PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE e AU XIX SIÈCLE COLLECTIONS DU DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS
19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST PAS-DE-CALAIS DEPARTEMENT COLLECTIONS
Ce catalogue est publié dans le cadre de l’exposition « Peintres de la côte d’Opale au xixe siècle, collections du Département du Pas-de-Calais » organisée à la Maison du port d’Étaples du 29 juin au 15 décembre 2013. Commissariat Michèle Moyne-Charlet, conservateur du Patrimoine Cécile Rivière, attachée de conservation Véronique Andrault, assistante de conservation Traductions des textes : Scripto Sensu et Van de Loo Associates Photographies : Philip Bernard Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy Éditions d’art Coordination éditoriale : Laurence Verrand Contribution éditoriale : Anne-Sophie Gache (français), Natasha Edwards (anglais) Conception graphique : Marie Gastaut Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros © Somogy Éditions d’art, Paris, 2013 © Conseil général du Pas-de-Calais, Arras, 2013 www.somogy.fr www.pasdecalais.fr ISBN 978-2-7572-0708-6 Dépôt légal : juillet 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)
PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE e AU XIX SIÈCLE COLLECTIONS DU DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS
19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST PAS-DE-CALAIS DEPARTEMENT COLLECTIONS
Sous la direction de Michèle Moyne
Auteurs Florence Le Corre Conservateur du Patrimoine Musée national de la Marine Avec la collaboration de Delphine Allannic Bibliothécaire, musée national de la Marine Michèle Moyne (MM) Conservateur du Patrimoine Conseil général du Pas-de-Calais Cécile Rivière (CR) Attachée de conservation du Patrimoine Conseil général du Pas-de-Calais
Remerciements Nous remercions pour leur collaboration fructueuse : Delphine Allannic, Monique Baco, Pierre Baudelicque, Anne Bez, Maxime Blamangin, Ewa Bobrowska, Georges Bouchard, Annette Bourrut-Lacouture, Jean-Claude Brigeois, Jean-Luc Brisset, Raphaëlle Cartier, Fabien Delhaye, Véronique Delpierre, Anne Doppfer, Christian Duplouy, Mireille Elidrissi, Penelope Estrada, Come Fabre, Florence Fourcroy, Lionel Gallois, Audrey Gaudiot, Violetta Giraldos, Estelle Guille des Buttes-Fresneau, Esther Hacquel, Natacha Haffringues, Valérie Héneaux, Alain Holluigue, Mme Eileen Isnard, Astrid Lamirand, Perrine Latrive, Anne Lefebvre, Tiphaine Leroux, Olivier Lhotellier, Élodie Longuevergne, Cédric Magniez, Flavien Mailly, Juliette Malesieux, Claire Martin, Carinne Mayau, Véronique Moreau, Myriam Morlion, Ingrid Obry, Catherine Pimbert, Éric Pochet, Laurent Possien, Céline Ramio, Benoît Seguin, Anne Simon, Richard Sorensen, Valérie Souche, Béatrice Souvignet, Marianne Steenbrugge, Isabelle Toromanof, Denise Vaast, Rodolphe Vandezelande, Thomas Vermeulen et tout particulièrement Marion Frémeaux pour son aide précieuse.
Éditorial
Editorial
L
’exposition « Peintres de la côte d’Opale au xixe siècle » cherche à retracer le dynamisme de la vie culturelle et la fécondité des échanges artistiques qui voient le jour sur les rives de la Manche et de la mer du Nord des années 1880 jusqu’à la Première Guerre mondiale. L’ensemble du littoral, Boulogne, Wissant et tout particulièrement Étaples, constituent un terrain d’expérimentation privilégié pour bon nombre de peintres venus de la capitale et séduits par la beauté des paysages naturels, le pittoresque et l’activité des ports de pêche, le quotidien de la vie des marins. Pour beaucoup d’entre eux, peindre en plein air, à proximité de la mer, s’avère une étape décisive dans l’évolution de leur art. Plusieurs groupes d’artistes, français, mais aussi britanniques, américains, australiens, suédois et allemands, installent leur atelier quelque temps à Étaples, transformant l’endroit qui devient un lieu de sociabilité, une terre d’élection pour une communauté artistique importante. Pas loin de 200 peintres s’y côtoient durant toute la période. La diversité des nationalités présentes explique que cette production picturale née sur les rivages de la côte d’Opale ait connu un rayonnement sur l’ensemble du territoire national mais aussi à l’étranger, tout particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Parmi les colonies d’artistes qui se développent sur le littoral au xixe siècle, celles de Wissant et d’Étaples illustrent un phénomène de grande ampleur dont la vitalité mérite d’être soulignée. Ce qui vous est ici donné à voir au travers de cette exposition retrace les principales acquisitions réalisées par le Conseil général du Pas-de-Calais depuis plus de cinq ans maintenant. De nombreux musées labellisés par l’État (ou non d’ailleurs) et pas des moindres sont présents dans notre département et rendent compte, pour certains, de notre histoire, pour d’autres, ils sont des lieux hautement touristiques et culturels. Le Département du Pas-de-Calais souhaite, par la collection qu’il a constituée progressivement et par les pièces qui viendront la compléter, marquer de son empreinte la carte des lieux d’exposition par la création du Musée départemental qu’il appelle de tous ses vœux et qui devrait voir le jour à l’horizon de 2015.
T
he exhibition seeks to emphasise the dynamism of cultural life and the fertility of artistic exchanges that came to light on the shores of the Channel and the North Sea during the period between 1880 and the First World War. The whole coast – Boulogne, Wissant and particularly Etaples – became a playground for numerous painters. Coming from the capital, they were seduced by the beauty of the natural landscapes, their picturesque qualities, the activity of the fishing ports and the daily life of the seamen. For many of them, painting in the open air, by the sea, was a decisive stage in the development of their art. Many groups of artists, French, British, American, Australian, Swedish and German, set up their studios for a while in Etaples, transforming the place into a centre of sociabil ity, a venue of predilection for a significant artistic community. More than two hundred painters ribbed shoulders there during this period. The diversity of their nationalities explains why the pictorial production of the Opal Coast was brought to light in France and abroad, mostly in the United States and the United Kingdom. Among the centres of artistic creation developed on the coast in the 19th century, those of Wissant and Etaples were distinguished by their vitality as the exhibition emphasizes. In this exhibition are displayed the most significant works of art acquired by the “Conseil Général du Pas-de-Calais” over more than five years. Our territory has several museums that testify to its history, some of which have became major touristic and cultural actors. Some of them were given the Musée de France label by the French Ministry of Culture. The “Conseil Général du Pas-de-Calais” hopes through this collection that is going to be enhanced during the years ahead, to become a major actor in cultural develop ment with the opening of a new departmental museum during 2015.
Dominique DUPILET Président du Département du Pas-de-Calais Membre honoraire du Parlement President of the Pas-de-Calais Département Honorary member of the Parlement
Sommaire
Contents
La peinture de marine en France au xixe siècle 19th-Century French Seascape Painting
par Florence Le Corre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Étaples et les colonies d’artistes en France au xixe siècle Etaples and Artists' Colonies in France in the 19th Century
par Michèle Moyne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Terre et mer Earth and Sea. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Étaples Etaples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Portraits Portraits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Bibliographie Bibliography . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
La peinture de marine en France au xix e siècle
19th-Century French Seascape Painting Florence Le Corre
Les débuts de la peinture de marine
The Beginnings of Seascape Painting
Le sujet maritime est présent dans les illustrations de la Bible et des manuscrits consacrés à la vie des saints dès le Moyen Âge. Les voyages d’exploration vont donner lieu à la publication de nombreux traités de marine dès le xvie siècle, souvent illustrés, et c’est par la gravure que les premiers combats navals sont figurés. La peinture de marine va se développer progressivement, découlant de l’observation des bateaux, de l’architecture maritime et des métiers de la mer1. Cette peinture va s’apparenter longtemps à la peinture de paysage, avant de devenir un genre à part entière2. Les Hollandais, dont les activités sont liées très tôt à l’univers maritime, vont les premiers s’attacher à représenter la mer et ses éléments : Joos de Momper (1564-1635) peint La Tempête3 vers 1610-1615, Jan Porcellis (v. 15841632) des scènes de naufrages, Jan Van de Cappelle (1624-1679) des bateaux de pêche, Jan Van Goyen (15961656) l’élément marin et le ciel. Willem Van de Velde l’Ancien (1633-1707) et Willem Van de Velde le Jeune vont à la demande de Charles II d’Angleterre puis de Jacques II réaliser des portraits de bateaux et des batailles navales. Parallèlement, les peintres italiens, influencés par Breughel l’Ancien (v. 1525-1569), qui a publié de 1553 à 1555 la suite des Grands paysages, montrent à la même époque un vif intérêt pour la peinture de paysage. C’est notamment le cas de Paul Bril (1554-1626) et son élève Agostino Tassi (1565-1644). Ce courant prend une ampleur certaine au xviie siècle conduit par Domenico Marchi, dit Tempesta (1655-1737), Bartolomeo Pedone (1665-1732), et surtout Marco Ricci (1667-1749), que l’on considère comme le précurseur des paysages maritimes et lacustres4. En France Claude Gellée, dit Le Lorrain (1600-1682), qui fut élève à Rome de Agostino Tassi, peint de nombreux tableaux de ports dans lesquels la lumière et des éléments du paysage sont très présents. Il réalise en 1635 le célèbre Port de mer au soleil couchant d’après des dessins et des aquarelles effectués sur le motif et repris en atelier mais aussi des tempêtes d’un grand réalisme, donnant à la peinture de marine ses lettres de noblesse et confirmant la naissance d’un genre pictural5 à part entière. Charles Le Brun (1619-1690) peint pour la Galerie des Glaces du château de
The maritime subject is present in the illustrations of the Bible and in some of the manuscripts devoted to the lives of the saints as early as the Middle Ages. Various voyages of exploration gave rise to the publication of numerous naval treaties as early as the 16th century, often illustrated, and the first naval battles were illustrated by engravings. Seascape painting was to develop gradually, stemming from the observation of the vessels, the maritime architecture and the trades of the sea.1 This painting was for a long time considered to be part and parcel of landscape painting, before becoming a genre in its own right.2 The Dutch, whose activities have been connected with the maritime universe from the earliest times, were the first to endeavour to depict the sea and its elements: Joos de Momper (1564-1635) painted The Storm3 around 16101615, Jan Porcellis (c. 1584-1632) shipwreck scenes, Jan Van de Cappelle (1624-1679) fishing boats, Jan Van Goyen (1596-1656) the marine elements and the sky. Willem Van de Velde the Elder (1633-1707) and Willem Van de Velde the Younger were, at the request of Charles II of England and then of his successor James II, to paint portrayals of naval vessels and battles. In parallel, the Italian painters, influenced by Brueghel the Elder (c. 1525-1569), who from 1553 to 1555 published the Great Landscapes series, showed a lively interest in landscape painting during that same period. This was notably the case of Paul Bril (15541626) and his pupil, Agostino Tassi (1565-1644). This current certainly grew stronger in the 17th century, led by Domenico Marchi, known as Tempesta (1655-1737), Bartolomeo Pedone (1665-1732) and in particular, Marco Ricci (1667-1749), who is regarded as the pioneer of seascapes and lake-oriented landscapes.4 In France, Claude Gellée, known as Claude Lorraine (1600-1682), who was a pupil of Agostino Tassi in Rome, painted many paintings of ports in which the light and the elements of the landscape were much in evidence. In 1635 he painted the famous Seaport in the Setting Sun from drawings and watercolours made in situ and reworked in his studio, but also highly realistic storms, earning seascape painting its spurs and confirming the birth of a pictorial
Versailles, à la demande de Louis XIV, le tableau Rétablissement de la navigation 1663 6 dans lequel il magnifie la politique commerciale maritime consacrée par la création de la Compagnie française des Indes occidentales par Colbert en 1664. Jean-Baptiste de la Roze (1612-1687) et au xviiie siècle différents artistes, dont Nicolas-Marie (1728-1811) et Pierre Ozanne (1737-1813), nommés élèves-dessinateurs de la marine en 1742 et 1750, ainsi que Claude-Joseph Vernet, ouvrent progressivement la voie à la peinture de marine. Ils seront suivis par de nombreux peintres au xixe siècle.
