Paul Poiret. Couturier Parfumeur — Couturier Perfumer (extrait)

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Cet ouvrage accompagne l’exposition : « Paul Poiret, couturier-parfumeur » This catalogue accompanies the exhibition entitled: “Paul Poiret, Couturier-Perfumer”

Musée international de la parfumerie – Grasse 7 juin-30 septembre 2013 7 June-30 September 2013

Ouvrage réalisé sous la direction de / This book was produced under the direction of

Somogy éditions d’art Coordination éditoriale / Editorial coordination Sarah Houssin-Dreyfuss, avec la collaboration de / assisted by Astrid Bargeton Conception graphique / Graphic design Gilles Beaujard Traduction du français vers l’anglais / Translation from French into English

Robert Conrath, Patty Hannock, Jonathan Sly, Stéphanie Cooper-Slockyj Contribution éditoriale / Editors Colette Malandain (français / French), Stéphanie Cooper-Slockyj (anglais / English) Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Iconographie / Iconography Marthe Pilven © Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © Musée international de la parfumerie, Grasse, 2013 © Adagp, Paris 2013 pour / for : Bernard Boutet de Monvel, Raoul Dufy, André Dunoyer de Segonzac, René Lalique, Georges Lepape, Paul Poiret, Louis Süe, Kees Van Dongen © Raoul Dufy copyrights Bianchini Férier 2013, p. 136 ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-0675-1 ISBN Musée international de la parfumerie : 978-2-9535688-3-7 Dépôt légal / Registration of copyright Juin 2013 / June 2013 Imprimé en Italie (Union européenne) / Printed in Italy (European Union)

Couverture Chez Poiret Les Parfums de Rosine Designers Paul Poiret et Georges Lepape Parfumeur Maurice Schaller 1912, Paris Verre, carton, papier GS Collection

Cover Chez Poiret Parfums de Rosine Designers: Paul Poiret and Georges Lepape Perfumer: Maurice Schaller 1912, Paris Glass, cardboard, paper GS Collection

4e de couverture Vaporisateurs Les Parfums de Rosine Designer Ateliers Martine 1912-1920, Paris Verre, tissu, caoutchouc, carton GS Collection

4th cover Vaporizers Parfums de Rosine Designer: Ateliers Martine 1912-1920, Paris Glass, fabric, rubber, cardboard GS Collection

Page de faux-titre Affiche Georges Lepape Premier quart du xxe siècle, Paris Papier Collection musée des Années 30, Boulogne-Billancourt, 98.1.1

Short title page Poster Georges Lepape First quarter of the 20th century, Paris Paper Musée des Années 30 Collection, Boulogne-Billancourt, 98.1.1


PAUL POIRET, COUTURIERPARFUMEUR

PAUL POIRET, COUTURIERPERFUMER


4

Les Choses de Paul Poiret vues par Georges Lepape Georges Lepape 1911, Paris Pochoir Centre Pompidou – Mnam/Cci-bibliothèque Kandinsky, Paris, RLQ1088

Paul Poiret’s Things as Seen by Georges Lepape Georges Lepape 1911, Paris Pochoir Centre Pompidou – Mnam/Cci-Bibliothèque Kandinsky, Paris, RLQ1088


5

PRÉFACE Depuis toujours la parfumerie française fait rêver le monde… Germée dans l’activité de la tannerie, artisanale d’abord, industrielle ensuite, la parfumerie a su contourner les obstacles, résister aux contraintes, muter et s’adapter aux circonstances de l’époque. Comme toutes les décennies du passé, les trente dernières années ont connu de profondes mutations. Mais le savoir-faire exceptionnel des Grassois dans le domaine des produits naturels a permis à l’industrie de la parfumerie de traverser les turbulences économiques du temps. Il en est des territoires comme des hommes… Cet héritage, chance inouïe de notre région, nous lui devons le respect. L’ouverture du nouveau Musée international de la parfumerie en 2008 et l’ouvrage qui l’accompagne marquent une date importante pour la parfumerie et pour notre territoire. Ils offrent au pays grassois et à ses habitants une nouvelle vision du parfum et de son industrie, héritage des générations passées que nous avons le devoir de transmettre aux générations futures. Cette année encore, l’exposition estivale dédiée à Paul Poiret, premier couturier-parfumeur, participe à la valorisation et à la découverte de ce patrimoine. Reliant l’univers

de la couture à celui de la parfumerie, l’homme visionnaire qu’était Paul Poiret, a révolutionné le visage de la parfumerie du xxe siècle. Nos parfumeurs, nos industries grassoises, nos agriculteurs travaillent encore aujourd’hui dans l’héritage de ce grand personnage avec les plus célèbres maisons de couture et de parfumerie. Véritable joyau de notre territoire, le Musée international de la parfumerie, labellisé « Musée de France », consacré à la mémoire de la parfumerie, pose un regard sur le passé mais aussi sur le présent. Ce musée du xxie siècle participe au rayonnement de notre territoire et au développement du tourisme culturel. Depuis plus de deux siècles, les habitants de Grasse ont œuvré directement ou indirectement dans cette industrie, famille après famille. Puisse encore chacun d’entre vous prendre du plaisir en parcourant cette exposition à la rencontre de Paul Poiret, figure incontournable de la parfumerie du xxe siècle.

Preface

appreciate that heritage. Paul Poiret was a visionary who

The world has always been enthralled by French perfume.

revolutionized 20th century perfumery by associating couture

After its earliest days as a side-product when tanning hides,

with perfume. In Grasse today, our perfumers, industries and

perfumery developed from a skilled craft into a sophisticated

farmers continue to work with leading fashion houses and

industry, avoiding obstacles, resisting constraints, forever

perfumeries along the lines Poiret established a century ago.

transforming to adapt to the times. Changes have been

The International Perfume Museum is a rare gem, a certified

continuous, and those of the last thirty years have been

Musée de France. Devoted to the art and history of perfumery,

profound. Yet the people of Grasse, with their exceptional

it looks back over the past while also turning toward the future.

expertise in natural products, have enabled the perfume

This is a state-of-the-art museum, designed to enhance our

industry to withstand economic turbulence across time.

region’s reputation and encourage cultural tourism.

Certain landscapes are like people … and this land’s heritage,

For over two centuries, the people of Grasse have worked,

like our region’s extraordinary blessings, is one that commands

directly or indirectly, in the perfume industry, one family

respect. With the opening of the new International Perfume

after another. We hope that each and every one of you will

Museum in 2008, together with the building that houses it, an

enjoy this exhibition in honor of Paul Poiret, a key figure in

important milestone was reached for perfume, and for our

20th century perfumery.

Jean-Pierre Leleux Sénateur des Alpes-Maritimes Maire de Grasse Président de la communauté d’agglomération Pôle Azur Provence

region. The Grasse area and its inhabitants were offered a new vision of perfume and its industry. This is the legacy we

Jean-Pierre Leleux

have inherited from past generations and we will pass on to

Senator of the Alpes-Maritimes Department

those of the future.

Mayor of Grasse

This year’s summer exhibition, dedicated to Paul Poiret, the

President of the Pôle Azur Provence Agglomeration

first couturier-perfumer, allows us to better understand and

Community



7 Le Balcon Les Parfums de Rosine Designers Paul Poiret et Mario Simon Parfumeur Henri Alméras 1920, Paris Verre, métal Collection MIP, 2012.19.1 Ainsi que l’écrit Paul Poiret dans son ouvrage En habillant l’époque, ce parfum évoque son idylle avec Marthe, sa jolie voisine de la rue Auber, qui se tenait fréquemment à son balcon. Pour ce flacon, Mario Simon reprend l’idée de la grille entourant un buste féminin aux épaules arrondies. Le Balcon Parfums de Rosine Designers: Paul Poiret and Mario Simon Perfumer: Henri Alméras 1920, Paris Glass, metal MIP Collection, 2012.19.1 As Paul Poiret wrote in his work En habillant l’époque (Fashioning the Century), this perfume is an idyll to Marthe, the designer’s attractive neighbor on the rue Auber, who often stood on her balcony. For the bottle, Mario Simon repeated the idea of a railing surrounding a female bust with rounded shoulders.

AVANT-PROPOS « Confesseur et conseiller des reines de beauté, le couturier passe pour connaître tous les secrets de la séduction et toutes les recettes de la parure. Chaque femme se figure que s’il voulait se consacrer à elle, il se [sic] rendrait semblable à une divinité irrésistible. Aussi s’efforce-t-il [sic] de conquérir son attention et d’accaparer ses bonnes grâces. Et puis n’estelle pas toujours sensible à quelque différence de prix ? Ainsi comment voulez-vous que cet homme n’ait pas le jugement faussé sur sa propre valeur ? Il est adulé partout, et encensé comme un prince ; une ou deux victoires sur les cœurs et il se croira recherché pour ses mérites. La fortune vient-elle ? il exerce sur son entourage un ascendant facile et impose ses caprices avec sérénité. (Il vit dans un cadre factice, dans une atmosphère composée, où il perd facilement le sens.) Les parfums capiteux, mêlés aux effluves naturels qui remplissent le décor où il s’agite, le disposent à l’effervescence et au paroxysme. […] Adulé, flatté, sans cesse exposé à l’éloge et au dithyrambe, il peut concevoir une idée fausse de son pouvoir et de ses moyens. La fortune aidant, il devient facilement un pantin dupe de son prestige. […] » Tel est le regard de Paul Poiret posé dans Revenez-y (1932) sur son époque et sur l’art d’être couturier. Ce texte se suffit à lui-même ; aucun commentaire n’est nécessaire pour expliciter la gravité de ce constat lucide et sans ambages. Une autre époque aurait-elle pu porter Paul Poiret ? Une telle personnalité, doublée d’une acuité sensorielle si étendue, pourrait-elle être contemporaine et existerait-il donc aujourd’hui un Paul Poiret ? Cette exposition intitulée « Paul Poiret, couturier-parfumeur », complète les présentations faites du couturier ces dernières années à New York (2007) et à Moscou (2011) – où son activité de parfumeur, indissociable de sa mode, n’était pas évoquée à part entière –, et porte témoignage de son esprit libre, généreux, visionnaire et moderne. Cette exposition n’aurait pas été envisageable sans le concours de prêts privés inédits et publics que nous saluons très sincèrement.

