Philippe Cognée
Remerciements Acknowledgements
L’artiste souhaite remercier Yannick et Alexandra, du château de Chambord François et Clélia, auteurs des textes Christine, Guillaume et le « photograveur » des éditions Somogy David, photographe les Amis du musée et Blandine, du musée des Beaux-Arts de Nantes l’équipe de la Galerie Templon les prêteurs et tous ceux qui l’ont aidé à la réalisation de ce projet.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © Domaine national de Chambord, 2014 © Pour leurs textes : François Bon, Clélia Zernik, Yannick Mercoyrol, 2014 © Philippe Cognée, 2014 © Adagp, Paris, 2014
Programmation culturelle du Domaine national de Chambord Yannick Mercoyrol assisté de Mathilde Zambeaux, Christelle Turpin, Alexandra Fleury et Fabrice Moonen Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination et suivi éditorial : Christine Dodos-Ungerer Conception graphique : Guillaume Dairou Contribution éditoriale pour le français : Marie Sanson Traduction du français vers l’anglais : Elaine Briggs Contribution éditoriale pour l’anglais : Stéphanie Cooper-Slockyj Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros isbn : 978-2-7572-0842-7 Dépôt légal : mai 2014 Imprimé en Italie (Union européenne)
Domaine national de Chambord 18 mai – 12 octobre 2014
Philippe Cognée
Foreword
Programming exhibitions of contemporary art at Chambord was never something essential nor, was it a matter of course. Many issues made the enterprise a perilous one: the chateau’s own expressive power, its relatively remote location, visitors coming from widely differing backgrounds and our modest resources. We even questioned whether we would be able to put on the exhibitions as they merited. No one was expecting much from us. Four years later, our contemporary art and artist-in-residence programmes evidence a selection intended to disconcert as well as inject life. We continually examine the appropriateness of our choices as we challenge both cultural elitism and, paradoxically, certain “Chambord-land” mindset. With Yannick Mercoyrol at the head of the culture programme, and the team at Chambord whose enthusiasm and commitment have never been found wanting, two considerations have led our plan of action. The first consideration was that we would be part of the cultural democratization aspired to by André Malraux, as outlined in the decree dated 24th July 1959 when he became Minister of Culture and gave the ministry its “mission to make humanity’s major artworks accessible, first French art through the greatest number of French people, ensuring the greatest possible audience for our cultural heritage and fostering the creation of art and the spirit that enriches it”. It is in this spirit that we give access to our temporary exhibitions at no extra charge above the entrance fee. Our visitors are free to pause, to contemplate and understand the artworks on the second floor and in the rooms around the famous double spiral stairs. They are also free not to look. The way they see the chateau will not be altered; what we present blends discreetly into an architecture in resonance with the artworks whose harmonics may sound close or more distant. For most visitors, who come mainly for the chateau, there is no feeling of deception, disappointment or constraint, on the contrary there is the opportunity for a new encounter, a new discovery. We also know that the eye can be trained and accustomed, and if only a minority of our 750,000 visitors take the time to look at Philippe Cognée’s paintings, how many of them will feel that their perception of the world has been profoundly enriched?
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Jean d’Haussonville Directeur général du Domaine national de Chambord Managing Director of the National Estate of Chambord
Avant-propos
Il n’était ni évident ni indispensable de programmer des expositions d’art contemporain à Chambord. Beaucoup de questions rendaient l’entreprise périlleuse : puissance d’expression du monument, isolement du site, diversité des publics, modestie de nos moyens, et jusqu’au doute à l’égard de nos capacités à présenter de telles expositions dans les règles de l’art. Nous n’étions pas attendus. Quatre ans plus tard, notre programmation d’art contemporain, complétée de nos résidences d’artistes, apparaît de plus en plus comme une évidence intranquille et vivante, qui s’interroge en permanence sur ses justes choix entre procès en élitisme culturel et, paradoxalement, « chamborlandisation » des esprits. Deux postulats ont présidé à notre ligne directrice avec Yannick Mercoyrol, directeur de la programmation culturelle, et les équipes de Chambord dont l’enthousiasme et l’engagement n’ont jamais fait défaut. La première considération était de participer à la démocratisation culturelle dans le sens malrucien du terme, conformément au décret du 24 juillet 1959 fondant le ministère de la Culture auquel revient « la mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, par le plus grand nombre possible de Français, d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création de l’art et de l’esprit qui l’enrichit ». C’est dans cet esprit que nous offrons l’accès à nos expositions temporaires sans supplément au droit d’entrée : nos visiteurs sont libres de s’arrêter, de comprendre, de contempler les œuvres d’art accrochées au deuxième étage, dans les vestibules qui s’étendent autour du célèbre escalier à double révolution. Ils sont libres aussi de ne pas voir. Leur perception du monument n’en sera pas altérée car nos présentations s’intègrent avec discrétion dans un dispositif architectural qu’elles font résonner comme des harmoniques, des plus proches au plus lointaines. Pour la plupart des visiteurs, qui viennent avant tout pour le château, il n’y a ainsi ni tromperie, ni déception, ni contrainte, mais au contraire la chance d’une rencontre, d’une découverte. Mais nous savons également que l’œil se fait, qu’il s’accoutume ; et même si une minorité seulement de nos 750 000 visiteurs aura pris le temps de regarder les œuvres de Philippe Cognée, combien garderont une impression profonde qui enrichira leur perception du monde ?
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The other consideration was that the artworks should form part of a serious process of reflexion regarding Chambord’s identity; they should enhance awareness that Chambord, this miracle of architecture, is in itself a work of art before being viewed as a royal residence with all its pomp and demonstration of power, or even as a vast hunting lodge. The way in which contemporary art relates to Chambord as an object is an ever-renewed proof of this, whether explicit or implicit. Bearing this in mind, we decided to work on the correspondences between today’s perception of Chambord based on the most recent research, notably the archaeological discoveries, and our commitment to a programme in which artistic aesthetics would echo the spirit of the place. Whilst respecting the individual nature and personal history of each, the artists at Chambord as different as Robert Delpire and Sarah Moon, Djamel Tatah, Jean-Gilles Badaire, Georges Rousse, Frédérique Loutz, François Weil, Paul Rebeyrolle, Alexandre Hollan and today Philippe Cognée, together form a community of minds who have created their own dialogue with the chateau. Their common inspiration is a view that contemporary art seeks meaning in the world, just as Chambord can be seen as a book in stone to interpret the metaphysical condition of Renaissance man. This approach places sensitivity and beauty in today’s art even as it endeavours to explore and acknowledge all that is formally innovative, as with Philippe Cognée, whose renewal of painting techniques incorporating photography and even satellite photography reminds me of the sculpted decorative elements on top of the chateau’s chimneys and towers moving toward a vision of heaven. Other similarities in the inspirational themes might be evoked: the gallery of portraits in particular, but also the cityscapes, and the architecture and landscape in Philippe Cognée’s work. On a deeper level, it is perhaps his tragic sense of existence and his portrayal of a universe kept at a distance that has led Philippe Cognée, secretly, unknowingly, into complicity with a place like Chambord.
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L’autre considération consiste à mettre cette programmation au service d’une méditation sur l’identité de Chambord, de faire prendre conscience que Chambord, miracle d’architecture, est une œuvre d’art en tant que telle, avant d’être une résidence d’apparat, un manifeste du pouvoir, un immense pavillon de chasse. La mise en relation d’œuvres contemporaines avec Chambord pris en tant qu’objet en est une démonstration toujours renouvelée, explicite ou suggérée. Dans cette optique, nous avons choisi de travailler sur les correspondances entre une perception actuelle de Chambord, résultant des recherches les plus récentes, notamment des découvertes archéologiques, et un parti pris programmatique visant à présenter des esthétiques qui puissent faire écho à l’esprit des lieux. Dans le respect de la singularité et du parcours de chacun d’entre eux, la proposition à Chambord d’artistes aussi différents que Robert Delpire et Sarah Moon, Djamel Tatah, Jean-Gilles Badaire, Georges Rousse, Frédérique Loutz, François Weil, Paul Rebeyrolle, Alexandre Hollan et aujourd’hui Philippe Cognée, dessine comme une famille d’esprits qui suscitent, chacun à sa manière, un dialogue avec le monument. Cette communauté d’inspiration tient à une vision de l’art contemporain en quête de sens du monde, comme Chambord est un livre de pierre sur la condition métaphysique de l’homme à la Renaissance. Elle intègre la sensibilité et la beauté dans l’art d’aujourd’hui tout en s’efforçant de reconnaître et de rechercher ce qu’il y a de novateur au plan formel, comme, pour Philippe Cognée, le renouvellement des techniques picturales à l’aide de la photographie et plus encore des photos satellites qui, pour ma part, me font songer aux éléments de décor sculptés qui ornent le faîte des cheminées et des tours de Chambord, pour ne s’offrir qu’à une vision céleste. On pourrait bien sûr aussi évoquer des parentés dans les thèmes d’inspiration, au premier chef celui de la galerie de portraits, mais également de la ville, de l’architecture et du paysage chez Philippe Cognée. Plus profondément, c’est peut-être dans le sens tragique de l’être et d’un univers tenu à distance que Philippe Cognée pouvait entretenir, sans le savoir, une connivence secrète avec un lieu tel que Chambord.
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New York vertigineux / New York Vertiginous 2006 ; 190 * 295 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
François Bon
Philippe Cognée, portrait de peintre-volcan
Il y a combien de gens qui ont un Cognée et qui ne le savent pas. À ce moment-là il reparle de ses années aux Beaux-Arts de Nantes, et comment il lui avait fallu se prendre en charge. Son premier fils. Alors qu’il allait vendre des aquarelles – des marines – sur le bord des plages, du Pouliguen à La Baule. À peine on est depuis quelques minutes avec lui que c’est déjà cette sorte de rage opiniâtre, mais la peinture au milieu. Ma cognée, où est ma cognée. Dans le prologue du Quart Livre de Rabelais, ce fameux conte du bûcheron qui a perdu sa cognée, et dont les cris parviennent jusqu’à l’Olympe. Qu’il en porte le nom, et c’est la belle fureur du bûcheron de Rabelais, humble entre les humbles, que j’entends. Un nom comme une hache ? Oui, quand on pense à ses premières années de peinture, les toiles lestées d’huile durcie attaquées à la pioche pour en tirer effet, ou reprises à traits rasants de tronçonneuse. Cette même énergie physique, lui pourtant mince, presque sec, tout le contraire d’un géant, avec laquelle il approche des fers à repasser chauffés à blanc des grandes toiles accrochées au mur. La cire n’est pas un matériau facile. C’est par force qu’il l’attaque, c’est cette force qu’on reçoit. Il faut appuyer dur. Il parle de l’enfance au Dahomey, où la famille habite depuis ses cinq ans jusqu’au bac. Comment ça n’aurait pas marqué les quatre enfants qu’ils sont. La force des paysages, la densité des couleurs, le bruit que sont les visages et les voix. Le père est instituteur en école publique, ses enfants les seuls blancs sur deux mille élèves, et c’est là que lui il commence à dessiner – découvre la gouache, le goût de la gomme arabique et des pigments. Il dit : L’odeur du bleu outremer, ça me fascinait. Souvenir que son prof de dessin béninois avait le bras coupé. Mais les paysages qu’il peint, ce sont ceux de la vieille France, la France mouillée et douce des bords d’Atlantique, de Nantes d’où il vient. Rabelais disait : Comme sçavez qu’Africque apporte tousiours du nouveau. Au retour, il peindra des formes fantastiques et sauvages, de grands animaux, ou cet autoportrait en explorateur nu. L’Afrique est entrée dans ses toiles : forcément, il n’y est plus. Ne peindre que ce qui n’est plus là, tout auprès devant vous, ça reviendra aussi lorsqu’il parle des villes : La peinture, c’est toujours ce qu’on n’a pas.
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Philippe Cognée, portrait of a painter as volcano
How many people have got a Cognée and don’t know it. And at that point he goes back to his student years at the art school in Nantes, how he learnt to stand on his own two feet. His first son. Just as he was starting to sell his watercolours – seascapes – along the beaches from Le Pouliguen to La Baule. You’ve spent barely a few minutes with him and already there’s a rage of stubborn determination, with painting in-between. My hatchet, where’s my hatchet1. In the prologue to Rabelais’s Fourth Book comes the famous tale of the woodcutter who loses his hatchet and who cries out so loud that the gods on Olympus hear him. Philippe Cognée bears the hatchet name, but it’s the woodcutter’s sheer outrage in Rabelais, who was the humblest of men, that I hear. Name like an axe? Yes, when you think back to the early years, the canvases dredged with hardened oil then attacked with a pickaxe to get a certain effect, or re-worked with the glancing movements of a chainsaw. The same physical energy is in this man, slimly built, almost wiry, no giant, when he uses hot irons on the large-scale canvases on the wall. Wax is not easy to handle. He attacks forcefully, we receive it forcefully. You have to press hard. He talks of his childhood in Dahomey where his family went to live when he was five till his last year in school. How it did not affect any of the four children. The force of the landscapes, the intense colours, the noise of the faces and the voices. His father was a primary school teacher, his children the only white kids out of two thousand students. He started drawing there, learnt about gouache, the taste of gum Arabic and pigments. He says: The smell of ultramarine blue fascinated me. He remembers his Benin drawing teacher, one of his arms had been cut off. But the landscapes he painted were France as it always was, damp and soft like the Atlantic coast and Nantes where he came from. Rabelais wrote: How it is said that Africa is always productive of some new thing. When he got back, he painted wild, fantastic forms, large animals, and a portrait of himself as a naked explorer. Africa got into his painting, of course it would, he was no longer there. Paint only what isn’t there, right up close in front of you, that’s what he says when he talks about cities: Painting is always what you haven’t got.
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1. The French word cognée means hatchet (translator’s note).
Est-ce qu’ils viennent de l’Afrique ou des rêves, ou des profondeurs fantastiques de la peinture, ces animaux qui semblent forcer le bord de la toile ? On comprend brutalement deux choses : que la force réaliste des villes et portraits et paysages de Philippe Cognée c’est du pays des constructions les plus intérieures qu’elles surgissent, qu’en littérature Poe ou Lovecraft ricaneraient de même façon sous les cours sages d’immeubles où on gare la caravane, ou dans les noms de marque presque lisibles des rayons de supermarchés transformés en galaxies du rêve moderne. Et on comprend une autre chose : pour peindre il faut peindre. La façon dont ces animaux – et plus tard tout ce qui devient sujet – remplissent le bord de la toile et s’y écrasent, cassent la forme pour ne plus faire que la toile soit figure d’un sujet mais figure intransitive, cela commence là dans ces bêtes sensuelles et distordues, leurs tonalités fauves : mettez alors un réfrigérateur ou une machine à laver à la place, plus rien ne changera ni du bord ni du geste – Philippe Cognée s’est inventé. Peintre, c’est une façon de dire le monde. Il parle de violence. On ne sait pas si c’est de la violence du monde, celle que la distorsion des hommes sur le monde nous impose à rebours, nous qui y cherchons autre chose, ou de ce qu’est pour lui l’expérience de peindre, de ce qu’il applique à la toile ou ce que la peinture exerce sur lui, ou tout cela à la fois. Mais que la peinture soit violence, parce qu’elle est matière et espace, bien avant d’être figure. Alors, c’est dans la figure qu’on creuse – qu’on creuse avec violence – pour réimposer qu’on puisse l’écarter de la main, le monde, et que ce qu’on y cherche repasse au premier plan. Parce qu’on rêve, devant ces toiles, et qu’elles ne nous font pas mal. La violence que le peintre appelle contre elles n’est pas dirigée contre nous : on la voit comme trace, on sait la mesure de ce qu’il a fallu traverser, ou même vaincre. Ce qui est violence dans la peinture pour affronter la défiguration violente du monde : pauvreté des immeubles, asservissement cubique des réfrigérateurs et machines à laver, normalisation du manger tous pareil des supermarchés, villes outrancières. Et que la beauté ici soit ce mouvement qui les efface, en fait couleur et forme. La façon dont il travaille : dans l’atelier qu’il s’est fait construire (respectant cependant les formes traditionnelles des longères du vieil Ouest), avec les baies qui donnent la lumière par les bords, le lieu du travail à l’ordinateur, le lieu des croquis avec les livres, le lieu de l’huile petit format, et puis, à mesure qu’on avance vers le mur au fond, les brosses qui deviennent plus grosses, les couleurs plus grégaires, l’espace avec plus rien que la toile. Il pourrait y avoir cinq Philippe Cognée travaillant ensemble dans cet atelier. C’est peut-être sa manière : on n’avance pas un travail seul, on en laisse un mûrir en revenant à l’autre. Violence de la peinture contre le peintre : quand ça se défait, quand ça rate. Enfin, à ce qu’il dit. Moi j’aime cette figure bancale qui est comme lorsque la ville se fait froide, a des rues trop longues, vous regarde de trop haut, ou bien que tous les murs se recourbent comme votre angoisse. Lui, il ne l’aime pas. Il dit que quelque chose lui a échappé. Que c’est là, en bas, dans l’assise par quoi la ville surgit du sol (et je pense à cette phrase de Rilke : « bâtiments comme des lames plantées droit dans la terre »).
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Do the animals who seem to be forcing off the edge of the canvas, do they come from Africa or from dreams? Or from the fantastic depths of painting? Abruptly, you understand two things: the force of realism in Philippe Cognée’s cities and portraits and landscapes are constructions from his inmost land, and in literature Poe and Lovecraft would have sniggered in the same way at the high-rises with the neatly parked caravans in front, or at the almost legible brand names on the supermarket shelves that transform into galaxies for modern dreams. And you understand something else: to paint you need to paint. The way the animals, and later, anything that becomes a subject, fill the edge of the canvas and get squashed there, it breaks up the form so the canvas is no longer a figure for a subject but an intransitive figure – all that started right there with those sensual, distorted animals, their tawny tones. Put a fridge or a washing machine in their place, and nothing will change that edge or his action – Philippe Cognée has invented himself. Painting is a way of saying the world. He talks about violence. You don’t know if he means violence in the world, the violence that humankind distorts on to the world and that gets thrust back at us even though what we seek in the world is something else entirely, or if it is about his experience of painting, what he puts on the canvas, or what painting exerts over him, or a mix of all of that. Yet painting is violence – paint and space come first, before the figures. So you go down deep into the figures – deep and with violence – and the conclusion you come to is that the world can be brushed aside with your hand, and then what you are seeking in the world can take centre stage once again. Because when we look at them, the paintings let us dream, they don’t hurt us. The violence the painter has summoned up against the paintings is not directed at us. We see traces of it, understand how intensely he went through it, and even conquered it. But the violence in the paintings is there to stand up to the violent disfiguration of the world, the miserable houses, our enslavement to fridges and washing machines in cubes, the standardized sameness of supermarket food, the scandalous cities. So the beauty in the paintings is the gesture that erases all that, turns it into colour and form. How he works: in the studio he had built (like an old longère, respecting the traditional shapes for houses in the west of France), with bay windows that bring in light round the edges, a workspace for the computer, an area for sketching with books, an area for the small-scale oils, and then as you get nearer to the end wall, the brushes get bigger, the colours crowd in – space with just a canvas. There could be five Philippe Cognées working in the studio. How he works: you don’t work on one piece at a time, you let one mature while you go back to another. The painting’s violence against the painter: when it falls apart, when it doesn’t work. So he says. I happen to like the wonky figure, it’s like when a city goes cold on you, the roads are too long, it looks down on you and the walls press in, just like the anguish you nurse. But he doesn’t like it. He says something has gone wrong with it. Down there, the way the town comes out of the ground. I think of Rilke: “buildings like blades planted straight into the earth”.