Le rôle majeur en France de Claude-Joseph Vernet (1714-1789) Claude-Joseph Vernet (1714-1789), que l’on appelle fréquemment Joseph Vernet, est le fils d’un peintredécorateur, Antoine Vernet, qui le sensibilise très jeune à la peinture. Il est formé à Aix-en-Provence par Jacques Viali (1681-1745) avant de partir pour Rome en 1734, où il parfait ses connaissances auprès d’Adrien Manglard (1695-1749), tous deux peintres de marine. Marqué par l’influence de Claude Le Lorrain et la sensibilité à la nature du siècle des Lumières, encouragé en Italie par la création des « vedute7 » et le goût pour la peinture de paysage, il s’attache à réaliser des vues de campagne et de jardins, ce qui lui vaut des commandes nombreuses, de la part d’amateurs britanniques en particulier. Sa réputation comme peintre de marine est établie dès 17348 et il expose au Salon pour la première fois en 1746. Il est reçu à son retour en France en 1753 à l’Académie royale de peinture et de sculpture avec le tableau Marine, effet de soleil couchant. La même année, le marquis de Marigny, admirateur de Vernet qu’il a déjà rencontré à Rome, lui commande pour le roi Louis XV la réalisation de 24 Ports de France. Le propos de Marigny, qui fait donner à Vernet le titre de « Peintre du Roi pour les marines9 », est de valoriser la politique maritime ambitieuse de la France en montrant ses ports principaux, lieux d’échanges commerciaux. Vernet, dans l’esprit des Lumières, choisit de faire une observation minutieuse de chacun d’entre eux et d’en restituer au mieux la réalité. Il peint en atelier d’après de nombreux croquis sur le motif, documentant pour chaque ville tous les éléments du paysage urbain et reflétant les aspects de la vie sociale, industrielle et commerciale. Sa peinture est marquée par une grande sensibilité, notamment dans le rendu des ciels qui confine au sublime. Quinze tableaux, datés de 1754 (Marseille) à 1765 (Dieppe)10, seront au final peints par Vernet : en effet, faute de moyens, la commande est abandonnée en 1763. Ces vues sont ensuite reproduites et largement diffusées sous forme de gravures par Charles-Nicolas Cochin (17151790) et Jacques-Philippe Lebas (1707-1783) alors que les tableaux sont conservés au palais du Luxembourg qui abrite à l’époque la galerie royale de Peinture. Vernet continue de peindre des marines jusqu’en 1789, année de sa mort.
10 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
genre5 in its own right. At the request of Louis XIV, Charles Le Brun (1619-1690) painted for the Hall of Mirrors of the Palace of Versailles, the Reestablishment of Navigation 1663 6 in which he glorified the maritime trade policy consecrated by the creation of the French West Indies Company by Colbert in 1664. Jean-Baptiste de la Roze (16121687) and in the 18th century various artists, including Nicolas-Marie (1728-1811) and Pierre Ozanne (1737-1813), appointed pupil-draughtsmen of the navy in 1742 and 1750, and Claude-Joseph Vernet, gradually opened up the way for seascape painting. They were to be followed by numerous painters in the 19th century.
The Major Role in France of Claude-Joseph Vernet (1714-1789) Claude-Joseph Vernet (1714-1789), who is frequently called Joseph Vernet, was the son of a painter and decorator, Antoine Vernet, who made him sensitive to painting at a very early age. He was trained in Aix-en-Provence by Jacques Viali (1681-1745) before leaving for Rome in 1734, where he perfected his knowledge alongside Adrien Manglard (16951749), both marine painters. Marked by the influence of Claude Lorraine and by the sensitivity to nature of the Age of Enlightenment, and encouraged in Italy by the creation of the veduta7 and the taste for landscape painting, he endeavoured to create views of countrysides and gardens, which gained him many commissions, on the part of British art lovers in particular. His reputation as a marine painter was established in 17348 and he exhibited at the Salon for the first time in 1746. On his return to France in 1753, he was received at the Royal Academy of Painting and Sculpture with his painting, Seascape, Sunset Effect. The same year, the Marquis de Marigny, admirer of Vernet whom he had already met in Rome, commissioned from him for King Louis XV the painting of 24 Ports of France. Marigny, who had had Vernet given the title of the “Seascape Painter to the King”,9 intended to enhance France’s ambitious maritime policy by showing its principal ports, places of commercial exchange. Vernet, in the spirit of the Enlightenment, chose to make a meticulous observation of each one of them and to make them as realistic as possible. He painted in his studio from numerous sketches made on the site, documenting for each city all the elements of the urban landscape and reflecting the various aspects of their social, industrial and commercial life. His painting is marked by great sensitivity, in particular in his rendering of skies, which enshrines the sublime. Fifteen paintings, dated from 1754 (Marseille) to 1765 (Dieppe)10 were finally painted by Vernet: as, for lack of means, the commission was abandoned in 1763. These views were then reproduced and widely distributed in the form of engravings by Charles-Nicolas Cochin (1715-1790) and Jacques-Philippe Lebas (1707-1783), whereas the paintings were preserved at the Palace of Luxembourg, in Paris, which at the time housed the Royal Gallery of Painting.
Nicolas-Marie Ozanne va réaliser 60 dessins de ports que Vernet n’avait pas peints, qui sont publiés entre 1775 et 1887, et Jean-François Hue (1751-1823) six tableaux représentant les principaux ports de Bretagne.
Le goût pour la mer au xixe siècle : un contexte favorable à la peinture de marine Le xixe siècle consacre l’intérêt des artistes pour l’univers maritime. Le romantisme né au xviiie siècle fait de la mer une source d’inspiration. Sa beauté, son immensité et la faiblesse de l’homme face à l’élément marin et ses dangers fascinent. La présentation au Salon de 1819 du Radeau de la Méduse du peintre Théodore Géricault (1791-1824) va modifier les repères stricts de la peinture de marine tels qu’ils existent – les combats navals sont représentés de façon académique – et laisser une place plus grande à l’expression de la sensibilité et du réalisme à la fois. Le caractère dramatique de la scène, sa véracité – Géricault s’est beaucoup documenté sur ce tragique épisode de l’histoire maritime qui a eu lieu trois ans auparavant et a exécuté de nombreuses esquisses préparatoires – en font une œuvre d’un grand romantisme. On retrouve ce goût dans la littérature française, chez Victor Hugo et Jules Michelet notamment. Les scènes de naufrage sont tout aussi saisissantes et se caractérisent par la représentation des éléments déchaînés, la puissance de la vague, l’évocation du drame tels que le montrent Jean-François Hue : Vue de Saint-Malo (fig. 1) ou Théodore Gudin qui illustre L’Incendie du Kent, 28 février 1825. Le goût pour cette peinture aux accents dramatiques va cependant s’atténuer au fil du siècle même si Eugène Isabey (1803-1886) présente avec succès au Salon de 1865 le Naufrage du trois-mâts Emily en 1823. Par ailleurs, la marine évolue sur le plan technique : la voile disparaît partiellement, remplacée par la marine à vapeur et les bateaux à roues, peints notamment par AmbroiseLouis Garneray (1783-1857), Édouard Manet (1832-1883) et Antoine Léon Morel-Fatio (1810-1871), auteur en 1849 de la Victoire du Niger à hélice sur le Basilick à roues, même si la plupart des peintres vont trouver plus d’intérêt à continuer à privilégier la marine à voile, plus esthétique. La création d’une politique coloniale sous la monarchie de Juillet relance la construction navale. De nombreux traités de marine sont publiés et illustrés de gravures de bateaux figurés avec une grande exactitude dans la description et un respect strict de l’échelle et des proportions. Enfin, le goût du siècle des Lumières pour les observations scientifiques se confirme : de nouvelles disciplines, telles l’étude de la biologie marine, la météorologie, l’océanographie, amènent à étudier l’élément marin au cours des campagnes d’explorations scientifiques maritimes11 telle celle de Dumont d’Urville en Antarctique : ainsi AmbroiseLouis Garneray représente-t-il vers 1840 L’Astrolabe cernée par les glaces et la neige qui faillirent mettre en
Vernet continued to paint seascapes until 1789, the year of his death. Nicolas-Marie Ozanne was to produce 60 drawings of ports that Vernet had not painted, which were published between 1775 and 1887, and Jean-François Hue (1751-1823) six paintings depicting the main ports of Brittany.
The Taste for the Sea in the 19th Century: a Propitious Context for Seascape Painting The 19th century consecrated the artists’ interest in the maritime universe. The Romanticism born in the 18th century made the sea a source of inspiration. Its beauty, its vastness and the weakness of man in the face of the marine elements and its dangers were subjects of fascination. The presentation at the 1819 Salon of the The Raft of the “Medusa” by the painter Théodore Géricault (1791-1824) was to modify the strict reference points of seascape painting such as they existed – naval battles were depicted academically – and was to leave more room for the expression of sensitivity and realism alike. The dramatic nature of the scene, and its veracity – Géricault had researched greatly on this tragic episode of maritime history, which had taken place three years earlier, and he had made many preparatory sketches – make it a work of great Romanticism. This taste is similarly to be found in French literature, in Victor Hugo and Jules Michelet, in particular. Shipwreck scenes are also gripping and are characterised by the portrayal of unleashed elements, the power of the waves, and the evocation of drama, as shown by JeanFrançois Hue: View of Saint-Malo (fig. 1) or Théodore Gudin who illustrated The Burning of the “Kent”, 28 February 1825. The taste for this painting with its dramatic accents was however to attenuate as the century progressed, even though Eugene Isabey (1803-1886) successfully presented at the 1865 Salon the Sinking of the Three-Master “Emily” in 1823.
Fig. 1 ~Jean-François Hue, Vue de Saint-Malo, musée national de la Marine, Paris Fig. 1 ~Jean-François Hue, View of Saint-Malo, musée national de la Marine, Paris
La peinture de marine en France au xixe siècle ~ 11 19th-Century French Seascape Painting
péril l’expédition en février 1838 dans le tableau Dumont d’Urville échappant aux périls de la banquise. Jean-Philippe Crépin (1772-1851) a de son côté peint Naufrage de Messieurs de Laborde sur les canots de Lapérouse, au port des Français, côte de l’Alaska, le 13 juillet 1786. Le monde maritime et son exploitation sont donc au centre de toutes les préoccupations, y compris politiques et commerciales. En 1824 est institué un Conseil de l’Amirauté, héritier du Conseil de Marine présent sous l’Ancien Régime, qui va relancer la marine commerciale française et la marine de guerre. Le grand public se passionne et Louis-Honoré-Frédéric Gamain (1803-1871), originaire du Crotoy, invente le Navalorama, « tableau maritime mobile12 » dans l’esprit des panoramas peints, qu’il installe au Havre en 1830 puis en 1838 au 6, avenue des Champs-Élysées à Paris : « En assistant à une de ces séances, les personnes qui n’ont pas encore vu la mer en ont l’idée la plus vraie. Un marin explique les tableaux, le nom des navires, leurs manœuvres ; rien n’est omis et le spectateur, en quittant le Navalorama, se trouve dispensé de faire le voyage à la mer13… »
La reconnaissance d’un nouveau genre pictural Dans ce contexte, la peinture de marine va continuer à s’exprimer sous des thèmes toujours très divers. Les bateaux restent souvent les premiers objets de ces tableaux tels Trois-mâts Don Quichotte, 1854, de JeanJules Koerner (1833-1909), Trois-mâts barque sur une mer formée, par Marie-Édouard Adam (1847-1929), L’Aviso Le Renard, peint par Frédéric Roux (1805-1874), dont la famille s’est fait une spécialité de ces portraits de navires, d’un style très strict. Les bateaux sont davantage mis en scène dans Régates du Havre ou encore Le Port de Toulon (fig. 2) de Antoine-Léon Morel-Fatio (1810-1871) ou Sortie d’un transatlantique au Havre, présenté au Salon de 1882 par Robert Mols (1848-1903), intéressant puisqu’il y figure la marine à vapeur.
