MARSEILLE AU XVIIIe SIÈCLE LES ANNÉES DE L’ACADÉMIE DE PEINTURE ET DE SCULPTURE 1753-1793
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Cet ouvrage accompagne l’exposition Marseille au XVIIIe siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753-1793, présentée au musée des Beaux-Arts de Marseille du 17 juin au 16 octobre 2016.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © musée des Beaux-Arts de Marseille, 2016
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Christine Dodos-Ungerer Conception graphique : François Dinguirard Contribution éditoriale : Marion Lacroix Recherche iconographique : Léa Pietton Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN : 978-2-7572-1058-1 Dépôt légal : mai 2016 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
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Première de couverture : Honoré Revelly, Portrait du peintre Verdussen, de sa femme et de sa servante, 1761. Toulon, musée d’Art, inv. 956.25.1 (détail du cat. 36)
Quatrième de couverture : Aulagnier, Pierre-Jacques Duret et Jacques-Philippe Lebas, Vue et perspective de la ville de Marseille et de ses environs prise du côté de la belle vue de la plaine Saint-Michel, vers 1750-1760. Marseille, chambre de commerce et d’industrie, musée de la Marine et de l’Économie, inv. PGE 374 (détail du cat. 1)
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Marseille au XVIIIe siècle
LES ANNÉES DE L’ACADÉMIE DE PEINTURE ET DE SCULPTURE
1753-1793
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VILLE DE MARSEILLE
CHRISTINE GOZZI
Ressources humaines
JEAN-CLAUDE GAUDIN
Maire de Marseille Président de la Métropole Aix-Marseille-Provence Vice-Président du Sénat
SANDRINE CLAËYS
Service des Finances EMMANUELLE FAREY et DANIÈLE MARSETTI
ANNE-MARIE D’ESTIENNE D’ORVES
Adjointe au Maire, déléguée à l’Action culturelle, Musées, Lecture publique, Spectacle vivant, Enseignements artistiques
Communication FANNY LEROY
Service des Publics
Directeur général des Services
Direction générale Attractivité et Promotion de Marseille
et DOMINIQUE SAÏANI
Régie des œuvres
Musée des Beaux-Arts
KARLSRUHE
Staatliche Kunsthalle, Pr. Dr. Pia Müller-Tamm, directrice, et Holger Jacob-Friesen, conservateur en chef ÉTATS-UNIS
LUC GEORGET JEAN-PIERRE CHANAL
Cette exposition a bénéficié du généreux concours de nombreux prêteurs, personnes privées et institutions publiques ; qu’ils soient ici remerciés pour leur soutien et leur confiance. Notre gratitude s’adresse à ceux qui ont souhaité gardé l’anonymat, ainsi qu’aux responsables et aux équipes des institutions suivantes : ALLEMAGNE
BRIGITTE GRENIER JEAN-CLAUDE GONDARD
REMERCIEMENTS
Conservateur en chef
Directeur général
MINNEAPOLIS
Minneapolis Institute of Art, Kaywin Feldman, directeur
CHRYSTELLE VOLLEKINDT SANDRA ROSSI
Directeur de la Communication et de l’Image
Attachée de conservation
AIX-EN-PROVENCE GÉRARD FABRE
Assistant
OLIVIER GINESTE
Directeur de l’Information digitale et éditoriale
STÉPHANIE HECKENROTH
Assistante NADINE LOPEZ
Direction générale Éducation, Culture et Solidarité
Assistante DANIELLE SOUKIASSIAN
ANNICK DEVAUX
Secrétariat
Délégué général NICOLAS MOULIN SÉBASTIEN CAVALIER
Chef de site
Directeur de l’Action culturelle DANIEL BAUZA, VÉRONIQUE DE LAVAL
Responsable division Communication Culture
MICHAEL BIERMANN, CÉLINE BIJOT, CÉLINE GEORGE, VINCENT KUZNICKI
MICHEL VERRANDO
Graphiste
et DANIELLE MANOUKIAN
Conférenciers
CATHY LUCCHINI
Assistante
Commissariat général LUC GEORGET et GÉRARD FABRE
Musées de Marseille CHRYSTELLE VOLLEKINDT
Directeur
Administrateur
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ARLES
Musée Réattu, Pascale Picard, directrice, et Daniel Rouvier, conservateur BAYONNE
Musée Bonnat-Helleu, Sophie Harent, conservateur en chef, directeur BESANÇON
Musée des Beaux-Arts, Emmanuel Guigon, directeur des musées du Centre, et Yohan Rimaud, conservateur BORDEAUX
Musée des Beaux-Arts, Sophie Barthélémy, directrice, et Sandra Buratti-Hasan, adjointe à la directrice CAEN
Musée des Beaux-Arts, Emmanuelle Delapierre, directrice DIEPPE
Musée de Dieppe, Pierre Ickowicz, directeur Musée Gassendi, Nadine Gomez, conservateur DIJON
Scénographie JEAN-JACQUES JORDI
Musée Granet, Bruno Ély, conservateur en chef, et Jérôme Fabiani, conservateur adjoint
DIGNE-LES-BAINS
Coordination générale et régie CHRISTINE POULLAIN
FRANCE
JEAN-PAUL CAMARGO et L’AGENCE SALUCES
Musée des Beaux-Arts, David Liot, conservateur général, directeur des musées
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LILLE
Palais des Beaux-Arts, Bruno Girveau, conservateur général, directeur, et Annie De Wambrechies, conservateur en chef LYON
Galerie Michel Descours, Michel Descours, directeur, et Mehdi Korchane, responsable de la galerie de peintures Musée Gadagne, Xavier de la Selle, directeur MARSEILLE
Académie des sciences, lettres et arts, Henri Tachoire, secrétaire perpétuel, et Élisabeth Mognetti, directeur Archives municipales, Sylvie Clair, conservateur en chef, et Isabelle Aillaud, assistante Bibliothèque de l’Alcazar, bibliothèque municipale à vocation régionale (BMVR), Brigitte Blanc, conservateur, et Thierry Conti Chambre de commerce et d’industrie, musée de la Marine et de l’Économie, Patrick Boulanger, conservateur Musée des Arts décoratifs, de la Faïence et de la Mode, château Borély, et musée Grobet-Labadié, Christine Germain-Donnat, conservateur en chef Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), Jean-François Chougnet, président, et Émilie Girard, responsable du département des Collections et des Ressources documentaires Musée Regards de Provence, Pierre Dumont, directeur, et Aline Granereau METZ
Musée de la Cour d’or, Philippe Brunella, directeur, et Claire Meunier, conservateur MONTPELLIER
Direction régionale de Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées, Laurent Roturier, directeur, Hélène Palouzié, conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault, et université de Montpellier, Philippe Augé, président Musée Atger, Hélène Lorblanchet, directrice Musée Fabre, Michel Hilaire, directeur, conservateur général NARBONNE
Musée d’Art et d’Histoire, Gaëlle Taudou, directrice, et Bertrand Ducourau, conservateur NEVERS
Musée de la Faïence, Didier Maranski, directeur NÎMES
Musée des Beaux-Arts, Pascal Trarieux, conservateur
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PARIS
Musée des Arts décoratifs, Olivier Gabet, directeur Musée Cognacq-Jay, Rose-Marie Mousseaux, conservateur, et Benjamin Couilleaux, conservateur Musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, président-directeur, Sébastien Allard, directeur du département des Peintures, Sophie Jugie, directeur du département des Sculptures, et Guilhem Scherf, conservateur en chef du département des Sculptures Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Christophe Leribault, directeur, et Maryline Assante, conservateur en chef du département des Peintures anciennes
Le Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du patrimoine (CICRP) nous a apporté son précieux soutien. Nous exprimons notre gratitude à Roland May, son directeur, et à Jean Fouace, responsable du pôle scientifique, ainsi qu’aux restaurateurs et encadreurs qui sont intervenus sur les œuvres du musée des Beaux-Arts restaurées à cette occasion : Danièle Amoroso, Marc Filograsso, Hervé Giocanti, Susana Guéritaud, Carole Juillet-Drake, Valérie Luquet, Thierry Martel, Séverine Padiolleau, Monique Perrais, Silvia Petrescu-Ruffat, Xavier Quienne, Aline Raynaut et Tiffaine Vialle.
LA ROCHE-SUR-YON
Musée municipal, Hélène Jagot, directrice ROUEN
Bibliothèque patrimoniale Jacques-Villon, Maïté Vanmarque, directrice des bibliothèques, et Claire Basquin, conservateur responsable du patrimoine et des maisons littéraires Musée des Beaux-Arts, Sylvain Amic, directeur des musées SAINTE-MÉNEHOULD
Musée d’Art et d’Histoire, Anne Ackermann, assistante de conservation SAINT-OMER
Musée de l’Hôtel Sandelin, Marie-Lys Marguerite, conservateur TOULON
Musée d’Art, Brigitte Gaillard, conservateur en chef
Nos remerciements s’adressent également à tous ceux qui, à des titres divers, nous ont aidés à mener ce projet à terme : Malika Aliaoui, Claude Almodovar, Pierre-Emmanuel Audap, Jacques Baconnier, Caroline Berne, Djamella Berri, Anne Blanchet, Véronique Boccacio-Toulouse, Aurélia Botella, Anne-Violaine Bouilloud, Marie-Sophie Boullan, Magali Bourbon, Sylvie Bourrat, Emily Brochier, Jeannine Brun, Florence Cailleret, Sandrine Cammilleri, Hubert Cavaniol, Martine Depagniat, Lisa Diop, Julie Ducher, Céline Falavard, Nicolas Flippe, Emmanuelle Font-Bruyère, Mathilde Formosa, Françoise Fournier, Rieke Friese, Marine Gatinet, Catherine Grolière, Émilie Hervé, Catherine Hubbard, Lisa Jacquemin,
Anne Jouve, Stéphanie Lardez, Emmanuel Laugier, Olivier Laville, Musée des Augustins, Axel Hémery, Olivier Lefeuvre, Sylvaine Lestable, directeur Anne Lhuillier, VALENCE Christophe Marcheteau de Quinçay, Musée de Valence, Hélène MoulinPauline Marlaud, Fabien Mirabeau, Stanislas, conservateur en chef Tanya Morrison, VERSAILLES Gaëlle Neuser, Marc Nicolet, Musée national des châteaux de Versailles Sabrina Paumier, Anthony Pinna, et de Trianon, Béatrix Saule, directeur, Édouard Planche, Alain Rathery, Frédéric Lacaille, conservateur en chef Catherine Regnault, Béatrice Roussel, responsable des prêts aux expositions, Dominique Schnapper, et Alexandre Maral, conservateur en chef Blanca Tardío López, Elsa Trani, chargé des sculptures Patricia Truffin, Saskia Van Rooijen, Marie Villajos et Nelly Vi-Tong, TOULOUSE
ROYAUME-UNI ACCRINGTON
Haworth Art Gallery, Miles Parkinson, directeur, Yvonne Robins, administrateur, et Gillian Berry, conservateur
ainsi qu’à l’ensemble du personnel du musée des Beaux-Arts.
