Najia Mehadji. La révélation du geste (extrait)

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Série « Enroulement » dans l’atelier de l’artiste à Ivry-sur-Seine, 2013.


La rĂŠserve, Lamssasa (Maroc), 2013.


Sommaire / Content PA SCA L A M EL 9 17

Najia Mehadji, ou le sublime contemporain Najia Mehadji or the Contemporary Sublime EN T R ET I EN AV E C / I N T ERV I E W W IT H V ÉRON IQU E R I EF F EL

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Tracer sa vie entre singularité et universalité

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Tracing her life between singularity and universality A BDELWA H A B M EDDEB

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Lettre à Najia Mehadji

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Letter to Najia Mehadji R É M I L A BRUS SE

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Des nouvelles de l’infini

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News from Infinity CH R IST I N E BUCI- GLUCK SM A N N

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Des fleurs du noir aux « Mystic Dance »

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From Flowers of Blackness to « Mystic Dance »

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Peintures 2008-2014 Paintings

108

Œuvres sur papier 2008-2014 Works on Paper

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Œuvres numériques 2009-2014 Digital Works

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Les auteurs / The Authors Expositions / Exhibitions


« J’ai renoncé à la dualité ; j’ai vu que les deux mondes sont un, un seul je cherche, un seul je sais, un seul je vois, un seul j’appelle. »

”I renounced duality;

DJALÂL AD-DÎN RÛMÎ

JALAL AL-DIN RUMI

I saw that the two worlds are one, I search just one, I know just one, I see just one, I name just one.”


Portrait de Najia Mehadji. Photographie de Le誰la Alaoui, 2011.


Coupole. 1994, enduit, colle et papier sur toile, 185 x 175 cm.


Najia Mehadji, ou le sublime contemporain PA SCA L A M EL

« La défense de la dignité humaine est le sujet ultime de l’art. Et ce n’est qu’en prenant sa défense que nous trouverons notre force. » BARNETT NEWMAN (1990)

L’entre-deux Si, d’aventure, l’on cherchait à citer – parmi quelques autres – le nom propre d’une artiste contemporaine qui, de par sa biographie et de par ses œuvres, symbolise l’union entre l’Orient et l’Occident, c’est celui de Najia Mehadji. Franco-marocaine ou maroco-française, née en 1950, ayant vécu son enfance et son adolescence à Paris, séjournant régulièrement à Fès dont sa famille est originaire, diplômée de l’université Paris I où elle a soutenu en 1973 son mémoire sur Paul Cézanne, diplômée de l’École des beaux-arts de Paris, elle expose dès les années 1980 dans des galeries parisiennes et, à partir de 1985, décide de partager sa vie entre son atelier de Paris et celui du Maroc – près d’Essaouira, dans le pays Haha, dans un douar où elle s’est aménagé un ryad traditionnel. Depuis, l’entre-deux est devenu son mode de vie. Outre sa participation à de nombreuses expositions collectives internationales, pour ce qui concerne ses deux pays d’élection, « J’ai besoin des deux », dit-elle, différentes périodes de son œuvre ont été présentées à Bab Rouah, à Rabat, à l’espace Actua de l’Attijariwafa Bank et à la Société générale de Casablanca ; aux musées de Poitiers et de Caen, qui – dès la fin des années 1980 – lui ont organisé une exposition personnelle ; à « elles@centrepompidou » que le musée national d’Art moderne a consacré aux femmes artistes contemporaines du monde entier en 2009 ; aux galeries Shart et l’Atelier 21 de Casablanca ; aux galeries Montenay, Albert Benamou et Claude Lemand à Paris. En France, contribuant à l’effervescence artistique du milieu des années 1970, elle expérimente l’extrême contemporain qui s’y déroule. Dans les arts plastiques, Simon Hantaï, Judit Reigl, Jean Degottex, Martin Barré, le groupe Supports-Surfaces interrogent la peinture à partir de ses composants élémentaires (toile, châssis, surface, plan, etc.) ; chacun de ces artistes s’engageant dans un processus volontaire – des règles du jeu facultatives mais

cependant radicales – leur permettant de faire advenir à la surface ce qui, sans elles, n’aurait jamais pu l’être. Najia travaille un temps avec Peter Brook et le Living Theatre, groupes de théâtre d’avant-garde ouvert aux cultures dites alors « extra-européennes ». Suit les cours de Jerzy Grotowski, qui, rompant avec les conventions occidentales de la représentation théâtrale (la coupure entre la scène et le public, la primauté du texte, le jeu psychologisant des acteurs, etc.), s’inspire des rituels ethnologiques et du théâtre traditionnel des civilisations orientales afin de créer la possibilité d’une « expérience scénique sacrée » partagée par les acteurs et les spectateurs où concrétiser « l’universel humain ». Que ce soit dans le théâtre contemporain ou dans la peinture, l’enjeu est moins l’invention de la forme pour la forme que l’expérience, l’exploration de soi, l’épreuve de l’œuvre, la transformation de l’artiste et celle – souhaitée – du regardeur. En somme, il s’agit d’élargir le champ de la perception de l’individu pour lui permettre d’atteindre un niveau plus élevé de conscience. Cette voie, dont la transformation de soi et de la société constitue l’objectif, se fonde sur une vision libératrice de l’être. Durant ces mêmes années, Najia s’intéresse plus particulièrement à la gestualité du Nô japonais et aux rituels soufis des derviches tourneurs qu’elle transpose au fusain ou à l’encre noire. Elle conçoit des performances, avec des étudiants en musique contemporaine, en dessinant sur de grandes feuilles de papier préalablement sonorisées par des microcontacts. C’est aussi la période où elle fréquente le groupe Femmes/Art et participe à la revue Sorcières, où sont publiés ses premiers dessins, sorte de diagrammes en noir et blanc que l’on peut qualifier d’« abstraction sensible ». Plus tard, elle lit Henri Bergson, Gilles Deleuze, Djalâl ad-Dîn Rûmî, Platon, Ibn Arabî. Apprécie les films de Carl Theodor Dreyer, d’Ingmar Bergman, de Robert

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Bresson, les cinéastes de la lumière et du gros plan, de l’affect et du visage. Se sent proche de Lucio Fontana et des artistes de l’Arte povera, qui, issus de l’utopie contestataire de la fin des années 1960, renouvellent le paradigme Nature/Culture. De Robert Ryman et de Richard Serra, les minimalistes américains qui ont su garder la radicalité de la pensée et la sensibilité de la main. Voit les « Anthropométries » d’Yves Klein, les sculptures d’Anish Kapoor, les vidéos de Bill Viola ou les peintures de Lee Ufan comme autant de démarches artistiques qui unissent le concept et la perception, la matière et l’immatériel. Elle privilégie les œuvres lumineuses qui créent une sensation de plénitude. Qui célèbrent les noces du corps et de l’esprit. Qui captent « la puissance intemporelle de la vie ». La peinture des tombes des rois et des reines de l’Égypte pharaonique, les moines zen japonais du xiie siècle, Chu Ta, le peintre chinois du xviie siècle qui a inventé la liberté du trait, Beyzad, le maître des enluminures persanes, les grandes icônes russes, Giotto, Greco, Kasimir Malevitch, Henri Matisse, les arts de l’islam et l’architecture arabo-andalouse (qu’elle a perçus dès l’adolescence, lors de visites à l’Alhambra, de médersas ou de promenades dans l’architecture blanche des médinas), font partie de ses références.