Foreword

and means. Aided by fortune, he may easily become the

“As the beauty queen’s councilor and confessor, the

duped puppet of his own prestige.”

couturier knows every secret of seduction and every

This is how Paul Poiret saw his age and the art of being

recipe for finery. All women imagine that with his

a couturier in his second volume of memoirs, Revenez-y

devotion, they will become irresistible goddesses. So

(1932). His words speak for themselves; nothing

they try to win his attention and monopolize his good

additional is required to express the gravity of his lucid,

graces. After all, they are forever sensitive to price

unequivocal assessment. Could Paul Poiret have lived

differences. How do you expect the couturier not to

in another age? Could such a personality, his senses

have a false opinion of his own value? He is worshiped

so broad and keen, have existed today? Could such a

everywhere, and acclaimed as a prince. After winning

figure be contemporary?

over one or two female hearts, he believes his virtues

This exhibition, entitled “Paul Poiret, Couturier-Perfumer,”

are his lure. Could fortune be just around the corner?

completes the round of recent presentations of the

He exerts a ready ascendancy over his entourage and

couturier’s work in New York (2007) and Moscow (2011) –

imposes his whims with serenity. (His is an artificial world,

where his work as a perfumer was indissociable from

a compound atmosphere, in which bearings are easily

his fashion designs and the two were never seen

lost.) Intoxicating perfumes and the natural emanations

as separate entities. It testifies to his free spirit, his

pervading the décor, in which he restlessly moves, make

visionary generosity and his modernity. The exhibition

him inclined to ferment and extremes. …

would never have been possible without support from

Adulated, pandered to, constantly exposed to praise

private and public collections and we extend our

and eulogies, he may develop a false idea of his power

sincere gratitude to all.


8 Cette présentation s’inscrit, par ailleurs, dans un calendrier culturel européen 2013 des plus fastes, saluant l’entrée de la création dans le modernisme durant les deux premières décennies du xxe siècle. Outre les Dufy et Van Dongen présents au sein des collections permanentes du musée des Beaux-Arts de Nice, la récente création à Menton du musée JeanCocteau et l’exposition « Misia – Reine de Paris » (Le Cannet, musée Bonnard-Paris, musée d’Orsay) suivent notamment des « Croquis de Madeleine Vionnet » (Milan, musée Poldi Pezzoli), « Danser, se métamorphoser : petit voyage à travers la danse moderne » (conférence d’Anne Suquet, Vitry-sur-Seine, La Briqueterie), « No 5 Culture Chanel » (Paris, palais de Tokyo), « Fashioning Fashion. Deux siècles de mode européenne, 1700-1915 » (Paris, musée des Arts décoratifs), « Mannequin, le corps de la mode » (Paris, musée Galliera), « Eileen Gray » (Paris, Centre Georges-Pompidou), et enfin « Mythos Chanel » (Mettingen, Allemagne, Draiflessen Collection) qui honore la réputation de notre collection. « Quel beau souvenir j’ai de vous, et comme je le garde. » Sublime hommage intemporel d’une femme habillée de noir… à Poiret le Magnifique, qui ne manquait pas de souligner le 1er novembre 1913 : « Ma femme est l’inspiratrice de mes créations, elle incarne toutes mes convictions. » Catherine Parpoil Conservateur en chef Directeur des musées de Grasse

The exhibition is also part of a sumptuous European

“What a beautiful memory I have of you, and how dearly

program for culture in 2013 celebrating the role that

I hold onto it.” A sublime timeless tribute of a woman in

design began to play in modernism in the first two

black to Poiret the Magnificent, who, on November 1, 1913,

decades of the 20th century. Apart from the works of

wrote: “My wife inspires my creations, she embodies all my

Dufy and Van Dongen in the permanent collections of

convictions.”

the Musée des Beaux-Arts de Nice, the recent creation of the Musée Jean-Cocteau in Menton and the “Misia –

Catherine Parpoil

Queen of Paris” exhibition (Le Cannet, Musée Bonnard

Head Curator

– Paris, Musée d’Orsay) follow on from “The Sketches of Madeleine Vionnet” (Milan, Poldi Pezzoli Museum), “Dance and metamorphosis: a small journey through modern dance” (conference by Anne Suquet, Vitry-surSeine, La Briqueterie), “No 5 Culture Chanel” (Paris, Palais de Tokyo), “Fashioning Fashion: Two Centuries of European Fashion, 1700-1915” (Paris, Musée des Arts Décoratifs), “Model, the Body of Fashion” (Paris, Musée Galliera), “Eileen Gray” (Paris, Centre GeorgesPompidou) and finally “Mythos Chanel” (Mettingen, Germany, Draiflessen Collection), which honors the reputation of our collection.

Director of the Museums of Grasse


9

SOMMAIRE

/ Contents

10

Paul Poiret dans son époque

20

Paul Poiret, couturier-parfumeur : un empire

/ Paul Poiret and his era / Paul Poiret, the couturier-perfumer’s empire

Catherine Parpoil, conservateur en chef, directeur des musées de Grasse / Head Curator, Director of the Museums of Grasse Grégory Couderc, responsable scientifique, Musée international de la parfumerie / Scientific Director, International Perfume Museum

40

Paul Poiret, un précurseur

/ Paul Poiret: Pioneer

Anne Bony, historienne / historian

58

Le premier des couturiers parfumeurs : Paul Poiret (1879-1944)

/ The first couturier-perfumer: Paul Poiret (1879-1944)

Élisabeth de Feydeau, docteur en histoire et expert parfums / PhD in history and perfume expert

70

Les Parfums de Rosine, un vent de nouveauté

/ Les Parfums de Rosine, a breath of novelty

Isabelle Chazot, pour l’Osmothèque / staff member of the Osmothèque

86

Paul Poiret et Les Parfums de Rosine

/ Paul Poiret and Les Parfums de Rosine

Jean-Claude Ellena, parfumeur exclusif Maison Hermès / exclusive perfumer, Hermès

98

Le regard du collectionneur – Pourquoi j’aime Paul Poiret…

/ The Collector’s Eye – Why I love Paul Poiret …

George Stam, collectionneur / collector

108

Paul Poiret, la mode en plan large

/ Paul Poiret, the bigger picture of fashion

Florence Müller, historienne de la mode / fashion historian

122

Les Ateliers Martine ou le Paris viennois de Paul Poiret

/ The Ateliers Martine, or Paul Poiret’s Viennese Paris

Yves Badetz, conservateur en chef du patrimoine au musée d’Orsay / Head Curator of Cultural Heritage, Musée d’Orsay

140

Recettes

142

Remerciements

144

Bibliographie

/ Recipes / Acknowledgements

/ Bibliography


10

PAUL POIRET DANS SON ÉPOQUE

PAUL POIRET AND HIS ERA


11 Années 1860

1889

La maison Worth habille le Tout-Paris.

Guerlain lance Jicky, premier parfum utilisant des molécules de synthèse.

1872

Exposition universelle à Paris. Construction

Triomphe de Sarah Bernhardt dans Ruy Blas.

de la tour Eiffel.

1874-1886

Vers 1890

Expositions des peintres impressionnistes.

L’Art nouveau crée une rupture dans l’architecture et les arts décoratifs.

20 avril 1879 Naissance de Paul Poiret, rue des DeuxÉcus, près des Halles à Paris.

Les parfums à la mode sont basés sur les accords Chypre, fougère et héliotrope.

Été 1898 Dessinateur remarqué, Paul Poiret entre, rue de la Paix à Paris, dans l’équipe d’une des premières maisons de haute couture, celle de Jacques Doucet (1853-1929), créateur célèbre durant la Belle Époque. Une riche clientèle d’actrices et de femmes du monde s’y presse dont Réjane (18561920), Sarah Bernhardt (1844-1923) et la Belle Otéro (1868-1965). Il la quitte en 1900.

1891

1900

Années 1880

Ouverture de la maison de couture Jeanne

Exposition universelle et internationale à

Montée en puissance du couturier Jacques

Paquin (1869-1936), l’une des premières à

Paris.

Doucet, par ailleurs collectionneur épris du

avoir acquis une renommée internationale.

Paul Poiret crée le costume de L’Aiglon joué par Sarah Bernhardt.

siècle.

e

xviii

1893

Félix Millot lance Kantirix, dont le design est

1888

Réjane (1856-1920) triomphe dans le rôle-

réalisé par Hector Guimard (1867-1942).

Création du mouvement des Nabis.

titre de Madame Sans-Gêne.

Erik Satie compose ses trois Gymnopédies pour piano.

1860s

Erik Satie composes his three Gymnopédies

role in the popular historical comedy of the

La Maison Worth creates fashion designs

for piano.

period, Madame Sans-Gêne.

for the Parisian smart-set. 1889

Summer 1898

1872

Guerlain launches Jicky, the first perfume to

Recognized as an illustrator, Paul Poiret

Sarah Bernhardt triumphs in Victor Hugo’s

use synthetic molecules.

joins one of the leading haute couture

drama, Ruy Blas.

Universal Exposition in Paris. The Eiffel Tower

establishments, located on rue de la Paix

is built.

in Paris, that of Jacques Doucet (18531929), a famous creator during the Belle

1874-1886 The expressionist painters exhibit as a

Circa 1890

Époque. Doucet attracted a rich clientele

group.

Art Nouveau creates a revolution in

of actresses and society ladies including

architecture and the decorative arts.

Réjane (1856-1920), Sarah Bernhardt

20 April 1879

Fashionable perfumes are based on

(1844-1923) and La Belle Otéro (1868-

Birth of Paul Poiret, rue des Deux-

combinations of cyprus, fern and heliotrope.

1965). He would resign in 1900.

