Exposition de photographies, présentée à la Bibliothèque municipale de Lyon du 8 octobre 2015 au 9 janvier 2016.
This work is published on the occasion of the “Shadi Ghadirian. Rétrospective” exhibition. Exhibition of photographs presented at Lyon Municipal Library from 8 October 2015 to 9 January 2016.
Commissariat de l’exposition : Sylvie Aznavourian, chargée des collections photographiques à la Bibliothèque municipale de Lyon Anahita Ghabaian Etehadieh, directrice de la Silk Road Gallery, Téhéran, Iran
Curator of the exhibition: Sylvie Aznavourian, responsible for the photography collections at the Lyon Municipal Library Anahita Ghabaian Etehadieh, director of the Silk Road Gallery, Tehran, Iran
Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition
Shadi Ghadirian. Rétrospective.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2015 © Bibliothèque municipale de Lyon © Shadi Ghadirian courtesy Silk Road Gallery
www.bm-lyon.fr http://silkroadartgallery.com/?shadi-ghadirian www.shadighadirian.com
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Alexandra Létang Conception graphique : François Dinguirard Contribution éditoriale pour le français : Gaëlle Vidal Contribution éditoriale pour l’anglais : Natasha Edwards Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
Work published under the direction of Somogy Editions d’Art Editorial Director: Nicolas Neumann Editorial Manager: Stéphanie Méséguer Editorial Coordination and Monitoring: Alexandra Létang Graphic Design: François Dinguirard Editorial Contribution in French: Gaëlle Vidal Editorial Contribution in English: Natasha Edwards Production: Béatrice Bourgerie and Mélanie Le Gros
Traduction des textes : Henri Champanhet, Bibliothèque municipale de Lyon Jean-Michel Borthayre, Société Amplus
Translation of texts: Henri Champanhet, Lyon Municipal Library Jean-Michel Borthayre, Amplus Society
ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1000-0 Dépôt légal : septembre 2015 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
ISBN Somogy Editions d’Art: 978-2-7572-1000-0 Registration of copyright: September 2015 Printed in Czech Republic (the European Union)
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RÉTROSPECTIVE
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Sommaire Contents Éditorial Editorial ..................................................
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Georges Képénékian
Avant-propos Foreword
Gilles Éboli
Préfaces Prefaces
Sylvie Aznavourian | Anahita Ghabaian Etehadieh
Entretien Interview
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Qajar (1998) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Like Everyday (2000) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Be Colourful (2002) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . West by East (2004) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ctrl + Alt + Del (2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . White Square (2008) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nil, Nil (2008) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Miss Butterfly (2011) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20 34 42 46 50 58 70 82
Anahita Ghabaian Etehadieh | Shadi Ghadirian
Une trop bruyante solitude (2015) Too Loud a Solitude (2015) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Biographie et expositions Biography and exhibitions
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La photographie à la Bibliothèque municipale de Lyon Photography at Lyon Municipal Library . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
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Éditorial
Avant-propos
GEORGES KÉPÉNÉKIAN
GILLES ÉBOLI
Premier adjoint au Maire de Lyon Délégué à la Culture, aux grands événements et aux droits des Citoyens
Directeur de la Bibliothèque municipale de Lyon
Lyon, ville des frères Lumière, berceau du cinéma, entretient depuis plus d’un siècle des liens privilégiés avec le monde de l’image. Plus d’une vingtaine de lieux proposent régulièrement des expositions dédiées à la photographie tout au long de l’année. Le guide gratuit, Photographie(s) Lyon & co, recense tous ces événements de manière trimestrielle. Parmi ces nombreux lieux, la bibliothèque de la Part-Dieu, dotée d’une importante collection de photographies héritée en partie de l’ancienne Fondation nationale de la photographie, joue un rôle important en proposant régulièrement des expositions autour des travaux des grands photographes. La rétrospective qu’elle présente de l’œuvre de Shadi Ghadirian, chef de file de la photographie iranienne, a été réalisée en lien avec la Silk Road Gallery, basée à Téhéran, et qui diffuse depuis quinze ans les plus grands noms de la photographie iranienne tout en s’engageant auprès de jeunes artistes contemporains émergents. Le travail de Shadi Ghadirian est intimement lié à son identité de femme vivant en Iran. Son art questionne aussi des thématiques propres aux femmes dans d’autres parties du monde. Ses photographies subtiles nous donnent à voir un Iran tout en contrastes, entre tradition et modernité. Elles interrogent le rôle et le statut des femmes dans la société et explorent des thèmes comme la censure, la religion, la modernité, la réalité du quotidien, ou encore la folie de la guerre. Lieu de soutien à la création, d’ouverture au monde et aux questions de société qui le traversent, c’est tout naturellement que la Bibliothèque municipale accueille aujourd’hui cet œuvre basé sur de véritables enjeux sociaux, mêlant fiction et réalité, humour et impertinence, mise en scène subtile et grand sens de l’esthétique.
