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LE SALON AUX COLONNES
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LA SCÈNE DU JARDIN D’HIVER
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LE PATIO
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LE SALON ROUGE
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Avertissement Sauf mention contraire, les œuvres reproduites dans cet ouvrage sont conservées au musée national Jean-Jacques Henner.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © Musée national Jean-Jacques Henner, 2016 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Anna Bertaccini Tadini Conception graphique : Audrey Hette Contribution éditoriale : Renaud Bezombes Établissement de l’index : Jade Chu-Lejeune, Léa Pietton Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1054-3 Dépôt légal : mars 2016 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
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Musée national JEAN-JACQUES HENNER De la maison d’artiste au musée
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PRÉFACE À tout visiteur pénétrant dans le musée Jean-Jacques Henner, et afin de lever immédiatement toute ambiguïté, il conviendrait de préciser, à la manière d’un célébrissime tableau de René Magritte : « Ceci n’est pas la maison de Jean-Jacques Henner. » En effet, si le musée fut tout d’abord une maison et un atelier d’artiste, sa singularité est que cette demeure ne fut pas celle de Jean-Jacques Henner – qui avait son atelier place Pigalle et son habitation rue La Bruyère – mais d’un autre peintre, Guillaume Dubufe. Son intérêt est double. Il permet en effet une connaissance approfondie de l’œuvre de Jean-Jacques Henner, mais aussi d’appréhender la spécificité d’un hôtel particulier construit sous la IIIe République. La date de 1878 inscrite sur la mosaïque du jardin d’hiver, de nouveau visible après les travaux qui viennent de s’achever, indique celle de son acquisition par Dubufe. L’année 2016 marquera quant à elle, à n’en pas douter, une renaissance. Depuis son ouverture au public en 1924, le musée Jean-Jacques Henner a bénéficié de nombreux travaux. Tout d’abord par la donatrice, Marie Henner, épouse de Jules Henner, neveu de l’artiste, qui offrit généreusement en 1923 à l’État ce magnifique écrin en sus des œuvres que compte la collection initiale. Cette donation sera complétée par la suite par de nombreux dons et legs dont le plus important sera, en 1972, celui de Mmes Audollent, Brière et Corpechot. C’est Marie Henner qui fait ouvrir le salon néo-Renaissance sur le jardin d’hiver par une colonnade en stuc. Claire Bessède, conservateur du musée, lui rend ici même un légitime hommage. En 2009 Rodolphe Rapetti, alors directeur de l’établissement, initie avec bonheur le retour à l’ambiance originelle, notamment la remise en couleur des salles d’exposition, avec le concours de Pierre Carron et le retour dans le circuit de visite de la salle d’accueil et de la salle à manger avec ses magnifiques carreaux de faïence de Delft. L’agence de Jean-François Bodin en est alors le maître d’œuvre. La découverte fortuite d’une mosaïque dans le jardin d’hiver amena Rodolphe Rapetti à proposer la restauration de celui-ci et du salon dit « aux colonnes », ainsi que la création de réserves aux normes actuelles de conservation au sein même du musée. Ces travaux réalisés grâce au concours exceptionnel de l’État ont été concrétisés par Marie-Hélène Lavallée et son équipe. L’année 2016 voit l’aboutissement de ces grands travaux dus à Sylvie Jodar, architecte, pour le réaménagement de l’accueil, la création de réserves ainsi que d’une nouvelle verrière pour le jardin d’hiver restauré de même que le salon aux colonnes, et à Hubert
Fig. 1 : Jean-Jacques Henner, Autoportrait, vers 1880, crayon Conté sur papier, inv. JJHD 299
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Le Gall, muséographe, pour la muséographie entièrement repensée de l’ensemble de la collection. Grâce à leur approche talentueuse, le visiteur pourra apprécier tout autant le charme du lieu que l’œuvre de Jean-Jacques Henner, enrichie de dépôts majeurs de l’École nationale supérieure des beaux-arts, du musée d’Orsay et du musée du Petit Palais à Paris. 2016 verra également la mise en œuvre d’un partenariat privilégié avec l’École nationale supérieure des beaux-arts. En effet, si le musée est depuis toujours un lieu de délectation et d’instruction, au sens le plus noble du terme, il va aussi se tourner résolument vers l’avenir et permettre à un jeune artiste sortant de l’École des beaux-arts d’y avoir un charmant atelier, le temps d’une année, et cela grâce à la proposition novatrice de Nicolas Bouriaud et de son équipe confirmée avec enthousiasme par Jean-Marc Bustamante. Pour célébrer dignement la réouverture complète de cet édifice, hôtel particulieratelier puis musée national, nous avons souhaité l’accompagner de la présente publication qui fait appel aux meilleurs spécialistes de Jean-Jacques Henner et de Guillaume Dubufe et instruit également le lecteur sur l’incroyable développement artistique de la Plaine Monceau au XIXe siècle, l’architecture du musée lui-même ainsi que la question méconnue de Jean-Jacques Henner, professeur de l’atelier des dames. Que tous ceux et toutes celles – tout particulièrement le personnel du musée JeanJacques Henner – qui ont œuvré avec enthousiasme pour ce grand chantier soient ici très chaleureusement remerciés.