Furthermore, the navy was evolving at a technical level. Sail was partially disappearing, replaced by steamships and paddle steamers, painted in particular by AmbroiseLouis Garneray (1783-1857), Edouard Manet (1832-1883) and Antoine Leon Morel-Fatio (1810-1871), author in 1849 of the Victory of the “Niger” Propeller Boat over the “Basilick” Paddle-Steamer, even though most painters were to find greater interest in continuing their preference for sailing ships, so distinctly more aesthetic. The creation of a colonial policy under the July Monarchy revived naval construction. Many naval treatises were published and illustrated with engravings of ships shown with great exactness of description and with strict respect for scale and proportion. Finally, the Enlightenment’s taste for scientific observation was confirmed: new disciplines, such as the study of marine biology, meteorology and oceanography, brought the marine element to be studied during scientific maritime exploration campaigns11 such as that of Dumont d’Urville in the Antarctic. Thus Ambroise-Louis Garneray in around 1840 depicted the Astrolabe encircled by ice and snow, which almost endangered the expedition in February 1838, in the painting Dumont d’Urville Escaping the Perils of the Ice Floes. Jean-Philippe Crépin (1772-1851) had on his side painted Shipwreck of Laborde's Men on Laperouse's Dinghies at the French Port, Alaska Coast, 13 July 1786. The maritime world and its exploitation were therefore at the centre of every concern, including political and commercial ones. In 1824, the Council of the Admiralty was instituted, successor of the Navy Council of the Ancien Régime, which was to revive the French merchant and military navies. The general public was fervent and Louis-HonoreFrederic Gamain (1803-1871), originating from Le Crotoy, invented the Navalorama,“mobile maritime painting”12 in the spirit of painted panoramas, which he installed in Le Havre in 1830 than at 6 avenue des Champs-Elysées in Paris in 1838: “By attending one of those sessions, people who hadn’t yet seen the sea had the truest idea of it. A sailor explained the paintings, the names of the ships, and their manoeuvres; nothing was omitted and the spectator, when leaving the Navalorama, was minded to make a sea voyage …”13
Recognition of a New Pictorial Genre
Fig. 2 ~ Antoine-Léon Morel-Fatio, Le Port de Toulon, musée national de la Marine, Paris Fig. 2 ~ Antoine-Léon Morel-Fatio, The Port of Toulon, musée national de la Marine, Paris 12 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
In this context, seascape painting was to continue to be expressed by themes that were always highly diverse. Ships often remained the primary subjects of those paintings such as The Three-Master “Don Quixote”, 1854, by Jean-Jules Koerner (1833-1909), Three-Master Boat on a Rough Sea, by Marie-Edouard Adam (1847-1929), L’Aviso “Le Renard”, painted by Frédéric Roux (1805-1874), whose family had become specialists in such portrayals of ships, with a very strict style. Ships were featured even more in Regattas at the Port of Le Havre or The Port of Toulon (fig. 2) by Antoine-Léon Morel-Fatio (1810-1871) or Departure of a
La tradition de représentation très détaillée des ports et de leur activité inaugurée par Vernet se poursuit et de nombreux artistes s’attachent à réaliser des vues de ports au xixe siècle. On retiendra notamment Le Port de Brest, peint en 1854 par Antoine Léon Morel-Fatio, juste avant la construction du pont tournant sur la Penfeld (fig. 3). Édouard Manet (1832-1883) peint les ports de Boulogne (1866-1870), de Bordeaux (1871) et de Calais (1872). Les combats navals restent très prisés. La représentation d’un combat naval s’exprime dans un plan large, permettant d’observer tout ou partie de l’action. Les bateaux sont magnifiés, une impression de puissance se dégage, les hommes, lorsqu’ils sont représentés, sont nombreux et illustrent un des moments les plus forts de la bataille : l’abordage d’un navire ennemi notamment. Le combat naval est en peinture un outil de propagande à la gloire de la flotte victorieuse. En France, le sujet est illustré par Jacques Callot (1592-1635) dès 1617 puisqu’il signe deux eauxfortes représentant les galères des chevaliers de SaintÉtienne contre les bateaux barbaresques ; il observe et grave en 1627 ou 1628 le Siège de la citadelle de SaintMartin, dans l’île de Ré, peint également par Claude de Razilly (1593-1654). Il représente aussi le Siège de La Rochelle en 1629, gravure à partir de laquelle a été réalisé un tableau présent au musée de l’Armée14. Les artistes hollandais sont dans ce domaine précurseurs et peignent différentes batailles dans lesquelles la France est impliquée. Jan Karel Donatus van Beecq (1638-1722) va ainsi représenter les batailles de la guerre de Hollande15. Mais les peintres français ne s’attacheront à représenter des combats navals qu’à partir du xviiie siècle, avec la renaissance de la marine française, l’univers maritime n’ayant pas fait l’objet jusque-là de commandes officielles, hormis celle par Louis XIV de La Hollande défaite pour les plafonds du salon de la Guerre au château de Versailles. En effet, Richelieu et Mazarin ont les premiers souhaité créer une marine française digne de ce nom. À la mort de Mazarin, celle-ci compte une vingtaine de vaisseaux et quelques galères16. Louis XIV décide de créer une marine de guerre capable de rivaliser avec les flottes anglaise et hollandaise et d’affirmer la puissance française sur les mers : « … La marine française paraît insignifiante en 1661, surtout si on la compare aux puissantes flottes anglaise et hollandaise. Louis XIV lance donc le pari difficile de doter la France d’une solide marine de guerre, d’une flotte permanente de 120 vaisseaux de ligne, supérieure à celle de l’Angleterre et égale à celle des Provinces-Unies17… ». Louis XV, dont le ministre Choiseul joue un rôle majeur à cet égard, et Louis XVI vont confirmer cette politique maritime. Si Auguste Louis de Rossel de Cercy (1736-1804) répond à la commande officielle de 16 tableaux réalisés entre 1786 et 1790 pour illustrer les victoires françaises lors de la guerre d’Amérique, dont en 1789 le Combat de la Dominique, 17 avril 1780, ce n’est qu’au xixe siècle que les peintres de marine français
Fig. 3 ~ Antoine-Léon Morel-Fatio, Le Port de Brest, musée national de la Marine, Paris Fig. 3 ~ Antoine-Léon Morel-Fatio, The Port of Brest, musée national de la Marine, Paris
Transatlantic Liner at Le Havre, hung at the 1882 Salon by Robert Mols (1848-1903), interesting due to the fact that a steamship appears in it. The tradition of highly detailed portrayals of ports and their activity, inaugurated by Vernet, continued, and many 19th-century artists endeavoured to paint views of ports. Worth remembering is The Port of Brest, painted in 1854 by Antoine Leon Morel-Fatio, just before the construction of the swing bridge on the Penfeld (fig. 3). Edouard Manet (1832-1883) painted the ports of Boulogne (1866-1870), Bordeaux (1871) and Calais (1872). Naval battles remained highly prized. The portrayal of a naval battle was expressed on a wide background, making it possible for all or part of the action to be observed. The ships were glorified, an impression of power was released, and the men, when they were depicted, were numerous and would illustrate one of the key moments of the battle: notably the boarding of an enemy ship. The painting of a naval battle was a propaganda tool for the glory of the victorious fleet. In France, the subject was illustrated by Jacques Callot (1592-1635) as early as 1617 since he signed two etchings depicting the galleys of the Knights of St Stephen against the Barbary boats; he observed and engraved in 1627 or 1628 the Siege of the Citadel of SaintMartin, on the Ile de Ré, which was also painted by Claude de Razilly (1593-1654). He also depicted the Siege of La Rochelle in 1629, an engraving from which a painting was produced in the Army Museum.14 Dutch artists were pioneers in this field and painted various battles in which France was involved. Jan Karel Donatus van Beecq (1638-1722) was thus to depict the battles of the War of Holland.15 But the French painters were to attempt to depict naval battles only from the 18th century, with the rebirth of the French navy, the maritime universe not having been the subject until then of official commissions, except for the one by Louis XIV of Holland Defeated for the ceiling of the War Salon in the Palace of Versailles. Indeed, Richelieu and Mazarin were the first who
La peinture de marine en France au xixe siècle ~ 13 19th-Century French Seascape Painting
Fig. 4 ~ Eugène Isabey, Combat du Texel, 29 juin 1694, musée national de la Marine, Paris Fig. 4 ~ Eugène Isabey, Battle of Texel, 29 June 1694, musée national de la Marine, Paris
s’attacheront à représenter les plus glorieux combats de la flotte française, ceux du siècle précédent mais aussi les combats à la gloire du Consulat et de l’Empire. Parmi ceux-ci, Louis-Philippe Crépin (1772-1851) représente en 1801 le Combat de la corvette française La Bayonnaise contre la frégate anglaise Embuscade, 14 décembre 1798, que Jean-François Hue (1751-1823) illustre aussi en 1802. Eugène Isabey (1767-1835) peint brillamment en 1839 le Combat du Texel, 29 juin 1694 (fig. 4), au cours duquel le corsaire Jean Bart reprend aux Hollandais une flottille chargée de blé, présenté au Salon de 1836 ; Théodore Gudin (1802-1880) figure le Combat d’Ouessant, 23 juillet 1778, premier épisode de la guerre d’Amérique, peint et présenté au Salon de 1848. Ambroise Louis Garneray (1783-1857) signe en 1850 L’Abordage du Kent par la Confiance le 7 octobre 1800 et Auguste Mayer (18051890) célèbre en 1837 la Prise du rocher du Diamant par une escadre française, 2 juin 1805 sur les troupes anglaises. À partir de la Restauration cependant, la peinture de marine va s’incarner davantage dans la représentation du paysage marin et des plages, des ports et des pêcheurs, des bains de mer et des vacanciers. Les peintres français et étrangers vont au xixe siècle suivre la voie ouverte par Joseph Vernet et Nicolas-Marie Ozanne. Ils sont influencés par le goût britannique pour l’observation et la représentation de la nature et de la lumière. De son côté, Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) a expérimenté le travail en extérieur et y a formé ses élèves. Enfin, la technique de l’aquarelle, plus à même de traduire la subtilité des ciels et les variations de la lumière, apporte une liberté dans la pratique artistique et se répand sous l’influence de Richard Parkes Bonington (1801-1828), qui entraîne en 1825 en Angleterre Eugène Delacroix (1798-1863), Eugène Isabey (1803-1886) et Paul Huet (1803-1869). Le goût pour la peinture de paysage s’affirme en France et vers 1830 se crée l’École de Barbizon, attachée à repré-
14 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
