Rembrandt Harmensz. van Rijn - Portraits de Marten Soolmans et d’Oopjen Coppit (extrait)

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L’édition française a pu se faire grâce à l’aimable autorisation du Rijksmuseum, de Taco Dibbits, directeur général, et de Martijn Pronk, directeur du service éditorial : qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

COLLECTION SOLO Conception de la collection Violaine Bouvet-Lanselle Suivi éditorial Catherine Dupont Contribution éditoriale Georges Rubel Conception graphique de la couverture Quartopiano, musée du Louvre Conception graphique et maquette XXX Fabrication Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

© Somogy éditions d’art, Paris, 2017 pour la version française © Musée du Louvre, Paris, 2017 pour la version française © Rijksmuseum, Amsterdam 2016 pour les textes et l’édition en néerlandais et en anglais ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-569-0 ISBN Somogy: Photogravure : Quat’Coul, Toulouse et Paris Dépôt légal : Imprimé en Italie (Union européenne)


COLLECTION SOLO DÉPARTEMENT DES PEINTURES

Rembrandt Harmensz. van Rijn Portraits de Marten Soolmans et Oopjen Coppit Jonathan Bikker Conservateur chargé de recherches au département des Beaux-Arts du Rijksmuseum, Amsterdam


Préface L’idée qu’un musée puisse acquérir un tableau de Rembrandt est presque impensable aujourd’hui, mais le fait que deux musées s’associent pour se porter acquéreurs de deux Rembrandt en même temps paraît tout simplement inimaginable. C’est pourtant ce qu’ont fait en 2016 le Rijksmuseum à Amsterdam et le musée du Louvre à Paris en achetant les portraits de mariage de Marten Soolmans et d’Oopjen Coppit. Cet achat exceptionnel, négocié par le gouvernement néerlandais et le gouvernement français, est un événement de tout premier plan qui a fait les gros titres de la presse du monde entier. Connus presque exclusivement par des illustrations publiées dans des monographies sur le peintre, ces deux pendants n’avaient pas été exposés depuis des années. Après 1878 en effet, date de leur achat à un collectionneur d’Amsterdam par Gustave, baron de Rothschild, ils n’avaient quitté Paris qu’une seule fois à l’occasion d’une exposition qui s’était tenue au Rijksmuseum en 1956. Exactement soixante ans plus tard, ils reviennent à Amsterdam, la ville où ils ont été peints. Propriété conjointe des États français et néerlandais, les deux portraits seront exposés ensemble pour de longues périodes, alternativement au Rijksmuseum et au musée du Louvre, où ils pourront être enfin vus par des millions de visiteurs. Ces tableaux comptent parmi les plus ambitieux que Rembrandt ait jamais peints. Avec une extraordinaire virtuosité, l’artiste y représente un jeune couple riche, distingué, en pied et en grandeur réelle. C’est une période faste pour le maître, à la fois sur le plan professionnel – il connaît le succès – et sur le plan personnel puisqu’il épouse, cette même année 1634, Saskia Uylenburgh, fille du bourgmestre de Leeuwarden. Les deux toiles sont donc représentatives de la position sociale de Rembrandt, et elles témoignent de son ambition manifeste de faire partie de l’élite urbaine d’Amsterdam, le cœur dynamique de la jeune République néerlandaise.


Nos remerciements les plus sincères vont à Jonathan Bikker qui, dans ce livre fascinant, reconstitue l’histoire des deux jeunes mariés, Marten et Oopjen, dont la vie, bien que commencée sous de bons auspices, ne fut pas un long fleuve tranquille. L’auteur retrace ensuite l’historique de ce type de portrait et situe ces deux toiles exceptionnelles dans l’ensemble de l’œuvre de Rembrandt. Le Rijksmuseum et le Louvre sont des lieux où l’histoire et l’art se rencontrent. Pour les Français, le Louvre est le palais des rois de France, pour les Néerlandais, le Rijksmuseum est le musée de leur passé et de leur identité. Au confluent de l’histoire et de l’art, ils offrent un cadre parfait pour accueillir les portraits de Marten Soolmans et Oopjen Coppit : le jeune couple symbolise la prospérité de la jeune République qui a posé les fondements des Pays-Bas d’aujourd’hui. La France a toujours apprécié la peinture des Pays-Bas et conserve dans ses murs une collection insigne ; Louis XIV lui-même avait acquis pour sa collection l’Autoportrait de Rembrandt. Fassent que les liens étroits qui unissent nos deux pays se trouvent encore renforcés par les arts.

