Studiolo 11/2014 - Penser le faux (extrait)

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2014 11

Studiolo

revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis


2014 11

Studiolo

revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis


Studiolo 11 – 2014 directeur de la publication Éric de Chassey, directeur de l’Académie de France à Rome rédacteur en chef Annick Lemoine, chargée de mission pour l’histoire de l’art comité scientifique Laurence Bertrand Dorléac, Marisa Dalai Emiliani, Sybille Ebert-Schifferer, Catherine Goguel, Alvar González-Palacios, Yves Hersant, Bert W. Meijer, Claude Mignot, Anna Ottani Cavina, Sandra Pinto, Gérard Régnier, Steffi Roettgen, Pierre Rosenberg, Victor I. Stoichita, Henri Zerner comité de rédaction Claire Barbillon (Université Paris Ouest Nanterre), Marc Bayard (Mobilier National), Olivier Bonfait (Université de Bourgogne), Maurice Brock (CESR, Université de Tours), Luisa Capodieci (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), François Dumasy (École française de Rome), Caroline van Eck (Université de Leiden), Christoph Franck (Accademia di architettura di Mendrisio), Elena Fumagalli (Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia), Sophie Harent (musée Bonnat, Bayonne), June Hargrove (University of Maryland), Michel Hochmann (École pratique des hautes études), Dominique Jarrassé (Université de Bordeaux 3, École du Louvre), Christophe Leribault (Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris), Guitemie Maldonado (ENSBA), François-René Martin (ENSBA, École du Louvre), Maria Grazia Messina (Università degli Studi di Firenze), Christian Michel (Université de Lausanne), Patrick Michel (Université Charles de Gaulle – Lille 3), Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Pierre Pinon (CNRS), Rodolphe Rapetti (Service des musées de France), Patricia Rubin (Institute of Fine Arts, New York University), Anne Spica (Université de Metz, Institut Universitaire de France) secrétariat de rédaction Marie Caillat stagiaires Laura Montesanti, Marianne Paunet corrections Bronwyn Mahoney, Angelo Murtas, Raphaëlle Zennaro traductions Flavia Pesci, Esther Samouelian, Karen Serres conception graphique Francesco Armitti réalisé à Rome par De Luca editore © Académie de France à Rome – Villa Médicis / Rome, 2015 viale Trinità dei Monti 1 – 00187 Rome – Italie tél. (0039) 06 67 61 245 / fax. (0039) 06 67 61 207 © Somogy éditions d’art / Paris, 2015 57 rue de la Roquette – 75011 Paris – France tél. (0033) 1 48 05 70 10 / fax. (0033) 1 48 05 71 10 prix du numéro : 29 euros ISBN : 978-2-7572-0831-1 ISSN : 1635-0871 dépôt légal : mars 2015 imprimé en Italie


dossier Penser le faux 7

Éric de Chassey directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis Éditorial

11 Jacqueline Lichtenstein Introduction. Penser le faux

17 Ilaria Andreoli “Pensare il falso” : un percorso critico-bibliografico 41 Henry Keazor Aesthetics Versus Knowledge? A Re-Examination of Alfred Lessing’s “What is Wrong with a Forgery?” 53 Pascal Griener The Conflict of the Faculties. The Human Eye Versus Scientific Experience (Nineteenth and Twentieth Centuries) 65 Gabriella Prisco Due mostre e il progetto di un museo sul falso. Una storia tra Francia e Italia (1930-1955) 85 Géraldine Albers Vrai-ment-faux. Le restaurateur et les faussaires Un falso Rinascimento? 95 Elisabetta Sambo 1. Michele Lazzaroni (1863-1934), tra contraffazione e restauro 109 Loredana Lorizzo 2. Il barone Michele Lazzaroni e la scultura 121 Edward Grasman An Indispensable Eye for Art: Vitale Bloch 133 Carole Halimi Le tableau vivant : un « genre faux en soi » ? Diderot, Klossowski, Ontani

dossier / champ libre Penser le faux par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome Géraldine Kosiak (pensionnaire écrivain, 2013-2014) Agnès Chekroun (pensionnaire chorégraphe, 2013-2014) Simon de Dreuille (pensionnaire architecte, 2013-2014)


varia

informations

161 Emmanuel Lurin Paysages, documents ou vedute ? Les vues gravées d’Étienne Dupérac et leurs fonctions à Rome au XVIe siècle

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L’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, 2013

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patrimoine

189 Matthieu Somon Des bienfaits des séjours romains : la Pietà de Charles Le Brun pour le chancelier Séguier 199 Daniela del Pesco Luigi XIV e il cardinale Flavio Chigi: i segreti di un arazzo 213 Sandra Bazin-Henry Des miroirs peints italiens aux trumeaux de glace à la française : querelle de modèles dans les palais romains

Les chantiers de restauration à la Villa Médicis, 2013 L’Académie de France à Rome enrichit ses collections 259 Annick Lemoine L’opportunité d’une nouvelle acquisition : le Portrait de Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi 261 Carlo Falciani Il Ritratto di Ferdinando de’ Medici di Jacopo Zucchi a Villa Medici La collection des portraits de pensionnaires : étude et restauration

débats

265 Dario De Cesaris Il progetto “Ritratti in movimento” 267 Bénédicte Colly Restauration des portraits de pensionnaires de la Villa Médicis

231 Jean-Philippe Garric Milan comme métaphore. Les cultures architecturales sous l’Empire entre la France et l’Italie : universalisme et polarités

La collection des tirages en plâtre : étude et restauration 271 Pascale Roumégoux Étude technique de la collection des tirages en plâtre de la Villa Médicis. Chronique d’une pensionnaire restauratrice

241 Marie-Anne Dupuy-Vachey 1985-2015 – La redécouverte d’Aubin-Louis Millin

283 Alexandre Maral, Pascale Roumégoux À propos de l’Hercule de Coustou à Versailles : découverte d’un plâtre inédit à Rome

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pensionnaires historiens de l’art et restaurateurs lauréats Daniel Arasse et André Chastel colloques, journées d’étude, ateliers de recherche et dialogues d’art contemporain publications 298 300

biographies résumés


éditorial

Éric de Chassey, directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis


Studiolo 11 / éditorial / Éric de Chassey / 7

Espace ouvert aux recherches les plus actuelles, Studiolo, revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, témoigne de la place centrale qu’occupe cette discipline dans les activités de cet établissement qui célébrera bientôt son trois cent cinquantième anniversaire. Conformément à la mission instituée en 1971 qui a voulu que les historiens de l’art trouvent leur place aux côtés des créateurs, elle privilégie les travaux consacrés aux échanges, aux transferts, aux jeux d’influences qui se sont produits dans le domaine des arts entre l’Italie et les autres nations, la France en premier lieu, de la Renaissance à nos jours. La publication de textes en quatre langues (français, italien, anglais et allemand) et le choix des auteurs, venus de tous les horizons – chercheurs, universitaires, professeurs des écoles d’art, conservateurs, critiques d’art, commissaires indépendants –, reflètent une forte volonté de croiser les approches et les méthodes. Chaque livraison, annuelle, comporte un dossier, des varia, une rubrique « débats » et des informations. Le « dossier » thématique renouvelle chaque année les problématiques chères à la rédaction. La section « varia » permet de publier des recherches de tout type en rapport avec la perspective fondatrice de la revue. Les « débats » proposent des chroniques sur l’actualité de la recherche en histoire de l’art – expositions, colloques, séminaires, bases de données, ouvrages, articles. Dans sa rubrique « informations », Studiolo fait un état des lieux de la recherche franco-italienne en histoire de l’art et plus particulièrement de celle conduite à l’Académie de France. Depuis trois livraisons, la formule de la revue a été modernisée, non seulement grâce à une nouvelle maquette conçue par Francesco Armitti pour harmoniser la revue et la collection avec les autres publications de l’Académie de France à Rome, mais aussi par un enrichissement de la rubrique « informations », qui fait désormais une place importante à la présentation et à l’analyse des chantiers patrimoniaux de la Villa Médicis, avec des cas d’études proposant, en corollaire, une réflexion autour des méthodologies de gestion du patrimoine et de muséographie. Cet enrichissement passe également par des invitations aux pensionnaires historiens et théoriciens de l’art (actuels et anciens), ainsi qu’aux lauréats Arasse et Chastel, afin de les inciter à livrer un bilan de leurs recherches à l’issue de leur résidence. Studiolo 11 est à ce titre exemplaire, puisque y ont participé les anciens pensionnaires Géraldine Albers, Jean-Philippe Garric, Carole Halimi, Emmanuel Lurin, Alexandre Maral et Pascale Roumégoux, ainsi que les lauréats Arasse Sandra Bazin-Henry et Matthieu Somon, et une lauréate-stagiaire du programme de restauration des portraits de pensionnaires, mené en collaboration avec la Luigi De Cesaris Onlus, « Ritratti in movimento », Bénédicte Colly.