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PRÉFACES
Marseille est une ville si riche de son histoire et de son patrimoine que nous avons toujours à apprendre et à découvrir de son passé. Entre les fastes baroques du règne de Louis XIV et le triomphe du XIXe siècle qui a façonné sa parure monumentale moderne, le siècle marseillais des Lumières nous est peut-être le moins familier des trois. On en oublie qu’il fut, lui aussi, un grand siècle de la longue histoire de notre ville, celui d’une de ses plus remarquables expansions, démographique aussi bien qu’économique, qui annonçait en tout point celle, encore plus étonnante, du siècle suivant. Cet ouvrage nous parle de la vie artistique à Marseille au XVIIIe siècle, par le biais d’une de ses plus notables institutions culturelles, l’Académie de peinture et de sculpture, créée en 1753. Cette Académie fut l’aboutissement du travail acharné d’hommes qui voulurent donner à Marseille un établissement apte à former les meilleurs artistes, peintres, sculpteurs et architectes, mais aussi les artisans, qui allaient travailler dans les nombreuses manufactures marseillaises de faïence, de toiles peintes ou d’indiennes, dont les productions se répandaient en France et à l’étranger. Ils rêvaient de faire de cette Académie un soutien pour les jeunes artistes, un lieu de rencontre pour ceux qui étaient de passage et, par le réseau de relations qu’ils entretinrent avec le reste de l’Europe, un instrument du rayonnement de leur ville.
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L’histoire et les œuvres de cette période, qui ont traversé jusqu’à nous les siècles, nous disent clairement qu’ils ont réussi. Au cours de ses quarante années d’existence, l’Académie a formé des élèves qui connurent de grands succès, bien au-delà de Marseille et des artisans qui donnèrent aux productions de nos manufactures un niveau inégalé. Elle a réuni des amateurs qui œuvrèrent à l’enrichissement du patrimoine de leur ville et surent le défendre dans les années de tourmente de la fin du siècle. Fermée en 1793, comme toutes les académies en France, elle devait donner naissance, une fois la tourmente apaisée, à deux des plus importantes institutions culturelles du XIXe siècle : le musée des Beaux-Arts et l’école de dessin, future école des beaux-arts. Deux siècles après, ces deux enfants de l’Académie de peinture et de sculpture sont toujours bien présents et confirment, avec tant d’autres, la place de Marseille, capitale européenne de la culture.
JEAN-CLAUDE GAUDIN Maire de Marseille Président de la Métropole Aix-Marseille-Provence Vice-Président du Sénat
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Les musées de Marseille ont depuis toujours à cœur de contribuer à l’enrichissement de la connaissance de notre patrimoine. Depuis 1978 et la mémorable manifestation La Peinture en Provence au XVIIe siècle, le musée des Beaux-Arts s’est attaché à présenter au public l’histoire de la création artistique à Marseille et dans notre région. Après l’exposition sur le XVIIe siècle sont venues successivement les expositions La Peinture en Provence au XVIe siècle et Marseille au XIXe siècle, rêves et triomphes. Chacune fut le fruit d’une heureuse collaboration avec l’université et le monde de la recherche, en étant chaque fois l’occasion de faire le point sur l’état de la question, tout en offrant au public le plaisir de découvrir et d’admirer des œuvres rares et superbes. Le XVIIIe siècle restait à aborder. C’est aujourd’hui chose faite avec Marseille au XVIIIe siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753-1793. L’Académie de peinture et de sculpture de Marseille, créée en 1753 à l’initiative du peintre Dandré-Bardon, est au cœur de l’histoire artistique du Siècle des lumières à Marseille. Comment ne pas être sensible à l’histoire de cette institution qui, pendant les quarante années de son existence, s’est donné comme but de défendre les arts, de former et de soutenir les artistes, en prouvant à quel point ils avaient eux aussi à jouer leur rôle dans le développement de leur ville ?
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Comment ne pas suivre les hommes qui la dirigèrent dans ce désir d’inscrire leur ville dans un réseau bien plus vaste, à l’échelle de la France, bien sûr, mais aussi de cette Europe des Lumières avide de culture, et de faire de Marseille un lieu d’accueil pour les artistes de passage ? Deux siècles après la disparition de l’Académie de peinture et de sculpture, ces précieux objectifs sont encore ceux que nous défendons. Au XXIe comme au XVIIIe siècle, Marseille croit toujours en la culture.
ANNE-MARIE D’ESTIENNE D’ORVES Adjointe au Maire, déléguée à l’Action culturelle, Musées, Lecture publique, Spectacle vivant, Enseignements artistiques
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Marseille au XVIIIe siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753-1793
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SOMMAIRE
Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Luc Georget
Une académicienne Françoise Duparc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .187 Luc Georget
Le « glorieux » XVIIIe siècle marseillais Marseille de la Régence à la Révolution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Régis Bertrand
L’héritage baroque Michel Serre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Marie-Claude Homet
De l’aristocratie du négoce aux cercles de l’Académie Les réseaux marseillais de Joseph Vernet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Émilie Beck Saiello
École de dessin, académie, académies L’« Académie de Peinture, & c. de Marseille » dans l’espace des Lumières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’union des arts et du commerce. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Émilie Roffidal
La faïence de Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 Christine Germain-Donnat
Le cycle de l’Histoire de Tobie de Pierre Parrocel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
223
Yves di Domenico
Les sculpteurs de l’Académie de Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .239 Alexandre Maral
L’architecture à l’Académie Les morceaux de réception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257 77
Olivier Bonfait
De l’École académique de dessin à l’Académie de peinture, sculpture et architecture civile et navale de Marseille 1753-1793 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87 Gérard Fabre
Faire œuvre de pédagogie Le directorat de Michel-François Dandré-Bardon à l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille 1749-1783 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Luc Georget
Une commande singulière Le Saint Roch intercède la Vierge pour la guérison des pestiférés de David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 Luc Georget
Marseille et la création artistique pendant la Révolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271 Claude Badet
Laëtitia Pierre et Markus A. Castor
Modèles parisiens Un lot de figures académiques pour Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Sylvain Bédard
Liste des œuvres exposées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .295 Index des noms de personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
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LUC GEORGET
AVANT-PROPOS
Présenter au musée des Beaux-Arts une rétrospective traitant d’une période de l’histoire des arts à Marseille sous l’Ancien Régime, c’est délibérément s’inscrire dans une lignée inaugurée par Henri Wytenhove en 1978 avec l’exposition La Peinture en Provence au XVIIe siècle 1. Ce fut la première d’une série d’heureuses collaborations avec l’université et le monde de la recherche en histoire de l’art pour défricher des pans moins fréquentés de la discipline et mettre en lumière, au travers de l’entrelacs des relations qui avaient pu unir la Provence aux grands foyers de la création à Paris et en Italie, le foisonnement de la production artistique régionale. Au cours des décennies suivantes ont suivi La Peinture en Provence au XVIe siècle 2, puis Marseille au XIXe siècle, rêves et triomphes, qui retraçait le formidable panorama de l’expansion marseillaise au cours du siècle, sans oublier encore, pour le XVIIe siècle, la monographie consacrée à Pierre Puget 3 , dont la stature hors norme avait dominé l’âge baroque en Provence. Le cœur du XVIIIe siècle restait à traiter. À l’occasion des manifestations du bicentenaire, la fin du siècle avait été abordée avec Marseille en Révolution 4 . La collection du lieutenant général de la sénéchaussée Guillaume de Paul, collectionneur de la seconde moitié du siècle, avait été présentée en 1993. La question de la faïence, capitale pour Marseille, avait elle aussi été approfondie à la faveur des remarquables expositions organisées par le musée de la Faïence 5 . Vouloir approcher le siècle dans son intégralité soulevait pourtant de nombreux obstacles. Le principal, qui n’était pas le moindre pour une exposition, était celui de réunir des œuvres susceptibles d’être présentées. Face à l’abondance des sources repérées depuis le XIXe siècle par la très précieuse érudition locale et dont la recherche moderne poursuit toujours l’exploration et l’analyse, l’inventaire des œuvres conservées Pages précédentes : cat. 9 (détail, voir p. 51) ; ci-contre : fig. 17 (détail, voir p. 56)
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ou plus simplement en état d’être montrées a paru singulièrement décevant. Le constat était fâcheux et a fait résolument pencher la balance vers la seconde moitié du siècle pour laquelle le patrimoine préservé était le plus important. De cette période se détachait avec la force de l’évidence un établissement qui avait rassemblé la plupart des acteurs de ce temps, artistes, amateurs, commanditaires, et qui s’était trouvé au cœur de ce réseau complexe de l’incontournable institution académique qui régissait alors en France le monde des arts. Cet établissement, c’était l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille, dont la date de création officielle la plus commodément retenue est celle de l’année 1753. Dissoute en 1793, ainsi que toutes ses consœurs, elle n’avait pas eu l’heur d’être restaurée une fois passés les épisodes révolutionnaires les plus exaltés. Les nouvelles organisations culturelles mises en place sous le Consulat et l’Empire avaient désormais pris sa place et rendu vaines toutes les tentatives de résurrection, comme ce fut le cas pour l’Académie des sciences, lettres et arts en 1802. Elle était pourtant restée dans les mémoires comme une des entreprises culturelles les plus signifiantes de la vie culturelle locale. Près d’un siècle après sa disparition, c’est un ouvrage qui allait la ressusciter et lui restituer sa place dans le panorama des arts du XVIIIe siècle marseillais. Il s’agissait de la monumentale Histoire documentaire de l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille d’Étienne Parrocel (fig. 1). Depuis 1861 et ses comptes rendus de l’exposition des beaux-arts du concours régional du Sud-Est, Étienne Parrocel s’était imposé au fil de ses travaux en tant que défenseur d’une histoire des arts en Provence, dont il valorisait l’originalité et la continuité, comprise comme un vaste ensemble qui allait des hommes de la fin du 13