Taco Dibbits Directeur général du Rijksmuseum Jean-Luc Martinez Président directeur du musée du Louvre

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Rarement vus jusqu’à récemment, les spectaculaires portraits des jeunes mariés Marten Soolmans et Oopjen Coppit (fig 1, 2) sont aujourd’hui accessibles à quiconque peut se rendre à Paris ou à Amsterdam. La dernière fois qu’ils ont été exposés avant leur acquisition commune par les gouvernements français et néerlandais en 2016, c’était au Rijksmuseum en 1956 – il y a soixante ans exactement –, dans le cadre des célébrations du trois cent cinquantième anniversaire de la naissance de Rembrandt (fig. 3). La découverte de ces trésors restés si longtemps cachés provoque une émotion comparable, peut-être, à celle qu’ont éprouvée les amateurs d’art qui, au XIXe siècle, les ont vus pour la première fois. Ces chefs-d’œuvre – les seuls pendants de mariage debout, en pied et en grandeur nature exécutés par Rembrandt – appartenaient alors au collectionneur d’Amsterdam Pieter van Winter, puis, après son décès, à sa fille Anna Louisa Agatha. Ouvrant régulièrement leur collection aux visiteurs, l’un et l’autre ont permis à quelques critiques d’art et autres privilégiés d’examiner ces tableaux par ailleurs presque totalement oubliés, et d’en laisser des descriptions on ne peut plus élogieuses. Le premier à leur avoir consacré des pages importantes est le grand critique français Théophile Thoré, surtout connu aujourd’hui pour avoir « redécouvert » Vermeer. Très impressionné par ces portraits, il tomba immédiatement amoureux de celui d’Oopjen et, dans l’un des trois textes qu’il consacre à ces œuvres, il s’extasie durant un paragraphe entier sur ce petit pied « adorable » qui dépasse de façon si charmante de la robe de la jeune femme. Il finit par admettre que son visage n’est peut-être pas des plus avenants, mais son expression tendre et mélancolique n’en est pas moins séduisante : Oopjen, conclut Thoré, a un « je-nesais-quoi » que l’on ne peut comparer qu’à la tout aussi mystérieuse Joconde. S’il est quelque peu exagéré de faire d’Oopjen la Monna Lisa des Pays-Bas, Thoré établit en revanche des comparaisons très per-

1. Rembrandt van Rijn Portrait de Marten Soolmans (1613-1641), 1634 Huile sur toile – H. 210 ; L. 135 cm Amsterdam, Rijksmuseum, SK-A-5033 Acquis par l’État néerlandais pour le Rijksmuseum, 2016 2. Rembrandt van Rijn Portrait d’Oopjen Coppit (1611-1689), 1634 Huile sur toile – H. 209,9 ; L. 134,8 cm Paris, musée du Louvre, RF 2016-2 Acquis par l’État français pour le musée du Louvre, 2016

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fig. 3.tif tinentes avec d’autres femmes célèbres de l’histoire de l’art : Oopjen, écrit-il, est « une charmante femme qui ferait pâlir les ladies de la cour de Charles Ier peintes par Van Dyck 1» ; ailleurs il affirme que, face au portrait par Rembrandt d’une « femme debout, pâle et fantastique dans son riche costume de soie noire, on ressent une impression de beauté, tout autant qu’en présence d’une impératrice du Titien2 ». Bien qu’Oopjen Coppit et son époux n’appartiennent pas à la noblesse, ces comparaisons avec des personnages de la haute aristocratie sont tout à fait appropriées, car le format de la figure debout, en pied et en taille réelle, était celui des grands portraits d’apparat. Les premiers pendants de mariage de ce type, peints par Lucas Cranach l’Ancien en 1514 (fig. 4, 5), représentaient des nobles : Henri le Pieux, duc de Saxe, et sa femme la duchesse Catherine de Mecklembourg. Puis, durant cent vingt ans et jusqu’aux portraits de Marten et Oopjen en 1634, ce format monumental demeura la prérogative de la royauté et de la grande aristocratie.

3. Les portraits de Marten Soolmans et Oopjen Coppit lors de l’exposition Rembrandt de 1956 au Rijksmuseum

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