Pour manifester pleinement que l’histoire de l’art vivante ne peut se faire que dans la prise en compte des questions soulevées par les artistes d’aujourd’hui, et avec leurs regards souvent inédits, la rubrique « champ libre », inaugurée en 2013 (Studiolo 10), donne la parole et ouvre ses pages, pour la première fois dans Studiolo, aux pensionnaires artistes de l’Académie de France à Rome. Dans chaque numéro, ils sont invités à proposer leur propre interprétation du dossier thématique, et c’est un plaisir particulier pour nous de nous faire ainsi l’écho de cette alchimie propre à la Villa Médicis, où création contemporaine et histoire de l’art se nourrissent l’une l’autre, en retrouvant ici les créations originales de trois pensionnaires qui viennent de quitter Rome : une chorégraphe, Agnès Chekroun, un architecte, Simon de Dreuille, et une plasticienne-écrivain, Géraldine Kosiak. Ces changements sont le fruit d’une nouvelle impulsion, d’une nouvelle équipe et d’une fructueuse collaboration avec le comité de rédaction, dont je veux ici remercier tout particulièrement les membres pour leur engagement. Je veux aussi saluer chaleureusement Annick Lemoine, rédacteur en chef, qui conclut avec ce numéro de Studiolo un engagement passionné de cinq ans comme chargée de mission pour l’histoire de l’art à la Villa Médicis, ainsi que Marie Caillat, qui a assuré le secrétariat de rédaction. Penser l’histoire de l’art de façon vivante, c’est aussi revenir sur ses errements et ses revirements. Le dossier thématique consacré à la question du faux en est une magnifique occasion. De l’exercice au jeu, et du jeu au détournement, il n’y a qu’un pas. La copie, si elle est exercée dans un but comique ou satirique, peut aussi conduire au pastiche ou à la parodie. Les contrefaçons et forgeries cherchent, quant à elles, à passer pour originales et falsifient souvent style et signature. Comment la tradition artistique a-t-elle peu à peu fixé les règles de l’authenticité ? Quels rapports ont entretenus les notions d’authenticité et d’originalité au cours de l’histoire ? À quel moment l’art de faire illusion estil devenu imposture ? Ce sont quelques-unes des questions soulevées ici par des articles qui en proposent de nouvelles approches théoriques, introduites de façon magistrale par Jacqueline Lichtenstein. Si la question du faux dans l’art peut conduire à étudier le marché de l’art et les questions légales que celui-ci implique, à relater la biographie d’un faussaire, d’un expert, ou encore à reconstruire l’histoire d’un faux célèbre, l’ambition du dossier thématique de Studiolo 11 est d’ouvrir le débat autour de notions essentielles à l’historiographie de l’histoire de l’art et à la définition de l’œuvre d’art, autant du point de vue de la création que de ceux de la réception et de l’attribution.


dossier Penser le faux



Jacqueline Lichtenstein Penser le faux


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Depuis l’affaire Van Meegeren, qui éclata au lendemain de la seconde guerre mondiale, jusqu’à la récente affaire Beltracchi, les faussaires occupent de plus en plus le devant de la scène médiatique. On leur consacre des ouvrages, des films, des émissions de télévision, certains publient leur autobiographie, d’autres ont même leur site internet. Le parfum de scandale qui se dégage de toutes ces affaires qui agitent un monde de l’art de plus en plus soumis aux lois du marché joue évidemment beaucoup dans la publicité faite aujourd’hui aux faussaires. En même temps, on constate un intérêt croissant porté à la question du faux dans le monde savant. Les expositions consacrées à ce sujet se sont multipliées ces dernières décennies. Citons, entre autres, « Fakes and Forgeries », en 1973 à Minneapolis (Institute of Arts) ; « Fake? The Art of Deception », au British Museum en 1990; «Fake or Not Fake», à Bruges en 2004 (Groeningemuseum), consacrée aux primitifs flamands et qui souleva le problème de l’hyper-restauration ; l’exposition organisée par la National Gallery de Londres en 2010, « Close Examination: Fakes, Mistakes and Discoveries », où l’institution muséale se livra à une sorte d’autocritique assez courageuse sur ses propres erreurs ; ou encore l’exposition de 2012 à Ajaccio, « Vrai faux, le primitif italien était presque parfait » (Palais Fesch – musée des BeauxArts)1. Des journées d’étude et des colloques sont organisés autour de cette question2, qui est analysée par des historiens, des historiens de l’art, des juristes, des sociologues et des philosophes dont les diverses approches viennent enrichir nos connaissances et notre réflexion. Et pourtant, en dépit d’une bibliographie de plus en plus imposante, toute tentative pour donner une définition cohérente et systématique du faux en art s’expose à d’innombrables difficultés. La manière dont on définit le faux est en effet conditionnée par une certaine conception de l’art et de l’artiste qui s’est profondément modifiée au cours des siècles. C’est ainsi par exemple

que toute définition juridique actuelle du faux repose sur une définition juridique préalable de l’œuvre d’art, c’est-à-dire qu’elle implique une réponse à la question : qu’est-ce que l’art du point de vue du droit ? ce qui n’est pas sans soulever d’immenses problèmes au regard de la diversité des pratiques artistiques contemporaines. Le caractère historiquement et socialement déterminé de notre représentation du faux oblige à s’interroger sur la validité des catégories dont nous nous servons pour le penser. Nous définissons aujourd’hui le faux à l’intérieur et à partir d’un système d’oppositions : faux/copie, faux/original, faux/authentique, dont la pertinence ne va pas toujours de soi3. Tout d’abord, parce qu’un faux n’est pas nécessairement une copie ; il peut être lui-même un original. C’est le cas par exemple des faux Vermeer peints par Van Meegeren. En ce cas, « faux » ne s’oppose pas à « copie » mais à « authentique ». Mais notre conception de l’authenticité, qui s’objective pour nous dans la signature, ne permet guère de rendre compte des pratiques d’atelier ni de tous les exemples où les élèves signaient du nom de leur maître. C’est ainsi, pour ne prendre qu’un exemple dans le domaine de la sculpture et non dans celui de la peinture4, que Louis Gougenot, dans sa « Vie de Robert Le Lorrain », raconte que Le Lorrain « exécuta pour les jardins de Versailles plusieurs figures sous le nom de M. Girardon, son maître. Dans la suite, il travailla pour lui-même et il eut la satisfaction de pouvoir avouer ses ouvrages5. » Et comment pourrions-nous comprendre, avec les présupposés et les préjugés qui sont les nôtres, l’apparente désinvolture avec laquelle Caylus considère la question de l’authenticité lorsqu’il écrit : « Une copie qui aura été déterminée originale par des gens sages ou connaisseurs, est à mon sens un original ; elle est encore plus authentique quand elle aura été jugée telle par des peintres6. » On retrouve la même idée chez François Bernard Lépicié, qui n’hésite pas à écrire dans son Catalogue raisonné des tableaux du


Ilaria Andreoli “Pensare il falso�: un percorso critico-bibliografico


Guy Isnard durante l’allestimento della mostra « Le Faux dans l’Art et dans l’Histoire », Parigi, Galeries Nationales du Grand Palais (17 giugno – 16 luglio 1955).

People believe, what they wanna believe. The guy who made this, was so good. That it’s real. To everybody. Now, who is the Master? The Painter... or the Forger? […] This is the way, the world works. Not, black and white. Like you were saying. Extremely, grey. American Hustle1 Negli ultimi anni le questioni legate all’autenticità, materiale e concettuale, e alla falsificazione delle opere d’arte hanno suscitato un sempre maggior interesse sia nel mondo degli specialisti, del mercato come dell’accademia, che sulla stampa generalista. Le nuove tecnologie determinano oggi un rapporto all’opera d’arte di natura profondamente iconoclasta: a causa della sua molteplicità, della moltitudine delle sue fonti e del suo carattere effimero, la riproduzione digitale la sottrae al suo legame con un solo tempo e un solo luogo d’origine, alla certificazione dell’attribuzione, alla fissazione nella memoria, alla mitizazzione del suo autore, persino alla necessità stessa dell’originalità e, di conseguenza, al suo eventuale plusvalore economico. Inoltre, a causa della sua natura virtuale, l’immagine riapre e riattualizza la questione a lungo dibattuta dello statuto dell’opera d’arte. Con Duchamp, essa ha dovuto rinunciare al suo ruolo d’icona chiamata a registrare una rappresentazione. Il postulato che è lo spettatore a fare il quadro, e l’intenzione o la situazione a fare l’opera, hanno liberato la pratica artistica dalle costrizioni entro cui era esercitata nel passato. Ne è conseguita una sorta di tabula rasa: l’abolizione di tutte le gerarchie, dei generi, dei soggetti, delle tecniche, delle forme e dei luoghi d’espressione, delle reti di diffusione. Le reazioni degli artisti a questo postulato, estreme nelle loro contraddizioni, hanno fatto la storia dell’arte del XX secolo: svalutazione dell’oggetto a profitto del gesto, poi ritorno alla tradizione, in un’alternanza ritmica che

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farebbe pensare che la creazione artistica si estingua per meglio rinascere dalle sue ceneri e che s’inscriva in un ciclo la cui rotazione si sia semplicemente accelerata. Uno degli effetti dell’eredità di Duchamp è tuttavia il questionamento del valore di prestigio dell’opera concettuale, destinato a provocare lesioni durevoli al credito dell’arte contemporanea. È senza dubbio proporzionalmente a questa insicurezza, nutrita dalla fragilità e precarietà delle tecniche sperimentali tramite cui questi artisti si esprimono, che il mercato dell’arte ha conosciuto, dalla fine degli anni Sessanta, una tale crescita. Parallelamente, direttamente connesso al continuo aggravarsi della crisi economica, esso è diventato sempre di più un abile procacciatore di beni-rifugio su cui investire. Da questo punto di vista, la reazione in atto dopo le esuberanze degli ultimi decenni, si presenta come una rivincita della tradizione e un ritorno della tecnica poiché, antichi, moderni o contemporanei, sono soprattutto e in più larga parte i quadri a raggiungere quotazioni mai viste. L’investimento, però, può essere tale solamente a condizione che il valore dell’oggetto sia garantito e, nonostante gli straordinari progressi delle tecnologie d’investigazione, esse forniscono solamente delle analisi i cui risultati devono essere letti e interpretati dalla scienza, dall’esperienza e, soprattutto, dall’occhio di quel panofskiano “storico dell’arte laconico” che è il conoscitore. La sopravvivenza del mercato dell’arte ai cambiamenti sociali ed economici epocali rivela inoltre la natura complessa della motivazione individuale e collettiva dell’atto di acquisto di un’opera d’arte, che non è motivato solamente da semplici motivi d’investimento, ma rappresenta una spesa per così dire “improduttiva”, di natura simbolica. Ciò che si acquista tramite questa transazione non è l’oggetto ma lo status sociale, il prestigio e, per così dire, lo scongiuro apotropaico dell’annientamento grazie al sacrificio della ricchezza. Si tratta dunque di uno scambio d’ordine simbolico: quello che conta è l’efficacità del sacrificio finanziario, e non l’opera


Henry Keazor Aesthetics Versus Knowledge? A Re-Examination of Alfred Lessing’s “What is Wrong with a Forgery?”

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Han van Meegeren (Vermeer forgery), Christ and the Disciples at Emmaus, 1937, Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen. Michelangelo Merisi da Caravaggio, The Supper at Emmaus, 1606, Milan, Pinacoteca di Brera.