Franchir les portes de la perception « Pour capter le flux il faut aller à l’essentiel », dit Najia. Elle suit sa voie. C’est comme une ascèse. Elle travaille chaque jour. À Paris. Ou à Lamssasa – près d’Essaouira. Elle conçoit. Elle peint. Elle dessine. Choisit soigneusement ses outils qui sont à la fois plus rudimentaires et plus tactiles que ceux de la peinture classique occidentale. Utilise la baguette de balsa, de gros fusains, le pinceau coréen, les mains, l’encre, le gesso, l’épais stick à l’huile comme couleur, la toile en lin ocre comme réserve, le noir et blanc pour l’intensité de ses contrastes, exclusivement une ou deux teintes monochromes par œuvre – des couleurs solaires, lumineuses, le rouge, le jaune, l’orange. Agrafe directement sa toile vierge ou sa feuille de dessin contre un mur pour mieux sentir la résistance du support, le face à face du corps et de son report. Opte le plus souvent pour des formes optimales centrées, le cercle, le carré, l’octogone. Laisse agir la main pensante qui trace un réseau dynamique de lignes ou de touches s’éployant en autant de structures de flux oscillant entre la bidimensionnalité et la tridimensionnalité. Le tracé rythmique qui dessine la forme est ce qui en définit l’extension colorée. Comme si la profondeur surgissait à la surface.

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Elle est autant du côté de l’agir que du non-agir, de l’action que de la contemplation, de la vérité de la sensation que de la célébration du sacré comme s’il s’agissait des deux faces opposées et cependant complémentaires d’un même sceau. Comme si la fertilité de la vitesse et la sensation de la longue durée étaient une seule et même temporalité. L’Obscur et le Lumineux, une même spatialité. Le corps, le bras, la main, l’outil, l’empreinte, l’œil intérieur et extérieur, l’idée et la forme sont d’un seul et même tenant – une même « révélation ». Il n’y a pas de repentir possible. Najia jette. Déchire. Garde ce qui est à l’aune de ce qu’elle considère comme « efficace », l’art étant, pour elle, le moyen de la métamorphose réelle de l’être et non pas seulement un enjeu esthétique ou symbolique. Elle peint le plus souvent par séries où chaque œuvre à son autonomie – sa valeur intrinsèque : « Icares », « Tem », « Ma », « Coupoles », « Chaosmos », « Végétal », « Gradient », « Floral », « Arborescence », « Volutes », « Spring Dance », « Drapés »… Son art est une méditation sur la vulnérabilité de l’être se confrontant à ce qui est de l’ordre du vertige et de l’intime. L’œuvre – qui en est le réceptacle – devient sanctuaire. Elle n’est pas soumise à la sphère du religieux, elle n’en dépend pas, elle ne l’illustre pas, mais l’œuvre a elle-même une fonction spirituelle. Lors d’une récente visite d’atelier, l’artiste me précise : « Pour moi, comme dans l’art de Chu Ta, le dépouillement et la simplicité ne sont pas dépourvus de subjectivité. Au contraire ! Chez lui, que ce soient un rocher ou des oiseaux qui se posent, tout est affect : joie, tristesse, vie, mort... Une simple fleur suggère des pensées philosophiques ou métaphysiques… C’est comme la montagne Sainte-Victoire de Cézanne ou dans ses aquarelles les plus épurées : chaque touche est essentielle – nécessaire –, le paysage nous regarde, la montagne est vivante tel un autoportrait du peintre... C’est une manière métaphorique de capter – sans grandiloquence –, ce qui est plus intense et plus durable que n’importe quelle vie individuelle. Comment peindre le vent dans les branches ? La beauté éphémère ? C’est tout l’enjeu de l’art zen qui, dans la dynamique vécue d’un trait d’encre ou d’un lavis, parvient à restituer la sensation du vent et faire advenir un temps hors du temps. Comment peindre l’état d’esprit du moine qui se promène dans un paysage ou qui le contemple ? Par la composition du vide et du plein, des tracés et des touches subjectives du pinceau qui, à travers la représentation des arbres ou des plis du vêtement du moine, parvient à créer une métaphore de l’euphorie ou de


Marie Madeleine (Triptyque).

2004, craie à l’huile sur toile. Chute, 160 x 190 cm. Dôme, 190 x 160 cm. Flux, 160 x 190 cm.

la nostalgie, de la plénitude ou de la vacuité que ce dernier ressent. »

s’épanouit en autant d’œuvres révélant la beauté fulgurante de l’invisible.

Un art « engagé »

Elle cite souvent Claude Monet, qui a offert son cycle des Nymphéas à la France, en novembre 1918, au sortir de la Première Guerre mondiale, pour en faire « un monument à la paix et redonner un peu de vie à une époque dévastée qui en a tant besoin ».

Najia pense que chaque artiste peut réagir – à sa manière – au tragique de l’histoire et de l’actualité. En 1993-1994, bouleversée par la destruction de Sarajevo – symbole de la coexistence des trois monothéismes –, « l’épuration ethnique » et les crimes de guerre commis contre les Bosniaques en ex-Yougoslavie, elle conçoit la série des « Coupoles », qui manifeste son intérêt pour les formes transculturelles dans l’architecture (notamment l’octogone), en faisant explicitement référence à la cosmologie des arts de l’islam. Plus tard, en 2005, pour exorciser les violences des guerres du ProcheOrient, elle crée des œuvres numériques intégrant des détails agrandis de gravures de Goya (dont « Les Désastres de la guerre ») au sein de dessins de fleurs fluorescentes – comme une tension entre Éros et Thanatos. Elle est engagée mais ne désespère pas de l’humain. Consciente que l’art – l’ordre du symbolique – ne peut lutter à armes égales contre l’extrême violence de la barbarie, elle se refuse à réduire l’œuvre à un message, aussi juste et alarmiste soit-il. Pour elle, le rôle de l’artiste n’est pas toujours d’ajouter du bruit au bruit, encore moins de produire du divertissement ou du spectaculaire insignifiant, mais de résister au désenchantement et à la déshumanisation en concevant des œuvres, où, bien que mise en question, la plénitude de l’être finit par l’emporter sur le chaos. Il s’agit – pour elle – d’exorciser le mal et les forces délétères en épousant le flux de l’énergie vivifiante qui

La nouvelle donne Mondialisation culturelle oblige, depuis le début du xxie siècle, nous assistons à un événement sans précédent : comme pour la littérature, le cinéma ou la musique, l’élargissement du regard à la planète entière est la révolution esthétique majeure de l’art contemporain de cette décennie. Après la Chine, la Corée, l’Inde, l’Iran, la Turquie, le Mexique, le Brésil, c’est au tour des œuvres des artistes arabes – diasporas comprises – d’émerger sur la scène internationale. Réagissant – à juste titre – au funeste 11 septembre 2001 qui, au fil des années, a réduit médiatiquement le « musulman » aux clichés du terrorisme et de la burqa, quelques personnalités politiques lucides et nombre d’hommes et de femmes de la société civile aspirant à davantage de justice et de liberté ont investi le champ culturel afin de changer l’ image du monde arabe. L’ouverture exponentielle de galeries publiques et privées, de musées et de fondations consacrés à l’art moderne et contemporain dans le Golfe, au Proche-Orient et dans le Maghreb ; la