Marie-Cécile Forest
Fig. 2 : Détail de la porte d’entrée du musée Jean-Jacques Henner avec les initiales JJH
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REMERCIEMENTS Cette publication est réalisée pour la réouverture du musée national Jean-Jacques Henner après des travaux de rénovation inscrits dans le Plan Musées par le ministère de la Culture et de la Communication. Elle est l’occasion de rendre hommage à celle qui a permis la création du musée par la donation de 1923, Marie Henner, dont les ayants droit perpétuent la mémoire en accompagnant avec bienveillance les évolutions du musée. En tant que directrice du musée national Jean-Jacques Henner, mes remerciements vont à tous ceux et toutes celles qui ont œuvré avec enthousiasme et persévérance pour que ces travaux, lancés par Marie-Hélène Lavallée, directrice du musée entre décembre 2009 et octobre 2014, aboutissent. Toute ma gratitude va à Vincent Berjot, directeur général des patrimoines, Marie-Christine Labourdette, directrice chargée des musées, et Bruno Saunier, alors sous-directeur de la politique des musées, pour leur soutien constant. Le suivi de ce chantier a été assuré par Christophe Clément, adjoint au sous-directeur de la politique des musées, et les équipes des bureaux du pilotage des musées nationaux, de la politique d’investissement et de l’innovation et du conseil technique, ainsi que par Laurence Schlumberger-Guedj, architecte-conseil. Les conseils de Dominique Buffin et du colonel Dominique Jager, à la Mission de la sécurité, de la sûreté et de l’accessibilité, nous ont été précieux. Je tiens également à remercier les membres du conseil d’administration pour leur engagement fidèle : Thierry Coudert, président, Rémi Corpechot et Maurice Brière, qui représentent la famille de la donatrice, Isabelle de Lannoy, Sylvie Fanchon, Hugues Gall, Xavier Rey, Christian Fournand, assisté de Michel Palanque, Thierry Pellé et Agnès Raffejeaud.
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Ma reconnaissance s’adresse au Groupe Henner qui a renouvelé son soutien au musée ainsi qu’aux donateurs de la première opération de crowdfunding du musée. Ma gratitude va tout particulièrement à l’équipe du musée qui s’est investie avec enthousiasme et compétence dans cette entreprise : Claire Bessède, conservateur du musée, Adeline Pitard, secrétaire générale, Cécile Cayol, chargée des publics et de la communication, Isabelle Magnan, assistante de conservation, ainsi qu’à l’équipe de surveillance : Catherine Miens, Virginie Partiaoglou et Antoine-Annette Terrine. Je ne saurais assez remercier Guy Cogeval, Christophe Leribault et Jean-Marc Bustamante qui ont accepté que le musée d’Orsay, le musée du Petit Palais et l’École nationale supérieure des beaux-arts consentent d’importants dépôts complétant l’accrochage. Je remercie également le Mobilier national et son directeur Hervé Barbaret. Que Sylvie Jodar, architecte, soit ici remerciée pour la qualité des travaux qu’elle a dirigés avec un remarquable souci de s’adapter aux souhaits du musée, ainsi que Mikael Seban, architecte programmiste, et l’Opérateur du patrimoine des projets immobiliers de la culture (OPPIC) pour le suivi des marchés et des travaux : Clarisse Mazoyer, présidente, Jean-Pierre Dufay, directeur général, et tout particulièrement Bernard Imberton, Lila Dida, Maïlys de Nadaillac et Sylvie Lerat. Notre vive reconnaissance va à l’ensemble des bureaux d’études et entreprises qui ont travaillé à ce chantier. Hubert Le Gall, muséographe, assisté de Laurie Cousseau, a réalisé avec talent la scénographie et l’aménagement intérieur du musée.
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Je remercie également Véronique Sorano Stedman, qui a réalisé les relevés colorimétriques des salles, Florence Herrenschmidt, qui nous a conseillés pour l’aménagement des réserves, ainsi que les restaurateurs : Lise Bastardoz, Natalie Boutin, Michèle Congé, Delphine Elie-Lefebvre, Maxime Kapusciak, Véronique Monier, Sylvain Oudry, Marie Peillet, Isabelle Pradier, Dominique Vitard et l’Atelier Maury. Thierry Richaud nous a assistés pour le réaccrochage. Je tiens à saluer le professionnalisme d’Ursula Held, pour le graphisme, et de Catherine Dantan, pour la communication. Ma gratitude va également aux auteurs de cette publication, à l’équipe du musée qui en a assuré la coordination éditoriale ainsi qu’à Emmanuel Bréon, conservateur en chef à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Isabelle de Lannoy et Benoît Giraud, historiens de l’art, et Rodolphe Rapetti, conservateur général à la Direction générale des patrimoines. Le musée d’Orsay nous a fait bénéficier à plusieurs reprises de son expertise scientifique. Je tiens à remercier Yves Badetz, pour ses précieux conseils en matière de mobilier, Xavier Rey, Alice Thomine ainsi que Bruno Roman.
Mes remerciements et ceux de l’équipe du musée vont enfin à tous ceux qui ont apporté leur aide dans la préparation de cet ouvrage et qui ont, plus généralement, contribué d’une façon ou d’une autre à la réouverture du musée : Annie Bonnaud, Céline Gaspard, Michèle Le Pavec, Valérie Sueur-Hermel et Annie Vernay-Nouri, Bibliothèque nationale de France Anne Cauquetoux et Isabel Lou Bonafonte, musée du Louvre Chantal Bor, Thierry Crépin-Leblond, Sophie Vassogne, musée national de la Renaissance Élisabeth Latrémolière, Château de Blois David Ben Si Mohand, Aurélie Peylhard, musée Gustave Moreau Gérard Alaux, Fondation Smith-Champion Kathy Alliou, Nicolas Bourriaud, Emmanuel Schwartz, ENSBA Leila Audouy, René-Gabriel Ojéda, RMN-GP Isabelle Colson, C2RMF Jean-Jacques Gautier, Gérald Rémy, Mobilier national Ainsi que : Isabelle Coilly, Marie-Laure CrosnierLeconte, Dominique Forest, Geneviève Lacambre, Barbara Rök.
Marie-Cécile Forest
Je remercie tous ceux qui ont travaillé au musée Henner, et tout particulièrement Natalia Bouchend’homme, Wilfried Gourdon, Hervé Milcent, Arlette Peyrichoux et Alexandre Therwath.