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Marseille au XVIIIe siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753-1793
Moyen Âge jusqu’aux architectes et ingénieurs qui bâtissaient le Marseille de son temps. Son histoire de l’Académie, aboutissement de plusieurs publications qu’il lui avait consacrées (voir Gérard Fabre, p. 136, note 2), avait pour origine une commande du gouvernement qui avait sollicité en 1883 les sociétés savantes des départements afin qu’elles prospectent « des pièces d’archives, comptes, marchés, autographes que les érudits des départements peuvent découvrir dans leurs patientes recherches 6 ». Il fut le premier en les compilant, hélas partiellement, à rendre compte des précieux registres de l’Académie conservés dans les fonds de la bibliothèque de Marseille, principalement des correspondances et règlements, seuls vestiges parvenus jusqu’à nous des archives de l’établissement disparu. « Cette exposition est un hommage à Philippe de Chennevières » disait Henri Wytenhove dans son introduction du catalogue de La Peinture en Provence au XVIIe siècle, qu’il dédiait ainsi à cet autre découvreur de l’intérêt des foyers régionaux de la France de l’Ancien Régime. Nous pourrions le paraphraser et déclarer à notre tour que ce que nous tentons aujourd’hui est un hommage à Étienne Parrocel, à son travail qui, malgré ses infidélités, demeure méritoire et essentiel. Ses informations sont peut-être parfois approximatives ou datées, mais elles ont été pour tous un irremplaçable moyen d’accès à l’histoire de l’institution et à notre connaissance de la période. Reconnaissons que cette exposition lui doit beaucoup, jusqu’à reprendre dans son parcours la partition pragmatique de son étude, en présentant successivement directeurs, professeurs et élèves, c’est-à-dire les hommes qui firent cette Académie, ceux qui l’animèrent, enfin ceux qui surent le mieux tirer parti de ses enseignements. Il nous a semblé important d’ouvrir cette présentation par l’évocation de Michel Serre, qui avait été la figure dominante de la vie artistique marseillaise de la fin du règne de Louis XIV, jusqu’à sa mort en 1733. Il avait naturellement sa place dans cette histoire. Le premier, alors qu’il était auréolé de sa gloire encore fraîche d’académicien reçu à Paris en 1704, il avait tenté, de retour à Marseille l’année suivante, d’obtenir de l’Académie royale la fondation d’une école de dessin 7. Son projet n’eut malheureusement pas de suite et devait rester près d’un demi-siècle dans les cartons. L’année 1753 fut assurément grande pour Marseille qui vit se dérouler deux événements sans aucune relation apparente, mais qui allaient pourtant ranimer activement, chacun à leur manière, la communauté artistique marseillaise. Le premier, nous l’avons vu, fut la création de cette Académie de peinture et sculpture, à l’initiative de personnalités locales et dont MichelFrançois Dandré-Bardon, depuis Paris, allait devenir jusqu’à ses derniers jours l’âme tout autant que le plus solide des soutiens. Le second fut l’installation, pour près d’un an, de Joseph Vernet, venu réaliser sur place les deux vues de Marseille prévues par la grande commande royale des Ports de France. Vernet n’était pas un inconnu pour les Marseillais, parmi lesquels il comptait déjà plusieurs clients. L’engouement pour son travail fut à l’image de son succès universel, il suscita une immédiate postérité parmi
les peintres provençaux, qui répétèrent à l’envie les formules mises au point par le maître. Succès d’un genre, qui est aussi celui d’une image, puisque ses deux toiles allaient, pour plus d’un siècle, donner la mesure de la représentation de la ville à travers son port. Joseph Vernet se devait d’être présent dans l’évocation de ce demi-siècle. Préparer une exposition réserve d’heureuses surprises, comme cette réapparition récente sur le marché de l’art du Portrait de Jean-Joseph Kapeller par Jean-Frédéric-Marc Nattier, mais c’est aussi faire le bilan des regrets, des tableaux qu’on aurait aimé présenter, des renoncements, de tout ce qui, au fur et à mesure des recherches, s’avérait passionnant, mais que le temps et l’espace ont empêché d’aborder. Incontestablement, le XVIIIe siècle marseillais s’est révélé d’une grande richesse. Se pencher sur l’Académie de peinture, c’était effectivement aller à la rencontre de tous les acteurs de la vie artistique de la seconde moitié du siècle à Marseille, et ils furent nombreux. Peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, faïenciers, Parrocel en recense dans son ouvrage près de cent quatre-vingts, associés ou agréés. Comme l’Académie qui, face au pouvoir, mit toujours en avant le succès de ses élèves les plus méritants, c’est-à-dire, selon le critère sacro-saint de l’époque, ceux qui avaient obtenu le grand prix décerné par l’Académie royale, nous nous sommes finalement retrouvés, nous aussi, à privilégier les mêmes artistes, Beaufort, Bounieu, Julien, Foucou et Forty, devant faire face à la faiblesse déconcertante du nombre des œuvres présentables des membres fondateurs les plus importants de l’institution marseillaise, tels Verdiguier, Kapeller, Moulinneuf ou Zirio. Nous aurions de même aimé évoquer ces dynasties d’artistes révélées jadis par Joseph Billioud 8 ; nous pensons plus particulièrement à celle des Bernard, à Pierre (1704-1777) notamment, qui succéda à Michel Serre comme peintre de l’arsenal et fut un pastelliste plus que méritoire. Aurait tout aussi légitimement mérité notre attention l’un des derniers grands décors religieux mis en place à Marseille, celui de l’église Saint-Ferréol, détruite à la Révolution, édifice à la décoration duquel travailla également Verdiguier. À quelques années de distance, deux grands maîtres de la peinture française y étaient intervenus, Charles-Joseph Natoire, en 1748, avec un imposant Martyre de saint Ferréol 9 , et Joseph-Marie Vien, en 1752, avec deux toiles, Le Centenier aux pieds du Christ et La Piscine miraculeuse 10 . Les trois peintures sont conservées dans les réserves du musée des Beaux-Arts, dans l’attente de leur restauration. Les trois morceaux de réception d’architecture présentés, les seuls qui aient été préservés, nous rappellent à quel point l’architecture du XVIIIe siècle à Marseille est effacée des mémoires, éclipsée par l’embellissement monumental du XIXe siècle, et sans l’évidence d’un chef-d’œuvre comparable à celui qu’a laissé le XVIIe siècle, la Vieille Charité. Régis Bertrand nous remémore quelquesuns de ces bâtiments aujourd’hui oubliés. Là encore, érudition ancienne et recherches récentes se mêlent pour réhabiliter les hommes qui, comme Dreveton, Brun ou Dageville, ont œuvré à la réalisation du renouveau du paysage urbain, et ont édifié des
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Avant-propos
Fig. 1 : Camille BRION, Portrait d’Étienne Parrocel, 1876, photographie, frontispice de Ma vie, à mes amis d’Étienne Parrocel, Marseille, 1876
monuments tels que l’hôtel de ville ou l’hôtel-Dieu 11. C’est aussi dans ces années d’existence de l’Académie que se projette une ville néoclassique aujourd’hui invisible, mais dont les ambitions furent aussi grandioses que celles du XIXe siècle. Cette ville, c’est celle où Charles-Louis Clérisseau peut concevoir des projets avant-gardistes pour le château des Borély, celle où, sous le règne de Louis XVI, les grands projets se multiplient, places royales, portes monumentales pour la place d’Aix, celle où Claude-Nicolas Ledoux propose des dessins pour la construction du grand théâtre et Jean-Jacques Lequeu pour l’église des Capucines en 1788 12. On pourrait adjoindre à cette litanie des absents la sculpture religieuse, si bien étudiée pour Marseille 13, la gravure, les productions manufacturières ; l’inventaire des sujets possibles est assurément volumineux. Mais il ne doit pas nous laisser un goût amer. Il est
au contraire le signe du vaste champ qui s’ouvre encore à nous. Le Siècle des lumières est bien l’autre grand siècle marseillais.
1. Marseille, 1978. 2. Marseille, 1987-1988. 3. Marseille, 1994-1995. 4. Marseille, 1989. 5. Marseille, 1990-1991 ; Marseille, 1993-1994. 6. Parrocel, 1889-1890, t. I, 1889, p. III-IV. 7. Procès-Verbaux de l’Académie […], 1875-1909, t. IV, 1881, p. 6-7, lettre du 25 avril 1705. 8. Billioud, 1938 a ; Billioud, 1938 b. 9. Caviglia-Brunel, 2012, p. 356. 10. Gaehtgens et Lugand, 1988, p. 143-144.
11. Cachau, 1996 ; Bertrand et Valette, 2005, p. 243-267 ; pour l’hôtel de ville, voir aussi Bastide-Fouque, 2015. 12. Les plan, coupe, élévation et aspect de l’entrée principale et de l’intérieur de l’église conventuelle pour l’église des Capucins sont conservés à Paris (Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, EST RESERVE HA-80 [A, 3]) et consultables sur le site Gallica. 13. Roffidal, 2008 b, avec bibliographie.
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Marseille au XVIIIe siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753-1793
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RÉGIS BERTRAND
LE « GLORIEUX » XVIIIe SIÈCLE MARSEILLAIS Marseille de la Régence à la Révolution
Entre la peste de 1720, la dernière qu’ait connue la cité, et la grave crise économique et politique qui commence en 1793, a lieu pendant plus de deux générations ce que Charles Carrière, l’historien du négoce de Marseille aux Temps modernes, a qualifié naguère de « grand siècle 1 » et Michel Vovelle, évoquant l’essor des villes-ports, de « glorieux XVIIIe siècle 2 ». Un temps de croissance économique et démographique, de développement urbain, de fécondité intellectuelle et artistique, de progrès de toutes sortes qui hissent Marseille parmi les premières villes de France et font d’elle une des villes de la modernité européenne 3 .
