Cet ouvrage accompagne l’exposition intitulée « Quand la Suisse ouvre ses coffres. Trésors de la Visitation de Fribourg », organisée par le musée de la Visitation du 17 mai au 23 décembre 2018 à Moulins, en l’hôtel Demoret, site des expositions thématiques du musée. Commissariat de l’exposition : Gérard Picaud et Jean Foisselon Scénographie : Ville de Moulins, Frédéric Robinne
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination éditoriale : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : François Dinguirard Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Contribution éditoriale : Marion Lacroix © Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © musée de la Visitation, Moulins, 2018 ISBN : 978-2-7572-1369-8 Dépôt légal : mai 2018 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
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Sous la direction de Gérard Picaud Jean Foisselon et Aloys Lauper
Quand la Suisse ouvre ses coffres Trésors de la Visitation de Fribourg
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Avis au lecteur Le présent ouvrage est né de la collaboration des visitandines de Fribourg, Baggiovara, Soresina et Salò, du musée de la Visitation et du Service des biens culturels de l’État de Fribourg. Certains termes recouvrent un sens particulier pour les visitandines de Fribourg : ce qu’elles nomment galeries sont des espaces clos, les corridors ou couloirs sont appelés allées… Ces termes ont été composés en italique. Les abréviations suivantes ont été retenues : — AEF : Archives de l’État de Fribourg ; — AMVF : archives du monastère de la Visitation de Fribourg ; — BCUF : Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg ; — LC : Lettre circulaire ; — MAHF : Musée d’art et d’histoire de Fribourg ; — M. V. : musée de la Visitation ; — p. : profession ; — s. : siècle ; — SBC : Service des biens culturels de l’État de Fribourg ; — V. : monastère de la Visitation. Les légendes des illustrations sont organisées selon le modèle suivant : auteur, titre, matériau, date, propriétaire ou lieu de conservation. Les numéros entre crochets [00] renvoient aux numéros des notices, classées par fonds puis par ordre chronologique de l’élément constitutif le plus ancien. Ces notices sont structurées ainsi : — le titre, qui rappelle parfois les principaux éléments iconographiques ; — l’auteur, quand il est identifié ; — la matière et les qualifications techniques ; — la datation et le lieu de production quand il est connu ; — la description ; — des éléments historiques, tirés des archives de l’Ordre de la Visitation et des monastères par le musée de la Visitation et le Service des biens culturels de l’État de Fribourg. Pour les textiles : la qualification technique distingue le tissu de fond des décors ; les broderies sont succinctement décrites : matériaux et points employés. Il n’a pas été tenu compte des doublures, ni des galons, ni des colletins des chasubles ; la liste des éléments assortis à la pièce étudiée, lorsqu’ils existent, est donnée. L’ornement est dit complet lorsque la chasuble est accompagnée des accessoires suivants : voile de calice, étole, manipule et bourse. En conformité avec les archives de l’époque, le terme de chape a été préféré dans les notices à celui de pluvial. Les analyses techniques des tissus de fond les plus complexes ont été faites par Florence Valantin, celles des dentelles métalliques anciennes par Martine Gauvard. La bibliographie sélective a été dressée par les auteurs. vv Détail de la chasuble [44].
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Préfaces Ce n’est pas la première fois que j’ai l’honneur d’écrire, au nom de la Fondation des monastères, une préface pour un livre d’art proposé par le musée de la Visitation. Depuis plus de vingt ans, cette institution nous offre de parcourir l’histoire artistique de cet Ordre religieux dont saint François de Sales est le fondateur. Cet institut est né en Savoie, qui n’était pas encore française à l’époque. Et, dès les premières fondations, l’Ordre est devenu, d’une certaine manière, international, à l’aune de ce que pouvait signifier ce terme au XVIIe siècle. En effet, si le premier monastère d’Annecy est créé en Savoie, le second s’installe en France, à Lyon, dès 1615. La Visitation s’est ensuite largement établie dans notre pays qui est désormais parsemé de ses monastères. Il serait néanmoins réducteur de cantonner cet Ordre à notre territoire et, cette année, l’exposition temporaire organisée par le musée de la Visitation nous permet justement d’aller au-delà de nos montagnes pour nous intéresser au patrimoine du monastère de Fribourg, ou faire des comparaisons avec d’autres monastères ultramontains, par exemple ceux de Salò, Baggiovara ou Soresina. Cette année, c’est donc bien la dimension européenne de la Visitation qui est mise à l’honneur et nous incite à cheminer, sans nous arrêter à nos frontières. Au-delà de la dimension muséographique, en cette heure où nous assistons à un certain repli des nations sur elles-mêmes et où nous nous interrogeons sur la construction européenne, il n’est pas inutile de rappeler que l’Église n’a pas attendu les XXe et XXIe siècles pour contribuer à former une Europe unie, appuyée sur une foi et des racines culturelles communes. Cette exposition de même que le livre que vous avez entre les mains rendent hommage au monastère de Fribourg et à ses relations avec d’autres communautés au-delà des frontières. Cela illustre parfaitement l’union profonde des monastères de la Visitation, où qu’ils soient. Et cela nous montre comment l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie s’est toujours perçu comme catholique, ce qui signifie universel, dans le sens étymologique de ce terme. Alors, répondons à l’invitation des auteurs de cet ouvrage à franchir les montagnes qui parfois nous séparent, et, à l’instar de François de Sales, parcourons ce chemin qui, cette année encore, nous promet un voyage exceptionnel. Dom Guillaume Jedrzejczak Président de la Fondation des monastères
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Fribourg ne serait point Fribourg sans les religieuses et les religieux qui ont façonné son quotidien et son paysage urbain depuis sa fondation. Femmes libres dans leur choix de renoncer aux mondanités pour une vie d’humilité, fraternelle, contemplative et cloîtrée, toute consacrée à Dieu, les visitandines d’hier et d’aujourd’hui sont des religieuses bien de leur temps. Accueillies chez nous comme réfugiées en 1635, avec autant de méfiance que d’intérêt, elles ont su tisser des liens privilégiés et personnels avec les habitants et les bourgeois d’une ville aux aguets, heureusement préservée des affres de la guerre. S’abandonnant à la Providence divine, elles ont traversé avec sérénité un XVIIe siècle batailleur, puis les soucis financiers du Siècle des lumières, les soubresauts institutionnels et anticléricaux du XIXe siècle, ainsi que les remises en question du XXe siècle. Servantes du Seigneur dans leurs prières et dans leurs vœux renouvelés chaque année, elles se sont faites tour à tour artisanes, enseignantes, logeuses, lingères, blanchisseuses ou infirmières des corps et des âmes. Les Fribourgeois connaissent l’église qu’elles ont construite de leurs mains, l’une des fiertés architecturales de la ville. Mais que savent-ils au juste de cet Ordre fondé en 1610 à Annecy par une Bourguignonne et un Savoyard, évêque de Genève au temps des calvinistes ? Que savent-ils de l’histoire de ces religieuses vivant au milieu d’eux et au même endroit depuis trois cent soixante-cinq ans ? Le musée de la Visitation à Moulins a tiré de l’oubli et du secret des armoires de sacristie quelques trésors artistiques, témoignant d’un savoir-faire et d’un goût très sûr, mais aussi de la générosité de familles et de donatrices proches de la spiritualité salésienne. Il a surtout exhumé une histoire insoupçonnée, européenne, celle d’un monastère fribourgeois dont les sœurs ont œuvré à la renaissance de l’Ordre après la Révolution, en France et ailleurs. On reste sidéré par les trajets de ces moniales quittant Fribourg au XIXe siècle pour aller d’une ville à l’autre aider au relèvement de communautés dispersées. Cloîtrées certes, mais pas murées dans leur silence, à l’écoute des tragédies de leur époque, les sœurs de Fribourg ont offert une retraite et l’assurance de l’anonymat à des veuves, à des femmes pourchassées par la Révolution, en exil ou en fuite, à l’exemple de sœur Marie-Octavie, née Eleonora Jaroszyńska (1850-1888), fille du maréchal polonais Oktawian Jaroszyński (1813-1887), ou de la fille de Staline. La France et la Suisse, Fribourg en particulier, partagent une histoire ancienne qu’on résume trop souvent au service mercenaire et à l’échange des hommes, du sel et des fromages. Cette exposition met en lumière d’autres liens, d’autres destins, aux frontières et aux contours plus mouvants, l’histoire des femmes et de la foi, des artistes et des migrants. Associant les chercheurs fribourgeois engagés dans la défense du patrimoine aux meilleurs spécialistes français dans leur domaine, le musée de la Visitation a choisi de révéler la valeur et le sens de « trésors » méconnus sur lesquels il pose un regard neuf, extérieur et bienveillant. Cette collaboration transfrontalière, soutenue par l’État de Fribourg, ouvre de nouveaux champs de recherche, prometteurs et nécessaires. Que ses initiateurs en soient vivement remerciés. Dominique de Buman Président du Conseil national et de l’Assemblée fédérale suisses
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Les échelles de l’éternité Les échanges entre les visitandines et l’État de Fribourg ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis 1635, les rapports entre la communauté naissante et les autorités sont ballottés entre les événements de la grande histoire européenne et les enjeux plus locaux d’une ville-État catholique qui cherche sa place dans une Confédération suisse majoritairement passée du côté de la Réforme. Pendant près de quatre siècles, l’œuvre des sœurs de la Visitation de Fribourg se consolide et évolue dans leur monastère, sur ce plateau rocheux qui surplombe la Sarine et forme la colonne vertébrale de la ville de Fribourg. Au XXIe siècle, les enjeux pour la communauté sont nouveaux et inchangés à la fois : nouveaux au regard de l’évolution de la société, inchangés et plus actuels que jamais en ce qui concerne la spiritualité et le message délivré. En effet, qu’est-ce qui pourrait sauver ce monde effréné si ce n’est l’humilité et l’amour qui sont au centre de la vocation des visitandines ? Depuis de nombreuses années, les sœurs visitandines ont accepté d’accueillir les services de l’État de Fribourg pour partager, faire comprendre et découvrir un patrimoine extraordinaire qu’elles ont créé, hérité et préservé au fil des siècles. Des façades grises et austères de la rue de Morat, en passant par les couloirs frais du monastère, aux jardins suspendus et inondés de lumière, le tout groupé autour d’une église flamboyante, au plan centré, qui cherche, tel un ostensoir, le lien vertical avec le ciel, ce sont autant de séquences architecturales qui reflètent la vie et la foi des sœurs. De l’infiniment petit à l’infiniment grand, de l’instant présent à l’éternité, tout s’articule sur ces axes, tout manifeste ce chemin. Peinture, sculpture ou parement, calice, ostensoir ou chandelier, layette, armoire ou prie-Dieu, sablier, assiette ou cuillère, tout s’inscrit dans ce grand ensemble qui forme l’univers des visitandines comme une part de l’éternité à l’échelle réduite d’un couvent. À Fribourg, qui a échappé aux grandes ruptures et aux destructions des siècles passés, la présence ininterrompue et les soins continus des sœurs ont permis la conservation de presque tous ces témoins matériels de leur vie. À l’issue d’un recensement systématique se révèle une collection dont la valeur d’ensemble dépasse de loin la valeur additionnée des éléments qui la composent. La plus-value provient de la part immatérielle de ce patrimoine qui repose sur le sens de la tradition et le vécu de cette communauté. Ce qui vaut pour les visitandines vaut aussi pour les autres communautés religieuses installées dans la ville et le canton de Fribourg. Elles sont encore nombreuses et rendent compte de manière discrète, mais ô combien profonde, de tout un pan de l’histoire où des femmes notamment ont façonné et déterminé leur condition autour d’un choix de vie. Elles ont la garde d’une richesse lourde de sens, mais aussi lourde de charges. Sans vouloir se substituer à elles, l’État et la société qu’il représente doivent apporter, le moment venu, l’aide nécessaire pour assurer la conservation ou du moins la mémoire cohérente de cet héritage qui est indissociable de la mémoire collective. La collaboration entre les visitandines de Fribourg, le musée de la Visitation à Moulins et le Service des biens culturels de l’État de Fribourg est un premier pas sur ce chemin qui ne fait que commencer. Stanislas Rück Conservateur et chef du Service des biens culturels de l’État de Fribourg
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Avant-propos
l La Visitation de Fribourg côté jardin, dessin sur papier, vers 1884, V. de Troyes.