had wanted to create a French navy worthy of the name. At the death of Mazarin, it had some 20 vessels and a few galleys.16 Louis XIV decided to create a navy that could rival the English and Dutch fleets and to assert France’s power on the sea: “… The French navy appeared insignificant in 1661, especially when compared to the powerful English and Dutch fleets. Louis XIV therefore embarked upon the difficult wager of equipping France with a solid military navy, with a permanent fleet of 120 ships of the line, superior to that of England and equal to that of the United Provinces… ».17 Louis XV, whose minister, Choiseul, played a major role in that respect, and Louis XVI, were to confirm that maritime policy. Although Auguste Louis de Rossel de Cercy (1736-1804) responded to the official commission of 16 paintings produced between 1786 and 1790 in order to illustrate the French victories during the War of America, including in 1789 the Battle of Dominica, 17 April 1780, it was only in the 19th century that French naval painters were to endeavour to depict the French fleet’s most glorious battles, those of the previous century, but also the battles for the glory of the Consulate and the Empire. Among them, Louis-Philippe Crépin (1772-1851) depicted in 1801 the Combat of the French Corvette “La Bayonnaise” Against the English Fregate “Embuscade”, 14 December 1798, which Jean-François Hue (1751-1823) also illustrated in 1802. In 1839, Eugène Isabey (1767-1835) brilliantly painted the Battle of Texel, 29 June 1694 (fig. 4), during which the corsair Jean Bart took from the Dutchmen a flotilla loaded with wheat, presented at the 1836 Salon; Theodore Gudin (1802-1880) showed the Battle of Ouessant, 23 July 1778, first episode of the War of America, painted and presented at the 1848 Salon. Ambroise Louis Garneray (17831857) signed in 1850 Assault of the “Kent” by the “Conf iance” on 7 October 1800 and Auguste Mayer (1805-1890) in 1837 celebrated the Taking of the Rock of the Diamond by a French Squadron, 2 June 1805 from the English troops. After the Restoration, however, seascape painting was to be more incarnated in the portrayal of sea views and beaches, ports and fishermen, and bathing and holidaymakers. In the 19th century French and foreign painters would follow the path opened by Joseph Vernet and Nicolas-Marie Ozanne. They were influenced by the British taste for observation and the portrayal of nature and light. For his part, Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) had experimented with working outdoors and had trained his pupils accordingly. Lastly, the watercolour technique, more capable of capturing the subtlety of the skies and the variations of the light, brought a freedom to artistic practice and was extended under the influence of Richard Parkes Bonington (1801-1828), who, in England in 1825, involved Eugene Delacroix (1798-1863), Eugene Isabey (1803-1886) and Paul Huet (1803-1869). The taste for landscape painting was confirmed in France and around 1830 the Barbizon School, fond of
senter la forêt, la terre mais aussi les paysans. Cette école rassemble de nombreux peintres paysagistes français et étrangers – les Britanniques sont très présents puisqu’ils sont à nouveau admis sur le sol français dès la chute de l’Empire – et va avoir une influence majeure sur la peinture du xixe siècle. On assiste ainsi à l’émergence d’une école naturaliste qui sera à l’origine de l’impressionnisme. Celleci est caractérisée par l’observation de la nature et sa représentation directement sur le motif, ce que permettent désormais le chevalet pliant et la peinture à l’huile en tube inventée par l’Américain John Goffe18. C’est à partir de la seconde moitié du xixe siècle que le goût des peintres pour le paysage maritime va connaître un véritable engouement, au détriment de la peinture des naufrages et des combats navals, désormais moins privilégiés par les artistes et moins goûtés par les amateurs de peinture. Une des raisons en est la facilité d’accès aux rivages côtiers que permettent désormais les transports ferroviaires. En effet, la première ligne de chemin de fer est ouverte en France en 1827 sur le trajet Saint-ÉtienneAndrézieux. Un plan d’ensemble pour le chemin de fer sur le territoire français est conçu en 1842. Les grandes gares parisiennes sont inaugurées en 1849. Dès 1850, les chemins de fer vont connaître un essor important : 700 kilomètres de voies ferrées sont construits tous les ans entre 1850 et 1870 et la France compte 17 500 kilomètres de lignes ferroviaires en 1870. Les villes côtières françaises deviennent peu à peu accessibles aux artistes et notamment Le Havre en 1847, Dieppe en 1848 et Cherbourg en 1858. Les peintres se regroupent et s’influencent mutuellement : en Normandie, Isabey, Bonington, Joseph Mallord William Turner (1775-1851) et Jean-Baptiste Corot (1796-1876) sont présents à Honfleur et Trouville. On y retrouve aussi Eugène Boudin (1824-1898) et Claude Monet (1840-1926), qui se sont rencontrés au Havre en 1858, s’installent à Étretat et peignent les falaises à la forme si particulière. Beaucoup se rendent en baie de Somme, à Saint-Valeryen-Caux et Le Crotoy où la lumière est différente de celle de la Normandie : Isabey, qui en 1833 signe Souvenir de Saint-Valery-sur-Somme, Eugène Boudin qui peint en 1888 Marée montante, baie de Saint-Valery, Jules Gustave Gagliardini (1846-1927) qui restitue l’émotion de L’Attente des pêcheurs à Cayeux-sur-Mer, Bonington, qui en rapporte Côte de Picardie. Les peintres du Sud de la France gagnent la mer Méditerranée et peignent les calanques, les criques… Félix Ziem (1821-1911) s’installe à Martigues en 1860 ; Claude Monet a quitté la côte normande pour Menton (1884) et Antibes (1888). Paul Signac (1863-1935) est à Cassis en 1889 et Paul Cézanne (1839-1906) séjourne à l’Estaque depuis 1864. De la même façon, les amoureux de la mer peuvent accéder facilement aux rivages côtiers. On découvre le goût de la pêche en amateur. Les bains de mer sont prescrits à des
not only the forest and the land, but also the peasants, was created. This school brought together many French and foreign landscape painters – the British were much in evidence since they were allowed on French soil once again after the fall of the Empire – and was to have a major influence on 19th-century painting. This led to the emergence of a naturalist school that was to be at the origin of Impressionism. The latter was characterised by the observation of nature and its portrayal directly on the motif, which henceforth was made possible by the folding easel and by oil paint in a tube, as invented by the American, John Goffe.18 It was from the second half of the 19th century that painters’ taste for seascapes was to become a real craze, to the detriment of the painting of shipwrecks and naval battles, henceforth less favoured by artists and less appreciated by art lovers. One of the reasons for this was the accessibility of the seaside, now facilitated by the railways. Indeed, the first railway line in France was opened in 1827 between SaintEtienne and Andrézieux. An overall plan for the railway on the French territory was conceived in 1842. The great Parisian stations were inaugurated in 1849. By 1850, the railways were enjoying a huge boom: 700 kilometres of railway were built every year between 1850 and 1870 and France had 17,500 kilometres of railway line in 1870. The French seaside towns gradually became accessible to the artists and in particular Le Havre in 1847, Dieppe in 1848 and Cherbourg in 1858. The painters gathered there and mutually influenced each other: in Normandy, Isabey, Bonington, Joseph Mallord William Turner (1775-1851) and Jean-Baptiste Corot (1796-1876) were in Honfleur and Trouville. Also to be found there were Eugène Boudin (18241898) and Claude Monet (1840-1926), who met in Le Havre in 1858, settled in Etretat and painted the cliffs with their highly distinctive form. Many went to the Bay of the Somme, Saint-Valéry-enCaux and Le Crotoy, where the light was different from that of Normandy: Isabey, who in 1833 signed Souvenir of SaintValery-sur-Somme, Eugène Boudin who in 1888 painted Rising Tide, Bay of Saint-Valéry, Jules Gustave Gagliardini (1846-1927) who restituted emotion in The Fishers' Wait at Cayeux-sur-Mer, and Bonington, who added some to Picardy Coast. The painters from the South of France reached the Mediterranean and painted the rocky inlets and the creeks… Felix Ziem (1821-1911) settled in Martigues in 1860; Claude Monet left the Normandy coast for Menton (1884) and Antibes (1888). Paul Signac (1863-1935) was in Cassis in 1889 and Paul Cézanne (1839-1906) had been staying in Estaque since 1864. Similarly, those who loved the sea could easily get to the coasts. A taste for amateur fishing was discovered. Sea bathing was prescribed for therapeutic purposes and
La peinture de marine en France au xixe siècle ~ 15 19th-Century French Seascape Painting
fins thérapeutiques et bientôt va se développer le goût de se baigner : c’est le début du tourisme balnéaire. Les premiers guides touristiques sont publiés par la Bibliothèque des chemins de fer en 185119, qui attirent les voyageurs et transforment les villes côtières en lieux de villégiature où les plus aisés viennent passer les longs mois d’hiver : les peintres s’en inspirent et les font figurer dans leurs tableaux. Car la peinture de marine au xixe siècle est aussi celle des villégiaturistes à la plage et des petits métiers de la mer. Inspiré par la peinture de genre, Jean-Louis Delamarne (1752-1829) a introduit les scènes de pêcheurs à terre20 et va être suivi par de nombreux peintres du xixe siècle. Boudin montre Les Lavandières et Retour de pêche au soleil couchant, Jules Héreau (1839-1879) peint Sur la plage de Villerville pendant la pêche aux moules à marée montante, Édouard Dantan (1848-1897) La Pêcheuse de coquillages et Edmond Dorange allumant sa pipe, départ pour la pêche, octobre 1896. Eugène Boudin, formé par Isabey à restituer la luminosité de l’atmosphère, réalise de nombreux tableaux des plages de Deauville et Trouville fréquentées par une foule de citadins dans une lumière diffuse qui en fait un des premiers impressionnistes. Il montre les familles et les amis rassemblés, discutant ou en promenade sur la grève. Il réalise une peinture à la fois délicate et documentaire de cette société des loisirs émergente, dont il observe les personnages élégants, vêtus de couleurs vives : Conversation sur la plage de Trouville, Plage aux environs de Trouville reflètent l’esprit mondain de l’époque, telle que Boudin l’a observée. Claude Monet en fait de même mais d’une manière plus distancée avec l’Hôtel des Roches noires à Trouville, en 1870, ou La Plage de Trouville dit Camille sur la plage la même année et Jules Noël (1810-1881) montre à Fécamp en 1871 une société plus simple et quelques baigneurs : Crinolines sur la plage. La fin du siècle voit naître de nouveaux courants picturaux, tels le symbolisme et le pointillisme – GeorgesPierre Seurat (1859-1891) figure la Grève du Bas-ButinHonfleur en 1886. Ces courants intègrent la représentation de l’univers maritime ; Gustave Courbet peint Soleil couchant en 1867, qui présente un univers marin idéalisé dans lequel tous les éléments : eau, soleil, ciel, se confondent. Monet, inspiré par l’observation de la lumière chère à Boudin, réalise en 1872 Impression, soleil levant, qui donne son nom en 1874 à l’impressionnisme.
a taste for it was soon to develop: it was the beginning of seaside tourism. The first tourist guides were published by the Railways Library in 1851,19 attracting travellers and transforming the coastal towns into holiday resorts where the more affluent would come to spend the long winter months: the painters were inspired by them and showed them in their paintings. Because the seascape painting of the 19th century was also that of the holidaymakers on the beach and that of the little seaside businesses. Inspired by genre paintings, Jean-Louis Delamarne (1752-1829) introduced the scenes of fishermen on land20 and was to be followed by many 19th-century painters. Boudin showed The Washerwomen and Return from Fishing at Sunset, Jules Héreau (1839-1879) painted Mussel Fishing on the Beach at Villerville during Low Tide, Edouard Dantan (1848-1897) The Shellfisherwoman and Edmond Dorange Lighting his Pipe, Departure for Fishing, October 1896. Eugène Boudin, trained by Isabey to restore the luminosity of the atmos phere, made many paintings of the beaches of Deauville and Trouville attended by a crowd of townsfolk in a diffused light, which makes him one of the first Impressionists. He showed families and friends gathered together, discussing or walking along the strand. His painting was delicate but also documented this emerging leisure society, whose elegant characters, dressed in bright colours, he observed: Conversation on the Beach at Trouville, Beach near Trouville reflected the fashionable spirit of the period, such as Boudin observed it. Claude Monet did the same but in a more distant manner with the The Hôtel des Roches Noires at Trouville, in 1870, or The Beach at Trouville, known as Camille on the Beach in the same year and Jules Noël (1810-1881) showed in Fécamp in 1871 a simpler society and a few bathers: Crinolines on the Beach. The end of the century saw the birth of new pictorial currents, such as Symbolism and pointillism – GeorgesPierre Seurat (1859-1891) depicted the Bas-Butin Strand, Honfleur in 1886. These currents incorporated the portrayal of the maritime universe: Gustave Courbet painted Sunset in 1867, which presented an idealised marine universe in which all of the elements – water, sun and sky – were merged. Monet, inspired by the observation of light so dear to Boudin, painted Impression, Sunrise in 1872, which in 1874 gave its name to Impressionism.