Présente dans la cité, la bibliothèque veut observer, rendre compte, mettre en débat les écumes comme les houles qui traversent nos sociétés, hier et aujourd’hui, ici et ailleurs. Vaste ambition pour laquelle elle reçoit une aide toujours décisive : celle de la création, quelle que soit sa forme annonçant, traduisant, explicitant (ou pas) les évolutions qui travaillent notre époque. À Lyon, cet axiome est renforcé une nouvelle fois, pour la création photographique, par la présence exceptionnelle d’un fonds qu’au fil des années la bibliothèque s’attache à enrichir et faire vivre : les expositions dédiées récemment à Raymond Depardon, James Nachtwey ou encore Martin Parr répondent à cette volonté tout en se mettant en dialogue avec une collection qui conserve les travaux de Brassaï, André Kertész, Robert Doisneau, Édouard Boubat, etc. La liste serait trop longue dans son exhaustivité. Cette exposition consacrée au travail de Shadi Ghadirian prolonge ce mouvement tout en l’amplifiant puisque l’ensemble du réseau de la Bibliothèque municipale se mettra à son heure, s’interrogeant avec elle, sur l’Iran aujourd’hui, les femmes aujourd’hui, l’art et les résistances aujourd’hui. Merci à Shadi Ghadirian pour son aide précieuse, merci à elle d’avoir bien voulu partager avec la bibliothèque et son public sa vision, sa démarche et ses engagements.
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Editorial
Foreword
GEORGES KÉPÉNÉKIAN
GILLES ÉBOLI
Senior Deputy Mayor of Lyon Delegate for culture, major events and citizens’ rights
Director of the Municipal Library of Lyon
Lyon, the city of the Lumière brothers and the birthplace of cinema, has for over a century now had special links with the world of the image. More than twenty locations regularly offer exhibitions dedicated to photography throughout the year. The free guide Photographie(s) Lyon & co provides a quarterly listing of all these events. Among these many venues, the Part-Dieu library, with its large collection of photographs inherited in part from the former Fondation nationale de la photographie (National Photography Foundation), plays an important role by regularly staging exhibitions focusing on the works of the great photographers. The retrospective it now presents of the work of Shadi Ghadirian, the leading Iranian photographer, was produced in conjunction with the Silk Road Gallery, based in Tehran, which for fifteen years has been promoting the work of the biggest names in Iranian photography while engaging with emerging young contemporary artists. Shadi Ghadirian’s work is intimately connected to her identity as a woman living in Iran. Her art also questions themes specific to women in other parts of the world. Her subtle photographs reveal to us an Iran of contrasts, between tradition and modernity. They question the role and the status of women in society and explore themes such as censorship, religion, modernity, everyday reality and the madness of war. As a place that supports creation and is open to the world and to the societal issues that pass through it, it is perfectly natural that the municipal library should today welcome this work based on veritable social challenges, mixing fiction and reality, humour and impertinence, and a subtle staging with a great sense of aesthetics.
Because of its presence in the city, the library wants to observe, take account and stimulate debate about the breaking waves and swells crossing our societies yesterday and today, here and elsewhere. This is a huge ambition, for which it receives a still crucial aid: that of creation, in any form, announcing, translating and explaining (or not) the evolutions at work in our era. In Lyon, this axiom is reinforced, once again, in the field of photographic creation, by the exceptional presence of a collection which the library has endeavoured to enrich and enliven over the years. The exhibitions recently dedicated to Raymond Depardon, James Nachtwey and Martin Parr respond to this will, while at the same time they open up a dialogue with a collection containing works by Brassaï, André Kertész, Robert Doisneau, Edouard Boubat, etc.,... the list would be too long to give in its entirety. This exhibition dedicated to the work of Shadi Ghadirian continues and expands this movement as the entire network of the municipal library will follow her lead, looking with her at Iran today, women today, and art and resistance today. Many thanks to Shadi Ghadirian for her valuable assistance, and thank you also for being willing to share with the library and its public her vision, her approach and the issues to which she is committed.
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Préfaces SYLVIE AZNAVOURIAN
ANAHITA GHABAIAN ETEHADIEH
Commissaire associée de l’exposition Shadi Ghadirian. Rétrospective. Chargée des Collections photographiques à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Commissaire associée de l’exposition Shadi Ghadirian. Rétrospective. Directrice de la Silk Road Gallery, Téhéran, Iran.
Ma première rencontre avec l’œuvre de Shadi Ghadirian date d’une dizaine d’années. La découverte de ses photographies présentées par la Silk Road Gallery m’avait littéralement bouleversée. L’ironie poétique de cette jeune Iranienne, son audace, avaient bousculé mon regard d’Occidentale. Ses images iconiques sont restées longtemps et soigneusement conservées dans ma mémoire. Shadi Ghadirian a poursuivi son œuvre ; de nouvelles séries n’ont fait qu’accroître mon intérêt, provoquant de multiples émois. Depuis vingt ans, mes missions de commissaire d’expositions ont été nourries par une curiosité délicieuse, instigatrice de propositions artistiques. La démarche de photographes s’interrogeant notamment sur la critique sociale m’intéresse particulièrement car elle conjugue adroitement l’art et les sujets que je perçois de plus en plus sensibles. Raymond Depardon et Martin Parr ont ainsi répondu positivement à mon invitation. Le premier en 2009 dans l’exposition Villes où il dénonçait la mondialisation dans douze capitales du monde ; le second en 2012 dans l’exposition Life’s a Beach, nous proposant, par son regard narquois, des images sur le tourisme de masse. Devant le travail d’une photographe dont l’œuvre artistique présente, avec humour, la place de la femme dans la société civile iranienne, l’évidence d’une programmation s’imposait. Aujourd’hui la création de l’exposition Shadi Ghadirian. Rétrospective à Lyon ainsi que l’édition du catalogue éponyme sont devenues réalité. Je tiens à remercier tout particulièrement, Mme Anahita Ghabaian, directrice de la Silk Road Gallery, femme d’exception, passionnée d’art, ardente défenseur des artistes iraniens et commissaire de l’exposition de Lyon, pour son écoute attentive ; M. Manuel Manoug Pamokdjian, fondateur et conseiller scientifique de la société Fineco, mécène et personnalité engagée, pour son allant et sa générosité.