It was interesting to see how not only the prices, but also the aesthetic appreciation of several paintings, formerly attributed to a painter like Heinrich Campendonk, toppled and plummeted when they were uncovered as works of the German art forger Wolfgang Beltracchi in 2008. Whereas the pictures before fetched prices up to five million euros, the identical canvases were thereafter considered as worthless. Contrary to the praise they had formerly received as masterpieces and even as “key works of modernity”1 some now judge them as badly painted, “relatively flat” and “amateurish copies”.2 Given this abrupt change, it does not come as a surprise that the painter of the forgeries, Beltracchi, should feel irritated by this inversion, especially since, following his exposure, such judgements are prone to damage his reputation as a “real” and “good” painter. Beltracchi therefore tried to turn the tables by accusing the experts, who had voiced such verdicts, as incompetent: How can they be real experts if they change their minds so quickly? Either they have looked at the paintings before only in very cursory way and hence they can be blamed for their superficiality and neglect – or they did look well at the paintings but are fickle and inconstant in their conclusions.3 What Beltracchi overlooks in this case, however, is the fact that this is something that has not happened exclusively to him. Art forgers such as Han van Meegeren (1889–1947) or Elmyr de Hory (c. 1906– 1976) for example, also experienced similar shifts in the assessments of their fakes after they had been reveled.4 Hence, it does not seem to have to do with individual experts and their weaknesses, but rather with something that is intrinsic to the way a work of art is seen before and after it has been exposed as a forgery. But how can we explain this? What is it that makes such a dramatic shift from the praise of a work of art to its contempt possible? How do we have to conceive and think of the notion of the fake in such cases?

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Exactly these questions are at the heart of Alfred Lessing’s seminal article “What is Wrong with a Forgery?”,5 published for the first time in 1965.6 Interestingly enough, the philosopher hereby uses the case of Han van Meegeren’s Vermeer forgeries as examples to illustrate his thoughts.7 In his text, Lessing begins by dissecting the notions used in the question “What is wrong with a forgery?” and states that obviously the phenomenon of the “forgery” can be only “wrong” if it is opposed on the other side of the spectrum by something that is “good” because it is “genuine” and “original”. Already the words “good” and “bad” here clearly signal another of Lessing’s conclusions: “When thus defined there can be little doubt that the concept of forgery is a normative one”,8 meaning that certain positive values are assigned by us to “original” and “genuine” works of art while we deny the bestowing of the same values to forgeries. Lessing then tries to spot what value we are exactly speaking of and, (apparently) given that we are here dealing with works of art, he (as it seems) deduces that it must be the aesthetic value that matters here. However, Lessing disguises such a presupposition by assigning its importance in this context to the general public and its “assumptions” when he writes: “It appears to be generally assumed that in the case of artistic forgeries we are dealing with the absence or negation of aesthetic value. If this were so, a forgery would be an aesthetically inferior work of art.”9 This, as it seems, would then explain the sudden change of fate in the evaluation of the artworks described above: as long as they are believed to be “genuine” they are praised because of their aesthetic value. As soon as they are unmasked as forgeries however, they are disdained because, as it turns out, they are now lacking this “aesthetic value”. However, Lessing aims at surprising the reader when he then adds to this apparently comfortable analysis


Pascal Griener The Conflict of the Faculties. The Human Eye Versus Scientific Experience (Nineteenth and Twentieth Centuries)


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Wilhelm Marstrand, Portrait of the Danish Art Historian Niels Laurits Hoyen, oil on canvas, 1868, Copenhagen, Statens Museum for Kunst.

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At the end of the nineteenth century, a number of major connoisseurs embarked on a significant undertaking: they hoped to present their practice as a science. And that science would bring to bear the full weight of authority on the visual judgment passed on any Old Master painting, through the infallible evaluation of its date, its school and its authenticity, as well as of its autographic character. The moment seemed to be appropriate, since during the same period some well-known scientists were discovering successful methods to assess the material components of art works. Yet because the most flamboyant connoisseurs refused to relinquish their absolute power on the process of expertise, the authentication of Old Masters never became an integrated examination, in which optic analysis and material proof could mutually corroborate their findings. Sometimes, but alas all too rarely, art history can offer a genuine source of comic entertainment. Such was the case this year, when it was announced that a consortium of dealers was presenting a new version of Leonardo’s Gioconda, the so-called Isleworth Mona Lisa, which, according to the most recent purportedly scientific analyses carried out by the ETH in Zurich, is by the master – no doubt another, possibly earlier version of the famous portrait.1 Strangely enough, this picture is painted on canvas and not on wood, unlike all the other known works by Leonardo.2 The expertise process was characteristically divided up into two parts. First, a material analysis of the pigments and of the canvas secured an appropriate date (late fifteenth century, beginning of the sixteenth century). A second, separate expert opinion was requested from an “expert in sacred geometry” [sic], a certain Mr Alfonso Rubino, who came to the opportune conclusion that only the master himself could have produced a composition so entirely determined by the strictest rules of geometry and sacred harmony. Here we recognize the now tried and tested strategy which consists of dividing and then parcelling

up the expertise of an art work, assigning the various parts to different and well selected actors. Here, a serious but routine analysis of the materials is combined with a most nebulous theory of artistic geometry, but one which is intended to carry alone the absolute proof of autography. That such dubious practices should survive in our century is clear from this and other evidence, and well known, albeit difficult to believe, and I should here like to reflect on this one simple question: why has connoisseurship failed for so long to benefit from the dramatic progress of science that took place over the nineteenth century? As Ian Hacking has taught us, the history of many sciences is tortuous, and sometimes even errant.3 At the end of the nineteenth century, art history slowly emerged as an academic discipline, first in German universities, and later in the rest of Europe.4 This new status furthered a strong ambition for scientificity. While connoisseurs like Théophile Thoré-Bürger – certainly one of the best eyes of the time – or Niels Laurits Hoyen relied on engravings or their prodigious memory to store their knowledge on works of art [fig. 1],5 their successors proudly displayed their technical apparatus – Giovanni Morelli extolled the virtues of palaeontology as a model for his new connoisseurship and Wilhelm Bode underlined the importance of railways that enabled the connoisseur to travel the world and see almost all the known works of a single artist.6 Before long, the artwork would belong to the laboratory. Aby Warburg spent fortunes on cameras, while Cornelis Hofstede de Groot and Bernard Berenson lavished enormous sums on photographs, not to mention Heinrich Wölfflin’s twin slide projectors, which dramatized the comparison between two paintings in the darkness of a classroom.7 As for the technical analysis of artworks, it was to know spectacular progress [fig. 2]. As early as 1834, a microscope was used to observe the structure of a painting. In 1887 Adolf Wilhelm Keim


Gabriella Prisco Due mostre e il progetto di un museo sul falso. Una storia tra Francia e Italia (1930-1955)

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Guy Isnard (a cura di), Musée des faux artistiques, catalogo della mostra, Parigi, 1954.

L’équivoque de notre relation avec la création artistique, ce n’est pas le théoricien qui la révèle : c’est le faussaire André Malraux, Les voix du silence, Parigi, 19511

I Salons des “flics” e le mostre sul falso In un breve articolo del 1955 Cesare Brandi recensiva, in modo polemico e sferzante, una mostra sul falso, inaugurata nell’ambito del Salon dei “flics” di Parigi2 [fig. p. 16-17] [doc. 1]. Si trattava di un evento imponente, ospitato in diciassette sale del Grand Palais3 [doc. 2], all’interno di una più ampia manifestazione, giunta ormai alla sua terza edizione, ossia l’annuale Salon international de la Police4. Questo, nato nel 1953 per iniziativa dell’Amicale Nationale des Policiers ACDIPR5 come esposizione delle opere dei “poliziotti artisti”, si era arricchito, fin dall’anno successivo, di una piccola sezione dedicata alle contraffazioni [fig. 1]; il pubblico aveva in quella occasione avuto la possibilità di assistere anche alla proiezione del documentario J’ai peint des Vermeer, che ripercorreva la storia, ancora molto attuale all’epoca, del falsario Van Meegeren6. La mostra del 1955 costituiva un salto di qualità rispetto alla precedente, non solo per la sede prescelta e per le accresciute dimensioni, ma per la collaborazione all’organizzazione della Préfecture de Paris; ciò trovava la sua ragion d’essere nel ruolo giocato dalla prefettura, in collaborazione con la Sûreté Nationale e con l’Interpol, nel perseguimento e nello smascheramento dei falsi, sia monetari sia artistici, con l’ausilio di indagini scientifiche all’epoca ritenute all’avanguardia. Fin dal 1929, la lotta ai falsari da parte della polizia giudiziaria era salita alla ribalta della cronaca, a causa dell’eclatante assassinio del giudice della polizia scientifica Bayle7, autore fra l’altro di una controversa perizia sui rinvenimenti “preistorici” di Glozel8. Come già nell’edizione dell’anno precedente, in quella del 1955 alla sezione sul falso ne venne affiancata,

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con esiti stridenti, un’altra, in cui trovavano collocazione le opere originali prodotte dai poliziotti, nella tradizione del più puro dopolavorismo. Tuttavia, nella particolare enfasi data all’edizione del Grand Palais, si coglie la necessità di restituire un’immagine allo stesso tempo professionale e umana delle forze dell’ordine, in coincidenza con gli inizi della guerra franco-algerina e all’indomani dei numerosi arresti di manifestanti dopo gli scontri del primo maggio 19559. Il catalogo, infatti, si apre con il proposito esplicito del presidente dell’Amicale Léon Theus di riaffermare il prestigio della polizia in un’epoca in cui è ingiustamente denigrata, seguito dall’auspicio di Marcel Sicot10: “Dans le tourbillon où se débat notre génération, puisse cette manifestation originale projeter quelque clarté sur les esprits troublés qui ont tant de peine à discerner le vrai du faux !”. A questi interventi fa seguito una pletora di brevi scritti, in cui alle riflessioni sul concetto di falso – tra cui spiccano quelle, acute e poetiche, di Jean Cocteau – si alternano quelle di Marcel Brion e Albert Sarraut sull’umanità del poliziotto pittore della domenica; anche molti intellettuali francesi – che il conflitto franco-algerino vide schierati su fronti opposti11 – vennero dunque chiamati, nell’occasione, a dare manforte a questa operazione di immagine [doc. 3]. La sezione sul falso era a sua volta suddivisa in “Le Faux dans l’Art” e “Le Faux dans l’Histoire”. Nella prima, corsivamente allestita “[…] con i quadrucci e i cartellini appuntati in pittoresco disordine sulla telajuta”12, alle molte opere autentiche ne erano affiancate altre, riconosciute come contraffazioni; il pubblico ne veniva informato, il più delle volte, tramite una semplice didascalia, con la secca dicitura vrai o faux; in altri casi, però, veniva sfidato, in una sorta di gioco con soluzione finale, a pronunciarsi sulla loro autenticità13. A questa modalità di giudizio, che rimandava implicitamente all’infallibilità – e all’arbitrio – dell’occhio del connaisseur, se ne contrapponeva, sia pure in modo discontinuo, un’altra che prevedeva, accanto ai manufatti, l’esposizione dei


GĂŠraldine Albers Vrai-ment-faux. Le restaurateur et les faussaires

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1a Francesco Salviati (attr.), Portrait de femme en Diane, château d’Anet, avant restauration. 1b Détail du même tableau après restauration.