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SOMMAIRE « LE MUSÉE QUE VOUS PRÉPAREZ SERA UN TRIOMPHE POUR L’ART FRANÇAIS »... 23
JEAN-JACQUES HENNER, PEINTRE ACADÉMIQUE INDÉPENDANT ..... 99
Claire Bessède
Rodolphe Rapetti
LA PLAINE MONCEAU, LE « PLUS ARTISTIQUE DES QUARTIERS D’ARTISTES » .............. 37
HENNER ET SES AMIS ARTISTES, UNE SECONDE FAMILLE ....................... 111
Cécile Cayol
LA MAISON D’UN PEINTRE ...................... 49 Benoît Giraud
« QUAND LES OMBRES REVIENNENT, ELLES NE SAVENT OÙ ALLER » ............... 61 Emmanuel Bréon
UN FILS DE PAYSAN ALSACIEN DEVENU PEINTRE ET ACADÉMICIEN......... 73 Claire Bessède
Isabelle de Lannoy
JEAN-JACQUES HENNER PROFESSEUR DES DAMES .................. 125 Isabelle Magnan
ANNEXES ........................................... 134 Chronologie ....................................... 137 Plan de la Plaine Monceau au temps des artistes ........................ 140 Index des noms de personnes ............ 142 Bibliographie ...................................... 148
L’ATELIER DE HENNER ........................... 89 Claire Bessède
Fig. 3 : Jean-Jacques Henner, Autoportrait, 1847, huile sur toile, inv. JJHP 3
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La maison d’un peintre 21
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Claire Bessède
« LE MUSÉE QUE VOUS PRÉPAREZ SERA UN TRIOMPHE POUR L’ART FRANÇAIS »
J
ean-Jacques Henner aimait les musées. Pourtant, ce n’est pas lui qui a fondé le musée qui porte son nom mais sa nièce par alliance Marie Henner (fig. 5), née Philippine Émilie Marie Dujardin. Entourée d’artistes souvent proches de Jean-Jacques Henner, comme Many Benner1 ou Denys Puech, Marie Henner a réuni en quelques années tous les éléments nécessaires à la constitution d’un musée – un concept, un bâtiment, une collection et un public –, musée qu’elle fera vivre pendant plus de deux décennies.
En mémoire de Jean-Jacques Henner L’idée d’un musée vient certainement de son mari Jules Henner (fig. 6 et 88 à 90) qui, de son vivant, entreprend une véritable démarche patrimoniale vis-àvis de l’héritage de son oncle. Il inventorie, avec l’aide de Many Benner, sa collection dès 19082 et achète sur le marché de l’art, pour la compléter, des tableaux exposés au Salon comme le Portrait de Mme ***, dit
Fig. 4 : Jean-Jacques Henner L’Alsace. Elle attend (détail), 1871, huile sur toile, inv. JJHP 1972-15
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La Femme au parapluie (fig. 7), et Le Sommeil. Il fait également plusieurs dons en 1906 : trente tableaux au musée du Petit Palais et 9 000 livres de rente à l’Académie des beaux-arts pour une « Fondation JeanJacques Henner ». Quand il meurt accidentellement en 1913, sans descendance, sa veuve Marie poursuit son action, avec un « religieux attachement au souvenir du Maître3 », en se consacrant à la création d’un musée qui sera parfois qualifié de « temple4 ». Le 19 juin 1923, soit dix-huit ans après la mort du peintre, elle fait don à l’État français « en mémoire de Monsieur Jean-Jacques Henner son oncle par alliance […] et selon la volonté de Monsieur Jacques Jules Henner son défunt mari » d’un bâtiment, 43 avenue de Villiers à Paris, et de quatre cent quarante peintures et quatre-vingt-quatre meubles et objets provenant pour la plupart de l’atelier de Jean-Jacques Henner. Le musée lui est exclusivement consacré comme la donation l’exige : « à part les œuvres d’art ou peintures que Monsieur Jean-Jacques Henner avait chez lui, ou qui pourraient être données dans la suite par Madame veuve Henner donatrice, aucune œuvre d’aucun artiste ne pourra y être admise ». Lorsque la donation est acceptée par l’État par la loi du 27 août 1926, le musée a déjà été inauguré,
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Cécile Cayol
LA PLAINE MONCEAU, LE « PLUS ARTISTIQUE DES QUARTIERS D’ARTISTES »
«L
’avenue de Villiers est actuellement le plus artistique des quartiers d’artistes. Meissonier, Munkácsy, Bastien-Lepage, Sarah Bernhardt et d’autres y habitent1. » C’est en ces termes qu’Albert Edelfelt, jeune peintre finlandais venu faire ses armes à Paris, évoque la Plaine Monceau en 1880. Ce n’est donc pas par hasard si Guillaume Dubufe, héritier d’une dynastie de peintres portraitistes, s’installe en 1878 en plein cœur de ce nouveau quartier : à tout juste vingt-cinq ans, il y acquiert un hôtel particulier, à deux pas de celui de la « divine » Sarah Bernhardt, alors au faîte de sa gloire. S’il ne se doute peut-être pas encore que ce quartier va devenir le « département de l’art », il sait en revanche qu’un tel voisinage ne peut que lui être profitable. En effet, l’actrice et Meissonier, peintre d’histoire alors extrêmement célèbre, sont parmi les premiers à s’y installer ; dans leur sillage, artistes bourgeois, notables et industriels fortunés se donnent le mot pour faire de ce terrain périphérique le dernier quartier à la mode (voir plan pages 140-141).