Shadi Ghadirian est considérée comme l’un des premiers photographes iraniens dont les images ont contribué à modifier la perception de l’art en Iran et de la société contemporaine iranienne, à la fin des années 90. Son style, tout à fait unique, était en contraste avec les images dures et brutales généralement associées, à cette époque, à l’Iran. En utilisant le langage de l’art, les photographies de Shadi Ghadirian défiaient non seulement les contradictions des sociétés orientales mais aussi la façon dont le monde entier voyait ce pays. En mélangeant de façon tout à fait inédite, par son langage artistique, des sujets de nature sociale et des tabous, elle a changé le cours de la photographie contemporaine en Iran, et a ouvert la voie à bien d’autres photographes vers une approche et une utilisation complètement différentes de ce médium. La Silk Road Gallery a eu le plaisir, depuis sa création en 2001, de représenter et soutenir Shadi Ghadirian, qui a été l’une de ses artistes les plus en vue depuis le début de sa carrière. Cette galerie a toujours été ouverte aux échanges culturels et a voulu élargir l’horizon de la scène artistique tout en faisant connaître la photographie iranienne dans le monde. Nous sommes très heureux de pouvoir collaborer avec la Bibliothèque municipale de Lyon à la présentation de la rétrospective de Shadi Ghadirian. Ce centre culturel de tout premier plan en France a joué un rôle important, depuis des années, dans la promotion des arts et de la culture, et notamment de la photographie. Je voudrais remercier tout particulièrement Sylvie Aznavourian et Gilles Éboli pour cette magnifique opportunité et pour avoir rendu possible cet événement qui, je pense, peut encourager le dialogue entre les cultures et les sociétés et contribuer à la paix et à la compréhension entre les peuples.
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Prefaces SYLVIE AZNAVOURIAN
ANAHITA GHABAIAN ETEHADIEH
Associate curator of the exhibition “Shadi Ghadirian. Rétrospective”. Responsible for the photography collections at the Lyon Municipal Library.
Associate curator of the exhibition “Shadi Ghadirian. Rétrospective”. Director of the Silk Road Gallery, Tehran, Iran.
My first encounter with Shadi Ghadirian’s work dates from around ten years ago. The discovery of her photographs presented by the Silk Road Gallery deeply moved me. The poetic irony of this young Iranian woman and her courage shook up my Westerner’s view. Her iconic images remained for a long time carefully held in my memory. Shadi Ghadirian has continued her work; new series only further stimulated my interest, stirring up all manner of emotions. For twenty years, my jobs as exhibition curator have been nourished by a delicious curiosity, stimulating artistic suggestions. The approach of photographers questioning social criticism in particular is especially interesting to me as it cleverly brings together art and the increasingly sensitive subjects I perceive. Raymond Depardon and Martin Parr thus responded positively to my invitation. The first in 2009 in the “Cities” exhibition in which he denounced globalisation in twelve capitals around the world; the second in 2012 in the “Life’s a Beach” exhibition, offering us, through his sardonic look, images of mass tourism. Seeing the work of a photographer whose artistic work presents, with humour, the place of woman in Iranian civil society, it was obvious that this needed to be included in our programme. Today, the creation of the “Shadi Ghadirian. Rétrospective” exhibition in Lyon and the publication of the eponymous catalogue have become a reality. We would like to thank in particular: Ms Anahita Ghabaian Etehadieh, director of the Silk Road Gallery, an exceptional woman, art-lover, ardent defender of Iranian artists, and curator of the exhibition in Lyon, for having been an attentive listener. Mr Manuel Manoug Pamokdjian, founder and scientific advisor of the company Fineco, patron and committed person, for his drive and his generosity.
Shadi Ghadirian is considered one of the first Iranian photographers whose photographs changed perceptions of how Iranian art and contemporary society were perceived in the late 1990s. Using a unique style of expression, she began contradicting the harsh and brutal images commonly seen and associated with Iran, challenged Eastern social dilemmas and how the world saw Iran, through the language of art. Her unique mélange of social subjects and taboos with art changed the course of Iranian contemporary photography and paved the way for many other photographers to approach and use this medium differently. Since its establishment in 2001, Silk Road Gallery has had the pleasure of representing and supporting Shadi Ghadirian as one of its most celebrated artists since the beginning of her fruitful career. The gallery has also always been dedicated to cultural exchange, broadening the horizons of Iran’s artistic achievements and introducing Iranian photography to the world. On this occasion, we are delighted to have the pleasure of collaborating with La Bibliothèque municipale de Lyon (Lyon Municipal Library) to present a retrospective of the work of Shadi Ghadirian. As one of France’s most respected centres, La Bibliothèque municipale de Lyon has played an important role over the years in promoting arts and culture with special attention towards photography. I would like to express my gratitude towards Sylvie Aznavourian and Gilles Ebolli for this wonderful opportunity and for making this event possible. I believe that through events and exhibitions like this, we can help contemplation and dialogue between cultures and societies and take a step forward towards understanding and peace.
