© Somogy éditions d’art, Paris, 2016 www.somogy.fr © Laurent Thion pour l’ensemble des photographies www.ecliptique.com
© Adagp, Paris 2016 pour : Léon Azéma, Henri Bouchard, Louis Bouquet, Edgar Brandt, Jacques Carlu, Raymond Delamarre, Alfred Janniot, Paul Landowski, Albert Laprade, Jean Prouvé, Michel Roux-Spitz, Carlo Sarrabezolles, Georges Saupique, Jean Souverbie, Raymond Subes, Louis Süe © SAIF, 2016, pour Auguste Perret © Succession et ayants droit pour : Charles Sarazin, Louis Barillet, Bruno Elkouken, Pierre Patout, Charles Abella, Xavier Haas, Joseph BassompierreSewrin, Paul Sirvin, Marcel Hennequet, Joseph Marrast, Paul Tounon, Georges Feray, André Leconte, Jean-Baptiste Mathon, Roger-Henri Expert, Pierre Sardou, Henri Navarre, Willem Marinus Dudok, Julien Polti, Charles Miltgen, Maurice Picaud, Auguste Bluysen, André Granet, Jean-Baptiste Mathon, Georges-Henri Pingusson, Auguste Labouret, Louis Barillet, Raymond Couvègnes, Pierre Vigoureux, Anne-Marie Roux-Colas, Georges Muguet, Gustave Perret, Tony Selmersheim, Edgar Brandt, André Lemaître, Eugène Printz, Jules Reboul, Paul Viard, Marcel Dastugue, Roger-Henri Expert, André Aubert, Jean-Claude Dondel © Palais d’Iéna, architecte Auguste Perret, UFSE, SAIF Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Anna Bertaccini Tadini Conception graphique : Nelly Riedel Contribution éditoriale : Gaëlle Vidal Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1172-4 Dépôt légal : novembre 2016 Imprimé en Union européenne
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 2
19/10/2016 14:50
PARIS ART DÉCO EMMANUEL¤BRÉON¤et¤HUBERT¤CAVANIOL Photographies de¤LAURENT¤THION
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 3
19/10/2016 14:50
ÂŚ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 4
19/10/2016 14:50
6 Paris, un manifeste pour l’Art déco par Emmanuel Bréon
9
CE¤N’EST¤PAS¤UN¤DÉTAIL Ferronnerie, mosaïque, vitrail & décor sculpté
29
PARIS¤CLASSIQUE¤&¤MODERNE L'habitat chic ou populaire
75
PARIS¤S’ÉQUIPE Ministères, mairies, postes, lycées, écoles, casernes de pompiers…
103
PARIS¤COMMERCE Banques, entreprises, boutiques & grands magasins
127
PARIS¤EST¤UNE¤FÊTE Restaurants, cabarets, théâtres, music-halls & cinémas
153
PARIS¤SE¤DÉTEND Fontaines & jardins, piscines & zoo
161
PARIS¤MÉDITE
173
PARIS¤DES¤ARTISTES¤ET¤ARTISANS Ateliers & fabriques
197
LES¤GRANDS¤DÉCORS
226
LIRE¤POUR¤REGARDER¤ par Hubert Cavaniol
237
Bibliographie
238
Index
239
Remerciements
Immeuble d’habitation (détail) 7, rue Méchain
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 5
19/10/2016 14:50
PARIS
Quand l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris ferme ses portes, en octobre 1925, après un réel succès populaire, nul ne se doute qu’elle va laisser son nom à un style emblématique du e siècle et au retentissement mondial. Aujourd’hui toute ville à travers le monde possédant un patrimoine Art déco a une association de défense, de protection et de mise en valeur des édifices, des ensembles mobiliers et des objets en relevant. Elles relatent sur leurs sites Internet respectifs la genèse des prémices de ce style vraiment international, citant, dès les premières lignes de leurs introductions, la France et Paris comme source initiale d’inspiration. C’est très honnête de leur part et justifié. L’Art déco, conçu peu avant la Première Guerre mondiale et consacré à Paris en 1925, parle à tout le monde et est populaire. On pourrait presque dire qu’il est devenu un langage universel aux accents heureux qui rassemblent. Un premier espéranto architectural et décoratif ? Or notre pays, si prompt à célébrer son universalisme au risque d’irriter, semble toujours l’ignorer. Ceºe reconnaissance par les autres nations qui aurait dû nous flaºer ou nous émouvoir, ce moment de grâce de la production artistique française furent oubliés, voire refoulés. Quelle en est la cause ? Nous n’en retenons qu’une seule : la propagation d’une pensée exclusive, celle d’un purisme militant se pensant plus moderne et qui souhaite, au moment même de l’éclosion de l’Art déco, la disparition des décors et du beau métier. Aujourd’hui, après des années d’errance qui ont vu surgir des villes sans âmes, peuplées d’immeubles standardisés aux fenêtres en bandeau n’inspirant que l’ennui, il semble que le vent ait tourné. Les plus anciens comme les plus jeunes redécouvrent l’Art déco, ce style à la fois charmant, moderne et efficace quoi qu’en disent ses détracteurs. Paris, au risque de faire grincer les dents des jacobins, n’est pas la première ville Art déco de France. Les cités meurtries de la première reconstruction, telles Saint-Quentin, Reims ou Lens, devancent la capitale en adoptant dans l’urgence le nouveau style qui s’offre à elles pour renaître de leurs cendres à peine éteintes. Mais, Capitale oblige !, le Paris des Années folles, peu touché par la guerre mais figé dans son habit haussmannien, a cependant besoin d’un renouveau salutaire. L’époque qui désormais roule, vole, photographie, filme, voyage et communique à grande échelle se doit d’entrer dans la modernité. Les architectes construisent alors des bâtiments qu’ils n’ont jamais imaginés auparavant : cinémas et music-halls pour se distraire, garages pour empiler les automobiles, aérogares pour préparer l’envol, centraux téléphoniques pour échanger, banques rutilantes et grands magasins pour commercer ou bien encore, piscines, stades et nouveaux jardins pour se détendre.