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création de magazines et de sites Internet spécialisés dans l’art ; la synergie de grandes expositions, de biennales ou de foires internationales permettant une plus grande circulation des artistes et une meilleure visibilité de leurs œuvres, sont des faits majeurs. Depuis nombre de villes arabes, Dubaï, Abu Dhabi, Doha, Beyrouth, Damas, Aman, Ramallah, Le Caire, Tunis, Alger, Casablanca, jusqu’aux villes-mondes, en particulier Paris, Londres, Berlin, New York, au sein desquelles vivent ou séjournent régulièrement plusieurs d’entre eux, les peintres, sculpteurs, photographes, vidéastes, installateurs du monde arabe – ou originaires du monde arabe – sont portés par une dynamique d’exception. L’art contemporain est devenu transnational – transculturel, l’impact des zones géographiques et historiques qui se juxtaposent ou s’interpénètrent un facteur de plus en plus déterminant sur la création. « À la différence des orientalismes de l’imaginaire, où l’Autre était une construction occidentale faite de clichés, de stéréotypes et d’exotisme colonial, l’Orient est désormais dans l’Occident, et réciproquement. D’où la naissance d’esthétiques de l’entre-deux, signes d’un nouveau travail de l’imaginaire de plus en plus métissé », écrit Christine BuciGlucksmann dans le livre de l’exposition « Traits d’union – Paris et l’art contemporain arabe » dont j’ai été le curator. Après son succès à la Villa Emerige à Paris, en automne 2011, cette dernière – dont Najia Mehadji fait partie – a été montrée, entre autres, à Beyrouth, à Sanaa, à Rabat…

Un art du xxie siècle Najia suit sa voie. Elle fait partie des artistes arabes ou originaires du monde arabe les plus intéressants, qui utilisent la grammaire internationale de l’art contemporain tout en ayant un vocabulaire spécifique. Revendiquant sa part féminine au point de prendre pour thème le floral (ce qu’il y a de plus péjorativement connoté comme féminin), elle peint des « fleurs de volupté » qui se dilatent et qui vibrent. Invente une calligraphie au féminin, où la ligne continue d’un geste trace des plis et des replis dans un mouvement intérieur/extérieur à la fois sensuel et sublime. Parvient à capter ce qui est premier – naissant –, un temps d’avant le temps – afin de surmonter la dualité qui constitue le noyau dur de l’être et y substituer « l’unidualité ». Là où il y a le maximum d’intensité. Là où les oppositions peuvent se conjoindre. Là où tout est tension et réconciliation. Crée des icônes contemporaines, où s’unissent le dessin et la peinture, le fond et la forme, la structure et le flux, la subjectivité sensible de l’être et l’architecture élémentaire du cosmos, le direct et le différé, l’esthétique de l’Orient et de l’Occident. Diastole-Systole. Sa peinture et ses dessins sont à la fois réfléchis et spontanés, au cœur de l’élémentaire – haptique – et cependant raffinés – optique. Ses œuvres sont une ligne de crête entre l’épreuve des limites et l’illimité de l’invisible. Ses images évidentes et rayonnantes, un hymne à la vie où tout est « visage » – flux, fertilité, épanouissement, beauté, grâce fugace du réel, grâce précaire de l’être… Un humanisme cosmique.

Grenade. 2002, craie à l’huile sur toile, 200 x 170 cm.

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Coupole. 1994-1995, craie sur papier, 76 x 57 cm chaque. Collection FNAC, Paris.




Najia Mehadji, or the Contemporary Sublime PA S C A L A M EL

“The defence of human dignity is the ultimate subject matter of art. And it is only in its defence that any of us will ever find strength.” BARNETT NEWMAN (1990).

Arborescence. 2001, craie sanguine sur papier, 76 x 57 cm.

The in-between

game being optional yet radical – by which they were able to

If we wanted to randomly pick one contemporary artist

bring to the surface something that could never have been

among others who by her biography and work symbolises

brought to the surface without them.

the union between the East and the West, it would be Najia

Najia worked for a while with Peter Brook and with The

Mehadji.

Living Theatre, two avant-garde theatre groups open to

This Franco-Moroccan or Moroccan-French artist, born in

cultures that were called “extra-European” at the time. This

1950, spent her childhood and teenage years in Paris, with

was followed by lessons with Jerzy Grotowski, who, break-

regular trips to Fez where her family comes from. She was

ing with Western conventions of theatrical performance

a graduate of the Université Paris 8 where she defended her

(the separation between stage and audience, the predom-

thesis on Paul Cézanne in 1973 and a student of the Ecole

inance of the text, the psychological play of the actors, etc.),

Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris. She has exhib-

took inspiration from ethnological rituals and the traditional

ited in Paris galleries since the 1980s and, in 1985, decided

theatre of Eastern civilisations to create the possibility of

to divide her time between her studio in Paris and her studio

a “sacred theatrical experience” shared by the actors and

in Morocco, near Essaouira, in the Haha region, in a douar

spectators where the “human universal” is given concrete

she converted into a traditional open-air riad.

form. Whether this is in contemporary theatre or painting,

Since then, this in-between existence has become her way

the challenge is less about the invention of form for form’s

of life. Besides participating in many international group

sake than experience, self-exploration, the ordeal of the

exhibitions, as far as her two countries of choice are con-

work, the transformation of the artist and the desired trans-

cerned – “I need them both”, she says –, different periods

formation of the viewer. In short, it is about opening up the

of her work have been shown at the Bab Rouah gallery in

individual’s field of perception so he or she can achieve a

Rabat, in the Attijariwafa Bank’s Actua gallery and at the

higher level of consciousness. This undertaking, in which

Société Générale in Casablanca; at the Poitiers and Caen

the transformation of self and society is the objective, is

museums, where a solo exhibition was organised for her at

based on a liberating vision of being.

the end of the 80s; at the elles@centrepompidou exhibition

Also during these years, Najia was particularly interested in

dedicated by the Centre Pompidou in Paris to contempo-

the gestures and movements of Japanese Noh theatre and

rary female artists from all over the world in 2009; at the

the Sufi rituals of whirling dervishes, which she rendered

Shart gallery and Atelier 21 in Casablanca; at the Montenay

in charcoal or black ink. She created performances with

gallery, the Albert Benamou gallery and, finally, at Claude

contemporary music students by drawing on big sheets of

Lemand gallery in Paris.

paper in which sound-recording micro-contacts had previ-

In France, she participated in the artistic turbulence of the

ously been inserted. This was also the period when she fre-

mid-1970s, experimenting with contemporary extremes. In

quented the Femmes/Art group and contributed to Sorcières

visual arts, Simon Hantaï, Judit Reigl, Jean Degottex, Martin

magazine, which published her first drawings, sort of black

Barré and the Supports/Surfaces group were questioning

and white diagrams that could be described as an “abstrac-

painting from the point of view of its elementary compo-

tion of the senses”.

nents (canvas, frame, surface, plane, etc.); all of these art-

Later, she read Bergson, Deleuze, Jalal al-Din Rumi, Plato

ists were engaged in a deliberate process – the rules of the

and Ibn Arabi and enjoyed the films of Dreyer, Bergman and

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Constellation. 1994, craie sur papier, 76 x 57 cm. Collection particulière.