Écus, near Les Halles in Paris. 1891

1900

1880s

Opening of the Jeanne Paquin (1869-1936)

Universal Exposition in Paris.

Rise of the couturier Jacques Doucet, also

fashion house, one of the first to acquire

Paul Poiret creates the costume of L’Aiglon

a collector of 18th century art.

international renown.

played by Sarah Bernhardt. Félix Millot launches Kantirix, designed by

1888

1893

Creation of the Nabis movement.

Réjane (1856-1920) triumphs in the lead

Hector Guimard (1867-1942).


12 Hiver 1901 Paul Poiret entre chez Worth, grande maison de couture fondée par Charles Frederick Worth (1825-1895), également située rue de la Paix. Il en part en 1903. Vers 1902 Création de La Ruche à Montparnasse, plaque tournante artistique de la modernité. Septembre 1903 Création de La Maison de couture Paul Poiret au 5, rue Auber, dans le quartier de La Madeleine. 1904 François Coty (1874-1934) crée La Rose Jacqueminot.

Winter 1901 Paul Poiret joins Worth, the great fashion house founded by Charles Frederick Worth (1825-1895), also on the rue de la Paix, resigning in 1903.

Circa 1902 Creation of La Ruche in Montparnasse, the artistic nerve center of modernity.

September 1903 Paul Poiret (1879-1944) Boris Lipnitzki 1922, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2825 Paul Poiret (1879-1944) Boris Lipnitzki 1922, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2825

Creation of La Maison de Couture Paul Poiret, 5 rue Auber, in the La Madeleine district. 1904 François Coty (1874-1934) creates the perfum, La Rose Jacqueminot.


13 1905 Les peintres fauves, dont Matisse (18691954), Derain (1880-1954) et Vlaminck (18761958), font scandale au Salon d’automne.

5 octobre 1905 Paul Poiret épouse Denise Boulet qui devient sa muse.

Hôtel de la Couture. Paris, 26, avenue d’Antin Boris Lipnitzki 1923, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2790 Paul Poiret et ses trois enfants, Martine, Colin et Perrine (à gauche) ; sa sœur Nicole Groult et ses deux filles (au centre) Boris Lipnitzki 1930, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2793 Paul Poiret and his three children, Martine, Colin and Perrine (left); his sister, Nicole Groult and her two daughters (center) Boris Lipnitzki 1930, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2793

Mars 1906 La maison s’installe au 37, rue Pasquier, proche de La Madeleine. Cette même année, Paul Poiret abandonne le corset. Octobre 1906 Naissance de Rosine, sa première fille.

Hôtel de la Couture. Paris, 26, avenue d’Antin Boris Lipnitzki 1923, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2790

1905 The fauvists, including Matisse (1869-1954), Derain (1880-1954) and Vlaminck (18761958), cause controversy at the Salon d’Automne (Autumn Fair). October 5, 1905 Paul Poiret marries Denise Boulet, who becomes his muse. March 1906 The establishment moves to 37, rue Pasquier, near La Madeleine. That same year, Paul Poiret abandons the corset. October 1906 Birth of Rosine, his first daughter.


14 1907 François Coty lance L’Effleurt. Pablo Picasso (1881-1973) peint Les Demoiselles d’Avignon : le cubisme est en marche. 1907-1908 Maurice Ravel (1875-1937) compose Rapsodie espagnole.

1908 Paul Iribe (1883-1935) illustre l’album Les Robes de Paul Poiret : première collaboration avec le couturier. 1909 Arrivée des Ballets russes à Paris : compagnie avant-gardiste dirigée par Serge de Diaghilev (1872-1929), et menée par un Vaslav Nijinski (1889-1950) bondissant.

1907 Ensemble : manteau, robe, coiffe et collier Paul Poiret Premier quart du xxe siècle, Paris Soie, velours, coton, fourrure, métal, pierre Collection Roseline Bacou Ensemble: overcoat, dress, hat and choke collar Paul Poiret First quarter of 20th century, Paris Silk, velvet, cotton, fur, metal, semiprecious stones Roseline Bacou Collection

François Coty launches L’Effleurt. Pablo Picasso (1881-1973) paints Les Demoiselles d’Avignon: Cubism is in full sway. 1907-1908 Maurice Ravel (1875-1937) composes Spanish Rhapsody. 1908 Paul Iribe (1883-1935) illustrates the album entitled Les Robes de Paul Poiret (The Dresses of Paul Poiret), his first collaboration with the couturier.

Carte parfumée Les Parfums de Rosine 1914-1928, Paris Carton GC Collection Perfumed card Parfums de Rosine 1914-1928, Paris Cardstock GC Collection

1909 Arrival in Paris of the Ballets Russes, the avant-garde dance troupe directed by Serge de Diaghilev (1872-1929), and led by a sprightly Vaslav Nijinsky (1889-1950).


15 Octobre 1909 Installation avenue d’Antin. Paul Poiret y acquiert un hôtel particulier du xviiie siècle, le transforme et le décore. Les salons donnent sur un jardin qui devient bientôt cadre de fêtes inédites. Ses appartements du 107, rue du Faubourg-Saint-Honoré communiquent avec sa maison de couture. 1910 Premières œuvres abstraites de Wassily

1911 Condisciple de Braque, de Marie Laurencin et de Picabia, Georges Lepape (1887-1971) illustre Les Choses de Paul Poiret.

1911 Extension de la maison à deux créations supplémentaires et complémentaires : Les Parfums de Rosine et les Ateliers Martine, ces derniers étant dédiés à la décoration.

Kandinsky (1866-1944) et Kazimir Malevitch (1879-1935). Chez Poiret Les Parfums de Rosine Designers Paul Poiret et Georges Lepape Parfumeur Maurice Schaller 1912, Paris Verre, carton, papier GS Collection

Paul Poiret et Raoul Dufy (1877-1953) ouvrent

Portant le nom d’une robe de la collection printemps 1912, Chez Poiret se pare d’un flacon rappelant les luxueux poufs ou coussins répartis dans les salons de couture de Paul Poiret. Le conditionnement s’inspire d’une boîte à chapeau agrémentée d’une étiquette reprise de l’album Les Choses de Paul Poiret vues par Georges Lepape.

mouvement Art déco naissant.

La Petite Usine, atelier d’impression textile.

24 juin 1911 Paul Poiret convie le Tout-Paris à sa première grande fête intitulée La Mille et Deuxième Nuit.

Vers 1910 Retour d’une certaine géométrie dans l’architecture et les arts décoratifs avec le

1911-1912 Tournée en Europe : Berlin, Bruxelles, Moscou, Saint-Pétersbourg, Vienne.

October 1909

1911

Paul Poiret sets up home on the avenue

A fellow student of Braque, Marie Laurencin

Chez Poiret Parfums de Rosine Designers: Paul Poiret and Georges Lepape Perfumer: Maurice Schaller 1912, Paris Glass, cardboard, paper GS Collection

d’Antin, where he buys, renovates and

and Picabia, Georges Lepape (1887-1971)

decorates an 18th century mansion. With

illustrates Les Choses de Paul Poiret (Paul

its galleries overlooking the garden,

Poiret’s Things).

Chez Poiret was originally the name of a dress from the 1912 spring collection. The Chez Poiret bottle is redolent of the luxurious pouffes and cushions adorning Paul Poiret’s couture rooms. The packaging was inspired by a hat box decorated with a label taken from the album Les Choses de Paul Poiret Vues par Georges Lepape (Paul Poiret’s Things as Seen by Georges Lepape)

the grounds become the setting for memorable parties. His apartments,

1911

107 rue du Faubourg Saint-Honoré,

The fashion house expands to encompass

communicate with his fashion house.

two new and complementary activities: the perfumery, Parfums de Rosine,

1910

and the interior decoration studio,

First abstract works by Wassily Kandinsky

Les Ateliers Martine.

(1866-1944) and Kazimir Malevitch (18791935).

June 24, 1911

Paul Poiret and Raoul Dufy (1877-1953) open

Paul Poiret invites the elite of Paris

La Petite Usine, a textile printing workshop.

society to his first major party, La Mille et Deuxième Nuit (The Thousand

Circa 1910

and Two Nights).

The return of geometry to architecture and decorative arts with the nascent Art Deco

1911-1912

movement.

European tour: Berlin, Brussels, Moscow, Saint Petersburg and Vienna.


16 Invitation pour les Festes de Bacchus Guy-Pierre Fauconnet 1912, Paris Musée municipal Alfred-Bonno, Chelles

1912

Pour les Festes de Bacchus au pavillon du Butard à Versailles, Paul Poiret convie ses invités costumés d’après la mythologie grecque peuplée de dieux, de naïades et autres satyres. Isadora Duncan s’y est produite au petit matin, au côté de Poiret en Jupiter, sur une aria de Bach parmi trois cents personnes qui éclusèrent pas moins de neuf cents bouteilles de champagne.

Isadora Duncan (1877-1927), célèbre

Invitation for the Festes de Bacchus (Feasts of Bacchus) Guy-Pierre Fauconnet 1912, Paris Musée Municipal Alfred-Bonno, Chelles For the Festes de Bacchus at the Butard Pavilion in Versailles, Paul Poiret invited guests to a Greek mythology costume party, replete with gods, naiads and satyrs. In the early hours, Isadora Duncan performed alongside Poiret as Jupiter to a Bach aria before three hundred people, who consumed no less than nine hundred bottles of champagne.

Guerlain lance L’Heure Bleue. Madeleine Vionnet (1876-1975) ouvre sa maison de couture. danseuse américaine aux tenues néogrecques, participe aux Festes de Bacchus organisées par Paul Poiret.