²
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 6
19/10/2016 14:50
UN MANIFESTE
POUR L’ART DÉCO La capitale, qui doit faire face à une explosion démographique sans précédent, voit surgir des immeubles, chics ou populaires, car l’Art déco n’oublie personne. Ils sont plus lumineux qu’autrefois et préparés pour une nouvelle hygiène. Tout cela se fait en tentant de rester aºractif et accueillant. Le discret vice-président de la Société des architectes modernes, Adolphe Dervaux, veille au grain : « Des constructeurs au cœur sec ne tentent-ils pas de fixer leurs conceptions des logis individuels et des casernes dans l’utilisation de l’unique ciment destiné à l’unique machine à habiter ? Ce sont les ennemis du tourisme de demain. Heureusement, les hommes sensibles se refuseront toujours à considérer comme leur foyer, l’abri uniforme dépourvu de ceºe âme exprimée à l’extérieur par un décor. » C’est ainsi que la Ville lumière regorge de beaux exemples publics ou privés d’architectures et de grands décors Art déco : palais nationaux, ministères, mairies, musées, collèges et lycées, cité universitaire, cinémas, théâtres, music-halls, banques, grands magasins, boutiques et restaurants, piscines, parcs et jardins, immeubles de rapport et logements sociaux. Les champions de l’Art déco, Robert Mallet-Stevens, Michel Roux-Spitz, Albert Laprade, Roger-Henri Expert, Jacques Carlu, Louis-Hippolyte Boileau, Jacques-Émile Ruhlmann, pour n’en citer que quelques-uns, sont tous de la partie et ont réalisé des chefs-d’œuvre dans la capitale. Célèbres ou moins connues, leurs créations sont cependant toujours à défendre. Il n’y a pas si longtemps, des ensembles aussi prestigieux que le Théâtre de Chaillot, le Palais de Tokyo ou bien encore le stupéfiant Palais de la Porte dorée se voyaient menacés de dommages irréparables. Ce livre est là pour les magnifier. On comprendra la qualité de ceºe période, ce qu’elle peut enseigner pour l’avenir, grâce aux belles photographies sensibles d’un reportage patient et aºentif commandé à notre ami Laurent Thion. Après Reims, Bordeaux, Pau, Saint-Quentin, Paris méritait que l’on meºe en avant ses joyaux. C’est à leur redécouverte que nous convie donc cet ouvrage dans une tentative d’inventaire d’un sujet trop riche pour être épuisé. EMMANUEL¤BRÉON Président d’Art déco de France
À
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 7
19/10/2016 14:50
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 8
19/10/2016 14:50
CE N’EST PAS
UN DÉTAIL FERRONNERIE, MOSA�QUE, VITRAIL & DÉCOR SCULPTÉ
Ce qui fait l’intÊrêt et la beautÊ des rÊalisations Art dÊco, c’est ce souci du dÊtail qui n’en est pas un et qui fait corps avec l’ensemble et le magnifie. À la diffÊrence des  nudistes , les architectes Art dÊco recherchent des collaborations parmi les ferronniers, les mosaïstes, les maÎtres verriers, les fresquistes et les sculpteurs.  Nous ne pensons pas que le dÊtail soit vain ni que l’architecture puisse chanter sans lui , dÊclare Louis Brachet de la SociÊtÊ des architectes modernes qui a rÊalisÊ Le Village français à l’exposition de 1925. C’est une constance du style, on est heureux de travailler ensemble et de concert, que ce soit à l’agence du classique Roger-Henri Expert ou du moderniste Robert Mallet-Stevens.  L’Architecture, clef de voÝte de tous les Arts  est un leitmotiv que l’on retrouve scandÊ à la fresque ou sur les bas-reliefs de certains immeubles de la pÊriode comme celui de Janniot pour l’architecte Pierre Patout. Dans le domaine des mÊtiers de la dÊcoration intÊrieure, on inventa le terme d’  ensemblier , comme pour confirmer cet Êtat d’esprit.
Pour embellir les ensembles, il ne s’agit pas de faire du placage sans fondement rÊel ou d’empiler les styles comme à la Belle Époque, mais de souligner les structures, de manière plutôt sobre et discrète, et de concourir ainsi à l’harmonie de la construction. Adieu donc les contorsions de l’Art nouveau et ses fleurs exubÊrantes aux tiges enlacÊes. La ligne en coup de fouet fait place dÊsormais à la droite parallèle. Les motifs de corbeilles de fruits ou de fleurs, stylisÊs et gÊomÊtrisÊs, sont sagement introduits dans des cadres bien dÊlimitÊs. Ces derniers sont carrÊs, rectangulaires, circulaires, losangÊs ou bien encore – la plus utilisÊe des expressions – octogonaux. Du soupirail à l’oculus, de la grille de la porte d’entrÊe d’immeuble au grand miroir du hall, l’octogone remporte la palme de ce concours des formes. Parmi les fleurs qui dominent l’emploi des autres, il y a la rose bien sÝr ! Celle que Paul Iribe inventa pour les couturiers Jacques Doucet et Paul Poiret. Elle est simplifiÊe à l’extrême et devient l’Êtendard de l’Art dÊco. Elle va s’imposer aux
frontons imaginĂŠs par les sculpteurs ou pour le dessin des balcons et garde-corps produits par les maĂŽtres des forges.
PAGE DE GAUCHE CinÊma Rex (dÊtail) 1, boulevard poissonnière
Ă„
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 9
19/10/2016 14:50
CI-CONTRE Immeuble d’habitation (dÊtail) 72, avenue de Versailles
PAGE DE DROITE LycÊe HÊlène-Boucher (dÊtail) 75, cours de Vincennes
LA FERRONNERIE La ferronnerie, plus que toute autre manifestation artistique, est le marqueur d’un style. En 1925, Henri Clouzot dĂŠclare que : ÂŤÂ Le fer forgĂŠ est le roi de l’exposition qui vient de fermer ses portes.  Il fut, en effet, portĂŠ Ă un niveau jamais aÂşeint dans notre pays. Son usage sera sans limites, ĂŠgayant les façades des immeubles, des boutiques ou grands magasins par des gardecorps, balustrades et grilles d’entrĂŠe ; ĂŠquipant les escaliers de somptueuses rampes ; pĂŠnĂŠtrant les intĂŠrieurs : porte-parapluies, pare-feu, consoles et luminaires. Le fer forgĂŠ est l’instrument d’une ambition nationale qui doit ĂŞtre la preuve du renouveau français en matière d’arts dĂŠcoratifs. Les champions du genre sont Brandt, Subes, Poillerat, Desvallières, Szabo, ProuvĂŠ, Schenck ou Nic frères. Certains vont conquĂŠrir toute l’Europe, puis les États-Unis, l’AmĂŠrique du Sud, la Chine, le Japon ou l’Australie. Ă€ Paris, la ferronnerie est omniprĂŠsente et compte de nombreuses rĂŠussites : les sièges des Banques Transatlantique et nationale de Paris, les palais nationaux, les ĂŠquipements publics et les ĂŠglises. Les Habitations Ă Bon MarchĂŠ ne sont pas oubliĂŠes et les ĂŽlots de ÂŤÂ la ceinture rouge , sur les boulevards des MarĂŠchaux, reçoivent des motifs dĂŠcoratifs tous diffĂŠrents. Ils viennent animer ces surfaces de briques, dont le calepinage recherchĂŠ joue aussi son rĂ´le de dĂŠcor. On peut encore admirer, boulevard Murat, le siège de l’entreprise d’Edgar Brandt, le maĂŽtre incontestĂŠ de la discipline. La porte de son ÂŤÂ show-room  – à ses initiales – et les balustrades du grand balcon tĂŠmoignent toujours aujourd’hui de son talent et de sa maĂŽtrise. Après avoir travaillĂŠ pour JacquesÉmile Ruhlmann, notamment au Pavillon du Collectionneur de 1925, Edgar Brandt part ouvrir une succursale Ă New York pour satisfaire le marchĂŠ amĂŠricain très demandeur. Ă‡Ăˆ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 10
19/10/2016 14:50
ÇÇ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 11
19/10/2016 14:50
ËÌ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 28
19/10/2016 14:51
PARIS
CLASSIQUE
& MODERNE L’HABITAT CHIC OU POPULAIRE
S’il Êtait sans doute difficile de se faire une place dans un Paris intra-muros que le public, dans sa grande majoritÊ, perçoit avant tout comme haussmannien, les architectes Art dÊco rÊpondirent prÊsents. La capitale leur a fourni un cadre original et unique pour la diffusion de leurs idÊes neuves, parfois radicales, mais toujours respectueuses, exprimÊes lorsqu’ils se confrontèrent au problème du logement. En 1925, la SociÊtÊ des architectes modernes, fondÊe par Henri Sauvage, Hector Guimard, Pierre SÊzille, Tony Selmersheim, Frantz Jourdain et Louis Brachet, a encore la main et de l’influence. Sa volontÊ est de se mÊfier des ingÊnieurs qui veulent prendre le pas sur l’architecte. On ne veut pas de squeleºes gÊomÊtriques, mais pas davantage des boursouflures acadÊmiques d’antan. L’Exposition internationale de Paris a ÊtÊ en cela un succès. Pour Mallet-Stevens :  En 25, nouveautÊ, surprise pour le public qui, jamais en France, n’avait vu, en si grand, des constructions modernes‌  À Paris, dans la dÊcennie qui suit, on va donc pouvoir construire moderne. Si, malgrÊ leurs esthÊtiques diverses, les bâtiments peuvent cohabiter dans un ensemble harmonieux et cohÊrent, c’est que sans doute, à la diffÊrence de notre architecture contemporaine – ni belle, ni laide, mais qui veut être remarquÊe –, les architectes classiques ou modernistes proposent  une architecture bien ÊlevÊe . Une solide tradition de qualitÊ ainsi que le respect d’un cadre foncier et rÊglementaire prÊcis les guident. Ces contraintes de hauteurs, d’alignements, de gabarits et de prospects les poussent à se surpasser pour que Paris puisse continuer d’être Paris, une ville oÚ il fait bon vivre.