Bresson, filmmakers who made great use of lighting and

Mehadji favoured luminous works creating a feeling of pleni-

close-ups, the emotions and the face. She felt an affinity

tude, celebrating the union between body and mind, captur-

to Lucio Fontana and the artists of Italian arte povera who,

ing the “timeless power of life”. The painting of the tombs of

emerging from the anti-establishment utopia of the late 60s,

the kings and queens of Egypt at the time of the pharaohs,

revived the Nature/Culture dichotomy; and to Robert Ryman

the Japanese Zen monks of the 12th century, Chu Ta, the

and Richard Serra, American minimalists who managed

17th-century Chinese painter who invented freedom of line,

to retain radical thought and sensitivity of hand. She saw

Behzad, the master of Persian illuminations, Russian icons,

the Anthropométries of Yves Klein, the sculptures of Anish

Giotto, El Greco, Malevich, Matisse, the arts of Islam and

Kapoor, the videos of Bill Viola and the paintings of Lee Ufan,

Arab-Andalusian architecture (which she discovered as a

all artistic techniques uniting concept and perception, the

teenager during visits to the Alhambra, to madrasas and on

material and the immaterial.

walks through the white architecture of the medinas) are some of her references.

Passing through the doors of perception “To capture the flow, you have to get to the essence,” says Najia. She has her own way; it’s like a form of asceticism. She works every day, whether in Paris or Lamssasa, near Essaouira. She creates. She paints. She draws. She carefully chooses her tools, which are both more rudimentary and more tactile than the tools of traditional Western painting. She uses balsa sticks, big sticks of charcoal, Korean brushes, her hands, ink, gesso, oil bars for colour, ochre linen canvas as a reserve, black and white for the intensity of her contrasts, just one or two monochrome colours for each work, sunny, luminous colours like red, yellow and orange. She fastens her blank canvas or drawing paper straight onto the wall to better feel the resistance of the support, the opposing force of the body and its recoil. She opts mostly for optimal centred forms, like circles, squares and octagons; allows the thinking hand to act, tracing a dynamic network of lines or touches that spread out to form vibrating structures oscillating between the two dimensional and three dimensional. The rhythmic line that delineates the form is what defines its coloured extension. As if depth was bursting to the surface. She is equally on the side of acting and non-acting, of action and contemplation, of the truth of sensation and the celebration of the sacred as if they were two opposing but complementary sides of the same seal. As if the fertility of speed and the sensation of the enduring were one and the same temporality; the Dark and the Light, the same spatiality. The body, the arm, the hand, the tool, the imprint, the inner and outer eye, the idea and the form are one and the same thing – the same “revelation”. There can’t be any repenting. Najia discards, tears up, keeps what has promise in terms of what she considers to “work”, art being, for her, the means of a real metamorphosis of being, not just an aesthetic or symbolic challenge. She

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Enveloppe. 1998, graphite sur papier, 80 x 120 cm.

mostly creates in series where each work has its own auton-

challenge of Zen art, which in the real dynamic of an ink line

omy – its own intrinsic value. Icares. Tem. Ma. Coupoles.

or a wash manages to portray the sensation of the wind and

Chaosmos. Végétal. Gradient. Floral. Arborescence. Volutes.

bring about a time out of time. How do you paint the state of

Spring Dance. Drapés.

mind of the monk walking in the countryside or gazing upon

Her art is a meditation on the vulnerability of the being faced

it? By the composition of the empty and the full, of subjective

with what is vertiginous and intimate in nature. The work –

lines and touches with the brush which, through the depic-

which is the receptacle of this – becomes a sanctuary. It is nei-

tion of the trees and folds of the monk’s clothes, manage to

ther governed by the realm of the religious nor does it depend

create a metaphor of the euphoria or nostalgia, the plenitude

on it or illustrate it, but the work itself has a spiritual function.

or emptiness the monk is feeling.”

During a recent studio visit, the artist told me: “For me, like in the art of Chu Ta, paring back and simplicity are not devoid of

An “engaged” art

subjectivity. On the contrary! In his work, whether it’s a rock

Najia thinks that each artist can react in his or her way to

or birds coming into land, it’s all about pathos: joy, sadness,

the tragedy of history and current events. In 1993-94, dis-

life and death... A simple flower can suggest philosophical or

tressed by the destruction of Sarajevo – symbol of the

metaphysical thoughts… It’s like Cézanne’s Montagne Sainte-

coexistence of three monotheisms –, “ethnic cleansing”

Victoire or his simplest watercolours: each touch is essential

and war crimes committed against Bosnians in the former

– necessary – the landscape is looking at us, the mountain is

Yugoslavia, she created the Coupole series demonstrating

alive, like a painter’s self-portrait... It is a metaphorical way

her interest in cross-cultural forms in architecture (notably

of capturing what is more intense and more enduring than

the octagon), by making explicit reference to the cosmology

any individual life, without grandiloquence. How do you paint

of the arts of Islam. Later, in 2005, to exorcise the violence of

the wind in the branches? Fleeting beauty? This is the whole

the wars in the Middle East, she created some digital works

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integrating enlarged details of Goya’s engravings (including

Contemporary art has become transnational, cross-cultural;

The Disasters of War) within drawings of fluorescent flowers

the impact of geographical and historical areas juxtaposing or

– like a tension between Eros and Thanatos.

interpenetrating is an increasingly decisive factor in creation.

She is engaged but doesn’t despair of humankind. Conscious

“Unlike the orientalisms of the imaginary, where the Other

that art – the order of the symbolic – cannot fight on equal

was a Western construct made of clichés, stereotypes and

terms with the extreme violence of barbarism, she refuses to

colonial exoticism, the East is now in the West, and vice

reduce the work to a message, however just and alarmist it is.

versa. Hence the birth of in-between aesthetics, signs of a

For her, the role of the artist is not always to add noise to noise,

new work of the imagination that is increasingly interbred,”

still less to create entertainment or pointless spectacle, but to

writes Christine Buci-Glucksmann in the book for the “Traits

resist disenchantment and dehumanisation by creating works

d’union – Paris et l’art contemporain arabe” exhibition of

in which, although questioned, the plenitude of being finally

which I was the curator. After its success at Villa Emerige,

prevails over chaos. For her, it is about exorcising evil and per-

Paris, in autumn 2011, this exhibition – in which Najia Mehadji

nicious forces by following the flow of the life-giving energy

participates – was mounted in Sanaa, Rabat...

that lights up many works revealing the dazzling beauty of the invisible. She often mentions Monet who offered his Water

Art of the 21st century

Lilies series to France in November 1918, at the end of the

Najia goes her own way.

First World War, so they could be “a monument to peace and

She is part of a group of the most interesting Arab artists or

restore a bit of life to a devastated time that needs it so much”.

artists with roots in the Arab world, who use the international grammar of contemporary art but with a specific vocabulary.

The new climate

Asserting her feminine side to the extent of using floral as a

By the force of cultural globalisation, we have been witnessing

theme (pejoratively associated with the most feminine con-

an unprecedented event since the beginning of the 21st century:

notations), she paints “voluptuous flowers” that dilate and

in the same way as for literature, cinema and music, the widen-

vibrate; invents a feminine calligraphy where the continual

ing of our vision to encompass the whole planet is the major

line of one gesture creates folds and coils in an inner/outer

aesthetic revolution for the contemporary art of this decade.

movement that is both sensual and sublime.

Following on from China, Korea, India, Iran, Turkey, Mexico

She succeeds in capturing what is primary, nascent, a time

and Brazil, it is now the turn of works by Arab artists – includ-

before time, so as to overcome the duality that forms the

ing migrants – to emerge onto the international stage. Reacting

hard core of being and substitute it with “uniduality”; right

– quite rightly – to the 9/11 disaster which, over the years, has

there where there is the maximum intensity; where opposi-

reduced the media portrayal of the “Muslim” to clichés of ter-

tions can come together; where everything is tension and

rorism and the burqa, some clear-thinking political personalities

reconciliation. She creates contemporary icons that bring

and numerous men and women from civil society, who aspire to

together drawing and painting, content and form, structure

greater justice and freedom, have entered the cultural field in order

and flow, the sensible subjectivity of being and the elemen-

to change the image of the Arab world. The exponential opening

tary architecture of the cosmos, the direct and the deferred

of public and private galleries, museums and foundations dedi-

and the aesthetics of the East and the West.

cated to modern and contemporary art in the Gulf, the Middle

It’s contraction and dilation.