1913 Tournée triomphale aux États-Unis. 1913 Le Sacre du printemps d’Igor Stravinski (18821971) fait scandale.

1914 Début de la Première Guerre mondiale. 1914 Mobilisation pendant la Première Guerre mondiale.

1912 Guerlain launches L’Heure Bleue. Madeleine Vionnet (1876-1975) opens her fashion house. Isadora Duncan (1877-1927), the famous American dancer with her neo-Greek costumes, takes part in the Festes de Bacchus (Feasts of Bacchus), organized by Paul Poiret. Pièce de théâtre La Vagabonde de Colette, avec Colette, Paul Poiret et le mannequin Renée ou Ninon Gilles Boris Lipnitzki Février 1927, Paris (théâtre de l’Avenue ?) Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2827 La Vagabonde by Colette, with Colette, Paul Poiret and the model Renée, a.k.a. Ninon Gilles Boris Lipnitzki February 1927, Paris (Théâtre de l’Avenue?) Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2827

1913 Triumphal tour of the United States. 1913 Le Sacre du Printemps (The Rite of Spring) by Igor Stravinsky (1882-1971) causes controversy. 1914 Start of the First World War. 1914 Drafted during the First World War.


17 Juillet 1916 Première présentation publique des Demoiselles d’Avignon dans les salons de Paul Poiret. 1917 Erik Satie (1866-1925) et Pablo Picasso s’allient autour d’un texte de Jean Cocteau (1889-1963) pour donner le ballet Parade, qualifié de surréaliste par Guillaume Apollinaire (1880-1918). 1918 Signature de l’armistice. Fin de la Première Guerre mondiale. Leonetto Cappiello (1875-1942) modernise l’affiche promotionnelle avec l’appui de l’éditeur Devambez. 1919 Nouvelles collections de haute couture, mais la guerre a bouleversé le statut et

les goûts de la femme moderne. Paul Poiret crée dans le jardin de sa demeure l’Oasis, dôme gonflable destiné à présenter d’autres fêtes, toujours plus étonnantes et plus coûteuses. 1921 Gabrielle Chanel, qui a ouvert sa boutique en 1910, lance son premier parfum : No 5. 1923 Premières difficultés financières. La maison doit s’ouvrir à des capitaux extérieurs. 1924 Manifeste du surréalisme par André Breton (1896-1966). Fin 1924 La maison déménage au Rond-Point des Champs-Élysées.

1925 Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels à Paris. Le décorateur André Groult (1884-1967) propose du mobilier garni de galuchat. Sa femme Nicole (1887-1967), dessinatrice de mode et amie de Marie Laurencin (18831956), est sœur de Paul Poiret. Guerlain crée Shalimar. 1925 Exposition des Arts décoratifs. Présentation de l’ensemble de ses activités sur trois péniches amarrées sur la Seine : Amours, Délices, Orgues. Novembre 1925 Paul Poiret est contraint de vendre aux enchères sa collection de tableaux. Le catalogue (1923) de cet ami des artistes, et des peintres en particulier, présente quarante-cinq œuvres contemporaines.

July 1916

In the garden of his home, Paul Poiret

1925

First public unveiling of Les Demoiselles

creates the Oasis, an inflatable dome,

International Exhibition of Decorative and

d’Avignon in Paul Poiret’s gallery.

to host ever more imaginative and costly

Industrial Arts in Paris.

parties.

The decorator André Groult (1884-1967)

1917

produces galuchat furniture. Groult’s wife,

Erik Satie (1866-1925) and Pablo Picasso

1921

draw inspiration from a text by Jean Cocteau

Gabrielle Chanel, who opened her boutique

friend to Marie Laurencin (1883-1956), is Paul

(1889-1963) to create the ballet, Parade,

in 1910, launches her first perfume: N 5.

Poiret’s sister.

Nicole (1887-1967), fashion illustrator and o

labeled “surrealist” by the poet Guillaume Apollinaire (1880-1918). 1918

Guerlain creates Shalimar. 1923 First financial difficulties. The fashion

1925

house seeks outside investment.

International Exhibition of Decorative and Industrial Arts in Paris. Poiret presents his

Signing of the armistice. End of the First World War.

1924

three sectors of activity on three barges

Leonetto Cappiello (1875-1942) modernizes

The Manifeste du surréalisme (Surrealist

moored on the Seine, called Amours,

the promotional poster with support from

Manifesto) by André Breton (1896-1966) is

Délices and Orgues.

publisher Devambez.

published. November 1925

1919

End 1924

Paul Poiret, friend to many artists,

Poiret produces a series of new haute

The fashion house moves to the Rond-

especially painters, is forced to auction his

couture collections, but war has radically

Point des Champs-Élysées.

painting collection. The catalogue (1923)

changed the modern woman’s status and tastes.

features forty-five contemporary works.


18 Automne 1926 Il joue avec l’écrivain Colette (18731954) dans la pièce de théâtre de cette dernière, La Vagabonde. 1927 Elsa Schiaparelli (1890-1973) ouvre à Paris son premier magasin et collabore avec les artistes surréalistes tels Salvador Dalí (1904-1989), Jean Cocteau et Alberto Giacometti (19011966). Jeanne Lanvin (1867-1946), amie de Paul Poiret, lance son premier parfum Arpège. 1928 Fidèle à Devambez, Paul Poiret fait éditer Pan, Annuaire du luxe à Paris, illustré de 116 planches des plus grands artistes de l’époque. Poiret s’éloigne, Chanel arrive, texte de Cocteau.

1929 Krach boursier de Wall Street, New York. Jean Patou lance Joy. Automne 1929 La crise économique engloutit l’ensemble de ses activités. La société ferme en fin d’année. 1930-1944 Hormis de nombreuses tentatives de retour en haute couture, Paul Poiret se consacre à l’écriture, à la peinture et au théâtre.

1934 Caron lance Pour un Homme. 1937 Schiaparelli lance Shocking.

1939 Début de la Seconde Guerre mondiale. 1944 Après s’être retiré à Cannes, Paul Poiret meurt seul et ruiné.

Années 1930 Création du paquebot Normandie : André Groult participe à la décoration intérieure.

Autumn 1926

1929

1937

Poiret performs alongside Colette (1873-

Crash of Wall Street stock exchange,

Schiaparelli introduces Shocking.

1954), in a theatrical work penned by the

New York.

latter, La Vagabonde (The Vagabond).

Jean Patou launches Joy.

1939 Start of the Second World War.

1927

Autumn 1929

Elsa Schiaparelli (1890-1973) opens her first

The recession swallows up most of his

1944

store in Paris and collaborates with surrealist

activities. The company goes bankrupt at

After retiring to Cannes, Paul Poiret dies

artists such as Salvador Dali (1904-1989),

the end of the year.

alone, a ruined man.

Jean Cocteau and Alberto Giacometti (19011966).

1930-1944

Paul Poiret’s friend Jeanne Lanvin (1867-

Despite many attempts to return to haute

1946) launches her first perfume, Arpège.

couture, Paul Poiret devotes himself to writing, painting and theater.

1928 Faithful to Devambez, Paul Poiret publishes

1930s

the Paris luxury goods directory, Pan,

Creation of the cruise liner Normandie: André

Annuaire du Luxe à Paris, illustrated by

Groult contributes to the interior decoration.

116 plates from the greatest artists of the time. Poiret s’éloigne, Chanel arrive, (Poiret is

1934

passing, Chanel is coming) by Cocteau.

Caron launches Pour un Homme.


19

Paul Poiret en train de peindre son autoportrait Boris Lipnitzki Mai 1926, Paris Tirage au gÊlatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2826 Paul Poiret painting his self-portrait Boris Lipnitzki May 1926, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2826


20

PAUL POIRET, COUTURIERPARFUMEUR : UN EMPIRE CATHERINE PARPOIL GRÉGORY COUDERC

PAUL POIRET, THE COUTURIERPERFUMER’S EMPIRE


21 — « En habillant l’époque » Rares sont les créateurs de mode qui s’impliquent autant que le fit Paul Poiret dans l’innovation et l’étendue des possibilités qu’offrent alors les arts appliqués. Révélé durant la Belle Époque, doté d’une curiosité, d’une inventivité et d’une audace illimitées que sert une aisance financière confortable, « le Magnifique » règne sur la mode, donc sur Paris. Porté par l’émulation artistique du moment, au cœur de l’activité mondaine tourbillonnante qu’entretient la capitale, il s’enthousiasme pour le théâtre, les Ballets russes, la musique et la peinture. Un vent de liberté, de modernité, de couleur et de gaieté souffle dans sa maison de couture d’où ne sortent plus aucun corset ni aucune dentelle, au profit d’un style épuré. Premier couturier à lancer sa maison de parfumerie Les Parfums de Rosine (1911), il ne cesse de penser et d’intégrer la mode dans l’espace, donc dans l’art de vivre. Il est réputé pour ses fêtes somptueuses, complices des années folles, et pour lui tout est décor, tout est audace, tout est possible. Cet homme de communication avant l’heure construit sa mode avec le concours d’artistes peintres et d’illustrateurs reconnus. La publicité qu’il fait de ses parfums pousse au rêve. Adulé, riche et célèbre, le « King » de cette foisonnante période Art déco quitte pourtant le monde en 1944, seul et ruiné. « Je suis Parisien du cœur de Paris. » Ainsi commence l’autobiographie de Paul Poiret En habillant l’époque (1930). Né en 1879 de parents commerçants en draps, il manifeste très rapidement des dons pour le dessin et fréquente régulièrement le théâtre avec sa grand-mère. C’est en travaillant chez un marchand de parapluies qu’il a la chance de rencontrer les couturiers célèbres qui commencent à se disputer ses dessins. Il se familiarise (1898-1900) avec les impératifs structurels de la création de vêtements chez le grand couturier et collectionneur Jacques Doucet, puis entre chez Worth (1901-1903) dans l’atmosphère d’une maison de couture attachée aux traditions. À cette période, Paul Poiret fait scandale avec des robes simples ou bien avec des manteaux composés de draps de laine simplement repliés, en — “Fashioning the Century”

painters and illustrators. The advertising he devised for

Rare are those creators equally as involved as Paul

his perfumes set people dreaming. Adulated, rich and

Poiret in innovation and all the possibilities offered by the

famous, the “King” of this creatively abundant Art Deco

applied arts. Revealed during the Belle Époque, gifted

period died in 1944, alone, a ruined man.

