoir ces figures au public avec des huictains au dessous comprenans succintement le sommaire de l’histoire. Il fut esbahi au bout de quelque temps qu’il recongnut qu’on luy avoit contrefaict et poché ses figures. » L’enquête a montré que le premier « contrefacteur » de ces vignettes était un illustrateur établi à Nuremberg, Virgil Solis (1514-1562) 2 . Six ans seulement après leur parution à Lyon, cet artiste donna en effet une série de cent soixante-dix-huit bois copiés de très près à partir de ces modèles, qui parut à Francfort chez Sigmund Feyerabend en 1563 (cat. 282). Un autre artiste actif à Nuremberg, Jost Amman (1539-1591), originaire de Zurich, s’intéressa lui aussi aux vignettes de Salomon, en particulier à celles de la Bible, dont il offrit de nouvelles interprétations dans un certain nombre d’éditions religieuses : textes des Saintes Écritures et livres de prières (cat. 252). D’autres éditions lyonnaises illustrées, moins célèbres toutefois que les précédentes, ont séduit les artistes et les typographes allemands et contribué à la propagation des modèles lyonnais vers le nord, ne serait-ce que celles du Thesaurus amicorum (vers 15571559). Orné d’encadrements précieux, d’encadrements historiés ou d’arabesques et d’une

série de médaillons d’hommes illustres que l’on retrouve dans les Insignium aliquot virorum icones du fils Jean II (1559), ce Thesaurus constituerait la première édition spécifiquement conçue pour satisfaire la vogue prépondérante en Allemagne des alba amicorum, des albums destinés à recueillir des messages cordiaux de savants, d’étudiants, d’artistes et de lettrés rencontrés au cours des pérégrinations de leurs possesseurs dans les grandes villes d’Europe. Cette mode s’est particulièrement développée dans les milieux humanistes de la seconde moitié du XVIe siècle, où quantité de livres imprimés à caractère emblématique ont été interfoliés de feuillets blancs afin de recevoir les messages autographes des personnalités rencontrées 3 . Il y a aussi l’édition des Pourtraits divers (1556, 1557 ; cat. 228), qui a sans doute inspiré en partie le Kunstbüchlin de Jost Amman (1578). La formule du livre d’images à destination des peintres et des jeunes dessinateurs est ancienne, mais on devine des liens entre les éditions lyonnaise et allemande à travers deux vignettes précises, les seules illustrant des scènes de chasse. En effet, celles présentes dans le Kunstbüchlin, sans être des copies fidèles, montrent qu’Amman a repris ce thème qui lui était cher à partir des vignettes issues de l’atelier de Salomon. Exécutées dans un format plus grand, ses gravures comportent davantage de détails et se caractérisent par une meilleure finition des costumes de chasse et de la nature environnante, mais on retrouve précisément l’idée et la composition générale. De la première scène, Amman retient le piqueur barbu en pied, une pique sur l’épaule, un chien limier de haute stature tenu en laisse à ses côtés, de la seconde, le chasseur coiffé d’un chapeau orné de plumes, armé d’une épée et d’une arquebuse à sa ceinture, incitant vivement de la main un chien rapporteur de type barbet qui s’est jeté à l’eau, nageant en direction d’une sarcelle dans la vignette de Salomon, la rapportant déjà dans la vignette d’Amman (fig. 110). Ces deux illustrateurs actifs à Nuremberg n’en demeurent pas moins de brillants inventeurs, avec un riche catalogue estimé à quelques milliers de planches. Tous deux furent très

302

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 302

22/09/2015 12:43


03-Renaissance Lyon p256-352.indd 303

22/09/2015 12:43


La gravure sur cuivre et son rayonnement à Lyon

cat. 234

Maître JG La Flagellation, avant 1526

Plume et encre brune, lavis brun, sur papier ; traces de stylet. H. 21,8 ; l. 32,3 cm New York, The Morgan Library & Museum, inv. III, 66

306

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 306

22/09/2015 12:43


cat. 235

Maître JG La Flagellation, 1526, 2e état

Burin. H. 21,2 ; l. 32,7 cm Monogrammé et daté sur chapiteau en bas au milieu : JC [lettre enlacées] / 1526. Autre date en bas à gauche : 1583 [3 en contrepartie] Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Collection Edmond de Rothschild, inv. 4573 LR

307

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 307

22/09/2015 12:43


Artistes attirés à Lyon par l’imprimerie Les Lorrains

cat. 242

cat. 243

Pierre II Woeiriot de Bouzey

Pierre II Woeiriot de Bouzey Boucle d’oreille

(1531 ou 1532 – 1599)