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Utopie 1 / Utopia 1 2006-2007 ; diamètre env. 3,5 m, hauteur 0,35 cm Marbre / Marble
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Vues de l’atelier, 2014 / Studio Views, 2014
Violence du temps. On regarde cette fascinante saisie de Hong Kong vue d’un point haut, où la ville occupe la toile jusqu’en ses bords (comme les fascinantes et pacifiques vues de la médina de Fez). On s’imagine qu’il est resté un mois sur ce châssis. Lui il dit : trois jours. On n’imagine pas ce qui se passe dans la tête dans ce temps, ni la fatigue des bras. On ne sait pas ce qu’il voit. On s’enquiert des ébauches : mais il y en a, là sur la table. Trois traits, quelques formes. Sur certaines toiles en cours on les aperçoit, retracées plein format. Rien, en somme. Il dit qu’il lui faut un long temps de préparation. Qu’il faut parfois des mois avant de commencer un travail. Il appelle ce temps-là « écriture », se servira plusieurs fois de l’expression. Pour Philippe Cognée, l’écriture c’est le temps de préparation du mental avant peindre. La peinture, les dessins, c’est debout face au mur ou bien, si c’est l’aquarelle qui veut l’horizontalité de la dissolution, ou qu’on est sur un petit format, par terre à même le sol. Pas de chevalet dans l’atelier : le mur est au fond, comme une scène tragique, au bout du bâtiment en longueur. Avoir un recul maximal. Dans l’atelier d’Olivier Debré, visité quelques semaines plus tôt, c’est son vieux break Ford Anglia qu’il posait au bout d’un chemin contre le fleuve pour peindre, et la voiture est peinte comme les toiles. Il tend le bras, comme il fait aussi pour illustrer comment il prend des photos. L’appareil photo tenu à bout de bras, et on déclenche là, comme ça (enfin, à ce qu’il montre). On est devant les toiles en préparation avec des paysages vus du tgv. Le tgv qui passe à l’écart des villes, et de tout signe. Il dit : À grande vitesse, le regard voit le paysage mais ne le regarde plus. Alors c’est le regard, comme ça, à bout de bras ? Allez, barrez-vous. On est à l’école des Beaux-Arts de Nantes, il a redoublé deux fois, y est resté sept ans au lieu de cinq. Maintenant je leur dis, aux étudiants, faites une année de plus. On lui dit que la peinture ça ne marchera jamais. Moi j’étais persuadé dans ma tête que ça marcherait : « de toute façon je sais où je dois aller, donc j’y vais ». C’est comme si on lui donnait le diplôme pour se débarrasser de lui : Ils m’ont dit : « Vous ne ferez jamais rien. » Le diplôme on me l’a jeté à travers de la table. Ce n’est pas un métier qu’on apprend. C’est comme un pommier : tant que les pommes ne sont pas mûres elles restent sur l’arbre. Ce qu’il dit de sa façon de vivre, une manière de comprendre la façon dont il peint ? Il y a une sorte d’excitation dans le travail, au fond on est heureux. Maintenant c’est lui qui enseigne, aux Beaux-Arts de Paris : Une personne te dit quatre mots, cinq mots, et ça suffit à transformer tout, à comprendre les enjeux. On peut juste les aider à se révéler à eux-mêmes. Les vrais artistes ils sont déjà là en artistes. Et puis il continue sur Chirico, Chirico monde mystérieux Chirico monde inventé il dit, puis, comme une sorte de constat qui l’étonne : J’ai toujours travaillé beaucoup. Et pendant ce temps moi je regarde les toiles.
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The violence of time. You look from a high viewpoint, fascinated by the way Hong Kong has been captured, the city taking up the canvas right to the edges (like the fascinating but peaceful views of the medina at Fez). You think he must have spent a month working on the painting. He says three days. You can’t imagine what went through his mind during that time, or how tired his arms must have been. You can’t know what he saw. You wonder about the preparatory drawings. There they are on the table. A few lines, the odd shape. On some canvases that are underway, you can see similar lines, drawn full size. Not much. He says it takes him a long time to prepare. Sometimes months before he starts on a piece. He calls it his “writing” time, an expression he uses quite a lot. For Philippe Cognée, writing is the mental preparation before he starts to paint. Painting, drawing is done standing up facing the wall. If it’s a watercolour that needs to be flat for the paint to spread, or if it’s a small-scale piece, then he works straight on the floor. No easel. The end wall is like a tragic stage at the back of the long building. Stand back as far as possible. He visited Oliver Debré’s studio a few weeks ago, and there stood the old Ford Anglia station wagon Debré used to park at the end of a path by the river in order to paint, and the car is painted like the canvases. Philippe Cognée stretches out his arm, just like he does to show how he takes photos. The camera held at arm’s length, he triggers the shutter, there, just like that (so he says). You’re looking at the paintings being prepared for the landscapes seen from the tgv, the train that skirts towns and all signifiers. He says: At high speed, your gaze sees the landscape but doesn’t look at it any more. So, is that his gaze, there, just like that, out at arm’s length? Go on, get out. He was at the art school in Nantes, he’d repeated two years. Taken seven years to complete the course instead of five. Now I tell students to stay on an extra year. He was told he’d never be a painter. I was convinced I could make it, I thought, I know where I’m going so I’ll go. It was like they let him graduate to get rid of him. They said: “You’ll never amount to anything.” They chucked the certificate at me across the table. It’s not a job you learn. It’s like an apple tree, as long as the apples aren’t ripe they stay on the tree. Is what he says about the way he lives, a way to understand how he paints? When you’re at work, you’re taken over by the exhilaration, basically, you’re happy. Now he’s the teacher, at the Beaux-Arts in Paris. Even when someone says just four or five words to you, it can be enough to change everything, to get you to see what it’s all about. All you can do is help them to realize who they are. Real artists are already artists. Then he talks about Chirico, Chirico the mysterious world Chirico the invented world he says. Then, a statement that seems to amaze him: I’ve always worked a lot. And I’m looking at the paintings.
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Paysage vu du train n¿ 3 / Landscape Seen from Train No. 3 2013 ; 175 * 280 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Paysage vu du train n¿ 4 / Landscape Seen from Train No. 4 2013 ; 175 * 280 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Des paysages grands comme pour y marcher dedans, des paysages comme un écran de cinéma. Ce qu’on voit près est annihilé par la vitesse, et ce qu’on voit plus loin affaibli par la distance. Au contraire de nos vieux trains voyeurs, saisissant les villes par leur derrière, le tgv fait naître un paysage qui lui ressemble : neutre et lisse. Alors Philippe Cognée passe son appareil photo en mode vidéo et laisse défiler. Ou bien embarque directement un petit caméscope. Les logiciels de l’ordinateur permettent d’isoler l’image qui vous avait frappé. Alors, reprises de la vidéo, devenues vagues tirages imprimante aux couleurs vagues, formes approximatives, s’empilant par dix sur un coin de table. Est-ce que seulement il les regarde ? Il dit que dans le paysage réellement observé, jamais ce bosquet ne fut en vis-à-vis de cet arbre. Je n’irai pas prendre le tgv pour vérifier : son paysage à lui est bien plus exact que le monde, s’il nous donne aussi notre sensation au monde. De l’énergie : La forme doit occuper tout l’espace, occuper le terrain un maximum. La cire, ça bouffe complètement le corps. C’est la brûlure du fer qui abîme et transforme la peinture. De la matière et du cadre : Créer une tension entre la toile et le spectateur. Une reconstruction du cadre dans le cadre. Imposer une tension entre les matières. Du cadre, encore : Carrément plein pot dans la toile. De la précision : Il ne faut pas que ce soit trop précision, et en même temps précis. La toile dessinée est précise. Quand on efface la précision, celui qui va regarder va chercher à la reconstruire. De l’aquarelle : L’aquarelle t’apprend à travailler vite. J’ai appris à me battre. Arriver à se surprendre soi-même : il faut du temps pour apprendre ça. De ses « foules » : Si on détourne l’œil une seconde, on ne peut plus rien retrouver. De la couleur : Je mets un noir très dur, je mets un rouge et un bleu autour, sachant qu’au fer le rouge va rentrer dans le noir. Le fer mélange les couleurs de façon généreuse. C’est des lacs, des lacs de lave ou de soufre. De la notion de narration et d’histoire : Dans mon travail il n’y a jamais de narration. J’exclus totalement que ça raconte une histoire. Parler de la peinture comme on mange, bouge et respire, et pour cela peindre ce qui se mange : De la bouffe grouillante, et gonflée. Parce qu’on est les plus grands prédateurs de la planète. Du vieux mot cézannien de « motif » : La peinture doit toujours être plus forte que le motif. Ce qui compte c’est la surface, non pas ce qui est représenté. Il faut qu’on voie la peinture avant la viande, trouver la limite la plus fine possible. Mais capable aussi de parler d’une fleur, parce qu’il peint aussi des fleurs : Des amaryllis. Quand elles tombent, elles deviennent comme de la chair rouge. Ou le mot « libre » : C’est possible d’être très libre, pourquoi on s’interdirait des choses. De l’asperge (ou de la démesure, ou de Manet, ou de tout ça mis ensemble – la peinture, en somme) : Il faut être démesuré, comprendre le plaisir de Manet devant l’asperge. Il devrait y avoir une loi pour forcer les peintres à écrire : ils ont la précision de la langue en dépôt, parce qu’ils sont devant nous dans le travail du voir. On prend leurs mots pour s’apprendre à soi-même comment venir à la langue comme ils viennent à leurs toiles, avec le voir et le corps. Il faudrait faire un dictionnaire Cognée et qu’à chaque exposition on le complète plutôt que tour à tour chacun vienne écrire à ses pieds. Que dit-il quand il dit : Je peins quand il faut peindre. Il ne s’aperçoit même pas de la provocation que c’est pour nous autres.
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Landscapes big enough to walk in, landscapes like a movie screen. What you see close up gets cancelled out by speed, and what you see farther away is weakened by distance. Unlike the old trains that got into cities through the back door, the tgv creates landscapes in its own image – neutral and smooth. So Philippe Cognée puts his camera on video and lets it run. Or he uses a camcorder. Computer software lets you isolate the image that caught your mind. Then out of the video, they become vague printouts with vague colours and approximate shapes that pile up on the edge of the table. Does he even look at them? He says that in the landscape he actually saw, that copse was never opposite that tree. I’m not going to get the tgv just to go and check it out. His landscape is far more accurate than the world is, if it gives us our feel for the world.
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Le Bal des poissons n¿ 1 / Fish Dancing No. 1 2014 ; 153 * 153 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Il peint des poissons. Ce n’est pas neuf. Les séries pour Philippe Cognée sont comme ses bras et ses jambes de peinture. Ça vous accompagne pour toute la vie. C’est juste votre paysage d’être. De ses poissons : Il faut qu’il y ait un tourbillon, énorme. C’est de l’alchimie. Les poissons c’est des viscères. À Chambord ce sera un triptyque, mis à plat sur une table : est-ce que ça compte tant que ça, la façon dont on regarde une peinture, à plat ou de face ? Les poissons ils ne savent pas se tenir droit, ils glissent les uns sur les autres (et qu’il en parle comme de personnes, il l’a remarqué ?). Je pense à cette masse grise et brillante, avec des gros plans et des spirales : Faire que le poisson soit moins poisson et plus peinture. Je viens de commander un fer qui fait soixantequinze centimètres de long.
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On energy: Form must occupy all the space, occupy the ground as much as possible. The wax completely eats the figures up. It’s the burning iron that damages the painting and transforms it. On materials and the frame: Create tension between the canvas and the viewer. Reconstruct the frame within the frame. Cause tension between the materials. On the frame, again: Slap bang in the painting. On precision: There mustn’t be too much precision, but it must be precise. The drawing on the canvas is precise. When you erase precision, anyone looking at the painting will try to reconstruct it. On watercolours: Watercolours teach you to work fast. I learnt to fight. Surprise yourself: it takes time to learn that. On his “crowds”: If you look away for a second, you can’t find anything any more. On colour: If I use a really hard black, and I put a red on and a blue around it, I know that with the iron the red is going to run into the black. The iron mixes colours very generously. It’s like lakes, lakes of lava or sulphur. On the notion of narrative and story telling: In my work, there’s never a narrative. I completely rule out the idea that it has a story to tell. On painting as it is lived and breathed and eaten, and in order to do so, on painting what is eaten: Food, swarming and swollen. Because we’re the greatest predators on the planet. On Cézanne’s word “the subject”: A painting must always be stronger than the subject. What counts is the surface, not what is represented. You must see the painting before you see the meat, find the finest possible borderline. Yet also able to talk about a flower, because he paints flowers: Amaryllis. When amaryllis flowers drop, they look like red flesh. Or the word “free”: You can be very free, why would you not allow yourself to do something. On asparagus (or on being outrageous, or on Manet, or on all these together, on painting in fact): You have to be outrageous, think of Manet’s asparagus and his pleasure in it. There should be a law that forces painters to write: they have the right words in their store, because they’re ahead of us in the job of seeing. We take their words to teach ourselves how to approach language as they approach their paintings, through seeing and through the body. Someone ought to do a Cognée dictionary and with each exhibition a bit gets added rather than everyone in turn coming to write something at his feet. And when he says: I paint when I have to, he doesn’t even realize how provoking it is for other people. He paints fish. Nothing new. For Philippe Cognée, series in painting are like his arms and legs, they are with you for life. It’s the landscape of your being. On his fish: There has to be a swirl, a huge one. It’s alchemy. Fish are viscera. At Chambord there will be a triptych laid out on a table: does it matter all that much how you look at a painting, whether it’s flat or hung on a wall? Fish can’t stay upright, they keep on slipping over each other (he talks about them as if they were people – has he noticed?). I think about the shiny grey mass, close-up and spiralling: Make the fish less fish and more painting. I’ve just ordered an iron that’s seventy-five centimetres long.
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La viande aussi, la viande comme architecture. Plus de quinze ans qu’il est entré pour la première fois dans un abattoir, au Lion-d’Angers, puis à La Ferté-Bernard et récemment à Rungis, où on ne tue pas mais découpe, et lui il fait le geste de promener en l’air, sur les carcasses imaginaires, son petit caméscope. Des rivières de sang. Le bruit est terrifiant. Quand ils scient les os, un bruit terrible. Les gens qui sont confrontés à ça toute la journée. Ceux qui enfoncent le couteau, ils se remplacent toutes les heures, sinon c’est trop éprouvant. C’est ça que je veux peindre. Mais quand il ajoute que cette masse de rouge et de blanc qu’il montre, encore en gestation, est peinte spécialement pour Chambord parce que renversée elle fait presque une croix, et que la disposition des os lui rappelle l’escalier en double vis de Léonard de Vinci, est-on encore les pieds dans l’abattoir ? De la photographie comme séparatrice de monde : il parle encore avec une sorte de rage de son séjour à la Villa Médicis, il y a bientôt vingt ans. Il a derrière lui déjà une œuvre forte. Pour moi, cinq ans plus tôt, la Villa Médicis a été le contact direct avec l’œuvre des peintres, et d’abord le Caravage dont cette façon d’expression physique de la toile depuis sa propre surface a quelque chose de ce que propose Philippe Cognée. Mais lui, effet contraire. Comme s’il n’y avait plus rien à peindre. Au retour il se met à photographier tout ce qui l’entoure. Procède par cercles concentriques. Ce faisant, il montre le bout de ses chaussures. Puis le sol à vingt centimètres devant. Et dans ce qu’il photographie ainsi, les murs de la pièce, les couloirs, puis la rue, les champs. Il découvre l’ordinaire. Dans ce trou pour la création, il quitte son premier univers, de bêtes et de fantasme, pour retrouver la même chose dans l’expérience directe du monde au présent. Quel monde ? Celui qui arbitrairement est là. Ce qui fait la force aujourd’hui des toiles de Philippe Cognée. Ce ne sont pas ces photographies, que je vois, mais les peintures que sont devenues ces 285 photographies, une fois recouvertes, et œuvres en tant que telles : elles nous disent le proche comme vision intérieure. Il dit : J’oublie le sujet qui est dessous. Il dit : Peindre des vaches, j’allais dans les champs pour peindre des vaches. Et devant votre air interloqué, une drôle de réflexion : Il y a beaucoup de peintres, quand ils ont traversé une crise dans leur vie, qui sont allés peindre des vaches. Et pour vous en donner la preuve, il cite Baselitz, s’embarque dans Malcolm Morley.
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Pièce de bœuf 1 / Side of Beef 1 2014 ; 180 * 180 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
De la photographie comme séparatrice de monde, bis : les villes que présente Philippe Cognée sont obsédantes. Non pas une façon d’installer la ville en peinture, mais comme une fouille. De dessus, de face en mouvement, absorbé dans l’être-là d’un fragment partiel de la ville, ou les déployant tout entières dans leur verticalité. Œuvre-ville ? Elles sont désormais probablement l’aspect le plus connu de son travail, parce qu’elles nous révèlent que la réalité, comme les phénomènes physiques bien plus éloignés, est hors de nos pré-acquis de représentation. Ses tours de Tel-Aviv sont comme implosées du dedans, c’est l’intérieur du crâne de Paul Klee devenu peau transparente de l’air trouble des villes. Ses verticales de Hong Kong dénoncent les banques toutes-puissantes, et le grouillement archaïque de l’humanité maintenu dans une exploitation aussi dure même à la verticale, mais dans la toile vous avez ce point noir autour duquel tout tourne : ce qu’il a rendu, c’est notre propre vertige dans le monde. Notre face-à-face avec le monde. Je regarde ces humbles masures mexicaines dont la source réelle se situe quelque part, là-bas de l’autre côté du monde, sur la radiale entre l’aéroport et la ville : et le mystère est le même. Énigme de ce qui nous fascine, quand la peinture renvoie malgré tout à la fascination de l’objet même, mais que rien de cet objet ne permettrait à la peinture de fasciner comme lui, et qu’il faut tout reprendre, réinventer. Une peinture, c’est une peau posée sur une surface, il faut lacérer la peau pour trouver chair dessous, cultiver la peinture comme on cultive la terre : il suffit de ça pour qu’on les trouve, dessous, toutes ces villes ? Du recouvrement du monde : dans la grande cassure au début des années 1990, ce geste de se saisir des photographies, et d’y appliquer la peinture avec cette exigence miniaturiste des maîtres. Cet exercice, ce début d’année 2014, Philippe Cognée le pratique encore, cette fois sur les réalisations mêmes de l’art contemporain et tous ceux qui le font, dont lui-même. C’est ce travail qui est en cours lorsque, ce mois de janvier 2014, je lui rends visite. Qu’est-ce qu’on efface du monde, en éliminant ce qui était son empreinte ? Qu’est-ce qu’on reconstruit plus près du monde, à planter la couleur avec les vieux ingrédients et outils du peintre, l’huile, les pigments, les pinceaux fins ? Est-ce qu’on ne dit pas : ceci est mon rapport au monde, ceci est le réel que je vois dans le réel, et vous amène où le réel est votre rêve, précisément ce qui nous relie encore au monde, nous le propose comme possible malgré le désenchantement du présent ? Si vieille tâche du peintre parmi nous. Il dit de la photographie : Je veux toujours travailler sur ce qu’il y avait juste avant. Il dit de la notion de réel : Si j’isole le quart de mon tableau, c’est abstrait – mais ça ne me suffit pas. Il dit de la composition : Être attentif au passage entre les plans. Il dit : Chercher un équilibre. De l’importance du geste : Deux jours, trois jours de travail préparatoire, où tu jettes des choses. Le temps de trouver le geste juste. De la notion de paysage : Un paysage en matière. Pour expliquer, débrouillez-vous.