East and the Maghreb; the creation of magazines and websites

Her paintings and drawings are both reflective and sponta-

specialising in art; the synergy of big exhibitions, biennales or

neous, at the heart of the elementary – haptical – and yet

international fairs allowing greater circulation of artists and bet-

refined – visual.

ter visibility of their works are major factors. From a host of Arab

Her works form a dividing line between the testing of limits

cities, like Dubai, Abu Dhabi, Doha, Beirut, Damascus, Amman,

and the limitlessness of the invisible.

Ramallah, Cairo, Tunis, Algiers and Casablanca, to global cities,

Her evident and radiating images, a hymn to life where eve-

particularly Paris, London, Berlin and New York, where several

rything is “face” – flows, fertility, blossoming, beauty, the

of them regularly live or stay, painters, sculptors, photographers,

fleeting grace of the real, the precarious grace of being…

video-makers and installers of the Arab world – or natives of the

A cosmic humanism.

Arab world – are borne by an exceptional dynamic.

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Icare. 1986, peinture Ă la colle et papier sur toile, 195 x 225 cm. Collection musĂŠe des Beaux-Arts de Caen.


MĀ. 1991, peinture et papier sur toile, 170 x 220 cm. Exposition « Modernité plurielle, art arabe contemporain », Institut du monde arabe, 2008. Collection Institut du monde arabe, Paris.



Floral. 2002, craie à l’huile sur toile, 160 x 200 cm. Collection du Palace Es Saadi, Marrakech.


Tracer sa vie entre singularité et universalité ENTRETIEN AVEC VÉRONIQUE RIEFFEL

Véronique Rieffel : Nous sommes dans ton atelier à Ivry, vaste et lumineux, on entend Miles Davis en fond sonore. Il se dégage une impression de calme et de sérénité. Comment est ton atelier à Essaouira et comment répartis-tu ton temps entre ici et là-bas ? Najia Mehadji : Je travaille en alternance entre Ivry et Essaouira depuis 1985. Depuis 2000, j’y ai construit un atelier basique, tout en longueur, avec de grandes baies vitrées, au milieu des champs d’oliviers et du silence. Il y a juste des troupeaux de chèvres et les ânes qui longent une piste… Aujourd’hui, je passe successivement un à deux mois dans chaque atelier. J’aime ce rythme. Mon rapport au temps est évidemment très différent quand je suis au Maroc ou en France. V.R. : Travailles-tu sur des sujets différents en fonction de l’endroit où tu te trouves ? N.M. : Je travaille sur des séries qui durent plusieurs années, donc mes thèmes ne varient pas, que je sois ici ou au Maroc, même si Essaouira m’a incontestablement inspirée des thèmes comme celui d’Icare, lorsque je voyais des goélands devant ma fenêtre dans mon ancien atelier qui donnait sur l’océan, ou, autre exemple, le motif de la grenade. Si je ne travaille pas de façon fondamentalement différente d’un endroit à un autre, je suis plus sereine, davantage dans la contemplation à Essaouira. J’y trouve paradoxalement une forme de solitude à l’opposé de la vie communautaire marocaine. C’est un sentiment ambigu chez moi car je me sens féministe et en même temps j’ai de l’admiration pour ces femmes rurales marocaines qui vivent à proximité de mon atelier. Elles se lèvent tôt, font leur pain à partir du blé cultivé dans les champs, et de l’huile d’Argan. C’est un autre rapport au temps qui m’inspire beaucoup. Un luxe de vie inconnu à Paris. V.R. : Te décrirais-tu comme une « artiste féministe » ? N.M. : Jusque dans les années 1990, les femmes artistes étaient minoritaires à Paris, c’était difficile de montrer son travail, et il y avait beaucoup d’expositions sans une seule femme, y compris à Beaubourg. Elles ne représentaient que 5 % des collections des grands musées français. D’un autre côté, il y a toujours eu des femmes artistes au Maroc, dont Chaïbia, qui fut soutenue par André

Breton ! Puis beaucoup d’autodidactes se sont mises à faire de la peinture, notamment de l’art naïf : c’était intéressant par rapport à ce qui se passait en France avec seules quelques exceptions comme Sonia Delaunay ou Germaine Richier. Dans les écoles d’art, en France, il y avait de plus en plus de femmes diplômées et pourtant quasiment aucune dans les grandes expositions. Dans ce contexte, en 1977, Françoise Eliet a créé le collectif Femmes/Art. Jusqu’en 1978, nous nous réunissions chaque semaine dans l’atelier d’une artiste pour discuter et exposer. C’est là que j’ai montré mes premiers dessins au fusain datant de 1975. Il y avait aussi la revue Sorcières créée par Xavière Gauthier, qui était mon professeur à Paris I en esthétique. Son livre Surréalisme et sexualité a connu un grand retentissement. On y rencontrait des femmes écrivains comme Marguerite Duras. J’ai fait un numéro de la revue consacré au geste et au corps. V.R. : As-tu senti un changement après cela ? N.M. : Dans les années 1980, en France, cela s’est plutôt traduit par une régression. C’était dur pour les femmes, et il y avait peu d’ouverture aux pays émergents alors considérés comme des pays du tiers-monde. Ou alors quand il se faisait des choses, ce n’était pas du tout avant-gardiste, la peinture abstraite était systématiquement dénigrée. La figuration libre, pourquoi pas ? Mais c’est traditionnel par rapport à tout ce qui s’est créé de novateur dans les années 1970. Après tout le travail de déconstruction auquel on a pu assister dans les arts de la scène, la musique, ou des intellectuels comme Gilles Deleuze à Vincennes, cela m’a beaucoup désarçonnée. Même au niveau du théâtre ou en littérature, les années 1980 ont été globalement un retour aux conventions. Dans les années 1990, on est revenu à davantage d’expérimentation, notamment dans la danse contemporaine et, depuis le début du xxie siècle, on assiste à l’émergence de nouvelles technologies et à l’ouverture sans précédent à la planète entière : pour moi, ce sont des éléments déterminants par rapport au renouveau de l’art et à la créativité ! V.R. : Est-ce pour cette raison que, dans les années 1970, tu as exploré d’autres disciplines artistiques comme le théâtre par exemple ?

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N.M. : Rétrospectivement je me dis que je n’ai fait partie d’aucun mouvement pictural. Je n’ai été portée par aucune mode et en même temps, cela m’a permis de rester moi-même, C’est cette singularité qui fait que, dès le départ, j’ai ressenti un besoin d’expression qui passait par le théâtre d’avant-garde. C’était une discipline alors beaucoup plus ouverte aux autres civilisations que les beaux-arts. Dans le théâtre contemporain, on s’intéressait à l’Inde, le Living Theatre était allé au Maroc rencontrer les Gnaoua. Je me sentais bien au milieu de ces artistes qui venaient de l’étranger et s’intéressaient également au Japon. Avec ma double culture, je me sentais moins étrangère en travaillant avec des gens comme Peter Brook ou Jerzy Grotowski.