Fig. 14 : Georges Jules Victor Clairin, Sarah Bernhardt, artiste dramatique, 1876, Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
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Un quartier sorti de terre « La plaine du peintre Jadin, qu’un paysan eût troqué avec joie contre une bonne pièce de terre en Beauce, est devenue le département de l’Art à Paris2. » En 1860, le boulevard Malesherbes et l’avenue de Wagram ne sont encore que deux grosses artères vides, bordées de champs d’herbes sauvages, un « territoire quasi suburbain qui se compose de champs de blés émaillés de coquelicots et de bleuets, sillonnés par des sentiers où s’égarent les Juliettes des Batignolles au bras des Roméos des Ternes », comme le décrit Adrien Marx, dans Les Petits Mémoires de Paris en 18883. C’est au début des années 1850 que les investisseurs ont pris conscience du potentiel extraordinaire que représentent ces terrains limitrophes intégrés dans la barrière de Thiers. Ils savent que ces quartiers de la ceinture annoncent le futur grand Paris et achètent méthodiquement les parcelles. Parmi eux, on trouve les grandes familles d’industriels d’Offemont et de Chazelles (héritiers de Lavoisier) ou de purs spéculateurs comme Élie Deguingand ; ce dernier, ancien notaire, a acheté dès 1828 plus de trois hectares du domaine de Monceau à « deux sous le mètre » ; en 1867, à sa mort, il laisse à ses descendants une fortune foncière considérable.
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Benoît Giraud
LA MAISON D’UN PEINTRE
À
l’automne 1846, lorsque le peintre Alexandre Decamps acquiert des terrains jouxtant le chemin de Villiers, le quartier n’est encore qu’une vaste plaine agricole. Il constitue avec Louis-Godefroy Jadin un petit domaine de rentes au lieu-dit « les Longues Raies » en attendant l’inéluctable agrandissement de Paris vers l’ouest. Decamps revend sa part à son ami qui, plus patient, voit l’avenue de Villiers tracée en 1854 le long de ses terrains puis leur intégration dans Paris en 1860. Ceux-ci se retrouvent alors au cœur du bouillonnement immobilier du nouveau quartier et Jadin ne tarde pas à les lotir. Son élève et ami Roger Jourdain lui achète la parcelle du 43 avenue de Villiers en janvier 1876. Peintre et fils d’industriel, il est familier du nouveau quartier qu’il habite déjà depuis 1874 près de sa demi-sœur, Marguerite Baugnies, femme du peintre orientaliste Eugène Baugnies et future épouse du sculpteur René de Saint-Marceaux. Elle-même est en train de faire construire un hôtel au 100 boulevard Malesherbes par Jules Février. Leur famille est représentative de la société rapidement implantée dans le quartier, une jeune génération d’artistes mondains fortunés et de mécènes liés aux mondes de la banque et de l’industrie. Tous ont à cœur de faire construire des hôtels particuliers sur la Plaine Monceau.
Fig. 24 : Pierre Lanith Petit, Dubufe (2e album Félix Potin), photographie, Paris, musée d’Orsay Page de gauche : Fig. 23 : La Grande Dame. Revue de l’élégance et des arts, septembre 1894, no 21, Salon de madame Dubufe
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Emmanuel Bréon
« QUAND LES OMBRES REVIENNENT, ELLES NE SAVENT OÙ ALLER » Pour Édouard Dubufe qui me contait ses goûters d’enfants chez la princesse Mathilde
L
orsque Guillaume Dubufe s’éteint à bord du paquebot Principe di Udine au large de Buenos Aires, le 24 mai 1909, il laisse derrière lui une famille nombreuse et des amis désemparés1. L’hôtel-atelier du 43 avenue de Villiers à Paris qui a vécu les pleins feux de la Belle Époque est désormais sans capitaine. Trente années de création effervescente à couvrir de ses décors les monuments de la IIIe République, un engagement sincère à défendre l’art français et les arts décoratifs à l’occasion des Salons annuels et des Expositions universelles dans son pays ou à l’étranger, ont épuisé un artiste qui meurt prématurément de sa passion et de son travail. Son troisième enfant, Édouard, en poste en Argentine, se voit chargé, à vingt-six ans, de ramener le cercueil de son père « adoré ». La communauté artistique est en deuil et ouvre une souscription pour faire réaliser le tombeau du peintre au cimetière du Père-Lachaise confié au sculpteur Albert Bartholomé et à l’architecte Camille Formigé, deux amis de la famille. Jacques-Émile Blanche, quant à lui, se charge pour le Salon annuel de la Société nationale des beauxarts de 1910 d’organiser l’exposition rétrospective de l’œuvre. Son épouse Cécile est désormais seule avec Margot et Vincent, son jeune aviateur qui disparaît
Fig. 32 : Émile Friant, Guillaume Dubufe, 1905, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay
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courageusement dans le ciel de 1916. Elle quitte à regret cette demeure-atelier, en 1921, pour son hameau de Neuilly, après avoir légué quelques très beaux tableaux aux Musées nationaux. Guillaume Dubufe est l’héritier d’une lignée d’artistes parisiens qui couvrit tout le XIXe siècle2. Claude-Marie, son grand-père (fig. 37), né en 1790, a été le portraitiste attitré de la noblesse et de la grande bourgeoisie sous la Restauration puis la monarchie de Juillet. Il eut pour modèle Charles X, la duchesse de Berry, la reine Marie-Amélie, Léopold Ier de Belgique et LouiseMarie d’Orléans, Joseph Fouché, Luigi Cherubini ou Harriet Smithson, la fiancée de Berlioz. On court à son atelier de la Nouvelle Athènes, square d’Orléans à Paris, pour s’y faire portraiturer. Le quartier est à la mode et les voisins de palier de l’artiste sont George Sand, Frédéric Chopin, le pianiste Pierre Zimmerman, le violoniste Niccolò Paganini. L’abondance de la production et les succès remportés au Salon par Claude-Marie Dubufe attirèrent les jalousies et la critique contemporaine ne l’épargna pas. Pour certains auteurs célèbres, le patronyme Dubufe devint « dubufferie » ou « dubuffade » aux fins de se moquer. Les sentencieux frères Goncourt l’usèrent sur le mode comparatif : « Vinci n’est qu’un Dubufe consacré par les siècles », peut-on lire dans leur journal à l’acidité mordante. De manière inattendue, il fut défendu par des écrivains modernes. Charles Baudelaire écrit ainsi