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Entretien
ANAHITA GHABAIAN ETEHADIEH | SHADI GHADIRIAN
Dans cet entretien, Shadi Ghadirian dévoile à Anahita Ghabaian l’évolution de son travail au fil du temps, ses engagements ainsi que son rapport à l’image et à la création artistique.
de l’ère Qajar 1 (40 tirages par jour) que le regard de ces photographes m’a influencée. Même si à l’université j’avais suivi un cours d’histoire de la photographie, c’est seulement en étant au musée et surtout aux côtés de mon professeur Bahman Jalali 2 que j’ai compris combien l’histoire de la photographie iranienne était importante pour moi. Je m’émerveillais du nombre de photos prises à cette époque et particulièrement du nombre de photos représentant des femmes. Je ne l’imaginais même pas car j’étais persuadée que la religion, interdisant la reproduction de l’image, avait éclipsé notre passé photographique. Grâce à l’amitié et au soutien de Bahman Jalali, j’ai pu travailler avec lui sur mon projet de diplôme. J’avais en tête d’écrire sur l’histoire de la photographie. Un jour, dans sa maison, dans les montagnes du nord de l’Iran, nous discutions l’idée de comparer mon travail avec les photos prises durant l’ère Qajar. C’est ainsi que le projet a pris forme. Nous avons conversé sur chaque cliché de la série. Je disais une phrase, Jalali en disait une autre. Je ne pensais jamais réaliser ce projet, plutôt considéré comme ludique par l’université qui ne m’a jamais prise au sérieux. La mise en scène photographique n’avait pas encore été réalisée en Iran. C’était nouveau, je n’y connaissais pas grand-chose. Je savais ce que je voulais faire, mais j’ignorais que cela existait dans d’autres pays depuis déjà une dizaine d’années. Plus tard, au cours de ma recherche, j’ai lu des articles sur ce sujet. J’ai donc travaillé sur la série avec Jalali. Mais graduellement, je déviais de mon projet initial. J’avais fait des images qui n’étaient plus en relation avec les premières comme celles avec les miroirs. Au départ, l’idée était de créer des images avec les objets de la vie quotidienne d’aujourd’hui. Mais à la fin, d’autres objets ont été ajoutés, ce qui donnait un caractère discordant à la série. J’ai donc préféré arrêter. Encore aujourd’hui, la série Qajar contient deux séquences différentes mais comme je les aime je continue de les exposer. Je regrette de ne pas avoir poursuivi car cela aurait pu devenir une tout autre série. Des images auraient été supprimées, d’autres rajoutées. J’ai eu l’impression de ne pas
Avez-vous toujours voulu être photographe ou aviez-vous d’autres perspectives ? Très vite, j’ai voulu faire de l’art. Au lycée, j’ai étudié les sciences expérimentales mais je savais que je ne continuerai pas dans cette voie. Mes deux sœurs faisaient des études d’art. L’aînée photographiait et m’emmenait souvent dans ses projets, me prêtant son appareil. Plus tard, je fus la seule à continuer. Lorsque je préparais le concours d’entrée aux universités, je ne connaissais pas grand-chose à l’art. Le champ de mes connaissances se réduisait à ce que j’avais appris de ma sœur. En cours, je me suis rendu compte que seule la photographie me conviendrait car je n’étais pas assez patiente pour faire de la peinture ou pratiquer une autre discipline. Pour la photo, il suffisait que j’appuie sur le déclencheur et c’était tout. Les premiers semestres universitaires se sont déroulés sans problème. À cette époque, j’étais surtout préoccupée par les procédés d’impression qui prenaient environ trois jours. C’est plus tard que j’ai compris que tout n’est pas réduit à ce bouton. L’idée qui est derrière la photo est plus importante. À présent, chaque fois que je travaille sur un projet, appuyer sur le déclencheur n’est l’affaire que d’un seul instant, alors que la préparation de la prise de vue peut parfois prendre une semaine. La série Qajar fut votre premier projet . Elle représente d’ailleurs les premières images qui sortirent d’Iran, autres que celles de la Révolution. Elle parlait à la fois de l’Iran et de l’art iranien. Ce fut un tournant. Comment avez-vous eu cette idée ? En 1998, pour mon projet de diplôme, je voulais réaliser une série. Je travaillais depuis deux ans au Musée de la photographie de Téhéran. J’avais vu et imprimé tellement de photos anciennes
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Interview
ANAHITA GHABAIAN ETEHADIEH | SHADI GHADIRIAN
In this interview, Shadi Ghadirian reveals to Anahita Ghabaian how her work has changed over time, the issues to which she is committed and her relationship with the image and artistic creation.
photography was important for me. I was amazed at the number of photos taken at that time, and particularly the number of photos of women. I had no idea about that as I thought that religion, which forbids the reproduction of the image, had eclipsed our photographic past. Thanks to the friendship and support of Bahman Jalali, I was able to work with him on my degree project. My idea was to write about the history of photography. One day, in his house in the mountains in northern Iran, we were discussing the idea of comparing my work with the photos taken during the Qajar era. And thus the project took shape; we talked about every shot in the series. I said one sentence, Jalali said another. I never thought I would carry out this project, which was considered to be fun by the university, which never took me seriously. Photographic mise-en-scène was not yet established in Iran. It was new; I didn’t know much about it. I knew what I wanted to do, but I didn’t know that it had existed in other countries for about a decade already. Later, in the course of my research, I read articles on the subject. I therefore worked on the series with Jalali. But gradually, I moved away from my initial plan. I had produced some images that no longer bore any relation to the first ones, such as those with mirrors. In the beginning, the idea was to create images with everyday objects of today but, in the end, other items were added, which gave a discordant note to the series. I therefore decided it was best to stop. Even today, the Qajar series contains two different sequences, but as I like them, I continue to exhibit them. I’m sorry I didn’t continue; that could have become a whole other series. Some images would have been removed, and others added. I had the impression that I was not being consistent, and I stopped. In actual fact, Qajar is less homogeneous than my other series.