Depuis onze ans maintenant, le patrimoine de l’Ordre de la Visitation est chaque année salué au travers de livres et d’expositions de très grande qualité. Toutes les thématiques présentées et approfondies durant cette période ont témoigné de la variété effective du patrimoine européen, et plus largement mondial, de l’Ordre de la Visitation et ont contribué au rayonnement croissant du musée. Cette année, c’est ce rayonnement international qui est à l’origine même de l’exposition. Celle-ci a pu voir le jour grâce au vif intérêt que porte le monastère de Fribourg (Suisse) au musée de la Visitation et au généreux prêt d’éléments de paramentique. En parcourant les pages de cet ouvrage, vous pourrez découvrir tout ce qui fait la beauté de ce monastère. Vous observerez tout d’abord la richesse architecturale de cet édifice, mais vous rencontrerez aussi la spiritualité particulière qui s’y est développée. Naturellement, vous admirerez, comme moi, les œuvres remarquables — broderies et pièces d’orfèvrerie —, dévoilées au public pour la première fois, qui plus est à Moulins, pour la plus grande fierté de notre ville. La Visitation de Fribourg a été préservée des tumultes qu’ont connus les monastères français, son histoire en a ainsi fait un refuge pour les visitandines. Ville francophone et catholique enclavée dans le canton de Berne à majorité protestante, Fribourg a joui de trois cent cinquante ans de quasi-stabilité, ce qui a permis aux religieuses non seulement de conserver un patrimoine au fil des siècles, mais aussi de recevoir des présents venant d’autres monastères. Depuis toujours, le musée de la Visitation s’attache à mettre en valeur les œuvres de cette famille religieuse implantée en Europe et dans le reste du monde, en rappelant cette dimension internationale. Cette démarche partenariale avec le monastère de Fribourg et le Service des biens culturels de ce canton suisse nous conforte dans l’idée que Moulins est devenu, pour l’Ordre de la Visitation, la référence pour la sauvegarde et la mise en honneur de son patrimoine, ainsi que pour le travail scientifique qui accompagne chaque livre d’art et chaque exposition de cette belle collection. À Moulins, nous sommes fiers d’accueillir à nouveau une exposition exceptionnelle de la Visitation. Pierre-André Périssol Maire de Moulins Président de Moulins Communauté Ancien ministre
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Une nouvelle fois et pour notre plus grande satisfaction, le musée de la Visitation met en lumière la richesse patrimoniale de l’Ordre de la Visitation. Fondé il y a plus de quatre cents ans à Annecy par saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal, cet Ordre féminin devait s’installer à Moulins dès 1616 et essaimer au cours des siècles dans toute l’Europe et au-delà. Une même spiritualité doublée d’une même conception de la vie en religion a permis aux visitandines de se forger une identité affirmée qui a, au fil du temps, donné naissance à un patrimoine religieux, culturel et artistique tout à fait remarquable. Des pièces d’orfèvrerie aux broderies, en passant par les vêtements liturgiques, la paramentique et autres objets d’art sacré, c’est tout ensemble la richesse et la beauté ancestrales de l’Ordre qui s’offrent à notre admiration et élèvent l’âme. Outre l’intérêt artistique et mémoriel évident d’une telle présentation, cette initiative de mise en valeur du patrimoine européen, et plus largement mondial, des visitandines est également une invitation à réfléchir sur notre propre identité. L’Allier, berceau des Bourbons, est une terre de grandeur mais aussi de rayonnement et, au travers de l’histoire de l’Ordre de la Visitation, on peut mesurer sa participation et son apport à la grande histoire. En parcourant cet ouvrage, nous éprouvons à chaque page la fierté d’être partie prenante d’une aventure plusieurs fois séculaire. Celle-ci, par son étendue géographique et son unité spirituelle, témoigne de la fraternité européenne qui lie profondément notre territoire au reste de l’Europe. Baggiovara, Fribourg, Moulins, Salò, Soresina sont autant de villes qui, grâce à l’œuvre de la Visitation, vivent intensément cette fraternité fondée sur une communauté de foi et de racines culturelles. Ne soyons pas peu fiers que, grâce à l’association Regard sur la Visitation, Moulins en soit la vitrine privilégiée. Je salue en tant que président du Conseil départemental l’implication et le dévouement de tous les jours de Gérard Picaud qui, par les liens de confiance étroite qu’il a su nouer avec l’Ordre de la Visitation, donne au département de l’Allier une position centrale pour la mise en valeur des trésors des sœurs visitandines et lui procure un rayonnement unique. Le Conseil départemental de l’Allier est engagé pour soutenir la vitalité et l’essor de cette entreprise audacieuse qui contribue pleinement à la dynamique intellectuelle et artistique de notre département. Nous avons la conviction que la culture est un vecteur essentiel de l’attractivité du territoire, une pièce maîtresse du développement touristique qui participe à l’activité économique et à la mise en lumière de notre département. Soyons fiers de faire une nouvelle fois de Moulins l’écrin du patrimoine remarquable de l’Ordre de la Visitation. Claude Riboulet Président du Conseil départemental de l’Allier
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Remerciements Nous tenons à faire part de notre reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui ont apporté leur aide et leur concours à la préparation de cette exposition, tout particulièrement à Pierre-André Périssol et aux élus de la Ville de Moulins, ainsi qu’à Claude Riboulet et aux élus du Conseil départemental de l’Allier, auxquels nous associons leurs collaborateurs. Notre gratitude s’adresse aussi au ministère de la Culture et de la Communication — DRAC AuvergneRhône-Alpes, ainsi qu’à Laurent Wauquiez et aux élus du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, pour leur soutien financier ; elle va également à la Fondation des monastères, à son président, Dom Guillaume Jedrzejczak, et à sa directrice, Madeleine Tantardini, pour leur mécénat, ainsi qu’aux communautés de la Visitation de Fribourg et d’Ottawa (Canada) pour leur aide pécuniaire. Nous remercions les communautés de la Visitation participantes pour leur confiance et leur amitié, en particulier les présidentes fédérales, les supérieures et les archivistes. Nous sommes heureux de souligner les recherches effectuées dans les archives et les prêts d’œuvres consentis par les Visitations de Baggiovara, de Batalha, de Fribourg, de Kraainem, de Moulins, de Palerme, de Paris, de Salò, de Scy-Chazelles, de Soresina et de Troyes. Notre gratitude s’adresse en outre à celles et à ceux qui ont enrichi à la fois ce livre par des photographies et l’exposition par leurs prêts : la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg, Gilles Labrosse, le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, le musée du Temps de Besançon, le Service des biens culturels de l’État de Fribourg et Trésors de ferveur. Nous rendons un hommage tout particulier au monastère de la Visitation de Moulins pour son sens de l’accueil et pour l’aide essentielle apportée à la vie du musée. Merci aux auteurs des contributions éditoriales : Ivan Andrey, Laurence Cesa, Camille Collaud, sœur Monique-Baptiste Stulz, Florence Valantin et Danièle Véron-Denise. À ces remerciements, nous associons le Père François Corrignan, assistant général de l’Ordre de la Visitation, Mgr Bernard Podvin, assistant pour la France, pour leur soutien et leurs encouragements. Nous ne saurions oublier Dom Guillaume Jedrzejczak, président de la Fondation des monastères, Dominique de Buman, président du Conseil national et de l’Assemblée fédérale suisses, et Stanislas Rück, conservateur et chef du Service des biens culturels de l’État de Fribourg, qui ont bien voulu préfacer cet ouvrage. Les auteurs et les commissaires de l’exposition remercient toutes celles et tous ceux qui, à divers titres, leur ont apporté leur concours, dont : Frédéric Arnaud, Véronique et José Bartolomeu, abbé Christian Baud, Bernard Berthod, Mère Lætitia-Catherine Carron, Jean-Paul Colonna, Christian Corredera, Christiane et Jean-Claude Delalez, Nathalie Dupré-Balmat, Bernadette Equey, Marie-Claude et Claude Foisselon, David Frapet, Laurent Gard, Gérard Gautier, Martine Gauvard, Charles-Édouard Guilbert-Roed, Jean-Baptiste Henry de Diesbach, Jean-Luc Lecoq, David Marguin, Laure Monier, Élisabeth Monrozier, Patrick Nicolas, Marie-Thérèse Picaud, Thierry Pinette, abbé Laurent Pistre, Chantal Regnault, Mauricette et Michel Rémond, abbé David Ribiollet, Sabine Sille, frère Stéphane o. f. m., Élisabeth Tixier et Mère Marianne Zürcher. Gérard Picaud, Jean Foisselon et Aloys Lauper
vv Détail de la chape [68].