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UN FILS DE PAYSAN ALSACIEN DEVENU PEINTRE ET ACADÉMICIEN
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uccédant en 1905 à Jean-Jacques Henner à l’Institut, Léon Lhermitte évoque la vie d’un artiste en dehors du monde : « Le maître n’a de joie qu’à mener, dans la paix profonde d’un volontaire isolement, son existence intérieure, toute vouée à l’art1. » Cette image est sans doute celle que le peintre a voulu donner de lui-même. Elle correspond bien à la partie la plus connue de son œuvre, celle qui multiplie les femmes rousses rêvant dans des paysages crépusculaires. Pourtant, elle ne rend pas véritablement compte de la réalité de la carrière artistique de Henner telle que la dessinent les documents qu’il a conservés (courriers, agendas, catalogues du Salon…) et qui sont aujourd’hui au musée Henner. Nathalie Heinich en retrace ainsi le contexte2 : « La carrière type d’un académicien comprenait les étapes suivantes : École des beaux-arts, prix de Rome et formation complémentaire en Italie, admission au Salon, médailles (attribuées à environ un quart des peintres parisiens professionnels), et, enfin Légion d’honneur (en moyenne huit bénéficiaires par an chez les peintres). C’est dire que l’immense majorité des
Fig. 44 : Jean-Jacques Henner, Adam et Ève trouvant le corps d’Abel, prix de Rome 1858, huile sur toile, Paris, ENSBA
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peintres et sculpteurs étaient exclus d’un tel parcours. » Selon Harrisson et Cynthia White3, pour les peintres nés entre 1825 et 1834, 26 % ont fréquenté l’École des beaux-arts, 32 % ont reçu une médaille au Salon, 10 % la Légion d’honneur. Le parcours de Jean-Jacques Henner s’inscrit parfaitement dans cette carrière idéale. Il est médaillé à plusieurs reprises lors des Salons (1863 avec une médaille de troisième classe, 1865, 1866, 1898 avec une médaille d’honneur) et Expositions universelles (1878 avec une médaille de première classe, 1889, Exposition internationale de Chicago en 1893, grand prix à Paris en 1900). Il est membre de l’Institut en 1889 et titulaire de tous les grades de la Légion d’honneur, de chevalier en 1873 (fig. 47) à la dignité de grand officier en 19034. Si « Henner ne tient guère à l’argent, ni surtout aux jouissances matérielles qu’il procure5 », il recherche indéniablement les marques de reconnaissance et ne refuse pas les invitations à l’Élysée ou à Chantilly avec le duc d’Aumale comme en témoignent ses agendas6. Henner a non seulement parfaitement utilisé tous les moyens de réussir que lui offrait le contexte institutionnel de son temps (prix de Rome, Institut, Salon…) mais, l’étude de sa relation avec les institutions culturelles le montre bien également, il s’est progressivement investi dans leur fonctionnement.
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Claire Bessède
L’ATELIER DE HENNER
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n 1882, une de ses anciennes élèves, Dolly Tennant, écrit de Londres à Jean-Jacques Henner : « Je voudrais encore une fois grimper la rue Pigalle – me trouver devant cette lourde porte grille – monter l’escalier raide et sombre, trouver (un peu à tâtons) la cloche – sonner une-deux-trois fois, et me retrouver face à face avec M. Henner1. »
En 1867, Jean-Jacques Henner installe son atelier 11 place Pigalle (fig. 56). Ce sera son adresse jusqu’à sa mort en 1905, celle qui figure sur les actes officiels comme dans les livrets des Salons même si, à partir des années 18902, il habite chez son neveu Jules au 41 rue La Bruyère. Jules Claretie l’évoque ainsi : « Entrons chez lui. L’atelier est grand, lumineux, avec ses murailles toutes couvertes d’esquisses, d’études et de souvenirs. On y pénètre après avoir poussé la grille d’une sorte de petit jardin. La maison est haute, peuplée de peintres : Pils y demeurait, M. Puvis de Chavannes, M. Charles Marchal, M. Boldini y habitent. Au rezde-chaussée se tient J.-J. Henner3. » Quelques années après sa mort l’immeuble devient un restaurant de nuit puis un cabaret. Plusieurs photographies conservées au musée Henner (fig. 55 et 57) montrent l’artiste, peignant ou écrivant, dans son atelier. Au mur, on voit un accrochage serré
Fig. 55 : Henner dans son atelier, photographie, archives privées Henner F1-A-3.3
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de tableaux mêlant copies d’après les maîtres, paysages italiens, esquisses et portraits ainsi qu’une tapisserie. Est posé sur un siège Portique romain que Henner pensait être de Corot. Les meubles, tapis et textiles, plâtres d’atelier et sculptures, dont un modèle en cire du Courage militaire de Paul Dubois (fig. 80), et objets divers sont nombreux. Contrairement aux ateliers de nombre de ses contemporains, on ne remarque aucun objet oriental en dehors des tapis. Chaque été, Henner séjourne deux mois en Alsace, travaillant dans un atelier à Bernwiller où il possède une maison qui sera donnée en 1938 par sa nièce à une association religieuse.