Did you always want to be a photographer or did you have other ambitions? Very early on, I wanted to do art. At school, I studied hard science but I knew that I would not continue down that path. My two sisters studied art. The elder one took photographs and often took me along on her projects, lending me her camera. Later, I was the only one of us to continue. When I prepared for the university entrance competition, I didn’t know much about art; my entire knowledge consisted of what I had learnt from my sister. In my classes, I realised that only photography would suit me as I was not sufficiently patient to do painting or practise any other discipline. For photography, I simply had to press on the shutter-release – that was all. My first university terms proceeded without any problem. At the time, I mainly busied myself with printing processes, which took around three days. It was later on that I understood that not everything was due to this button. The idea behind the photo is more important. Now, whenever I work on a project, pressing on the shutter-release takes a matter of an instant, whereas the preparation for getting a shot can sometimes take a week. The Qajar series was your first project. It shows moreover the first images to come out of Iran, other than those of the Revolution. It spoke both of Iran and Iranian art. It was a turning point. How did you come to have this idea? In 1998, for my degree project, I wanted to work on a series. I had been working at the Museum of Photography in Tehran for two years by then. I had seen and printed so many old photos from the Qajar1 era (forty photos per day) that the regard of these photographers influenced me. Even though at university I was reading history of photography, it was only by being at the museum and, above all, alongside my professor Bahman Jalali2 that I understood how much the history of Iranian
Why do you think that there were few photos of women, particularly women in the Qajar era? Because of the religious prohibition. Men were not permitted to frequent women and to photograph them. The photographs of the harem of Nasseredin Shah 3 were taken by him.
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Qajar 1998
Comment nous voyons-nous aujourd’hui , comment voyons-nous les femmes : la femme d’aujourd’hui, celle d’hier et celle de demain , où sont les frontières temporelles et où nous situonsnous par rapport à ces frontières ? Voici des visages de femmes du passé, les femmes de l’ère Qajar (1785-1925), de l’ère constitutionnelle (1905-1907) lorsqu’ est apparu un nouveau style de vie. Où les frontières se situent-elles ? L’art est-il censé les ignorer, les transgresser ? Dans mon imaginaire, cette géographie temporelle est sens dessus dessous. Pour moi, une femme, une femme iranienne, une femme comme moi est à la croisée de toutes ces frontières inconnues qui séparent la tradition de la modernité. Ces frontières se déplacent dans le temps. Je porte les vêtements d’hier et la femme Qajar côtoie les objets contemporains. Pour moi, la réalité, ce n’est pas ce qui se passe dans le monde extérieur, la réalité, cela peut être l’image que je me suis fabriquée de « moi-même » et « des femmes ».
How do we see ourselves today, how do we see women : the woman of today, yesterday and tomorrow, where are these temporal boundaries drawn and, where do we stand vis-à-vis these boundaries? These are faces of women in the past, the women of the Qajar era (1785-1925), of the Constitutional era (1905-1907), at which point, a new way of living was inaugurated. But where are the boundaries drawn? Is art supposed to lay them bare and go beyond them? The temporal geography of my imagination is all muddled. To me, a woman, an Iranian woman, a woman like me, is a combination of all these unknown boundaries that separates tradition from modernity. These are boundaries that move geographies through time and cover me in the attire of yesterday and reveal a Qajar woman next to elements of today. In my view, reality is not what takes place in the world outside. Reality can be an image that I have constructed of “me” or of “women.”
Série Qajar | 1998 | Tirages numériques : 40 × 30 cm et 90 × 60 cm Qajar series | 1998 | C-print: 40 × 30 cm and 90 × 60 cm
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Like Everyday 2000
Dans Like Everyday, je remplace le visage des femmes par les objets domestiques quotidiens qui déterminent la vie des « ménagères professionnelles ». La femme est obligée de se plier aux souhaits et aux désirs des « autres » si bien qu’elle n’a pas de visage en propre à afficher. Il suffit de soulever le rideau pour l’apercevoir derrière l’étoffe qui habille la fenêtre. Qui est-elle ? Elle est moi. Une femme.
Like Everyday replaces the faces of women with everyday domestic appliances that dominate the lives of professional housewives. Woman is forced to cater to the wishes and desire of “others” to such an extent that sometimes she doesn’t even have a face of her own to uphold. It is enough, though, to raise the curtain and see her behind the window dressing. Who is she? She is me. She is a woman.
Série Like Everyday | 2000 | Tirages numériques : 50 × 50 cm Like Everyday series | 2000 | C-print: 50 × 50 cm
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Be Colourful 2002
Il n’est pas facile d’être une femme ; il est moins facile encore, en Iran, d’être une femme photographe qui travaille sur la condition féminine. Pour donner vie à ses idées, il faut avancer masqué. Le rêve de travailler pour l’amélioration de notre condition se heurte sans cesse au fait même d’être femme. Restrictions et obstacles sont partout. Les contraintes sociales ne sont pourtant pas toujours le reflet de l’opinion publique. Une femme en rouge peut être inacceptable socialement mais nombreuses sont celles qui remettent en question ces règles tacites et, acte de résistance, mettent des couleurs dans notre vie.
It is hard enough to be a woman; in Iran, it is even harder to be a photographer working on women’s issues. To bring your ideas to life you have to be under another cover. The reality of being a woman and the dream of working towards the betterment of our circumstances bump into one another at every turn. There are always restrictions and boundaries. Not every social more mirrors public opinion. A woman in red may be socially unacceptable but there are plenty who question such unwritten rules and they bring colour into our lives through their contrarian actions.