V.R. : Tu en as gardé un goût prononcé pour le côté expérimental ? N.M. : Absolument ! Ce qui me reste aujourd’hui et ce qui m’aide à peindre, c’est tout ce que j’ai expérimenté dans ce milieu. On me demande souvent : « Comment fais-tu ce trait » ? Je le fais car j’ai fait tout ça avant. Pendant longtemps, j’ai dessiné avec de gros fusains ou de gros sticks à huile, j’ai travaillé la notion d’empreinte, puis je me suis servie d’un large pinceau coréen qui sert habituellement à maroufler les affiches. Je crois aussi que c’est parce que ma culture est à la fois occidentale et orientale et que je n’avais pas envie de suivre une voie toute tracée ni de choisir entre la peinture traditionnelle occidentale ou la calligraphie arabe. J’ai voulu inventer ma voie avec mes propres outils puisés dans différentes traditions.

V.R. : Mais en même temps, tu n’as pas été tentée de prendre cette voie scénique ? N.M. : En réalité, dans le théâtre contemporain, je n’étais pas intéressée par le théâtre en lui-même mais par son côté laboratoire : le travail sur la voix, les résonateurs du corps, les techniques empruntées à l’Orient comme le yoga, la respiration, le recentrement, la canalisation de l’énergie. Le processus de travail m’intéressait énormément, mais je n’ai jamais fait de scène, même quand je suis partie avec le Living Theatre à Turin. C’était plus un engagement car la compagnie jouait dans la rue.

V.R. : Tu t’es donc très tôt intéressée aux arts non occidentaux, peux-tu préciser ce qui t’attire particulièrement dans ceux-ci ? N.M. : J’ai toujours eu une attirance pour le zen, pour les jardins japonais où tous les jours on trace des dessins dans le gravier. De manière générale, je m’intéresse à tout ce qui est proche du minimalisme et que l’on retrouve d’ailleurs dans l’art islamique… le « presque rien » : un mur en plâtre blanc, juste incisé de petits motifs que l’on ne distingue qu’à un certain moment de la journée quand la lumière est rasante. C’est comme un dessin qui apparaît et disparaît.

V.R. : Comment s’est traduite cette expérience théâtrale dans ton travail artistique ? N.M. : Je donnais des cours d’expression corporelle dans un conservatoire expérimental de musique en banlieue, le conservatoire de Pantin. Je sonorisais des feuilles de papier au sol, avec des percussionnistes, on dessinait avec du fusain, puis cela devenait comme des partitions graphiques que les musiciens interprétaient. J’ai fait des performances avec deux instrumentistes dans plusieurs institutions muséales en France, dont le CAPC de Bordeaux. Quand je me suis mise à peindre, je n’ai pas voulu le faire avec les moyens traditionnels, mais à travers des choses un peu marginales, comme l’enduit que l’on met d’habitude sur la toile. Je dessinais aussi avec des baguettes de bois afin d’aller à l’essentiel, comme dans le théâtre contemporain où les acteurs étaient parfois nus, les décors bannis. Je dessinais à partir de l’énergie des acteurs. J’enduisais une feuille de fusain et je dessinais le mouvement des acteurs, je captais leur énergie en gommant le fusain afin que se détachent des figures blanches sur fond noir.

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V.R. : Comment s’est construit ton rapport aux arts de l’islam ? N.M. : J’ai eu un des plus grands chocs esthétiques de ma vie à la mosquée de Cordoue. Ses arcades blanches et rouges y forment comme une forêt de piliers et en même temps l’arcade renvoie pour moi à la sphère solaire. Ces formes font la synthèse des différents moments du soleil qui se couche. Pour le monde arabe, l’Andalousie étant à l’ouest, à l’extrême Occident, il me paraît évident que les architectes omeyyades ont travaillé cette notion-là. La façon dont les pierres sont disposées et alternent comme des rayons m’a beaucoup émue et inspirée pour mes séries « Cordoba » et « Chaosmos ». V.R. : Ton attrait pour les arts d’islam passe d’abord par l’architecture ? N.M. : J’ai toujours éprouvé de l’intérêt pour l’architecture, notamment celle de Le Corbusier. J’aime également l’art roman dans sa simplicité, je l’ai toujours préféré au gothique. Par ailleurs, il y a des passages d’une civilisation à une autre avec le motif décoratif des chapiteaux, la stylisation du végétal que l’on retrouve dans les temples égyptiens, dans l’art romain oriental comme à Jerash en Jordanie, etc. À Cordoue, il y a quelque chose de


Souira. 1999, craie à l’huile sur toile, 185 x 300 cm. Collection particulière.

radicalement nouveau au niveau de la lumière, des proportions, des rapports entre le sol et les voûtes, la perspective… V.R. : Souvent les artistes – je pense à Henri Matisse ou François Morellet – évoquent l’Alhambra comme lieu ultime d’un choc esthétique pour l’art islamique. Cela a été ton cas ? NM. : C’est différent car c’est un site qui est l’architecture de l’univers traduit par l’art islamique : le paradis sur terre, les jardins, les fleurs, les jets d’eau… Je suis très sensible à ce rapport à l’eau qui vient jusque dans les salles par un système de canalisation très élaboré. La caractéristique de l’Alhambra est de faire entrer les éléments de la nature dans l’endroit où l’on vit : le ciel, l’eau, les orangers, les citronniers, dans une interpénétration entre l’architecture et la nature. C’est une architecture moins austère qu’à Cordoue, plus ciselée, plus séduisante à l’œil même si ce n’est pas cet aspect qui m’intéresse le plus. Aux muqarnas extrêmement stylisés, je préfère ce qui est de l’ordre du symbolique comme le plafond de la salle des Ambassadeurs reconstituant le ciel étoilé qui, à l’époque, était en bois et tournait parce que les ambassadeurs avaient besoin de voir les constellations avant de prendre une décision ! Cette idée d’un plafond astronomique servant à interpréter l’avenir me plaît beaucoup.

V.R. : Il y a également un aspect très contemporain dans l’art géométrique de l’Alhambra… N.M. : Effectivement, même si c’est un terme qui renvoie au xxe siècle, on peut parler d’un décor « minimaliste », notamment dans la cour des Lions, où il y a au fond un immense mur blanc avec un motif géométrique décliné de façon répétitive. C’est du relief soustractif : cela n’existe qu’avec l’ombre ainsi créée. Dans une des salles, il y a aussi des mosaïques que je trouve très « matissiennes » : ce sont des motifs bleus et jaunes qui se répètent et font également penser à Claude Viallat. Elles sont d’une fraîcheur incroyable et semblent faites au siècle dernier. V.R. : Connaissais-tu les arts d’islam auparavant ? N.M. : Je les ai découverts à l’âge de six ans, à Fès, quand j’allais chez mes grands-parents qui vivaient dans un ryad de la médina à la fois très beau et décati. Dans le patio, il y avait des orangers, des zelliges et la répartition des pièces d’habitation autour de la cour rectangulaire. C’était la première fois que je découvrais une architecture « autre ». La nuit je voyais le ciel étoilé, ce qui provoquait un grand contraste avec ma vie à Paris où je vivais dans un appartement. Mon premier rapport aux arts de l’islam est sensuel et affectif. À chaque fois que

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turban. C’est seulement après, en voyant les miniatures persanes, que j’ai retrouvé ces turbans magnifiés par les peintres. Pendant longtemps, j’ai travaillé sur de la toile brute – vierge – et je me suis posé beaucoup de questions sur l’origine de la toile. Pour moi, le voile de Véronique est la première peinture sur toile, c’est une empreinte. Mes premières œuvres, quand j’avais vingt/vingt-cinq ans, sont des empreintes noires sur du papier, puis, dans mes premières toiles il y a l’empreinte du corps, d’où mon intérêt pour Yves Klein. L’idée que la première toile soit un linge, un drap, c’est tout à fait important symboliquement, car le drap, c’est le lieu où l’on dort, où l’on fait l’amour, mais c’est aussi le linceul ; et cela perdure, malgré les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux que l’on trouve partout, le plastique, etc. Cet élément, j’ai eu envie de le mettre sur toile. Récemment, j’ai abandonné la toile brute et j’ai utilisé une toile déjà enduite, peinte en noir, sur laquelle je peins en blanc des volutes et des drapés.