with boundless curiosity, inventiveness and audacity, aided by his comfortable affluence, “le Magnifique” ruled

“I was born Parisian in the heart of Paris.” Thus begins

the world of fashion, i.e. Paris. Borne along by the artistic

Paul Poiret’s autobiography, En Habillant l’Époque

tide and caught up in the social whirl of Parisian high

(Fashioning the Century) [1930]. Born in 1879 to a cloth

society, he had a love of theater, the Ballets Russes, music

merchant, he soon showed talents for drawing and

and painting. His establishment, pervaded by an air of

regularly attended the theatre with his grandmother. As

freedom, modernity, color and cheer, stopped producing

an apprentice to an umbrella maker he had the chance

corsets and lace and sought out refinement. Poiret was

to meet famous couturiers who started vying for his

the first couturier to launch his own perfumery, Parfums

illustrations. From 1898-1900, he had his first experience

de Rosine (1911), and his mind was constantly striving

of the structural demands of garment design, working

to integrate fashion into space, and thus into the art of

for the great couturier and collector, Jacques Doucet,

living. His sumptuous parties were famous, a beacon

before joining the House of Worth (1901-1903), with its

of the Roaring Twenties. To him, everything was décor,

penchant for tradition. During his time there, Paul Poiret

everything was audacity and everything was possible. He

caused controversy by creating simple, practical dresses

was a public relations man, ahead of the public relations

and overcoats composed of sections of woolen cloth

age, and designed his work with the help of famous artists,

simply folded over on themselves in total opposition to his


22

Laquelle ?, mobile publicitaire Paul Poiret Designer Georges Lepape 1913, Paris Tôle peinte GS Collection

Laquelle? advertising figurine Paul Poiret Designer: Georges Lepape 1913, Paris Painted sheet metal GS Collection

Ensemble : robe, ornement de tête et collier Paul Poiret Premier quart du xxe siècle, Paris Soie, broderie, métal, perle, spécimen naturalisé Collection Roseline Bacou

Ensemble: dress, headband and choke collar Paul Poiret First quarter of the 20th century, Paris Silk, embroidery, metal, beads, stuffed piece Roseline Bacou Collection


23 Paul Poiret grandit parmi les femmes Les trois sœurs de Paul Poiret connaissent elles aussi des destins incroyables. Jeanne Boivin est à la tête d’une des plus importantes maisons de joaillerie des années 1930. Nicole Groult, épouse d’André Groult, décorateur et créateur d’un des appartements de luxe du paquebot Normandie, ouvre sa maison de couture dès 1909. Germaine Bongard se lance dans la couture dès 1912 en créant la maison Jove-Bongard.

Paul Poiret – a boy among girls Paul Poiret’s three sisters also had impressive careers. Jeanne Boivin ended up at the head of one of the largest jewelry establishments of the 1930s. Nicole Groult, wife of André Groult, the decorator and creator of the luxury apartments of the Normandie cruise liner, opened her own fashion house in 1909, while Germaine Bongard also went into haute couture in 1912, creating the Maison Jove-Bongard.


24 opposition totale avec sa formation classicisante. Inventif, audacieux et sûr de son talent, il inaugure sa propre maison de couture en 1903, rue Auber. En habillant la comédienne Réjane, il emporte rapidement la curiosité et l’adhésion du Tout-Paris, ce qui lui permet d’asseoir une notoriété grandissante qu’il n’hésite d’ailleurs pas à afficher : de la rue Pasquier (1906), Paul Poiret passe au somptueux hôtel particulier de l’avenue d’Antin (1909). — La « révolution » Poiret Dès le début de sa carrière, Paul Poiret rompt avec les vêtements corsetés de la Belle Époque qui contraignent la femme dans une silhouette cambrée. Totalement immergé dans une société largement ouverte à la modernité dans cette première décennie du xxe siècle, il exprime avec gourmandise son goût de vivre sans cesse servi par une inventivité débordante en tout domaine. C’est à partir de 1906 qu’il révolutionne la mode avec des robes aux couleurs vives, à taille haute remontée sous la poitrine, libérant le corps du corset tout en le pensant dans l’espace et le mouvement. Ses fourreaux, si étroits du bas, donnent aux femmes qui doivent marcher à petits pas une tout autre allure, la sienne. Inspiré par le Directoire, puis déclinant le répertoire orientalisant que le triomphe des Ballets russes (1909) déverse à Paris, Paul Poiret habille la femme en sultane, portant turban à aigrette, manteau de soierie et jupe-culotte bouffante. Dès 1911, ses tuniques en forme d’abat-jour connaissent un succès considérable, tel le modèle Sorbet envié par le Tout-Paris lors de ses fêtes. La vie est alors un théâtre permanent où l’individu se met en scène et s’amuse, pour le plus grand plaisir des créateurs qui jouent des matières et des couleurs les plus époustouflantes. Au même moment, deux autres personnalités laissent leur empreinte : l’Espagnol Mariano Fortuny (1871-1949), que ses soies et plissés remarquables rendent célèbre, et la danseuse américaine Isadora Duncan (1877-1927), dont les effets chorégraphiques doivent beaucoup à ses longues tenues fluides néogrecques.

traditional training. Inventive, audacious and confident of

meant that women had to walk with small steps and gave

his talent, he opened his own fashion house in 1903 on rue

a completely different appearance, his own trademark

Auber. When he dressed the renowned actress Réjane,

vision.

he kindled the curiosity of the Paris smart-set and won

He first drew inspiration from the Directoire style, then

their hearts, thus providing the foundation for his growing

worked on eastern repertoires in the wake of the triumph

reputation, a renown he was also eager to display: from

of the Ballets Russes in Paris (1909). Paul Poiret dressed

rue Pasquier (1906), Paul Poiret moved to a sumptuous

women as sultanas, wearing aigrette-adorned turbans,

mansion on the avenue d’Antin (1909).

silk overcoats and bloomers. From 1911, his “lampshade” tunics met with considerable success, such as the Sorbet

— The Poiret “revolution”

model that was the envy of the Paris beau monde at

Right at the start of his career, Paul Poiret made a break

parties. Life was a permanent spectacle where people

from Belle Époque corsets and the restrictive, arched

became social performers and enjoyed themselves,

silhouette they imposed on women. Immersing himself

leaving creators only too happy to play with the most

in early 20th-century society now open to modernity,

astonishing textures and colors. At the same time,

he hungrily expressed his taste for life, driven on by his

two other personalities were also making their mark:

overflowing inventiveness in all domains. From 1906, he

the Spanish designer Mariano Fortuny (1871-1949),

revolutionized fashion with lively colored dresses with

famous for his silks and remarkable pleats, and the

high waistlines just under the bust, freeing up the body

American dancer Isadora Duncan (1877-1927), whose

from the corset and allowing it to express itself in space

choreographic effects owed much to her long, flowing

and movement. His fur coats, so narrow at the hemline,

neo-Greek outfits.


25

La parfumerie avant Les Parfums de Rosine

Perfume before Parfums de Rosine

Ce n’est qu’à partir des années 1850, avec la révolution industrielle, l’expansion des territoires et le développement des moyens de transport, que la parfumerie entre dans l’ère moderne. S’impose dès lors l’industrialisation de la création des jus, de la production de verre et de l’impression des étiquettes. Apparaissent de nouvelles molécules issues de la chimie. Se développe l’importation de matières premières en provenance des pays lointains. Enfin, se mettent en place une distribution et une communication nouvelles autour du parfum. La parfumerie française reçoit ses lettres de noblesse par des récompenses remises aux maisons telles L.T. Piver, Houbigant, Ed. Pinaud, Lubin, Guerlain ou Félix Millot, lors de manifestations internationales comme les Expositions universelles. La première étape ouvrant le champ de la parfumerie du xxe siècle est marquée par Kantirix (1900) de Félix Millot, avec un flacon Art nouveau, d’une esthétique novatrice, créé par Hector Guimard (1867-1942). Le flacon s’impose dès lors comme œuvre d’art à part entière et non plus comme seul contenant utilitaire. La deuxième émane de la collaboration entre le verrier René Lalique (1860-1945) et le parfumeur François Coty (1874-1934) dont résultent des œuvres d’une grande qualité grâce à des procédés mécaniques. La troisième revient à Paul Poiret, qui allie l’univers de la couture à celui de la parfumerie.

It was only from the 1850s, with the Industrial Revolution, colonial expansion and the development of transport that perfumery entered the modern era. Infusion and distillation were industrialized, along with glass production and label printing. New molecules from the world of chemistry were introduced, the importation of natural raw materials from faraway lands grew, and new distribution networks and communication techniques for perfume were also developed. French perfumery built up a reputation thanks to establishments such as L.T. Piver, Houbigant, Ed. Pinaud, Lubin, Guerlain and Félix Millot at international shows such as the universal expositions. The first key moment in opening up the field of perfumery to the 20th century was Kantirix (1900) by Félix Millot, with its aesthetically innovative Art Nouveau perfume bottle created by Hector Guimard (1867-1942). No longer simply a utilitarian container, the perfume bottle now became a work of art in its own right. The second moment came with the collaboration between the glassmaker René Lalique (1860-1945), and the perfumer François Coty (1874-1934); together they produced high quality works using mechanized techniques. The third was the brainchild of Paul Poiret, when he combined the world of couture with that of perfumery.