De la Méditerranée aux océans : l’expansion de l’économie portuaire Grâce à son ouverture au monde, aux océans comme à l’intérieur du continent, Marseille connaît au XVIIIe siècle son premier apogée portuaire 4 . Les travaux d’économétrie de Guillaume Daudin 5 prouvent, après ceux de Ch. Carrière, que Marseille est le plus dynamique des grands ports français du XVIIIe siècle, en dépit des crises conjoncturelles causées par les guerres de Louis XV ou du krach de 1774, qui provoque la faillite en chaîne des courtiers 6 . Encore les sources conservées ne prennent-elles que très partiellement en compte le trafic avec la Catalogne, la Ligurie et la Toscane, et surtout l’apport du petit cabotage avec les ports du Roussillon, du Languedoc et de Provence 7. De plus, Gilbert Buti a montré que, de Martigues jusqu’à Antibes, les ports secondaires provençaux, voire de simples mouillages, deviennent des satellites du « système marseillais », même si certains parviennent à conserver une autonomie relative. Leurs Fig. 17 (détail, voir p. 56)
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f lottes marchandes, qui peuvent paraître disproportionnées, sont au service du négoce marseillais 8 . En dépit du handicap de la situation de Marseille sur la mer intérieure, le grand commerce en droiture avec les « îles d’Amérique », les Antilles françaises, est devenu le moteur de la croissance marseillaise : en un siècle, son taux annuel est de 2,2 sur l’océan et de 0,9 seulement en Méditerranée 9 . Désormais les produits des plantations antillaises, sucre, café, chocolat, et les substances tinctoriales, la cochenille (rouge écarlate) et l’indigo (bleu), débarquent et réembarquent sur les quais 10 . Le commerce intraméditerranéen avec le Levant, la Méditerranée orientale et les États barbaresques – l’Afrique du Nord – reste le domaine traditionnel des Marseillais. Face au risque majeur de peste inhérent aux échanges avec l’Orient, les autorités de la ville ont su organiser solidement le contrôle sanitaire au cours du XVIIe siècle, avec le port d’arrivée et de quarantaine du Frioul, la consigne sanitaire et les grandes infirmeries d’Arenc, vaste lazaret fonctionnel depuis 1668. Ce système sera d’une grande efficacité : sur plus de seize mille navires reçus à Marseille au cours du XVIIIe siècle, cent quarante ont la peste à bord et la maladie ne se manifestera qu’à seize reprises seulement dans le lazaret. Il ne connaîtra qu’une seule défaillance, qui sera tragique, en 1720, à la suite d’une imprudence des intendants de santé qui ont exagérément abrégé la quarantaine 11. En 1669, Louis XIV, conseillé par Colbert, a conféré aux Marseillais un quasi-monopole français sur les produits levantins, le contournement du continent pour atteindre le port normand étant peu rentable. L’ordonnance d’octobre 1685 a ensuite chargé la chambre 17
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MARIE-CLAUDE HOMET
L’HÉRITAGE BAROQUE Michel Serre
Michel Serre (Tarragone, 1658-Marseille, 1733) a eu la chance d’avoir une carrière très longue à Marseille, près de soixante ans, à cheval sur le règne de Louis XIV, la Régence et le règne de Louis XV. Il assure ainsi la transition entre la période baroque marquée par Pierre Puget et les prémices du Siècle des lumières. Il appartient, comme Barthélemy Chasse, à cette génération d’artistes étrangers qui viennent se fixer à Marseille, à la fin du XVIIe siècle, au moment de sa grande expansion. Avec plus d’une centaine de toiles retrouvées dans les églises, essentiellement en Provence, dans les musées (le musée des Beaux-Arts de Marseille possède de lui plus de trente tableaux) et dans les collections particulières en France et en Suisse, Michel Serre, d’origine catalane, est l’un des peintres les plus représentatifs de l’époque baroque en Provence. Les guides du XVIIIe siècle, l’Almanach historique de Marseille de JeanBaptiste Grosson (1770-1790) et le Voyage pittoresque de Marseille (1778) de François Michel de Léon 1 se font l’écho de l’abondance de l’œuvre de Michel Serre. Leurs précieuses descriptions, parfois accompagnées de dessins, révèlent une production considérable, inégale (la participation de l’atelier reste mal connue), qui a souffert de l’oubli et des variations du goût et de la liturgie : destruction totale des décors plafonnants dans les églises, dispersion des cycles religieux, disparition de ses réalisations comme peintre des galères. Le Mémoire (1759) d’Étienne Moulinneuf, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, peintre lui-même, donne le témoignage d’un contemporain admirateur de Michel Serre 2. En 1850, l’étude pénétrante de Philippe de Chennevières 3 est un premier essai d’inventaire et de présentation. Son intuition critique place le peintre Cat. 5 (détail, voir p. 44)
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marseillais « par son sentiment du réalisme, sa fougue d’invention et sa fermeté de coloris, comme l’un des derniers tempéraments bien organisés d’artistes qu’ait vu naître l’Espagne ». En 1978, l’exposition La Peinture en Provence au XVIIe siècle, organisée au musée des Beaux-Arts de Marseille par Henri Wytenhove, avait fait partager à un large public l’enthousiasme de son conservateur pour la redécouverte des artistes du passé. Marseille était bien représentée avec des personnalités d’exception comme Pierre Puget, peintre, sculpteur, architecte, emblématique de l’époque baroque par son tempérament et son œuvre, et des noms moins connus, tels Jean-Baptiste Faudran, Jean-Baptiste de La Rose, François Puget, Meiffren Conte, le Napolitain Barthélemy Chasse et le Messinois Luca Villamage. Dix toiles de Michel Serre étaient exposées, dont les célèbres scènes de la peste de 1720. En 1985, Jean-Roger Soubiran, conservateur du musée de Toulon, avait révélé deux toiles mythologiques de Michel Serre sur le thème de Bacchus et Ariane, proches de son morceau de réception à l’Académie royale de peinture en 1704. Depuis la publication de Michel Serre et la peinture baroque en Provence 4 en 1987, une douzaine de toiles et dessins ont été retrouvés et de nouvelles recherches ont permis de découvrir le titre exact de certaines œuvres d’une iconographie rare.
1658-1675. La jeunesse catalane, les années de formation, la chartreuse de Scala Dei et le voyage en Italie Le 10 janvier 1658, Michel Serre est baptisé dans la cathédrale de Tarragone. Quatrième enfant de Marie Arbos et de Jaume Serra, marchand ambulant de couvertures et matelas ( f lassader), il est 35
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ÉMILIE BECK SAIELLO
DE L’ARISTOCRATIE DU NÉGOCE AUX CERCLES DE L’ACADÉMIE Les réseaux marseillais de Joseph Vernet
Les relations de Joseph Vernet (Avignon, 1714-Paris, 1789) avec Marseille ont fait l’objet de diverses études. En 1859, Léon Lagrange publiait, dans la Revue de Marseille et de Provence, un article intitulé « Joseph Vernet à Marseille 1 ». Ce texte fort utile fournissait, en s›appuyant sur de nombreux documents et sur le « livre de raison 2 » de l›artiste, une première analyse des séjours du peintre dans la cité et dressait une courte liste de ses clients locaux. En 1926, le catalogue raisonné des peintures rédigé par Florence Ingersoll-Smouse tentait d›identifier plusieurs des tableaux réalisés à Marseille et d›en reconstituer l›historique 3 . Philip Conisbee a enrichi notre connaissance du peintre, avec en particulier l’exposition qu’il lui a consacrée à Londres et à Paris en 1976-1977 4 . D’autres auteurs, tels Laurent Manœuvre et Éric Reith, ont étudié en détail la série des Ports de France 5 . En 2014, nous avons rédigé à la demande de Marseille, la revue culturelle de la Ville de Marseille un article sur le séjour de l’artiste dans la ville. Nous en publions ici une version augmentée. Celle-ci intègre de nouvelles analyses, les informations que nous avons pu recueillir depuis, et s’attache en particulier à documenter les relations que Vernet a entretenues tout au long de son existence avec les cercles marseillais : négociants, amateurs, académiciens et artistes. L’étude des œuvres, du livre de raison et de la correspondance avec l’Académie peuvent permettre ainsi d’établir les réseaux de sociabilité de Vernet dans la cité phocéenne, de préciser son rôle dans le rayonnement de Marseille, d’y mesurer enfin sa fortune artistique. Fig. 16 (détail, voir p. 55)
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Les premiers séjours marseillais Joseph Vernet est un Provençal. S’il se forme essentiellement auprès de son père, Antoine (1689-1753), et de Philippe Sauvan (1697-1792) à Avignon, puis auprès de Jacques Vialy (1650-1745) à Aix – ville qui lui fournira ses premiers protecteurs et clients –, il n’est pas improbable qu’il ait fait quelques voyages à Marseille, attiré par la cité, son port et peut-être sa clientèle. Il faut attendre néanmoins 1743 pour enregistrer les premières commandes : « Pour M. Bernard, peintre à Marseille, deux marines à ma fantaisie 6 » et « Pour M. le Receveur de Malte à Marseille [le bailli Jean-Baptiste Thaon de Revel] huit tableaux […] représentant divers sujets de l’histoire sainte […], ordonnés dans le mois de novembre 1746 7. » Vernet est alors installé à Rome depuis 1734. Il y a épousé en 1745 Virginia Parker, fille d’un catholique irlandais, capitaine de la marine pontificale. Il s’y est fait un nom comme peintre de paysages et de marines auprès d’une riche clientèle internationale et, en particulier, des Anglais du « grand tour ». En 1750, il y rencontre le futur marquis de Marigny, directeur des Bâtiments du roi, qui selon toute probabilité l’invite à cette occasion à revenir en France et à réaliser l’une des plus importantes commandes artistiques du règne de Louis XV : les Ports de France. Mais ce sont essentiellement les démêlés de son beaupère, Mark Parker, avec l’Inquisition qui décident le peintre à préparer son départ dès 1751, puis à quitter définitivement l’Italie en 1753 pour s’installer en France. 49
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OLIVIER BONFAIT
ÉCOLE DE DESSIN, ACADÉMIE, ACADÉMIES
L’« Académie de Peinture, &c. de Marseille » dans l’espace des Lumières
Le 26 juillet 1790, les membres de l’Académie de peinture de Marseille protestèrent contre les violences commises lors de l’assemblée du 23 : les sieurs Renaud, statuaire, Brard, peintre (que l’on sait par ailleurs être soldat de la garde nationale de Paris et lieutenant de celle de Marseille 1), et Charlier, les deux premiers armés de sabres, firent irruption dans l’Académie, et, injures à la bouche, exigèrent une réforme entière de l’institution. Ce sont peut-être les mêmes, qui, en 1793, lacérèrent et brûlèrent les registres de l’Académie, la fille aînée de l’Académie royale de peinture et de sculpture, ainsi qu’elle l’aimait à le rappeler 2. En raison de cet autodafé, il n’est plus possible de faire une histoire officielle de l’Académie de Marseille 3 . L’historien n’a plus de procès-verbaux, ni d’indications sur les œuvres présentées lors des expositions, ni même une liste d’élèves, comme il peut en disposer pour d’autres académies 4 . Il bénéficie néanmoins d’une documentation exceptionnelle, dix-neuf volumes de manuscrits contenant des brouillons de règlements ou de discours, et surtout de la correspondance 5 . Puisque les œuvres des académiciens ont également disparu, de même que les productions liées à cette Académie, ce n’est que dans le jeu des représentations que l’historien peut appréhender l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille, dans les miroirs de la correspondance, ou les ref lets des almanachs imprimés. Pour parer à cette histoire en creux, l’homme d’affaires Étienne Parrocel, « pionnier de l’histoire de l’art provençal 6 », s’appuya au XIX e siècle sur ces représentations afin d’élaborer une histoire documentaire mais idéalisée de l’Académie, comme on le verra en première partie. Cat. 26 (détail, voir p. 80)
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Car pourquoi créer une « académie » à Marseille en 1752 alors que toutes les fondations contemporaines portent pour nom « école de dessin », que l’on sait que celle-ci va avoir siège à l’arsenal et que la société cultivée, les belles collections sont à Aix, cité où l’on aurait pu fonder un établissement portant le titre d’académie ? Le lecteur de ces lignes se rendra compte très rapidement de l’écart entre les possibilités et la mission de l’institution, celles d’une école de dessin, et son ambition, celle d’une académie. Écart dont prit conscience son « directeur perpétuel », MichelFrançois Dandré-Bardon, simplement à la fin de sa vie, lorsqu’il se préoccupa de trouver un artiste pour le remplacer, en pensant non à un des ses collègues peintre d’histoire, mais au directeur de l’École royale gratuite de dessin, Jean-Jacques Bachelier. Cet essai souhaite mettre au jour et interroger les tensions à l’œuvre dans l’histoire de l’institution ; il souhaiterait avoir un prolongement : enquêter sur le succès ou non de l’École de dessin, ce qui sera possible après l’exposition organisée par le musée des Beaux-Arts de Marseille 7.