La peinture officielle au xixe siècle : la création du titre de Peintre du département de la Marine
Official Painting in the 19th Century: Creation of the Title of Painter of the Department of the Navy
La peinture de marine devient au xixe siècle en partie peinture officielle, ou presque : plusieurs peintres ont reçu des commandes royales pour représenter des scènes de marine et ce dès le xviie siècle. En 1817 est mise en concours la place de « Peintre de Marines de Monsieur le Duc d’Angoulême, Grand Amiral de France ». Garneray est en concurrence avec Jean-François Hue alors âgé de 66 ans
In the 19th century, marine painting became partly, or almost, official painting: several painters received royal commissions to depict seascapes, and this had started in the 17th century. In 1817, the position of “Naval Painter to his Grace the Duke of Angoulême, Great Admiral of France” was put up for competition. Garneray was in competition with Jean-François Hue, then 66 years old,
16 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
Fig. 5 ~ Théodore Gudin, Visite de Napoléon III à Gênes, musée national de la Marine, Paris Fig. 5 ~ Théodore Gudin, Visit of Napoléon III to Genoa, musée national de la Marine, Paris
et Crépin. Garneray, le plus jeune des trois peintres et sans doute le moins expérimenté en tant qu’artiste, l’emporte. Son titre de « Peintre de Marines » lui offre la possibilité de s’embarquer pour des destinations lointaines. Il se trouve en mission officielle à bord du vaisseau de l’amiral de La Bretonnière, à la bataille de Navarin, dont il fera le tableau exposé au Salon de 1831. De son côté, Crépin peint en 1817 à la demande de Louis XVIII Louis XV visite le port de Cherbourg, 23 juin 1786. Charles X passe commande à Gudin en 1828 de La Mort de l’enseigne de vaisseau Bisson, et Louis-Philippe lui demande de réaliser pour le château de Versailles 90 tableaux qui doivent magnifier l’histoire de la marine française. Cependant, la conquête de l’Algérie par la France a débuté et le ministère demande à quelques artistes d’accompagner en 1830 l’expédition d'Alger : Théodore Gudin, Eugène Isabey, Léon-Antoine Morel-Fatio, Louis-Ambroise Garneray, Louis-Philippe Crépin. Dans l’annuaire de la marine de l’année 1830, deux de ces peintres, Gudin et Crépin, sont mentionnés « attachés au ministère de la Marine ». En 1848, ils sont devenus « Peintres du département de la Marine », cela sans acte officiel, sans communication au « Monitor Officiel », sorte de Journal officiel de l’époque, et Théodore Gudin représente la Visite de Napoléon III à Gênes (fig. 5) en 1859, avant de retourner à ses côtés en Algérie. D’un petit nombre au départ et ce pendant quelques années (quatre en 1860, cinq en 1870, six en 1883, onze en 1889), ils sont 32 en 1900. Le titre de « Peintre du département de la Marine » est légalisé par décret du 10 avril 1920. On parle aujourd’hui des « peintres officiels de la Marine21 ». À la fin du xixe siècle, la peinture de marine est reine. Si Monet écrit à Boudin en quittant le Salon de 1859 : « Les peintres de marine manquent totalement22 », ce n’est plus
and Crépin. Garneray, the youngest of the three painters and undoubtedly the least experienced as an artist, won the day. His title of “Naval Painter” gave him the chance to set sail for faraway shores. He was in an official capacity aboard the vessel of Admiral de La Bretonnière, at the Battle of Navarin, his painting of which was to be exhibited in the 1831 Salon. For his part, Crépin painted in 1817 at the request of Louis XVIII Louis XV Visiting the Port of Cherbourg, 23 June 1786. Charles X commissioned Gudin in 1828 for Death of the Lieutenant Bisson, and LouisPhilippe asked him to produce 90 paintings for the Palace of Versailles for the glorification of the history of the French navy. However, the conquest of Algeria by France had begun and the ministry required some artists to accompany the 1830 expedition to Algiers: Théodore Gudin, Eugène Isabey, Léon-Antoine Morel-Fatio, Louis Ambroise Garneray, and Louis-Philippe Crépin. In the 1830 Naval Directory, it was mentioned that two of these painters, Gudin and Crépin, were “attached to the Ministry of the Navy”. In 1848, they became “Navy Department Painters”, without an official act or any communication in the “Official Monitor”, a kind of Official Journal of the time, and Theodore Gudin depicted the Visit of Napoleon III to Genoa (fig. 5) in 1859, before returning with him to Algeria. From a small number at the beginning and for a few years (4 in 1860, 5 in 1870, 6 in 1883, 11 in 1889), there were 32 navy painters by 1900. The title of “Navy Department Painter” was legalised by a decree of 10 April 1920. We speak today of “Official Navy Painters”.21 At the end of the 19th century, seascape painting reigned. Although Monet wrote to Boudin when leaving the 1859 Salon: “There was a total absence of seascape painters,”22 this was no longer the case at the end of the 19th
La peinture de marine en France au xixe siècle ~ 17 19th-Century French Seascape Painting
vrai à la fin du xixe siècle. Le début du xxe siècle laissera la place à un art où le mouvement est enfin figuré. La technique a permis la construction de coques plus effilées, la vitesse est matérialisée.
century. The beginning of the 20th century was to make way for an art where movement was finally depicted. The building technique had allowed the construction of more streamlined hulls, and speed had arrived.
Notes
Notes
1. « On nomme marine : ces tableaux qui représentent des vues de mer, des combats, des tempêtes, des vaisseaux, & autres sujets marins », in D. Diderot, 1751-1780, p. 127. 2. Plusieurs tableaux sont référencés dans cet article afin d’en illustrer le propos. Ils ne sont que quelques-uns au regard de la production fort importante dans le domaine de la peinture de marine réalisée en France au xixe siècle. 3. Ce tableau a longtemps été attribué par erreur à P. Breughel l’Ancien : voir le site du Kunst Historisches Museum Wien : http://bilddatenbank.khm.at/viewArtefact?id=1239 4. L. Harembourg, 1988, p. 13. 5. Dès la Renaissance, la peinture de chevalet est divisée et hiérarchisée en fonction des sujets représentés : la peinture d’histoire est la plus prisée ; appelée « grand genre », elle comprend la peinture religieuse et la peinture d’histoire à proprement parler ; viennent ensuite le portrait, puis la scène de genre, ou « petit genre », montrant souvent des scènes de la vie quotidienne, puis le paysage et enfin la nature morte. On ne parle pas de peinture de marine. Cette classification perdurera jusqu’au xixe siècle. La prise en compte progressive de la peinture de marine dans les différents salons, où seules figurent des œuvres agréées par l’Académie des Beaux-Arts, va peu à peu confirmer l’existence du genre. 6. La date de 1663 est très vraisemblablement inexacte. Voir E. Moreau, 2011, p. 48. 7. La « veduta » apparaît à Venise au xviiie siècle. La représentation de la lumière et des reflets de l’eau, préoccupation proche des peintres de marine, en est une caractéristique importante. 8. F. Ingersoll-Smouse, 1926, p. 15. 9. Ibid., p. 21. 10. Il réalise les vues des ports de Marseille (en deux vues : L’Intérieur du port de Marseille… et L’Entrée du port de Marseille…), Bandol, Toulon (en trois vues : Le Port neuf…, Vûe de la Ville et de la Rade de Toulon et Le Port vieux de Toulon), Antibes, Cette (Sète), Bordeaux (en trois vues : Vûe d’une partie du port et de la ville de Bordeaux, Autre vûe du même port, près du château Trompette), Bayonne, La Rochelle, Rochefort, Dieppe. 11. D. Boell, 2004, p. 51. 12. Journal des artistes, 1838, p. 298. 13. Journal des Beaux-Arts et de la littérature, 1843, t. II, p. 23l. 14. F. Lacaille, 1998, p. 103. 15. E. Moreau, 2011, p. 40. 16. Idem, p. 8. 17. L. Bely, 2009, p. 620. 18. B. Delarue, 2011, p. 24. 19. Ceux-ci sont remplacés par les Guides Joanne en 1860 qui deviendront les Guides bleus en 1919. 20. B. Delarue, 2011, p. 18. 21. Voir le site des peintres officiels de la Marine : http://www.peintreofficieldelamarine.fr/ 22. J. Rewald, 1971, p. 65.
1. “We call seascapes: those paintings that depict sea views, battles, storms, vessels, and other marine subjects”, in D. DIDEROT, 17511780, p. 127. 2. Numerous paintings are referenced in this article in order to illustrate its propos. They are just some elements to be cited in this brief history of marine painting. The number of works painted in this field was colossal, notably from the 18th century, although few compared to the massive production of French 19th-century marine painting. 3. This painting was for a long time mistakenly attributed to P. Brueghel the Elder: see the website of the Kunst Historiches Museum, Vienna: http://bilddatenbank.khm.at/viewArtefact?id=1239 4. L. Harembourg, 1988, p. 13. 5. As early as the Renaissance, easel painting was divided and ranked according to the subjects depicted: historical painting was the most highly prized; called “grand genre”, it includes religious painting and the painting of history strictly speaking; then comes portrait painting, then the genre scene, called “petit genre”, often showing scenes of everyday life, then landscape painting and, finally, still life. Seascape painting is not mentioned. This classification was to last until the 19th century. The gradual taking into account of seascape painting in the various Salons, where only works approved by the Academy of Fine Arts appeared, was little by little to confirm the existence of the genre. 6. The date of 1663 is most probably inexact. See E. MOREAU, 2011, p. 48 7. The veduta appeared in Venice in the 18th century The depiction of light and watery reflections, a heartfelt preoccupation of seascape painters, is one of its important characteristics. 8. F. Ingersoll-Smouse, 1926, p. 15. 9. Ibid., p. 21. 10. He painted views of the ports of Marseille (as in two views: The Interior of the Port of Marseille [...] and Entrance to the Port of Marseille), Bandol, Toulon (three views: The New Port of Toulon, View of the Town and the Bay of Toulon and The Old Port of Toulon), Antibes, Sète, Bordeaux (three views: View of a Part of the Port and Town of Bordeaux, Another View of the Same Port, near the Château Trompette), Bayonne, La Rochelle, Rochefort and Dieppe. 11. D. Boell, 2004, p. 51. 12. Journal des artistes, 1838, p. 298. 13. Journal des Beaux-Arts et de la littérature, 1843, t. II, p. 23l. 14. F. Lacaille, 1998, p. 103. 15. E. Moreau, 2011, p. 40. 16. Idem, p. 8. 17. L. Bely, 2009, p. 620. 18. B. Delarue, 2011, p. 24. 19. These were replaced by the Guides Joanne in 1860, which in 1919 were to become the Guides bleus. 20. B. Delarue, 2011, p. 18. 21. See the Official Navy Painters’ website: http://www.peintreofficieldelamarine.fr/ 22. J. Rewald, 1971, p. 65.