Le restaurateur est confronté par essence aux limites entre le vrai et le faux, ceci parce que les œuvres ne requièrent pas toutes le même type d’intervention, ou des interventions de même ampleur, mais aussi parce qu’on ne « restaure » pas toujours les œuvres avec la même intégrité. L’œuvre est parfois endommagée en partie seulement. C’est le cas du Portrait de femme en Diane du château d’Anet [fig. 1a-b] (attribué à Salviati par Catherine Monbeig Goguel1), dont le support en ardoise était brisé en deux ; la cassure a été comblée progressivement par le restaurateur qui a recollé, mastiqué et enfin retouché l’œuvre uniquement dans les parties lacunaires. Dans ce cas, le restaurateur a fait son travail. Il existe aussi des tableaux très altérés qui demanderaient de réaliser bien plus de retouches, mais l’ampleur des lacunes n’oblige pas pour autant le restaurateur à inventer de grandes plages manquantes si la plupart des éléments iconographiques et esthétiques sont présents. En revanche, certains restaurateurs peuvent être amenés à rendre un tableau plus conforme au goût du moment afin de faire monter son prix à la revente. C’était surtout le cas au XIXe siècle : les restaurateurs remaniaient, retouchaient, inventaient, interprétaient, ajoutaient des éléments. Ainsi restaurés au cours des âges, les tableaux anciens ne nous apparaissent pas toujours comme ils devraient être : il arrive par exemple souvent que certains éléments susceptibles de froisser le regard aient été cachés ou repeints. La laideur se vendant mal, les formes des visages étaient parfois adoucies, en particulier ceux des Madones. Autrefois, les retouches sur un tableau peint à l’huile étaient exécutées le plus souvent avec le même médium. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : les produits utilisés doivent être différents de la peinture originelle et réversibles, pour des raisons de déontologie. À l’inverse un faussaire qui veut réaliser un tableau à la manière d’un maître cherche à tout prix à utiliser des techniques et des matériaux semblables. Aujourd’hui, le restaurateur ne doit pas chercher à tromper ; il ajuste, s’adapte suivant

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les tableaux. Son travail est long, fait de reprises successives des lacunes, permettant ainsi de restituer visuellement le tableau d’origine. Les retouches dites neutres, a minima ou a tratteggio2, consistent à recréer le ton et le modelé désirés par la juxtaposition de traits verticaux très fins de couleurs pures ; de près, la retouche reste identifiable comme telle. En revanche, pour obtenir une restauration illusionniste on utilise la technique du pointillisme (petits points). Précisons que la matière de l’œuvre est traitée par les actes de conservation – consolidation, refixage, nettoyage, dévernissage –, qui ne doivent rien ajouter à l’œuvre, autrement dit à l’image. Le faux dans le code civil L’article 1110 du Code civil, qui régit les contrats de vente d’œuvres d’art, explore la notion d’authenticité et définit dans quels cas l’absence de celle-ci constitue une erreur importante ou substantielle, pouvant entraîner la nullité de la vente. L’authenticité est fille de son temps, ce qui nous enjoint de respecter la gageure de la voir en perpétuelle redéfinition, mais le droit a fixé un certain nombre de règles la concernant. Quand des parties achètent ou vendent une œuvre d’art, l’authenticité est automatiquement reconnue comme un élément fondateur de leur consentement, à tel point que lorsqu’il y a un doute sérieux sur cette authenticité, la vente peut être annulée. Selon la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, pour affirmer la volonté de tromper, il faut constater la présence d’une signature apocryphe. Pour qu’une affaire de faux soit caractérisée, il faut aussi nécessairement qu’un historien de l’art, un expert ou bien un restaurateur soit en charge de l’authentification de l’œuvre. L’exercice est d’autant plus difficile qu’il nécessite le respect scrupuleux d’une charte (le décret du 10 juin 19673) déterminant les types d’œuvres (tableaux, dessins, aquarelles, etc.) uniques par vocation. C’est donc uniquement au sein de cet ensemble que l’on peut rencontrer des copies ou bien des faux4.


Loredana Lorizzo Un falso Rinascimento? 2. Il barone Michele Lazzaroni e la scultura


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Sensibile alle tendenze culturali europee e frequentatore dei circoli più esclusivi della Belle Epoque, il barone Michele Lazzaroni fu “banchiere, industriale, sportsman, uomo di mondo, filantropo conosciutissimo”, secondo la calzante descrizione che ne offrì Nello Quilici nel 19351. Collezionista e mercante ben inserito già dalla fine dell’Ottocento nell’ambiente dell’aristocrazia romana di nuova generazione2, il giovane e brillante barone nutriva un sincero quanto poco noto interesse per la scultura – che amava senza preclusioni di sorta per epoca e materiali. Dalla statuaria antica al Medioevo, dal Rinascimento al Barocco maturo al contemporaneo, dal bronzo al marmo al più umile legno, l’attenzione per la seconda delle arti matura in lui anche alla luce delle dinamiche mercantili e del rinnovato interesse dei collezionisti europei e americani per gli scultori del Rinascimento3. Lazzaroni, che del mercato dell’arte del primo Novecento fu uno dei principali protagonisti, non era da considerarsi secondo a nessuno nella conduzione degli affari e la scultura si prestava, forse più audacemente della pittura, ad attente operazioni di restyling, nonché a vere e proprie falsificazioni. Ricostruire la collezione del barone e definire l’entità dei traffici operati tra Roma, Nizza e Parigi, luoghi privilegiati della sua residenza e crocevia del mercato internazionale, si rivela operazione assai complessa, quanto più difficile è rintracciare le opere che furono di sua proprietà. A differenza della vasta raccolta pittorica, di cui il fondo posseduto da Federico Zeri testimonia la ricchezza e varietà attraverso un nutrito numero di fotografie, il patrimonio scultoreo può essere rintracciato solo incrociando pochi dati certi, forniti dai carteggi rinvenuti, dagli articoli apparsi sulle principali riviste di storia dell’arte e dai cataloghi d’asta, grazie ai quali si può tracciare la dispersione della vasta collezione. A queste notizie si può aggiungere il fortunato ritrovamento di un nucleo d’immagini di sculture a lui appartenute, conservate nell’Archivio Storico Fotografico del Dipartimento

di Storia dell’Arte e dello Spettacolo dell’Università Sapienza, probabilmente donate dallo stesso Lazzaroni ad Adolfo Venturi, studioso con il quale strinse un legame di deferente amicizia nei primi anni del Novecento. Le lettere inviate da Lazzaroni a Venturi per più di un trentennio, conservate presso la Scuola Normale Superiore di Pisa, sono la chiara testimonianza di un rapporto fondato sulla reciproca stima e sull’esigenza del barone di proporre all’occhio esperto del docente le opere d’arte che via via andava recuperando, in primis per soddisfare la propria curiosità intellettuale. Sottoponendole al severo giudizio di colui il quale a buon diritto era ritenuto il padre della nascente disciplina storico artistica, Lazzaroni intendeva inoltre accreditare le opere per immetterle nel circuito mercantile, forte dell’expertise che Venturi era sollecitato a vergare sul retro delle fotografie che, instancabilmente, gli erano inviate. Tra i molti riferimenti ai dipinti, già sottolineati da Elisabetta Sambo, emergono accenni a sculture sottoposte all’analisi, non solo per via fotografica. È del 21 maggio 1903 una lettera nella quale Lazzaroni ringrazia il professore per le ricerche che sta conducendo su di un “bronzo” che il mercante aveva avuto cura di fargli recapitare a casa4. Il mese successivo il barone si preoccuperà di far ritirare la scultura da un suo impiegato di fiducia5; l’anno dopo, il 10 giugno 1904, scriverà da Parigi a Venturi, in procinto di arrivare nella capitale francese per assistere alla grande mostra sui Primitifs français organizzata da Henri Bouchot nelle sedi del Louvre e della Bibliothèque nationale, con la rassicurazione di prodigarsi in ogni modo per rendergli più gradito il soggiorno e con la preghiera di informarlo se “l’articolo ch’ella mi promise di scrivere sull’Arte, concernente il mio bustino di ragazzo farà parte del prossimo numero”6. Tenendo fede ai patti, la piccola scultura bronzea di un ragazzo ritratto con la bocca spalancata e i denti bene in vista, come a voler emettere un grido ferino, fu


Carole Halimi Le tableau vivant, un ÂŤ genre faux en soi Âť ? Diderot, Klossowski, Ontani