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There’s meat too, meat like architecture. Over fifteen years now since he first went into an abattoir, the one at Lion d’Angers, then the one at La Ferté-Bernard, and now the big Paris one at Rungis where they don’t slaughter the animals but do the cutting up, and he mimes his camcorder held high up over imaginary carcasses. Rivers of blood. The noise is terrifying. When they saw the bones up, it makes a terrible noise. People have to put up with it all day long. The ones who stick the knife in are replaced every hour, otherwise it’s too stressful. That’s what I want to paint. But when he adds that this red and white mass, still in gestation, is being painted specially for Chambord because turned the other way up it almost forms a cross, and that the bone structure reminds him of Leonardo da Vinci’s double helix stairs, are his feet still on the abattoir floor? On photography as a separator from the world: he still speaks with a kind of rage about his stay at the Villa Medici as a Prix de Rome winner nearly twenty years ago. He already had a strong body of work behind him. Five years ago for me, the Villa Medici meant direct contact with painters’ works, first and foremost Caravaggio whose physical expression of the canvas from its own surface is not unlike what Philippe Cognée does. But the effect on him was the opposite. As if there was nothing left to paint. On his return he started photographing everything around him. Proceeding in concentric circles. And in so doing, the tips of his shoes edged out. Then the ground twenty centimetres in front. And in what he was photographing – the walls in the room, the corridors, then the road, the fields – he discovered ordinariness. He left behind his former universe with its wild beasts and fantasies, and in this gap for creation found the same thing in his direct experience of the world in the present moment. What world? The world that is there, arbitrarily. The world that is the force behind Philippe Cognée’s paintings today. It’s not the photographs I see, but the paintings those 285 photographs have become once they were worked over, the body of work, telling us about closeness as inner vision. He says: I forget the subject underneath. He says: Cows, I went into the fields to paint cows. And when he sees this remark has taken you aback, he makes a strange observation: A lot of painters go off and paint cows when they’re going through a crisis. And to prove it, he quotes Baselitz, he launches into Malcolm Morley.
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Métamorphose 1 / Metamorphosis 1 2011 ; 153 * 200 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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And again – On photography as a separator from the world: the cities Philippe Cognée represents are haunting. They’re not a way of making cities into paintings, they’re excavations. From above, head on, whether absorbed in a partial fragment of the city, its being-there, or in the city fully outspread, its verticality. City as a body of work? The cities are probably the best-known part of his work because they show us, as far more distant physical phenomena do, that reality is beyond our representational foreknowledge. His Tel Aviv towers look as if they’ve imploded, they’re like Paul Klee’s skull, the transparent skin of cities’ murky air. His Hong Kong verticals denounce the all-powerful banks, and the swarms of humankind, kept down in archaic exploitation that is just as harsh even when structured vertically. But also on the canvas there is this dark point around which everything turns, a depiction of our own sense of vertigo in the world. Our face-off with the world. I look at the humble Mexican shanties that really exist somewhere on the other side of the world on that highway from the airport into the city, and the mystery is the same. Enigma of what fascinates us, because in the end painting takes you back to your fascination with the object itself, and nothing in the object allows painting to fascinate as much as it does, and so everything has to be worked over once more, it all has to be re-invented. A painting is a skin laid over a surface, the skin has to be lacerated to reveal the flesh beneath, you cultivate painting like you cultivate land – is that all it takes to find them all below, all those cities?
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TASOHC 2012 ; 200 * 200 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Qu’est-ce qu’il reste à faire, en peinture, avec l’autoportrait ? Francis Bacon et d’autres ont poussé la distorsion si loin. Mais on peint quoi de soi-même aussi quand on peint une cour d’immeuble, une machine à laver ou un réfrigérateur, ou les tours géantes de Hong Kong même si elles grimacent de tous les rictus de l’argent, du cauchemar et de la planète folle ? L’autoportrait c’est toujours quand je suis en période de crise. On est là pour peu de temps, notre corps est provisoire. Je regarde le visage de Philippe Cognée : où est la folie des peintres, dans l’œil, dans le mental, dans la main ? Il m’a montré tout à l’heure ses gestes à la palette à huile, creusant une miniature : tout l’être du peintre est discipline. C’est ce contrôle que dans l’autoportrait on relâche, et cette nuit que dedans soi on creuse ? Il dit ne pas se servir de ses rêves. Et dans tout son travail, sauf les foules (mais les foules sont comme l’éviction de l’homme de sa propre communauté), la terre est déserte de ses hommes : rien qu’une coque vide, qu’elle nous déplaise ou effraie. Alors on en vient à considérer comme logique que le peintre, seul ici en ce territoire sien, sorte de l’homme affable, se dote de cette même force rapide dont il témoigne lorsqu’il brasse pour vous ses châssis plus haut que lui et lestés de cornières métalliques, et nous dise cet œil qui regarde le monde. Mais je ne le savais pas chien. On trouve quoi, dedans soi, à se peindre en homme-chien ? C’est celui-ci, qui vient mordre dans la peinture des villes ? Je ne lui demande pas de répondre. D’ailleurs, qui répondrait sinon l’homme-chien, qui est la peinture, et non le peintre. Et en écriture, on ne fabrique pas une ombre de soi qui vous mange depuis l’arrière, pour qu’elle écrive là-devant, bien au-delà de vous ? La volonté de dire qu’on est animal. Je voulais que mon corps rentre dans un carré. Je me fous un peu de moi-même. De la médina de Fez aidant à comprendre les tours éclatées et chavirées et recourbées et envolées de Hong Kong : il y a ce geste sien d’arracher un bout de réel avec les yeux comme on le ferait du poing – la photo, le caméscope servent d’outil neutre, l’ordinateur de deuxième intermédiaire, après c’est la toile sur son mur tragique, et le corps qui se livre à elle (pour cela qu’il a besoin d’autoportraits comme pour ricaner à égalité ?). Alors, ce qui se dresse de Fez ou des banques de Hong Kong c’est probablement une vue juste, mais localisée. En chaque point de la toile est cette vision localisée et partielle. Le tableau qui les rassemble et les dresse, depuis ces déchirantes images de foules, est la négation de tout rassemblement selon perspective. La littérature avec Faulkner a perdu à jamais le point de vue du narrateur qui tout voit et tout embrasse depuis son propre lieu d’énonciation. L’artiste qui peint, ici, en a pareillement fait deuil : et si ces toiles nous attrapent par le ventre et l’émotion, que nous tenons à cet irrationnel qui les fait nôtres, est-ce que ce n’est pas pour le franchissement ainsi initié vers le chaos et la profusion et le délire ou le danger du monde, ce qui précisément est pour nous le présent, et nous dedans ?
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On covering the world: in the 90s, a break with the past, seizing upon the idea of photography, applying paint like a painstaking miniaturist master. Now, in early 2014, Philippe Cognée is still as exacting for any contemporary work of art or artist, including himself. Which is what he is doing when I visit him in January 2014. What do you erase from the world when you eliminate what its imprint was? What do you re-construct that is closer to the world when you plant colour using the old ingredients and the painter’s tools, the oils, the pigments, the fine brushes? Don’t you say: this is how I relate to the world, this is the reality I see in reality, which takes you to where reality is what you dream, all that in fact still links us to the world, and offers it up as a possibility despite our disenchantment with the present. The age-old task of the painter among us. On photography he says: I always want to work on what went just before. On the notion of reality: If I separate out a quarter of my painting, it’s abstract, but that’s not enough for me. On composition he says: Be careful with the transitions between planes. He says: Find an equilibrium. On the importance of gesture: Two or three days of preparation in which you note things down. Time to find the right gesture. On the notion of landscape: Landscape in matter. If you want an explanation, find it yourself. And with self-portraits, what more can a painter do? Francis Bacon and the others have taken distortion to such extremes. And just how much of yourself are you including when you paint the courtyard of an apartment block, a washing machine or a fridge, or the giant high-rises in Hong Kong even though they wear the sneering grins of money and nightmares and our crazy planet? I do self-portraits whenever I’m going through a crisis. We’re not here for very long, our bodies are temporary. I look at Philippe Cognée’s face: where does a painter’s madness lie, in the eye, the mind, the hand? Just now he showed me the gestures he makes with the oil palette, going deep down into a miniature: a painter’s entire being is discipline. In a self-portrait, is this control released, and the night within that you dig deep down into? He says he doesn’t use his dreams. And in his work, apart from the crowds (but crowds are like humankind being evicted from their own community), the earth is bare of people, nothing but an empty shell, unpleasant or frightening as that may be. And so you come to think it’s logical that this painter, here alone on his own territory, an affable sort of man, should equip himself with the same quick force as when he pulls out the stretchers to show you, stretchers that are taller than he is, weighted with angle iron, and that he should tell us of the eye that sees the world. But I didn’t know he was a dog. What do you find within yourself that makes you want to paint yourself as a dog-man? Is he the one who bites into the paintings of cities? I don’t ask him for an answer to that. And in any case, who would know the answer but the dog-man, and that’s the painting, not the painter. And if you’re a writer, you don’t make a shadow of yourself that eats you up from behind, so it can write up front, far beyond you, do you? I needed to say we’re animals. I wanted my body to fit into a square. I don’t really care that much about myself.
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Hong Kong 2003 ; 153 * 122 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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On the medina in Fez as an aid to understanding the shattered, upturned, crooked high-rise towers flying in bits around Hong Kong: he has this special way of snatching a bit of reality with his eyes as you might with your fist. Photography and camcorder are neutral tools, the computer is the second intermediary, and then it’s the canvas on the tragic wall, and the body that yields up to it (is that why he needs self-portraits, so he can sneer on equal terms?). The buildings that rise up in Fez or the banks in Hong Kong are very likely a view that is accurate, pinpointed. Every point on the canvas has this pinpointed, partial view. The painting that unites them and sets them up, from his earliest heart-rending images of crowds, negates any form of unity in accordance with perspective. With Faulkner, literature forever lost the point of view of the narrator who sees all and includes all from a personal standpoint. The artist at work here has also left this notion behind him. And if his paintings hit us in our guts through our emotions, and if we cling to this irrational state because it’s what we are, isn’t it so we can be initiated, and once we have been, cross over into the chaos, profusion, delirium, into the world and its dangers – which is all that the present moment holds for us, with us in it? Write through the paintbrush … And so here it is, all together, loose, just the same as if it were held tight in the clenched palm of a hand, everything that I discover, first in the studio, then in the storeroom that has to be built if one is indeed a succession of re-made worlds moving from exhibition to exhibition, keeping the labels of where they’ve been on their bubble-packs, these apartment blocks and washing machines, the fantastic animals and the self-portraits, and of course the “Google” series and the permanently exploding cities. Landscapes are the antithesis of cityscapes, but with the tgv tearing its hole through time away from all signifiers, don’t they connect, don’t they have the same approach, isn’t the clenched fist the same? And the animal carcasses, bodies as architecture, don’t they bear within them the same atomization as the cities and their geometry? But what if doing that means going to the place where the slaughter is carried out in order to capture it? And Philippe Cognée retraced the little camcorder’s flying movement. To get back to the violent nature of the experience – is that why the carcasses are painted full-scale, and become cathedrals? Fifteen years he’s been at it, after the trace of them. Though there are traces of the same red as the vertical meat in the buildings and the self-portraits, and the heaps of rubbish-tip trash, those banalities on the rim of our recyclable cities – they too have transformed into paintings of the world.
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Autoportrait / Self-portrait 2014 ; 50 * 40 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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L’Homme Chien / Dog Man 2002 ; 100 * 80 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Dans le pinceau, trouver son écriture… Et donc voici mis ensemble, dans ce vrac comme dans la même paume resserrés, ce que je découvre d’abord dans l’atelier, puis dans cette réserve qu’il faut bien bâtir si on est soi-même cette suite de mondes refaits, qui maintenant circulent d’exposition à exposition, et gardent sur leur emballage de papier bulle les étiquettes d’où ils reviennent, ce sont les immeubles et les machines à laver, et les animaux fantastiques, et les autoportraits, et bien sûr la suite des « Google » et l’explosion permanente des villes. Alors ces paysages qui sont l’antithèse des villes, mais les rejoignent lorsque c’est le tgv qui troue le temps à l’écart de tous les signes, est-ce que ce n’est pas la même démarche, le même poing tenu ? Et les carcasses d’animaux : le corps architecture, est-ce qu’ils ne portent pas au-dedans le même éclatement que la ville et ses géométries ? Et si cela impose d’aller le saisir en son lieu même, là où on tue ? Philippe Cognée redessine le geste du petit caméscope qui filme à la volée. Et c’est cela qui impose ensuite, pour revenir à la violence même de l’expérience, que ces carcasses soient peintes grandeur nature, deviennent cathédrales ? Quinze ans là aussi qu’il s’attelle à cette trace, s’y tient. Et pourtant des traces de ce même rouge des viandes verticales, il y en a aussi dans les immeubles, ou les autoportraits, ou les amoncellements de rebut dans les déchetteries banales de nos bords de ville recyclable, elles aussi faites peintures du monde. Il faut que ce soit bien accroché au sol, il ne faut pas que ça flotte. Des toiles de Philippe Cognée, je ne connaissais que l’apparence, ces glacis, ces transparences, ces cinétiques, et cette étrange sensation de présence jetée qui vous met devant la toile comme vous êtes devant la ville, lorsque la ville est trop grande, est trop dans le vacarme ou pue l’échappement quand il gèle, ou que le jour n’arrive pas à se faire. Quand on a vu une fois son geste, et lui comme suspendu à son bras contre le haut de la toile plutôt que lui commandant, la vue se renverse. De l’atelier de Philippe Cognée, je garde le sentiment léger et comme très doux des récipients remplis de cire d’abeille, et sa main à lui, la même main qui vient sur la toile avec ses truelles, ses brosses et ses fers, qui soulève les légers copeaux blonds et les laisse doucement retomber pour vous faire goûter l’odeur miellée qui atteste leur provenance vivante, la ruche, les fleurs et l’insecte. L’odeur compte énormément, comme travailler avec le miel. Pareil les étagères où il prépare ses couleurs : elles portent toutes les transparences et nuances des verts ou des bleus, et la suite de ces noms qui sont la poésie du peintre. La cire est une matière qui durcit en gardant ses transparences. Sur les toiles de Philippe Cognée on voit les épaisseurs, les accumulations, les ruptures et plans. Qu’on s’éloigne, c’est la précision des images telles qu’on les voit dans les rêves, avec cette part d’inaccessible. Alors, quand il revient à la toile avec ses fers (le fer qui tranche, le fer qui racle, le fer électrique porté à blanc) est-ce le même travail ou le même peintre ? Une sculpture commence sur la toile même. Elle produit des fusions : la main du peintre est la même, puisque avec la chaleur il organise comment cela se fond et mêle. D’autres nuances naissent. Mais le glacis qui apparaît est la lecture même de cette violence qui définit le monde réel, et qui vient hurler sous la première image. Alors non plus une image statique, mais des conflits et tourbillonnements et glissements : tout est mouvement – ce « mouvement qui déplace les lignes », comme le disait Baudelaire du vers. Ce qui naît de la matière, par la distorsion portée dans la première cire. Y a-t-il jamais eu un peintre fort, sans ce signe particulier qui distingue leur fabrique ?
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They must be grounded, they mustn’t float. I only knew Philippe Cognée’s paintings in appearance – the glazing, transparency, kinetics – but then there’s the weird feeling of an unleashed presence that forces you to face the canvas as you face a city that’s too big, its noise too blaring, a city that reeks of exhaust fumes when the weather’s freezing, or when daybreak never happens. You only have to see the gesture he makes just once, when he seems to hang from his arm against the top of the canvas rather than being in command, for your viewpoint to reverse. My feeling about Philippe Cognée’s studio has remained very gentle and light: receptacles filled with beeswax, and his hand, the same hand that comes to the canvas with trowels, brushes and irons as lifts the light gold slivers and lets them gently fall so you can taste the honeyed smell of their living provenance, hive, flowers, insect. The smell means a lot, it’s like working with honey. The same goes for the shelves where he makes his colours: they all bear the transparencies of wax and the shades of green and blue with their succession of names that are a painter’s poetry. Wax is a material that hardens while keeping its transparency. On Philippe Cognée’s canvases, you see the layers of thickness, the accumulation, the breaks and the planes. When you move back, there’s the precision of the images as seen in a dream with an element of inaccessibility. So when he goes back to a canvas with the irons (the slicing iron, the scraping iron, the white-hot electric iron), is the work the same, is the painter the same? A sculpture is building up on the canvas. Things fuse: the painter’s hand is the same because he uses heat to organize the way things melt and blend. Other shades of colour come into being. But the glazing is like a reading of the violence that defines the real world, and that howls beneath the top image. So it’s not a static image, there are conflicts, whirlwinds, and slippages. Everything is movement, the “movement that displaces lines” as Baudelaire said of the line of verse. What comes into being out of matter, when the first layer of wax is distorted. Has there ever been a painter of substance who has not had some such distinguishing feature, a hallmark?
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Pièces de bœuf 2 / Sides of Beef 2 2014 ; 180 * 180 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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On distortion: what does Philippe Cognée see in his confrontation with the world? Does he even see before he paints? When you’re faced with a fragment of reality, what justification is there for having the impulse to paint, or wanting to, or just being able to? When he prints out a badly, quickly taken photo, or a still from a video, does he attempt to see more in it than the few charcoal lines he draws on to the canvas like so many hooks to harpoon the painting with? Is it a certain colour tone in a certain place, the quality of a green, the convergence of a blue or a red in the grey immensity of the world, or just the mystery of geometry, when the immobile forms offer a vocabulary as rich as drama – tragedy, waiting-time, movement, equilibrium, serenity and disquiet. Scenography for a modern passion play, and proud that its themes have not been inherited from the past, but are the way we relate to the world, just as it is there on the building-site, in front of the workman’s hut, because that’s how we are. His paintings could blow up all the concrete in the world, for around us, it’s through cementation that people are set against people. It’s this immobile tension that gives each painting its drama, but denies it the possibility of being an art that could go alongside or beyond the painting, and refers it back to its being-there, mute in a world without language, unable to represent itself. No difference between fridge, washing machine and the fantastic crooked towers in Tel Aviv. Portraits. The people who move through the studio also leave a trace. He constructs this as an authoritative painter from the 18th century would have done, wishing to demonstrate the moral of the story, locating sociality in the body and tucking any troubles, histories and dreams away into a corner of the forehead. But modern humankind has kept little of that in its appearance, and the painter himself, whose elegance is suddenly disrupted by the energy expended to lift the stretchers, returns to the canvas bearing a white-hot iron. Nothing of the windswept, wild-eyed romantic here, the painting digs deep into you and goes right through. There’s only what it says, that’s all: inside you is the old monster. So the portrait is oneself. By all means then, paint yourself as a dog-man.
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Portrait de Thomas / Portrait of Thomas 1997 ; 103 * 98 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Portrait de Guillaume / Portrait of Guillaume 1997 ; 103 * 98 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
De la distorsion : qu’est-ce que Philippe Cognée voit, dans sa confrontation au monde ? Est-ce qu’il voit seulement avant de peindre ? Qu’est-ce qui justifie, confronté à un fragment de réel, qu’on soit dans la pulsion ou l’envie ou la seule possibilité de peindre ? Lorsqu’il imprime la mauvaise photo faite à la va-vite, ou extraite d’une vidéo, cherche-t-il à y trouver plus que les quelques traits de dessin au fusain noir qui sont sur la toile comme les crochets où harponner la peinture ? Est-ce une certaine tonalité de couleur à tel endroit précis, qualité d’un vert, conjonction d’un bleu ou d’un rouge dans l’énormité grise du monde, ou seulement ce mystère de la géométrie, quand les formes immobiles sont un vocabulaire aussi riche que celui du théâtre – tragédie, attente, mouvement, équilibre, sérénité ou inquiétude ? Scénographies d’une passion moderne, et l’orgueil qu’il ne s’agisse pas des thèmes hérités, mais tout simplement de notre rapport au monde, tel que là-devant cette baraque de chantier, parce que tels nous sommes. Toiles capables d’exploser tout le béton du monde en chaque point qu’autour de nous l’homme par le ciment s’oppose à l’homme. C’est bien cette tension immobile qui confère à chaque toile son théâtre, mais le nie comme art possible à côté ou au-delà d’elle-même, la toile – et la renvoie à cet être-là muet du monde sans langue, et qui ne se représente pas lui-même. Pas d’écart entre le réfrigérateur, la machine à laver, et les grandes tours fantastiques et recourbées de Tel-Aviv. Portraits. Les gens qui traversent l’atelier laissent cette trace. Il la construit comme l’aurait fait un de ces peintres autoritaires du xviii¨ siècle, qui voulait démontrer la morale, et placer toute la socialité dans le corps, les tracas, l’histoire et les rêves dans un coin du front. Mais l’homme moderne a gardé peu de tout cela dans son apparence : et lui-même, le peintre, une sorte d’élégance, soudain brisée par cette énergie quand il lève ses châssis, revient sur la toile avec un fer porté à blanc. Plus rien du romantique aux cheveux en désordre et regard en effroi : la peinture creuse en vous-même et vous traverse. Seulement, ce qu’elle dit, c’est ceci : dedans vous est le vieux monstre – alors c’est soi-même, le portrait. Alors oui se peindre soi-même homme-chien.