26

Étude de robes pour Poiret Raoul Dufy 1916-1919, France Gouache sur papier Musée des Tissus de Lyon, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris, AM 2923 D 497

Study for Poiret Dresses Raoul Dufy 1916-1919, France Gouache on paper Musée des Tissus de Lyon, deposited by the Centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne, Paris, AM 2923 D 497

Planche La Parisienne Bernard Boutet de Monvel 1913, Paris Papier Collection MIP, 08 87

La Parisienne plate Bernard Boutet de Monvel 1913, Paris Paper MIP Collection, 08 87


27

Modèle Paul Poiret Frères Seeberger 1921, Paris Papier Bibliothèque nationale de France, Fonds Seeberger, 21751

Paul Poiret model Seeberger Brothers 1921, Paris Paper Bibliothèque Nationale de France, Seeberger Collection, 21751

Modèle Paul Poiret Frères Seeberger 1920, Paris Papier Bibliothèque nationale de France, Fonds Seeberger, 20706

Paul Poiret model Seeberger Brothers 1920, Paris Paper Bibliothèque Nationale de France, Seeberger Collection, 20706


28 — Les Parfums de Rosine Au printemps 1911, Paul Poiret fonde sa propre maison de parfumerie Les Parfums de Rosine, prénom de sa fille aînée. Ainsi devient-il le premier couturier à commercialiser ses parfums, pour lesquels il a de grandes ambitions artistiques. Il cherche de nouvelles sources et s’adjoint les services des meilleurs artistes pour accompagner cette mise en œuvre totalement novatrice et coûteuse. Ses inspirations reposent sur trois thèmes favoris ancrés dans la contemporanéité : l’orientalisme ; l’histoire et le patriotisme ; les arts, la littérature et le théâtre. D’emblée il affirme que la présentation du parfum repose sur cinq éléments indissociables : le nom, le flacon, l’étiquette, la boîte et les ornements additionnels. Ces clés fondamentales portent la fragrance et sont à l’image de l’identité même du parfum accompagné d’un texte de Boutet de Monvel. En cette matière aussi Paul Poiret se montre un formidable communiquant. Le commerce ouvre au 107, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le même ensemble de bâtiments que sa maison de couture du 26, avenue d’Antin. En revanche, les fragrances des Parfums de Rosine sont produites par la maison Rallet à Cannes-la-Bocca, filiale des Établissements Chiris à Grasse (1768-1967 rachat), avec Henri Alméras comme principal parfumeur. La création des flacons est confiée à différents artistes tels que George Lepape, Julien Viard ou Mario Simon. Ensuite c’est au sein de l’usine de Courbevoie que s’effectuent l’assemblage, le remplissage puis le conditionnement des produits finis. Cette initiative de Paul Poiret est un tel succès que François Coty lui fait une offre de rachat (1913). L’entretien fut bref et sans suite. — Les Ateliers Martine et les Ateliers Colin Lors de ses tournées en Europe, et notamment à Vienne, Paul Poiret est impressionné par les Wiener Werkstätte, ateliers de production d’ameublement, issus de la Sécession viennoise (1892-1906), dont l’engagement premier consiste à mettre l’esthétique à la portée de chacun, en conciliant l’artisanat et les arts majeurs. — Parfums de Rosine

Parfums de Rosine were produced by Rallet in Cannes-

In spring 1911, Paul Poiret founded his own perfumery

la-Bocca, a subsidiary of the Établissements Chiris in

establishment Parfums de Rosine, named after his eldest

Grasse (1768-1967, before they were sold), with Henri

daughter, and in so doing, became the first couturier to

Alméras as the head perfumer. The creation of perfume

sell perfume. Driven by his artistic ambitions, he sought

bottles was assigned to various artists such as George

out new sources and called upon the finest artists to

Lepape, Julien Viard and Mario Simon. The perfumes

assist his totally innovative and costly enterprise. His

were then assembled, bottled and packaged at the

inspiration was based on three favorite themes firmly

Courbevoie factory.

anchored in modern life: Orientalism, history and

Paul Poiret’s vision was such a success that François Coty

patriotism, and the arts, literature and theater. From the

offered to buy him out (1913). The meeting between the

outset he believed, perfume presentation involved five

two was short and led to no further developments.

indissociable features: the name, the bottle, the label, the box and additional ornamentation. These aspects

— Ateliers Martine and Ateliers Colin

provided the essential foundation of the fragrance and,

During his European tours, especially in Vienna, Paul

accompanied by a text by Boutet de Monvel, formed the

Poiret was impressed by the Wiener Werkstätte furniture

image of the perfume. Once again, Paul Poiret proved

workshops which emerged from the Viennese Secession

himself a formidable communicator.

(1892-1906). The workshops’ main goal was to bring

His business opened at 107, rue du Faubourg

aesthetics to all by combining craftsmanship and artistry.

Saint-Honoré, in the same building complex as his

From 1911, the couturier founded his own decoration

fashion house, 26 avenue d’Antin. Fragrances for

business, Ateliers Martine – named after his second


29

Avenue du Bois Les Parfums de Rosine 1912, Paris Verre, carton, papier GS Collection

Avenue du Bois Parfums de Rosine 1912, Paris Glass, cardboard, paper GS Collection

En prenant le nom de cette avenue menant au bois de Boulogne, la fragrance rend hommage aux élégantes de la Belle Époque qui empruntaient cette promenade bordée de très belles demeures dont celle de Jacques Doucet, célèbre couturier. En 1929, cette voie fut rebaptisée avenue Foch.

Lined with beautiful residences, including that of the famous couturier, Jacques Doucet, the Avenue du Bois led into the Bois de Boulogne on the western outskirts of Paris. The fragrance is a tribute to the fashionable ladies of the Belle Époque who would stroll along the avenue. In 1929, the avenue was renamed Avenue Foch.

Flacon Les Parfums de Rosine Designer Ateliers Martine 1912-1920, Paris Verre Collection MIP, 05 525 Bottle Parfums de Rosine Designer: Ateliers Martine 1912-1920, Paris Glass MIP Collection, 05 525


30 Dès 1911, le couturier fonde sa propre maison de décoration, les Ateliers Martine – prénom de sa deuxième fille –, qui regroupe une école et un studio de création. L’école accueille une quinzaine de jeunes filles d’origine modeste, invitées à s’exprimer librement avec les pinceaux et les papiers mis à leur disposition. Paul Poiret et son directeur Guy-Pierre Fauconnet sélectionnent les meilleurs dessins et les adaptent sous forme de tissus, papiers peints, tapis, éventails, verreries peintes à la main, vaporisateurs, etc. Raoul Dufy collabore pour la création de certains motifs. S’élabore ainsi un style simple et naïf, inspiré de la nature. Cette démarche est révolutionnaire en raison de son caractère égalitaire et de la place qu’elle accorde à la fraîcheur, à la naïveté et à la spontanéité. Les Ateliers Martine attirent des clients prestigieux tels qu’Isadora Duncan ou Kees Van Dongen (1877-1968). Enfin, ils participent à des projets très médiatisés dont le salon de beauté d’Helena Rubinstein, la suite Chantilly sur le paquebot Île-de-France, ou bien encore la scénographie de pièces de théâtre et de films. Omniprésent en matière de communication, Paul Poiret fonde un atelier de cartonnage nommé les Ateliers Colin, prénom de son troisième enfant. L’emballage des cosmétiques est ainsi assuré en complémentarité de toutes les activités commerciales de leur infatigable inventeur. « Trop est tout juste assez pour moi » : Paul Poiret aurait pu faire sien ce propos de Cocteau. — Vers une communication novatrice Avec l’avènement de la réclame et les prémisses du marketing dès la fin du xixe siècle, les Ateliers Martine œuvrent à la valorisation des Parfums de Rosine. Très attentif aux produits promotionnels pour Les Parfums de Rosine, Paul Poiret évite les approches publicitaires traditionnelles pour des supports plus originaux pour lesquels il fait appel à ses amis, artistes ou illustrateurs, poètes ou écrivains. De nombreux objets dérivés ont ainsi été créés : éventails, cartes parfumées, échantillons, flacons universels et vaporisateurs… Tandis que sa maison de couture, Les Parfums de Rosine, les Ateliers Martine et les Ateliers Colin sont en pleine expansion, Paul Poiret s’attache également « à créer un centre qui [soit] daughter – which included a school and creative studio.

named after his third child. Cosmetics packaging thus

The school took in over a dozen girls from modest

became a complementary part of all sales activities

backgrounds who were invited to express themselves

undertaken by their indefatigable inventor.

freely with the brushes and paper made available to

As his friend the writer Jean Cocteau once observed,

them. Paul Poiret and his director Guy-Pierre Fauconnet

“Everything is just enough for me” – words Paul Poiret

selected the finest illustrations and adapted them

himself might have said.

for materials, wallpaper, rugs, screens, hand-painted glassware and vaporizers, etc. Raoul Dufy collaborated

— Innovative communication

on the creation of certain motifs. A simple, naïve style

With the advent of advertising and marketing principles

also developed, inspired by nature. The approach was

in the late 19th century, Ateliers Martine set about

revolutionary because of its egalitarianism and the

promoting Parfums de Rosine. Highly attentive

importance of freshness, naivety and spontaneity

to promotional products for Parfums de Rosine,

in design. Ateliers Martine attracted prestigious clients

Paul Poiret avoided traditional approaches to publicity

such as Isadora Duncan and Kees Van Dongen (1877-

and preferred more original supports, calling on his

1968). The Ateliers Martine ended up working on high-

friends, artists or illustrators, poets or writers, who helped

profile projects like Helena Rubinstein’s beauty salon, the

create a whole series of sidelines and accessories: fans,

Chantilly suite on the Île-de-France cruise liner and stage

perfumed cards, samples, universal perfume bottles

and set designs for plays and films.

and vaporizers, among many others.