18 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
Harry van der Weyden (1868-1952) 1 ~ Dunes
1 ~ Dunes
Inv. 2012.11.1 Huile sur toile H : 58 × L : 72 cm S.D.b.g. : H. van der Weyden 1911
Inv. 2012.11.1 Oil on canvas H: 58 × L: 72 cm S and d bottom left: H. van der Weyden 1911
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arry van der Weyden est né à Boston en 1868. Il entreprend des études artistiques à la Slade School de Londres où enseigne Alphonse Legros. En 1891, l’artiste poursuit son apprentissage à l’Académie Julian et travaille avec Jean-Paul Laurens et Benjamin Constant. Il participe aux expositions organisées à Étaples puis au Touquet en 1896, en 1909 et 1910. Chaque année jusqu’en 1897, il s’inscrit au Salon. Il reçoit une médaille de bronze à l’Exposition universelle de 1900. En 1916, l’artiste entre comme officier au sein de l’armée britannique dans l’unité du « Camouflage Corps ». À la recherche de tranquillité, il choisit de s’éloigner d’Étaples, investie par la plupart des artistes de la colonie, pour y préférer le calme de Montreuil-sur-Mer où il achète l’Hôtel Acary de la Rivière. Harry van der Weyden a puisé son inspiration dans cette région. Il travailla régulièrement les sujets de marine à Étaples. Il représenta également de nombreuses fois les paysages de Montreuil-sur-Mer dont le musée conserve actuellement deux œuvres et un album de photographies familiales de l’artiste. Dans Dunes le peintre s’est attaché à représenter la quiétude d’un bord de mer avec comme unique sujet les dunes. La composition est équilibrée, le ciel occupant la partie supérieure de l’œuvre. Cette toile témoigne de l’aptitude de l’artiste à représenter le mouvement des nuages grâce aux touches grises et blanches. Le ciel et les dunes se répondent de manière presque symétrique. Les volutes des nuages qui descendent du haut de la composition vers le bas à droite font écho à la diagonale marquée par la végétation rase sur les crêtes de sable, en bas de la composition à droite. Sur la partie gauche de l’œuvre, un effet de miroir est réalisé, comme un dialogue entre la dune qui rejoint le ciel et le nuage gris, lourd, chargé de pluie descendant vers les terres. Cette union est renforcée par la disparition de la ligne de l’océan sur la partie gauche de la composition. CR
arry Van der Weyden was born in Boston in 1868. He started studying art at the Slade School of Fine Art in London where Alphonse Legros taught. In 1891, the artist continued his apprenticeship at the Académie Julian and worked with Jean-Paul Laurens and Benjamin Constant. He participated in exhibitions organised in Etaples then in Le Touquet in 1896, in 1909 and 1910. Every year through to 1897, he signed up at the Salon. He received a bronze medal at the Exposition Universelle in 1900. The artist joined the Camouflage corps of the British army in 1916. In search of peace, he decided to move away from Etaples, where most of the colony artists lived, preferring Montreuil-sur-Mer where he bought the Hôtel Acary de la Rivière. Harry Van der Weyden drew his inspiration from this region. He regularly depicted seascapes in Etaples. He also painted many Montreuil-sur-Mer landscapes. The museum in Montreuil now owns two works and one of his family photo albums. Dunes is the painter’s attempt to convey the serenity of the seashore with the dunes as its unique subject. The composition is well balanced, with the sky occupying the top section of the work. This canvas demonstrates the artist’s skill at depicting scurrying clouds with strokes of grey and white. The sky and dunes reflect each other, conveying a sense of symmetry. The swirling clouds descend from the top of the composition towards the bottom left, repeating the diagonal line drawn by the scrubby vegetation on the crests of sand, bottom right. On the left, there is a mirror effect, like a dialogue between the dune meeting the sky and heavy grey clouds raining down on the earth. This unity is further bolstered with the disappearance of the horizon on the left side of the composition. CR
Terre et mer ~ 31
Earth and Sea
Eugène Chigot (1860-1927)
2 ~ La Baie de Canche Inv. 2010.2.1 Huile sur toile H : 47 × L : 63 S.D.b.d : Eug. Chigot 95
3 ~ La Baie de Canche Inv. 2010.2.2 Huile sur toile H : 47 × L : 63 S.D.b.d : Eug. Chigot 95
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es deux études résument à elles seules les composantes majeures des sites qui jalonnent la Canche : rivages marins, dunes et forêts se partagent l’espace et créent un décor particulier dont l’artiste cherche ici à évoquer les lignes principales. Le ciel, l’eau et la plage sont retranscrits à l’aide de larges aplats à la différence de la végétation qui apparaît sous de vigoureux traits de pinceau. Le coloris est clair et les teintes pastel renvoient à la douceur de la lumière qui baigne la scène. Cette schématisation extrême du paysage constitue le principe même de l’étude élaborée en plein air et susceptible d’exprimer au mieux l’émotion première ressentie par le peintre au contact de la nature. Cette dernière occupe toute la toile, à peine ponctuée de quelques éléments évoquant la présence humaine, les voiles de bateaux à l’arrière-plan ou la verrotière et son panier à proximité du rivage. Toutes deux datées de 1895, les œuvres sont exécutées lors du second séjour du peintre à Étaples. À Berck où il réside en 1893, Eugène Chigot préfère Étaples, plus propice au travail et à la contemplation des sites naturels. Marthe, qu’il vient tout juste d’épouser, écrit à sa mère le 2 juillet 1893 : « Nous quitterons probablement Berck cette semaine. La plage devient insipide avec tous ses baigneurs, les cabines, les baudets, les petits pâtissiers et mon cher mari ne peut plus peindre au milieu de cette agitation et de cette mondanité1. » La famille Chigot s’installe alors dans la maison qu’Eugène avait achetée à Étaples et c’est là que naît leur premier enfant Mathilde en 1894. Depuis les bords de Canche où il plante son chevalet, l’artiste puise l’inspiration qui l’incite à réaliser plusieurs paysages exposés par la suite au Salon à Paris ainsi qu’à des manifestations locales comme celles de la Société valenciennoise des Arts où il présente en 1895 une
32 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
2 ~ The Bay of Canche Inv. 2010.2.1 Oil on canvas H: 47 × L: 63 S and d bottom right: Eug. Chigot 95
3 ~ The Bay of Canche Inv. 2010.2.2 Oil on canvas H: 47 × L: 63 S and d bottom right: Eug. Chigot 95
T
he two studies include all the main features of the sites along the river Canche: banks, dunes and forests create a special backdrop that the artist is striving here to outline. The sky, water and beach are depicted using large colour blocks, whereas the vegetation is achieved using powerful brushstrokes. The colour is light and pastel tints are used to convey the soft light bathing the scene. The landscape is reduced practically to an outline, as befits a study produced outdoors, best to express the raw emotion as felt by the painter as he communed with Nature. Which indeed dominates the entire canvas, with dots here and there, referring scantily to human presence, such as boat sails in the background and the worm-gatherer and her basket by the bank. Dated 1895, the works were both produced during the painter’s second stay in Etaples. Eugène Chigot resided in Berck in 1893, but preferred Etaples, finding it more conducive to work and to the contemplation of natural sites. As his newly wed wife, Marthe, wrote to her mother on 2 July 1893: “We will probably be leaving Berck this week. The beach has lost its charm, with people bathing, beach huts, donkeys and pastry sellers. My dear husband can no longer paint in the midst of this agitation and worldliness.”1 The Chigot family then moved into the house Eugène had bought in Etaples, where their first child Mathilde was born in 1894. The artist drew his inspiration from the banks of the
Vue de la Canche à Aubin-Saint-Vaast. Cet intérêt pour les sites paisibles incite un critique à rapprocher son œuvre de celle des peintres hollandais comme Meindert Hobbema : « Comme eux, il aime les solitudes où seule la physionomie des arbres et des horizons inscrit, d’elle-même, la légende d’une heure de vision ; comme eux, il aime à tracer des figures saisies en une attitude de méditation ou de joie dont il peuplera ses sites, çà et là2. » MM 1. A. Descheemaeker-Colle, 2008, p. 99. 2. J.-F.-L. Merlet, 1910, p. 50.
Canche where he set up his easel, spurring him to produce several landscapes exhibited later at the Salon in Paris as well as at local events such as that laid on by the Société Valenciennoise des Arts, where he presented a View of the Canche in Aubin-Saint-Vaast in 1895. His focus on peaceful sites prompted a critic to compare his work with that of Dutch painters like Meindert Hobbema: “Like them, he loved solitude, with only the outline of trees and the horizon spontaneously projecting his hour-long communing with nature; like them, he similarly enjoyed tracing figures caught meditating or in a state of rapture, dotting them all over his pictures.”2 MM 1. A. Descheemaeker-Colle, 2008, p. 99. 2. J.-F.-L. Merlet, 1910, p. 50.
Terre et mer ~ 33
Earth and Sea
4 ~ Maison en bord de mer
4 ~ House by the Sea
Inv. 2011.4.1 Huile sur toile H : 57 × L : 59 S.b.d : Eug. Chigot
Inv. 2011.4.1 Oil on canvas H: 57 × L: 59 S bottom right: Eug. Chigot
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I
ans l’article qu’il consacre à l’œuvre d’Henri Le Sidaner, Henry Marcel souligne l’influence du peintre sur d’autres paysagistes tel Eugène Chigot1 « qui, sans l’imiter, s’inspirent aux mêmes sources, cherchant à incarner, à son exemple, leurs divers états de sensibilité dans les formes indéfiniment plastiques de la nature, et comme lui à lui préférer les expressions paisibles et recueillies ». La relation avec l’œuvre d’Henri Le Sidaner s’explique aussi par la proximité géographique qui unit les deux artistes tous deux à Étaples en 1887. Là, ils trouvent un terrain propice à la peinture et aux échanges amicaux. Il faut souligner l’implication d’Eugène Chigot dans la vie culturelle locale et notamment sa contribution à la création et au développement d’une communauté artistique sur le territoire. En 1892, à son initiative, le Conseil municipal d’Étaples entérine la mise en place d’une exposition annuelle d’œuvres d’art dans les salles de la mairie. Le peintre valenciennois est également à l’origine de la fondation d’une Société des Amis des Arts à Étaples dont l’un des objectifs réside justement dans l’organisation d’expositions. La fascination qu’exercent chez lui les rivages marins l’invite à la contemplation, à l’image du pêcheur et de la femme représentés immobiles face à la mer. Le paysage qu’il brosse ici traduit cet attrait pour le bord de mer et rassemble les composantes essentielles des toiles qu’il exécute autour des années 1895. Les rives de la Canche, l’activité des marins et en particulier celle des verrotières, les femmes qui allaient chercher les vers enfouis dans le sable, futurs appâts pour les pêcheurs, constituent alors des sujets de prédilection. MM 1. H. Marcel, 1909, p. 134.
34 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
n the article he devoted to the work of Henri Le Sidaner, Henry Marcel emphasises the painter's influence on other landscape painters such as Eugène Chigot1 “who, while not imitating him, drew inspiration from the same sources, striving for embodiment, using his work as an example, their various states of sensitivity in the ever-changing forms of nature, and like him, preferring peaceful, communing expressions.” The Henri Le Sidaner connection also can be explained by their geographical proximity, with both artists living in Etaples in 1887. They found the scenery propitious to both painting and friendship. Eugène Chigot’s deep involvement in local cultural affairs also deserves a mention, especially his contribution to the creation and development of a local artist’s community. In 1892, further to his initiative, the Etaples town council approved the setup of an annual exhibition of works of art at the town hall. The painter from Valenciennes also helped to found the Etaples Société des Amis des Arts, one of the aims of which was to organise exhibitions. His fascination for the seashore led him to contemplate the sea like the fishermen and women he painted standing still as they look out to sea. His love of the seashore shines right through the landscapes he painted, which are the main components of his 1895 output on canvas. The banks of the Canche, sailors hard at work and worm-gatherers (women who used to hunt out worms in the sand to be used as bait by the fishermen), were his favourite subjects at that time. MM 1. H. Marcel, 1909, p. 134.
Terre et mer ~ 35
Earth and Sea
5 ~ Étude pour baie de Canche
5 ~ Study for the Bay of Canche
Inv. 2010.6.1 Huile sur isorel H : 29 × L : 31 S.b.d : Chigot
Inv. 2010.6.1 Oil on panel H: 29 × L: 31 S bottom right: Chigot
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éritable creuset d’impressions visuelles traduites par la couleur, cette étude montre l’influence des recherches impressionnistes sur le travail d’Eugène Chigot. Le ciel, la mer, les nuages et le rivage sont rendus par d’épaisses touches bleues et blanches qui s’entremêlent parfois, abolissant les frontières entre les différents éléments de décor. Seuls les arbres et la végétation apparaissent de manière plus distincte et structurent la partie droite de la scène. La nature du support, l’isorel, plus rigide que la toile, facilite le travail en plein air et démontre qu’il s’agit vraisemblablement d’une étude sur le motif. La technique du peintre évolue au début du siècle vers une manière plus impressionniste ce qui incite le poète Jean-François Louis Merlet à écrire à propos d’Eugène Chigot : « Il nous sera permis en toute liberté d’affirmer que par sa fraîcheur et sa vérité l’art d’Eugène Chigot est impressionniste1. » La formation que reçoit Eugène Chigot à l’École des Beaux-Arts à partir de 1880 au sein de l’atelier d’Alexandre Cabanel, peintre académique dont les œuvres au fini soigné affichent la primauté de la peinture d’histoire, lui enseigne le rôle du dessin et de l’esquisse, étape préparatoire à la réalisation d’une peinture destinée au Salon. Lorsqu’il arrive à Étaples en 1887, il est encore nourri de cet apprentissage. Au contact d’autres artistes comme Henri Le Sidaner, il est sensibilisé à l’importance d’une peinture tournée vers l’expression du sentiment et dans laquelle les détails sont sacrifiés à l’impression d’ensemble. C’est le début d’une évolution qui le conduira vers une fragmentation de la touche dont les derniers paysages se font l’écho. MM 1. J.-F. L. Merlet, 1910, p. 55.