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Les auteurs Ivan Andrey (I. A.) est actuellement expert scientifique rattaché au Service des biens culturels de l’État de Fribourg. Il a mis sur pied en 1986 le recensement du patrimoine religieux du canton de Fribourg et a dirigé le recensement des biens culturels meubles jusqu’en 2012. Spécialisé dans l’art religieux, particulièrement l’orfèvrerie baroque, il a notamment publié, en 2009, un ouvrage de référence sur l’orfèvrerie fribourgeoise entre 1550 et 1850. Laurence Cesa (L. C.) est historienne de l’art, collaboratrice scientifique au sein du Service des biens culturels de l’État de Fribourg. Après avoir travaillé auprès de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA), elle assume depuis 2010 la charge de rédactrice du recensement des biens culturels et de bibliothécaire scientifique. Elle a collaboré au recensement des biens culturels meubles du monastère de la Visitation de Fribourg.
l’architecture et a notamment rédigé le chapitre fribourgeois du Guide artistique de la Suisse publié en 2012. Gérard Picaud (G. P.) est administrateur des collections du musée de la Visitation. Membre de sociétés savantes, il se passionne pour la mémoire du Bourbonnais et pour l’art sacré tout en organisant des expositions. Proche de la Visitation depuis son enfance, il s’intéresse tout particulièrement à son histoire et à son riche patrimoine, pour lequel il crée en 1991 le musée de la Visitation. Sœur Monique-Baptiste Stulz (M.-B. S.) a une formation d’enseignante. Elle est supérieure de la communauté de la Visitation à Fribourg, conseillère au sein de la fédération France-Sud - Suisse, et conseillère à l’Union des contemplatives de Suisse romande.
Camille Collaud (C. C.) est historienne de l’art, collaboratrice scientifique au sein du Service des biens culturels de l’État de Fribourg, où elle assure, depuis 2014, la rédaction du recensement des biens culturels meubles dans l’équipe chargée d’identifier et d’évaluer le patrimoine cantonal. Elle travaille actuellement sur les collections du monastère de la Visitation de Fribourg.
Florence Valantin (F. V.) est historienne de l’art. Elle a été pendant dix ans archiviste au sein de deux des plus grandes maisons de soieries lyonnaises, les manufactures Prelle et Bucol. Ses recherches, qui ont fait l’objet de publications spécialisées, portent sur la production lyonnaise, les textiles néogothiques et les ornements liturgiques des XIXe et XXe siècles.
Jean Foisselon (J. F.) est administrateur adjoint des collections du musée de la Visitation. Ingénieur centralien, il est ami de l’Ordre de la Visitation depuis sa jeunesse ; dès 1994, il soutient bénévolement le musée, pour lequel il crée puis administre la base de données Philothée, qui conserve et organise une grande partie de l’histoire humaine et patrimoniale de l’institut.
Danièle Véron-Denise (D. V.-D.) est conservateur honoraire du patrimoine, après avoir été conservateur en chef au musée national du château de Fontainebleau de 1982 à 2007. Spécialisée dans le domaine de la broderie française, principalement d’Ancien Régime, elle a rédigé de nombreux articles sur le sujet. Elle a aussi apporté une contribution essentielle à l’ouvrage De fleurs en aiguille, l’art de la broderie chez les visitandines, publié en 2009.
Aloys Lauper (A. L.) est historien de l’art, rattaché au Service des biens culturels de l’État de Fribourg où il assume, depuis 1998, la fonction de chef de service adjoint et la responsabilité de la section du recensement et de la promotion du patrimoine. Il s’est spécialisé dans l’histoire de
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Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Étrangères en fuite, tolérées puis gardiennes de la foi : les visitandines à Fribourg . . . . . . . . . . 22 La Visitation, berceau du Sacré Cœur à Fribourg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Le rayonnement de la Visitation de Fribourg au XIXe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Le XXe siècle et ces dernières décennies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 La rotonde du Saint-Esprit, une église votive et propitiatoire ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Un cloître tout en longueurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Le corps de logis du Siècle des lumières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Le jardin, espace vital des visitandines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Des pensionnaires au pensionnat : une reconversion nécessaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Le trésor des visitandines de Fribourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 La place des images à la Visitation de Fribourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 La constitution de la sacristie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Les ornements à motifs floraux de la Visitation de Fribourg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 Précieuses protections . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 La sacristie de Fribourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202 Trois sacristies d’Italie du Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
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Aux visitandines de Fribourg
À Christiane et Georges Chatard, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du musée de la Visitation
vv Les cœurs enflammés des visitandines de Fribourg, détail du voile de pupitre [29].
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Introduction Gérard Picaud et Jean Foisselon
Depuis 2007, le musée de la Visitation contribue par ses expositions temporaires annuelles et ses publications à faire connaître le patrimoine monastique de l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie. Les recherches menées dans le domaine textile ont permis plusieurs publications : De fleurs en aiguille, Sacrées Soieries, En tous points parfaits et Fils de lin, lumière de l’autre, s’appuyant principalement sur les collections du musée et celles de monastères français. Nombreux sont ceux qui souhaitaient la tenue d’un nouvel événement d’ampleur à Moulins autour des broderies conservées par les visitandines partout en Europe. Après réflexion, nous nous sommes lancés dans ce projet en février 2015. Certes, le fonds du musée contient encore des pièces inédites, mais il nous est apparu opportun d’orienter le corpus vers un « trésor européen » plus vaste en empruntant de belles œuvres aux visitandines partenaires du musée. Pour des raisons de logistique, l’appel a été circonscrit à trois communautés italiennes, qui
ont accepté avec joie de nous apporter leur concours : Baggiovara, ancienne Visitation de la capitale du duché de Modène, à l’histoire et au patrimoine prestigieux, toujours prête à nous aider ; Salò, le premier monastère d’Italie à avoir demandé à s’engager auprès du musée de la Visitation de Moulins, fidèle et précieux soutien ; Soresina, dont la supérieure, très attachée au rayonnement du musée, a joué un rôle déterminant dans la participation de nouveaux monastères lorsqu’elle était présidente de sa fédération. En novembre 2015, Moulins a reçu deux des conseils fédéraux de l’Ordre. La supérieure de la Visitation de Fribourg, enthousiasmée de la visite du musée et de l’exposition « Nous, visitandines de Moulins », a proposé de s’associer à notre projet européen. La réflexion a mûri et les visitandines fribourgeoises ont consenti à nous prêter la presque totalité de leur patrimoine de paramentique. Dans cette perspective, une délégation conduite par M. Stanislas Rück, accompagné de Mère Monique-Baptiste Stulz
vO Le voyage, détail de la chasuble [56].