Ubiquitous in all areas of communication, Paul Poiret

While his fashion house, Parfums de Rosine, Ateliers

founded his own packaging workshop, Ateliers Colin,

Martine and Ateliers Colin were flourishing, Paul Poiret


31

Arlequin, Nouveau parfum de Rosine, épreuve d’essai pour la publicité Les Parfums de Rosine Marie Vassilieff Vers 1925, Paris Papier Centre Pompidou – Mnam/Ccibibliothèque Kandinsky, Paris

Arlequin, Nouveau parfum de Rosine, advertising proof Parfums de Rosine Marie Vassilieff c. 1925, Paris Paper Centre Pompidou – Mnam/CciBibliothèque Kandinsky, Paris

Carte parfumée pour le parfum Arlequinade Les Parfums de Rosine 1914-1928, Paris Carton GS Collection

Perfumed card for Arlequinade perfume Parfums de Rosine 1914-1928, Paris Cardstock GS Collection


32 Paul Poiret et Joséphine Baker lors de la SainteCatherine chez Paul Poiret Boris Lipnitzki 25 novembre 1925, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2820 Paul Poiret and Josephine Baker during the Saint Catherine’s Day celebration at Paul Poiret’s home Boris Lipnitzki November 25, 1925, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2820

Paul Poiret déguisé « en mandarin » pour le bal de l’Opéra de Paris Anonyme Vers 1925, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2818

Paul Poiret dressed as a “mandarin” for the Opéra de Paris Ball Anonymous c. 1925, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2818


33 la capitale du goût et de l’esprit parisien » : il convie ses amis et le Tout-Paris à des fêtes inoubliables par leur faste et leur originalité. Vitrines de l’art de vivre à la façon Poiret, ces fêtes participent stratégiquement à la promotion de ses activités professionnelles. La première et la plus mémorable d’entre elles, La Mille et Deuxième Nuit, a lieu le 24 juin 1911. Une ambiance persane envahit les quelque trois cents invités costumés qu’accueille, dans une cage dorée auprès du « Pacha de Paris », la « favorite » Denise Poiret vêtue d’un turban à aigrette et d’une des fameuses robes Minaret. Bals costumés, fêtes de la Sainte-Catherine, fêtes de la mi-Carême… toute occasion pouvait donner lieu aux soirées les plus extraordinaires, mêlant habilement références artistiques et visées commerciales. — De la reconnaissance à la gloire Dans ces années de prospérité, Paul Poiret fait de nombreux voyages à travers l’Europe, puis de véritables tournées. Elles lui permettent de présenter ses modèles dans chaque pays, mais aussi de tisser un véritable réseau artistique. En tant que muse de son mari, Denise Poiret le suit et devient l’ambassadrice de la « silhouette Poiret ». Il convie également des mannequins qu’il revêt d’un uniforme, signe distinctif de sa maison. Les étapes de ses voyages sont notamment Berlin, Bruxelles, Moscou, Saint-Pétersbourg et Vienne. Dès 1913, il entame une tournée triomphale aux États-Unis dont il perçoit rapidement le potentiel pour l’industrie française du luxe. Durant cette période d’avant-guerre, Paul Poiret acquiert une renommée internationale, voire une quasi-divinisation dans l’univers de la haute couture. Véritable icône du moment portée par tous les codes identificateurs requis, c’est aussi en véritable homme d’affaires qu’il accueille ses clientes dans ses salons qu’il nomme « temple de la mode ». Anticonformiste et intuitif, il sait exploiter des sources d’inspiration diverses, mêler les genres et devancer les aspirations de sa clientèle tout heureuse de pouvoir rompre avec les habitudes vestimentaires en vigueur. Son formidable sens du dessin reste un immense atout que sert une also set about “creating a center, the capital of taste

of journeys across Europe which turned into fully-fledged

and of the spirit of Paris.” He invited friends and the Paris

tours. They were a chance to present his work to other

beau monde to parties that were unforgettable for their

countries while also forming an artistic network. As her

splendor and originality. The parties were showcases

husband’s muse, Denise Poiret followed him everywhere

for the art of living Poiret-style, and strategically helped

and became the ambassador for the “Poiret silhouette.”

promote his professional activities. The first and most

He also employed models, dressed in a distinctive

memorable of them was La Mille et Deuxième Nuit (The

uniform, to represent his fashion house. The main staging

Thousand and Two Nights) which took place on June 24,

posts of these tours were Berlin, Brussels, Moscow, Saint

1911. Amid a Persian décor, three hundred guests in fancy

Petersburg and Vienna. As early as 1913, already aware

dress were welcomed by the “Pasha of Paris” and his

of its potential to benefit the French luxury industry, he

“favorite,” Denise Poiret herself, lounging in a gold cage

began a triumphant tour of the United States.

and dressed in an aigrette-adorned turban and one of

During this post-war period, Paul Poiret’s international

her husband’s famous Minaret dresses. From costume

renown grew and he became a demi-god of haute

balls to festivities celebrating Saint Catherine’s Day or

couture. He was the icon of the moment, exhibiting all

the third Thursday in Lent, any occasion was ripe to stage

the required codes; he was also a businessman, and it

the most extraordinary soirées, skillfully combining artistic

was in this capacity that he welcomed clients into his

references and commercial goals.

showcases, which he called “Temples of Fashion.” Anticonformist and intuitive, he knew how to exploit various

— From recognition to glory

sources of inspiration, combining genres and double-

During his years of prosperity, Paul Poiret made a number

guessing the aspirations of his clientele who were only


34 Étude Georges Lepape Premier quart du xxe siècle, Paris Papier Collection MIP, 08 89 Study Georges Lepape First quarter of the 20th century, Paris Paper MIP Collection, 08 89

acuité visuelle hors pair, capable de produire les chromatismes les plus inhabituels et les plus toniques à la fois. — Vers les années folles Le contexte riche et prospère du début du siècle, ayant vu l’émergence de l’avant-garde artistique avec le fauvisme et le cubisme, est soudainement bouleversé par la Première Guerre mondiale. Les activités de Paul Poiret tournent au ralenti et sont partiellement suspendues. Durant cette période il subit d’importantes pertes financières. Il est mobilisé et intègre un atelier de costume militaire. Même s’il a l’occasion de créer un uniforme amélioré, il connaît de douloureuses frustrations esthétiques. Et comme pour assombrir le tableau, le décès de sa fille Rosine intervient à cette époque. L’après-guerre est l’occasion de renouer avec la célébrité, mais la société que retrouve Paul Poiret a beaucoup changé. Sous l’influence de Gabrielle Chanel et de Jean Patou, la mode s’est simplifiée et les femmes se sont émancipées : elles ont coupé leurs cheveux et raccourci leurs robes. On assiste à l’avènement de « la Garçonne ». Fidèle aux créations qui ont fait sa renommée, Paul Poiret continue à créer du rêve et fédère une clientèle d’habituées en proposant des modèles d’un exotisme accru. Il se déclare hostile aux innovations de Chanel qui habille les femmes de petites robes neutres, sans ornements, dans un goût qui se veut plus moderne. Les parfums lancés au cours de cette période retrouvent l’esprit original de Paul Poiret soulignant l’exotisme, l’orientalisme et son goût pour le théâtre. — Un déclin précipité Les fêtes et diverses frasques conduisent Paul Poiret droit à de sérieux problèmes financiers. Quelques assistants, parmi les plus proches, quittent l’entreprise. 1923 est la dernière année

too happy to break with the vestimentary customs of the

Under the influence of Gabrielle Chanel and Jean

day. His formidable sense of line was a huge asset to him,

Patou, fashions became simplified and women more

complemented by exceptional visual sharpness, capable

emancipated, trimming their hair and shortening their

of producing both the most unusual and most invigorating

dresses, hailing in the “la Garçonne” look.

color combinations.

Faithful to the creations that made him famous, Paul Poiret continued to conjure up dreams and brought together a

— The Roaring Twenties

loyal customer base eager for highly exotic garments. He

The prosperous, affluent context of the early century,

pronounced himself hostile to the innovations of Chanel,

combined with the emergence of artistic avant-garde

who dressed women in shorter, neutral dresses, without

movements such as fauvism and cubism, was suddenly

ornamentation, in a style that sought to be more modern.

interrupted by the First World War.

The perfumes launched during this period recovered

Paul Poiret’s activities slowed down and were partially

Paul Poiret’s original spirit, accentuating their creator’s

suspended. At the time, he suffered considerable

exoticism, orientalism and love of the theater.

financial loss. He was drafted and assigned to a military uniform workshop. Despite the chance to

— Sudden decline

make improvements to the French army uniform, he felt

Poiret’s parties and escapades brought about serious

creatively frustrated, and to make matters worse, during

financial problems. Several assistants, among those

this period, his daughter Rosine died.

closest to him, left the business. 1923 was the last year

When the war was over, Poiret had the chance to seek

the fashion house remained under the couturier’s

fame once more, but post-war society had changed.

control. In 1924, his problems led him to leave his mansion


35 Exotisme et orientalisme En 1909, Diaghilev entame à Paris une longue tournée à la tête de ses Ballets russes et embrase progressivement le Tout-Paris avec une chorégraphie menée par le danseur Nijinski dont les recherches gestuelles et les bonds sont alors inédits. En ce début de siècle l’engouement pour l’Orient bouleverse l’Europe. Mondain et au cœur de l’activité artistique, Paul Poiret se rend à l’Opéra, fréquente les musées et visite les marchands d’art du Proche- et du Moyen-Orient. Bien qu’il ait expérimenté les styles et les matériaux de ces pays lointains de nombreuses années auparavant, c’est en 1911, un an après la première de Shéhérazade, qu’il lance pleinement ses modes exotiques. C’est aussi en 1911 qu’il donne sa célèbre fête persane La Mille et Deuxième Nuit. Les femmes se hâtent d’acheter les pantalons de harem et les tuniques de soie et de satin de Poiret, qu’agrémentent des turbans ornés d’aigrettes à fermoirs de pierreries. Il puise aussi dans la culture orientale les inspirations pour nombre de ses créations de parfums dont Aladin, Le Minaret, Maharadjah. Le folklore russe nourrit également l’imagination du couturier qui ne manque pas de la traduire dans le choix de ses tissus, dans les couleurs vives ou encore dans la simplicité et la naïveté des motifs.