Se faire une place dans le Paris d’Haussmann n’est donc pas aisÊ et les immeubles de rapport ne peuvent se dÊvelopper, dans leur grande majoritÊ, que vers le sud et l’ouest de la capitale. La petitesse des parcelles, frÊquemment de forme irrÊgulière, très souvent en angle, complique la tâche des architectes, mais est indÊniablement un puissant stimulant de leur imagination. On parlera d’architecture paquebot pour qualifier les œuvres de certains tels Laprade, Mallet-Stevens et Debat-Ponsan qui font filer les ouvertures de leurs façades et les ponctuent souvent par des hublots. Pierre Patout avec son immeuble du boulevard Victor en est la plus belle des illustrations. Il a trouvÊ la solution pour tirer parti au maximum du terrain, rentabilitÊ oblige, tout en prÊservant les règles de composition qui doivent continuer à rÊgir son projet, telles que la symÊtrie ou le traitement d’angle. D’un point de vue stylistique, les contraintes du contexte parisien gomment les diffÊrences entre les tendances architecturales et les gÊnÊrations d’architectes. Les modernistes se plient volontiers à une composition classique, faite de symÊtrie, tandis que certains classiques – Êlèves de l’École des beaux-arts et prix de Rome – adoptent un vocabulaire moderne tout en continuant de faire appel à la sculpture dÊcorative comme Joseph Marrast ou LÊon AzÊma. Le même architecte peut parfois surprendre tel Roger-Henri Expert, auteur des villas nÊoclassiques d’Arcachon et de l’ambassade de France à Belgrade. À Paris, il a rÊalisÊ l’Êcole du groupe scolaire de la rue Kßss (13e arrondissement) et les ateliers de l’École nationale des beaux-arts, rue Jacques-Callot, bâtiments ô combien novateurs, avec leurs courbes ÊlÊgantes comme une politesse faite à leur environnement immÊdiat.
La plus grande prÊsence de l’habitat Art dÊco se situe sur la ceinture de Paris. La sociÊtÊ des Habitations à Bon MarchÊ, les fameuses HBM, lance pour une vingtaine d’annÊes un programme colossal de constructions sur les anciennes fortifications de la capitale. Tous les architectes de la pÊriode en seront les contributeurs. Pour Henri Sellier, l’un des grands artisans du logement social, il faut  assurer à la classe des travailleurs un logement prÊsentant le maximum de confort matÊriel et de conditions d’hygiène . La  zone , oÚ jouent les enfants immortalisÊs par Robert Doisneau, se voit ainsi remplacÊe par des Îlots d’immeubles de six Êtages qui ne sont pas sans charme, prÊsentant tous un dÊcor diffÊrenciÊ d’un astucieux calepinage de briques et de garde-corps ouvragÊs. L’effort est immense et Louis-Ferdinand CÊline en fera le constat dans Mort à crÊdit en 1936 :  Bientôt ça ne sera plus partout que des demi-graºe-ciel terre cuite.  En 1950, Louis Hautecœur, historien de l’art classique s’il en est, pouvait remarquer dans son panorama de l’architecture française :  Le nudisme de 1920, quelque exagÊrÊ et systÊmatique qu’il fÝt, n’aura pas ÊtÊ inutile. Il a imposÊ une cure de dÊsintoxication à une architecture envahie par le dÊcor et le dÊtail inutile ; il a tuÊ le pastiche ; il a permis au vÊritable esprit classique de se contenter de belles proportions, des lignes et des volumes simples, d’utiliser les matÊriaux nouveaux, de rÊpondre aux programmes posÊs par les conditions de notre existence.  PAGE DE GAUCHE Immeuble d’habitation (dÊtail) 80-78, avenue de Versailles
Ă‹Ă„
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 29
19/10/2016 14:51
ÐË
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 32
19/10/2016 14:51
в
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 36
19/10/2016 14:51
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 74
19/10/2016 14:53
PARIS
S’ÉQUIPE
MINISTĂˆRES, MAIRIES, POSTES, LYCÉES, ÉCOLES, CASERNES DE POMPIERS‌
La guerre terminÊe, la France entreprend prioritairement la reconstruction des rÊgions libÊrÊes, mais poursuit Êgalement la construction de nombreux programmes publics interrompus par le conflit. À Paris, il s’agira avant tout de l’Êducation, de la santÊ, de la voirie et de tout ce qui concerne les dernières inventions. Les avancÊes techniques ont produit de multiples besoins. Les architectes doivent inventer des garages pour prÊsenter les nouveaux modèles, des stations-service pour alimenter l’automobile qui n’effraie pas seulement le piÊton parisien, mais Êgalement les hippomobiles toujours en circulation. La voirie se modernise et le percement de tunnels pour amÊliorer les sorties de la capitale est dÊjà à l’Êtude. Le premier sera celui de la colline de Saint-Cloud. S’il n’y a pas d’aÊroport à Paris – une piste de dÊcollage sur l’Île aux cygnes non loin de la tour Eiffel avait cependant ÊtÊ imaginÊe –, on installe, boulevard Victor, l’École nationale supÊrieure de l’aÊronautique dÊcorÊe de bas-reliefs d’Henri Bouchard, l’auteur du grand Apollon et ses muses du Palais de Chaillot. Pour se dÊplacer à Paris, le mÊtro s’Êtend. Si les cÊlèbres Êdicules Art nouveau d’Hector Guimard sont davantage connus, Charles Plumet, architecte en chef de l’Exposition de 1925, en signe d’ÊlÊgants à chapeaux cloches et dÊcor de mosaïque comme celui de la porte des Lilas. Son ami Adolphe Dervaux de la SociÊtÊ des architectes modernes, auteur des gares de Rouen et Biarritz, quant à lui, rÊalise la station de mÊtro Vaneau. Il l’a ÊquipÊe de son fameux candÊlabre, en ferronnerie surmontÊe d’une boule blanche, enseigne aux leºres blanches sur fond rouge du mot  MÊtro . ÉclairÊs la nuit, ces candÊlabres qui portent le nom de leur crÊateur marquent toujours le paysage parisien. Ils
ont inspirÊ des artistes, tel Augustin Rouart qui en fit le sujet unique de l’un de ses tableaux. Pour les Êcoles ÊlÊmentaires, les collèges et les lycÊes, les Êdiles demandent de  l’air et de la lumière , car la tuberculose fait des ravages. Les architectes percent alors leurs ÊlÊgants bâtiments de briques de très grandes baies filantes et de toits-terrasses pour favoriser la gymnastique de plein air. Trois rÊussites en ce domaine sont à citer : le groupe scolaire de la rue des Morillons de Pierre Sardou, agrÊmentÊ de frises d’enfants polychromes du sculpteur Henri Navarre ; le lycÊe HÊlène-Boucher de Lucien Sallez qui arbore fièrement, sur le cours de Vincennes, la verrière moderniste conçue par Louis Barillet ; l’Êcole de la rue Kßss de Roger-Henri Expert dessinÊe comme un paquebot transatlantique. Ce n’est pas Êtonnant, car il est l’une des signatures majeures du Normandie pour lequel il exÊcuta la magnifique descente du grand escalier menant au fumoir et vers les somptueux salons et salles à manger. La CitÊ universitaire, dans un parc paysagÊ de trente-quatre hectares, regroupe des chefsd’œuvre d’architecture Art dÊco, d’esthÊtiques totalement diffÊrentes. Ses fondateurs, porteurs d’un idÊal humaniste issu de la Première Guerre mondiale, souhaitaient contribuer à l’entente entre les peuples, en faisant se rencontrer les jeunes Êlites de plus de cent trente nationalitÊs. Le collège nÊerlandais de Willem-Marinus Dudok, nouvellement restaurÊ, est un jeu de masses claires articulÊes, dominÊ par un beffroi spectaculaire qui se rapproche des rÊalisations de Mallet-Stevens. Son grand salon, dÊcorÊ d’immenses cartes stylisÊes par Doeve, est meublÊ par l’architecte selon les conceptions de Frank Lloyd Wright. Dans un tout autre genre, le talen-