Trois récits pour une fondation Le premier des dix-neuf volumes conservés contient, entre les folios 74 et 86, trois documents différents envoyés au comte d’Angiviller, directeur des Bâtiments du roi, et se rapportant à l’affaire qui occupa l’Académie pendant plus de dix ans, à savoir l’obtention de lettres patentes établissant définitivement l’institution marseillaise. Ils relatent différemment la fondation de l’institution. Au folio 74, les échevins de la ville se donnent le beau rôle : « nos prédécesseurs fondèrent en 1753 l’Académie de 77
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GÉRARD FABRE
DE L’ÉCOLE ACADÉMIQUE DE DESSIN À L’ACADÉMIE DE PEINTURE, sculpture et architecture civile et navale de Marseille 1753-1793
L’histoire de l’École académique de dessin, fondée en 1753 1, et désignée à partir de 1780 sous le nom d’Académie de peinture, sculpture et architecture civile et navale de Marseille, a été retracée il y a plus de cent vingt ans par l’homme de lettres Étienne Parrocel (Avignon, 1817-Marseille, 1899), historiographe passionné et engagé, dans deux imposants volumes abondamment documentés, mais structurés de façon très personnelle, souvent sans ordre cohérent. Ces annales concernant l’Académie, souvent citées ou utilisées, de façon sommaire quelquefois, au gré des études écrites par des historiens de l’art, sont à ce jour les premières et uniques sources imprimées sur cette institution marseillaise, de sa création à sa dissolution en 1793 2. La documentation dont disposait Parrocel était relativement diversifiée, mais fragmentaire. Outre les almanachs de Marseille publiés par l’historien et notaire Jean-Baptiste Grosson (1733-1800), qui fournirent, de 1770 à 1790, notamment, toute l’actualité liée à cette société artistique, Parrocel put s’appuyer sur les archives de l’Académie que la bibliothèque de Marseille avait achetées en 1882. Très incomplètes (il manque la totalité des registres de délibérations de ce corps, disparus sans doute pendant la Révolution), elles se composent cependant de dix-neuf volumes d’une riche correspondance (lettres reçues et minutes des lettres écrites), de pièces annexes et justificatives (statuts et règlements), de comptes rendus (extraits de délibérations…), couvrant quasiment toute la période d’activité de l’Académie. Le travail de recherches et de compilation de Parrocel est la base incontournable pour établir une nouvelle histoire de l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille. Pour compléter ou corriger cette histoire, il a été Cat. 31 (détail, voir p. 92)
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toutefois nécessaire et indispensable de revenir aux sources premières, aux documents originaux, de confronter les fonds d’archives non exploités (archives municipales, départementales ou nationales…, fonds spéciaux de musées…) 3 . Ainsi les nouveaux éléments recueillis, passés sous silence ou parfois non utilisés par Parrocel, nous permettent de livrer ici les principaux jalons de cette institution encore méconnue, et de tirer de l’oubli les personnes qui en ont été les entrepreneurs ou les acteurs.
Les origines La création des écoles de dessin en province au XVIIIe siècle, comme l’ont souligné les historiens de l’art dans des études très documentées qui leur sont consacrées 4 , s’inscrit dans une conjoncture économique et sociale favorable. L’émergence et la floraison dans le royaume d’une multitude d’établissements de ce type 5 , à partir des années 1750, doivent être également mises en relation avec un incontestable engouement pour les arts 6 . Dans cette partie de siècle riche en bouleversements des idées et du goût, les écoles de dessin vont occuper une place privilégiée dans le cadre d’un enseignement original et novateur, dont l’exercice se situe « entre art et technique, arts libéraux et arts mécaniques, artistes et artisans 7 ». Leur nécessité était réelle. Reed Benhamou précise : « les écoles de dessin servaient à rendre plus accessibles les “règles du bon goût”, nécessaires au connaisseur débutant, tout en accroissant le nombre de peintres et des sculpteurs 8 ». Cette idée formulée à l’identique par Agnès Lahalle répondait « à la nécessité de montrer le droit chemin en matière de goût en formant artistes et artisans aux nouvelles exigences esthétiques 9 ». 87
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LAËTITIA PIERRE et MARKUS A. CASTOR
FAIRE ŒUVRE DE PÉDAGOGIE Le directorat de Michel-François Dandré-Bardon à l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille 1749-1783
Le 25 août 1753, tandis que s’ouvre à Paris le Salon de peinture du Louvre, Michel-François Dandré-Bardon (1700-1783) descend à Marseille afin de participer le même jour à l’assemblée publique de l’Académie des belles-lettres de la ville. Il avait quitté la Provence trois semaines auparavant pour prendre ses fonctions en tant que professeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture. L’artiste exposait à cette occasion au Salon du Louvre une œuvre ambitieuse, intitulée La Mort de Socrate 1. Des représentations antérieures de cet événement historique circulaient parmi les amateurs d’art mais celui-ci restait peu répandu et inédit au Salon. Le sujet avait connu une diffusion durant les années 1730 et 1740 grâce au succès des ouvrages d’histoire de l’abbé Charles Rollin (1661-1741) 2. Dandré-Bardon affirme son désir de renouveler les thèmes de la grande peinture et de soutenir les postulats de la réforme pédagogique engagée depuis 1747 au sein de l’Académie royale. Il illustre la dimension exégétique d’un épisode de l’histoire antique qui fascinera Diderot tout au long de son existence 3 . Pour quelles raisons choisit-il de délaisser l’événement parisien au profit de l’assemblée annuelle d’une académie littéraire de province ?
La genèse d’une entreprise pédagogique L’artiste était resté plus de dix ans en Provence entre 1741 et 1752. Il y avait développé une carrière et un réseau actifs en tant que peintre, littérateur et musicien. Ses relations avec les milieux artistiques et littéraires en Provence s’avèrent déterminantes dans la réalisation du projet de création d’une école académique marseillaise. À la fin des années 1740, Dandré-Bardon accepte à Cat. 66 (détail, voir p. 144)
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nouveau d’endosser des responsabilités académiques et administratives officielles 4 . En 1749, il devient inspecteur des peintures du roi dans l’arsenal des galères de Marseille. Le poste lui est proposé par Bénigne-Jérôme du Trousset d’Héricourt, membre de l’Académie des belles-lettres de la ville 5 . Le 2 octobre 1750, l’artiste est nommé à son tour académicien. À cette occasion, il fait don à l’Académie de son dernier poème intitulé : Le Passage du Var par les Autrichiens, ou Leur déroute en Provence 6 . Dans la dédicace, il remercie l’Académie des belles-lettres de son soutien. Le jour de sa réception, Dandré-Bardon prononce un Discours sur l’avantage de l’union des arts et des lettres – sujet qui met en valeur son savoir artistique et littéraire 7. Il y aurait exprimé sa volonté de fonder une école académique de dessin. Dès lors, il ne cesse plus de démontrer l’étendue de sa culture et de ses dispositions 8 . Une de ses esquisses allégoriques réalisée vers 1749 est signée opportunément : Dandré Bardon, pictor et auctor massiliensis fecit 9 . À l’annonce le 27 septembre 1748 du transfert des galères dans les bâtiments de Toulon et de Brest, Dandré-Bardon avait déjà suggéré d’y relocaliser ses activités artistiques et pédagogiques. Il soumet un projet de fondation d’une école académique de dessin 10 . L’artiste fait parvenir au secrétaire d’État à la Marine Antoine-Louis Rouillé un projet concernant l’établissement d’une école dans le port de Toulon 11. En tant que peintre de la Marine, il propose de donner des cours de dessin aux ouvriers et aux architectes du corps des galères, ainsi qu’à l’ensemble des artisans et des hommes de métier vivant en Provence 12. Dandré-Bardon conçoit cette école académique comme une institution servant en priorité à des fins pratiques 13 . 141
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SYLVAIN BÉDARD
MODÈLES PARISIENS Un lot de figures académiques pour Marseille
Véritable cheville ouvrière de l’École académique de Marseille 1, fondée en 1752 2, le peintre Michel-François Dandré-Bardon (1700-1783), son directeur perpétuel à partir de 1754, eut à cœur de faire connaître aux artistes et amateurs de la cité phocéenne l’enseignement dispensé depuis un siècle à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris. Il était du reste bien au fait des cours offerts aux jeunes artistes de la capitale. Membre de la compagnie depuis 1734 (agréé cette année-là, il avait été reçu académicien de plein droit l’année suivante), il allait occuper, dès 1737, la charge d’adjoint à professeur à son école du modèle, puis celle de professeur en titre à partir du 29 juillet 1752 3 . Bon praticien 4 , l’artiste se doublait par ailleurs d’un théoricien compétent, comme en témoignent ses très nombreuses publications sur les arts, notamment son Traité de peinture, suivi d’un essai sur la sculpture, qui paraît en deux volumes en 1765 5 . Ce goût pour l’enseignement tous azimuts désignait naturellement ce Méridional, natif d’Aix-en-Provence, pour la direction de la jeune École marseillaise. Mandat qu’il n’allait toutefois pouvoir remplir qu’à distance, ses obligations professionnelles, notamment à l’Académie royale, où il franchit une à une les étapes hiérarchiques jusqu’à occuper le poste important de recteur en 1778, l’attachant à demeure à Paris. C’est avec le concours du peintre et secrétaire perpétuel de l’institution phocéenne, Étienne Moulinneuf (1706-1789), son porte-parole attitré et admirateur fervent, que Dandré-Bardon put assurer ce directorat in partibus 6 . Cat. 82 (détail, voir p. 176)