Coupole. 1994-1995, enduit, colle et papier sur toile, 185 x 175 cm. Collection particulière.

je suis allée chez mes grands-parents, cela a été un choc très fort : je percevais avec intensité ce à quoi je n’avais pas eu le temps de m’habituer.

V.R. : Quels ont été tes autres coups de foudre artistiques ? N.M. : Les œuvres de Piero della Francesca et de Giotto. Je les aies vues à l’âge de vingt ans. Plus tard, les fresques des tombeaux des rois et des reines à Louxor que je trouve prodigieuses : le plâtre, le dessin, la couleur, le fait que ce soit mural, que cela s’intègre complètement à l’architecture... Je retrouve ça parfois dans l’art contemporain, notamment dans certaines séries de Sol LeWitt. Dans mon travail, je fais souvent des grands formats parce que physiquement j’ai besoin de me projeter sur la toile et parce qu’on a l’impression que celle-ci appartient au mur, alors que si tu juxtaposes des petits formats, c’est plus narratif. V.R. : Cherches-tu à faire la synthèse de ces références multiples ? N.M. : Je suis anti-volontariste, les choses viennent alors que tu ne t’y attends pas. Par exemple, lorsque j’ai commencé à travailler les « Volutes », je pensais à la fois aux vêtements que l’on trouve dans l’iconographie chrétienne, comme le linge blanc qui ceint les hanches du Christ, et également au turban dans la culture arabe. J’ai été marquée, quand j’allais chez mon grand-père, par ce rituel quotidien, où, avant de se coucher, il enlevait son long

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V.R. : La culture marocaine imprègne-t-elle une partie de ton travail ? N.M. : Bien sûr ! C’est la raison pour laquelle je voulais qu’il y ait des tissus du patrimoine marocain pour l’exposition que j’ai faite en 2005, à l’Espace d’Art Actua, à Casablanca, notamment ceux, superbes, qui appartiennent à la collectionneuse Tazi. Il y avait des portières, ces tissus de cinq mètres de long que l’on met devant les grandes portes-fenêtres en hiver, avec des motifs floraux et des broderies monochromes qui dessinent des motifs géométriques. J’ai voulu aussi montrer des tenchifa du début du siècle brodés à Tétouan, et dont le motif floral est influencé par l’art d’Iznik, via des concubines issues des Balkans aux xviiie et xixe siècles qui résidaient dans le nord du Maroc. De siècle en siècle, cela a donné cet art que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Il a influencé les peintures et les collages de Matisse qui en possédait quelquesunes dans sa collection. On voit bien que l’art, c’est ce qui subsiste d’une histoire des formes très complexe. V.R. : Tu t’ intéresses finalement aux formes universelles, celles qui traversent l’ histoire de l’art ? N.M. : Oui. Par exemple, mes premières toiles de la série « Icare » font référence à la Grèce, qui est un des piliers sur lesquels se sont appuyés les arts d’islam. Ma série d’œuvres de polyèdres appelée « Timée » renvoie à Platon, qui a été très important pour les philosophes arabes : les principaux textes de la philosophie grecque ont été traduits, ont circulé en Andalousie, puis en France. On retrouve aussi cette influence en art. L’art spontané


n’existe pas, tout se crée et se recrée, et parfois il y a des cristallisations. L’Alhambra dont nous parlions en est une. Les artistes de Bagdad sont venus y travailler, mais en même temps, c’est quelque chose de spécifique qui s’est constituée à partir de différentes références culturelles. De même, ma série « Coupoles » fait explicitement référence à l’islam, mais toujours avec le désir de trouver des formes à la fois issues de l’art islamique, comme l’octogone, mais que l’on retrouve également dans les thermes romains ou dans l’art roman. Je pense qu’une forme est universelle quand elle est forte. Des peuples différents inventent quelque chose de spécifique, mais parfois cela se croise ou passe les frontières : le bleu des céramiques chinoises se retrouve ainsi à Fès. J’aime ces interférences de civilisation : pour moi c’est la réalité. Que les civilisations aient envie de s’approprier une chose pour des raisons politiques, c’est une autre histoire, mais moi, en tant qu’artiste, ce qui m’intéresse, c’est ce qui circule.

ce rapport à « la vérité de la sensation », qui vient parfois de la très petite enfance, est fondamental : tu as des images profondément ancrées en toi qui peuvent resurgir à n’importe quel moment. J’aime les présocratiques grecs parce qu’ils sont multiples : à la fois philosophes, scientifiques, poètes, médecins, devins… Des penseurs soufis comme Rûmî ont aussi une grande importance pour moi. Il a écrit des poèmes extrêmement sensuels, où l’on ne sait s’il est question de Dieu, d’une femme ou d’un jeune homme, et j’aime cette ambivalence entre l’amour charnel et l’amour sublimé. Mon travail étant à la fois physique et mental, je me reconnais dans cette absence de coupure entre le corps et l’esprit. V.R. : Quel est ton rapport à la spiritualité ? N.M. : Ma mère est catholique, mon père musulman. Je crois à l’esprit et à l’âme, mais ma « religion » c’est l’art. Je suis intéressée par les manifestations concrètes du sublime, du sacré, pas par le dogme qui génère toujours des règles et des interdictions. Il y a des rituels que je trouve très beaux comme la semaine sainte en Andalousie ou la transe des Gnaoua à Essaouira. Il se passe quelque chose de très physique dans ces représentations du sacré.

V.R. : Te reconnais-tu dans le concept de « double culture » ? N.M. : Très tôt, j’ai assimilé ma double origine : la culture de ma mère et la culture de mon père. Contrairement à beaucoup d’artistes contemporains qui travaillent sur le concept de l’identité, je ne vis pas la mienne comme un déchirement. Je me suis toujours sentie dans les deux, voire dans l’entre-deux. Le fait d’être étrangère dans un pays ne me pose aucun problème : au Maroc ou en France, pour moi ce qui compte dans ma vie c’est la liberté, la notion de territoire ne m’intéresse pas particulièrement. En fait, je me sens proche d’Icare : hors frontière ! Par contre, j’ai besoin de faire cette synthèse dans mon travail artistique. Dans toutes mes œuvres, il y a un axe : l’arborescence, le cercle avec le centre, etc. Je me suis constitué une colonne vertébrale à partir de cultures diverses.

V.R. : Le spirituel a-t-il selon toi encore une place dans l’art aujourd’hui ? N.M. : Depuis plusieurs années, les commissaires d’exposition, à quelques exceptions près, semblent préférer montrer des œuvres spectaculaires, à leurs yeux subversives, voire systématiquement provocatrices. Il faudrait associer les deux. Car de l’islam on ne voit que la religion qui interdit : la femme voilée, l’alcool prohibé, etc. Toujours les mêmes clichés sociologiques ! La spiritualité et le sacré sont évidemment l’une des dimensions possibles de l’art.