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Pay homage to everything you can’t see … We’re in his storeroom, a building specially designed so the work can accumulate. What goes off to an exhibition and comes back. And the history of it. A writer keeps his manuscript or his files; here, the books are six-sided, eight-cornered bubble packs that go off without him. A painting that leaves for a collection leaves no trace in the studio. So the paintings here are more the history of the one that left. But for Tel Aviv or Hong Kong, or the supermarket (the painting supermarket is a crazy series invented by Philippe Cognée, compiled from all our Saturday shopping expeditions, all the backward glances we take at our humble condition as parents, necessarily linking back to the recurrent portraits of children on the beach, although the children have since grown up and left home), the work is done in series – no one-offs. Maybe out of all the Hong Kong canvases, this one then represents a kind of essence of them all, a wording of the question, a trace to keep tabs on all the other paintings that have left. Spend an hour in this neutral, functional building which doubles as a workshop to make the stretchers, and you have a painter’s whole life before you: the weird animals, the series of fridges and washing machines, the apartment-block courtyards, a meat carcass conceived of as architecture or a utopia. And over the smooth cement floor, treated with anti-dust sealant, slides a very large diptych with a fragment of New York or Chicago, and finally the living explosion of Hong Kong.
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Portrait d’Andy / Portrait of Andy 2001 ; 60 * 50 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Portrait de Marc / Portrait of Marc 2014 ; 92 * 73 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood Portrait d’Andy / Portrait of Andy 2001 ; 65 * 54 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Rendre hommage à tout ce qu’on ne voit pas… On est dans son entrepôt : un bâtiment spécialement conçu pour accumuler. Ce qui part pour une exposition et en revient. Et sa propre histoire. Un auteur garde son manuscrit ou son fichier, les livres sont des bulles à six faces et huit angles parties se promener sans lui : la toile quand elle part pour une collection ne laisse pas de trace derrière elle. Alors ces toiles, ici, sont plutôt l’histoire de celle qui est partie. Mais, pour Tel-Aviv ou Hong Kong, ou le supermarché (le supermarché de peinture qu’est la folle série inventée par Philippe Cognée, et faite de tous nos samedis de courses, tous ces moments de retour sur notre humble condition de pères, un lien forcément avec les portraits récurrents des enfants sur la plage, alors qu’ils sont grands et loin maintenant, les enfants), l’œuvre c’est la série, pas la toile unique. Peut-être que de toutes les toiles Hong Kong celle-ci alors représente une sorte de somme, d’énoncé de la question, la trace conservée qui serait lien avec les autres toiles parties. Une heure dans ce bâtiment fonctionnel et neutre, qui sert aussi d’atelier pour la préparation des châssis, et on a toute une vie de peintre : les animaux bizarres, la série des frigos et machines à laver, les cours d’immeubles, une carcasse de viande pensée comme architecture ou utopie. Et, sur le ciment lisse, laqué à l’antipoussière, glisse un très grand diptyque avec un fragment de New York ou de Chicago, glisse enfin l’explosion vivante de Hong Kong.
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What interests me in the work is that sometimes it should create a sense of wonder. I’d like painting to dazzle in wonder. Is that our fascination with the Google Earth experience, cities seen vertically, as we fail to see them, a new viewpoint on our reality, or what we have done to it? I’m reminded of the technically sophisticated roofs at La Défense: ground level raised above the city, unattainable, made from mysterious geometric, technically sophisticated objects.We can zoom over the city from a computer screen spanned by our hands, the city is a toy, we move around it at will. The same impression of reality sees us moving round places we’d never dare to go to. Representation is complex, getting us to see close up as the screen zooms in on what was photographed from a geostationary satellite from 36 000 kilometres up. When you land in a plane, you see the city from the same vertical viewpoint but the angles aren’t flattened to make it geometric as here. And why would you bother about the colour of something that no one will go and check out? When the cathedral sculptors set up the gargoyles on the roofs where no one went, were they already thinking of that? The city is a fiction, and the problem is that we live in this fiction; reality is far below and above what is visible, and its abstract modes are just as real as it is. A Google Earth image can also unfold in time: if the city has grown, the little cursor that locates the satellite’s previous orbits will show us this trace in time. Is it because present time can be unfolded or swept away and in any case never seen like that by anyone that we are troubled by the cityscape portraits, the “Googles” as he calls the compositions that come out of a detail from Google Earth satellite views, and which when enlarged, stretched over their own abstraction, spun dry inside the painter and then magnified by the size of the painting or by being united in a diptych, become what we already knew of the city’s potential beauty, despite what it does to us, and even though we’ll never see it like that? Eight years so far on this series, another testing ground, a series he’s no way ready to close – for the thirty or so paintings he’s made, how many mysteries still remain in the roofs of New York and Chicago? Vertical surveillance, in relation to the world as it is. Like a spider’s web. The same work as ever was, it’s the vertical view that’s from today.
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La Tour noire / The Black Tower 2006 ; 200 * 250 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Google H.I.U. 2006 ; 200 * 200 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood Collection musée des Beaux-Arts de Nantes Google C.I.E.U. 2012 ; 200 * 200 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Ce qui m’intéresse dans le travail, c’est l’idée parfois de l’éblouissement. Qu’il y ait un éblouissement de la peinture. Ce serait cela qui nous fascine dans l’expérience Google Earth, avec les villes vues à la verticale, comme nous-mêmes jamais ne saurions ainsi les voir : nouveau point de vue que nous prenons de notre réalité, ou bien ce que nous en avons fait ? Je pense aux toits techniques de la Défense : un sol posé au-dessus de la ville, inatteignable et fait de mystérieux objets techniques et géométriques. Nous zoomons sur la ville depuis l’écran d’ordinateur grand comme nos deux mains – la ville est un jouet, on s’y déplace à volonté. La même impression de réalité nous fait surgir dans des lieux où jamais on n’aurait osé aller. C’est une représentation complexe, qui nous fait voir de tout près, par le grossissement écran, ce qui a été photographié par un satellite géostationnaire opérant à 36 000 kilomètres de hauteur. Quand, avant que l’avion atterrisse, on aperçoit pareillement la ville à la verticale, il n’y a pas cette suppression des angles qui la rend ici géométrique. Et puis pourquoi se préoccuperaiton de la couleur de ce que personne ne va voir ? Les sculpteurs des cathédrales, quand ils installaient des gargouilles sur des toits où personne n’irait, pensaient-ils à cela déjà ? La ville est une fiction, le problème c’est qu’on y vit, dans cette fiction – le réel est loin dessous et au-delà du visible, et ses modes abstraits sont aussi réels que lui-même. L’image Google Earth est aussi une image qu’on peut déplier dans le temps – si la ville a poussé, le petit curseur qui retrouve les précédents passages du satellite nous indiquera cette trace temporelle. Est-ce que c’est cela, le présent qui pourrait être déplié, ou balayé, et de toute façon n’est jamais vu comme cela par personne, qui nous trouble lorsque nous sommes devant ces portraits de ville que sont les « Google », comme il nomme ses compositions issues d’un détail des vues satellitaires de Google Earth, quand agrandies, tendues sur leur propre abstraction, passées à l’essorage physique du peintre et magnifiées par la taille du tableau ou son assemblage en diptyque, elles deviennent ce que nous savions d’avance de la beauté potentielle de la ville, malgré tout ce qu’elle nous fait, et quand bien même jamais nous ne la verrons ainsi. Huit ans qu’il a lancé ce chantier, un autre de ses rendez-vous avec lui-même, et qu’il n’est pas question aujourd’hui de clore : pour la trentaine de toiles réalisées, combien de mystères encore dans les toits de New York ou de Chicago ? Une surveillance verticale, par rapport au monde tel qu’il est. Comme une toile d’araignée. Un travail de toujours – c’est la vision verticale qui est contemporaine.
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Google Chambord 2014 ; 65 * 81 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Et comme lui il passe la main sur les surfaces lisses et dures de ses « Google », vous en faites autant. La visite de l’atelier, chez Philippe Cognée, c’est le droit que vous prenez de toucher la peinture avec les mains. Sentir d’un coup, pour le mouvement que vous avez à faire pour suivre la trace, l’étendue, comment cela est surface, comment cela est tension, distance, mouvement. On demande timidement si on n’exagère pas, on dirait que ça le fait sourire : C’est solide. Quel lien avec l’autre lieu, celui où, une fois que les châssis sont prêts, on les dresse contre le mur pour peindre : un atelier non pas en cube comme celui de Cézanne (les quatre faces occupées, et cette grande fente verticale contre la verrière nord pour pouvoir extraire de la fabrique les toiles grands formats), mais en longueur, avec ce mur nu tout au bout qui tient de la scène de théâtre sans estrade, ou presque du rituel urbain qu’est aussi le cinéma, avec le mur blanc comme un écran où la toile sera le film, et le film la fabrique de la toile. Et puis, à mesure qu’on s’éloigne du mur de travail, ces espaces pour l’huile et la peinture en miniature, les commodités que sont l’ordinateur, la photo et l’imprimante, et remontez encore c’est la bibliothèque (les livres, entassés jusque dans les interstices entre solives et plafonds, un dialogue donc nécessaire ? – et c’est pour cela qu’il emploie le mot « écriture » pour sa peinture ?), et puis cette mezzanine où tout cet atelier intérieur a gardé trace. Écrire, dessiner, effacer, il dit : Je dessine dans un double geste d’écrire et de gommer ou d’effacer. J’ai toujours travaillé beaucoup. Ou bien : Ça me redonne l’envie de peindre encore plus. Une peinture-volcan ? Moi aussi j’ai marché sur le Vésuve : si l’Etna est un monde qui change à chaque virage des pistes, le Vésuve est presque géométrique, et stérile. Une masse lourde de poussière, et quand on arrive sur le bord usé, la grande marmite ronde (on n’approche pas celles de l’Etna) avec cet effondrement dessous, d’où sortent des brouillards blancs, tandis que l’odeur des poussières, qui vous fait gris aussi, se mêle à celle du soufre, et qu’en bas est le glacis de ce qui bouillonne, et qu’en ce flou on tomberait, cela vous avalerait. Quel peintre moyen ne se serait pas suffi de ce que me montre en cet instant Philippe Cognée, agrégats monochromes comme de sculpter avec la matière même du fusain. C’est de cette rencontre du volcan qu’il date la transition – cette acception de ce qui est immédiatement devant soi, et de l’avoir préalablement bu, le volcan, pour peindre pourtant – alors tout est possible, le frigo et la baignoire, la foule et le container, un crâne ou soi-même – qu’un jour il parvienne à peindre comme une de ses « vanités » son propre crâne ou sa tête en mort ? À le voir pousser les lourds châssis de bois vissés sur cornière d’aluminium, et que là-haut veillent les premières têtes géantes façon encore africaine, on ne peut pas empêcher que ça vienne à l’idée. Ses cathédrales à lui commencent lorsqu’on ouvre les côtes des carcasses pendues : et ce ne serait pas nous-mêmes, ainsi mis en perce, pour trouver cet étrange équilibre qui alors surgit ? Il y a une gourmandise, c’est de l’ordre de l’urgence. Façon qu’a cette peinture de se jeter à votre figure (ces à-plats de cire chahutés, épais et violents, pièges à lumière, on n’est pas habitué). Et soudain c’est lui-même le peintre qui, dans la position du chien, semble vouloir l’accomplir. Et qu’il se voie en rose, lui dont une part du peindre surgit du volcan gris.
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And because he passes his hand over the smooth hard surfaces of his “Googles”, you do the same. A visit to Philippe Cognée’s studio means you allow yourself to touch a painting with your hands. You instantly feel the movement you have to make to follow the trace, how it extends, how it’s surface and how it’s tension, distance, movement. You timidly ask if you’re not going too far which seems to make him smile: It’s solid. What is the link with the studio where the stretched canvases are set up against the wall to be painted, a studio that isn’t cube-shaped like Cézanne’s (the four faces occupied, and the great vertical slit in the north-facing glass wall to take out the large-scale paintings) but long with the bare wall at the far end which verges on being a stage, even though it isn’t raised, or maybe an urban ritual like cinema, with the white wall a screen where the canvas is the film and the film how the painting is made. Then, as you move back from the painting wall, there are the spaces for the small-scale oils and other paintings, the utilities such as the computer, photography and the printer, and going still further back, there’s the library (books are even stuffed in the slots between the roof beams and the ceiling – so a needful dialogue? Is that why he uses the word ‘writing’ for his painting?), and then the mezzanine where traces of all this inner studio are kept. Write, draw, erase. He says: Drawing is a two-fold gesture: writing and rubbing out or erasing. I’ve always worked a lot. Or: It makes me want to paint even more. Painting as volcano? I too have walked on Vesuvius; if Etna is a world that changes with each turn in the track, Vesuvius is almost geometric, and sterile. A heavy mass of dust, and when you get to the worn rim, the great round cooking-pot (you can’t get that close on Etna), with all that is caving in beneath you and the white smokiness coming up, the smell of the dust, which coats you in grey too, gets mixed with the smell of sulphur, and right at the bottom is the glazed molten matter, and if you fell into the blur of all that, it would swallow you up. What average painter would not be happy to show me what Philippe Cognée is showing me now – monochrome aggregates as if sculpted out of the charcoal matter itself. This transition – the acceptation of what is right in front of you, having drunk the volcano right down in order to paint – he dates it back to his encounter with the volcano, a time when everything becomes possible, the fridge and the bath, the crowd and the container, a skull or oneself. And when one day he would manage to paint like a “vanity” his own skull or his death’s head? When you see him pushing around the heavy wooden stretchers screwed on to aluminium angle irons, and you know that up above the early giant heads, still in his African manner, keep watch, you can’t help thinking such things. His cathedrals came about when the hanging carcasses were split open down the ribs. And wouldn’t it be us, likewise pierced right through, to find this strange equilibrium arising?
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Moutons écorchés 1 / Flayed Sheep 1 1997 ; 120 * 80 cm Acrylique et fusain sur papier / Acrylic and charcoal on paper Moutons écorchés 2 / Flayed Sheep 2 1997 ; 120 * 80 cm Acrylique et fusain sur papier / Acrylic and charcoal on paper
Ce qui m’intéresse c’est de peindre l’idée, ce qui reste quand on est parti. Chambord, portraits : d’un mot apparemment simple comme « portrait », qu’est-ce qui rapproche en ces mêmes pièces, sur de mêmes murs, les recouvrements de vieilles toiles de maîtres, les paysages, les carcasses de viande, ou bien ce qui est portrait d’une ville, de poissons ou de soi-même ? L’œil du poisson ne diffère pas tant du nôtre, mais lui ne nous portraiturerait pas. « Portrait : représentation exacte d’un objet quelconque », dit Littré : mais qu’y aurait-il d’exact ici où tout, pour être vérité, est représentation, écart, distorsion ? « Portrait : description qu’on fait de l’extérieur, du caractère d’une personne », dit Littré : cela conviendrait mieux, par le dés-écrire, la déconstruction du geste de peindre comme scription du monde. « Portrait : image d’une personne faite à l’aide de quelqu’un des arts du dessin », dit Littré : il est beau ce singulier qui amplifie un outil parmi tous ceux de la main qui trace, peint, dessine. C’est peut-être ici qu’on renverserait et justifierait le mot « portrait » : dans la stabilité des directions de travail et la permanence de l’effort-monde qu’est l’œuvre de Philippe Cognée, la justification du mot portrait en ce sens qu’ici c’est le sien qui s’expose. Et par ce geste nous ouvre à nous-même : force qu’on cueille, et nous renvoie ouvert et élargi au monde. Si on est peintre à risque, dit-il.
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It’s a kind of hunger, there’s a sense of urgency. A way of saying that such painting hurls itself at you (we’re not used to flattened, disrupted areas of thick, violent, light-trapping wax). And suddenly it’s the painter himself, on all fours like a dog, who seems to want to do this. He sees himself pink, even though some of his painting is grey when it comes out of the volcano. I’m interested in painting the idea, what’s left when you’ve gone. Chambord, portraits. In the same rooms, on the same walls, from a simple word like “portrait”, what links the old masters’ paintings that have been worked over, the landscapes, the meat carcasses, or the city portraits, the fish or oneself? A fish’s eye is not so different from ours, but a fish wouldn’t do a portrait of us. The Littré dictionary says: “Portrait: exact representation of an object”; but what is exact here when, truth to tell, everything is a representation, a lapse, a distortion? The Littré dictionary says: “Portrait: description of someone’s outer appearance, or their character”; that seems better, de-scribing, de-constructing the act of painting as a scription of the world. The Littré dictionary says: “Portrait: image of a person made by someone versed in the arts of drawing”; the singular form is good in the way it amplifies one tool amongst all those that the hand uses to trace, paint, draw. Maybe at this point the word “portrait” might be overturned and justified: Philippe Cognée’s work lies in the directional stability of his work, and the permanence of endeavour as world; and so the word portrait is justified in that here he is exhibiting his own. And in this act, he opens us up to ourselves, a force that we harvest and that refers us back to face the world with greater breadth and openness. If you’re an at-risk painter, he says.
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Crânes / Skulls 2010 ; 120 * 80 cm Acrylique et fusain sur papier / Acrylic and charcoal on paper Crânes / Skulls 2007 ; 163 * 107 cm Aquarelle sur papier / Watercolour on paper
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Pièces de bœuf / Sides of Beef 2013 ; 180 * 165 cm Fusain sur papier / Charcoal on paper
Clélia Zernik
De chair et d’os Déclinaison perceptive
« Et, une fois là, [l’art] réveille dans la vision ordinaire des puissances dormantes un secret de préexistence. Quand je vois à travers l’épaisseur de l’eau le carrelage au fond de la piscine, je ne le vois pas malgré l’eau, les reflets, je le vois justement à travers eux, par eux. S’il n’y avait pas ces distorsions, ces zébrures de soleil, si je voyais sans cette chair la géométrie du carrelage, c’est alors que je cesserais de le voir comme il est, où il est, à savoir : plus loin que tout lieu identique. » (Merleau-Ponty, Maurice, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 1964, p. 70.)
Fuite en double hélice Au cœur du château de Chambord agit, en son énergie suspendue, l’astucieuse invention de Léonard – l’escalier à double hélice – qui crée une fuite sans cesse décalée, un approchement résistant à toute coïncidence possible : l’escalier est constitué de deux rampes qui se succèdent sans jamais se croiser. Par ce petit décalage, c’est l’unité du point de vue qui est brisée. En une stéréoscopie essentielle, les deux rotations ne coïncident jamais, laissant toujours un doute sur la part du trajet qui nous échappe. Comme l’envers et l’avers d’un même objet, il faut pouvoir les penser ensemble sans pouvoir les voir ensemble. Sorte de ruban de Möbius inversé, puisque les deux faces qui semblent n’en faire qu’une en feront irréductiblement deux. La main n’est pas plus elle-même à l’extérieur qu’en sa paume, mais pour la représenter il faut choisir. Or c’est précisément ce choix que Philippe Cognée ne fait pas. Voir les deux faces en même temps, ou plutôt, par un dispositif finalement analogue à celui de l’escalier de Léonard, induire sans cesse un rapprochement sans coïncidence entre deux modes d’appréhension du monde, complémentaires et contradictoires. Tout autour de cet escalier en double hélice, Philippe Cognée articule les deux faces de notre perception. Dans la disposition même des œuvres, il a choisi de reproduire le vertige ascensionnel proposé par Léonard : il alterne formats horizontaux et verticaux, tableaux à l’horizontale et tableaux à la verticale.