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« de si précieux modèles » C’est à l’été 1753, sans qu’on puisse autrement préciser la date, que la jeune institution marseillaise sollicitait la protection de son aînée parisienne, la puissante Académie royale. Elle se conformait ainsi au Règlement pour l’établissement des Écoles académiques de peinture et sculpture dans toutes les villes du royaume où elles seront jugées nécessaires, promulgué en décembre 1676, sous la surintendance de Jean-Baptiste Colbert aux Bâtiments du roi 7. C’est Dandré-Bardon en personne qui allait remettre cette demande au secrétaire de la compagnie, François-Bernard Lépicié (1698-1755), qui en faisait lecture devant l’assemblée académique le 28 juillet 8 . Le 26 octobre suivant, les Marseillais envoyaient copie des statuts et du règlement interne de leur École à Paris, pour examen, y joignant quelques dessins et bas-reliefs d’élèves : « Nous sentons, Messieurs, écrivaient-ils à leurs confrères de la capitale, que pour mériter telles faveurs, nos talents sont trop bornés ; vous verrez, par quelques desseins, que nous joignons à nos Statuts, combien nous sommes éloignés du vrai et le besoin extrême d’être vis-à-vis des bonnes choses, ce qui nous porte à vous prier, Messieurs, de nous accorder quelques-uns de vos desseins pour former notre goût en nous mettant sous les yeux de si précieux modèles […] 9 . » Fière de ses prérogatives en matière d’enseignement public du nu 10, en même temps qu’honorée d’une telle déférence à son endroit – c’était la première fois qu’une École de province s’acquittait de cette obligation d’envoyer à Paris quelques spécimens d’œuvres 11 –, l’Académie royale allait accueillir favorablement cette demande 159
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LUC GEORGET
UNE ACADÉMICIENNE Françoise Duparc
« Une femme habillée de blanc assise sur une chaise, une jeune personne ayant une fontaine sur son dos et un gobelet dans sa main, un vieil homme portant une besace sur son dos, une fille qui tricote », les quatre tableaux que Françoise Duparc lègue en 1778 à « la communauté de la ville 1 » dans son second testament, pour qu’ils soient exposés dans la grande salle de l’hôtel de ville, ont à eux seuls assuré la postérité d’une artiste dont l’œuvre attend toujours d’être reconstituée. Françoise Duparc (Murcie, 15 octobre 1726-Marseille, 12 octobre 1778) est issue d’une dynastie renommée de sculpteurs actifs à Marseille depuis le XVIIe siècle. Antoine Duparc, son père, qui étendit l’aire d’activité familiale jusqu’à l’Espagne et la Normandie, Albert son grand-père, lui-même formé auprès de son beau-père, le sculpteur Honoré Bernard, tous œuvrèrent pendant près d’un siècle au décor des églises marseillaises et de la région, assimilant en une génération le passage du mobilier religieux de bois doré au travail du marbre introduit par leurs concurrents les plus sérieux, les marbriers italiens installés en Provence. Françoise naquit en 1726, à Murcie, dans cette Espagne qui attirait singulièrement les artistes marseillais au XVIIIe siècle, comme le sculpteur et académicien Jean-Michel Verdiguier et l’architecte Balthazar Dreveton qui y travailleraient trente ans plus tard. Son père, Antoine, s’était installé à Murcie vers 1720, vraisemblablement pour fuir la peste. Il s’y était marié, et devait y rester une dizaine d’années avant de retourner à Marseille. Le peu que nous savons de Françoise Duparc, nous le devons à la notice que lui consacrait Achard dans son Histoire des hommes illustres de Provence 2, parue huit ans après la mort de l’artiste, Cat. 86 (détail, voir p. 189)
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ainsi qu’aux sources essentielles publiées par Joseph Billioud, ses actes de baptême et de décès, ses deux testaments et son inventaire après décès 3 . Son environnement familial lui avait permis d’apprendre le dessin auprès de son père, avant de poursuivre sa formation à Aix auprès d’un ami de la famille, le peintre Jean-Baptiste Vanloo (1684-1745). Françoise Duparc eut une carrière itinérante. Paris d’abord, aux côtés de sa sœur, elle aussi peintre, puis, au décès de cette dernière, l’Angleterre. Selon Achard, « Londres fut le théâtre de sa gloire : on y admira ses talents, on y enleva ses productions, et sa fortune s’y accrut en fort peu de temps. » On a traditionnellement rapproché ce séjour des mentions d’une certaine Mrs. Dupart qui exposa en 1763 des portraits à la Free Society, à Londres, et d’une Mrs. Du Parc qui présenta trois portraits à la Society of Artists en 1766 4 . Si ce rapprochement a pu être mis en doute, le tableau qui figure un petit nègre tenant une corbeille de fleurs dans les mains, qu’elle lègue dans son second testament à Mme SalsePérier, a toutes les chances d’être celui, au sujet identique, de l’exposition de 1763, et si elle est bien la Mrs. Dupart du livret de la Free Society, elle pourrait bien être également la Mrs. Du Parc qui exposait à Londres en 1766. Après son retour à Paris auprès de son frère mourant, on ne sait plus rien d’elle jusqu’à son retour très discret à Marseille, souffrante et dans l’incapacité de peindre. Achard ayant rapporté l’anecdote d’un négociant lui remettant à Marseille une somme d’argent de la part de Catherine II, la légende lui accorda le titre de peintre de l’impératrice et évoqua même un voyage en Russie. Rien n’étaie à ce jour ces hypothèses qui, pour le moment, témoignent au mieux de sa réputation de voyageuse auprès des Marseillais. 187
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ÉMILIE ROFFIDAL
L’UNION DES ARTS ET DU COMMERCE
« L’intérêt que vous prenez à tout ce qui peut contribuer au bien de la Provence en y favorisant de tout votre pouvoir les arts et le commerce fait espérer aux professeurs, peintres, sculpteurs et autres artistes tant de la ville de Marseille que des autres villes de la province, que vous seconderez de votre protection l’établissement qu’ils ont commencé de faire depuis environ trois années dans la ville de Marseille d’une école académique pour le bien du service du roi, pour les Arsenaux de Provence et pour le commerce 1. »
Intentions fondatrices : les arts et le commerce C’est en ces termes que débute le mémoire envoyé en 1755 au contrôleur général des Finances, Jean Moreau de Séchelles, et à l’intendant de la généralité de Provence, également premier président du parlement, Charles-Jean-Baptiste des Gallois de La Tour. Le but des artistes signataires est d’affirmer l’utilité de l’« École académique gratuite des arts » de Marseille et de susciter ainsi l’obtention des financements nécessaires à son fonctionnement. Si le premier argument utilisé est celui du service du roi – à travers l’aide prodiguée aux élèves de l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris se rendant à Rome et de passage à Marseille – et le soutien apporté aux arsenaux de Provence, c’est le commerce en général et les manufactures et fabriques en particulier qui retiennent toute l’attention des rédacteurs. Les articles 3 et 4 de ce mémoire soulignent que, grâce à l’Académie, Marseille aura à sa disposition « un grand nombre d’artistes et d’ouvriers en état de fournir une grande partie des marchandises propres pour les expéditions des îles d’Amérique Fig. 39 (détail, voir p. 198)
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et pour les Échelles du Levant » et que ses manufactures et ses fabriques, essentielles pour le développement de son commerce, « exigent » que ces ouvriers soient des dessinateurs. Ce document d’archives, qui est le premier à préciser les intentions fondatrices de cette institution en devenir, place la formation des techniques graphiques au cœur de son programme. Dans la lignée des Écoles de Rouen et de Toulouse, qualifiées d’« Écoles académiques des arts et des manufactures », le projet de l’Académie de Marseille est bien loin des visées académiques parisiennes où la célébration de la peinture d’histoire, la mise en avant du génie français et la théorisation artistique priment incontestablement sur le développement économique en tant que tel 2 . Pourtant, en 1752, à la genèse même de sa fondation, la toute nouvelle institution semblait plutôt ouvrir une voie d’excellence purement artistique, se démarquant des pratiques artisanales de la confrérie des peintres et sculpteurs de la ville 3 . Les premiers statuts et règlements, rédigés par les directeurs – le peintre Jean-César Fenouil et le sculpteur Jean-Michel Verdiguier – précisent ainsi la primauté de la formation pour « les peintres et sculpteurs et tous autres artistes ». Ce principe fondateur est d’ailleurs relayé dans le brevet signé par le duc de Villars, gouverneur général de Provence, qui rapporte que « sur la représentation qui nous a été faite par les peintres et les sculpteurs de Marseille que tant pour se perfectionner euxmêmes dans leurs talents que pour former leurs élèves, il serait à propos qu’ils s’assemblassent à des jours marqués dans une salle destinée à cet exercice 4 ». 193
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CHRISTINE GERMAIN-DONNAT
LA FAÏENCE DE MARSEILLE
La faïence marseillaise du XVIIIe siècle contribua de manière éminente à imposer le nom de la ville comme une véritable marque, symbole de qualité et de luxe, auprès des personnes fortunées de l’époque, et ce, bien au-delà des frontières de la Provence et du royaume. Posséder un service « en Marseille » était alors un gage de goût et de grand raffinement. Si le rôle de l’Académie de peinture et de sculpture fut de première importance auprès des peintres liés aux fabriques, invitant à l’exigence voire à l’excellence dans le traitement des sujets représentés, on se doit de souligner la vitalité créatrice des fabriques marseillaises qui, tout au long du siècle, surent proposer pièces nouvelles et décors originaux, tout en relevant les défis imposés par l’inexorable succès de la porcelaine puis de la faïence anglaise dans le dernier quart du siècle.