tueux Albert Laprade exÊcute la splendide Maison de Cuba en revisitant avec brio le style colonial espagnol courant à La Havane. C’est un morceau de bravoure qui surclasse avec panache d’autres pavillons, bien ternes et pauvres de composition du style international prÊsents sur les lieux. L’automatisation du tÊlÊphone amène à confirmer officiellement, par une loi de 1925, l’appellation des PTT qui recouvre postes, tÊlÊgraphes et tÊlÊphones. En 1929, la crÊation d’un ministère leur est dÊdiÊe et c’est à Jacques Debat-Ponsan que l’on confie la construction du siège de la toute nouvelle Direction des Services tÊlÊphoniques de Paris, rue de Vaugirard. Il s’agit du chef-d’œuvre de sa carrière, avec son collège lumineux du pont de Sèvres. L’administration des Postes a ses propres architectes qui, depuis 1923, sont rÊpartis dans chacun des quinze chefs-lieux de rÊgions postales. À Paris, chaque quartier voit surgir un bureau de poste Art dÊco. Ils ont malheureusement presque tous disparu comme celui du boulevard Haussmann ornÊ par Marthe Flandrin et Élisabeth Faure ou celui de l’avenue Daumesnil dÊcorÊ par Louis Rigal, auteur du plafond du Salon de L’Hôtel du Collectionneur de Ruhlmann, pavillon emblÊmatique de l’exposition de 1925. Pour Êviter que le 16e arrondissement ne flambe, une caserne de pompiers a ÊtÊ construite, rue Mesnil, par Robert Mallet-Stevens. C’est une première pour l’architecte dans le domaine des services publics. Lui qui affectionne les beffrois a sans doute eu plaisir à concevoir ceºe tour de guet qui domine sa composition à rÊsonance cubiste. PAGE DE GAUCHE Bureau de poste (dÊtail) 22, rue de Provence
ÀÑ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 75
19/10/2016 14:53
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 102
19/10/2016 14:54
PARIS
COMMERCE BANQUES, ENTREPRISES, BOUTIQUES & GRANDS MAGASINS
Dans son film L’Argent, Marcel L’Herbier est le premier à prÊsenter une architecture Art dÊco au cinÊma. AdaptÊ du roman d’Émile Zola, il met en scène l’actrice Brigiºe Helm dans un hôtel particulier moderniste en carton-pâte imaginÊ par Mallet-Stevens. Les symboles de la modernitÊ, tÊlÊphone, automobile, Êclairage, meubles chics sont tous rÊunis autour de ceºe garçonne, blonde et fÊline. Encore muet, le film fascina les spectateurs de l’Êpoque et la scène de panique à la Bourse est un morceau d’anthologie. Avant le krach boursier de Wall Street de 1929, qui n’aºeint la France qu’en 1931, il est raisonnable de confier son argent à une banque. L’Art dÊco s’empare de ce sujet sÊrieux et le pays, outre le renouveau des maisons mères, se couvre de succursales et d’agences modernistes. FondÊe en 1881 par Eugène Pereire, prÊsident de la Compagnie gÊnÊrale transatlantique à l’origine du renouvellement d’une floºe de paquebots de lÊgende comme le Normandie, la Banque Transatlantique s’installe en 2000 dans les locaux de l’ancienne Banque Scalbert-Dupont. Son prÊsident, avec l’adhÊsion de ceux qui y travaillent, en garde jalousement et soigneusement les dÊcors, à ce jour inÊdits et parmi les plus beaux conservÊs de Paris. Conçu par l’architecte Joseph Marrast, l’une des grandes signatures de l’Art dÊco, l’immeuble prÊsente une façade sobre en pierre de taille de six Êtages surmontÊe d’un fronton du sculpteur Jules Sylvestre, Êlève et praticien de Paul Landowski. L’ossature de l’Êdifice est en bÊton armÊ Hennebique qui, sur la cour intÊrieure autour de laquelle se rÊpartissent les bureaux, est revêtu d’un habile et harmonieux parement de briques qui confère un air  hollandais  à ceºe partie cachÊe de l’Êdifice. Les fenêtres à petits carreaux accentuent ceºe impression. L’ensemble des verrières et de la miroiterie a ÊtÊ rÊalisÊ, comme nous le confirment
les archives, par la Maison des glaces de Saint-Gobain. Une grande porte magistrale dessinÊe par le ferronnier Raymond Subes permet d’entrer dans la banque. La salle des guichets, conservÊe presque intacte, de marbre noir et d’or, est un chef-d’œuvre du genre comme la salle des coffres, en sous-sol, qui possède, comme il se doit, une porte blindÊe monumentale, spectaculaire et inviolable. On accède à ceºe dernière par un escalier qui rÊvèle encore l’immense talent de Raymond Subes. Dans les Êtages supÊrieurs sont rÊpartis les espaces accueillant les bureaux du personnel et de la direction de l’Êtablissement. Deux grandes pièces forcent l’admiration, car elles ont conservÊ, avec le bureau du prÊsident, leur dÊcor intact : la salle du conseil d’administration, avec ses boiseries, divans-canapÊs surmontÊs d’immenses cartes gÊographiques peintes – l’une prÊsentant les Hauts-de-France, l’autre, les grandes parties du monde –, le magnifique tapis-moqueºe d’Ivan da Silva-Bruhns et les luminaires de Jean Perzel, crÊateur d’Êclairage d’exception depuis 1923 ; une salle à manger ÊlÊgante, avec ses boiseries de sycomore blond, tables et chaises Art dÊco en accord de tons, et, aux extrÊmitÊs de la pièce, deux grands panneaux marquetÊs à dÊcor d’oiseaux blancs, cacatoès et perruches. En 1926, la Banque nationale de crÊdit fait appel pour son siège à l’architecte Charles Letrosne qui s’est associÊ à Joseph Marrast. ÉdifiÊ sur un Îlot complet des grands boulevards avec  tous les perfectionnements de l’industrie moderne , bâti sur cinq Êtages plus trois conçus en gradins, ce qui lui donne une allure de paquebot, le nouveau bâtiment illustre la puissance des institutions bancaires dans le quartier de la ChaussÊe d’Antin. La lÊgende veut qu’un orchestre soit venu de New York pour jouer sur le toit le jour de son inauguration en 1932. Les grands magasins jouent un rôle dÊterminant dans la diffusion de l’Art dÊco.