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Of Flesh and Bone Forms of Perception
“And once [art] is present it awakens powers dormant in ordinary vision, a secret of pre-existence. When through the water’s thickness I see the tiled bottom of a pool, I do not see it despite the water and the reflections; I see it through them and because of them. If there were no distortions, no ripples of sunlight, if it were without that flesh that I saw the geometry of the tiles, then I would cease to see it as it is and where it is – which is to say, beyond any identical specific place.” (The Merleau-Ponty Aesthetics Reader: Philosophy and Painting. Ed. Galen Johnson. Evanston: Northwestern University Press, 1993. Eye and Mind, p. 148, transl. Michael Smith)
Flight as a double helix In the heart of the Château de Chambord, the double helix stairs, Leonardo da Vinci’s ingenious invention, enact their suspended energy. The sense of flight they create is forever shifting, no meeting-point is possible. The stairs’ two flights follow one another round without ever crossing over. A shift in view that breaks up any unity in perspective. Stereoscopy is essential to an understanding of the two rotating forms that never coincide, always leaving room for doubt regarding the part of the journey that eludes us. Like the front and reverse sides of the same object, they must be thought of, although never seen, together. A kind of inverted Möbius strip since the two sides, which seem to make only one, necessarily make two. From the back, a hand is not the same as its palm, but in order to draw it, a choice must be made. And yet this is the choice that Philippe Cognée does not make: both sides are seen at the same time, or rather, by using a device that in the end is not dissimilar to Leonardo’s stairs, he continually induces a non-coinciding closeness between two ways of apprehending the world that are complementary and contradictory. Around the double helix stairs, Philippe Cognée structures the two sides of our perception. Even in the way the pieces are installed, he has chosen Leonardo’s dizzying ascension, alternating horizontal and vertical formats, horizontal and vertical paintings.
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Portrait de Guillaume / Portrait of Guillaume 1995 ; 81 * 57 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Echoing the château’s past history, Philippe Cognée has chosen to show work that relates to portrait and still life genres. But he makes even genres spiral off, linking them organically, yet never connecting them. How do you connect the portraits of children in the sun – snapshot paintings taken at that special moment when the sun is still hot but just turning sultry, portraits trembling with excitement after a stimulating swim, portraits that plunge us distractedly, flutteringly, into them – and the portraits of architects sitting deliberately under the painter’s attentive eye, and whose gaze in turn pierces us? What is the connection between the portraits and the still lifes of carcasses and heaps of fish, unless it is that the still lifes are the dizzying, helical revelation of all these thoughts heaped up, the obverse side of their commonality? From heap of flesh to laconic gaze, goes the spectrum, wide open, of a humanism that rejects neither angel nor beast. The still lifes then are no less portraits than the portraits themselves, just as the portraits are living lifes of the heightened mind. Philippe Cognée peels back the flesh on the face, shifting gradually to the flesh in the painting. In essence, it is the gaze that holds the portraits of the architects together. Only the pupils, it seems, have not been caught up in the painting’s explosive whirlwind. The smudging and the slashes in the canvas do not affect the eyes of these architects as they evade the surface. Conversely, the painter’s eye refrains from floating above the proliferating matter, it buries itself within the painting’s cavities. In a self-portrait on the beach, the painter wears dark glasses. His seeing eye has removed itself from the trembling, shifting world.
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Guillaume 2006 ; 73 * 60 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood Thomas 1996 ; 83 * 122,5 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood Guillaume 1996 ; 61 * 91 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Série « Les Architectes » / The Architects series Djamel 2012 ; 200 * 107 cm Encaustique sur papier / Encaustic on paper
En écho avec le passé des lieux, Philippe Cognée a décidé d’accrocher des toiles s’apparentant aux genres historiques du portrait et de la nature morte. Mais ce sont ces genres que précisément il fait vriller, qu’il transforme en ces deux hélices organiquement liées sans coïncidence possible. Comment articuler en effet ces portraits d’enfants au soleil, saisis comme sur le vif, à une heure qui semble si particulière, où le soleil encore chaud est déjà lourd de sa journée bien entamée, et tout tremblés de l’excitation d’un bain de stimuli qui nous plonge dans une distraction papillonnante, et ces portraits d’architectes venus tout exprès s’asseoir sous l’œil attentif du peintre et qui jettent en retour sur nous un regard qui transperce ? Comment articuler ces portraits avec ces natures mortes – ces carcasses et ces poissons entassés –, si ce n’est que ces dernières révèlent, en un vertige hélicoïdal, l’avers de ces regards tout en intelligence, de ces pensées toutes ramassées ? Du tas de chair à la concision du regard, il y a le spectre ouvert au maximum d’un humanisme qui ne renonce ni à l’ange ni à la bête. Aussi les natures mortes ne sont-elles pas moins des portraits que les portraits euxmêmes ; tout comme les portraits se révèlent être une nature vivante de l’esprit aiguisé. Par glissements successifs, Philippe Cognée ouvre la chair du visage à la chair de la peinture. Les portraits des architectes, quant à eux, tiennent essentiellement par leur regard. Il semble que seules leurs pupilles ne soient pas embarquées dans la tempête des éclatements et des tourbillons de la peinture. Les bavures et les entailles de la toile n’atteignent pas ces yeux d’architectes qui se soustraient de la surface. À l’inverse, l’œil du peintre – loin de surnager au marasme de la matière – s’est enfoui dans les cavités de la peinture. Dans un autoportrait à la plage, le peintre porte des lunettes noires. Dans le tremblement du bougé du monde, l’œil s’est véritablement soustrait.
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Of flesh and bone The architects’ eyes are stripped down to a kind of over-presence or overlay on the canvas, and, in the self-portraits, the artist’s eye disappears behind his glasses or buries itself like a cavity boring into a skull, a black hole opening into the depth of flesh, yet together they form two complementary sides of the world. Once again, there is an imperceptible, non-coincidental shift in which the architects’ heightened eye and the painter’s hollowed eye interplay, come together and move apart. Concave painter’s eye and raised architect’s eye, outspread skeleton and open flesh form an indestructible chiasma, and it is in this gaping hole that our humanity comes open. Living flesh and architecture pursue one another, find an equilibrium, are in opposition – like Leonardo’s double helix stairs. What Philippe Cognée finds interesting in the carcasses (his still lifes have eliminated flowers and plants) is structure. Or rather, the way in which bone structure makes up for the elongated flesh, and how flesh still manages to quiver despite the structure’s geometry. His still lifes are at one and the same time shapeless aggregates and an architecture of the visible. In his statements and writings, Philippe Cognée has often noted that he relates to the canvas in terms of construction and destruction. A new order arises out of destruction: anything that is too fixed must be dissolved before you can immerse yourself in the still warm matter. For this reason, Philippe Cognée always works on his subjects through the materiality of painting. By maltreating the canvas and melting the colours, the subject as referenced object, whether carcass, face or household appliance, is dissolved – at a distance and fully deployed in front of me, becoming the “flesh of the world” that Merleau-Ponty spoke of, that is to say not an object positioned face on, but an object in profile for or under my gaze, an object as it is in the intertwining of my gaze and its being-there, fully itself and fully appropriated by the sensitive desiring-machine of my perception. Just as when it is pressed under the artist’s iron, the object has melted under the subject’s solicitations and under the twist of appropriation-transformation. The relation of bone structure to flesh is the same as the views on Google Earth and the landscapes viewed from a train. Philippe Cognée pulls the objectivity in Google Earth’s cool, de-humanized aerial views toward an individual, vibratory subjectivity. Spatial vibration, echoing with the vibratory movement of images seen from a train, reverts from a sheer, individual, emotional and memorial perception of the movement into an object of representation. An interplay of shifting correspondences projects the heightened pupils in the architects’ eyes into the linear architecture of Google Earth views, which in turn melt away under the fleeting but tenacious subjectivity of a landscape or an infant’s laughter.
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Série « Les Architectes » / The Architects series Guy ; Patrick ; Yves ; Jean 2012 ; 150,5 * 108 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur papier / Encaustic on paper
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Série « Les Architectes » / The Architects series Philippe ; Olivier ; Sandrine ; Jany 2012 ; 150,5 * 108 cm chaque panneau / each panel Encaustique sur papier / Encaustic on paper
De chair et d’os Si l’œil de l’architecte est mis à nu, comme en sur-présence ou en surcroît sur la toile, tandis que l’œil du peintre disparaît sous ses lunettes, ou s’enfonce, telle la cavité des orifices d’un crâne, dans les autoportraits de l’artiste – trou noir ouvert vers la profondeur de la chair –, c’est qu’ils articulent les faces complémentaires du monde. Là aussi, en un glissement imperceptible, sans coïncidence possible, le regard de l’architecte en acuité et celui du peintre en cavité s’approchent et s’éloignent pour jouer ensemble. Œil du peintre creusé et œil de l’architecte en saillie – squelettes déployés et chair ouverte forment un chiasme indestructible, dans la béance duquel s’ouvre notre humanité. Chair vive et architecture se pourchassent, s’égalisent et s’opposent – comme la double hélice de l’escalier de Léonard. Ce qui intéresse Philippe Cognée dans ses carcasses (il a supprimé des natures mortes toute dimension florale et végétale), c’est la structure ; ou plutôt, comment l’ossature rattrape l’allongement de la chair et comment la chair tressaille encore malgré la géométrie de la structure. Ses natures mortes sont tout à la fois agrégat informe et architecture du visible. Philippe Cognée l’a souvent dit ou écrit, il pense le rapport à la toile à la fois comme construction et comme destruction ; détruire pour faire surgir un nouvel ordre et dissoudre ce qu’il y a de trop figé pour se laisser happer par une matière encore chaude. C’est pourquoi les sujets de Philippe Cognée sont toujours travaillés par la matérialité de la peinture. C’est en malmenant la toile, en faisant fondre les couleurs que le sujet – la carcasse, le visage, l’appareil électroménager – se dissout comme objet référencé, à distance et pleinement déployé devant moi, pour devenir cette « chair du monde » dont parlait Merleau-Ponty, c’est-à-dire non pas un ob-jet placé en face mais le profil de cet objet pour ou sous mon regard, l’objet tel qu’il est dans l’entrelacement de mon regard et de son être-là, pleinement lui-même et pleinement approprié par cette machine désirante et sensible qu’est ma perception. L’objet, comme sous le fer à repasser de l’artiste, a fondu sous les sollicitations du sujet et sous la torsion d’un geste d’appropriationtransformation. Le rapport entre l’ossature et la chair est le même que celui entre les vues de Google Earth et les paysages vus de train. L’objectivité glaciale et déshumanisée des plans aériens de Google Earth est tirée, par le traitement qu’en fait Philippe Cognée, vers une vibration toute singulière et subjective. Vibration spatiale mise en écho avec la vibration du mouvement des images vues de train, qui en un mouvement inverse transforme en objet de représentation le pur rendu affectif et mémoriel de la perception singulière d’un mouvement. En un jeu de glissements et de correspondances, les prunelles aiguisées des architectes se projettent dans les architectures linéaires des vues Google Earth qui elles-mêmes fondent au regard d’une subjectivité qui ne garde qu’une empreinte fugace – mais tenace – d’un paysage ou du rire d’un jeune enfant.
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A phenomenological concept of the subject’s relationship to the world sees no place which does not bear the subjective imprint, which when faced with the demands of strict objectivity does not turn away evasively. Far from enjoying the eternity that only views that have no point of view can enjoy, even Google views lose their solidity and reality and become a mere mirage, a mind’s eye view that will collapse when pressured by the tiniest cataclysm. Philippe Cognée is sensitive to the fragility of even the most apparently imposing things. The Google views are in abeyance, as if on hold. They may look like modern prisons, places where humankind no longer has a part to play, but they may well also crumble with the least earthquake, the slightest tremor of a pupil. When we move, the world moves with us; trembling movement overwhelms it and it smudges.
Forms of the world Representation, in painting, and photography even more so, invites a Cartesian system of dualism that sets subject against object, a system of control and availability. However, presence perceiving the world avoids distinguishing between subject and object; it envelops us in the same “flesh” of the world, the same rhythm or participatory vibration. A purely negative definition would have presence in painting occur whenever representation fails to be constituted. In this case, any smudge or “tremor”, any imprecision, the “distortions […] ripples of sunlight” that Merleau-Ponty mentions, will contribute to the qualitative dimension specific to presence obtained through control. Philippe Cognée breaks with the image as object. The smudges, runs and excess of matter are all ways of preventing the image from coagulating into a firm representation; they are ways of rendering it as the original moving flux of perception – the “tremor” that keeps it in a state of continually coming into being. In the confrontation between the Google views and the perception of landscape at high speed, the ways of being a landscape “for us” take on a variety of forms, not as a representation of landscape (even when the Google Earths have been modified and worked on through the act of painting), but landscape as event. Ordinary perception of space does not obey a single, subject-driven, egocentred point of view. Quite the opposite, as recent studies in the physiology of perception have shown: “the human brain has the remarkable ability to decentre, to quit its referential egocentre and view the world and the body from a point outside its perceiving I”1. The egocentred point of view, in relation to one’s own body, and the allocentred point of view, in relation to an external element, form one and the same relation with the world. There is no longer any distinction between subjective and objective, and shifts in scale are the most appropriate way of describing perceptive realism. The egocentred and allocentred points of view never fuse, they remain irremediably heterogeneous. But it is this very heterogeneity that characterizes our relation to the world.
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1. A. Berthoz and J-L Petit, Phénoménologie et physiologie de l’action (Paris : Odile Jacob, 2006), p. 276. “If the reader cares to re-trace her steps from home to the place of work, this can be done in two ways. She can use a first cognitive strategy that we call ‘route strategy’. This is egocentred, and relies on the perceiving I. It memorizes body movements (go straight ahead, turn left, go up some steps), a part of kinesthetics, and associates these with visual landmarks (a crossroads, a shop etc.) or even with events. […] However, perception, and what this implies regarding the manipulation of percepts independent from the egocentred position, is located in a reference scheme that we call allocentred. In this scheme, objects are situated only in connection with each other and with no particular reference to the perceiving body. Instead of saying: ‘It’s 45° to the right of my body’, I would say: ‘It’s halfway between the door and the wall.’” (Ibid., p. 276).
Google Chicago 2006 ; 190 * 295 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Car selon une conception phénoménologique du rapport du sujet au monde, il n’est pas de lieu qui ne soit marqué de l’empreinte subjective, et qui n’offre face à toute exigence d’objectivité stricte un profil fuyant. Même les vues Google, loin de cette éternité dont seules les vues sans point de vue peuvent jouir, perdent leur solidité et leur réalisme, pour n’être plus que mirage ou vue de l’esprit prêt à défaillir sous la pression du moindre cataclysme. Philippe Cognée est très sensible à cette fragilité des choses, même les plus imposantes en apparence. Ces vues Google sont comme en sursis ou en suspens. Si elles prennent l’allure de prison moderne, où l’homme n’a plus sa part, elles sont également susceptibles de s’effondrer au moindre séisme ou au moindre tressaillement de la pupille. Quand nous bougeons, le monde bouge avec nous, et tout entier, il est gagné par du bougé, des bavures.
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Vladimir Jankélévitch2 states that our relation to death is not unequivocal, but multi-faceted and various. First there is “my death”, in the first person; there is nothing I can say of this death, it is the invisible vanishing point for all my actions, but strictly speaking I will never experience it. Then there is “your death”, the death of a close relation or a loved one, death in the second person; this death involves affect, and the effective experience of suffering but cannot be theorized, it is felt but not understood. Lastly, there is death in the third person: humans die, it is the mark of their finitude, which can be an object of theory and thought. In his paintings, Philippe Cognée uses the same eidetic variation, the same perceptive conjunction. The portraits of children at the beach are sheer subjective insight, as if caught between two dazzling bursts of sun, impressed on to a first-person sensitive memory plate. The portraits of the architects and the gazes they send out to us weave an intersubjective relationship – the perception is openly complicit – of what you perceive to what we perceive. Philippe Cognée varies the subject’s relation to things. By degrees, he runs through the gradations of subjective perception. Such variations are made possible through interplay between the eye and the painter’s hand and the camera used systematically in the early stages of work. Sensitive eye and impressionable lens, like Leonardo’s double helix stairs, exchange their distinguishing features but never meet.
Eye and objective The closer we get to the canvases, the more we are projected into the open heart of Philippe Cognée’s painting, thick and runny, textured and tactile. Nothing recognizable as yet, nor figurative, only colours torn apart, luminously festive pinks, yellows and greens that contrast with the slashes and the stagnant swell of matter. But as distance increases, the more the world, as if seen through a glass, seems to stabilize. Incarnation and objectality are like the double spirals of Leonardo’s stairs that raise us to an awareness of perception’s duality and evasiveness. This is the tension that characterizes the work – between dehumanized distance and raw perceptive reappropriation. Having recourse to photography underlines this move to appropriation: it links the lens’s perception – frontality and “being-there” stubbornness – with the eye’s natural perception – tremor and smudge. Cézanne wanted to re-create the stability of Poussin’s compositions using Impressionism’s impermanence as a startingpoint. Philippe Cognée’s ambition, just as paradoxical and immoderate, is seemingly to reconcile photography’s “bringing the object into being” with the gaping hole of subjective experience, the eye misted with affect and sensitivity going through the world and daily life feeling both its own over-presence and its pain. From the violently luminous self-portraits to the vertical views of American metropolises, to the frightening geometry and the quivering incomprehension, to the series of carcasses and the objects with clearly marked photographic perspectives, Philippe Cognée’s work is like Leonardo’s stairs, his exactingness a mirror of the same infinite, paradoxical ascension – between restraint and heightened cogency, between eye and objective.
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2. Vladimir Jankélévitch, La Mort (Paris : Flammarion, 1977).
1. Berthoz, A. Petit, J.-L., Phénoménologie et physiologie de l’action, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 276. « Si le lecteur veut se rappeler le trajet de son domicile jusqu’à son travail, il peut le faire de deux façons. Il peut utiliser une première stratégie cognitive que nous nommons ‹ stratégie de route ›. Elle est égocentrée, fait appel au Je percevant, elle consiste à mémoriser les mouvements du corps (aller tout droit, tourner à gauche, monter un escalier…), ce qui relève des kinesthèses, et les associer à des repères visuels (un carrefour, un magasin, etc.) ou même à des épisodes. […] En revanche, la perception, et ce qu’elle implique comme manipulation des percepts indépendamment de cette position égocentrée, se situera dans un référentiel que nous appelons allocentré. Dans ce référentiel, les objets sont situés uniquement les uns par rapport aux autres et sans référence particulière au corps percevant. Au lieu de dire : ‹ il est à 45° à droite de mon corps ›, je dirai : ‹ il est au milieu de l’espace entre la porte et le mur. › » (Ibid., p. 276.)
Déclinaison du monde La représentation – picturale, mais plus encore photographique – suppose un dispositif dualiste et cartésien qui met en vis-à-vis le sujet et l’objet ; c’est un dispositif de maîtrise et de mise à disposition. En revanche, la présence perceptive au monde contourne cette distinction du sujet et de l’objet pour nous englober dans une même « chair » du monde, un même rythme ou une même vibration participative. Selon une définition purement négative, il y aura présence en peinture à partir du moment où la constitution de la représentation est mise en échec. Dès lors, tout ce qui relève des bavures, du « bougé », des imprécisions, « ces distorsions, ces zébrures de soleil » dont parle Merleau-Ponty, contribuera à retrouver la dimension qualitative propre de la présence par emprise. C’est cette rupture vis-à-vis de l’image-objet que propose Philippe Cognée. Le tremblement, les coulures, le trop-plein de matière sont autant de moyens utilisés pour empêcher l’image de coaguler en une ferme représentation et la rendre au « bougé » originel du flux perceptif. Le « bougé » précisément la maintient dans un état de surgissement. Dans la confrontation entre les vues Google et la perception d’un paysage à grande vitesse, se déclinent les différentes manières d’être un paysage « pour nous », non pas une représentation de paysage (même dans les Google Earth une fois modifiées, travaillées par la peinture), mais un paysage-événement. En effet, la perception ordinaire de l’espace n’est pas soumise au seul point de vue égocentré et moteur du sujet, au contraire, les études récentes en physiologie de la perception ont montré que « le cerveau de l’homme possède la capacité remarquable de se décentrer, de quitter le référentiel égocentré pour considérer le monde et le corps d’un point de vue extérieur à son Je percevant1 ». Point de vue égocentré, par rapport au corps propre, et point de vue allocentré, par rapport à un élément extérieur, constituent un seul et même rapport au monde. Il n’y a plus de distinction entre le subjectif et l’objectif et le décalage des échelles devient la description la plus adéquate du réalisme perceptif. Le point de vue égocentré et le point de vue allocentré ne fusionnent jamais, ils demeurent irrémédiablement hétérogènes. Mais c’est cette hétérogénéité là qui caractérise notre rapport au monde.