Bref historique Apparue en Mésopotamie environ six mille ans avant JésusChrist, puis au VIIIe siècle en Espagne grâce aux potiers arabes établis dans la péninsule, la faïence fut adoptée en Italie dès le XIIIe siècle sous le nom de majolique, avant de gagner l’ensemble de l’Europe au XVIIe siècle. Sous l’influence italienne, de grands centres faïenciers se développèrent alors en France – à Lyon, à Nevers puis à Rouen – comme à Delft, aux Pays-Bas. L’engouement pour cette nouvelle production fut tel que l’époque devint rapidement « grippée » de faïence, comme l’évoquait avec justesse Saint-Simon dans ses Mémoires 1 : « Tout ce qu’il y eut de grand ou de considérable se mit en huit jours en faïence […] 2. » Fig. 51 (détail, voir p. 217)
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Dès la seconde moitié du siècle, l’orfèvrerie subit de plein fouet les édits somptuaires promulgués en 1689, 1699 et 1709, enjoignant à la noblesse de fondre sa vaisselle précieuse pour les besoins du Trésor et des guerres de Louis XIV. L’orfèvrerie offrait un premier répertoire de formes aux faïences qui la remplacèrent, tandis que la porcelaine chinoise bleu et blanc rapportée en grande quantité en Europe par les Portugais, puis par les compagnies commerciales hollandaise ou anglaise, fut aussi beaucoup copiée ; formes, couleurs, motifs et sujets furent repris dans l’ensemble des fabriques. Marseille participa à l’essor de la faïence française à partir de 1679. Deux frères originaires de Moustiers-Sainte-Marie, Joseph et Pierre Clérissy, fondèrent respectivement à Marseille et Moustiers, à quelques mois d’intervalle, deux fabriques ; Joseph à Marseille, dans un faubourg du nom de Saint-Jean-du-Désert, et Pierre à Moustiers même. La faïence est une argile recouverte d’un émail blanc comprenant de l’étain (d’où le nom de stannifère). Décorée d’oxydes métalliques de couleur, elle était alors un produit de luxe, réservé à l’élite. Sous l’impulsion d’une clientèle aisée, une vaisselle de « montre » se développa, faite pour être montrée, exposée, et non pour servir. De grands plats, caractéristiques de Saint-Jean-du-Désert comme de la première production de Moustiers, étaient commandés par des familles prestigieuses. Ornés d’armoiries ou de reproductions de gravures savantes à sujets mythologiques, religieux ou galants, issus des nombreux recueils illustrés et romans alors en vogue 3 , ils constituaient autant de signes ostentatoires de richesse. 211
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YVES DI DOMENICO
LE CYCLE DE L’HISTOIRE DE TOBIE de Pierre Parrocel
Le musée des Beaux-Arts de Marseille conserve un ensemble exceptionnel de seize tableaux de Pierre Parrocel (Avignon, 1670Paris, 1739) consacrés à l’histoire de Tobie. Ce cycle fut initialement destiné à la décoration de la galerie de l’hôtel des Noailles à Saint-Germain-en-Laye. Célébré par la critique en 1739, quelques mois après sa création, il va ensuite être installé, dans la seconde partie du XVIIIe siècle, au château des Borély. « M. Parossel [sic] d’Avignon, est proprement ce qu’on appelle un Peintre d’Histoire […] 1. » Ainsi débute la description du cycle de l’Histoire de Tobie de Pierre Parrocel dans le Mercure de France de juillet 1739 2. Issu de la dynastie des Parrocel 3, Pierre était le fils de Louis Parrocel 4 (1634-1694), peintre d’histoire fort apprécié au XVIIe siècle à Avignon. Selon Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville 5, Pierre partit avec son frère Jacques-Ignace Parrocel (1667-1722) compléter sa formation à Paris, vraisemblablement entre 1685 et 1688 6, dans l’atelier de son oncle Joseph Parrocel (1646-1704), célèbre peintre de batailles au service de la surintendance des Bâtiments du roi. Le passage dans l’atelier de Carlo Maratta (1625-1713) à Rome est traditionnellement admis et la chronologie actuelle 7 permet de le situer entre 1689 et 1692. Jean-Baptiste de Boyer d’Argens 8 nous informe sur le premier séjour romain de l’artiste et nous apprend qu’« il eut assez de peine à pouvoir subsister à Rome : il n’avait d’autre ressource ques les copies qu’il faisait d’après les plus beaux tableaux, qu’il vendait à des Anglais. Il partageait son temps entre le travail qu’il faisait pour subsister et celui où il s’occupait uniquement de son avancement ; alors il dessinait d’après l’antique avec assiduité. En Cat. 106 (détail, voir p. 226)
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partant de Rome, pour retourner dans sa patrie, il passa à Venise où il étudia avec soin les ouvrages du Titien et du Giorgione […] ». Ce premier contact avec les antiques et les artistes italiens marqua de manière définitive la production de Pierre Parrocel. Après ce séjour, l’artiste retourna dans sa ville natale en 1692, alors âgé de vingt-deux ans. Il y séjourna jusqu’à sa mort et y prit la direction de l’atelier familial qui jouissait d’une grande renommée 9 . Il fut agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que peintre d’histoire en octobre 1730, à l’âge de soixante ans 10, un mois après Charles-Joseph Natoire (1700-1777), agréé le 30 septembre de la même année. Contrairement à Natoire, Pierre Parrocel ne fut jamais reçu à l’Académie royale. Les nombreux tableaux de l’artiste que l’on peut encore admirer dans beaucoup d’églises de Provence témoignent de son activité prolixe. La carrière avignonnaise de Pierre Parrocel fut ponctuée par des voyages à Paris et à Rome 11. Il se rendit en effet à Rome au cours de l’année 1695, puis entre 1699 et 1700 et enfin, semble-t-il, en 1719, et non 1717 comme il est traditionnellement admis 12. Nous savons qu’il resta en lien constant avec son neveu Étienne Parrocel (1696-1775) qui était installé à Rome. Par ailleurs, les Parrocel n’étaient pas des inconnus à Paris. La notoriété de son oncle Joseph et de son cousin Charles (1688-1752), peintres de batailles respectivement au service de Louis XIV et de Louis XV, facilita certainement l’introduction de Pierre dans l’entourage royal. Au moment de son agrément à l’Académie, il passa très peu de temps à Paris, mais il fut de retour dans la capitale en 1732 pour le mariage son fils, Joseph-Ignace-François Parrocel (1704-1781), avec Françoise-Marguerite Lemarchand 13 . En ces années 1730, la 223
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ALEXANDRE MARAL
LES SCULPTEURS DE L’ACADÉMIE DE MARSEILLE
En 1752-1753, un sculpteur fut à l’origine de la fondation de l’Académie de Marseille : Jean-Michel Verdiguier, qui en fut déclaré le directeur et recteur perpétuel par les statuts de juin 1756 1. La liste annexée à ces statuts nomme aussi, parmi les professeurs, les sculpteurs Bertrand et Nicolas – ce dernier encore en poste en 1793. Cariol fut professeur à partir de 1773, Alexandre-Charles Renaud à partir de 1789. Durant les quatre décennies d’existence de l’Académie de Marseille, plus d’une vingtaine d’élèves sculpteurs y remportèrent des prix : Cariol (1756 et 1757), déjà mentionné, ainsi qu’Albert ou Alibert (1783 et 1784), Baffe (1778 et 1779), Bernard (1789), Bounieu (1756), Barthélemy Corneille (1774 et 1775), Courtois (1757), Étienne Dantoine (1758 et 1759), Claude Dejoux (1763), Durand (1757 et 1758), Duvaudet (1771 et 1772), Eymard (1788), Dominique Fossati (1763), Jean-Joseph Foucou (1760), Esprit-Antoine Gibelin (1758 et 1759), Gras (1778, 1779 et 1780), Louche (1772), Poitevin aîné (1782, 1783 et 1784), Poitevin cadet (1782 et 1785), François-Marie Poncet (1754) et N.-J. Valette (1777). En outre, près d’une vingtaine de sculpteurs, associés et correspondants, furent liés à l’institution : les déjà nommés Albert ou Alibert (1788), Bertrand (1752), Dantoine (1786), Dejoux (1769), Foucou (1785), Gibelin (1788) et Renaud (1787), ainsi que Louis Aycard (1773), Georges Balze (1778), Barthélemy-François Chardigny (1785), Dumas (1759), Gibert (1755), Pierre Julien (1768), Mikhaïl Koslovski (1780), les frères Lauries (1752), AndréJean Lebrun (1768), Ferdinand Luchesy (1783), Olivier (1781) et Jacques-François-Joseph Saly (1763). Cat. 121 (détail, voir p. 241)
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De ces trente-sept sculpteurs recensés, dont certains ne sont plus que des noms, la présente exposition entend rendre hommage à six figures éminentes, dont la carrière s’affranchit de l’horizon artisanal et s’accomplit également en dehors de Marseille, notamment à Rome 2.