Ă€ Paris, Henri Sauvage est choisi pour l’agrandissement du magasin La Samaritaine. Il lui est demandĂŠ d’assurer la modernisation de la façade sur Seine, conçue par Frantz Jourdain, dont le style Art nouveau ne plaĂŽt plus. Ă€ Louis-Hippolyte Boileau est confiĂŠe l’extension du Bon-MarchĂŠ. Ă€ l’angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, l’architecte dĂŠveloppe une belle façade arrondie sur l’angle qui reçoit un ĂŠlĂŠgant auvent Art dĂŠco de mĂŠtal et de verre. Ă€ l’intĂŠrieur, Paul Follot, le directeur de la ligne de dĂŠcoration de la maison Pomone, y expose ses crĂŠations. L’aventure est un succès et il est invitĂŠ par les Britanniques, en retard d’une mode, Ă moderniser les crĂŠations de leur firme d’ameublement Warren & Gillow. Quand on n’a plus d’argent, on se met parfois Ă fumer ! Le tabac de monsieur Nicot est un palliatif Ă l’ennui. Le Service d’exploitation industrielle des tabacs, plus connu sous ses initiales de SEITA, est donc crĂŠĂŠ en 1926 par Raymond PoincarĂŠ. Le nouveau monopole a besoin d’un siège flambant neuf. S’Êrige alors un immeuble de bureaux cossus en pierre de taille, dĂŠcorĂŠ de ferronneries aux armes de l’entreprise. Ă€ l’intĂŠrieur, Max Ingrand et Pierre Bobot proposent une belle verrière gravĂŠe et un immense panneau de laque dorĂŠ ĂŠvoquant l’histoire du tabac. La lecture d’un journal accompagne souvent la cigareÂşe ! En 1920, L’Intransigeant se veut le plus grand quotidien du soir avec un tirage qui avoisine les 400 000 exemplaires. En 1929, son nouveau siège est dĂŠcidĂŠ et confiĂŠ Ă Pierre Sardou qui signe, sur la rue RĂŠaumur, une façade nĂŠoclassique d’envergure. Ses frontons, sculptĂŠs par Henri Navarre, ĂŠvoquent les mĂŠtiers de la presse tandis que le grand portail d’entrĂŠe par Edgar Brandt, illustre les nouveaux transports. PAGE DE GAUCHE Banque L. Dupont & Cie (dĂŠtail) Banque Transatlantique 26, avenue Franklin-D.-Roosevelt Ă‡ĂˆĂ?
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 103
19/10/2016 14:54
Ç˲
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 126
19/10/2016 14:55
PARIS
EST UNE FÊTE RESTAURANTS, CABARETS, THÉÂTRES, MUSIC-HALLS & CINÉMAS
En aoÝt 1925, le journaliste new-yorkais du Decorative furnisher parle de Paris et de son Exposition internationale comme d’une  fÊerie scintillante  ! Les cascades lumineuses qui tombent du pont Alexandre-III, les quatre tours de Charles Plumet aux restaurants panoramiques, les promenades en Électrocar Renault, la mise en lumière de la tour Eiffel par CitroÍn, la première de la Revue nègre au ThÊâtre des Champs-ÉlysÊes, tout contribue à faire de Paris la capitale des plaisirs et de la fête dont Ernest Hemingway vantera les mÊrites dans un livre à venir. Avec le ThÊâtre des Champs-ÉlysÊes, Auguste Perret a ouvert le bal de l’Art dÊco le premier. En 1913, par cet ouvrage novateur de bÊton, il accède à une simple modernitÊ. La façade exprime la logique structurelle de l’Êdifice, sans fioritures. Seuls des ÊlÊments architectoniques, comme les fenêtres, sont soulignÊs d’or. L’architecte l’affirme :  Pour aºeindre au style, il faut d’abord supprimer tout ce qui est superflu.  Le music-hall connaÎt un nouveau succès et les Folies-Bergère figurent parmi les très belles rÊussites avec une façade devenue un symbole de l’Art dÊco, un bas-relief immense de Maurice Picaud figurant la danseuse Anita Barka sur un fond gÊomÊtrique dorÊ. Paul Derval y imagine des revues proposant aux spectateurs une dÊbauche de costumes, de dÊcors, d’effets spÊciaux meºant en valeur sa troupe de girls anglaises. JosÊphine Baker y danse son cÊlèbre charleston endiablÊ pour la Revue nègre de 1926. Près des grands boulevards, une modeste façade percÊe de petites fenêtres octogonales cache l’une des plus grandes salles de Paris. Le thÊâtre de La Michodière, du nom de la rue, est construit en 1925 par Auguste Bluysen. Son dÊcor intÊrieur, rouge et or, rÊalisÊ à l’origine par Jacques-Émile
Ruhlmann a conquis un public venu applaudir nombre de cÊlÊbritÊs : Harry Baur, Denise Grey, Yvonne Printemps et Pierre Fresnay. De façon plus modeste, le thÊâtre des MenusPlaisirs, aujourd’hui ComÊdie de Paris, est modernisÊ en 1929 par Georges-Henri Pingusson pour accueillir un cabaret de 300 places. Sa façade presque aveugle, couronnÊe d’une imposante corniche, est percÊe de hublots alignÊs, confÊrant à l’ensemble une allure de paquebot voulue par l’architecte. Depuis les frères Lumière, le cinÊma a fait de grands progrès. DÊjà colorisÊ, bientôt parlant, il devient pendant l’entre-deux-guerres le spectacle populaire par excellence. Mais quel cadre donner à ces salles obscures ? Au dÊpart, au mieux, elles ont pris place dans des thÊâtres ou salles des fêtes amÊnagÊes pour les sÊances. Mais bientôt, Paris et chaque commune de France disposent de salles signalÊes par une façade Art dÊco. Dès 1920, deux cinÊmas se font ainsi remarquer : le Gambe‚a Palace d’Henri Sauvage et le Louxor d’Henri Ripey, de style nÊo-Êgyptien. Si les façades dÊfraient la chronique, la salle ellemême va participer au spectacle. Les AmÊricains inventent les salles  atmosphÊriques , oÚ les dÊcors, issus d’un imaginaire à l’historicisme fantaisiste, accompagnent le spectateur pendant les entractes. Le Rex d’Auguste Bluysen tÊmoigne de ceºe approche oÚ la spectatrice dÊpose d’abord son pÊkinois au chenil, rafraÎchit son carrÊ au salon de coiffure de l’Êtablissement avant d’aºendre son quidam devant un Dubonnet au bar musical dÊcorÊ par Maurice Dufrêne et d’entrer finalement en salle. En 1932, c’est une nouvelle rÊvolution. Henri Belloc, l’architecte du Gaumont Palace, cinÊma de 6 000 places annoncÊ comme le plus grand du monde, utilise tous les artifices de l’ÊlectricitÊ
et abandonne les dÊcors : lignes continues des gorges superposÊes de nÊons et Êclairage indirect dont les couleurs changeantes font l’atmosphère. La signalÊtique s’empare de la façade qui prend une dimension nocturne photographiÊe magnifiquement par Brassaï dans Paris de nuit. Pour Êcouter de la musique, il faut aller Salle Pleyel construite en 1926. L’acoustique y est exceptionnelle et le Tout-Paris s’y presse pour assister à des concerts mÊmorables. Après le spectacle, on se restaure. Temple de l’Art dÊco, La Coupole aux mosaïques cubistes, aux piliers peints par les artistes eux-mêmes, aux boiseries ÊlÊgantes, aux lustres modernistes de Perzel, accueille tous les soirs, artistes et grandes figures des arts du spectacle : Kiki et Foujita, JosÊphine Baker et Georges Simenon, Soutine et Chagall, Lipchitz ou Arbit Blatas. Les Montparnos frÊquentent aussi La Rotonde, Le Select ou Le Dôme. Le quartier de Montparnasse, grâce à eux, devient une lÊgende. En 1925, Émile Prunier inaugure son restaurant de fruits de mer, autre chef-d’œuvre. L’architecte Louis-Hippolyte Boileau a convoquÊ toute une Êquipe de talents : le mosaïste Labouret, le sculpteur Le Bourgeois et le verrier Binet. Le peintre Mathurin MÊheut apporte sa touche en crÊant un service de table. Preuve de la grande rÊputation du restaurant, les aviateurs Nungesser et Coli, en 1927, pour leur première traversÊe transatlantique, tiennent à emporter avec eux une boÎte de caviar de la maison. PAGE DE GAUCHE ThÊâtre des Folies-Bergère (dÊtail) 32, rue Richer