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Quand la Suisse ouvre ses coffres. Trésors de la Visitation de Fribourg
l Jacques-David Müller, orfèvre à Fribourg, calice rococo, argent doré, vers 1752, V. de Fribourg.
et de sœur Marie-Jeanne Wirth, est venue à Moulins en juin 2016 afin de découvrir notre travail de « conservatoire » de la mémoire de l’Ordre et l’exposition consacrée à la vie des saints François de Sales et JeanneFrançoise de Chantal. Cette rencontre et les échanges noués ensuite avec M. Aloys Lauper et la communauté ont permis de développer le projet en lui donnant une tout autre dimension. Il ne s’agissait plus, comme nous l’avions imaginé, de présenter quelques beaux exemples du savoir-faire des visitandines d’Europe dans la confection de vêtements liturgiques. Nous avions désormais la possibilité, voire le devoir, de faire connaître les spécificités régionales et la richesse de l’histoire d’une communauté établie dans le même bâtiment depuis plus de trois cent cinquante ans. Cer tes, l’engagement des trois Visitations italiennes conduit à montrer des œuvres remarquables qui pourront être comparées aux créations helvètes, mais le but poursuivi est aussi et surtout d’aborder l’abondant fonds de ce monastère suisse, qui n’a été soumis, contrairement à la plupart des Visitations, à aucun déplacement et a subi peu de guerres ou de « révolutions ». L’étude et l’analyse de cet ensemble permettent de croiser les informations et complètent nos publications précédentes. Nous avons eu la chance de bénéficier d’un fructueux partenariat avec le dernier monastère suisse de la Visitation, grâce à l’appui précieux et indispensable du
Service des biens culturels de l’État de Fribourg. Rappelons que cet État a tissé au cours des siècles des liens très forts avec la société catholique française. Ainsi, beaucoup de communautés religieuses se sont installées à Fribourg après la Réforme catholique, en réponse au calvinisme né à Genève, puis lorsqu’elles ont fui la Révolution française et enfin au moment des lois de séparation des Églises et de l’État. À l’inverse, les religieux fribourgeois, dont plusieurs dizaines de visitandines, ont contribué de manière significative à la reconstruction de nombreuses communautés françaises durant tout le XIXe siècle, ce qui explique la présence de souvenirs français envoyés en cadeau à la Visitation de Fribourg. Forts de l’histoire de ces échanges humains, nous souhaitions prendre en considération et montrer les spécificités des créations artistiques de ces pays dans le vestiaire liturgique, mais aussi souligner les influences françaises visibles dans ce corpus. L’exemple du rayonnement des productions lyonnaises est particulièrement intéressant face aux ateliers des brodeurs de Munich en Bavière. En outre, les échanges avec nos amis suisses ont permis d’élargir notre champ d’action. De toute évidence, il fallait aller plus loin : l’étude de la fondation et de l’histoire de la communauté, de son monastère, de sa remarquable église, des tableaux et objets sacrés devait accompagner celle des broderies et soieries, menée par Danièle VéronDenise et Florence Valantin. Pleinement participantes, nos chères visitandines ont ouvert, très largement et avec confiance, leurs portes à leur musée de la Visitation et à l’équipe du Service des biens culturels. Ne connaissent-elles pas depuis longtemps celui qu’elles considèrent comme un ami, à savoir Ivan Andrey ? Une immense tâche a alors été accomplie, dans une parfaite collaboration et notamment avec l’aide précieuse de sœur Marie-Jeanne Wirth qui se passionne depuis des années pour l’histoire de sa maison. Grâce à cela, le public et les chercheurs peuvent désormais bénéficier de 20
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Introduction
O Broderie découpée issue de l’ensemble [14], MAHF.
ces recherches, mais aussi de l’inventaire et de la couverture photographique des œuvres. Mettre en lumière, animer et valoriser ces œuvres textiles, ainsi que l’écrin séculaire
pour lequel elles ont été créées ou auquel elles ont été offertes, était notre objectif et nous sommes heureux de vous présenter le fruit de ce travail.
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Étrangères en fuite,
tolérées puis gardiennes de la foi : les visitandines à Fribourg Aloys Lauper
Pillages, exactions, famines, épidémies et exode : la guerre de Dix Ans (1634-1644) ruine et décime la Franche-Comté, vidant le pays des deux tiers de sa population. Celles et ceux qui le peuvent s’enfuient vers la Savoie, la Suisse, Milan ou Rome. En mai 1635, Louis XIII et Richelieu déclarent la guerre à l’Espagne et se préparent à envahir la Franche-Comté. L’archevêque de Besançon, Ferdinand de Rye (1550-1636), enjoint à Mère Marie-Marguerite Michel, fondatrice et supérieure du monastère de la Visitation, de quitter la ville avec ses filles les plus jeunes pour se mettre à l’abri. Il pense surtout à protéger une parente d’ascendance noble. Claudine de Bauffremont (1613-1686), sœur Marie-Agnès en religion, est la fille de Joachim de Bauffremont, marquis de Listenois, et de sa première épouse, ClaudineMarguerite de Coligny, dont elle a hérité l’immense fortune. Marguerite de Rye (15991635), seconde épouse de son père, est la petite-nièce de l’archevêque de Besançon. Promise à son cousin germain Joachim,
marquis de Coligny-Cressia, la jeune fille a rompu ses fiançailles pour entrer chez les visitandines et l’on craint que le fiancé éconduit ne profite de l’état de guerre pour la faire enlever 1. Pourquoi Fribourg ? Outre les liens économiques étroits qui unissent Fribourgeois et Comtois, Fribourg, comme Besançon, s’est posé en citadelle du catholicisme. La cité dispose depuis 1512 d’un chapitre collégial avec un prévôt à sa tête et les jésuites y ont fondé un collège en 1582. L’évêque de Lausanne est suffragant de la province bisontine. Mgr Jean de Watteville, sacré à Arbois en 1610 par Mgr Ferdinand de Rye, est issu de la branche comtoise et catholique d’une vieille famille patricienne de Berne. En 1615, il a obtenu le droit de s’établir à Fribourg où il a fait construire une belle demeure (1616-1624) 2. Enfin, la « paix perpétuelle », signée en 1516 entre la République des Suisses et François Ier, a mis le canton helvétique à l’abri des visées expansionnistes françaises.
vO Pierre Maublanc, Les cruautés de la guerre en Franche-Comté au XVIIe siècle, détail, huile sur toile, après 1638, musée du Temps, palais Granvelle, Besançon.
1. Notice sur sœur Marie-Agnès de Bauffremont, 1882, p. 1-16. 2. Reconstruite en 1732 par Jacob Fasel, pour François-Jean-Philippe de Boccard (1696-1782) après avoir été acquise par son frère Mgr Joseph-Hubert de Boccard, père spirituel des visitandines. La maison de Boccard et la maison de Gottrau, voisines, forment actuellement le numéro 24 de la rue de Morat, à côté de la Visitation.
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La Visitation,
berceau du Sacré Cœur à Fribourg Laurence Cesa
Le peuple fribourgeois est placé sous la protection du Sacré Cœur depuis la fin du XIX e siècle et c’est aux visitandines qu’il le doit. Le monastère de Fribourg est parmi les premiers de l’Ordre à mettre en place, dès 1696 au moins, une pratique régulière du culte du Sacré Cœur. Cette dévotion sortira peu à peu de la clôture pour se propager dans les églises et chapelles du canton. Sœur Marguerite-Marie Alacoque, visitandine de Paray-le-Monial, est honorée entre 1673 et 1675 de plusieurs apparitions du Christ, qui lui enjoint d’établir une dévotion particulière au Sacré Cœur. Les trois révélations désignent le Cœur de Jésus comme rempli d’amour, un amour qui veut se répandre parmi les hommes et qui appelle en échange l’amour des hommes 1. Ce culte du Cœur de Jésus existe dans la théologie catholique depuis le XIII e siècle, principalement en relation avec la dévotion aux Cinq Plaies, et François de Sales s’y réfère dans une lettre de 1611, lorsqu’il choisit de placer un cœur aux noms de Jésus et Marie sur les
armes de l’Ordre et la croix pectorale des religieuses 2. Néanmoins, Marguerite-Marie est considérée comme sa principale propagatrice, en raison du caractère miraculeux de ses visions. Elle obtient de faire dire en 1689 une messe spécifique pour le Sacré Cœur à Paray-le-Monial, puis dans tout le diocèse d’Autun.
L’instauration de la dévotion à Fribourg
Vers 1696, moins de dix ans plus tard, Mère Marie-Geneviève Brunisholz prend l’initiative d’établir à Fribourg une fête du SacréCœur le premier vendredi après l’octave de la Fête-Dieu « pour seconder à la dévotion du peuple, qui est très grande dans cette ville 3 ». Le saint sacrement n’étant plus exposé dans sa niche, « une dévote image du Sacré-Cœur que l’on pose sur le Tabernacle 4 » est présentée aux fidèles pendant les festivités 5. L’image prendra place contre la grille du chœur des religieuses le reste de l’année. Issue d’une famille fribourgeoise fort riche
vv Friedrich Berbig, Apparition du Christ à MargueriteMarie Alacoque, vitrail, années 1880, église de Vuisternens-en-Ogoz (Suisse).
1. Marylin Masse-Vaudable et Gérard Picaud, « La diffusion du Sacré Cœur aux XVIIe et XVIIIe siècles à la Visitation », dans Picaud et Foisselon, 2013, p. 25-43. 2. Sales et Chantal, 2016, lettre 693, 10 juin 1611, p. 398 ; Coustumier et directoire, 1637, p. 100 et annexe. 3. AMVF, Histoire Fribourg I, 1635-1726, p. 323 (LC, 1er octobre 1696). Pour le choix de la date, bien que le calendrier liturgique fixe la fête des Cinq-Plaies au vendredi suivant le mercredi des Cendres, sœur Marie-Geneviève décide de l’insérer dans la continuité des festivités du SaintSacrement. Le saint sacrement est en effet exposé sur l’autel toute la semaine ou octave qui suit la Fête-Dieu. À Fribourg, on le remplace ensuite par une représentation du Sacré Cœur. D’ailleurs, une fête aux Cinq-Plaies tenue le vendredi suivant l’octave de la Fête-Dieu est mentionnée dès le XIV e siècle dans le monastère de Fritzlar en Thuringe. 4. Ibid. 5. Sur la rotation des tableaux exposés au maître-autel en fonction des fêtes liturgiques, voir p. 156.