Poignée d’épée au guerrier armé, 1555

Burin. Feuille : H. 19,7 ; l. 19,5 cm État ultérieur : seul le F de la signature de part et d’autre de la poignée apparaît : F demeure [Petrus Woeiriot / Lothargingus Inventor. F.], date en bas : 1555, suivie à droite du numéro de la planche : 6 Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques (Collection Edmond de Rothschild), inv. 4857 LR

312

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 312

Burin. H. 7,1 ; l. 5 cm Monogrammé en bas au milieu : PW enlacés ; suivi du numéro de planche : 20 Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques (Collection Edmond de Rothschild), inv. 4844 LR

cat. 244

Pierre II Woeiriot de Bouzey Pendants de cou, vers 1555-1562

Onze gravures montées sur une seule planche Burin. Env. H. 7,8 ; l. 5 cm (chacune) Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques (Collection Edmond de Rothschild), inv. 4846 LR à 4856 LR

22/09/2015 12:43


la fabrique des modèles

Les Bourguignons cat. 247, 248, 249

Hugues Sambin

Trois dessins de supports anthropomorphes à la plume et encre brune, lavis brun, aquarelle bleue, sur papier, 1595 Lyon, musée des Arts décoratifs

cat. 247 Daphné changée en laurier cat. 246

Hugues Sambin (vers 1520 – 1601) Œuvre de la diversité des termes, dont on use en architecture, réduict en ordre

Lyon, Jean Marcorelle et Jean Durand, 1572 Livre imprimé, in-2o, feuille : H. 31,5 ; l. 20,4 cm, 76 [4] p., 36 gravures sur bois Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 126685 Ouvert au folio 1 ro : Frontispice

H. 27 ; l. 19,2 cm Inv. MT 20815.11

cat. 248 Jupiter et Lycaon H. 27,8 ; l. 19 cm Inv. MT 20815.1

cat. 249 Artémis d’Éphèse

H. 26,8 ; l. 19 cm Signé et daté en bas à droite : Hugues Sambin / délineavit Anno 1595 Inv. MT 20815.8

314

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 314

22/09/2015 12:43


La reprise des modèles dessinés par Bernard Salomon dans les arts appliqués

cat. 251

cat. 252

Bernard Salomon (1506-1510 – vers 1561) L’ Arche de Noé

Jost Amman (1539-1591) L’ Arche de Noé

Gravure sur bois. H. 5,5 ; l. 8 cm Dans Claude Paradin, Quadrins historiques de la Bible, Lyon, Jean de Tournes, 1555, in-8o, H. 15,4 ; l. 11 ; ép. 2 cm, 44 fos, fo Genèse VI. & VII., B 3 Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 357526 (1)

Gravure sur bois. H. 12 ; l. 20 cm Dans Flavius Josèphe, Opera Josephi, Francfort, Sigismond Feyerabendt, 1580, in-fol., H. 39 ; l. 26,3 ; ép. 8,4 cm, 934 p., p. 9 Lyon, Bibliothèque municipale de Lyon, Rés. 21963

cat. 253

Masséot Abaquesne (actif de 1526 à avant 1564) La Construction de l’arche de Noé, vers 1550-1560

Panneau gauche du triptyque de L’Histoire de Noé, provenant du château d’Écouen Faïence polychrome. H. 139,5 ; l. 97 ; ép. 7 cm Écouen, Musée national de la Renaissance – château d’Écouen, inv. Ec 21a

316

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 316

22/09/2015 12:43


253. 317

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 317

22/09/2015 12:43


la fabrique des modèles

cat. 286 et 287

France, vers 1560 Deux éléments d’une tenture de lit Soie brodée. H. 55 ; l. 204,5 cm et H. 55 ; l. 184 cm Lyon, musée des Tissus, inv. 29055 et 29056

cat. 288

France, vers 1560 Éléments d’une tenture de lit

Soie brodée. H. 42 ; l. 198,1 cm New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 56.27

334

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 334

22/09/2015 12:44


La reprise des modèles dessinÊs par Bernard Salomon dans les arts appliquÊs

335

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 335

22/09/2015 12:44


la fabrique des modèles

cat. 289

France, xviie siècle Boiseries d’après les « Métamorphoses » de Bernard Salomon Ensemble de 35 panneaux octogonaux et 26 rectangulaires Noyer, sapin peint et doré ; chaque panneau : H. 65,5 ; l. 32 ; ép. n.d. cm Lyon, musée des Arts décoratifs, inv. 3060.1 à 3060.35

336

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 336

22/09/2015 12:44


La reprise des modèles dessinÊs par Bernard Salomon dans les arts appliquÊs

337

03-Renaissance Lyon p256-352.indd 337

22/09/2015 12:44



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.