V.R. : Dans tes catalogues d’exposition, il y a beaucoup de références textuelles. Ton atelier est rempli de livres. Quelle place occupent la littérature et la philosophie dans ton processus créatif ? N.M. : Elles m’aident beaucoup à comprendre mon travail artistique. Par exemple, à travers son concept d’« image affect », Deleuze est le seul à m’avoir fait comprendre pourquoi je faisais des formes qui étaient comme des gros plans. Le fait de faire de grands formats ou d’agrandir des détails avec la technique du numérique revient à essayer de rentrer dans l’image. Maurice Merleau-Ponty m’a aussi beaucoup apporté à une époque, notamment son approche de la phénoménologie. Quand tu es peintre,

V.R. : Que penses-tu de l’engouement actuel pour l’art contemporain arabe qui s’est accru sensiblement depuis les « révolutions arabes » ? N.M. : Dans les années 1990, il fallait se démarquer en tant que femme pour émerger sur la scène artistique. Aujourd’hui, c’est un peu ce qui se passe pour les artistes chinois, indiens, arabes, etc. C’est une bonne chose que des artistes, sans visibilité pendant trop longtemps, puissent être vus dans ce contexte d’effervescence. Ces artistes apportent quelque chose de nouveau à l’art du xxie siècle. Cela dit, je suis ma voie qui est singulière, dans l’entre-deux des cultures et des identités. Par définition, la mode est ce qui passe, et l’art ce qui reste.

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Fleur de Grenade. 2002, craie sanguine sur papier, 120 x 80 cm chaque. Collection musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.



Fleur flux. 2005, craie à l’huile sur toile, 185 x 155 cm chaque. Collection Société générale, Casablanca.



Dans l’atelier de l’artiste à Lamssasa, Maroc, 2010. Photographie de Fouad Maazouz.




Les Mystic Dance et Najia Mehadji dans l’exposition « Traits d’union – Paris et l’art contemporain arabe ». Villa des arts / Fondation ONA, Rabat, 2013. Photographie de Pascal Amel.



Peintures Paintings 2008-2014

Volute. 2009, peinture acrylique sur toile, 98 x 160 cm. Collection particulère.


Drapé. 2012, peinture acrylique sur toile, 140 x 120 cm.


Volute. 2012, peinture acrylique sur toile, 140 x 120 cm.

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Enroulement. 2013, peinture acrylique sur toile, 190 x 165 cm. Collection particulière.


Enroulement. 2013, peinture acrylique sur toile, 190 x 165 cm. Collection particulière. 83





Dans l’atelier de l’artiste à Ivry-sur-Seine, 2014.


Drapé. 2014, peinture acrylique sur toile, 190 x 165 cm.


Drapé. 2014, peinture acrylique sur toile, 190 x 165 cm.

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Œuvres sur papier Works on paper 2008-2014

Arabesque. 2010, gouache et peinture à l’huile sur papier, 57 x 76 cm.


Arabesque. 2009, peinture à la gouache sur papier, 80 x 120 cm.



Arabesque. 2011, peinture à la gouache sur papier, 80 x 120 cm.




Œuvres numériques Digital Works 2009-2014

Arabesque. 2010, épreuve numérique pigmentaire, 130 x 130 cm.


Arabesque. 2010, épreuve numérique pigmentaire, 100 x 100 cm.


Arabesque. 2010, épreuve numérique pigmentaire, 100 x 100 cm.

13 7


Painting. 2010, épreuve numérique pigmentaire, 100 x 130 cm.



Mystic Dance 2. 2011, épreuve numérique pigmentaire, 160 x 160 cm.

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Mystic Dance 3. 2011, épreuve numérique pigmentaire, 160 x 160 cm.


Mystic Dance 4. 2011, épreuve numérique pigmentaire, 160 x 160 cm.

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« Aujourd’hui où une part de l’art contemporain se veut résolument désincarnée, ma proposition d’agrandir l’un de mes gestes avec la technique du numérique permet, à l’inverse, de mettre en relation les nouvelles technologies avec la touche sensible du peintre. Les œuvres “Mystic Dance” sont des agrandissements d’une peinture gestuelle qui, ouverte à l’interprétation, suggère entre autres la danse soufie des “derviches tourneurs”, dont l’axe du corps pivote sur lui-même dans une quête unissant le charnel et le spirituel, la vie et la mort, la terre et le cosmos. »

“Today when part of contemporary

NAJIA MEHADJI

NAJIA MEHADJI

art seeks to be resolutely disembodied, my proposal to enlarge one of my gestures using digital technology permits, on the contrary, a relationship between new techologies and the sensitive touch of the painter. The Mystic Dance works are enlargements of a gestural painting that, open to interpretation, suggest among other things the Sufi dances of the whirling dervishes, the axis of whose bodies pivot around themselves in a search to unite carnal and spiritual, life and death, earth and cosmos.”


Najia Mehadji dans l’exposition « Senses and Essence », galerie du FIAF (French Institute / Alliance française), New York, 2011. Photographie de Ron Nicolaysen.


Remerciements

Acknowledgements

Najia Mehadji remercie chaleureusement les personnes qui, par leur soutien ou leur concours, ont contribué à la réalisation de cet ouvrage :

Najia Mehadji warmly thanks the people who helped create this book, through their support or contributions: Authors: Pascal Amel, Rémi Labrusse, Véronique Rieffel,

Les auteurs : Pascal Amel, Christine Buci-Glucksmann, Rémi Labrusse, Abdelwahab Meddeb, Véronique Rieffel. Wally Thomas-Hermès pour la traduction anglaise du texte de A. Meddeb, réalisée grâce au mécénat de compétence de l’agence Thomas-Hermès, Paris. Les institutions pour le prêt gracieux des photographies : le Fonds national d’art contemporain, Paris La Défense ; le musée des Beaux-Arts de Caen ; la Société générale, Casablanca ; Attijariwafa Bank, Casablanca. Les photographes des portraits de l’artiste : Leïla Alaoui et Ron Nicolaysen. Ainsi que le concours de Pauline Mirete pour le suivi du livre.

Christine Buci-Glucksmann and Abdelwahab Meddeb. Wally Thomas-Hermès for the English translation of the text by Abdelwahab Meddeb, aided by sponsorship from Thomas-Hermès Agency in Paris. The following organisations for the free loan of photographs: Fonds National d’art contemporain, Paris la Défense, Musée des Beaux-arts de Caen, La Société Générale, Attijariwafa Bank, Casablanca. The photographers of portraits of the artist: Leïla Alaoui and Ron Nicolaysen. And Pauline Mirete for her help in overseeing the book.

Couverture : Mystic Dance 3. 2011, épreuve numérique pigmentaire, 160 x 160 cm.

4e de couverture : Circonvolution. 2012, peinture acrylique sur toile, 94 x 120 cm.

Crédits photographiques : Leïla Alaoui, Jean-Louis Losi, Fouad Maazouz, Hassan Nadim, Ron Nicolaysen, Guillaume de Roquemaurel, Martine Seyre, Robin Townsend © Somogy éditions d’art, Paris, 2014 www.somogy.fr ISBN 978-2-7572-0874-8 Dépôt légal : septembre 2014 Imprimé en Italie (Union européenne) Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Nelly Riedel Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Contribution éditoriale pour le français : Anne-Claire Juramie Contribution éditoriale pour l’anglais : Natasha Edwards Suivi éditorial : Clarisse Deubel La photogravure a été réalisée par Quat’Coul, Toulouse. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de O.G.M (Italie) en septembre 2014.



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