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Le rayonnement
de la Visitation de Fribourg au
XIXe siècle
Jean Foisselon
François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal fondent la première maison de la Visitation Sainte-Marie en 1610 à Annecy. Mais, à partir de 1615, leur projet change de dimension avec l’émergence de demandes de fondation partout en France à un rythme extrêmement rapide : neuf maisons en 1620, quarante et une en 1630, quatre-vingt-quatre en 1640. Afin d’assurer l’unité de ces maisons religieuses, François de Sales en rédige les Règles en 1619, les soumet au pape et obtient de Paul V la création d’un nouvel ordre religieux. Malgré cette évolution, les fondateurs choisissent de conserver à chaque maison son autonomie. La Visitation sera un ordre sans supérieure générale ni administration hiérarchique. Dans ce contexte, seule la charité guidée par une sorte d’« esprit de famille » peut amener une communauté à en aider une autre, ce dont, depuis quatre siècles, les Lettres circulaires des monastères donnent des centaines d’exemples : ici d’aide financière pour faire face aux frais
de construction, là du prêt d’une religieuse qui apporte son savoir-faire, sans parler des milliers de cadeaux offerts entre les communautés pour embellir les liturgies ou favoriser la piété des religieuses. Cependant, la Visitation de Fribourg dépasse largement cette charité filiale entre 1792 et 1862, tant dans l’accueil de visitandines expulsées en raison de la Révolution française que dans l’aide apportée aux communautés françaises, italiennes et allemandes au moment de la restauration des maisons religieuses. Il nous a semblé intéressant de comprendre comment cet élan s’est organisé, sous quelles influences, et surtout d’évaluer le ressenti des visitandines elles-mêmes, exprimé dans les Lettres circulaires de l’époque 1. Afin d’éviter un inventaire fastidieux, tous les « prêts » de visitandines fribourgeoises ne sont pas repris, et nous nous sommes cantonnés à la période 1812-1862, même si quelques sœurs suisses vont soutenir d’autres maisons après 2. En effet, au cours de ces cinquante années, la contribution de
vO Arbre dont chaque branche porte le nom et la destination des Fribourgeoises parties aider un monastère, papier gouaché, fin du XIX e s., V. de Fribourg.
1. Je remercie M me Laurence Cesa pour les précieuses informations complémentaires qu’elle a pu extraire des archives de la Visitation de Fribourg et des archives de l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg durant l’été 2017. 2. Mère Madeleine-Augustine Paratte (1850-1921) vit par exemple à Nice de 1893 à 1911 où elle est élue quatre fois supérieure.
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Le
e XX
siècle
et ces dernières décennies Sœur Monique-Baptiste Stulz
Quand l’Occident sombre dans la violence et la dictature
citées à la fin de la lettre 3. Le 29 avril 1914 arrivent deux sœurs de Parella 4. En 1916, quatre sœurs allemandes et une sœur tourière de Moulins demeurent quelque temps chez nous 5. Un séjour de Mère MadeleineAugustine Hoîtz, de Varsovie, est signalé en 1917 6. Avec une santé compromise, elle revient en 1933 de Vienne, en Autriche, où elle est supérieure 7. D’autres noms sont inscrits dans les Circulaires, d’autres encore sont tus ; il s’agit de protéger des vies. Dans les Annales, nous pouvons lire : « Nos sœurs du Mexique doivent fuir à cause de la persécution. Elles s’établissent en Espagne et y fondent Durango, San Sebastian et Puerto de Santa Maria 8. » Le 21 décembre 1917 se présentent trois sœurs de Chambéry. La communauté est heureuse de les voir hors du camp d’internement pour civils de Cuisery 9. Au Premier monastère de Madrid, sept visitandines sont fusillées le 18 novembre 1936. Aujourd’hui, elles sont déclarées bienheureuses et martyres. La Circulaire du 19 mars 1939 exprime sa compassion pour le décès
L’expérience de l’accueil
Commencer le récit des cent dernières années de notre existence par les guerres et les atrocités que vivent nos pays voisins n’est pas encourageant ! Et pourtant quelques faits relatés ci-après révèlent combien un monastère cloîtré n’est pas une île mais un lieu de relation, d’accueil, de communication et de communion. La Circulaire écrite le 24 mai 1916 1 nous en donne un reflet : « En ces temps d’extrême tribulation, nous aurions vivement désiré voir nos murs se dilater, pour recevoir un grand nombre de Sœurs bien chères obligées par les circonstances de s’exiler de leurs berceaux de profession. » Fribourg accueille en effet bien des religieuses en ce début de XX e siècle. Sœur Marie-Mechtilde Santon y reste cinq ans avant de retourner dans son monastère de Parella 2. Puis quatre sœurs de Bourg-en-Bresse, Moulins et Marvejols sont
vO Repassage à la calandre, 1966.
1. AMVF, Histoire Fribourg V, 1901-1927, p. 411. 2. Ibid. 3. Ibid., p. 417. 4. AMVF, Synoptique II (1901-1980 ) , année 1914. 5. AMVF, Histoire Fribourg V, 1901-1927, p. 489 (LC, 25 mars 1920). 6. AMVF, Histoire Fribourg VI, 1933-1939, p. 21 (LC, 19 avril 1933). 7. Ibid., p. 147. 8. AMVF, Synoptique II (1901-1980 ) , année 1914. 9. Ibid.
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La rotonde du Saint-Esprit,
une église votive et propitiatoire ? Aloys Lauper
« Une jolie rotonde d’un genre d’architecture nouveau dans ces contrées 1 », une « église qui passe pour un chef-d’œuvre chez les connaisseurs 2 », « laquelle est d’une forme et façon si agréable qu’on la fait voir aux étrangers comme une pièce rare 3 » : voilà comment les visitandines de Fribourg décrivent leur chapelle, unique par son plan, son volume, son espace modulé par la lumière zénithale, son couvrement nervuré et sa façade bombée. Seul sanctuaire fribourgeois placé sous le vocable du Saint-Esprit, l’église des visitandines (1653-1656) est l’œuvre de Jean-François Reyff (vers 1614-1673), sculpteur, ingénieur et architecte, édile de l’État (Baumeister) durant quinze ans (1645-1660). Des quatre sanctuaires fribourgeois du XVII e siècle à plan centré 4, cette église est la plus importante par son architecture et par sa richesse de sens, de citations et de références. Le terme « rotonde » utilisé pour la qualifier renvoie aux rotundae ecclesiae dont les archétypes sont le Saint-Sépulcre à Jérusalem et
Santa Maria Rotonda 5 à Rome, le fameux Panthéon. Après la Réforme, le plan centré est voué aux églises mariales, comme Notre-Dame de Montaigu (1604-1627), aux nécropoles dynastiques, telle la rotonde des Valois à Saint-Denis (dès 1568), aux martyria et aux chapelles votives. Quand Reyff dessine la « rotonde » de Fribourg, son plan centré n’a qu’un précédent salésien, l’église du Premier monastère de Paris, Notre-Dame-des-Anges (1632-1634), chefd’œuvre de François Mansart 6. La variante fribourgeoise quadrilobée, sa façade incurvée, sa lanterne autrefois cadrée par deux flèches, ses statues d’apôtres dans les niches et même l’idée du sol à engravure évoquent la chapelle du château d’Anet (1548-1555) dont le plan et la coupe ont été publiés par Jacques Androuet du Cerceau en 1579 7. Quand les visitandines de Fribourg commencent à bâtir, les jésuites terminent la « rotonde » de Marsens (1641-1642), greffée sur la résidence d’été de leur collège. Cette chapelle votive, liée à la dernière peste qui a
vO Façade bombée de l’église.
1. AMVF, 13.7, Origines de l’Ordre de la Visitation Ste-Marie en Suisse (copie de l’original d’Annecy), p. 51. La rédactrice cite la chronique rédigée en 1687 par le chanoine Henri Fuchs. 2. AMVF, Histoire Fribourg I, 1635-1726, p. 263. 3. Ibid., p. 324 (LC, 1696). 4. Avec les chapelles Saint-Ignacede-Loyola à Marsens (1641-1642), SainteCroix à l’hôpital des Bourgeois à Fribourg (1682-1698), Notre-Dame-des-Neiges au Buth, à Lessoc (1684), auxquelles on pourrait associer celle de la Sainte-Trinité à Cerniat (1605), un octogone allongé. 5. Plus précisément Santa Maria ad Martyres. 6. Actuel temple du Marais. 7. Androuet du Cerceau, 1579, pl. 95-96.
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Un cloître tout en longueurs Aloys Lauper
Jugés « pas commodes ni bien établis 1 », perçus comme une juxtaposition de constructions de toutes époques, les bâtiments de la Visitation de Fribourg semblent de prime abord bien éloignés de la rigueur salésienne, mis à part leur simplicité. Contrairement au monastère de Soleure, reconstruit entre 1676 et 1679, « régulier en son entier car on suivit exactement le plan du Coutumier 2 », celui de Fribourg semble tourner le dos à la régularité du modèle architectural commun proposé par François de Sales, le fameux plan type publié en annexe de la deuxième édition du Coustumier et directoire, en 1637. L’église, on l’a vu, est une exception qui confirme la règle, mais que dire du monastère du XVII e siècle ? La question a été éludée car on assimilait jusqu’ici la grande aile nord à la maison d’Affry achetée par les visitandines. Avant d’être le bâtiment vieux, ce corps de logis de 44 mètres sur 13 était le premier bâtiment neuf, construit de 1659 à 1661 pour le gros œuvre 3 et aménagé jusqu’en 1663, comme l’attestent les comptes 4 et des
observations récentes corroborées par des analyses dendrochronologiques 5.
Les contraintes de l’époque et du site
C’est un peu à l’écart de la basse ville de Fribourg, sur la rive droite de la Sarine, à la Maigrauge, qu’il faut aller voir ce qu’aurait pu être le « cloître des Sœurs » si l’on avait pu suivre le plan type du Coutumier. Après le grand incendie qui ravage leur abbaye le 17 novembre 1660, les cisterciennes reconstruisent entre 1661 et 1666 leur cloître et trois des quatre ailes de leur monastère sur les conseils et probablement sur les plans de Jean-François Reyff, assisté du Père Candide Fivaz, futur abbé d’Hauterive. Elles renoncent alors au portique et au cloître ordonnancé pour une galerie dans œuvre avec des arcs reposant sur des piliers, un véritable cloître salésien. Appelé d’urgence sur les lieux du désastre, l’architecte travaille à l’époque sur le grand chantier de Leurs Excellences, celui du collège des jésuites
vv Jean-Baptiste Nuoffer, décor visitandin du poêle en céramique de la chambre de la supérieure, 1806.