Série Be Colourful | 2002 | Tirages numériques : 90 × 60 cm Be Colourful series | 2002 | C-print: 90 × 60 cm
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West by East 2004
Lorsque j’avais cinq ans, mon pays a vécu une importante révolution politique et sociale. Le hijab fut rapidement codifié par la Constitution. Depuis de nombreuses années, en public, dans les médias, les femmes iraniennes ont l’obligation de se couvrir selon une règle plus sévère que celle appliquée aux hommes. De la même manière, les images de femmes dans les magazines étrangers distribués en Iran sont recouvertes d’encre par les autorités chargées de protéger la population des dangers liés au corps féminin. Lorsque j’ai eu mon diplôme universitaire de photographie, je me suis intéressée à ce type de censure d’un point de vue technique et esthétique. Aujourd’hui, Internet met de l’huile sur le feu. Pour West by East, mon but était donc de porter un regard esthétique sur la censure.
When I was five my country went through a major political and social upheaval. Soon the hejab was codified in our Constitution. For many years now, whether in public or in the mass media, Iranian women have had to cover themselves according to a different legal code than men. Images of women in foreign magazines that were distributed inside Iran were also treated in the same way; this time covered with ink coming from those authorities in charge of making sure the public is protected from harms issued from the body of women. When I majored in photography in the university I paid attention to this censorship from a technical, aesthetic point of view. Today the Internet has made the issue moot. In West by East I wanted to present a look at censorship through an aesthetic evaluation.
Série West by East | 2004 | Tirages numériques : 100 × 70 cm West by East series | 2004 | C-print: 100 × 70 cm
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Ctrl + Alt + Del 2006
Elles nous ont transformées. Elles nous ont voilées. Parfois, nous nous cachons derrière elles. Parfois, nous sommes démunies face à elles. Parfois, nous fouillons parmi elles pour retrouver un amour perdu. À travers elles, nous pouvons parfois échapper au « monde réel ». Parfois, il suffit d’un clic pour nous supprimer. Elles nous ont transformées. Elles sont typiques de notre époque, de la femme d’aujourd’hui dans un monde en mutation permanente. Elles nous transforment. Elles nous organisent. Elles nous lisent et nous écrivent. « Elles », ce sont les minuscules icônes de l’ordinateur. Elles définissent la nouvelle manière de voir. Celle dont vous me voyez, moi, une femme d’aujourd’hui.
They have transformed us. They have veiled us. Sometimes we hide behind them. Sometimes we get lost before them. Sometimes we scavenge them in search of a lost love. Through them, we sometimes escape the “real world”. With one click, we sometimes get deleted. They have transformed us. They are unique to our era; to today’s woman in a fast-changing world. They transform us. They organise us. They read and write us. “They” are tiny icons on our computer. They define us the way you now see, me, a woman today.
Série Ctrl + Alt + Del | 2006 | Tirages numériques : 40 × 60 cm Ctrl + Alt + Del series | 2006 | C-print: 40 × 60 cm
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White Square 2008
Je cherchais un sujet pour ma prochaine série de photographies. Cela me préoccupait depuis longtemps. Telle est ma méthode de travail : réfléchir longtemps au sujet et à la manière dont je vois les images avant de commencer. J’entendais depuis un moment une musique à travers les murs de mon appartement. Je fredonnais machinalement : « Imagine qu’il n’y ait pas de paradis, c’est facile si tu essaies. Pas d’enfer en dessous de nous, au-dessus seulement le ciel. Imagine le monde entier, vivant le moment présent… » C’était John Lennon qui chantait ces vers sublimes. […]
I was searching for a subject for my next series of photographs. This had preoccupied me for quite some time. This is how I work: I think long and hard about the subject and the way in which I see the images before I start. For a little while I had been hearing music through the walls of my apartment. I hummed mechanically: “Imagine there’s no heaven, it’s easy if you try. No hell below us, above us only sky. Imagine all the people living for today…” It was John Lennon singing these sublime words. […]
Série White Square | 2008 | Tirages numériques : 75 × 75 cm White Square series | 2008 | C-print: 75 × 75 cm
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Nil, Nil 2008
[…] I had the feeling that I was getting close to the subject I wanted to represent in my photographs. I still hadn’t entirely grasped it. My neighbour increased the volume as if in response to my hesitation: “Imagine there’s no countries, it isn’t hard to do. Nothing to kill or die for. And no religion too. Imagine all the people living life in peace…” My heart started to beat ever faster. I had to find the images for these words. This came from inside me. I couldn’t wait any longer; I had to gather the equipment to take these photos immediately. But I couldn’t get away from the voice: “Imagine no possessions. I wonder if you can. No need for greed or hunger. A brotherhood of man. Imagine all the people sharing all the world…”
[…] J’avais le sentiment que je m’approchais du sujet que je voulais représenter dans mes photographies. Je ne le saisissais pas encore tout à fait. La voisine augmentait le volume comme en réponse à mon hésitation : « Imagine qu’il n’y ait plus de pays, ce n’est pas difficile à faire. Aucun emblème pour lequel tuer ou mourir. Et aucune religion non plus. Imagine le monde entier, vivant dans la paix… » Mon cœur battait de plus en plus fort. Je devais mettre des images sur ces paroles. Cela venait du fond de moi. Je ne pouvais plus attendre, il fallait que je rassemble le matériel pour faire les photos tout de suite. Mais je ne pouvais pas me détacher de la voix : « Imagine aucune possession. Je m’en émerveillerais si tu peux. Plus besoin d’avidité ou de famine. Une fraternité entre homme. Imagine le monde entier partageant la planète entière… »
That was what I had been saying to myself for many a year. I picked up my things and headed to the door to go to my studio. As I waited for the lift, I sang: “You may say I’m a dreamer, but I’m not the only one. I hope some day you’ll join us and the world will be as one.”