ÇËÀ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 127
19/10/2016 14:55
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 152
19/10/2016 14:56
PARIS
SE DÉTEND FONTAINES & JARDINS,
Mais oÚ donc se rafraÎchir dans la capitale en ceºe pÊriode trÊpidante des AnnÊes folles ? À la magnifique piscine en brique rouge de la Buºeaux-Cailles, achevÊe en 1924 par Louis Bonnier ? Les annÊes 1920-1930 voient l’Êclosion d’une quinzaine de piscines dans les quartiers de la capitale. Il faut dire que le retard en la matière par rapport aux voisins europÊens est très important. C’est dans le complexe nautique d’Auteuil, à proximitÊ du bois de Boulogne, dans le 16e arrondissement de Paris, que les habituÊs de la natation et des bains de soleil se retrouvent en toute convivialitÊ. L’architecte Lucien Pollet s’inspire pour la construction de la piscine Molitor du travail de Robert Mallet-Stevens. Il fait appel aux plus grands artisans de l’Êpoque, dont le maÎtre verrier Louis Barillet, entre autres, qui sera chargÊ des vitraux et de la grande verrière, à motifs de baigneuses. Un bassin couvert de trente-trois mètres et un bassin extÊrieur de cinquante mètres accueillent une foule de nageurs. Trois Êtages de cabines bleues et de balustrades blanches, avec une dÊcoration dans le pur style Art dÊco, donnent à l’Êdifice un aspect moderniste, oÚ il fait bon s’exercer au crawl, nouvelle nage à la mode. ArrivÊ l’hiver, le bassin extÊrieur est transformÊ en patinoire gÊante. SurnommÊe le  Paquebot blanc , en rÊfÊrence notamment à ses fenêtres en forme de hublots, la piscine Molitor est inaugurÊe en 1929 par les mÊdaillÊs olympiques amÊricains parmi lesquels Johnny
PISCINES & ZOO
Weissmuller. Ce dernier est demeurÊ cÊlèbre dans le monde du cinÊma pour avoir interprÊtÊ, puis incarnÊ le fameux Tarzan des annÊes trente. Si l’on ne sait pas nager, on peut se rafraÎchir auprès des fontaines de la capitale. La fontaine est un motif, qui, stylisÊ, est l’un des plus reprÊsentatifs de l’Art dÊco : la fontaine de Lalique en pâte de verre à l’Exposition de 1925 en est sans doute un exemple caractÊristique ou celle jaillissante d’Edgar Brandt, en bronze, qui orne la porte de la Silk Cheney Company de New York. En 1929, le concours pour l’amÊnagement de la porte de Saint-Cloud est remportÊ par les architectes Billard et Pommier qui sollicitent le sculpteur Paul Landowski pour la dÊcoration de deux fontaines monumentales initialement prÊvues en verre. Les deux grands cylindres de dix mètres de hauteur reçoivent un beau dÊcor de bas-reliefs Êvoquant Le Travail à la ville et Le Travail à la campagne. Malheureusement aujourd’hui, par manque d’entretien, l’eau n’y coule plus. En 1931, l’ensemble des fontaines lumineuses conçues à l’occasion de l’Exposition coloniale de Paris par les architectes AndrÊ Granet et Roger-Henri Expert, sert de support aux Nuits coloniales, qui marquent l’ouverture nocturne de l’exposition au public. En 1937, les mêmes architectes rÊalisent l’amÊnagement des jardins du Palais de Chaillot et installent sur le grand bassin central un canon à eau qui fait toujours aujourd’hui l’admiration et la joie des touristes.
À l’Exposition des arts dÊcoratifs de 1925, le jardin est mis à l’honneur. Des architectes comme Albert Laprade ou Joseph Marrast proposent d’agrÊables rÊalisations qui seront parfois vendues aux AmÊricains. Aujourd’hui, pour se promener et s’immerger dans un parc Art dÊco, il faut aller dans le 19e arrondissement de Paris pour admirer celui composÊ par l’architecte LÊon AzÊma sur la Buºe du Chapeau rouge. Une sculpture de 1937 qui ornait l’une des entrÊes de l’Exposition (un joli nu fÊminin de Raymond Couvègnes) veille dÊsormais sur les fontaines en cascade de cet ÊlÊgant jardin. En 1924, les jeux Olympiques de Paris se sont surtout dÊroulÊs au nouveau stade de Colombes. C’est en effet à sa pÊriphÊrie et à la banlieue que les Êdiles parisiens confient et confinent la pratique des sports. Si les Jeux qui sont un grand succès ont accÊlÊrÊ la crÊation de nouveaux Êquipements, il ne reste plus grand-chose des stades mythiques de l’Êpoque : CharlÊty, JeanBouin, Coubertin, Parc des Princes, VÊlodrome ou bien encore Roland-Garros oÚ s’illustrèrent les  Mousquetaires  et la talentueuse Suzanne Lenglen qui joue son tennis en  sportwear  de chez Jean Patou. PAGE DE GAUCHE Palais de Tokyo - Palais des musÊes d’Art moderne (dÊtail)
13, avenue du PrÊsident-Wilson ÇÑ�
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 153
19/10/2016 14:56
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 160
19/10/2016 14:56
PARIS
MÉDITE
Pour l’Église de l’entre-deux-guerres, sÊparÊe depuis 1905 de l’État, il faut faire face à deux problèmes essentiels : reconstruire à tout prix les Êglises dÊvastÊes par la Première Guerre mondiale et ÊvangÊliser les banlieues des grandes villes de France oÚ la classe ouvrière est livrÊe à elle-même. À l’œuvre des  Chapelles de secours  qui ne suffit plus vont succÊder  Les Chantiers du Cardinal . En 1931, Jean Verdier a promis la construction de cent Êglises dont le pavillon pontifical de l’Exposition internationale de 1937 doit être l’aboutissement. On l’appellera le  cardinal aux cent clochers . Ses chantiers sont devancÊs souvent par des initiatives particulières de  curÊs de choc  qui vont prendre de court leur propre hiÊrarchie. Le père Lhande avec son Christ dans la banlieue a suscitÊ bien des vocations de bâtisseurs. L’abbÊ David se retrousse les manches à Sainte-Agnès de Maisons-Alfort, l’abbÊ Lieubray, à Sainte-ThÊrèse de Boulogne-Billancourt, Monseigneur Loutil dit Pierre l’ermite à Sainte-Odile de la porte de Champerret.
De l’autre côtÊ des fortifications de la capitale, de nouvelles paroisses sont implantÊes. Le dialogue parfois difficile est cependant amorcÊ. Le père TouzÊ, administrateur des  Chantiers du Cardinal , en noue un fructueux avec Henri Sellier, maire de Suresnes, promoteur des citÊs-jardins et des Habitations à Bon MarchÊ. En quelque sorte, c’est la rencontre de Don Camillo et de Peppone, en version originale. Paris verra fleurir ainsi un très grand nombre d’Êglises Art dÊco qui ne sont pas sans qualitÊ : l’originale Saint-Christophe de Javel, l’historisante Saint-Ferdinand des Ternes, la spectaculaire et austère Saint-Pierre de Chaillot, la modeste Saint-Antoine de Padoue ou l’Êtonnante et toute de briques vêtue Sainte-Odile dont le clocher est le plus haut de la capitale. L’Êglise du Saint-Esprit, avenue Daumesnil, construite par Paul Tournon, en 1934, est un sommet du genre. Une Sainte-Sophie de Constantinople parisienne, dont la coupole culmine à trente-trois mètres, rÊunissant les plus grands fresquistes du moment :
Maurice Denis, Jean Dupas, Marthe Flandrin ou Georges Desvallières, Henri Marret, Henri de Maistre, Louis Bouquet, Nicolas Untersteller, Eugène-Robert PoughÊon, Valentine Reyre ; les sculpteurs Jan et JoÍl Martel, Roger de Villiers, Carlo Sarrabezolles. S’il est une Êglise à visiter dans Paris, c’est bien celle-là  ! En effet, elle est le rÊsumÊ magistral et vivant de la ferveur artistique d’une Êpoque. Il faut se convaincre de cela, car l’Église a aussi ses modes et en oublie parfois ses enfants.