1. Ræmy de Bertigny, 1853, p. 7, n. 12. 2. AMVF, Annales I (1635-1652), p. 26. Le premier bâtiment, « très commode », et son église, consacrée le 25 mai 1654, sont entièrement démolis lors du renforcement des fortifications de la ville (1667-1727). Avec les matériaux, l’argent et le terrain en rase campagne fournis en compensation par le gouvernement soleurois, les visitandines peuvent construire selon les règles salésiennes. 3. En 1661, on paie les maîtres maçons « pour parachever ce qui restait à faire au corps de logis » et « faire les quatre cheminées ». AMVF, 20.1.2, Dépenses pour les bâtiments, 1659-1663, p. 12. Le millésime « 1661 » est incisé sur un des piliers de la cave et la grue est démontée en 1662. 4. AMVF, 20.1.2, Dépenses pour les bâtiments, 1659-1663. 5. Jean-Pierre Hurni, Bertrand Yerly et Christian Orcel, Monastère de la Visitation, Fribourg, LRD15/R7106, tapuscrit, archives du SBC.
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Le corps de logis du Siècle des lumières Aloys Lauper
Avec un maigre capital, des propriétés d’un faible rendement, des dots limitées à 800 écus depuis 1706, des frais de nourriture pour quarante personnes captant la moitié des revenus en 1727 1, les visitandines entrent démunies dans le XVIII e siècle. Pourtant, alors que leurs rentes ne suffisent « qu’à l’entretien des deux tiers de l’année 2 », elles n’hésitent pas à construire un nouveau corps de logis doublant la surface habitable de leur monastère. Depuis 1661, les sœurs occupent, outre le bâtiment vieux et la maison du tour au nord de leur église, la maison d’Affry qui la flanque au sud 3. Cette vieille demeure dont on connaît l’aspect grâce au petit plan de Fribourg gravé en 1608 par Martin Martini, un quadrilatère à deux niveaux sous comble en pavillon, avec cave de plain-pied côté jardin, sert de corps de logis à la moitié de la communauté. Elle menace ruine dans les années 1720 : « la vie d’une douzaine de Sœurs qu’on n’avait pu loger ailleurs, était dans un danger évident, sans que la
bourse de notre Sœur l’Économe lui eût permis d’entreprendre un nouveau bâtiment 4 ». La vétusté des lieux, qui abritent aussi de jeunes demoiselles, a sans doute pesé lourd dans la décision du père spirituel des visitandines, le vicaire général Jean-Philippe Griset de Forel, de leur interdire de recevoir des pensionnaires après sa visite régulière du 27 août 1707. Le 26 mars 1718, moins de neuf mois après son entrée solennelle à Fribourg, le nouvel évêque, Mgr Claude-Antoine Duding, fait sa première visite à la Visitation, accompagné du père spirituel, le prévôt Antoine d’Alt, et du confesseur, Pierre-Nicolas Bräutigam († 1755). Le prélat, commandeur de l’Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem à Fribourg, a notamment fait restaurer en 1711-1712 l’église de la commanderie et de la paroisse Saint-Jean-de-la-Planche 5. Il use de son autorité pour convaincre les visitandines d’agrandir leur monastère malgré leur manque de ressources. Il leur recommande comme architecte leur confesseur, dom
vO Pierre-Nicolas Bräutigam, confesseur des visitandines et architecte du bâtiment neuf, invoquant la Providence par l’intercession de saint François de Sales et de la bienheureuse Jeanne de Chantal, huile sur bois, 1753, V. de Fribourg.
1. Trente-trois sœurs choristes, quatre converses, une tourière et deux servantes selon AMVF, M 1, Comptes du gouvernement, 1651 et 1727-1755, année 1727. 2. AMVF, Histoire Fribourg II, 1726-1800, p. 3 (LC, 24 septembre 1726). 3. Que Marcel Strub a confondue avec le premier corps de logis au nord (Strub, 1959, p. 300). 4. AMVF, Annales VI (1718-1745), p. 15. 5. Andrey, 2017, p. 29-42.
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Le jardin,
espace vital des visitandines Aloys Lauper
Le jardin occupe une place centrale dans l’architecture salésienne. Il assure la subsistance de la communauté et rend la clôture moins pesante en offrant un espace d’agrément et de travail, mais également un lieu de procession, de méditation et de contemplation des merveilles de la création. Dans l’implantation de leurs monastères, les visitandines, religieuses cloîtrées dans la ville, cherchent donc toujours des sites disposant de place et de dégagement audelà du bâti. La propriété d’Affry se situe à équidistance, quelque 330 mètres, de la place du marché et de l’entrée nord de la ville protégée par une enceinte médiévale dont la partie orientale a été renforcée en 1647. L’urbanisation du côté ouest de la rue est celle d’une ville médiévale, avec son parcellaire serré en lanières et ses rangs de bâtiments contigus. À l’est en revanche, entre le couvent des capucins et la Mauvaise Tour (démolie en 1828-1829) fermant la deuxième extension de la ville, se succèdent, au XVII e siècle, quatre grandes
propriétés patriciennes. Leurs maisons isolées, alignées sur la chaussée, dominent des vergers et des jardins en fond de parcelle, s’étirant en pente sur plus de 70 mètres jusqu’aux falaises molassiques de la Sarine. Ces propriétés en belvédère ouvrent une belle perspective sur les hauteurs du Schönberg (le beau mont) au-delà de la rivière. Avec ses quelque 8 500 mètres carrés, la propriété d’Affry est d’une surface idéale. Après la construction du bâtiment neuf, l’enclos compte encore près de 7 000 mètres carrés pour le jardin et le verger, la surface moyenne fixée par le Coutumier 1. Le terrain est donc le principal atout de cette maison admirablement située, si proche et si lointaine des cris du marché et de l’agitation du bourg de fondation. La vision du Père Pierre Marmet, sa procession de vierges chantant le Magnificat dans le verger, dit bien l’importance du non-bâti dans cette fondation aussi urbaine que close autour de son petit paradis de silence et de verdure, avec son jardin d’agrément, son potager-fruitier, son
vO Sortie dans le jardin, 1955.
1. « ils pourront être jusques environ 30, 40, 50 ou 60 toises au plus en tous sens, de six pieds de Roy la toise, & de cette place on prendra pour les jardins une grandeur suffisante, pour y avoir les fleurs & herbages necessaires au Monastère », soit entre 3 600 et 14 400 mètres carrés. Coustumier et directoire, 1637, art. XXXV, « Des cellules et autres offices de la maison », p. 141.
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Des pensionnaires au pensionnat : une reconversion nécessaire Aloys Lauper
Dès leur installation à Fribourg, les visitandines comptent en leur sein des pensionnaires. Sensibilisées à l’idéal salésien dès leur plus jeune âge, ces filles du petit habit rejoignent souvent la communauté comme novices, à l’exemple de sœur BarbeScholastique Boudot que son père, lieutenant de la justice de Morteau, a confiée aux sœurs qu’il a accueillies dans sa maison durant leur exode. Elle est l’une des deux pensionnaires arrivées sur les bords de la Sarine en 1635. Parmi les trente-neuf châlits comptés dans l’inventaire de 1661, trois sont mentionnés « à la maison des pensionnaires 1 ». Ayant donc place pour trois jeunes filles, le monastère se conforme au Coutumier qui admet qu’on en reçoive « deux, ou trois, ou quatre au plus, âgées d’environ dix ou douze ans s’il se peut 2 ». Deux chambres leur sont réservées au-dessus de l’infirmerie située sur le chœur des religieuses. Faute de place notamment, on renonce à en héberger entre 1695 et 1698 puis entre 1707 et 1726. À cette date, Leurs Excellences de Fribourg
veulent bien contribuer à la construction du bâtiment neuf pour autant qu’on y accueille et qu’on y forme à nouveau des demoiselles. Le dortoir du deuxième étage leur est attribué et l’on dépense même 150 écus bons, en 1729, pour meubler leurs chambres 3. Le monastère peut désormais loger une dizaine de petites sœurs, plus qu’il n’en faut pour assurer son recrutement et suffisamment pour reconstituer son capital érodé par la diminution des dots. Entre 1738 et 1755, leur nombre varie entre deux et treize, avec une moyenne de sept. Elles fournissent déjà 14 % des revenus du monastère durant cette période, contre 19 % pour les dots. Leur poids financier ne cesse de croître dans la seconde moitié du XVIII e siècle, atteignant près d’un tiers des recettes. Entre 1756 et 1782, elles seront entre sept et seize, pour une moyenne de douze. Elles apporteront au total 18 025 écus bons, plus que le revenu sur le capital (17 930 écus), plus que les domaines (10 885 écus), et même plus que les dots (10 740) désormais 4.
vO Aloyse Griset de Forel et d’autres anciennes pensionnaires, angle d’un tapis de sanctuaire, broderie petit point, 1905, V. de Fribourg.
1. AMVF, 21.1, Inventaire général de tous les meubles, 1652-1858, p. 15. 2. Coustumier et directoire, 1637, art. V, « Des jeunes filles », p. 26. 3. AMVF, M 1, Comptes du gouvernement, 1651 et 1727-1755, année 1729. 4. AMVF, M 2, Comptes du gouvernement, 1756-1791.