C’était ce que je me disais depuis de nombreuses années. Je pris mes affaires et me dirigeais vers la porte pour aller vers mon studio. En attendant l’ascenseur je chantais : « Tu te dis peut-être que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul. J’espère qu’un jour tu nous rejoindras et que le monde entier ne fera qu’un. »
Série Nil, Nil | 2008 | Tirages numériques : 75 × 75 cm ou 75 × 110 cm ou 110 × 75 cm Nil, Nil series | 2008 | C-print: 75 × 75 cm or 75 × 110 cm or 110 × 75 cm
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Miss Butterfly 2011
L’instinct de conservation est peut-être la pulsion la mieux partagée car sans lui, il serait impossible de continuer à vivre. Face à une telle nécessité, existe-t-il un moyen plus efficace d’emprisonner l’âme d’un homme qu’en le menaçant de mort ou en lui promettant la sécurité ? Miss Butterfly est l’histoire d’un réveil douloureux, de la prise de conscience dérangeante qu’un système social, unique garant de la sécurité, de la liberté et, à un certain degré, de l’identité de ses membres, s’est effondré. L’absence de repères et de justice annihile tout optimisme. La peur et la dégradation liées à une telle situation mènent naturellement à l’incertitude et au désespoir, puisqu’il est presque impossible de se projeter dans l’avenir sous un régime despotique. L’espoir, qui peut-être l’une des ressources psychiques les plus ancrées dans l’individu, est avec l’instinct de conservation, nécessaire à la survie et à l’évolution. Saura-t-on jamais comment la vie aurait évolué en l’absence d’espoir ? Miss Butterfly raconte comment il faut lutter par tous les moyens pour préserver l’espoir, que ce soit en endurant l’oppression et en luttant contre elle, envers et contre tous les dangers, ou bien en abandonnant ses biens et sa famille pour partir à la recherche d’une terre promise où retrouver des notions aussi essentielles que la sécurité et la confiance en l’avenir.
Self-preservation is perhaps the most collective primal instinct since it is the way to assure further sustenance; the profound need to continue existence is so strong that it should be no surprise why there is perhaps no better way to imprison a man’s soul than with either a threat to punish or a promise of security. Miss Butterfly is the story of a rude awakening, the disconcerting realisation that a social system that is the only means of justifying security, purpose and, to a degree, identity for its individuals has collapsed, no longer upholding any validity or justice and consequently diminishing all optimism. Such severe apprehension creates degradation and fear, which would naturally lead to uncertainty and hopelessness, since it is hard to plan or even imagine a future under despotism. Hope is perhaps one of the most collective primal psychic forces that self-preservation greatly depends on both for sustenance and further growth; so it is and may always remain a mystery whether or not anything would have ever evolved if void of all hope. Miss Butterfly is the painful struggle to keep hope alive by any means possible, either by enduring and fighting the oppressive condition despite all the existing risks and dangers, or by letting go of one’s home and loved ones in search of a promised land that could provide or at least create a notion of making available the very basic necessities such as security and hope for the future.
Série Miss Butterfly | 2011 | Tirages numériques : 70 × 100 cm ou 100 × 70 cm Miss Butterfly series | 2011 | C-print: 70 × 100 cm or 100 × 70 cm
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Une trop bruyante solitude Too Loud a Solitude 2015
Cette vidéo est une tranche d’instants, semblable à la photographie dans laquelle les sujets bougent. C’est l’histoire des hommes que l’on côtoie sans savoir d’où ils viennent et où ils vont. Ils marchent tout simplement. En tant qu’observateurs, nous en sommes témoins et finalement, naturellement, nous nous mettons en marche et les accompagnons.
This video is a slice of instants, similar to photography, in which the subjects move. This is the history of humans around us without any knowledge of where they come from and where they are going. They are simply walking. As observers, we are their witnesses and in the end, naturally, we start to walk and accompany them.