Le travail dans l’atelier Henner peint essentiellement dans son atelier où il élabore ses compositions et fait poser ses modèles qui travaillent aussi pour d’autres artistes. Il inscrit les séances de pose dans ses agendas : « petite italienne », « Mlle Camille », « la petite rousse »… et l’on sait qu’une dénommée Alice a posé pour la Rêveuse (fig. 61) et pour Fabiola (fig. 65). Certaines sont ses élèves, comme Juana Romani ou Madeleine Smith. Parfois, il s’attache à étudier une attitude ou une partie de l’anatomie du modèle féminin ou masculin qui pose pour lui : le musée conserve des études de visages, de mains, de torse, souvent regroupées sur une même feuille (fig. 59). On peut cependant supposer que ses paysages réalisés en Italie lors de son séjour à la villa Médicis et
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Rodolphe Rapetti
JEAN-JACQUES HENNER, PEINTRE ACADÉMIQUE INDÉPENDANT
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n 1912, Gustave Le Rouge faisait paraître Le Mystérieux Docteur Cornélius, roman en dix-huit volumes qui appartient aujourd’hui aux classiques de la littérature populaire. Le dixième épisode de ce récit à la frontière du roman d’espionnage et du fantastique a pour titre Le Portrait de Lucrèce Borgia. L’auteur y met en scène un richissime collectionneur du nom de Balthazar Buxton, dont la résidence newyorkaise, à la fois palais assyrien, labyrinthe et coffrefort, abrite, dans un décor somptueux, un ensemble inégalable de meubles précieux et d’objets d’art, ainsi qu’une galerie de peinture et de sculpture où figurent notamment Fra Angelico, Michel-Ange, Raphaël, Rubens, Poussin et Goya. Parmi les peintres que Le Rouge désigne du nom de « modernes », le milliardaire a choisi Albert Besnard, Monet, Degas et… Henner1. Dans les années 1890, Gustave Le Rouge avait été mêlé au milieu artistique parisien, et le personnage qu’il imagine repose évidemment sur une base véridique. Le renom de Henner auprès des collectionneurs américains de l’époque est une réalité encore perceptible aujourd’hui dans les collections publiques et privées d’outre-Atlantique, où ses œuvres
Fig. 64 : Jean-Jacques Henner, La Source. Grande variante, 1881, huile sur toile, inv. JJHP 240
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figurent en abondance. Cette extrapolation littéraire révèle aussi l’extraordinaire popularité de Henner, alors disparu depuis quelques années, et que l’on ne craignait pas en ce temps-là de citer parmi les plus grands noms de l’histoire de la peinture. Il n’est pas indifférent pour notre propos que l’écrivain ait choisi de créer une figure de collectionneur au goût moderne : Henner est ici en compagnie des impressionnistes, et non de ses confrères de l’Institut. La fantaisie romanesque recoupe ainsi certaines appréciations de la critique, dont elle se fait le miroir. Nous en voulons pour preuve l’opinion de Gustave Geffroy, critique proche des impressionnistes, qui en 1898 vilipende l’académisme mais fait exception pour notre artiste, dont il admire la « science savoureuse » en remarquant : « De la peinture de M. Henner, si l’on passe à celle de nombre de ses collègues de l’Institut, on a évidemment une déception2. » Henner occupe en effet dans la peinture de son temps une place à part, un territoire neutre : ni vraiment académique, ni naturaliste et à distance de l’avant-garde. N’en déplaise à Octave Mirbeau, qui dès 1907 range Henner dans la kyrielle des « pompiers » oubliés depuis leur mort3, sa gloire perdure encore en 1928, lorsque Henri Focillon loue « la beauté d’une matière riche, fondante, enveloppée » et place Henner à l’origine d’une « renaissance du nu académique4 ». Cette opinion émanant d’un historien
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Isabelle de Lannoy
HENNER ET SES AMIS ARTISTES, UNE SECONDE FAMILLE
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enner resta toute sa vie proche de ses camarades rencontrés à Paris et à Rome. Parmi les architectes, peintres ou sculpteurs qu’il fréquentait figurent Paul Dubois, Hector Le Roux, Ernest Hébert, Jean Gigoux, Constant Moyaux, Paul Sédille, Jules Laurens et Dubufe, mais aussi Carolus-Duran, Gustave Moreau ou Antoine Guillemet1… Tous membres de confréries parisiennes, ils se retrouvaient régulièrement lors de dîners aux cours desquels les sujets de l’actualité artistique étaient débattus et les promotions fêtées. Regroupant aussi des écrivains, des savants, des journalistes et des hommes politiques influents et de tous bords, ces associations leur permirent de tisser un réseau de relations qui les aidèrent dans leur carrière2. Apprécié par ses amis qui invitaient souvent leur ami célibataire, Henner réalisa une cinquantaine de portraits qu’il leur offrit, lui qui faisait payer très cher ses portraits de commande. Il leur fit aussi cadeau de petites études d’après ses œuvres du Salon dont les dédicaces affectueuses montrent les liens fraternels qui les unissaient. C’est à Rome, où Henner passe plus de cinq ans sans retourner en France, que se sont soudées ces amitiés : d’abord avec ceux de sa promotion arrivés avec lui en 1859, le peintre De Coninck, l’architecte Coquart et le
Fig. 73 : Charles Émile Auguste Durand, dit Carolus-Duran, Jean-Jacques Henner, 1891, huile sur toile, inv. JJHP 1934-13
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musicien Samuel David – dont il garda toute sa vie les esquisses de leurs portraits peints cette année-là – mais aussi avec les lauréats de l’année précédente, le peintre Sellier (fig. 71), le sculpteur Tournois, l’architecte Daumet ou Bizet. Le 27 janvier 1860, il note dans son journal qu’il accueille les « nouveaux » (fig. 75) : Falguière – chez lequel il habitait rue des Lions à Paris en 1847 –, grand prix de sculpture, et son compatriote alsacien le peintre Benjamin Ulmann, deux camarades des ateliers Drolling et Picot et le compositeur Ernest Guiraud : « … le musicien m’a beaucoup plu ; il paraît très doux et très timide et ne parle pas trop ; c’est le seul qui ait été un peu affecté des charges qu’on leur avait faites en arrivant à l’Académie… » Il se lie en 1861 avec l’architecte Achille Joyau, en 1862 avec le peintre Jules Lefebvre, autre ami de chez Picot, et l’architecte Constant Moyaux, en 1864 avec le peintre Monchablon et le musicien Massenet. Ses amis ne se limitent pas aux pensionnaires de la villa Médicis. En l860, il rencontre Henri Chapu dont la famille a financé ses cinq années à Rome où il séjourne depuis 18593 ; Léon Bonnat, qui après la mort de son père a obtenu une bourse de la ville de Bayonne pour aller en Italie où il est arrivé en 1858 ; et Hector Le Roux (fig. 74), ancien élève de Picot, seulement deuxième prix de peinture en 1857 et en 1859 mais qui obtient de l’État la commande d’une copie à faire à Rome, sorte de bourse équivalant au séjour des premiers prix4.