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Le trésor
des visitandines de Fribourg Ivan Andrey
Les visitandines du monastère de Besançon, arrivées à Fribourg le 23 juillet 1635, avaientelles les mains vides ? Également réfugiées, les annonciades célestes de Nozeroy (près de Pontarlier) ont pu emmener leurs archives et les trésors de plusieurs églises de la ville. Seul le chapelet ayant appartenu à sainte Jeanne-Françoise de Chantal, donné par celle-ci à Mère Marie-Marguerite Michel, qui a fondé la communauté de Besançon, avant de conduire les sœurs rescapées jusqu’en leur refuge fribourgeois, semble prouver que les filles de saint François de Sales ne se trouvaient pas entièrement démunies. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal l’affirme : le véritable trésor des visitandines, ce sont les écrits de leur fondateur, en particulier les Entretiens spirituels, qui leur sont destinés et qu’elles ont fidèlement retranscrits (en 1652, les religieuses de Fribourg en possédaient déjà sept exemplaires imprimés). Pourtant, dans les pages qui suivent, nous nous attacherons principalement au trésor d’orfèvrerie des visitandines de Fribourg :
ces objets en métal précieux, rassemblés et en partie disparus au fil du temps, qui ont servi à la liturgie, à la garniture des autels, aux cérémonies et aux fêtes qu’on a voulues les plus brillantes possibles, dans l’esprit du theatrum sacrum baroque. Le Coustumier et directoire, mis au net en 1624 par sainte Jeanne-Françoise de Chantal, d’après les notes rédigées par saint François de Sales en 1611, décrit bien le rôle des ecclésiastiques entourant leurs « chères filles » : l’évêque du diocèse, le père spirituel et le confesseur, ce dernier étant, par la force des choses, le plus proche de la communauté. Ce sont justement ces prêtres qui employaient les objets du trésor, spécialement les vases sacrés, souvent offerts par les parents des religieuses issues des familles les plus riches. Notons simplement que ces œuvres sont pour la plupart de fabrication fribourgeoise, et que les orfèvres de la ville, aux XVII e et XVIII e siècles, travaillent, dans le domaine religieux, d’après des modèles germaniques. Plusieurs artisans même sont d’origine
vO Attribué à Jacques-David Müller, orfèvre à Fribourg, lampe de sanctuaire, argent, 1739, V. de Fribourg.
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La place des images à la Visitation de Fribourg Camille Collaud
Depuis leur arrivée, les visitandines de Fribourg ont accumulé en leurs murs plus de deux cents tableaux 1, un nombre qui s’accorde mal à première vue avec l’austérité de l’Ordre. Pourtant, de facture souvent modeste, traitant de thèmes choisis, répétés et puisant dans des modèles gravés généralement salésiens, cette collection révèle un rapport aux images très original et encore peu étudié. Trois exemples suffiront à l’illustrer : la permutation des tableaux du maître-autel, les séries destinées aux cellules et l’activité de deux artistes, entre copie et création.
Des tableaux de circonstance
Le changement de la peinture du retable du maître-autel, à certaines occasions de l’année, est une pratique atypique chez les visitandines qui a sans doute pour origine les festivités de canonisation de François de Sales en 1665. Au XVIII e siècle, ce ne sont pas moins de quatre tableaux, d’époques différentes, qui sont placés au maître-autel
lors des fêtes significatives du calendrier liturgique du monastère. Aucun document, aucune image révélant l’aspect des retables d’origine n’est parvenue jusqu’à nous. L’inventaire dressé en 1661, quelques années après la consécration de l’église, décrit le thème des peintures du maître-autel et des autels latéraux : une Visitation avec un Saint-Esprit à l’attique, un « Jésus Marie Joseph » — soit une Sainte Famille — avec un saint Vite au-dessus et une Crucifixion, avec « les images de nos bienheureux fondateurs », surmontée d’un saint Augustin 2. Des trois tableaux d’attique, seul le Saint Augustin du latéral droit, de format rectangulaire, semble avoir été conservé 3. Des trois peintures principales, une seule est clairement identifiable : le Christ en croix, entouré de François de Sales et de JeanneFrançoise de Chantal avec huit visitandines au pied de la croix, d’après Grégoire Huret, toujours à son emplacement d’origine. Le tableau La Sainte Famille a été refait en 1814
vv La Visitation, d’après Hendrick Goltzius (1593), Saint Joseph, saint François de Sales et deux visitandines, huile sur toile, après 1665, V. de Fribourg.
1. Selon le recensement effectué par le MAHF (2011) et le SBC (2016-2017). 2. AMVF, 21.1, Inventaire général de tous les meubles, 1652-1858, p. 10. 3. Huile sur toile, 63 × 45,5 cm, déposée au MAHF, D 2011-049.
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La constitution de la sacristie Gérard Picaud
Comme le prévoit le Coutumier de l’Ordre, la Visitation de Fribourg abrite dans ses archives un certain nombre de livres manuscrits. Parmi eux, l’Inventaire général de tous les meubles, 1652-1858 est de tout premier intérêt, même s’il ne mentionne que succinctement les pièces d’orfèvrerie et de paramentique, sujet qui nous intéresse ici 1. D’autres documents sont complémentaires des recherches, comme les Annales, les Lettres circulaires et les Abrégés des vies des religieuses ou bien encore le récit de la Fondation du monastère… Ces sources gardent trace des nombreux dons, en numéraire ou en nature, destinés à l’acquisition, à la réalisation ou à l’entretien des œuvres. Le but de la collecte d’informations est de connaître le mieux possible les circonstances de l’arrivée de ces objets — achats, dons, mais aussi confection ou transformation — et leur rôle dans le monastère 2. L’identité des donateurs et des auteurs — visitandines ou maisons spécialisées — n’est le plus souvent pas déterminée. Pourtant les traces de leurs
actions, qui apparaissent çà et là dans les documents, permettent d’esquisser la façon dont s’est constituée cette sacristie. Et, surtout, le dépouillement des sources et l’étude des pièces textiles toujours conservées au monastère enrichissent l’histoire de ces objets inanimés : il s’agit de leur donner une âme en les replaçant dans leur contexte historique. De telles enquêtes nous font également découvrir des aspects de la vie de ces visitandines fribourgeoises, mais aussi de leurs familles et des proches de cette communauté installée à Fribourg le 23 juillet 1635 3.
Aux
XVII e et XVIII e siècles L’Histoire des fondations des monastères de la Visitation Sainte-Marie, au chapitre relatant celle de la fondation de Fribourg, souligne particulièrement la générosité de quatre personnes à l’égard de la sacristie. La première mention concerne la dot de sœur Marie-Isabelle Wild (p. 1658, † 1679) : « M. son père, qui l’aimait uniquement, voulut en cette occasion faire toutes choses d’une
vO Détail de l’antependium [14].
1. Il s’agit en réalité de la série des inventaires avant déposition qui devaient être établis à la fin de chaque triennat. Ils ont d’abord été consignés dans un grand livre, puis ventilés dans divers cahiers. Au X X e siècle, ces séries ont été partagées, reclassées, augmentées de notes et de documents, et peuvent être grosso modo reconstituées. 2. Ce travail est principalement axé sur la paramentique, même s’il fait état de pièces d’orfèvrerie et d’éléments de décor pour le culte. La présente étude n’a pas été étendue à l’intégralité du contenu actuel de la sacristie de la Visitation de Fribourg. Le fonds considéré s’organise autour des pièces les plus significatives. Nous remercions vivement sœur Marie-Jeanne Wirth, Aloys Lauper et Camille Collaud pour leur précieux concours. 3. Pour les caractéristiques générales du sujet paramentique à la Visitation, se référer aux publications du musée de la Visitation : De fleurs en aiguille (Véron-Denise, Picaud et Foisselon, 2009), Sacrées soieries (Picaud et Foisselon, 2012), En tous points parfaits (Picaud et Foisselon, 2014).
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Les ornements à motifs floraux
de la Visitation de Fribourg Danièle Véron-Denise
Le XVII e siècle connaît un engouement très vif pour les motifs f loraux dans les arts en général, et tout spécialement dans les arts décoratifs, engouement qui se prolonge fort avant dans le XVIII e siècle (fig. 1). En France, ce goût pour les fleurs naît au début du XVII e siècle, avec la création de jardins botaniques dont le premier a été installé à Montpellier à l’extrême fin du XVI e siècle, suivi ensuite de nombreux autres, notamment à Blois et à Paris. En parallèle avec le développement de ces jardins, un nouveau type de publications voit le jour et remporte un succès fulgurant : les florilèges, recueils de plantes gravées choisies pour leur beauté. L’initiateur de ce genre d’ouvrages est Pierre Vallet, à la fois graveur et brodeur du roi, qui publie en 1608 son fameux Jardin du Roy Tres-Chrestien Henry IV, roy de France et de Navarre, dont la fortune est extraordinaire (fig. 3). Un grand nombre de recueils du même type, principalement français et flamands, est ensuite publié. Ces florilèges reproduisent les espèces cultivées dans les
jardins d’agrément ou les jardins botaniques, dont une part importante inclut les nouveautés venues du Proche-Orient, d’Asie ou d’Amérique. Ainsi, à côté des roses, des lis, des ancolies ou des œillets traditionnels, figurent aussi les plantes à bulbes ou à rhizomes récemment introduites : tulipes, fritillaires, certains narcisses et jacinthes, et toutes les nouvelles variétés cultivées d’iris, de lis, de primevères et de bien d’autres espèces 1 (fig. 2). Plus tard, vers la fin du XVII e et au cours du XVIII e siècle, certains graveurs, tels Paul Androuet du Cerceau (vers 1630-1710) (fig. 7) ou d’autres restés anonymes, représentent des types de fleurs qu’ils nomment « fleurs de Perse » ou « fleurs des Indes », sans qu’il soit vraiment possible de déterminer l’espèce ainsi figurée. Il se pourrait que ces appellations soient surtout destinées à flatter un goût pour l’exotisme toujours bien répandu auprès du public, et que les fleurs ainsi gravées relèvent plus de l’imagination et de la fantaisie que d’une stricte observation
vO Fig. 1. Détail de l’antependium [14].