Studiolo 11 / dossier / 133

Dans La Révocation de l’édit de Nantes, Pierre Klossowski, par la voix de son personnage Octave, parle du tableau vivant comme d’un « genre faux en soi1 ». Il ajoute que celui-ci était « fort à la mode » à l’époque du peintre fictif que collectionne Octave, le fameux Frédéric Tonnerre, prétendument disciple d’Ingres et de Courbet. De fait, le tableau vivant trouve un regain d’intérêt dans la seconde moitié du XIXe siècle tandis qu’il s’était affirmé comme genre indépendant, mais issu du théâtre, au milieu du XVIIIe siècle. Dès le début, le faux représente une menace en même temps qu’une attraction dans le registre ambigu exploité par le tableau vivant, alternant entre l’hommage et la satire de l’œuvre imitée. En effet, le tableau vivant procède par imitation mais au lieu de se fonder sur la nature, cette imitation se fonde d’emblée sur l’art ou plus largement sur l’image, fût-elle mentale. Loin de s’appuyer systématiquement sur des œuvres existantes, le tableau vivant peut, à cette époque, se référer à un épisode de la mythologie, de l’histoire religieuse ou profane, ou encore à un récit. Plus largement, il est censé évoquer au moyen de corps vivants l’imaginaire du tableau ou de la sculpture, sans avoir toujours de références précises à l’appui. En revanche, il engage toujours un jeu avec le spectateur, qui consiste à retrouver une référence, spécifique ou générique, dans le nouvel agencement que présentent les corps vivants ou photographiés. Le tableau vivant implique par conséquent deux registres, celui de la théâtralité dans le jeu entretenu avec le spectateur, mais aussi celui du simulacre, impliquant un mode détourné de l’imitation et un travestissement de l’apparence des corps. Ces deux aspects conduisent-ils le tableau vivant à demeurer ce « genre faux en soi » évoqué par Klossowski? Dans son article «Diderot, Brecht, Eisenstein2 », Roland Barthes a tracé les étapes de l’histoire du tableau comme dispositif de représentation. Cet article s’étant avéré fondateur dans notre réflexion sur le tableau

vivant3, c’est en écho à son titre qu’intervient le nôtre, en toute humilité néanmoins, et en le déplaçant, depuis le même point de départ Diderot vers les œuvres de Pierre Klossowski et de Luigi Ontani. Partant de cette nouvelle trajectoire, de nouvelles questions seront posées : comment le tableau vivant donne-t-il matière à « penser le faux » ? En quel sens renouvelle-t-il et questionne-t-il la tradition de l’imitation ? Une imitation chargée de vérité : le tableau selon Diderot C’est à une représentation des Noces d’Arlequin, une pièce jouée sur la scène de la Comédie italienne à Paris et montée par l’Italien Charles-Antoine Bertinazzi dit Carlin, que l’on attribue l’invention du procédé consistant à imiter au moyen de corps vivants, en l’occurrence ceux d’acteurs sur une scène, une composition picturale connue4. En effet, en 1761, à la fin de la représentation, les acteurs reproduisent la toile alors très connue de Greuze, L’Accordée de village. L’invention rencontrant un vif succès, elle ne tarde pas à être employée pour d’autres représentations théâtrales, tandis que parallèlement, le procédé devient un genre autonome, émancipé du cadre de la narration théâtrale, pratiqué par les sociétés aristocrates comme divertissement de bon ton5. Si l’on se rapporte aux élogieux commentaires de Diderot sur la toile de Greuze, présentée au Salon de 1761, il apparaît que l’harmonie qu’il y décèle tient à l’agencement des figures, qui sait reproduire, tout en respectant un principe de composition, une impression de vie, et surtout de vérité. « Comme elles s’enchaînent toutes ! Comme elles vont en ondoyant et en pyramidant ! Je me moque de ces conditions ; cependant quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent6. »


dossier / champ libre



Géraldine Kosiak pensionnaire écrivain 2013-2014

Le Géant de Cardiff, 2014


En 1867, le fabriquant de cigares George Hull fait réaliser un géant de gypse haut de trois mètres. Après l’avoir enterré deux ans à Cardiff (État de New York), dans la propriété d’un parent éloigné, la sculpture est découverte de façon “miraculeuse” par des puisatiers le 5 octobre 1869. William C. Newell, le fermier propriétaire du terrain, installe immédiatement une tente au-dessus du géant pétrifié et demande 50 cents aux visiteurs qui se pressent pour admirer “le Géant de Cardiff”. Une polémique s’élève aussitôt sur l’origine du vestige, les uns affirmant qu’il est l’un des géants cités dans la Bible, et d’autres pensant qu’il est une statue, faite naguère par un jésuite pour impressionner les Amérindiens locaux.Très vite des investisseurs sentant le bon filon, achètent pour 37 500 dollars les trois quarts des droits de la pseudo-découverte, afin de l’exposer dans des villes plus importantes et d’augmenter le nombre de visiteurs. Le géant attire des milliers de badauds, dont le paléontologue Othniel C. Marsh, qui s’aperçoit de la supercherie et le fait savoir. L’aveu de George Hull racontant que l’idée du géant lui est venue suite à une altercation avec un révérend créationniste dont il a voulu se jouer et la démonstration scientifique, objective, rationnelle de Marsh pour prouver que la statue est un faux n’empêcheront pas la foule de continuer à s’empresser autour du géant. L’entrepreneur de spectacles Phineas Taylor Barnum, intéressé par le phénomène, propose, pour une tournée de trois mois à travers le pays, 60 000 dollars de location aux propriétaires. Devant leur refus, Barnum en fait sculpter une réplique. Hull et Newell veulent intenter un procès pour plagiat, mais renoncent à toute poursuite car la justice leur demande de prouver d’abord… l’authenticité de leur propre géant. On raconte que lorsque les deux Géants de Cardiff se retrouvèrent exposés en même temps à New York, le “faux” faux fit davantage courir les foules que le “vrai” faux.


Simon de Dreuille avec Elsa Leguévaques pensionnaire architecte 2013-2014

Il piccolo palazzaccio, 2014. sources porte : portail mineur du Gesù Nuovo, Naples, XVIe siècle ; bossage : Giambattista Piranesi, Schemata Emissarii Lacus Albani, eau-forte, avant 1761, dans De romanorum magnificentia et architectura. Della magnificenza ed architettura de’ romani…, Rome, 1761 ; voiture : Fiat Panda 4 × 4 ; agave : Goulu & Rensonnette, Adam après le péché, gravure au burin sur acier, d’après Flatters, 1863, dans John Milton, Le Paradis perdu, François-René de Chateaubriand (trad. fr.) Paris, 1855.




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Emmanuel Lurin Paysages, documents ou vedute ? Les vues gravées d’Étienne Dupérac et leurs fonctions à Rome au XVIe siècle

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Anonyme, Vue de Rome depuis les toits du palais de la Chancellerie, plume et encre brune, 1567, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana. Anonyme, Vue du Ponte San Rocco à Tivoli, plume et encre brune, 1568, Londres, The British Museum. Michiel Gast, Vue de la Porta Latina, eau-forte en partie repassée à l’encre, vers 1540 (?), Fossombrone, Biblioteca civica Passionei.


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Rome, le 9 août 1567 : du haut des toits du palais de la Chancellerie, un dessinateur étranger trace à la plume l’une des vues les plus remarquables du XVIe siècle romain1 [fig. 1]. Scrutant du regard l’agglomération urbaine en direction de l’est, l’artiste s’attache à reproduire le spectacle mouvant et un peu confus des toitures qui se succèdent, sans discontinuer, du quartier de San Damaso aux premiers jardins du Quirinal. L’architecture vernaculaire ne semble pas moins l’intéresser que celle des palais et des églises dont les silhouettes viennent se fondre dans une composition très simple aux allures de panorama2. Car l’intention n’est pas ici de composer un paysage, mais de retranscrire par le dessin les données les plus exactes d’une expérience visuelle dont on aimerait aussi savoir si elle fut provoquée, ou bien vécue de manière fortuite. Notre dessinateur, une fois son travail achevé, aura également soin d’authentifier la vue en notant de sa main, avec une précision presque notariale3, le lieu et la date de réalisation sur un cartellino agrafé à la feuille (« Faict a Roma du mois daoust le 9e jour 1567 »)4. Quatre siècles plus tard, cette vue de Rome devait retenir l’attention de Thomas Ashby, qui en fit l’acquisition avant de la publier en 1924 sous le nom d’Étienne Dupérac5. L’artiste français n’a pourtant jamais eu ce trait nerveux, ni cette capacité à jouer subtilement des valeurs lumineuses pour mieux camper l’architecture dans l’espace6. Les mêmes qualités se retrouvent en revanche sur une jolie vue de Tivoli, conçue à la manière d’un paysage, mais qui est annotée de la même façon et semble avoir été dessinée sur les lieux7 [fig. 2]. On peut penser que les deux feuilles sont l’œuvre d’un même peintre voyageur, originaire de France ou bien des Pays-Bas du Sud, qui semble avoir été aussi à l’aise dans l’art du paysage italianisant que dans le genre, encore balbutiant à cette époque, de la veduta.

De la difficulté de voir et de représenter « Rome » Combien de vues urbaines, de la qualité du dessin de la collection Ashby, ont vraiment été dessinées à Rome à la Renaissance ? Non pas des vues isolées de monuments, qui n’offrent jamais qu’un coup d’œil sur la ville, ni des paysages romains comme en ont dessinés tant d’artistes, mais bien des vues topographiques qui embrassent largement la ville et qui visent, dans l’écriture, une forme d’exactitude visuelle ? Il est encore rare, à cette époque, que Rome soit décrite pour elle-même, en tant qu’agglomération, et non sous l’angle de l’architecture monumentale et des vestiges antiques. Les artistes « flamands » se sont montrés particulièrement sensibles, il est vrai, à la topographie romaine, dont ils ont marqué parfois les principaux repères jusque dans leurs carnets de dessins d’après l’antique8. Dans leur pratique du paysage, ils se sont même beaucoup approchés des védutistes du XVIIIe siècle lorsqu’ils ont pris pour sujet les portes de la ville, les places publiques ou encore les bâtiments riverains du Tibre, autant d’espaces découverts à partir desquels ils ont pu aborder l’agglomération dans des vues partielles9 [fig. 3]. Plus rares sont les artistes, même parmi les Flamands, qui ont entrepris de dessiner Rome de l’intérieur, soit depuis les quartiers bas et densément peuplés de la boucle du Tibre dont l’habitat serré contrastait très fortement, au XVIe siècle, avec le territoire plus clairsemé de l’ancienne ville. Le paysagiste Hendrick van Cleef s’y est certainement essayé vers 1550 lors d’un bref séjour en Italie10 : les vues urbaines qu’il a publiées chez Philippe Galle, de nombreuses années après son retour à Anvers11, s’appuient en effet sur des observations précises, sans doute effectuées depuis les toits ou les clochers du centre de Rome. Comme il l’indique lui-même dans sa vue de Santa Maria Rotonda12 [fig. 4], le dôme du Panthéon était


Matthieu Somon Des bienfaits des séjours romains : la Pietà de Charles Le Brun pour le chancelier Séguier

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Charles Le Brun, Pietà, huile sur toile, v. 1645, Paris, musée du Louvre. Nicolas Poussin, Lamentation sur le Christ mort, huile sur toile, v. 1626-1629, Munich, Alte Pinakothek.