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Paysage vu du train n¿ 2 / Landscape Seen from Train No. 2 2012 ; (200 * 250 cm) * 2 Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Crâne constellation 2 / Skull Constellation 2 2014 ; 110 * 65 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Crâne constellation 1 / Skull Constellation 1 2014 ; 65 * 110 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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In Philippe Cognée’s paintings, in the relations between his paintings, and also at the heart of each one, what is at stake is the unresolved antagonism between the lens that scrutinizes the world and turns everything into an object, and the sensitive gaze that blurs the contours into a barely decipherable emotional experience. In this lies the mystery of perception: between a muddled, tentative rendering of the world in which even emotions are nameless, and the camera’s scrutiny which flattens everything into shadowless surface. Our perception uses this prism – absorbing into the world and definitively disconnecting from it in Cartesian opposition. Sometimes, perception multiplies layers of visible, blurring what we see but making it liveable; sometimes perception draws away from the world, sets the world up like a painting, to be looked at but not lived through. The clash between being visible and living is what Philippe Cognée is forever confronting, showing with each painting that seeing and living must be done together. Don’t we all oscillate between attitudes that thrust us blindly into the heart of things and the safe distance that protects us? Ultimately, the point of Philippe Cognée’s work may be that it reveals the ambiguity in every subject’s situation in the world. Don’t we all perpetually slip between detached scepticism, life viewed as if it were a show seen through a pane of glass, and blind involvement in a reality we trust – always on the inside and the outside, always ready to take a step back and to commit? What gives Philippe Cognée’s work its vibrancy and sensitivity is the pulsation of the aperture as it opens or closes us to things. His paintings may represent standardized, dehumanized consumerism just as they represent the faces of loved ones and friends, but in the heart of their living matter they continue to sweep across the spectrum from clear-sightedness to tenderness, from distance to attachment, from pessimistic analysis to blind empathy, ever crossing back and forth and ascending like Leonardo’s stairs.
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Crâne / Skull 2013 ; 21 * 29,7 cm Encre sur papier photo / Ink on photographic paper
2. Jankélévitch, Vladimir, La Mort, Paris, Flammarion, 1977.
Selon Vladimir Jankélévitch2, notre rapport à la mort n’est pas univoque, mais au contraire multiple et hétérogène. Il y a d’abord « ma mort », en première personne ; de cette mort, je ne peux rien dire, elle est le point de fuite invisible de toutes mes actions, mais je n’en ferai jamais à proprement parler l’expérience. Il y a « ta mort », la mort du proche ou de l’être aimé, la mort en deuxième personne ; cette mort relève de l’affectif, mais expérience de souffrance effective, elle ne peut pas être pourtant théorisée, elle est éprouvée sans pouvoir être comprise. Enfin, il y a la mort en troisième personne – l’homme meurt, c’est la marque de sa finitude et cette dernière peut devenir un objet théorique et de pensée. Or c’est une même variation éidétique, une même conjugaison perceptive qu’effectue Philippe Cognée dans ses peintures. Les portraits des enfants à la plage sont un pur aperçu subjectif, comme capté entre deux éblouissements de soleil, impressionné sur la plaque sensible d’une mémoire à la première personne. Les portraits des architectes et leur regard qu’ils nous envoient, se tissent dans un rapport intersubjectif – une perception à la complicité ouverte – de ce que tu perçois à ce que nous percevons. Enfin, les architectures vues par Google Earth révèlent un monde à la troisième personne. C’est le rapport du sujet aux choses que Philippe Cognée fait varier. Par degrés, il parcourt les échelons d’une perception subjectivement déclinée. Cette déclinaison est rendue possible par le jeu entre l’œil et la main du peintre et l’appareil photographique utilisé systématiquement dans la première phase du travail. Œil sensible et objectif impressionnable, comme la double hélice de l’escalier de Léonard, échangent leurs caractéristiques sans jamais coïncider.
L’œil et l’objectif Plus nous nous approchons des toiles, plus nous voilà projetés dans le cœur ouvert, épais et coulant, texturé et tactile de la peinture de Philippe Cognée. Ici, rien de bien reconnaissable encore ou de figuratif, qu’un écartèlement de couleurs lumineuses et festives – rose, jaune et vert – qui contrastent avec la déchirure et le remous stagnant de la matière. Mais plus la distance augmente, plus s’y manifeste la stabilité d’un monde vu comme derrière la vitre. Incarnation et objectalité sont comme les deux vis de l’escalier de Léonard qui nous hissent à la conscience d’une perception toujours double et fuyante. C’est cette tension qui caractérise l’œuvre – entre distance déshumanisée et réappropriation perceptive à vif. L’utilisation de la photographie témoigne de ce mouvement d’appropriation qui articule précisément perception de l’objectif, conférant frontalité et « être-là » têtu, et perception naturelle de l’œil, avec son bougé et ses bavures. Si Cézanne voulait retrouver la stabilité des compositions de Poussin en partant de l’impermanence de l’impressionnisme, Philippe Cognée, selon une même ambition paradoxale et démesurée, semble vouloir concilier le « faire-devenir-objet » photographique avec la béance du vécu subjectif, de cet œil toujours embué, affecté et sensible qui traverse le monde et le quotidien avec un sentiment de surprésence et de douleur conjointes. Des autoportraits, d’une violence lumineuse, aux vues verticales des métropoles américaines, à la géométrie effrayante et au tremblement d’incompréhension, en passant par les séries de carcasses et par les objets aux perspectives photographiques marquées, l’œuvre de Philippe Cognée est à l’image de cet escalier de Léonard et son exigence le miroir de cette ascension infinie et paradoxale – entre retenue et pertinence aiguë, entre l’œil et l’objectif.
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Moutons écorchés pendus / Flayed Sheep Hanging 1997 ; 185 * 103 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Ce qui se joue dans la peinture de Philippe Cognée, dans les relations entre ses toiles mais aussi au cœur de chacune d’elles, c’est l’antagonisme jamais résolu entre une mise à plat du monde par un objectif qui transforme tout en objet et le regard sensible qui noie les contours en une expérience affective peu déchiffrable. Le mystère de la perception se situe là : entre un rendu brouillé du monde, constitué à tâtons, où même les émotions sont sans nom ; et la mise à plat de l’appareil photographique qui déploie toute chose en une surface sans ombre. Notre perception est ce prisme – de l’absorption dans le monde à sa disjonction définitive en un vis-à-vis cartésien. Parfois, elle multiplie les couches du visible pour le rendre parfaitement vivable mais indistinct, parfois elle se détache du monde, le pose en tableau face à elle, pour le voir sans le vivre. Or, c’est à cette antinomie de la visibilité et de la vie que Philippe Cognée sans cesse se confronte, montrant dans chacune de ses toiles qu’il faut voir et vivre en même temps. Ne passons-nous pas sans cesse d’une attitude qui nous jette dans les choses et nous aveugle sur elles à une distance qui nous en préserve ? Finalement, c’est peut-être la justesse de la peinture de Philippe Cognée que de pouvoir retrouver cette ambiguïté qui caractérise précisément la situation de tout sujet dans le monde. Notre être n’est-il pas en perpétuel glissement entre un scepticisme qui nous détache des choses et les transforme en spectacle visible de part en part, comme derrière la vitre, et une foi aveugle en la réalité dans laquelle nous nous sentons « embarqués » – toujours un peu dedans et un peu dehors, toujours prêt à prendre du recul et à s’investir ? Ce qui rend sensible et vibrante la peinture de Philippe Cognée, c’est cette pulsation de diaphragme qui nous ouvre ou qui nous ferme aux choses. Ses toiles peuvent aussi bien représenter la consommation standardisée et déshumanisée, ou des visages aimés et amis, au cœur de leur matière vivante, elles ne cessent de balayer le spectre qui va de la lucidité à la tendresse, de la distance à l’attachement, du constat pessimiste à l’aveuglement empathique, en un chassécroisé ascensionnel à l’image de l’escalier de Léonard.
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Autoportrait / Self-portrait 2007 ; 35 * 49,5 cm Aquarelle sur papier / Watercolour on paper
Entretien avec Philippe Cognée par Yannick Mercoyrol, directeur de la programmation culturelle du Domaine national de Chambord
« Une représentation du réel déplacé dans le champ de la peinture »
Yannick Mercoyrol Le genre du portrait constitue comme un fil rouge dans ton travail depuis longtemps. Il revient très régulièrement, essentiellement sous trois formes : le portrait de proches, l’autoportrait et la reprise de figures exécutées par des maîtres anciens, notamment Rubens ou Rembrandt. Comment expliques-tu une telle fidélité ? Philippe Cognée Mon rapport à l’exercice du portrait est en effet une constante depuis les années 1990. C’est souvent à des moments charnières de l’évolution du travail, dans les temps de crise de la création, que j’aborde ce sujet. Cette thématique resurgit donc périodiquement. Mon approche du motif a cependant peu évolué avec le temps… Cela ira simplement du désir de demander aux proches de poser dans une certaine attitude, pour en tirer un portrait expressif, exprimant le caractère caché du sujet, jusqu’à vouloir en pousser l’image aux limites de sa disparition par l’action de l’effacement. Cet effacement, ou plutôt cette dissolution plus ou moins forte dans le fond du tableau, est une façon de rendre toute sa fragilité à l’individu représenté et à l’homme en général. C’est aussi une volonté de dire que ce n’est qu’une image peinte et que la peinture est à mes yeux plus forte que la représentation. Chez les grands peintres, l’écriture domine toujours la figure. C’est évident chez Rembrandt, chez Vélasquez, chez Manet. C’est d’ailleurs l’admiration que j’ai pour ces grandes figures de l’histoire de l’art qui m’entraîne dans ce jeu de citations. Je me permets de reprendre et de maltraiter certains portraits car cette pratique répond à la volonté de m’approprier un peu plus la puissance de ces œuvres.
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“Displacing represented reality in the field of painting”
Yannick Mercoyrol. Portrait painting has been an important genre in your work for a long time. It comes back regularly, in three main forms – portraits of family and friends, self-portraits, and figures painted by old masters, especially Rubens and Rembrandt, that you re-work. How do you explain such a lasting commitment to the genre? Philippe Cognée. My relationship with portrait painting has been a constant since the 1990s. It’s often at the transitional moments in the development of my work, times when my painting is in crisis, that I come back to it. So it’s a theme that crops up periodically. However, the way I approach the subjects has not changed much with time. It ranges simply from me asking friends and family to pose in a certain way in order to make an expressive portrait, one that depicts the subject’s hidden character, to wanting to push the image to the verge of disappearing by erasing it. Effacing, or maybe dissolving the figure more or less into the depths of the painting is a way of restoring complete fragility to the individual represented, and to people in general. I also want to say that this is only a painted image and that in my opinion painting is stronger than what is represented. With the great painters, writing always dominates the figure. It’s obvious with Rembrandt, Velasquez, Manet. It’s my admiration for them that leads me to quote them. I allow myself to re-work and maltreat some portraits because in doing so I wish to appropriate for myself the strength of these works.
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Conversation between Philippe Cognée and Yannick Mercoyrol, Director of Cultural Programming at Chambord
Autoportrait / Self-portrait 2007 ; 35 * 25 cm Aquarelle sur papier / Watercolour on paper Autoportrait / Self-portrait 2007 ; 70 * 50 cm Aquarelle sur papier / Watercolour on paper
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Ossements / Bones 2014 ; 91,5 * 58,5 cm Encre sur papier photo / Ink on photographic paper Fémur / Femur 2014 ; 33 * 62 cm Encre sur papier photo / Ink on photographic paper
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Y. M. And what about the special nature of the self-portrait, a form that you practise just like the great masters of the genre, but in your case it seems that the deformation of the figure is carried even further? Ph.C. In concrete terms, a self-portrait is the portrait of the person who is the most available. All you need is a mirror. Self-portraits happen in moments of “crisis” – who am I? What am I doing? So they evidence the particular moment in time when they are made. When you represent yourself, you have the illusion you’re stopping time. Nonetheless, confronting time is also a way of exploring the body, ever changing, always declining. Advancing age is a form of deconstruction, and self-portraits make it possible to push mistreatment of the body to extremes, by making form dissolve into the background. And in my case, I also want to bring out the animal side in humans, and for that, it’s easier to use myself as a model. Finally, distortions also help you to distance yourself, you don’t take yourself too seriously, it’s a way of saying: isn’t the act of painting a game? Shouldn’t we also be pointing out this side of a painter’s work? But in the end, beyond all these “virtues”, it’s always the painting I want to highlight, in the manner of Rembrandt’s self-portraits where it’s the pictorial magic that gives the image its unbelievable iconic power.
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Crâne / Skull 2013 ; 19,5 * 28 cm Encre sur papier photo / Ink on photographic paper
Y. M. Qu’en est-il de cette forme particulière qu’est l’autoportrait, une forme que tu pratiques à l’instar des grands maîtres, mais dans laquelle il semble que la déformation de la figure soit poussée plus loin encore ? Ph.C. L’autoportrait c’est, de manière très concrète, le portrait de la personne la plus disponible : il suffit d’un miroir… L’autoportrait arrive souvent dans les moments de « crise » : qui suis-je ? que fais-je ? Il constitue alors le témoin de ce moment particulier de sa fabrication. En se représentant, on arrête illusoirement le temps… Il reste que cette confrontation au temps est toujours une interrogation face à l’évolution du corps qui ne va que dans un sens, celui de sa déchéance. Il y a une déconstruction dans cette avancée de l’âge : l’autoportrait est alors la possibilité de pousser à ses limites extrêmes la maltraitance du corps par la dissolution de la forme dans le fond. Il y a aussi chez moi la volonté de faire ressortir la part animale de l’homme et il m’est plus facile de me prendre comme modèle pour en parler. Enfin, par cette distorsion, il y a aussi une manière de se mettre à distance, de ne pas se prendre trop au sérieux, une façon de dire : l’acte de peindre n’est-t-il pas un jeu ? Ne faut-il pas mettre en avant cette conception du métier ? Mais au fond, au-delà de toutes ces « vertus », c’est toujours la peinture que je veux mettre en avant, à l’image de Rembrandt dans ses autoportraits, où la magie picturale donne à l’image une puissance iconique invraisemblable.
Y. M. Revenir à la figure à des moments charnières, des crises ou des tournants dans ton travail, distordre cette figure en maltraitant son apparence, n’est-ce pas considérer le portrait comme une matrice de ton travail ? Comme si la « forme-portrait » constituait l’enjeu central de ton rapport à la représentation… Ph.C. Je pourrais commencer par dire que je traite la plupart de mes sujets comme des portraits. Le sujet est souvent pris « plein pot », c’est-à-dire qu’il occupe presque en totalité l’espace du tableau. Il est néanmoins souvent décontextualisé : une maison, un immeuble, c’est le portrait de l’objet que je peins à l’image du portrait d’une personne. Il est cependant vrai que le portrait d’une personne particulière renvoie directement au regardeur. Je veux que le tableau ait une présence physique forte, qu’il soit comme un objet magnétique, que le spectateur se sente comme embarqué, de sorte qu’un véritable dialogue s’instaure. La forme portrait permet par sa ressemblance – une tête avec des yeux, une bouche, un nez, des oreilles, enfin ce qui constitue le visage ou, plus globalement, un corps – de capter plus facilement l’intérêt de l’observateur. Qui est-il, celui qui est fait comme moi ? En quelque sorte, le tableau joue le rôle du miroir. C’est pour cette raison que le portrait d’une personne en particulier renvoie toujours, directement ou indirectement, à celui qui le regarde. Il s’agit d’un dialogue : je vois celui qui me regarde, la peinture me regarde et je la regarde…
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Y. M. When you go back to the figure in these moments of transition and crisis, the turning points in your work, when you distort the figure by maltreating its appearance, isn’t it as if you considered the portraits as the matrix for your work? As if the ‘portrait as form’ was the crux of how you relate to representation…
Portrait de P. D. / Portrait of P. D. 2005 ; 40 * 40 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Ph.C. I could begin by saying that I treat most of my subjects as portraits. Usually, the portrait is full-blown, by which I mean it takes up almost all the space on the painting. But often there’s no context – whether a house or an apartment block, it’s the portrait of an object, painted just as I would a person. But it’s also true that the portrait of an individual person reflects straight back to the viewer. I want the painting to a have a strong physical presence, to be like a magnetic object, so viewers are taken on board in a real dialogue with the painting. Because of its resemblance – a head with eyes, a mouth, a nose, ears, all that makes up a face or more generally a body – the portrait form captures an observer’s interest more easily. Who is this person who looks like me? In a way, the painting acts as a mirror. This is why a person’s portrait always refers back, directly or indirectly, to the onlooker. It’s a dialogue: I see someone looking at me, the painting looks at me and I look at it…
Tête d’homme de profil / Man’s Head in Profile 2005 ; 29,5 * 29,5 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Portrait de James / Portrait of James 2014 ; 50 * 40 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood Portrait de Marc / Portrait of Marc 2014 ; 50 * 40 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Y. M. Que devient alors, dans ce jeu de forces entre ressemblance et déformation, le rapport mimétique constitutif du genre du portrait ? Ph.C. La vraie ressemblance est dans la captation de quelque chose qui n’apparaît pas dans l’imitation tout court. C’est au-delà. Ce jeu de déformation invite à passer outre, à aller chercher au-delà, à faire resurgir ce qui est caché. La déformation consiste à fondre, dans tous les sens du mot, le portrait. Je veux qu’il se glisse dans le fond qui le porte, afin que le réel de la peinture soit plus fort que l’illusion de la représentation. Il m’est parfois arrivé de pousser cet exercice jusqu’à ses limites extrêmes. Il restait malgré tout une présence fantomatique qui occupait l’espace avec la force de ce qui manque, introduisant ainsi, pour le spectateur, la nécessité d’un effort pour reconstituer ce que l’on ne voit pas, c’est-à-dire un travail de mémoire.
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Y. M. So in the tensions at play between resemblance and deformation, what becomes of the mimetic aspect that constitutes the portrait genre? Ph.C. True resemblance lies in capturing something that doesn’t appear with mere imitation. It goes beyond that. Playing with deformation invites you to go further, to look for something else, to bring out all that’s concealed. The deformations melt into the portrait, and they melt the portrait. I want the figure to slip into the background that supports it so the reality of the painting is stronger than the illusion of what is represented. On occasion, I’ve pushed the limits of this as far as they would go. Yet, despite everything, there is still a ghostly presence occupying space with the force of something missing, so the spectator will endeavour to reconstitute what can’t be seen, and this of course is part of the process of remembrance.