1. Sur le sujet, voir Véron-Denise, 2005.
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Précieuses protections Florence Valantin
Les visitandines du monastère de Fribourg ont toujours eu à cœur de prendre soin des ornements qui leur étaient confiés. Ainsi, elles ont confectionné des housses de protection matelassées à l’aide des tissus qui leur ont sans doute été offerts mais qui étaient trop fragmentés ou trop usés pour un usage liturgique. Ces housses surprennent par leur qualité. En effet, il s’avère qu’elles constituent en elles-mêmes une collection cohérente et digne d’intérêt car elles ont toutes été réalisées avec des tissus dont la datation s’échelonne entre les années 1700 et 1780. On dénombre d’abord trois couvertures matelassées de petites dimensions, composées de différents fragments d’étoffes du milieu du XVIII e siècle (fig. 1 et 2). Un même taffetas brun (fig. 3), ayant servi à deux des couvertures ainsi qu’à une housse, est broché de bouquets naturalistes en soie polychrome et filé argent. Il présente des effets de points rentrés, caractéristiques des années 1740 et dans l’esprit des créations textiles du dessinateur lyonnais Jean Revel. Par ailleurs, les
visitandines ont également conservé, sans l’utiliser, un très beau lampas bleu ciel à fond cannetillé au dessin de fleurs de fantaisie reliées entre elles par des rivières de rubans (ill. p. 170). Rattaché aux années 1760 et inspiré des motifs de l’ornemaniste Jean Pillement, il étonne par sa fraîcheur et son état de conservation, quasi neuf. Les housses, plus imposantes, sont composées de deux rabats cousus ensemble sur l’encolure et les épaules et permettent de couvrir entièrement les chasubles, les chapes et les dalmatiques qu’elles protègent. Parmi les vingt-sept housses étudiées, certaines sont confectionnées avec de simples satins unis ou rayés, ou encore avec des taffetas rayés, moirés, des mexicaines, des satins liserés ou des pékins brochés. Ce groupe de tissus, de qualité moyenne, appartient à la période 1760-1780. Beaucoup d’entre eux ont été teints afin d’être unifiés, faisant perdre toute lisibilité au dessin et à la technique de tissage. Deux housses sont plus attrayantes : l’une offre un patchwork bariolé de tissus
vv Fig. 8. Satin rayé « bizarre », vers 1720.
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vv DĂŠtail de la chasuble [15].
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vv Gondolier, détail de la chasuble [58].
Trois sacristies d’Italie du Nord Brève histoire de la Visitation de Salò
Par les religieuses de ce monastère
Le monastère de la Visitation de Salò est fondé le 20 décembre 1712, à l’issue d’une laborieuse période de négociations entre le Sénat de Salò et la Sérénissime République de Venise, dont Salò fait alors partie, commencées en 1698, et après avoir obtenu en 1711 la permission de la Congrégation de Rome et le consentement de l’évêché de Brescia, le diocèse d’appartenance de Salò. Les trois sœurs fondatrices, Maria Laura Castiglioni, Maria Serafina Lezzeni et Maria Laura Visconti d’Aragona, viennent du monastère d’Arona. L’édifice est formé de plusieurs bâtiments déjà existants — réunis par des cours intérieures et des jardins — et se dresse sur la place Sainte-Barbe, qui donne sur le lac, surnommée « Fossa ». L’église est édif iée, selon le projet d’Antonio Spiazzi, et consacrée en 1715, grâce aux dons de la veuve Luce Angelica Bertarelli qui prendra l’habit visitandin
puis restera novice toute sa vie pour garder ses biens et assurer ainsi la subsistance de la communauté. En 1719, l’évêque de Brescia, Mgr Gianfrancesco Barbarigo, établit la clôture. La vie de la jeune communauté, qui connaît nombre d’épreuves et de difficultés, va se consolider, tant et si bien qu’en 1729 trois sœurs peuvent aller à Darfo (Brescia) pour participer à la fondation d’un monastère (qui sera supprimé en 1811). En 1749, le monastère de Darfo envoie des sœurs à Miasino, dans le diocèse de Novare, pour installer une nouvelle communauté de visitandines. En 1797, Salò est au centre des combats entre la ville de Brescia, alliée avec les Français, et la république de Venise. Le monastère subit la confiscation des objets du culte, de la réserve de blé et la fermeture du noviciat, malgré la bienveillance d’un officier français descendant de la Mère Jeanne-Françoise de Chantal. Le XIXe siècle commence dans une extrême pauvreté. La communauté souffre souvent de la faim. En 1810, la propriété religieuse
est interdite et l’année suivante un décret napoléonien sanctionne la suppression des monastères. La Visitation de Salò y échappe grâce à l’intervention du comte Leonardo Martinengo, frère de la Mère supérieure. La communauté poursuit sa vie de façon relativement tranquille avec en annexe son pensionnat, mais connaît de nouvelles tentatives d’expropriation dès 1866 lors de l’arrivée à Salò des garibaldiens ; en outre, les lois établies par la maison de Savoie créent des difficultés pour la conservation du pensionnat, qui sera fermé à la fin du siècle. En 190l, un désastreux tremblement de terre cause de graves dégâts aux bâtiments et sème la panique dans la population. Grâce à la générosité des autres monastères et à l’actif travail des sœurs, la communauté peut survivre pendant les années de la Première Guerre mondiale puis lors du krach économique et financier de 1929. Au début de la Seconde Guerre mondiale, le monastère profite d’une totale sécurité, c’est pourquoi il peut accueillir des sœurs
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vO Commencement de l’Évangile de saint Jean, détail de la chape [60].
Bibliographie sélective ARCHIVES PRIVÉES ET PUBLIQUES Archives de l’État de Fribourg CE I 89, Registre des délibérations du Conseil d’État, séance du 29 juin 1889, p. 359-360. Montenach I, 1614-1662, Schlafbuch. RM 186-349, Manuals du Conseil, séances du 27 novembre 1634 au 29 mars 1798. Visitation, Comptes du gouvernement. Archives de l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg VI-6, Religieuses — Fille-Dieu, Visitation, Providence. Archives du monastère de la Visitation de Fribourg Annales : Annales I (1635-1652), Annales II (1653-1666), Annales III (1667-1685), Annales V (1700-1718), Annales VI (1718-1745), Annales VII (1745-1763), Annales VIII (1763-1799), Annales IX (1799-1806), Annales X (1807-1816). Histoire de Fribourg : Tome I (1635-1726), Tome II (1726-1800), Tome III (1822-1872), Tome IV (1873-1900), Tome V (1901-1927), Tome VI (1933-1939), Tome VII (1940-1948). Synoptique II (1901-1980). 11.2, Suite du livre des contrats perpétuels [1863-1904].
13.2, Lettre de réception du gouvernement [1651]. 13.2.1, Lettres de réception des religieuses [10 mars 1641]. 13.2.2, Deux Requêtes à LL. EE. par lesquelles les religieuses de la Visitation de Ste Marie demandent la permission de bâtir un monastère de leur Ordre à Fribourg. 13.3, La Fondation du Mtre de la Visitation Ste Mri de Fribourg en Suisse, cahier manuscrit remis en 1829 aux sœurs de Mâcon. 13.7, Origines de l’Ordre de la Visitation Ste-Marie en Suisse, 23 juillet 1635 (photocopies de l’original d’Annecy). 14.2b, Extrait de la relation de l’établissement du monastère de la Visitation Ste Marie en cette ville de Fribourg en Suisse, et les remarques sur ce qu’en disent les Étrennes fribourgeoises de l’année 1809. 19.2, Copies de lettres, 1859-1863. 19.3, Copies de lettres, 1863-1880. 20.1.1, Dépenses pour l’église, 1653-1663. 20.1.2, Dépenses pour les bâtiments, 1659-1663. 20.3.4, Exposition des biens-fonds. 20.3.5, Exposition des dots […] depuis l’année 1706. 20.3.6, Convention pour le nouveau bâtiment, 1725. 20.5.14, Convention pour la réparation de l’église et des autels en 1864 et 1865.
20.5.17, Note des réparations de l’église en 1865. 20.9.1, Lettre d’achat du monastère des messieurs d’Affry, 26 avril 1653. 20.11, Résumé des réparations faites de 1845 à 1891. 21.1, Livre de l’inventaire général de tous les meubles, 1652-1858. 21.2, Donations testamentaires faites en faveur du monastère, 1722-1862. 21.7, Registre des dons à la sacristie, 1901-1935. B 1, Lettre d’achat du monastère des messieurs d’Affrÿ le 26 d’avril 1653. E 27, boîte Sacré-Cœur, diplôme no 6299, 1862. F 1-8, Papiers de Mr Honoré de Tholozan. G 15, Authentique du corps de Ste Clémentiane (sic), extrait le 20 février 1841 du cimetière de Cyriaque (Via Tiburtina). G 16, Authentique du corps de Ste Attica (sic), extrait le 21 mai 1847 du cimetière de SainteAgnès (Via Nomentana). G 17, Authentique du corps de St Urbain, extrait le 30 juin 1843 du cimetière de Sainte-Priscille (Via Salaria Nova). H 1, Copies de lettres, 1641-1681. M 1, Comptes du gouvernement, 1651 et 1727-1755. M 2, Comptes du gouvernement, 1756-1791. M 3, Comptes du gouvernement, 1791-1824. Cahier des bienfaiteurs de la sacristie, 1920-1935.
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