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Isabelle Magnan
JEAN-JACQUES HENNER PROFESSEUR DES DAMES
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ean-Jacques Henner a eu, comme la plupart de ses contemporains, une activité de professeur, relativement discrète et difficile à documenter. Il n’a jamais tenu d’atelier à l’École des beaux-arts, même s’il y a sans doute parfois remplacé Léon Bonnat1. Plusieurs artistes ont toutefois pu être identifiés comme ses élèves, grâce aux catalogues de Salon et grâce à la correspondance du peintre conservée au musée Henner. On lui connaît surtout des élèves femmes, parmi lesquelles des noms bien connus à cette époque : Louise Abbéma, Juana Romani, Laura Le Roux – fille du peintre Hector Le Roux – ou encore Consuelo Fould, fondatrice du musée Roybet Fould de Courbevoie. Les catalogues de Salon mentionnent plus d’une centaine de femmes élèves « de Henner et Carolus-Duran » : il s’agit là des élèves ayant fréquenté ce que Henner et Carolus-Duran avaient appelé « l’atelier des dames2 ».
L’atelier des dames (fig. 84) fondé par Henner et Carolus-Duran ouvre en 1874, au moment où les ateliers privés qui ne cessent de se développer à la fin du XIXe siècle, parallèlement à l’École des beaux-arts, commencent à s’ouvrir aux femmes. En effet l’entrée à l’École des beaux-arts ne leur est autorisée qu’à partir de 1897 : avant cette date, les femmes souhaitant
Fig. 83 : Jean-Jacques Henner, Portrait de Madeleine Smith, 1892, huile sur toile, Paris, Bibliothèque nationale de France
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Fig. 84 : Un atelier de femmes (l’atelier des dames de Henner ?), photographie non datée, D.R. On reconnaît le visage de Madeleine Smith debout à l’extrême droite de la photographie
vivre leur vocation artistique n’ont d’autre alternative que de s’adresser à ces ateliers privés, tenus par un ou plusieurs peintres. Les années 1870 marquent un tournant dans la condition de la femme artiste : les ateliers s’ouvrent aux femmes, les « cours pour dames » se multiplient à Paris. Les ateliers les plus connus acceptant les femmes sont ceux de Léon Cogniet, de Charles Chaplin, l’atelier des dames de CarolusDuran et Henner, ainsi que les académies Colarossi et Julian (fig. 85), cette dernière ouverte aux femmes en 1875. Beaucoup de témoignages sur ces ateliers nous
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ANNEXES CHRONOLOGIE PLAN DE LA PLAINE MONCEAU AU TEMPS DES ARTISTES INDEX DES NOMS DE PERSONNES BIBLIOGRAPHIE
Fig 92 : Jean-Jacques Henner, Rébecca, vers 1903, huile sur toile, inv. JJHP 395
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HENIS ET AT POREM ENIS SANIS QUAM ENT VOLORER ROVIDUCIUST.
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[099] Jean-Jacques Henner, Vue de Bernwiller dans les arbres, huile sur bois, inv. JJHP 411
[100] Jean-Jacques Henner, Paysage d’Italie, 1859-1860, huile sur toile, inv. JJHP 58
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CHRONOLOGIE JEAN-JACQUES HENNER (1829-1905)
UNE JEUNESSE EN ALSACE
UNE CARRIÈRE OFFICIELLE
5 mars 1829 : Jean-Jacques Henner naît à Bernwiller, dans le sud de l’Alsace.
1867 : S’installe dans l’atelier du 11 place Pigalle.
1841-1846 : Suit les cours de dessin de Charles Goutzwiller au collège d’Altkirch puis se forme à Strasbourg dans l’atelier de Gabriel Guérin. 1846-1855 : Poursuit ses études à Paris, à l’École des beaux-arts, et fréquente l’atelier de Michel-Martin Drolling puis, après la mort de ce dernier en 1851, celui de François-Édouard Picot. 1856-1857 : Revient en Alsace. Peint des portraits de commande. 1858 : Après deux échecs, remporte le grand prix de Rome de peinture avec Adam et Ève trouvant le corps d’Abel.
En Italie 1859 à 1864 : Henner est pensionnaire à la villa Médicis, à Rome.