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Portrait de Gildas / Portrait of Gildas 2014 ; 46 * 38 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Portrait d’Olivier / Portrait of Olivier 2014 ; 50 * 40 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Y. M. Le fond que tu évoques est cependant de deux natures différentes dans tes tableaux : il représente parfois un espace, désigne un arrière-plan, ou n’est à l’inverse qu’un fond vide. Comment lire cette dualité ? Ph.C. Oui, il y a deux types de portraits que je travaille indifféremment. Dans certaines séries, le fond est très présent, les personnages sont saisis dans un espace particulier. C’est par exemple le cas des portraits de plage, où les figures d’enfants sont représentées dans le contexte d’une activité balnéaire : on voit derrière eux le sable, le soleil, des éléments liés à la natation, etc. À l’inverse, certains portraits sont représentés sur un fond quasi monochrome (blanc, ciel bleu, noir ou couleur vive). Dans ce cas, la neutralisation opère comme un révélateur du portrait : par effet de contraste, le regard se pose alors d’autant plus exclusivement sur la figure qui est bien le seul « sujet » de la peinture. Aucune contextualisation ne vient brouiller l’image, d’autant plus si le personnage est sans vêtement, dont la présence connoterait une indication sociale, culturelle, etc. Plus de discours, plus d’apparat, rien qu’une forme d’intemporalité de l’être nu, si l’on peut dire. Celui qui nous regarde alors est d’autant plus présent dans ce qui le caractérise profondément qu’il ne dit rien de son époque ni de son rang social. Juste une figure qui nous renvoie à nous-mêmes et à notre extrême fragilité.
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Y. M. But regarding the background you mention in your paintings, there are two different types: sometimes the space indicates a backdrop, or on the contrary it’s a background void. How do you interpret this duality? Ph.C. Yes, there are two types of portrait that I work on interchangeably. In some series, the background is very present, the characters are captured in a particular space. This is the case for instance for the beach portraits where the children are represented in a seaside context: you can see sand behind them, the sun, things to do with swimming and so on. Other portraits however are depicted on an almost monochrome background – white, sky blue, black or bright colour. In this case, the neutralization reveals the portrait: with the effect of contrast, the gaze fixes on the figure to the exclusion of anything else, the figure is the only “subject” in the painting. No contextualization is there to interfere with the image, all the more so if the character is not wearing clothes that would give clues to status, socially, culturally, etc. No more discourse, no more costume, nothing but the timelessness of the naked figure so to speak. The characters looking at us are then made all the more present by what profoundly characterizes them, since they say nothing of the time in which they live or their social status. They’re only figures, referring us back to ourselves and our extreme fragility.
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Le Bal des poissons n¿ 2 / Fish Dancing No. 2 2014 ; 180 * 180 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
Y. M. Pour finir, j’aimerais, dans la continuité de cette question du fond, t’interroger sur le rapport, chez toi, de l’abstraction et de la figure : comment s’ajointent ces deux directions ? Il y a en effet comme un travail de l’abstraction, par la déformation des contours, par le floutage des formes, qui vient grignoter la figure, qui l’entame et la tire du côté d’une disparition formelle. Qu’est-ce qui se joue dans cette tension centrale dans ta peinture ? Ph.C. L’abstraction pose pour moi une question essentielle : celle des limites. Je peux, dans certains portraits, aller assez loin dans la direction de la déformation, du floutage, de l’écrasement, jusqu’à une quasi-disparition de la figure. De près, le tableau semble presque totalement abstrait, et ne se recompose dans le regard qu’en prenant une certaine distance. C’est alors le spectateur qui recompose la figure, qui redresse une ressemblance en ajoutant mentalement les traits (yeux, visage, etc.) qui font défaut. Cette question des limites et du jeu avec la figure humaine fait tanguer la représentation ; pour chaque portrait, il faut poser les limites de sa présence, placer le curseur plus ou moins loin selon le motif choisi. Et c’est justement dans le portrait qu’on peut pousser au maximum cette tension, parce que c’est ce qui nous est le plus familier, ce qui nous fascine, ce qu’on peut reconstruire, et qui donne donc une place nécessaire au spectateur. Plus globalement, il me semble que chaque artiste opère un choix entre figure et abstraction. Pour ce qui me concerne, je suis profondément un peintre figuratif : je n’appartiens pas à la lignée d’artistes pour lesquels l’abstraction est étroitement liée à une forme de spiritualité, comme Klee, Kandinsky ou Rothko ; sans cette dimension, être abstrait serait alors simplement pour moi travailler dans une dimension décorative, sans enjeu. Ce qui m’intéresse, c’est une représentation du réel déplacé dans le champ de la peinture. Je suis là pour donner mon interprétation du monde, pour donner mon écriture. Je crois d’ailleurs profondément que les plus grands artistes sont ceux qui écrivent, ceux dont on reconnaît l’écriture. Il me semble que ce geste, pour moi, consiste à effacer la première écriture (la transcription du réel photographié) pour lui substituer, de manière littéralement iconoclaste, une écriture seconde. C’est grâce à cette technique du fer à repasser que je puis accéder à cette réalité seconde, selon des degrés qui diffèrent : ici plus proche de l’écriture première, là beaucoup plus éloigné. Ce qui compte au final, ce n’est pas le motif mais cette écriture. Comme si cette distance à laquelle j’aboutis était précisément ce qui permet de relier les choses. On va du pôle nord au pôle sud, selon les toiles ! Et chacun y trouve, j’espère, sa place. Car c’est ce qui importe : que l’artiste soit généreux, qu’il parle, pour tous, du monde tel qu’il est.
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Y. M. To finish, I’d like to pursue the issue of background by asking you how you relate abstraction and figuration: how do you make the two directions mesh? You seem to work on your paintings as if they were abstract – you deform outlines, and by blurring the forms, the figures are eroded, encroached on, pulled toward loss of form. What is happening in this tension so crucial to your painting? Ph.C. For me, abstraction poses an essential question: the question of limits. In some portraits I can go quite far in deforming, blurring, crushing the figure into non-existence. Close up, the painting will seem almost completely abstract, the gaze recomposes it only from a certain distance. It’s the spectator who recomposes the figure, who provides the resemblance by mentally adding certain features that are lacking, like the eyes, the nose. The question of limits and what is happening to the human figure causes the representation to pitch back and forth: for each portrait, the limits of its presence have to be determined, the cursor has to be set closer or farther according to the subject chosen. And it’s with portraits that you can push this tension to extremes because they are what are most familiar to us, what fascinate us, we can re-construct them and they necessarily provide a place for the spectator. More generally, I think every artist makes a choice between abstraction and figuration. For my part, I am a deeply figurative painter. I don’t belong to the line of artists for whom abstraction is closely related to spirituality, like Klee, Kandinsky and Rothko. As far as I’m concerned, without that dimension, being an abstract painter would be just like working in a decorative dimension with nothing at stake. What interests me is the way represented reality is displaced in the field of painting. I’m here to provide my interpretation of the world, my writing of it. I profoundly believe that the greatest artists are those who write, whose writing is recognizable. In my work, I think this gesture involves erasing the initial writing (the transcription of photographed reality) and in a literally iconoclastic manner replacing it with a second writing. And it’s my flatiron technique that lets me access that second reality to varying degrees: sometimes closer to the initial writing, sometimes further away. What counts in the end is not the subject but the writing. As if the distance I finally achieve is in fact what links everything together. You go from the North Pole to the South Pole according to the painting! And hopefully, everyone finds a place. That’s what matters: that an artist is generous, and speaks to everyone of the world as it is.
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Portrait de saint Bartholomée d’après Rubens / Portrait of Saint Bartholomew after Rubens 2013 ; 97 * 116 cm Encaustique sur toile marouflée sur bois / Encaustic on canvas mounted on wood
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Philippe Cognée devant SU, 2014 / Philippe Cognée in front of SU, 2014
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Biographies et bibliographies
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Philippe Cognée
Philippe Cognée was born in 1957 in Nantes where he lives and works. He taught at the art school in Angers before being appointed as a teacher at the Beaux-Arts school in Paris in 2005. Since 1982, he has exhibited widely both in France and abroad. In 1991, he was awarded the Prix de Rome at the Villa Medici in Rome, and in 2004 he was a runner-up for the Prix Marcel Duchamp. Collections
– Assemblée Nationale, Paris, France – Axa Art, Belgium – Bank for International Settlements, Basel, Switzerland – Collection Sacem, Neuilly-sur-Seine, France – European Central Bank, Frankfurt, Germany – Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, Paris, France – Fondation d’Art Contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls, France – Fondation pour l’Art Contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex, France – Fonds Départemental d’Art Contemporain du Val-de-Marne, France – Fonds Départemental d’Art Contemporain, Seine Saint-Denis, France – Fonds National d’Art Contemporain, on loan to the Musée de Grenoble, France – Fonds National d’Art Contemporain, Paris, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Auvergne, Clermont-Ferrand, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Basse-Normandie, Caen, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Franche Comté, on loan to the Musée de Dole, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Île-de-France, Paris, France – Fonds Régional d’Art Contemporain pays de la Loire, Carquefou, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Provence-Alpes Côte d’Azur, Marseille, France – Fonds Régional d’Art Contemporain Réunion, Saint-Denis de la Réunion, Reunion Island, France – Fundação Berardo, Lisbon, Portugal – Haaken Christensen Collection, Oslo, Norway – Institut Bernard Magrez, Bordeaux, France – Ludwig Museum, Aachen, Germany – Microsoft Art Collection, Seattle, USA – Ministère des Affaires Étrangères at the French Embassy in Hanoi, Vietnam – Musée de Grenoble, France – Musée de l’Abbaye de Sainte Croix, Sables d’Olonne, France – Musée des Beaux-Arts d’Amiens, France – Musée des Beaux-Arts de Nantes, France – Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, France – Nestlé Fondation pour l’Art, Lausanne, Switzerland – Nordstern Insurance Collection, TransArt, Cologne, Germany – Reader’s Digest Collection, New York, USA
Selected Solo Exhibitions 2013 Philippe Cognée : peintures, Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun, France Philippe Cognée, Cabinet de Dessin de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, France Philippe Cognée, Musée des Beaux-Arts de Dole, Dole, France Philippe Cognée, Galerie Daniel Templon, Paris, France 2012 Philippe Cognée, Musée de Grenoble, Grenoble, France Litvak Gallery, Tel Aviv, Israel 2011 Écho, Château de Versailles, France Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland 2009 Passages, Galerie Daniel Templon, Paris, France Radiographies urbaines, Collégiale Notre-Dame, Ribérac, France Par delà les villes…, Galerie de l’Ancien Collège, Châtellerault, France 2008 Johyun Gallery, Seoul, South Korea Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Carcasses, Galerie Daniel Templon, Paris 2007 Troubles, Johyun Gallery, Seoul, South Korea Frac Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen, France Foules, crânes, paysages, Teo Gallery, Tokyo, Japan 2006 Blossom, Galerie Daniel Templon, Paris, France Institut Français, Berlin, Germany Urbanographies, Fondation pour l’Art Contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Château d’Arenthon, Alex, France Carcasses, Mamco, Geneva, Switzerland 2005 Transit, Musée des Beaux-Arts, Angers, France 2004 Le Dedans même du cœur, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Espace d’Art Contemporain Orenga de Gaffory, Patrimonio, Corsica, France
2003 Morocco, Geukens & De Vil, Knokke-le-Zoute, Belgium Triades, Galerie Daniel Templon, Paris, France Haaken Gallery, Oslo, Norway
2002 Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Visiotime 1, Philippe Cognée, Philippe Hurteau, Galerie Jean Boucher, Cesson-Sévigné, France Visions d’ailleurs, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland 2001 Rêveries américaines, Galerie Alice Pauli, Fiac, Paris, France L’Intime et l’Anonyme, Winston Wachter Fine Arts, Seattle, Usa Villes, Galerie Laage-Salomon, Paris, France 2000 Peintures récentes, tables, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Passage, Espace d’Art Contemporain, L’Arteppes, Annecy, France
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Philippe Cognée
Né en 1957 à Nantes où il vit et travaille, Philippe Cognée a enseigné à l’école des Beaux-Arts d’Angers avant d’être nommé en 2005 aux Beaux-Arts de Paris. Il expose en France comme à l’étranger depuis 1982. Lauréat du prix de la Villa Médicis à Rome en 1991, il est finaliste en 2004 du prix Marcel-Duchamp.
Collections
– Assemblée nationale, Paris – Axa Art, Belgique – Banque centrale européenne, Francfort, Allemagne – Banque des règlements internationaux, Bâle, Suisse – Collection Nordstern assurance, TransArt, Cologne, Allemagne – Collection Reader’s Digest, New York, États-Unis – Collection Sacem, Neuilly-sur-Seine – Collection Haaken A. Christensen, Oslo, Norvège – Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris – Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls – Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex – Fonds départemental d’art contemporain du Val-de-Marne – Fonds départemental d’art contemporain, Seine-Saint-Denis – Fonds national d’art contemporain, Paris – Fonds national d’art contemporain, dépôt au musée de Grenoble – Fonds régional d’art contemporain Auvergne, Clermont-Ferrand – Fonds régional d’art contemporain Île-de-France, Paris – Fonds régional d’art contemporain Basse-Normandie, Caen – Fonds régional d’art contemporain Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen – Fonds régional d’art contemporain Réunion, Saint-Denis de La Réunion – Fonds régional d’art contemporain Pays de la Loire, Carquefou – Fonds régional d’art contemporain Franche-Comté, dépôt au musée de Dole – Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille – Fundacao Berardo, Lisbonne, Portugal – Ministère des Affaires étrangères, dépôt à l’ambassade de Hanoi, Vietnam – Microsoft Art Collection, Seattle, États-Unis – Musée de l’abbaye de Sainte-Croix, Sables-d’Olonne – Musée des Beaux-Arts d’Amiens – Musée des Beaux-Arts de Nantes – Musée Ludwig, Aix-la-Chapelle, Allemagne – Musée national d’art moderne – Centre Georges-Pompidou, Paris – Nestlé Fondation pour l’Art, Lausanne, Suisse – Institut Bernard Magrez, Bordeaux – Musée de Grenoble
Expositions personnelles (sélection) 2013 Philippe Cognée : peintures, musée de l’hospice Saint-Roch, Issoudun Philippe Cognée, Cabinet de dessin de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris Philippe Cognée, musée des Beaux-Arts de Dole, Dole Philippe Cognée, Galerie Daniel Templon, Paris 2012 Philippe Cognée, musée de Grenoble, Grenoble Gallery Litvak, Tel-Aviv, Israël 2011 Écho, château de Versailles Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse 2009 Passages, Galerie Daniel Templon, Paris Radiographies urbaines, collégiale Notre-Dame, Ribérac Par delà les villes…, Galerie de l’Ancien Collège, Châtellerault 2008 Johyun Gallery, Séoul, Corée du Sud Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Carcasses, Galerie Daniel Templon, Paris 2007 Troubles, Johyun Gallery, Séoul, Corée du Sud Frac Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen Foules, crânes, paysages, Teo Gallery, Tokyo, Japon 2006 Blossom, Galerie Daniel Templon, Paris Institut français de Berlin, Berlin, Allemagne Urbanographies, Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, château d’Arenthon, Alex Carcasses, Mamco, Genève, Suisse 2005 Transit, musée des Beaux-Arts d’Angers 2004 Le Dedans même du cœur, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Espace d’art contemporain du Domaine de Gaffory, Patrimonio 2003 Morocco, Geukens & De Vil, Knokke-le-Zoute, Belgique Triades, Galerie Daniel Templon, Paris Galerie Haaken, Oslo, Norvège 2002 Frac Auvergne, Clermont-Ferrand Visiotime 1, Philippe Cognée, Philippe Hurteau, Galerie Jean Boucher, Cesson-Sévigné Visions d’ailleurs, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse 2001 Rêveries américaines, Galerie Alice Pauli, Fiac, Paris L’Intime et l’Anonyme, Winston Wächter Fine Arts, Seattle, États-Unis Villes, Galerie Laage-Salomon, Paris 2000 Peintures récentes, tables, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Passage, Espace d’art contemporain, L’Arteppes, Annecy
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1999 Recent Paintings, Galerie Winston Wachter, New York, Usa Foules, Galerie Arlogos, Paris, France Prolifération, Galerie Laage-Salomon, Paris, France
Selected Group Exhibitions
1998 Prolifération, Chapelle du Genêteil, Château-Gontier, France Dépositions, Galerie du Théâtre, Scène Nationale de Cherbourg, France Orcca, Château de Brugny, Épernay, France
2011 Le réel est inadmissible, Le Hangar à Bananes, Nantes, France and the Musée de Monaco, Monaco French Window: Looking at Contemporary Art through the Marcel Duchamp Prize, Mori Art Museum, Tokyo, Japon French May 2011, the Consulate General of France in Hong Kong and Macao, Macao, China
1997 Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Containers, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1996 Albufeira, Musée des Beaux-Arts, Nantes, France 1995 Peintures de 1989 à 1995, Musée de Picardie, Amiens, France Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1994 Galerie Arlogos, Nantes, France 1993 Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1991 Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Galerie Marthe Carreton, Nîmes, France Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1990 Centre d’Art Contemporain, Castres, France Centre d’Art Contemporain, Saint-Priest, France 1989 Galerie Arlogos, Nantes, France 1988 Galerie Riverin-Arlogos, Montreal, Canada Musée des Beaux-Arts, Nantes, France Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1987 Galerie Heike Curtze, Dusseldorf, Germany Richard Gray Gallery, Chicago, USA 1986 Galerie Christian Laune, Montpellier, France
1985 Galerie Arlogos, Nantes, France 1984 Galerie Gillespie-Laage-Salomon, Paris, France Galerie Christian Laune, Montpellier, France Association Peyverges, Bordeaux, France
2013 Vues d’en haut, Centre Pompidou-Metz, Metz, France