PAGE DE GAUCHE Église du Saint-Esprit (dÊtail) 186, avenue Daumesnil
DzÇ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 161
19/10/2016 14:56
ÇÀË
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 172
19/10/2016 14:56
PARIS
DES ARTISTES
ET ARTISANS ATELIERS & FABRIQUES
La venue en France d’artistes Êtrangers – jeunes ou moins jeunes – aºirÊs par Paris  capitale des arts  est un phÊnomène ancien, mais qui prendra, au tout dÊbut du ��e siècle, une ampleur considÊrable. Peintres et sculpteurs se regroupent à Montmartre au Bateau-Lavoir ou dans le haut-Vaugirard, notamment à la Ruche, mythique regroupement d’ateliers dont Soutine ou Modigliani furent locataires. Les artistes venaient pour la plupart d’Europe centrale et orientale, fuyant des conditions sociales Êpouvantables et, plus encore peut-être, un milieu culturel ancestral hostile aux images. On aurait pu croire que la guerre de 1914-1918 et l’ambiance cocardière qui suivit eurent provoquÊ un reflux. Il n’en est rien. Paris se montre toujours aºirant et accueillant pour ces artistes Êtrangers qui formeront ce que l’on a appelÊ l’Êcole de Paris et qui frÊquentent dÊsormais Montparnasse. Sentant brÝler leur gangue, les Roumains, Yougoslaves, Russes, Hongrois, Polonais, Lituaniens, rares Italiens et Espagnols prirent conscience, au contact de leurs
confrères parisiens, de leurs qualitÊs naturelles. On pourrait dire, comme Jacques Lassaigne l’Êcrira en 1946, qu’ils apportèrent  un levain neuf dans la vieille pâte de nos couleurs . Pour les accueillir, des immeubles-ateliers fleurissent un peu partout, rue Campagne-première, rue Cassini, rue Delambre, rue Froidevaux ou bien encore rue de la CitÊ-universitaire. Ils furent habitÊs par les plus chanceux, voire même  les people  de l’Êpoque tels Ernest Hemingway, Francis Scoº Fitzgerald, Isadora Duncan, ou les aviateurs Jean Mermoz et Maryse BastiÊ. Pour les moins fortunÊs, ce sera la dÊbrouille dans les cabanes d’artisans ou les ateliers proposÊs nouvellement par les HBM qui en concentrèrent quelques-uns dans leurs toits, sur la ceinture rouge de la capitale. Ceux qui avaient vraiment rÊussi purent construire par des amis architectes : les frères jumeaux Jan et JoÍl Martel choisissent Robert Mallet-Stevens tandis que la sculptrice Chana Orloff jeºe son dÊvolu sur Auguste Perret dont elle fit un portrait très convaincant.
Les dÊcorateurs et artisans avaient besoin de place et certains de leurs ateliers serviront de  show-room . Si Louis Sße se construit le sien, Paul Follot, le dÊcorateur de Pomone, se fait conseiller par Tony Selmersheim ; Louis Barillet demande un ambitieux hôtel particulier à Robert Mallet-Stevens ; RenÊ Prou installe son agence dans l’immeuble Studio-building d’Henri Sauvage tandis qu’Edgar Brandt fait bâtir la sienne pour regrouper, tout à la fois, ses ateliers de ferronnerie et son magasin de prÊsentation.
PAGE DE GAUCHE Immeuble  Studio Hôtel  (dÊtail) 9, rue Delambre
ÇÀ�
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 173
19/10/2016 14:56
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 196
19/10/2016 14:58
LES
GRANDS DECORS
Les grands dÊcors sont ces lieux oÚ une Êpoque a donnÊ le meilleur d’elle-même. Ils sont des sommets d’excellence. Ils sont incontestables et pourtant ils sont contestÊs. On les pense immuables et pourtant ils sont fragiles. Le musÊe permanent des Colonies est construit pour l’Exposition internationale de 1931. ConfiÊ à l’origine à LÊon Jaussely, auquel est bientôt adjoint Albert Laprade, c’est surtout à ce dernier, assistÊ de LÊon Bazin, que l’on doit l’architecture du Palais. C’est aujourd’hui le plus bel ensemble Art dÊco français, auquel ont naturellement participÊ de nombreux artistes : pour ne citer que les plus importants, Alfred Janniot pour la tapisserie de pierre situÊe derrière la colonnade, Roger Ducos de La Haille pour les fresques du grand hall, Jacques-Émile Ruhlmann et Eugène Printz pour les ensembles mobiliers des deux salons d’angle, Jean ProuvÊ, Edgar Brandt, Raymond Subes pour les ferronneries, Gentil et Bourdet pour les carrelages et les mosaïques. La vocation première de cet Êdifice, l’emplacement à l’Êcart des circuits musÊaux de la capitale sont sans doute à l’origine de l’absence de reconnaissance de la qualitÊ artistique et historique du Palais, et du sommeil dans lequel est tombÊe ceºe Belle au bois dormant. La transformation ou le remplacement du vieux palais du TrocadÊro, construit pour l’Exposition universelle de 1878 par l’architecte Davioud, a fait l’objet de plusieurs propositions dont la plus connue est celle d’Auguste Perret. C’est finalement l’Êquipe de Jacques Carlu, LÊon AzÊma et Louis-Hippolyte Boileau qui est choisie.
Compte tenu des dÊlais, à l’approche de l’Exposition de 1937, Jacques Carlu a la bonne idÊe – une proposition de 1934 Êmise avec son confrère Mallet-Stevens – de dÊmolir la grande salle centrale de concert et de doubler les ailes du palais de Davioud. La salle de concert est remplacÊe par un amphithÊâtre enterrÊ sous la terrasse, qui, ainsi dÊgagÊe entre les deux ailes, s’ouvre vers la tour Eiffel. Ceºe grande terrasse urbaine offre toujours aujourd’hui aux touristes un extraordinaire panorama sur les jardins du TrocadÊro, dont les bassins et les fontaines ont ÊtÊ dessinÊs par les architectes Roger-Henri Expert et AndrÊ Granet. Le Palais de Chaillot est une architecture d’inspiration  amÊricaine  ou  Washingtonienne . Au moment de sa conception, Jacques Carlu revenait des États-Unis oÚ il avait conçu les amÊnagements des grands magasins Eaton à New York, Toronto et MontrÊal. Il donnera donc à son chefd’œuvre des proportions jamais vues en France. Le programme dÊcoratif du Palais et de ses jardins, confiÊ à de nombreux artistes, peintres, sculpteurs et ferronniers, est exceptionnel, et correspond aux objectifs dÊmonstratifs que souhaite donner la RÊpublique à un palais à vocation culturelle. Au-delà du ThÊâtre national populaire, somptueusement dÊcorÊ de fresques et de sculptures, le bâtiment abrite plusieurs musÊes, celui des Monuments français, celui de la Marine et le musÊe de l’Homme, qui propose une approche nouvelle de l’ethnographie. Le Palais de Chaillot apparaÎt ainsi tout à la fois tenir de l’Art dÊco et du nÊoclassicisme, dans une expression architec-
turale mesurÊe, hiÊratique, mais populaire, pÊdagogique, ouvrant ses bras vers la Seine et Paris, à l’opposÊ de la conception des Êdifices dits fascistes, auquel il est souvent comparÊ. Dans une même veine et au même moment, le musÊe d’Art moderne, appelÊ Palais de Tokyo, voit le jour en contrebas de la colline de Chaillot. Un concours lancÊ en 1935 retiendra l’Êquipe formÊe par les architectes Aubert, Dastugue, Dondel et Viard. Ses deux ailes qui abritent les collections s’organisent autour d’un patio central entourÊ d’une double colonnade. Les grandes portes curvilignes de l’Êdifice, ouvrant sur l’avenue du PrÊsident-Wilson, sont en bronze et rÊalisÊs par le ferronnier Szabo. Une terrasse orientÊe vers la Seine reçoit un abondant programme dÊcoratif sculptÊ dont un splendide bas-relief par Auguste Janniot.