36 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
s a crucible of visual impressions via colour, this study shows the Impressionist influence on Eugène Chigot’s work. The sky, sea, clouds and shore are depicted with thick strokes of blue and white, which sometimes mingle; so that the various elements blend into each other. Only the trees and vegetation appear to be distinct, shaping the right-hand part of the scene. The work was painted on a panel, more rigid than canvas, which is easier to work on outdoors, showing that it really was a study of the motif. The painter’s technique developed further into Impressionism at the turn of the century, prompting the poet JeanFrançois Louis Merlet to write of Eugène Chigot: “we can freely assert that with its fresh appeal and truth, Eugène Chigot’s art is impressionist.”1 Eugène Chigot studied at the École des Beaux-Arts as from 1880, in Alexandre Cabanel’s studio. Cabanel was an academic painter whose carefully honed works asserted historical painting as the most elevated art form. He taught Chigot about the role of drawing and sketching in preparation for a painting to be displayed at the Salon. When Chigot arrived in Etaples in 1887, he was still under the influence of this apprenticeship. When he met other artists like Henri le Sidaner, he became aware of the importance of painting to express sentiment and in which details are sacrificed to the overall impression. This was what prompted his development towards more fragmented brushstrokes as demonstrated in his last landscapes. MM 1. J.-F. L. Merlet, 1910, p. 55.
Terre et mer ~ 37
Earth and Sea
Jan Lavezzari (1876-1947)
6 ~ Une quille en l’air
6 ~ An Upturned Keel
Inv. 2009.2.1 Huile sur toile H : 66 × L : 86,5 S.b.d. : JAN LAVEZZARI
Inv. 2009.2.1 Oil on canvas H: 66 × L: 86.5 S bottom right: JAN LAVEZZARI
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a collection du Département détient trois œuvres du peintre berckois Jan Lavezzari. Présentées pour la première fois au public, elles illustrent parfaitement l’intérêt de cet artiste pour la mer et les paysages dunaires. Jan Lavezzari est né à Paris en 1876. Son père Émile, architecte de Napoléon III, est le constructeur de plusieurs bâtiments à Berck dont l’hôpital maritime et la gendarmerie, l’actuel musée d’Opale sud. Jan est très tôt attiré par la mer ; il aura à cœur tout au long de sa carrière de peindre les rivages de la côte d’Opale et ses habitants, s’intéressant plus particulièrement aux pêcheurs. Encouragé par Francis Tattegrain (1852-1915), artiste berckois, il expose régulièrement au Salon des Artistes français à Paris et à l’occasion d’expositions régionales. Le musée d’Opale sud à Bercksur-Mer conserve une très belle collection de cet artiste. La Quille en l’air représente un bateau retourné sur la plage. La partie inférieure de l’embarcation, la quille, est effectivement à l’envers. Les Berckois plaçaient ces « caloges » (bateaux usés) dans cette position pour en faire des habitations de fortune sur la plage. Le peintre a ici peint l’embarcation dans une brume mêlant l’écume et le sable. Les contours des éléments sont estompés. CR 38 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
he Pas-de-Calais collection features three works by Jan Lavezzari, a painter from Berck. Exhibited here for public view for the first time, they are a perfect illustration of this artist’s fascination for the sea and dune landscapes. Jan Lavezzari was born in Paris in 1876. As an architect under Napoleon III, his father Emile built several edifices in Berck including the Marine Hospital and the Gendarmerie, now the Musée d’Opale Sud. Jan was fascinated by the sea from an early age, making a point throughout his career of painting the Opal Coast and its inhabitants, especially the fishermen. With encouragement from Francis Tattegrain (1852-1915), an artist from Berck, he exhibited regularly at the Salon des artistes français (exhibition of French artists) in Paris and at regional exhibitions. The Musée d’Opale Sud in Berck-sur-Mer houses a wonderful collection by this artist. An Upturned Keel depicts an overturned boat on the beach. The lower part, the keel, is indeed pointing upward. Inhabitants of Berck placed these wrecks, or “caloges”, upside down to turn them into makeshift homes on the beach. Here, the painter has portrayed the boat in a misty blend of foam and sand, with blurry contours. CR
7 ~ Maisons dans les dunes
7 ~ Houses in the Dunes
Inv. 2012.4.1 Huile sur toile H : 81,5 × L : 109 S.b.d. : JAN LAVEZZARI
Inv. 2012.4.1 Oil on canvas H : 81.5 × L : 109 S bottom right: JAN LAVEZZARI
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ans Maisons dans les dunes, le peintre témoigne de son goût pour les paysages dunaires où le sable se mêle à la mer. La barrière du premier plan invite le spectateur à rentrer dans ce paysage. Les dunes et les bosquets se mêlent subtilement, laissant deviner la mer à l’arrière-plan. Les couleurs chatoyantes, le vert profond et le bleu très clair, ne font aucun doute ; nous sommes au cœur de l’été. Jan Lavezzari a su illustrer la faune et la flore des dunes, et les subtilités de ce paysage, tels le ciel et ses nuages, qu’il savait observer mieux que quiconque. L’œuvre est équilibrée, la ligne formée par la plaine herbeuse prend le tiers du tableau, respectant l’équilibre parfait du nombre d’or. Les dunes sur la partie gauche de l’œuvre se confondent avec le ciel. Un contraste de qualité est établi entre la proportion de vert profond et les tons clairs des dunes et du ciel. CR
n Houses in the Dunes, the painter explores his love of dune landscapes where the sand meets the sea. The fence in the foreground beckons the onlooker hither into this landscape. The dunes and the groves intertwine lightly, hinting at the sea in the background. With the shimmering deep green and light blue colours it is plainly high summer. Jan Lavezzari has managed to portray the flora and fauna of the dunes, and the subtleties of this landscape, such as the sky and clouds: he had the keenest of eyes with which to observe them. The work has a sense of balance, the line formed by the grassy plain occupies a third of the picture, neatly complying with the golden ratio. The dunes towards the left blend into the sky. There is a definite contrast in quality between the proportion of deep green and the lighter hues used for the dunes and sky. CR
Terre et mer ~ 39
Earth and Sea
Henry Golden Dearth (1864-1918)
8 ~ Vue du port de Boulogne prise de l’Hôtel du Louvre
8 ~ View of the Port of Boulogne as Seen from the Hôtel du Louvre
Inv. 2011.2.1 Huile marouflée sur carton H : 54 × L : 63
Inv. 2011.2.1 Oil stuck on board H: 54 × L: 63
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eintre né à Bristol (Rhode Island) en 1863, Henry Golden Dearth fait son premier apprentissage dans l’atelier d’Horace Johnson. À Paris, il entre à l’École des Beaux-Arts et devient l’élève d’Aimé Morot. Dans les années 1890, il affectionne Boulogne-sur-Mer et Montreuil-sur-Mer, ville dans laquelle il acquiert une résidence secondaire. Il ne négligea pas pour autant les États-Unis où il expose dès 1889 à la National Academy of Design de New York. La carrière de Henry Golden Dearth est divisée en deux périodes. Au cours de la première, le peintre réalise des paysages dans l’esprit et le style de l’École de Barbizon. À partir de 1912, il peint des portraits puis des natures mortes dans des couleurs très vives. Vue du port de Boulogne prise de l’Hôtel du Louvre appartient à la première période de l’artiste. Elle représente le port de Boulogne-sur-Mer en 1913. Une photographie du vaste espace portuaire montre l’exactitude de l’œuvre de l’artiste américain qui s’attache aux moindres détails de ce paysage. Le peintre appréciait ce sujet et ses potentialités en termes de couleurs et de reflets. Cette œuvre fait partie d’un ensemble important de représentations de la ville1. La plupart d’entre elles sont conservées aux États-Unis. L’œuvre offre une composition équilibrée en trois parties horizontales : un tiers pour le ciel et les immeubles de la ville, un autre pour les embarcations du port et enfin le dernier pour le quai sur lequel le peintre a très certainement installé son chevalet. Cette composition confère au tableau une sérénité telle qu’elle devait être sur cette berge de Boulogne où sont rassemblés des voiliers et des bateaux de pêche. On reconnaît au loin la cathédrale qui surplombe la ville. L’artiste ne détaille aucun contour ; il utilise au contraire le contraste des couleurs entre elles pour délimiter les formes. Sa palette mêle des tonalités de blanc, de marron et de bleu clair. CR 1. La galerie Hammer de New York exposa en 1981 plusieurs vues de Boulogne Herring Boats at Boulogne 1905, The Outer BasinBoulogne 1907, Quai at Boulogne 1903. Richard Linch, « Henry Golden Dearth American 1864-1918 », exposition 22 septembre3 octobre 1981, Galerie Hammer, New York.
40 ~ PEINTRES DE LA CÔTE D’OPALE AU XIXE SIÈCLE 19th-CENTURY PAINTERS OF THE OPAL COAST
painter born in Bristol, Rhode Island, in 1863, Henry Golden Dearth was first apprenticed to Horace Johnson’s studio. In Paris, he enrolled at the Ecole des BeauxArts and studied under Aimé Morot. In the 1890s, he became fond of Boulogne-sur-Mer and Montreuil-sur-Mer, where he acquired a second home. He did not neglect the US, first exhibiting at the National Academy of Design, New York, in 1889. Henry Golden Dearth’s career can be divided into two periods. During his first period, he produced landscapes in the style and spirit of the Barbizon School of painting. Then as from 1912, he embarked on portraiture then still life in very bright colours. View of the Port of Boulogne as Seen from the Hôtel du Louvre belongs to his first period. It depicts the port in Boulogne-sur-Mer in 1913. A photograph of the vast port area shows just how precise this American artist’s work was, down to the last details of the landscape. The painter appreciated the subject and its potential in terms of colours and reflections. This work is part of an important set of paintings portraying the city.1 Most of them are now in the US. The work shows a balanced composition divided into three horizontal parts: a third for the sky and city buildings, another for the boats in the port and lastly the quay where the painter most probably set up his easel. This composition confers on the painting an authentic sense of serenity, in this port in Boulogne harbouring yachts and fishing boats. In the distance, the cathedral overlooks the city. The artist has not drawn contours; on the contrary, he uses contrasting colours for outlining. His palette mingles white with browns and light blues. CR 1. The Hammer Galleries in New York exhibited several views of Boulogne in 1981: Herring Boats at Boulogne, 1905, The Outer Basin-Boulogne, 1907, Quai at Boulogne, 1903. Linch Richard, Henry Golden Dearth American 1864-1918, Exhibition 22 September–3 October 1981, Hammer Galleries
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Earth and Sea
Georges Ricard-Cordingley (1873-1939)
9 ~ Goélette vue de face
9 ~ Schooner, Front View
Inv. 2013.1.1 Fusain sur papier H : 52 × L : 50 S.b.g. : G. RICARD-CORDINGLEY
Inv. 2013.1.1 Charcoal on paper H: 52 × L: 50 S bottom left: G. RICARD-CORDINGLEY
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i elle peut être rapprochée de l’aquarelle du même nom conservée au château musée de Boulogne-sur-Mer et d’une huile sur toile intitulée Retour d’Islande, Dunkerque, datée de 1928 et conservée dans une collection particulière, cette œuvre témoigne de l’importance accordée par l’artiste au dessin. Préliminaire à la composition aboutie, cette forme d’expression artistique, à propos de laquelle l’artiste écrit que « ce qui ne saurait être exprimé en noir et blanc ne saurait être exprimé au moyen de la couleur1 », parvient parfois, comme ici, au statut d’œuvre à part entière. Soucieux du détail, Ricard-Cordingley fait preuve d’une attention particulière et représente la goélette le plus précisément possible, à la manière d’un portrait : le hunier et les voiles d’avant sont hissés indiquant que le navire est en pleine mer. Tout au long de sa carrière, l’artiste multiplie les dessins, le plus fréquemment au fusain ou au crayon gras, reproduisant les différents bateaux qu’il croise : flottille de pêche, navires de plaisance, paquebots, l’univers détaillé de la navigation maritime emplit les carnets de croquis qu’il emporte avec lui lors de ses voyages. Il embarque à plusieurs reprises sur les navires de la Société des Œuvres de mer fondée par Jean-Baptiste Charcot et, en 1896, parvient même jusqu’à Terre-Neuve. Sa fille Gabrielle conserve de lui le souvenir d’un « père artiste ouvrant un petit carnet afin d’y noter, d’y croquer un nuage, une vague, un personnage, un détail de voilure, ou tout simplement une pensée2 ». MM 1. Boulogne-sur-Mer, 2000, p. 7. 2. D. Allannic, G. Ricard-Cordingley, 1997, p. 54.