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Biographie et expositions Biography and exhibitions EXPOSITIONS PERSONNELLES SOLO EXHIBITIONS
1999 Golestan Gallery, Tehran, Iran Leighton House Museum, London, UK
2001
2012 The International Photo Festival, Kusadasi, Turkey
2013 Podbielsky Contemporary Gallery, Berlin, Germany Ploum’expo, Ploumagoar, France Lakeeren Gallery, Mumbai, India
Exhibition at Fnac, Paris, France
2014 SHADI GHADIRIAN Née en 1974, à Téhéran, Iran. Born in 1974, Tehran, Iran Licence en photographie, université Azad, Téhéran B.A. degree in Photography, Azad University, Tehran
Foto Galeria Lang, Zagreb, Croatia Aban Gallery, Mashhad, Iran
2002 Villa Moda, Kuwait
2015
2006 French Cultural Centre, Damascus, Syria Al-Ma’mal Foundation, Jerusalem, Palestine
2007 B21 Gallery, Dubai Photography Festival of Istanbul, Turkey
Dar Al Funoon Gallery, Kuwait « The Others Me », officine dell’Immagine Gallery, Milan, Italy
EXPOSITIONS COLLECTIVES GROUP EXHIBITIONS
1997 2008 Los Angeles County Museum of Art, California, USA Silk Road Gallery, Tehran, Iran Tasveer Gallery, Bangalore, India
2009 Aeroplastics Contemporary, Brussels, Belgium FCG Düsseldorf, Germany Co2 Gallery, Rome, Italy Baudoin Lebon Gallery, Paris, France
2010 Guild Art, Mumbai, India
2011 Queen Gallery, Toronto, Canada Silk Road Gallery, Tehran, Iran
Group Exhibition (About Children), Aria Gallery, Tehran, Iran Tehran International Documentary Photo exhibition, Tehran, Iran
1998 Sooreh International photo exhibition, Tehran, Iran Barg Gallery, Tehran, Iran
2000 « Inheritance », Leighton House Museum, London, UK Nikolaj Contemporary Art Center, Copenhagen, Denmark Ballymena Arts Festival, Northern Ireland, UK The House of World Cultures, Berlin, Germany The Iranian Women’s Studies Foundation, Worth Ryder Gallery at University of California, Berkeley, USA
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La photographie à la Bibliothèque municipale de Lyon Photography at Lyon Municipal Library Artistic photography features prominently in the collections of Lyon Municipal Library. From the first autochromes created by the Lumière brothers in 1903 to contemporary artistic approaches, the library’s works retrace the main trends in the history of photography. Among them are, for example, photographs by Nadar, August Sander, André Kertész, Brassaï, Pierre Molinier, René-Jacques, Hans Namuth, Mario Giacomelli, Agnès Varda, William Klein, Jan Saudek, Raymond Depardon, Sebastião Salgado, Bernard Plossu, Pierre de Fenoyl, James Nachtwey, Sophie Ristelhueber, Martin Parr. The French humanist movement is widely represented by hundreds of photographic prints by Willy Ronis, Robert Doisneau, Jean Dieuzaide, Édouard Boubat, Marc Riboud… These shots testify to the unbelievable creativity of twentieth- and twenty-first-century photographers. They are regularly enriched by the addition of donations and new acquisitions. By holding exhibitions supported by the entire network of libraries in Lyon, the public is offered a better insight into the wealth of the collections, and at the same time is educated about photography in all its forms.
La photographie artistique occupe une place de choix dans les collections de la Bibliothèque municipale de Lyon. Des premiers autochromes créés par les frères Lumière en 1903 aux démarches artistiques contemporaines, les œuvres conservées retracent les mouvements marquants de l’histoire de la photographie. Parmi celles-ci, nous pouvons citer les photographies de Nadar, August Sander, André Kertész, Brassaï, Pierre Molinier, RenéJacques, Hans Namuth, Mario Giacomelli, Agnès Varda, William Klein, Jan Saudek, Raymond Depardon, Sebastião Salgado, Bernard Plossu, Pierre de Fenoyl, James Nachtwey, Sophie Ristelhueber, Martin Parr. Le courant humaniste français y est largement représenté par des centaines de tirages de Willy Ronis, Robert Doisneau, Jean Dieuzaide, Édouard Boubat, Marc Riboud… Ces prises de vue témoignent de l’incroyable créativité des photographes des xxe et xxie siècles. Elles sont régulièrement enrichies par l’accueil de donations et par de nouvelles acquisitions. L’organisation d’expositions soutenue par l’ensemble du réseau des bibliothèques de Lyon offre une meilleure connaissance de la richesse des collections tout en sensibilisant le public à la photographie sous toutes ses formes.
Expositions de photographies organisées à la Bibliothèque municipale de Lyon. Commissariat Sylvie Aznavourian, BML Exhibitions of photographs held at Lyon Municipal Library. Curator: Sylvie Aznavourian, Lyon Municipal Library
Photographes Hongrois des années 1930…, BRASSAI, KERTESZ, KOLLAR… 20 janvier – 27 mars 1999
HERVÉ GUIBERT 3 février – 31 mars 1994
Les yeux brûlants – Les Arméniens 1989-2005 – ANTOINE AGOUDJIAN 13 avril – 1er juillet 2006
JEAN-BAPTISTE CARHAIX 11 avril – 27 mai 1995 YANNIG HEDEL 9 décembre 1994 – 28 janvier 1995 RENÉ BASSET 24 janvier – 16 mars 1996 LUMIÈRE AVANT LUMIÈRE 9 mars – 9 juin 1996 Pollock Painting by HANS NAMUTH… 18 juin – 24 août 1996
WILLY RONIS – Rétrospective (photographies 1926-2002) 14 mars – 15 juin 2002 Le Regard du photographe 24 novembre 2001 – 2 février 2002 JEAN DIEUZAIDE – Rétrospective 1er octobre 2004 – 4 janvier 2005
GEORGES BAGUET : 40 ans de reportage photographique (donation) 2 décembre 2006 – 24 mars 2007 La photographie n’a rien à voir… (ARIÈLE BONZON, JACQUES DAMEZ, JULIEN GUINAND, PHILIPPE PÉTREMANT) 8 novembre 2007 – 12 janvier 2008 Beauséjour inventaire – DOMINIQUE MÉRIGARD 17 mars – 4 juillet 2009
Villes – RAYMOND DEPARDON 10 octobre 2008 – 21 février 2009 Ebru – Reflet de la diversité culturelle en Turquie ATTILA DURAK (saison turque) 1er mars – 1er juillet 2010 Les autochromes LUMIÈRE et les premiers autochromistes lyonnais 15 juin – 18 août 2010 JAMES NACHTWEY 17 septembre 2010 – 15 janvier 2011 Les SUDRE. Une famille de photographes 21 octobre 2011 – 21 janvier 2012 Le Silence et L’oubli – GILLES VERNERET (donation) 6 mars – 23 juin 2012 Life’s a Beach – MARTIN PARR 14 septembre – 29 décembre 2012 À Vartan – FRÉDÉRIC-VARTAN TERZIAN (donation) 27 février – 24 avril 2014
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