PAGE DE GAUCHE Palais de Chaillot (dĂŠtail) Place du TrocadĂŠro
ÇÄÀ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 197
19/10/2016 14:58
LIRE POUR REGARDER
par Hubert Cavaniol
AVERTISSEMENT
DATE La date indiquée correspond généralement au début de la construction de l’immeuble. MH Nous indiquons la seule protection au titre des Monuments historiques, sans préciser s’il s’agit d’un classement ou d’une inscription, sans distinguer si l’immeuble est protégé en totalité ou seulement en partie. La consultation de la base Architecture-Mérimée offrira les précisions complémentaires. LABEL XXe Créé par le ministère de la Culture et de la Communication en 1999, le label « Patrimoine du XXe siècle » identifie les constructions et ensembles urbains – qu’ils soient protégés ou non au titre des Monuments historiques – ou des espaces protégés (ZPPAUP, Secteurs sauvegardés), dont l’intérêt architectural et urbain en fait des éléments significatifs du patrimoine du e siècle.
PARIS CLASSIQUE & MODERNE PAGES - IMMEUBLE D’HABITATION 26, rue Vavin – 6 e arrondissement 1912 Architectes : Henri Sauvage et Charles Sarazin MH, Label XXe Au début du siècle, les architectes Henri Sauvage et Charles Sarazin imaginent, théorisent et déposent le brevet d’un « immeuble à gradins ». Composés d’étages en retrait dans la partie supérieure de la façade, ces bâtiments devaient assurer une « hygiène » meilleure et une luminosité accrue aux occupants. En 1912, rue Vavin, Sauvage et Sarazin vont passer de la théorie à la pratique en édifiant le premier immeuble à gradins de Paris. La série s’arrêtera à deux, l’idée étant moins lumineuse que prévu. La renommée de l’immeuble sera cependant assurée grâce à sa façade couverte de carreaux de grès émaillé blanc fabriqués par la faïencerie Boulenger à Choisy-le-Roi, du même type que ceux utilisés pour le métro. PAGES - DÉTAIL PAGE IMMEUBLE D’HABITATION ET ATELIERS D’ARTISTES 7, rue Méchain – 14e arrondissement 1929 Architecte : Robert Mallet-Stevens MH, Label XXe
« Immeuble construit sur cour » : le pire se cache souvent derrière ceºe ingrate appellation. Mais pour l’immeuble de la rue Méchain, édifié « sur cour », le mieux est à découvrir. La façade du bâtiment sur rue est une invitation à entrer : la porte d’entrée est de Jean Prouvé, les deux vitraux de forme ronde l’encadrant sont du maître verrier Louis Barillet ; à l’intérieur, le grand hall a été redessiné par Robert Mallet-Stevens. On découvre ensuite l’immeuble construit en 1929 par Mallet-Stevens, qui n’est pas sur cour, mais sur jardin. Au fond, le bâtiment de huit étages est réalisé en béton armé et comprend des ateliers d’artistes, dont celui de Tamara de Lempicka, et des appartements. L’immeuble reprend les grands principes qui forment la doctrine de l’architecte : formes cubiques, décrochements, fenêtres d’angles ou filantes, épiderme lisse et blanc. La tour de l’escalier intègre sur toute la hauteur un vitrail du maître, verrier Louis Barillet. La cage d’escalier en spirale est un chef-d’œuvre du genre, maintes fois reproduit dans les ouvrages. PAGES - IMMEUBLE D’ATELIERS ET CINÉMA 216, boulevard Raspail – 14e arrondissement 1932 Architecte : Bruno Elkouken MH, Label XXe Sur une parcelle de terrain à la géométrie compliquée, Bruno Elkounen, architecte d’origine polonaise, réussit le tour de force de réaliser un programme chargé, comprenant deux immeubles d’ateliers, l’un sur rue, l’autre sur cour, et une salle de cinéma qui sera habilement construite entre les deux bâtiments en demi-sous-sol. Les bow-windows forment de grandes
verrières, hautes et allongées, qui donnent son style à l’édifice. En contrepoint à ceºe rigueur du dessin, l’entrée de l’immeuble est surmontée d’une large casqueºe aux formes arrondies et est entourée de deux vitrines courbes. Le cinéma Studio Raspail a fermé ses portes en 1982. PAGES - IMMEUBLE D’HABITATION 3, boulevard Victor – 15e arrondissement 1929 Architecte : Pierre Patout MH, Label XXe Sur une fine parcelle de terrain en forme de lame de couteau, Pierre Patout réussit l’exploit de construire un immeuble de rapport qui deviendra l’étendard de l’architecture de style paquebot. Avec sa longue façade recouverte de pierre blanche en forme de coque de bateau, ses lignes tendues, sa proue dirigée vers l’ouest, ses volumes dessinant une timonerie, des cheminées et des coursives, Patout a rêvé un transatlantique et l’a amarré à quai. L’architecte fait appel au sculpteur Alfred Janniot, auteur d’une fresque monumentale sur le paquebot Normandie, pour réaliser en façade un unique bas-relief. Des trois véritables paquebots de la Compagnie générale transatlantique décorés par Patout (L’Île-deFrance 1927, L’Atlantique 1930, et Normandie 1934), il ne reste rien. Seul subsiste le bâtiment du boulevard Victor, chef-d’œuvre de l’Art déco français de l’entredeux-guerres.
Ë˲
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 226
19/10/2016 14:59
Archieri Jean-François, Nebout Cécile et Poullain Yves et al. Atelier Louis Barillet, maître verrier, Paris, Éditions 15, square de Vergennes, 2005. Bréon Emmanuel « Alfred Janniot, ambassadeur de la sculpture française », dans Alfred Auguste Janniot (1889-1969), Edwige Anne Demeurisse (sous la dir. de), Paris, Somogy Éditions d’art, 2003. Bréon Emmanuel Jacques-Émile Ruhlmann, les archives, Paris, Éditions Flammarion, 2004. Bréon Emmanuel et al. L’Art sacré au e siècle, Paris, Éditions de l’Albaron, 1992. Bréon Emmanuel et Pepall Rosalind (sous la dir. de) Ruhlmann, un génie de l’Art Déco, cat. exp. [Musée des Années 30, Boulogne-Billancourt, 15 novembre 2001 – 17 mars 2002 ; Metropolitan Museum of Art, New York, 10 juin – 5 septembre 2004 ; musée des Beaux-Arts, Pavillon Jean-Noël Desmarais, Montréal, 30 septembre – 12 décembre 2004], Paris, Somogy Éditions d’art, 2001. Bréon Emmanuel et Rivoirard Philippe (sous la dir. de) 1925. Quand l’Art déco séduit le monde, cat. exp. [Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, 16 octobre 2013 – 17 février 2014], Paris, Éditions Norma, 2013. Cabanne Pierre Encyclopédie Art déco, Paris, Somogy Éditions d’art, 1986. Collectif Le Patrimoine de la Poste, Charenton-le-Pont, Éditions Flohic, coll. « Le patrimoine des institutions économiques », 1996. Humbert Jean-Marcel et Pumain Philippe (sous la dir. de) Le Louxor, palais du cinéma, Bruxelles, AAM éditions, 2013. Lapierre Éric Guide d’Architecture Paris 1900-2008, Paris, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2008. Lefranc-Cervo Léa Le Village français à l’Exposition de 1925, Paris, Mémoire de l’École du Louvre, 2016. Lemoine Bertrand et Rivoirard Philippe L’Architecture des Années 30, Paris, Éditions de la Manufacture, 1987. Lyonnet Jean-Pierre (sous la dir. de) Robert Mallet-Stevens, architecte, Paris, Éditions 15, square de Vergennes, 2005. Offrey Charles Chronique Transatlantique du e siècle, Le Touvet, Éditions Marcel-Didier Vrac, 2001.
ËÐÀ
Maq Art Deco-240 pages 10-10-16.indd 237
19/10/2016 14:59