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Un romanisme choisi et convenant En dépit de sa beauté, la grande Pietà [fig. 1] que peint Le Brun vers 1645 pour Pierre Séguier1 a bien peu suscité l’attention des auteurs. L’italie habite en quelque sorte cette toile exécutée à Rome par le jeune protégé du chancelier Séguier. Grâce à la libéralité du plus grand homme d’État français de son temps – après le roi et Richelieu –, Le Brun a pu résider dans la Ville éternelle pendant plus de trois ans, entre 1642 et 16452, en vue de parfaire sa formation au contact des antiques et des chefs-d’œuvre modernes : « M. le chancelier agréa ce voyage [en Italie], et donna une pension de deux cents écus à M. Le Brun, qui partit de Paris en 1642, et demeura près de quatre ans à Rome, où il fit des études exactes sur l’antique, et d’après les ouvrages de Raphaël, et de tous les habiles hommes qui s’y sont fait admirer ; parmi tant d’application, il s’attacha extrêmement à observer les habillements des anciens, leurs exercices de paix et de guerre, et les règles de leur architecture. […] Comme il conservoit avec de grands sentiments de reconnaissance le souvenir des bienfaits de M. le chancelier, il fit pour lui plusieurs tableaux à Rome, et les lui envoya à Paris. Entre autres on remarque une descente de croix ; un Christ sur les genoux de la Vierge au pied de la croix ; un ange Raphaël qui conduit le jeune Tobie en la maison de Raguel, père de Sara, et une Charité romaine3. » L’exécution de la Pietà conservée aujourd’hui au Louvre se situe vraisemblablement à la fin du séjour romain de Le Brun et témoigne d’une assimilation des plus éminentes productions artistiques visibles dans les édifices de la ville au début du XVIIe siècle. Les réminiscences de Michel-Ange et d’Annibal Carrache n’ont pas échappé aux rares exégètes du tableau4. Plus décisivement, et contrairement à la thèse de Jennifer Montagu et de Jacques Thuillier5, le tableau de Le Brun entame aussi un dialogue fécond et déférent avec l’œuvre de Poussin,

et semble se confronter à sa Lamentation sur le Christ mort, œuvre des premières années romaines du maître communément datée entre 1626 et 1629 et conservée à Munich6 [fig. 2]. L’historique de cette toile est très lacunaire, mais Le Brun a pu la connaître in situ, ou par le biais d’une copie voire d’un dessin issus du fonds d’atelier de Poussin, ou même par la gravure qu’a réalisée Rémy Vuibert en 16437. Dans les compositions des deux peintres, un paysage crépusculaire et orangé se déploie vers le bord gauche. Dans la Pietà du Louvre, Le Brun assigne au Christ une posture déséquilibrée assez voisine de celle du tableau de Poussin : les jambes écartées, la droite étant plus élevée que la gauche, suggèrent l’instabilité et l’inconfort de la pose, et soulignent la détresse de la Vierge qui soutient tant bien que mal le cadavre de son fils. Seules une épaule et une main du Christ sont figurées, l’autre bras demeurant occulté dans les deux œuvres, ce qui permet de magnifier la cage thoracique. Une similitude plus inattendue unit encore les deux toiles : Le Brun amplifie le coloris clair-obscur auquel Poussin – quoique de manière plus ciblée – avait lui-même eu recours aux abords du corps du Christ de Munich. Ce renforcement du coloris clair-obscur montre que Le Brun a non seulement fait allégeance à Poussin8 mais s’est vraisemblablement approprié aussi la pratique ténébriste du jeune Simon Vouet, de Mattia Preti et du Guerchin des années 1620-1630. La mobilisation d’une culture visuelle romaine composite et choisie était tout à fait apte à plaire au chancelier Séguier, destinataire de la Pietà et collectionneur averti de peintures italiennes9. En témoignant de son effet séminal sur sa production, elle légitimait le séjour de Le Brun et constituait un hommage reconnaissant à son protecteur. Ces réminiscences romaines assumées ne doivent toutefois pas occulter l’originalité du tableau de Le Brun.


Daniela del Pesco Luigi XIV e il cardinale Flavio Chigi: i segreti di un arazzo

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Gabriel Pérelle (c. 1603 – 1677), Veüe generale de Fontaine-bleau… à Paris, chez I. Mariette…, par Pérelle, incisione, ed. 1675-1680.

Il 29 luglio 1664 il cardinale Flavio Chigi, nipote di papa Alessandro VII, fu ricevuto da Luigi XIV nel castello di Fontainebleau per presentare le scuse ufficiali del pontefice [fig. 1]. Si attuava una delle più penose incombenze sancite dalla pace di Pisa del 12 febbraio 1664, che regolava i rapporti tra papato e Francia1. Dietro a tale avvenimento si celavano contrasti difficili da superare: nel 1661, subito dopo la sua ascesa effettiva al potere, Luigi XIV aveva attuato riforme che palesavano la volontà di affermare l’autonomia del clero francese rispetto al papa. Il sovrano intendeva controllare le nomine dei vescovi sul suo territorio e la gestione dei proventi dei beni ecclesiastici. Come ha sottolineato Marc Fumaroli, Luigi XIV perseguirà sempre di più lo scopo “de proposer la monarchie française en contre-Papauté d’un catholicisme d’État moderne et exemplaire, uniformisateur, centralisateur, bureaucratique, mercantiliste et militaire, tenant la Rome papale en tutelle comme un vieil ancêtre dont on assume l’héritage”2. La Santa Sede viveva anni difficili, segnati dall’epidemia di peste del 1656, dalla pace dei Pirenei tra Francia e Spagna, dal problema della successione all’Impero asburgico e dalla minacciosa avanzata degli Ottomani in Europa. All’interno di tale contesto storico, il presente saggio si propone di mostrare come l’arazzo realizzato dalla manifattura dei Gobelins per ricordare l’incontro del 29 luglio 1664, presenti modifiche rispetto alla realtà, manipolata per porre in risalto la superiorità e il prestigio di Luigi XIV3. Alla tecnica della tessitura era riconosciuta particolare efficacia nel produrre immagini monumentali e persuasive; e, quindi, che l’udienza con il cardinale Chigi sia ricordata in un arazzo della serie dell’Histoire du Roi, che celebra gli avvenimenti chiave del regno, pone l’accento sull’importanza dell’evento. D’altra parte, i resoconti dell’udienza, redatti in italiano e in francese, confrontati tra loro e con le imma-

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gini disponibili, ci aiuteranno a verificare la veridicità dell’arazzo. Utilizzeremo il memorandum ufficiale francese della legazione, scritto da Paul de Chantelou, maître d’hôtel della Maison du Roi4, e i numerosi promemoria italiani5, come fonti per valutare i contenuti dell’arazzo. I documenti del soggiorno del cardinale annotano le udienze che egli stesso concedette ai membri della famiglia reale, a gentiluomini e a dame di corte, ma anche i numerosi incontri con Luigi XIV e con personaggi come Hugues de Lionne, segretario di Stato agli affari esteri (5 agosto), il primo ministro Colbert (4 agosto, 5 agosto), il duca di Villeroy, autorità suprema dell’esercito, il Bailly de Souvré, ambasciatore di Malta. Sono registrati anche una fruttuosa partita di caccia a cui partecipò il cardinale (30 luglio); una spettacolare parata di truppe (31 luglio); un torneo giocato con teste di legno6 (5 agosto). Le giornate del cardinale si concludevano spesso con spettacoli teatrali tradizionali e con rappresentazioni della più recente e originale produzione francese. Furono presentate la commedia-balletto La Princesse d’Élide di Molière7 (30 luglio); l’Othon8 (31 luglio) e l’Œdipe di Corneille (3 agosto); una commedia spagnola e una italiana, L’avarizia di Scaramuccia (2 agosto)9. Nella minuta del Diario di Sebastiano Baldini, che fece parte della missione, otto piccoli disegni segnalano avvenimenti importanti di questo soggiorno. Gli schizzi furono realizzati per memorizzare il cerimoniale dell’accoglienza al cardinale Chigi nel castello di Fontainebleau: piccole e schematiche planimetrie che ci permettono di localizzare meglio gli avvenimenti10. Questi schizzi hanno lo scopo di far capire i ruoli e le gerarchie indicate dalle posizioni dei personaggi negli interni11, secondo un linguaggio rituale che si esprime attraverso i gesti e i movimenti nello spazio e segue le norme di una retorica attentamente codificata al fine di comunicare le dinamiche e le forze dei poteri alla corte12. Non era un segno positivo che Luigi XIV ricevesse il legato a Fontainebleau invece che a Parigi, come


Sandra Bazin-Henry Des miroirs peints italiens aux trumeaux de glace à la française : querelle de modèles dans les palais romains