Exoticism and orientalism In 1909, Diaghilev began a long tour of his Ballet Russes in Paris and gradually kindled the imaginations of the Paris smart-set with a choreography led by Nijinsky, whose gestural research and movements were totally original for the time. Early 20th century Europe was swept by an infatuation for the East. As a society figure at the heart of his capital’s artistic activity, Paul Poiret went to the Opéra de Paris, visited museums and frequented dealers in Middle- and Far-Eastern art. Although he had already experimented with styles and materials from distant lands many years before, in 1911, one year after the opening of Scheherazade, he launched his first range of exotic fashions. Hence in 1911 he staged his famous Persian party, La Mille et Deuxième Nuit (The Thousand and Two Nights). Women flocked to purchase Poiret’s harem pantaloons and silk and satin tunics, to accompany his aigrette-adorned turbans with their precious stone clasps. He also drew on Eastern culture for many of his perfume creations including Aladin, Le Minaret and Maharadjah. Russian folklore also fed the couturier’s imagination and he eagerly translated its tales into fabrics, bright colors and simple, naïve motifs.


Artiste parmi les artistes

An artist among artists

Érudit, dessinateur et amoureux de l’art, Paul Poiret évolue dans le contexte foisonnant de l’art du début du xxe siècle : fauvisme, cubisme, Art déco… Il s’entoure rapidement des plus grands artistes de son temps, dont le talent peut contribuer à ses recherches. Paul Iribe et Georges Lepape illustrent ses créations au sein de magnifiques albums publiés par Devambez. Très proche de Paul Poiret, Raoul Dufy conçoit pour lui de magnifiques étoffes et imprimés reprenant des thèmes floraux et animaliers. Derain et Vlaminck, rencontrés à Chatou lorsqu’ils peignent leurs premières toiles fauves, sont les chaleureux compagnons des fêtes les plus extravagantes. Dunoyer de Segonzac compte pour Paul Poiret parmi les plus grands artistes de cette époque, et c’est dans les salons du couturier que sont présentées pour la première fois Les Demoiselles d’Avignon de Picasso. Créateur du célèbre uniforme porté par Sarah Bernhardt dans L’Aiglon, Paul Poiret conçoit à plusieurs reprises des costumes de théâtre dont ceux des pièces Nabuchodonosor, Le Minaret et Aphrodite. Il demeure le couturier favori des actrices comme Réjane, Mlle Spinelly, Arletty et Georgette Leblanc, qu’il habille dans le film L’Inhumaine (1924). Dès 1919, il aménage l’Oasis, un dancing en plein air dans son jardin, puis un théâtre en 1921, couvert par une structure gonflable dérivée des ballons dirigeables. Il y côtoie ainsi Isadora Duncan, Joséphine Baker, Édouard de Max. Il monte également sur les planches comme acteur auprès de Colette dans La Vagabonde.

An erudite illustrator and art lover, Paul Poiret was working in the context of the early 20th century’s flourishing art scene, marked by fauvism, cubism and Art Deco, among other movements. He soon reached out to the great artists of his time, enlisting their talents to aid his research. Paul Iribe and Georges Lepape illustrated his creations in magnificent albums published by Devambez. A close friend of Poiret’s, Raoul Dufy, designed magnificent fabrics and prints using floral and animal themes. Derain and Vlaminck, whom he met in Chatou when they were painting their first fauvist works, were also guests at his lavish parties. For Poiret, Dunoyer de Segonzac was one of the greatest artists of the time, and Picasso’s Les Demoiselles d’Avignon was exhibited for the first time in Poiret’s gallery. As the creator of the famous uniform worn by Sarah Bernhardt in L’Aiglon, Paul Poiret designed several sets of theatrical costumes including those for Nabuchodonosor, Le Minaret and Aphrodite. He remained the favorite among the famous actresses of the day like Réjane, Mlle Spinelly, Arletty and Georgette Leblanc, who he dressed for the movie L’Inhumaine (1924). In 1919, he created the Oasis, an open-air dance hall in his garden, then, in 1921, a theater covered by an inflatable dirigible construction. He also frequented Isadora Duncan, Josephine Baker and Édouard de Max, even appearing on stage in Colette’s play, La Vagabonde.


37

Et après ?

What followed?

Paul Poiret comprend très rapidement que posséder une maison de parfumerie augmente considérablement la renommée et le prestige de sa maison de couture. Il reconnaît que le parfum est l’accessoire de mode essentiel à la beauté féminine. Son entrée dans l’univers du parfum bouleverse ainsi totalement l’industrie de la parfumerie ; toutes les maisons de couture postérieures à Paul Poiret ajoutent la dimension olfactive à la parure féminine : Maurice Babani, puis Chanel, Jeanne Lanvin, Christian Dior, Yves Saint Laurent, Thierry Mugler et tant d’autres. Avec Coty et Lalique, Paul Poiret ouvre une autre voie aux maisons de parfumerie : celle de concevoir les flacons comme de véritables œuvres d’art en travaillant avec les artistes de son temps.

Paul Poiret soon understood that a perfumery would considerably increase his fashion house’s prestige and reputation. He recognized that perfume is the essential fashion accessory of feminine beauty. His arrival in the world of perfume completely revolutionized the perfumery industry, and subsequently all fashion houses added an olfactory dimension to their feminine apparel: Maurice Babani, then Chanel, Jeanne Lanvin, Christian Dior, Yves Saint Laurent and Thierry Mugler, among others. Together with Coty and Lalique, Paul Poiret also heralded in a new innovation for perfumery establishments: the idea of designing perfume bottles as veritable works of art alongside the major artists of his time.

1925 Les Parfums de Rosine Designers Paul Poiret et Julien Viard Parfumeur Henri Alméras 1925, Paris Verre, bakélite, textile GS Collection Créé à l’occasion de l’Exposition internationale des Arts décoratifs en 1925, le flacon arbore des motifs d’influence chinoise. 1925 Parfums de Rosine Designers: Paul Poiret and Julien Viard Perfumer: Henri Alméras 1925, Paris Glass, bakelite, textile GS Collection Created for the International Exposition of Modern Industrial and Decorative Arts of 1925, the bottle features Chinese motifs.


38 où la maison de couture demeure sous le contrôle complet du couturier. Dès 1924, ses difficultés l’amènent à quitter son hôtel particulier pour un salon de couture au Rond-Point des Champs-Élysées. À l’occasion de l’Exposition internationale des Arts décoratifs à Paris en 1925, il tente le tout pour le tout et présente l’ensemble de ses activités de manière grandiose dans trois péniches amarrées sur la Seine : Amours, Délices et Orgues. Couture, décoration et parfumerie sont dévoilées dans ces fabuleux écrins offrant un délicieux restaurant, des salons de détente et de présentation de ses modèles. Un orgue à parfums distille les fragrances des Parfums de Rosine dans la péniche Amours. À cette occasion, Paul Poiret reçoit le Tout-Paris lors de réceptions dignes du grand couturier. Mais les frais occasionnés pour cette ultime entreprise de séduction précipitent sa ruine, et cette même année 1925 il doit se séparer de sa collection de tableaux contemporains. De 1925 à 1929, les difficultés s’étendent à l’ensemble des sociétés du couturier. Ses maisons de couture, de parfumerie et d’art décoratif succombent définitivement à la crise en 1929. Paul Poiret se retire dans sa villa de Mézy, aux environs de Paris, réalisée par l’architecte Mallet-Stevens. En 1933, il crée encore des modèles pour le Printemps : cette idée de démocratiser ses créations dans les grands magasins est encore une innovation incontestable. Puis, dernier sursaut, il tente de revenir en 1935 avec une maison de couture nommée Les Croisières de la mode. Parallèlement, il s’adonne à la peinture et écrit de nombreux ouvrages. Il se retire à Cannes dans les dernières années de sa vie et meurt en 1944, seul et ruiné, au moment même où s’ouvre à Paris une importante exposition de ses toiles.

and move to a couture salon on the Rond-Point des

on the outskirts of Paris, designed by the architect

Champs-Élysées.

Mallet-Stevens. In 1933, he created models for the

At the International Exposition of Modern Industrial and

Printemps department store; this idea – to make his

Decorative Arts in Paris in 1925, Paul Poiret went for broke

creations available to a broader consumer base through

and offered a grandiose showcase of all his activities on

department stores – was another of his innovations.

three barges on the Seine, christened Amours, Délices

He then attempted to make a comeback in 1935 with a

and Orgues. Couture, interior décor and perfumery

fashion house called Croisières de la Mode, while at the

were all unveiled in magnificent surroundings offering a

same time he devoted himself to painting and authored a

gastronomic restaurant, lounges and presentations by his

number of works. He retired to Cannes in the final years

models. A perfume organ distilled fragrances by Parfums

of his life and died in 1944, alone and ruined, just as an

de Rosine on the Amours barge. Paul Poiret celebrated

important exhibition of his paintings was opening in Paris.

the occasion with huge receptions for the Paris smart-set as only the great couturier could. The costs incurred by this ultimate effort at seduction brought about his ruin and that same year, 1925, he was forced to auction off his collection of contemporary paintings. From 1925 to 1929, other fashion houses were gradually hit by financial problems. His own house, perfumery and decorative arts business finally folded in the Crash of 1929. Paul Poiret withdrew to his villa in Mézy,


39

Exposition internationale des Arts décoratifs, rive gauche, avec les trois péniches Poiret, le manège de la Vie parisienne et les montagnes russes Auguste Léon 10 juin 1925, Paris Autochrome Musée Albert-Kahn – département des Hauts-de-Seine, archives de la Planète, inv. A 45 420 S

International Exposition of Modern Industrial and Decorative Arts, Left Bank, with Poiret’s three showroom barges, Vie Parisienne carrousel and rollercoasters Auguste Léon June 10, 1925, Paris Autochrome Musée Albert-Kahn – Département des Hauts-de-Seine, La Planète archives, inv. A 45 420 S

Paul Poiret lors de l’inauguration de ses péniches Amours, Délices et Orgues Boris Lipnitzki Mai 1925, Paris Tirage au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie, TIR-2817

Paul Poiret during the inauguration of his showroom barges Amours, Délices and Orgues Boris Lipnitzki May 1925, Paris Gelatin-silver print Roger-Viollet/Parisienne de la Photographie collections, TIR-2817



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