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hile it is similar to the watercolour namesake at the Château-Musée in Boulogne-sur-Mer and an oil on canvas entitled Back from Iceland, Dunkirk dated 1928, currently in a private collection, this work is an example of the importance of drawing to the artist. It is a preliminary sketch for the final composition. The artist wrote about this form of artistic expression: “if you can’t express it in black and white, you can’t achieve in colour either”.1 Sometimes, as for this work, the preliminary sketches can be considered to be works in their own right. Paying great attention to detail, Ricard-Cordingley painstakingly depicts the schooner as accurately as possible, as if drawing its portrait: the topsail and foresails have been hoisted, meaning that the ship is out at sea. In the course of his career, the artist produced a host of drawings, mostly with charcoal and pastels, reproducing the various boats he came across: fishing fleets, leisure boats, ocean liners and so on. He took his sketchbook on his travels and filled it with sketches detailing the world of maritime navigation. On several occasions he boarded ships belonging to the Société des Oeuvres de mer founded by Jean-Baptiste Charcot and even went as far as Newfoundland in 1896. His daughter Gabrielle remembered him as a “father-artist opening his sketchbook to make notes, sketch clouds, waves, a figure, a detail of the sails, or quite simply a thought.”2 MM 1. Boulogne-sur-Mer, 2000, p. 7. 2. D. Allannic, G. Ricard-Cordingley, 1997, p. 54.
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Earth and Sea
10 ~ Trouée de lumière sur la côte d’Opale
10 ~ Pool of Light on the Opal Coast
Inv. 2013.2.1 Huile sur toile H : 102,5 × L : 123 S.b.d : G. RICARD-CORDINGLEY
Inv. 2013.2.1 Oil on canvas H: 102.5 × L: 123 S bottom right: G. RICARD-CORDINGLEY
11 ~ Crépuscule
11 ~ Dusk
Inv. 2013.3.1 Huile sur toile H : 49 × L : 62,5 S.b.g. : G RICARD-CORDINGLEY
Inv. 2013.3.1 Oil on canvas H: 49 × L: 62.5 S bottom left: G. RICARD-CORDINGLEY
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nitié à partir de 1887 à la peinture par Jean-Charles Cazin qui, depuis sa propriété d’Équihen, multiplie alors les études de paysages, Georges Ricard-Cordingley cherche à retranscrire l’émotion ressentie à la contemplation des rivages marins, la perception de la beauté des éléments naturels qui lui font dire que « l’horizon est l’évocation de l’infini1 ». La sensibilité à l’immensité des horizons marins le rapproche des peintres romantiques, qui, avant lui, évoquent les forces qui régissent l’univers,et face auxquelles l’homme semble parfois impuissant. En 1896, le naufrage sur les bancs de Terre-Neuve d’un navire de la Société des Œuvres de mer à bord duquel il s’était embarqué le marque profondément. Bon nombre des paysages qu’il exécute par la suite portent la trace de cette fascination pour l’étendue et la puissance de l’univers marin. Suivant l’exemple de Cazin, il s’intéresse aux moments où le rôle de la lumière se fait particulièrement sentir, lever du jour ou crépuscule, détaillant les variations colorées qui transforment la plage et le ciel, « le ciel qui baigne tout de sa lumière apaisée et pure2 ». Ce dernier fait l’objet d’une attention particulière et, à la manière des compositions d’Eugène Boudin, constitue un sujet à part entière. Soucieux de traduire au mieux la sensation perçue, il sacrifie les détails à l’impression d’ensemble. Il en va ainsi du paquebot que l’on devine à l’arrière-plan de la toile Trouée de lumière sur la côte d’Opale. Simple panache de fumée, infime trace de vie, l’embarcation vient à peine troubler la régularité de la ligne d’horizon. Cet intérêt pour les paysages marins invite l’artiste à entreprendre plusieurs voyages, sur les côtes normandes et en Bretagne, à Roscoff, Cancale et Belle-Île notamment. MM 1. Georges Ricard-Cordingley, Toulon, 2006-2007, p. 6. 2. Boulogne-sur-Mer, 2000, p. 6.
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hile at his property in Equihen, where he produced a host of landscape studies, Jean-Charles Cazin introduced Georges Ricard-Cordingley to painting, in 1887. Ricard-Cordingley sought to capture the emotion sparked by contemplating the seashore, the perception of the beauty of natural elements that prompted him to state that “the horizon is evocative of infinity”.1 His keen sensitivity to the sheer immensity of maritime horizons brought him closer to Romantic painters who preceded him, with their evocation of the forces governing the world, leaving humankind powerless. In 1896, a ship belonging to the Société des Oeuvres de Mer that he had travelled on was shipwrecked on the Newfoundland shore, which left a deep impression on him. Many of the landscapes he executed bore the trace of this fascination for the vast expanses and sheer power of the marine world. Following Cazin’s example, he focused on moments when light plays an important role, at dawn and dusk, detailing the variations in colour that transform beach and sky, “the sky bathing everything with its pure, soothing light”.2 He paid great attention to the sky and, as in Eugène Boudin’s compositions, it was a subject in itself. Mindful of capturing the exact sensation, he sacrificed details to produce an overall impression. This is the case with the ocean liner you can just make out in the background of A Pool of Light on the Opal Coast. A mere puff of smoke, the slightest trace of life, the hulk barely scratches at the horizon. This interest in seascapes spurred the artist to go on several voyages, along the Normandy coastline and to places like Roscoff, Cancale and Belle-Île in Brittany. MM 1. Georges Ricard-Cordingley, Toulon, 2006-2007, p. 6. 2. Boulogne-sur-Mer, 2000, p. 6.
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12 ~ Retour de pêche
12 ~ Fisherman Coming Home
Inv. 2012.14.1 Huile sur toile H : 67,5 × L : 82,5 S.b.g. : G. RICARD-CORDINGLEY
Inv. 2012.14.1 Oil on canvas H: 67.5 × L: 82.5 S. bottom left: G. RICARD-CORDINGLEY
13 ~ Retour de pêche
13 ~ Fishermen Coming Home
Inv. 2011.7.1 Huile sur toile H : 67 × L : 82,5 S.b.d : G. RICARD-CORDINGLEY
Inv. 2011.7.1 Oil on canvas H: 67 × L: 82,5 S bottom right: G. RICARD-CORDINGLEY
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es deux toiles présentées sont en rapport avec une thématique largement abordée par les peintres ayant séjourné sur la côte d’Opale, celle du retour de la pêche. Le débarquement s’effectue ici depuis la plage où les femmes et les enfants viennent prêter main forte aux marins. La scène a certainement dû être observée à plusieurs reprises par Ricard-Cordingley qui installe son atelier à Boulogne-sur-Mer en 1901. Le lieu est lié à son milieu familial puisqu’il vient fréquemment, enfant, rendre visite aux sœurs de sa mère. C’est là qu’il découvre l’atmosphère du port, l’activité des pêcheurs, les différents types de bateaux qu’il s’applique à croquer aux côtés de Jean-Charles Cazin. Il complète cet apprentissage par un passage à l’Académie Julian à Paris auprès des professeurs Benjamin Constant, Louis Martinet et Jules Lefebvre et, à partir de 1892, séjourne en Angleterre où ses marines connaissent leur premier succès. Il est d’ailleurs présenté à la reine Victoria qui lui achète trois tableaux. Son installation à Boulogne lui permet d’être à mi-chemin entre Londres et Paris où ses œuvres sont régulièrement exposées. Après la Première Guerre mondiale, il multiplie les séjours sur la Côte d’Azur à Cannes, lieu de villégiature de l’aristocratie britannique. Au contact de la lumière méditerranéenne, sa palette se modifie et s’éclaircit : il choisit volontairement l’aube matinale ou le crépuscule, moments où la lumière se fait plus douce et rend les contours plus marqués. Pierre Miquel distingue dans son œuvre une continuité « des brumes matinales de la mer du Nord aux brumes crépusculaires de la Côte d’Azur1 » traduisant une prédilection « pour l’incertain et l’indéterminé ». Cette heure de la journée durant laquelle la lumière modèle les contours lui permet d’affirmer une aptitude graphique caractéristique de son art. Ces deux marines témoignent d’une habileté à assembler les éléments du tableau dans le but de créer une harmonie visuelle. La disposition des embarcations, par exemple, fait l’objet d’un soin spécifique, les voiles, en particulier, par le mouvement qui leur est donné, rythment et ordonnent la composition. Même s’il participe au décor du casino de Wimereux en 1903, il consacre l’essentiel de sa carrière à l’étude des paysages maritimes et, à la fin de sa vie, depuis Mougins où
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he two canvases on display share a theme tackled by many painters staying on the Opal Coast, that of fishermen coming home. Here they are unloading on the beach where women and children come to help the fishermen out. Ricard-Cordingley set up his studio in Boulogne-surMer in 1901, and must have observed the scene several times. The place was part of his family lore since he often came as a child, to visit his maternal aunts. This was how he discovered the atmosphere of the port, the fishermen’s work, the various types of boats he set about sketching alongside Jean-Charles Cazin. He rounded off his apprenticeship with a stint at the Académie Julian in Paris, where he studied under Benjamin Constant, Louis Martinet and Jules Lefebvre. As from 1892, he stayed in England where his seascapes first became popular. He was even presented to Queen Victoria who bought three of his pictures. He settled in Boulogne, as halfway post between London and Paris where his works were regularly exhibited. After World War I, he often stayed in Cannes on the French Riviera, a resort popular with the British upper class. When he encountered the Mediterranean light, his palette lightened up: he deliberately chose daybreak or dusk, moments where the light softens, giving more of an edge to contours. Pierre Miquel saw in his work a continuity “between the early morning mists of the North Sea and the dusky haze on the French Riviera”1 revealing his predilection “for hazy, fuzzy lines”. This time of day, when light shapes contours,
il s’est retiré, les vues de la plage qu’il exécute révèlent une évolution de la technique qui se fait plus impressionniste. MM 1. Georges Ricard-Cordingley, Toulon, 2006-2007, p. 4.
helped him hone his graphic skills, a distinguishing feature of his art. These two seascapes show his skill in bringing elements in the picture together to achieve visual harmony. For example, he sets the boats out very carefully, the sails, in particular, convey a sense of pace and orderliness to the composition with the movement he projects. Although he contributed to the décor of Wimereux casino in 1903, he devoted most of his career to the study of seascapes. At the end of his life, the beach views he produced in Mougins, where he had retired, revealed changes in his technique tending towards Impressionism. MM 1. Georges Ricard-Cordingley, Toulon, 2006-2007, p. 4.
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