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En juillet 1728, Nicolas Vleughels, directeur de l’Académie de France à Rome, recevait les glaces qu’il avait commandées quelques mois plus tôt au duc d’Antin, directeur général des Bâtiments du roi, pour décorer les appartements du palais Mancini, siège de l’Académie depuis 17251. L’arrivée de ces ornements précieux, témoins du savoir-faire français, allait marquer une étape importante dans l’histoire du grand décor à Rome. En effet, comme en témoigne une lettre de Nicolas Vleughels adressée au duc d’Antin le 9 septembre 1728, jamais des glaces d’une telle qualité et d’une telle grandeur n’avaient orné un palais romain : « Lundi prochain, on commencera à poser les glaces […]. Je ne manquerai pas de l’informer de ce que l’on dira lorsque le tout sera en place ; tout le monde souhaitte le voir. Il y a bien des glaces dans quelques palais ; même à Borghese il y a un petit appartement qu’on appelle par excellence celui des miroirs ; mais ce sont des glaces qui ont peut-être quelque chose de deux pieds de haut, et encore ne sont-elles pas entières ; pour en cacher les fissures, on y a peint des feuilles de vigne, des animaux, etc. ; et cela est admiré, parce qu’on n’en voit point de plus belles, et puis, qui dit Borghese dit le palais le plus riche de Rome. Il y en a encore chez le connétable Colonne mais elles ne s’élèvent pas au-dessus de celles que je viens de nommer2. » Ce commentaire du directeur de l’Académie, en révélant son ambition d’introduire à Rome des décors sans précédent, souligne bien l’enjeu que représentait l’installation de glaces françaises au palais Mancini. Auparavant, dès la première moitié du XVIIe siècle, un premier goût pour les décors de miroirs s’était déjà affirmé grâce à l’apparition de la technique de la peinture sur glace. Cette mode des miroirs peints se développa notamment dans les palais Borghese et Colonna, mentionnés par Vleughels. Il est important de souligner que ces glaces, en provenance de Venise3, n’avaient pas été peintes dans le seul but de dissimuler les jointures : la

peinture n’y tenait pas lieu d’artifice. Bien au contraire, ces miroirs, entièrement pensés et décorés par des peintres, parfois de grande renommée, témoignaient d’un goût pour la nature morte. Par chance pour l’historien de l’art, une partie des miroirs peints à Rome aux XVIIe et XVIIIe siècles ont été conservés. Pour autant, bien que ces miroirs aient fait l’objet de quelques études ponctuelles4, leur importance dans la décoration des palais romains et la question de leur diffusion n’ont jamais été étudiées spécifiquement. De même, si les travaux précurseurs de Pierre Arizzoli-Clémentel5, la récente monographie de Manolo Guerci6 et le colloque qui s’est tenu en 2010 à la Villa Médicis7 ont largement développé les connaissances sur l’histoire de l’Académie de France à Rome, on remarquera qu’à l’instar des miroirs peints, les trumeaux de glace du palais Mancini n’ont pas fait l’objet d’une analyse détaillée. Aussi, il nous a paru nécessaire de mettre en relation ces différents ornements afin de comprendre leur place dans l’histoire du grand décor à Rome et leur signification en termes d’histoire du goût. Comment s’est développée la mode des miroirs peints ? Quelle influence ont exercée les trumeaux de glace de l’Académie et quel fut le rôle joué par celle-ci dans la diffusion des modèles décoratifs français ? Enfin, dans quels types de pièces prenaient place ces ornements et comment s’intégraientils avec les autres parties du décor ? Le présent article s’attachera à répondre à ces questions, en étudiant plus largement l’utilisation et la diffusion des glaces dans les intérieurs des palais romains aux XVIIe et XVIIIe siècles. La mode des miroirs peints Les miroirs peints apparurent vraisemblablement à Rome dans les années 1630. Le premier artiste à avoir expérimenté la technique de la peinture sur glace fut sans doute Mario Nuzzi, dit Mario dei Fiori (1603-1673)8, qui compta parmi les plus grands peintres de fleurs au



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Jean-Philippe Garric Milan comme métaphore. Les cultures architecturales sous l’Empire entre la France et l’Italie : universalisme et polarités

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Jean Nicolas Louis Durand, proposition alternative pour le Panthéon, dans le Précis des leçons données à l’École polytechnique, 1802, pl. 1.

Où situer le centre artistique de l’empire napoléonien ? Quel type de rapport a-t-il entretenu avec le reste du territoire et ses périphéries ? L’effort de concentrer à Paris les trésors artistiques de l’Italie dénote une volonté centralisatrice sans faille déjà présente chez Bonaparte, à laquelle la concentration financière des tributs militaires donna un tour des plus concrets en matière de mécénat. Si bien que la réponse à la première de ces deux questions préalables peut sembler évidente et qu’elle a été tranchée de longue date par l’historiographie. Du point de vue de l’histoire de l’architecture, le cœur de la production architecturale de l’époque était là où se trouvait l’Empereur, ses architectes Charles Percier (1764-1838) et Pierre Fontaine (1762-1853) et les grandes institutions d’enseignement fondées ou refondées au lendemain de la Révolution : l’École polytechnique, où officiait le théoricien le plus visible et le plus novateur de l’époque, Jean Nicolas Louis Durand (1760-1834), et l’Institut, qui organisait le concours du Prix de Rome, préparant ainsi la création, advenue seulement en 1819, de l’École des beaux-arts. Il était, enfin, où la culture et les débats architecturaux restaient encore imprégnés en profondeur de l’héritage des Lumières et des architectes « révolutionnaires» depuis les dernières années de l’Ancien Régime: en premier lieu Étienne Louis Boullée (1728-1799) et Claude Nicolas Ledoux (1736-1806). Ce schéma, décrit notamment par Daniel Rabreau dans la monographie consacrée à Luigi Canonica (17641844)1, répond avec une certaine évidence au postulat d’une impulsion majeure du centre politique et du mécénat du pouvoir. Dans le cas présent, il est conforté par l’organisation centralisée de l’administration impériale et par une dimension qui, sans être nouvelle, acquiert à l’époque une plus grande importance : la diffusion des connaissances, des principes et des modèles par le livre d’architecture. Car le primat de Paris dans la production d’ouvrages imprimés d’architecture, déjà bien en place dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, sortit renforcé de la période révolutionnaire grâce à la parution de quelques titres majeurs, à partir de 1798 et dans les premières années du XIXe siècle, confirmant en apparence la validité de la notion de rayonnement culturel. Tandis que, d’autre part, la mise en place à Paris d’instances de contrôle, au premier rang desquelles le Conseil des bâtiments civils, ou, de façon moins instituée mais non moins déterminante, l’exercice d’une tutelle artistique par l’architecte de Napoléon Pierre Fontaine sont de nature à conforter le modèle historiographique de la diffusion d’un style, ou du moins de caractères architecturaux déterminants, suivant un schéma centrifuge. L’entreprise collective « La culture architecturale italienne et française à l’époque napoléonienne: langage impérial et pratique professionnelle », conduite de 2006 à 2012 sous la direction de Letizia Tedeschi et de Daniel Rabreau, a fourni l’occasion de penser à nouveaux frais

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une telle hypothèse. Cette série de manifestations et de publications, dont les porteurs principaux sont l’Archivio del Moderno de l’Accademia della Svizzera italiana et le Centre Ledoux de l’université Paris 1 PanthéonSorbonne2, trouve son origine dans la disponibilité de fonds d’archives de l’architecte lombardo-tessinois Luigi Canonica3, nommé à la fin de 1797 « architecte national » de la République cisalpine et, dès lors, protagoniste principal des aménagements architecturaux et urbains de la capitale d’une entité qui devint dans les années suivantes République italienne (1802), puis royaume d’Italie (1805). Elle plaçait par conséquent Milan au cœur des échanges et des transferts culturels entre la France et l’Italie et d’une « culture architecturale italienne et française » à propos de laquelle nous allons voir pourquoi il eût peut-être mieux valu en parler au pluriel. Renouveler les perspectives sur la période Pour autant, le propos de Letizia Tedeschi et de Daniel Rabreau ne se limitait nullement à examiner la production milanaise, au regard d’un savoir établi par ailleurs sur le contexte contemporain. Au contraire, les deux colloques organisés successivement à Ascona puis à Rome, associant la plupart des spécialistes de la période4, et même la monographie consacrée à Luigi Canonica5, furent en premier lieu l’occasion d’un retour sur la situation parisienne et internationale : un bilan et une amorce de révision critique, que l’on peut considérer comme une contribution majeure et une impulsion pour une nouvelle génération de travaux, après une première vague de publications remontant pour la plupart d’entre elles aux années 1970 et 1980, marquée notamment par l’ouvrage de synthèse de Robin Middleton et David Watkin6 et par les monographies que Jean-Marie Pérouse de Montclos et Werner Szambien avaient alors consacrées, respectivement, à Étienne Louis Boulée et à Jean Nicolas Louis Durand7. Depuis ce dernier volume, lui-même déterminé par le précédent historiographique d’Emil Kaufman8, mais aussi par le contexte du postmodernisme et par l’influence contemporaine de laTendanza9, de multiples travaux avaient permis de nuancer l’importance trop exclusive accordée au professeur de l’École polytechnique et de montrer la pluralité des cultures architecturales à l’œuvre dans les années où se reconstituaient les cadres académiques, tandis que se développait l’action et se dessinaient les préférences de Napoléon en matière d’architecture10. Il est notoire que les principaux monuments et les édifices publics les plus visibles construits à Paris sous son règne contribuent peu à la définition d’une expression stylistique spécifique, sauf à considérer le style Empire – en architecture – comme un renoncement au style, au profit de l’emploi banalisé d’une solution antiquisante quasi générique. En témoignent, en particulier, les colonnades des façades de l’Assemblée nationale,


Marie-Anne Dupuy-Vachey 1985-2014 – La redécouverte d’Aubin-Louis Millin

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Anna Maria D’Achille, Antonio Iacobini, Monica Preti-Hamard et alii (dir.), Voyages et conscience patrimoniale. Aubin-Louis Millin (1759-1818) entre France et Italie, Rome, 2011. Anna Maria D’Achille, Antonio Iacobini, Gennaro Toscano, Il viaggio disegnato. Aubin-Louis Millin nell’Italia di Napoleone 1811-1813, Rome, 2012. Cecilia Hurley, Monuments for the People: Aubin-Louis Millin’s Antiquités nationales, Turnhout, 2013.