1869 : Expose au Salon la Femme couchée , dite La Femme au divan noir. 1871 : Annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Empire allemand. Peint L’Alsace. Elle attend, une commande d’épouses d’industriels de Thann, faite à l’initiative d’Eugénie Kestner pour offrir le tableau à Gambetta. 1872 : Expose au Salon Idylle. 1873 : Chevalier de la Légion d’honneur. 1874 : Ouvre avec Carolus-Duran l’« atelier des dames ». Expose au Salon le Portrait de Mme ***, dit La Femme au parapluie. 1877 : Peint Les Naïades, pour la salle à manger de M. et Mme Soyer, boulevard Malesherbes. 1878 : Promu officier de la Légion d’honneur. Jules Claretie publie la première monographie consacrée à Henner. Expose au Salon La Magdeleine. 1879 : Expose au Salon Églogue.
1860 : Voyage dans le nord de l’Italie (Sienne, Florence, Venise, Milan…).
1880 : Peint Andromède pour les Raffalovitch et expose au Salon La Fontaine.
1862 et 1864 : Visite Naples et sa région.
1881 : Expose au Salon Saint Jérôme et La Source.
1865 : Expose La Chaste Suzanne, dernier envoi de Rome, et le Portrait de Joseph Tournois.
1882 : Voyages en Belgique, en Hollande et en Espagne. Expose au Salon Bara.
Fig. 93 : Jean-Jacques Henner, Paul Henner à la médaille, avant 1867, huile sur toile, inv. JJHP 1972-7
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PLAN DE LA PLAINE MONCEAU AU TEMPS DES ARTISTES CÉLÉBRITÉS ET PERSONNALITÉS MONDAINES Juliette Adam, née Lambert (1836-1936), écrivain, 190 boulevard Malesherbes Mme Aubernon, née Euphrasie Héloïse Lydie de Nerville (1825-1899), 10 rue Montchanin (actuelle rue Jacques Bingen) Émilie-Louise Delabigne, dite Valtesse de La Bigne (1861-1910), 98 boulevard Malesherbes Agustina Otero Iglesias, alias Caroline Otero, dite « La Belle Otero » (1868-1965), 27 rue Fortuny Marguerite de Saint-Marceaux, née Jourdain (1850-1930), 100 boulevard Malesherbes (voir aussi son époux René de Saint-Marceaux, 25)
PEINTRES ET SCULPTEURS Auguste Bartholdi (1834-1904), sculpteur, 23 rue de Chazelles Marie Bashkirtseff (1858-1884), peintre, 30 rue Ampère Jules Bastien, dit Bastien-Lepage (1848-1884), peintre, 12 rue Georges Berger Hélène Bertaux, dite Mme Léon Bertaux (1825-1909), sculpteur, 147 avenue de Villiers Pierre Carrier-Belleuse (1851-1932), peintre, 29-31 boulevard Berthier Édouard Detaille (1848-1912), peintre, 129 boulevard Malesherbes Guillaume Dubufe (1853-1909), peintre, 43 avenue de Villiers ( actuel Musée national Jean-Jacques Henner) Albert Edelfelt (1854-1905) peintre, 147 avenue de Villiers François Flameng (1856-1923), peintre, 61 rue Ampère Henri Gervex (1852-1929), peintre, 97 boulevard Malesherbes, puis 12 rue Léon Jost Louis Godefroy Jadin (1805-1882), peintre, 9 bis rue Jadin Madeleine Lemaire (1845-1928), née Coll, 31 rue de Monceau Édouard Manet (1832-1883), peintre, 81 rue Guyot (actuelle rue Médéric) Ernest Meissonier (1815-1891), peintre, 131 boulevard Malesherbes Mihály Munkácsy (1844-1900), peintre, 53 avenue de Villiers Alphonse de Neuville (1835-1885), peintre, 89 boulevard Pereire
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Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), peintre, 89 avenue de Villiers Odilon Redon (1840-1916), peintre, 129 avenue de Wagram Ferdinand Roybet (1840-1920), peintre, 9 rue de Prony René de Saint-Marceaux (1845-1915), sculpteur, 100 boulevard Malesherbes (voir aussi son épouse Marguerite de SaintMarceaux, 5) Kees Van Dongen (1875-1968), peintre, 75 rue de Courcelles Édouard Vuillard (1868-1940), peintre, 112 boulevard Malesherbes
ÉCRIVAINS ET ARTISTES DRAMATIQUES Alphonse Allais (1854-1905), écrivain 7 rue Édouard Detaille Tristan Bernard (1866-1947), écrivain, 9 rue Édouard Detaille, puis 22 rue Eugène Flachat Sarah Bernhardt (1844-1923), comédienne, 35 rue Fortuny, puis 53 boulevard Pereire Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette (1873-1954), écrivain, 117 bis rue de Courcelles Alexandre Dumas père (1802-1870), écrivain, 107 boulevard Malesherbes Alexandre Dumas fils (1824-1895), écrivain, 98 avenue de Villiers Isadora Duncan (1877-1927), danseuse, 45 avenue de Villiers (en 1900) Guy de Maupassant (1850-1893), écrivain, 10 rue Montchanin (actuelle rue Jacques Bingen) Edmond Rostand (1868-1918), écrivain, 2 rue Fortuny Victorien Sardou (1831-1908), auteur dramatique, 64 boulevard de Courcelles
COMPOSITEURS Ernest Chausson (1855-1899), 22 boulevard de Courcelles Claude Debussy (1862-1918), 58 rue Cardinet Gabriel Fauré (1845-1924), 154 boulevard Malesherbes Charles Gounod (1818-1893) 20 place du Général Catroux André Messager (1853-1929), 174 boulevard Malesherbes Camille Saint-Saëns (1835-1921), 91 rue de Courcelles
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LE SALON ROUGE
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LA SALLE CONSACRÉE À L’ITALIE
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PORTFOLIO
L’ATELIER GRIS
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LE SALON AUX COLONNES DEPUIS LE JARDIN D’HIVER
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