2010 Prix Marcel Duchamp, Musée d’Art Moderne et Contemporain, Strasbourg, France C’est la vie! Vanités de Caravage à Damien Hirst, Musée Maillol, Paris, France 2008 Over the Rainbow, Espace Le Carré, Lille ; École des Beaux-Arts, Nantes, France Nourritures, Musée Saint-Germain, Auxerre, France Philippe Cognée / James Rielly, Galerie Sollertis, Toulouse, France 2007 Biennale d’Art Contemporain, Sélestat, France De leur temps (2) Art contemporain & collections privées de France, Musée de Grenoble, Grenoble, France À travers le miroir (le secret), Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France 2006 Art France Berlin, Berlin, Germany Peintures / Painting, Martin-Gropius-Bau, Berlin, Germany Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Comme un mur – Dessins contemporains, Galerie Christine Phal, Paris, France Traits pour traits, Artothèque de Caen, Caen, France 2005 Nouvelle vague, Centre Georges-Pompidou / Art Museum of Shanghai, China Fondos Regionales de Arte Contemporáneo Île-de-France y Poitou-Charentes, Mamba / Museo de Arte Moderno de la Ciudad de Buenos Aires, Buenos Aires, Argentina Peintures et Sculptures, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland Une sélection d´artistes…, Galerie Claude Bernard, Paris, France 2004 Soleil vert, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Marie Madeleine contemporaine, Musée d’Art de Toulon, Toulon, France Pour les oiseaux, works from the Frac Pays de la Loire collection, Carquefou, France De leur temps : collections privées françaises, Musée des Beaux-Arts, Tourcoing, France 2003 Voyages d’artistes Algérie 2003, Fondation Edf Espace Electra, Paris Actif / Réactif 2 – Des artistes engagés en art, à l’ouest, Le Lieu Unique, Nantes, France 2002 Voilà la France, Cesac, Caraglio, Italy 2001 Peinture, figures, peinture, Metropolitan Museum of Manila, Manila, Philippines Petites poésies à usage furtif, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France À l’heure où le ciel se couvre de sel, Frac Auvergne, Montluçon, France 2000 Commandes et acquisitions publiques, Assemblée Nationale, Paris, France Ce sont les pommes qui ont changé, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Paris, France Actif / Réactif – La création vivante à Nantes, Le Lieu Unique, Nantes, France Nature et Urbanisme II, Galerie Laage-Salomon, Paris, France
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1999 Recent Paintings, Galerie Winston Wächter, New York, États-Unis Foules, Galerie Arlogos, Paris Prolifération, Galerie Laage-Salomon, Paris
Expositions collectives (sélection)
1998 Prolifération, chapelle du Genêteil, Château-Gontier Dépositions, Galerie du Théâtre, Scène nationale de Cherbourg Orcca, château de Brugny, Épernay
2011 Le réel est inadmissible, Le Hangar à Bananes, Nantes et musée de Monaco, Monaco French Window: Looking at Contemporary Art through the Marcel Duchamp Prize, Mori Art Museum, Tokyo, Japon French May 2011, consulat général de France à Hong Kong et Macao, Macao, Chine
1997 Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Containers, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand Galerie Laage-Salomon, Paris 1996 Albufeira, musée des Beaux-Arts, Nantes 1995 Peintures de 1989 à 1995, musée de Picardie, Amiens Galerie Laage-Salomon, Paris 1994 Galerie Arlogos, Nantes 1993 Galerie Laage-Salomon, Paris 1991 Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Galerie Marthe Carreton, Nîmes Galerie Laage-Salomon, Paris 1990 Centre d’art contemporain, Castres Centre d’art contemporain, Saint-Priest
1989 Galerie Arlogos, Nantes 1988 Galerie Riverin-Arlogos, Montréal, Canada Musée des Beaux-Arts, Nantes Galerie Laage-Salomon, Paris 1987 Galerie Heike Curtze, Düsseldorf, Allemagne Richard Gray Gallery, Chicago, États-Unis 1986 Galerie Christian Laune, Montpellier 1985 Galerie Arlogos, Nantes 1984 Galerie Gillespie-Laage-Salomon, Paris Galerie Christian Laune, Montpellier Association Peyverges, Bordeaux
2013 Vues d’en haut, Centre Pompidou-Metz, Metz
2010 Prix Marcel Duchamp, musée d’Art moderne et contemporain, Strasbourg C’est la vie ! Vanités de Caravage à Damien Hirst, musée Maillol, Paris
2008 Over the Rainbow, Espace Le Carré, Lille ; école des Beaux-Arts de Nantes Nourritures, musée Saint-Germain, Auxerre Philippe Cognée / James Rielly, Galerie Sollertis, Toulouse 2007 Biennale d’Art contemporain de Sélestat De leur temps (2) Art contemporain & collections privées de France, musée de Grenoble, Grenoble À travers le miroir (le secret), Frac Auvergne, Clermont-Ferrand 2006 Art France Berlin, Berlin, Allemagne Peintures / Painting, Martin-Gropius-Bau, Berlin, Allemagne Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Comme un mur – Dessins contemporains, Galerie Christine Phal, Paris Traits pour traits, Artothèque de Caen, Caen 2005 Nouvelle vague, Centre Georges-Pompidou / Art Museum of Shanghai, Chine Fondos Regionales de Arte Contemporáneo Île-de-France y Poitou-Charentes, Mamba / Museo de Arte Moderno de la Ciudad de Buenos Aires, Buenos Aires, Argentine Peintures et Sculptures, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Une sélection d´artistes…, Galerie Claude Bernard, Paris 2004 Soleil vert, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand Marie Madeleine contemporaine, musée d’Art de Toulon, Toulon Pour les oiseaux, œuvres de la collection du Frac Pays de la Loire, Carquefou De leur temps : collections privées françaises, musée des Beaux-Arts de Tourcoing 2003 Voyages d’artistes Algérie 2003, Fondation Edf Espace Electra, Paris Actif / Réactif 2 – Des artistes engagés en art, à l’ouest, Le Lieu Unique, Nantes 2002 Voilà la France, Cesac, Caraglio, Italie 2001 Peinture, figures, peinture, Metropolitan Museum of Manila, Manille, Philippines Petites poésies à usage furtif, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand À l’heure où le ciel se couvre de sel, Frac Auvergne, Montluçon 2000 Commandes et acquisitions publiques, Assemblée nationale, Paris Ce sont les pommes qui ont changé, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris Actif / Réactif – La création vivante à Nantes, Le Lieu Unique, Nantes Nature et Urbanisme II, Galerie Laage-Salomon, Paris Émerveille moderne, Red District, Marseille Nature et Urbanisme, Galerie Laage-Salomon, Paris Paysages contemporains, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand
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Émerveille moderne, Red District, Marseille, France Nature et Urbanisme, Galerie Laage-Salomon, Paris, France Paysages contemporains, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay, France Aux couleurs du printemps 1980-2000, les 20 ans de 20 artistes, Assemblée Nationale, Paris, France Laissez parler les p’tits papiers, Galerie Laage-Salomon, Paris, France Le Voile de Véronique, Galerie Saint-Séverin, Paris, France 4 Kunstnere / malerier, Galerie Haaken, Oslo, Norway Passé composé / Futur antérieur, Frac Auvergne, Musée d’Art Roger-Quillot, Clermont-Ferrand, France Domiciles, de la maison à la ville, de la construction à la ruine, Centre d’Art, Tanlay, France Réalités (hommage à Courbet), le 19 Crac, Montbéliard, France Lieux communs, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Art contemporain français, European Central Bank, Frankfurt, Germany Face à l’autre, Trafic, Frac Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen, France Quoi peindre, donc ?, Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées, Toulouse, France
1993 Galerie Art et Essai, Université de Haute-Bretagne, Rennes, France
1999 Trente artistes 1969-1999, Assemblée Nationale, Paris, France Collections privées, Le Kraft, Reims, France Histoire d’une collection, Frac Auvergne, Centre Valery-Larbaud, Vichy, France Malerier, Galerie Haaken, Oslo, Norway Beau, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, France Farniente, Maison de la Culture, Amiens, France France, une nouvelle génération, collection Berardo, Museum of Modern Art, Sintra, Portugal
1988 À la surface de la peinture des années 80, Abbaye Saint-André, Meymac, France Les Peintres d’Europe, exhibition travelling through Europe, Strasbourg, France Richard Gray Gallery, Chicago, Usa
1998 Trois générations, Galerie Haaken, Oslo, Norway Galerie de l’École des Beaux-Arts, Nantes, France Face au silence, Frac Auvergne, Château de Chazeron, Loubeyrat, France Galerie de l’Ancien Collège, École d’Arts Plastiques, Châtellerault, France La Cuisine de l’art, Fondation d’Art Contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls, France Noir et Blanc, Fondation d’Art Contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls, France Dessins et gravures, Galerie Laage-Salomon, Paris, France 1997 619 Kbb 75, Mobile’2000, Paris, France Figures et paysages, collection du Frac Île-de-France, Crac Alsace, Altkirch, France Heureux le visionnaire, Maison Levanneur, Chatou, France Enthousiasme, courage, confiance et optimisme, Frac Pays de la Loire, Carquefou, France 1996 En Filigrane. Un regard sur l’estampe contemporaine, Galerie Colbert, Paris, France Nouvelles acquisitions, Frac Franche-Comté, Musée des Beaux-Arts de Dole, France Vitam imperer Amori, Frac Corse, Corte, France 1995 Galerie Domi Nostrae, Lyon, France 200 œuvres acquises par le Fnac depuis 1992, Centre d’Art Contemporain, Grenoble, France 1994 L’Âme du fonds, Couvent des Cordeliers, Frac Île-de-France, Paris, France Herbert Brandl, Philippe Cognée, Helmut Dorner, Per Kirkeby, Eugène Leroy, Galerie Laage-Salomon, Paris, France États des lieux, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Switzerland
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1991 Villa Lemot, Domaine de la Garenne-Lemot, Frac Pays de la Loire, Getigné-Clisson, France Dessins et Dessins, Galerie de l’École des Beaux-Arts, Avignon, France Musée des Beaux-Arts, Mulhouse, France Raab Gallery, Berlin, Germany 1990 Le Visage dans l’art contemporain, Musée des Jacobins, Toulouse, France Musée du Luxembourg, Paris, France Mémoire d’artistes, Musée du Château, Montbéliard, France 1989 Paysage d’un collectionneur, Centre d’Art Contemporain, Troyes, France Nos années 80, Fondation Cartier, Jouy-en-Josas, France Clisson à nouveau, Frac Pays de la Loire, France
1987 Les Années 1980 en France : une nouvelle génération d’artistes, Istanbul Festival, Ankara, Turkey 1986 Eight French Painters, Ps1, New York, Usa Collection de la Fondation Weismann, Centre National des Arts Plastiques, Paris, France Sur les murs, Fondation Cartier, Jouy-en-Josas, France 1985 Biennale d’Art contemporain,Tours, France 1984 Ateliers internationaux de Fontevraud, Fontevraud Abbey, France Galerie Gillespie-Laage-Salomon, Paris, France Arc, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, France L’Art à l’œuvre, Angers, Nantes, France 1983 Collection du Frac Pays de la Loire, Fontevraud Abbey, France Loupian’83, Chapelle Saint-Hippolyte, Loupian, Hérault, France D’effets de mode, Bayonne and Dourdan, France 1982 Figures du temps, Nantes, France En garde, Rennes, France
Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay Aux couleurs du printemps 1980-2000, les 20 ans de 20 artistes, Assemblée nationale, Paris Laissez parler les p’tits papiers, Galerie Laage-Salomon, Paris Le Voile de Véronique, Galerie Saint-Séverin, Paris 4 Kunstnere / malerier, Galerie Haaken, Oslo, Norvège Passé composé / Futur antérieur, Frac Auvergne, musée d’Art Roger-Quillot, Clermont-Ferrand Domiciles, de la maison à la ville, de la construction à la ruine, Centre d’art de Tanlay Réalités (hommage à Courbet), le 19 Crac, Montbéliard Lieux communs, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand Art contemporain français, Banque centrale européenne, Francfort, Allemagne Face à l’autre, Trafic, Frac Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen Quoi peindre, donc ?, Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, Toulouse
1991 Villa Lemot, domaine de la Garenne-Lemot, Frac Pays de la Loire, Getigné-Clisson Dessins et Dessins, Galerie de l’école des Beaux-Arts, Avignon Musée des Beaux-Arts, Mulhouse Raab Gallery, Berlin, Allemagne
1999 Trente artistes 1969-1999, Assemblée nationale, Paris Collections privées, Le Kraft, Reims Histoire d’une collection, Frac Auvergne, Centre Valery-Larbaud, Vichy Malerier, Galerie Haaken, Oslo, Norvège Beau, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand Farniente, Maison de la culture, Amiens France, une nouvelle génération, collection Berardo, musée d’Art moderne, Sintra, Portugal
1988 À la surface de la peinture des années 80, abbaye Saint-André, Meymac Les Peintres d’Europe, exposition itinérante en Europe, Strasbourg Richard Gray Gallery, Chicago, États-Unis
1998 Trois générations, Galerie Haaken, Oslo, Norvège Galerie de l’école des Beaux-Arts, Nantes Face au silence, Frac Auvergne, château de Chazeron, Loubeyrat Galerie de l’Ancien Collège, École d’arts plastiques, Châtellerault La Cuisine de l’art, Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls Noir et Blanc, Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain, Les Mesnuls Dessins et gravures, Galerie Laage-Salomon, Paris 1997 619 Kbb 75, Mobile’2000, Paris Figures et paysages, collection du Frac Île-de-France, Crac Alsace, Altkirch Heureux le visionnaire, Maison Levanneur, Chatou Enthousiasme, courage, confiance et optimisme, Frac Pays de la Loire, Carquefou 1996 En Filigrane. Un regard sur l’estampe contemporaine, Galerie Colbert, Paris Nouvelles acquisitions, Frac Franche-Comté, musée des Beaux-Arts de Dole Vitam imperer Amori, Frac Corse, Corte
1990 Le Visage dans l’art contemporain, musée des Jacobins, Toulouse Musée du Luxembourg, Paris Mémoire d’artistes, musée du Château, Montbéliard 1989 Paysage d’un collectionneur, Centre d’art contemporain, Troyes Nos années 80, Fondation Cartier, Jouy-en-Josas Clisson à nouveau, Frac Pays de la Loire
1987 Les Années 1980 en France : une nouvelle génération d’artistes, festival d’Istanbul, Ankara, Turquie 1986 Sélection de huit peintres français, Ps1, New York, États-Unis Collection de la Fondation Weismann, Centre national des arts plastiques, Paris Sur les murs, Fondation Cartier, Jouy-en-Josas 1985 Biennale d’Art contemporain, Tours 1984 Ateliers internationaux de Fontevraud, abbaye royale de Fontevraud Galerie Gillespie-Laage-Salomon, Paris Arc, musée d’Art moderne de la Ville de Paris L’Art à l’œuvre, Angers, Nantes 1983 Collection du Frac Pays de la Loire, abbaye royale de Fontevraud Loupian’83, chapelle romane de Loupian, Hérault D’effets de mode, Bayonne et Dourdan
1982 Figures du temps, Nantes En garde, Rennes
1995 Galerie Domi Nostrae, Lyon 200 œuvres acquises par le Fnac depuis 1992, Centre d’art contemporain de Grenoble 1994 L’Âme du fonds, couvent des Cordeliers, Frac Île-de-France, Paris Herbert Brandl, Philippe Cognée, Helmut Dorner, Per Kirkeby, Eugène Leroy, Galerie Laage-Salomon, Paris États des lieux, Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse 1993 Galerie Art et Essai, université de Haute-Bretagne, Rennes
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Bibliography
– Philippe Cognée, Actes Sud, Arles, 2012 – Philippe Cognée, Galerie Daniel Templon, Paris, 2009 – Troubles, Philippe Piguet and Kim Airyun, Johyun Gallery, 2007 – Carcasses, Christian Bernard, Mamco / Galerie Daniel Templon, 2006 – Philippe Cognée. Transit, Musée des Beaux-Arts, Angers / Archibooks, 2005 – Philippe Cognée. Bilbao, Olivier Weil, Éditions Joca Seria, 2003 – Brassée, essays by Pierre Magnenat, drawings by Philippe Cognée, Éditions Virgile, 2003 – Philippe Cognée, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand / Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne, 2001 – Philippe Cognée. Prolifération, Chapelle du Genêteil, Château-Gontier, 1998 – Philippe Cognée. Containers, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, 1997 – Figures et paysages, Frac Île-de-France / Centre Rhénan d’Art Contemporain, Alsace, 1997 – Philippe Cognée. Albufeira, Musée des Beaux-Arts, Nantes, 1996 – Philippe Cognée, Musée de Picardie, Éditions Joca Seria, 1995 – Philippe Cognée, Villa Medici, Garenne-Lernot, Clisson, 1991 – Philippe Cognée. “Sans titre”, Centres d’Art Contemporain, Castres and Saint-Priest, 1990 – Philippe Cognée. Œuvres récentes, Musée des Beaux-Arts, Nantes, 1988
François Bon was born in 1953 in Vendée where his father was a garage mechanic and his mother a primary school teacher. He is the author of a score of books (novels, essays and plays) and is very involved in teaching creative writing (Tous les mots sont adultes. Méthode pour l’atelier d’écriture, Fayard, 2000), and digital technology (he founded and contributes to two sites: publie.net and tierslivre.net). His publications show influences from his training as an engineer at the Arts et Métiers school, his time working in the aerospace and nuclear industries (Mécanique, Verdier, 2001; Daewoo, Fayard, 2004), his social and political engagement (Prison, Verdier, 1997; Sortie d’usine, Les Éditions de Minuit, 1982; Un fait divers, ibid., 1994) and more generally from the urban world (Paysage fer, Verdier, 2000; Parking, Les Éditions de Minuit, 1996) and the world of music – biographies of the Rolling Stones (Fayard, 2002), Bob Dylan and Led Zeppelin (Albin Michel, 2007 and 2008). Since 2011, François Bon has also published Après le livre, Autobiographie des objets and Proust est une fiction (Seuil, 2011, 2012 and 2013).
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François Bon
Clélia Zernik
Since studying at the École Normale Supérieure in rue d’Ulm, then taking the agrégation and obtaining a doctorate in philosophy, Clélia Zernik has taught the philosophy of art at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris. Her current field of research is the aesthetics of science via phenomenology and experimental psychology. She is the author of Perception-cinéma. Les enjeux stylistiques d’un dispositif (Vrin, 2010), L’Œil et l’Objectif. La psychologie de la perception à l’épreuve du style cinématographique (Vrin, 2012) and Chorégraphies. Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa (Yellow Now, 2013).
Bibliographie
– Peindre aujourd'hui, Philippe Cognée, Pierre Bergounioux, Éditions Galilée, 2012 – Philippe Cognée, Actes Sud, Arles, 2012 – Philippe Cognée, Écho, château de Versailles, Dilecta, 2011 – Philippe Cognée, Galerie Daniel Templon, Paris, 2009 – Troubles, Philippe Piguet et Kim Airyun, Galerie Johyun, 2007 – Carcasses, Christian Bernard, Mamco / Galerie Daniel Templon, 2006 – Philippe Cognée. Transit, musée des Beaux-Arts d’Angers / Archibooks, 2005 – Philippe Cognée. Bilbao, Olivier Weil, Éditions Joca Seria, 2003 – Brassée, textes de Pierre Magnenat et dessins de Philippe Cognée, Éditions Virgile, 2003 – Philippe Cognée, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand / Musée de l’abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne, 2001 – Philippe Cognée. Prolifération, chapelle du Genêteil, Château-Gontier, 1998 – Philippe Cognée. Containers, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, 1997 – Figures et paysages, Frac Île-de-France / Centre rhénan d’art contemporain d’Alsace, 1997 – Philippe Cognée. Albufeira, musée des Beaux-Arts de Nantes, 1996 – Philippe Cognée, musée de Picardie, Éditions Joca Seria, 1995 – Philippe Cognée, Villa Médicis, Garenne-Lernot, Clisson, 1991 – Philippe Cognée. « Sans titre », Centres d’art contemporain de Castres et de Saint-Priest, 1990 – Philippe Cognée. Œuvres récentes, musée des Beaux-Arts de Nantes, 1988
Auteur d’une vingtaine de livres (romans, essais, théâtre), François Bon, né en 1953 en Vendée d’un père mécanicien garagiste et d’une mère institutrice, est notamment engagé dans l’enseignement de l’écriture créative (Tous les mots sont adultes. Méthode pour l’atelier d’écriture, Fayard, 2000) et dans les technologies numériques (création et animation des sites publie.net et tierslivre.net). Son univers littéraire est marqué par sa formation d’ingénieur aux Arts et Métiers ainsi que par son travail dans l’industrie aérospatiale et nucléaire (Mécanique, Verdier, 2001 ; Daewoo, Fayard, 2004), son implication politique et sociale (Prison, Verdier, 1997 ; Sortie d’usine, Les Éditions de Minuit, 1982 ; Un fait divers, ibid., 1994) et, plus généralement, par les univers urbains (Paysage fer, Verdier, 2000 ; Parking, Les Éditions de Minuit, 1996) et musicaux : biographies des Stones (Fayard, 2002), de Dylan et de Led Zeppelin (Albin Michel, 2007 et 2008). Depuis 2011, François Bon a également publié Après le livre, Autobiographie des objets et Proust est une fiction (Seuil, 2011, 2012 et 2013).
François Bon
Clélia Zernik
Ancienne élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, agrégée et docteur en philosophie, Clélia Zernik est professeur de philosophie de l’art à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Ses recherches actuelles portent sur l’esthétique scientifique et croisent phénoménologie et psychologie expérimentale. Elle est l’auteur de Perception-cinéma. Les enjeux stylistiques d’un dispositif (Vrin, 2010), L’Œil et l’Objectif. La psychologie de la perception à l’épreuve du style cinématographique (Vrin, 2012) et de Chorégraphies. Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa (Yellow Now, 2013).
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Crédits photographiques Photography credits
David Bordes : p. 8, 17, 18, 20-21, 24, 33, 34, 37, 39, 40, 42, 43, 46, 51, 52, 53, 54, 57, 58, 59, 67, 70-71, 72, 73, 74, 76, 78, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 93 François Bon : p. 14, 94 Alain Chudeau : p. 28, 31, 45 Philippe Cognée : p. 48 Courtesy Galerie Daniel Templon, Paris. Photo B. Huet / Tutti : p. 13, 27, 60, 63, 64
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de O.G.M (Italie) en avril 2014. La photogravure a été réalisée par Quat’coul (Toulouse).