François-Marie Poncet Né à Lyon en 1736, mais issu d’une famille installée à Marseille depuis 1729, François-Marie Poncet fut un des premiers élèves de l’Académie de Marseille, où il reçut une deuxième médaille en 1754 3 . Il se fixa ensuite à Paris, où il entra dans l’atelier d’Étienne-Maurice Falconet. En 1760, il échoua pour la seconde fois au grand prix de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Présent à Paris, un de ses anciens professeurs de Marseille, le peintre Jacques-Antoine Beaufort, écrit en mars 1761 au secrétaire de l’Académie de Marseille que « le sieur Poncet a fait un mauvais prix, il n’a par conséquent rien gagné ; il se fait détester par son arrogance 4 ». Ayant renoncé à se présenter au grand prix de 1761 – qui fut remporté par Jean-Antoine Houdon –, Poncet s’établit à ses frais à Rome, où il séjourna jusqu’en 1775. Malgré une vive recommandation de l’ambassadeur de France à Rome, Henri-Joseph Bouchard d’Esparbès de Lussan, « Poncet de Marseille » n’obtint pas d’être logé au palais Mancini, le marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du roi, ayant rappelé à Charles-Joseph Natoire, directeur de l’Académie de France à Rome, que « la protection de M. l’ambassadeur de France ne suffit pas pour être logé dans l’Académie de Rome : il faut avoir remporté un 239
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LUC GEORGET
L’ARCHITECTURE À L’ACADÉMIE
Les morceaux de réception
Dès l’origine, l’enseignement de l’architecture fut présent au sein de l’Académie, même si la mention de la discipline dans l’intitulé de la nouvelle institution a connu bien des variations et a pu être omise dans les documents officiels au cours de ses années d’existence. Dans la première liste de ses membres, en date du 25 septembre 1752, le cours d’architecture avait d’ores et déjà son professeur, Jean-Joseph Kapeller, présenté à la fois comme peintre, géomètre et architecte, et son « adjoint à professeur », Aulagnier, le dédicateur de la fameuse Vue et perspective de la ville de Marseille et de ses environs (cat. 1, p. 20-21), désigné comme architecte et dessinateur. Quatre ans plus tard, à la faveur des nouveaux statuts qui suivirent l’arrêt du Conseil d’État de 1756 approuvant la contribution de la Ville de Marseille au fonctionnement de l’Académie, apparaissait Claude-Jacques Dageville (1721-1794), qui allait assurer désormais le cours d’architecture civile, avec le titre d’inspecteur des travaux publics et d’architecte du duc de Villars, quand Kapeller se trouvait chargé de celui de géométrie. Voyer et inspecteur de la cure et des travaux du port, dirigeant depuis 1753 les travaux de l’hôtel-Dieu, Dageville était non seulement un homme de terrain, apte à mettre en œuvre l’enseignement pratique, argument principal que l’Académie devait toujours mettre en avant pour justifier son utilité auprès des autorités, mais également un érudit qui allait jouer un rôle grandissant dans l’institution dont il serait chancelier en 1782 et secrétaire perpétuel en 1790, succédant à Étienne Moulinneuf. Figure de la vie intellectuelle, il fut l’auteur de nombreux discours, notamment sur l’urbanisme : le 27 août 1769, il lut, devant ses pairs, De la décoration des villes, des places et promenades publiques et comment Cat. 137 (détail, voir p. 263)
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les salles de spectacle doivent être construites et, le 1er septembre 1771, Des moyens d’embellir Marseille 1. C’est lui qui prononça et publia les éloges de Jacques-Germain Souff lot en 1781 et de Dandré-Bardon en 1783. On lui doit également des notices dans l’Histoire des hommes illustres de la Provence de Claude-François Achard, notamment celles d’artistes qui furent ses contemporains, comme Jean-Baptiste Vanloo, dont il fut l’élève, ou son collègue académicien Henry d’Arles, et de grandes figures du siècle précédent, tels Pierre Puget ou Christophe Veyrier. C’est certainement à Dageville qu’on doit le rapprochement avec le milieu architectural parisien, en particulier la réception des deux fondateurs des cours privés d’architecture les plus en vue de la capitale dans les années 1740-1750, Jacques-François Blondel, grand théoricien de l’architecture à la française, créateur de la fameuse école des arts, qui fut agréé à Marseille en 1766, et Jean-Laurent Legeay, reçu en 1777, qui vit passer dans son cours d’architecture les plus grands, Étienne-Louis Boullée, MarieJoseph Peyre ou Charles De Wailly. La consécration vint en 1769 quand Dageville fut nommé correspondant de l’Académie royale d’architecture grâce à l’entremise de Dandré-Bardon auprès de Souff lot, lui-même reçu amateur honoraire de l’Académie de peinture de Marseille, où il devait occuper en 1774 le fauteuil laissé vide par la mort de Pierre-Jean Mariette 2. Au cours des quarante années d’existence de l’Académie, en ne comptant pas les professeurs, douze architectes furent reçus, agréés ou honoraires, étrange rassemblement de personnalités parisiennes de premier plan et d’architectes et ingénieurs dont l’aire d’activité se limita à Marseille, Aix ou la Provence 3 . 257
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UNE COMMANDE SINGULIÈRE Le Saint Roch intercède la Vierge pour la guérison des pestiférés de David
Dernière grande commande de peinture religieuse faite à Marseille sous l’Ancien Régime, le Saint Roch intercède la Vierge pour la guérison des pestiférés de David (cat. 140) rappelle le rôle décisif tenu par quelques amateurs éclairés dans les mécanismes de la vie artistique marseillaise. Le tableau fut peint à la demande d’une institution que la peste de 1720 avait rendue indispensable : le bureau de la Santé de Marseille. Chargé de la surveillance sanitaire des vaisseaux entrant dans le port, il étendait plus largement son contrôle sur la côte, depuis Le Brusc jusqu’au Roussillon. En 1779, les intendants de la Santé qui le dirigeaient voulurent un tableau pour l’autel de la nouvelle chapelle du lazaret. C’était derrière l’enceinte hermétiquement close de ce vaste établissement situé au nord de la ville, dans l’actuel quartier d’Arenc, que s’effectuait la quarantaine des passagers et des marchandises. La chapelle, qui venait d’être édifiée entre 1775 et 1777, était placée sous le vocable de saint Roch, saint protecteur de la peste, très solennellement célébré dans la ville le 15 août. C’est Pierre-Augustin Guys (17211799) qui devait convaincre ses collègues de donner une envergure inattendue à cette commande d’un tableau d’autel pour une chapelle inaccessible au public, en la confiant à un pensionnaire de l’Académie de France à Rome. « J’étais un des intendants de la santé, lorsque le bureau délibéra d’ordonner un tableau pour la nouvelle chapelle du Lazaret. Je proposai à mes confrères de faire exécuter ce tableau à Rome par un des pensionnaires du roi et je fus autorisé à le demander 1. » Si les considérations artistiques n’étaient pas les premières des préoccupations des intendants de la Santé, elles ne leur étaient pas totalement étrangères, comme en témoignait l’acquisition en 1730, pour leurs locaux installés à Cat. 140 (détail, voir p. 269)
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l’entrée du port, d’un véritable chef-d’œuvre, le bas-relief de La Peste de Milan de Pierre Puget, que leur avait vendu le petit-fils du sculpteur. Ce fut la première pièce d’un petit ensemble constitué d’œuvres ayant principalement trait à la peste et aux épidémies et qui serait enrichi jusque sous la monarchie de Juillet 2. Guys était le modèle accompli de ces négociants marseillais liés au commerce avec le Levant. Il avait parcouru l’Empire ottoman : Balkans, Turquie, Syrie et, bien sûr, Constantinople où, dès 1740, il était régisseur de la maison de commerce de son oncle. Il put s’y lier aux ambassadeurs de France auprès de la Sublime Porte, particulièrement au comte de Vergennes, à qui il souhaiterait, bien des années plus tard, vendre sa collection. Excellent observateur de ces régions que son activité commerciale l’amenait à sillonner, il publia en 1771 son Voyage littéraire de la Grèce, ou Lettres sur les Grecs anciens et modernes avec un parallèle de leurs mœurs, jalon important du philhellénisme et de la redécouverte des Grecs modernes. Amateur d’art, il avait réuni à Marseille une collection remarquable, mais ses revers commerciaux l’obligèrent à s’en séparer en 1783 3 . Elle avait été le reflet de son singulier parcours, on y trouvait des œuvres d’orientalistes comme Antoine Favray ou Jean-Baptiste Van Moor, ainsi que le fameux portrait de Francis Levett et Hélène Glavany en costumes turcs de Jean-Étienne Liotard, aujourd’hui au Louvre. L’engouement des Marseillais pour la peinture de Joseph Vernet et ses suiveurs s’y affirmait clairement : il possédait une toile du maître, Les Jeunes Blanchisseuses (voir Émilie Beck Saiello, p. 72), et des tableaux d’Henry d’Arles, de David de Marseille ou de Pierre-Jacques Volaire à qui il avait rendu visite dans son atelier à Naples en 1772 4 . 267
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CLAUDE BADET
MARSEILLE et la création artistique pendant la Révolution
Les turbulences de la vie politique à Marseille ont très tôt, dès l’entrée en dissidence de la ville au printemps 1789 1, conduit un certain nombre d’artistes à participer aux mouvements populaires qui secouent la ville, en s’engageant dans la garde citoyenne, préfiguration de la future garde nationale. C’est le cas de l’architecte-ingénieur Jean-Pierre Sarrazin de Montferrier, du dessinateur Berlier et surtout du graveur Pierre Poize. Si Sarrazin de Montferrier s’est déjà manifesté en 1788 (il est nommé professeur à l’Académie cette même année) par un projet de fontaine publique surmontée d’un obélisque à l’occasion du retour des parlements, on ne connaît alors aucune œuvre des deux autres. Cet engagement politique sera pour eux l’occasion de travailler ensemble 2 et de mettre leur talent au service d’une cause politique. Sarrazin de Montferrier lance d’ailleurs dans le cours de l’année 1789 une souscription pour l’érection d’un monument en l’honneur de la jeunesse de Marseille, dont l’esquisse est présentée à l’hôtel de ville. Cette esquisse n’est pas sans rapport avec la gravure de Poize d’après Berlier, parue en juin 1789 3, où l’on retrouve la dédicace à Louis XVI et à Necker. À ce premier noyau d’artistes qui ont pris position lors des événements de la prérévolution marseillaise vont s’en adjoindre d’autres, notamment à l’occasion de l’épisode de la prise des forts (29-30 avril 1790) et, en particulier, celui de Notre-Dame-de-la-Garde. En effet, à l’aube du 30 avril, cinquante volontaires de la garde nationale (créée en février de la même année), sous la direction de Pierre-Dominique Garnier, vont s’emparer par surprise du fort tenu par des soldats du régiment de Vexin. Parmi eux, l’on trouve quatre professeurs de l’Académie royale de peinture et de Cat. 143 (détail, voir p. 280)
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sculpture, les peintres Louis Chaix, Jean-Nicolas Brard, Antoine Casati et le sculpteur Alexandre-Charles Renaud. Ce dernier y joue un rôle déterminant puisque l’action audacieuse qu’il mène avec Feyssole, en désarmant le factionnaire, permet l’entrée des volontaires dans le fort. La chute des « bastilles marseillaises » puis leur démolition connaissent alors un retentissement national 4 et permettent à Renaud d’élargir son cercle de connaissances et d’inf luence. C’est à l’occasion de cette prise des forts que paraît, datée du 3 mai 1790, la première estampe caricaturale marseillaise. Non signée, elle nous semble toutefois pouvoir être attribuée à Pierre Poize 5 (fig. 54). En raison de l’écho considérable de l’événement, l’auteur s’est autorisé la production d’une image qui, en d’autres circonstances, serait passée pour extrêmement polémique. Mais, compte tenu de la situation troublée de la vie politique locale et de la défaite du camp aristocratique, le risque était cependant moindre. Il s’agit là d’un des rares exemples non parisiens de gravure mêlant à la fois la caricature et l’allégorie, et l’on peut y reconnaître le style de Poize, son goût pour l’allégorie et l’image pédagogique. Renaud, de son côté, déborde d’activité sur le plan artistique mais aussi sur le plan politique. Il prend en juin la parole au club des Jacobins qui s’est ouvert en avril et, par ailleurs, il réactualise les différents projets qu’il avait proposés pour la décoration de la fontaine Beauvau (sur l’actuel emplacement du monument aux Mobiles) en 1786 et 1788 à la suite de Foucou qui n’avait pu faire adopter le sien. Le modèle projeté, présenté à l’hôtel de ville, reçoit le 1er juillet 1790 l’approbation des deux académies 271
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La photogravure a été réalisée par Quat’Coul (Toulouse). Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de PBTisk (République tchèque) en juin 2016.
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