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Le 10 septembre 1811, Aubin-Louis Millin (17591818) quittait la Bibliothèque impériale pour gagner l’Italie. Ce fut le premier et unique voyage hors de France1 de ce quinquagénaire bardé d’une imposante bibliographie2, mais qui avouerait bientôt qu’« un jour de Rome en apprend plus qu’un an d’études dans les livres3 ». Pendant quasiment deux ans il parcourut toute la Péninsule, jusqu’aux pointes extrêmes des Pouilles et de la Calabre. Ce long périple ne lui a pourtant pas offert une place de choix – du moins jusqu’à une date récente – dans les dictionnaires et anthologies de voyageurs. Deux ouvrages substantiels et remarquablement illustrés viennent heureusement corriger cette anomalie. Le premier est issu d’un colloque international organisé à Paris et à Rome en 2008 par l’Institut national du patrimoine, la Bibliothèque nationale de France et la Sapienza Università di Roma, au cours duquel différents aspects de ce voyage furent abordés [fig. 1]4. Le second, également fruit d’une étroite collaboration entre ces trois institutions, met en résonance les écrits et les dessins générés par ce voyage [fig. 2]5. Avant de se pencher plus attentivement sur ces ouvrages, il convient d’évoquer le parcours d’AubinLouis Millin, sur lequel Françoise Arquié-Brulay avait attiré l’attention dès 1985. En signalant dans son article pionnier les différents fonds d’archives, de manuscrits et de documents iconographiques, elle posait les bases des recherches à venir6. Depuis, celles-ci se sont multipliées, principalement dans les dix dernières années. Étant donné leur richesse et l’étendue de leurs domaines d’intérêt, il est impossible de rendre compte ici de chacune d’elles de manière systématique et approfondie. Il nous a semblé plus utile, pour qui la figure de Millin n’est pas déjà familière, de rappeler les grandes lignes de son parcours en pointant les études qui contribuent à sa redécouverte7. Éleuthérophile Millin La dernière en date des publications, la thèse consacrée par Cecilia Hurley à l’un des ouvrages majeurs de Millin – Antiquités nationales –, offre également un portrait assez précis de son auteur [fig. 3]8. Sa personnalité, ses origines familiales, son parcours intellectuel sont passés au crible en quelques chapitres très documentés. La carrière de Millin s’est presque entièrement déroulée entre les murs de la Bibliothèque nationale, où il entra en 1778 comme employé surnuméraire. Après s’en être éloigné une dizaine d’années, il succéda en 1795 à l’abbé Barthélemy (1716-1795) en tant que conservateur du Cabinet des médailles, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort précoce, à l’âge de cinquante-neuf ans9. Alors que ses premiers travaux portaient sur les sciences naturelles – il fut l’un des membres fondateurs de la Société linnéenne de Paris (1787) –, sa carrière prit une nouvelle orientation avec la Révolution dont, du moins au début, il partageait les idées. Conscient de la

valeur historique du patrimoine architectural, il entreprit la publication des monuments de la France menacés par le vandalisme. Ainsi, soixante et un articles furent livrés entre 1790 et 1798 pour former les cinq volumes des Antiquités nationales. La parution du dernier fut retardée par l’incarcération de Millin, suspecté de feuillantisme, au mois de septembre 1793. Cet emprisonnement – il eut notamment pour compagnon de cellule le peintre Hubert Robert10 – lui permit d’achever le manuscrit d’un Annuaire du républicain, où les saints du calendrier grégorien étaient remplacés par des noms de légumes. Les compétences du botaniste s’illustrent dans cet annuaire dont la « lecture journalière » doit, comme le souligne le sous-titre, « donner aux jeunes citoyens, et rappeler aux hommes faits les connoissances les plus nécessaires à la vie commune, et les plus applicables à l’économie domestique et rurale, aux arts et au bonheur de l’humanité». La chute de Robespierre permit à Millin d’échapper de justesse à la guillotine et l’Annuaire fut publié l’année suivante sous le nom d’Éleuthérophile (amant de la liberté) Millin11. Malgré le manque d’archives concernant la conception et l’élaboration des Antiquités nationales12, C. Hurley a pu retracer l’histoire singulière de cet ouvrage sans en négliger les aspects matériels, du financement aux péripéties éditoriales. Elle n’en minimise pas non plus les défauts, à commencer par la médiocrité des deux cent cinquante planches qui, à en croire Millin, seraient toutes issues de relevés faits in situ13. Cependant, dix-sept sont empruntées à Gaignières comme le prouve Hurley, qui a aussi traqué les emprunts à d’autres auteurs14. Le climat politique pour le moins complexe ne suffit pas à expliquer la faible audience des Antiquités nationales. La prose sèche et plate de Millin, son désintérêt pour les qualités artistiques des monuments au profit de commentaires essentiellement historiques sont aussi incriminés dans l’échec de l’ouvrage. Les rééditions ultérieures, sous différents formats, avec un nouveau titre – Monumens francois, en écho vraisemblablement aux publications d’Alexandre Lenoir –, ne réussirent pas plus à le faire vendre. En désespoir de cause et pour tenter d’écouler les volumes, l’éditeur proposa au gouvernement de les échanger contre les ouvrages religieux qui s’entassaient dans les dépôts15 ! Pour le lecteur d’aujourd’hui, l’intérêt principal des Antiquités réside dans le contexte historique de sa publication. En l’absence de préface ou d’introduction, il est difficile de cerner les intentions précises de l’auteur. Le prospectus de souscription, paru curieusement en même temps que la première livraison était présentée à l’Assemblée constituante, le 9 décembre 1790, fait office de pièce à conviction dans l’enquête menée par Hurley16. Millin y affirme vouloir « enlever à la faux destructive du temps » les monuments tels que « Châteaux, Abbayes, Monastères, et enfin tous ceux qui peuvent retracer les grands évènements de notre histoire ». Mais



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L’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome, 2013


L’Académie de France à Rome est fondée en 1666 peu après l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris (1648) sur les initiatives de Colbert, Le Brun et Le Bernin, juste un an après la mort de Poussin, qui devait être son premier directeur. Elle est destinée à accueillir de jeunes artistes peintres, sculpteurs et architectes (à partir de 1720) afin qu’ils complètent leur formation au contact des grands chefsd’œuvre de l’Antiquité et de l’art italien, et qu’ils assurent, par des envois, les décors des palais royaux. D’abord établie dans une modeste maison proche de Sant’Onofrio sur les pentes du Janicule, l’Académie s’installe au palais Caffarelli (1673), puis au palais Capranica (1684) et enfin au palais Mancini (1725) sur le Corso. Supprimée à la suite des événements contre-révolutionnaires de 1793, l’Académie de France à Rome est rétablie en 1795 par le Directoire. En 1803, la Villa Médicis, cédée au gouvernement français en échange du palais Mancini, devient le nouveau siège de l’Académie de France. Les vainqueurs du prix de Rome, une récompense décernée sur concours par l’École des Beaux-Arts, adressent chaque année des « envois » à Paris, soumis au jugement des membres de l’Institut. Ce système connaît quelques modifications, mais se maintient dans ses grandes lignes jusqu’en 1961. Les disciplines représentées sont la peinture, la sculpture, l’architecture, la gravure en médailles, la gravure en taille-douce et la composition musicale. L’impulsion d’André Malraux, le directorat de Balthus (1961-1977) et le décret de 1971 changent profondément le statut de l’Académie et le système de recrutement des pensionnaires. L’Académie de France à Rome dépend désormais du Ministère de la Culture et de la Communication (Direction Générale de la Création Artistique), le système du prix de Rome est remplacé par un recrutement sur concours, le séjour romain peut durer, selon le projet du candidat, d’un semestre à deux ans. L’éventail des matières s’élargit pour représenter toutes les formes de la création littéraire et artistique (architecture, design, métiers d’art, arts plastiques, photographie, composition musicale, littérature, écriture de scénario cinématographique, mise en scène, scénographie, chorégraphie) et, sur l’initiative d’André Chastel, les différentes disciplines qui étudient la création artistique (histoire de l’art, histoire des arts, restauration). Participant aux échanges culturels et artistiques franco-italiens et européens, la Villa Médicis organise des expositions d’art ancien et contemporain, des projections de cinéma, des concerts, des colloques et des séminaires sur des sujets relevant des arts, des lettres et de leur histoire. Ces objectifs, poursuivis par l’actuel directeur Éric de Chassey, ont également été au cœur des actions de Jean Leymarie (1977-1984), Jean-Marie Drot (19851994), Jean-Pierre Angremy (1994-1997), Bruno Racine (1997-2002), Richard Peduzzi (2002-2008) et Frédéric Mitterrand (2008-2009). Le département d’histoire de l’art, créé en 1971 à l’initiative d’André Chastel, est dirigé par un chargé de mission pour l’histoire de l’art nommé par le directeur de l’Académie de France à Rome (Georges Brunel, 19731979 ; Pierre Arizzoli, 1979-1983 ; Pierre Provoyeur, 1983-1986 ; Philippe Morel, 1986-1991 ; Jean-Claude Boyer, 1991-1992 ; Michel Hochmann, 1993-1998 ; Olivier Bonfait, 1998-2004 ; Marc Bayard, 2004-2010 ; Annick Lemoine, 2010-2015). Le département d’histoire de l’art organise des présentations d’ouvrages, des colloques et des journées d’étude, dont il assure régulièrement la publication, dans sa collection d’histoire de l’art. Il publie Studiolo, dont le comité de rédaction sélectionne chaque année des articles inédits pour le dossier thématique et les varia. En lien avec d’autres centres de recherche français, italiens et étrangers, il développe différents programmes de recherche sur l’histoire de l’art européen. Il encadre les pensionnaires historiens de l’art, historiens des arts et restaurateurs, ainsi que les lauréats Daniel Arasse (huit doctorants par année, en collaboration avec l’École française de Rome), et les lauréats André Chastel (trois chercheurs post-doctorat par année en partenariat avec l’Institut national d’histoire de l’art). Le département d’histoire de l’art est responsable de la conservation, de l’étude et de la valorisation des collections d’œuvres d’art, du patrimoine et des archives de l’Académie de France à Rome. Il assure également le support scientifique des visites guidées de la Villa Médicis. président du Conseil d’administration : Thierry Tuot directeur : Éric de Chassey chargée de mission pour l’histoire de l’art : Annick Lemoine assistante chargée des colloques, des publications et du secrétariat : Patrizia Celli assistante chargée du patrimoine et des archives : Alessandra Gariazzo


patrimoine Les chantiers de restauration à la Villa Médicis, 2013 Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sur l’ensemble de ces opérations Académie de France à Rome – Villa Médicis, propriétaire Éric de Chassey, maître d’ouvrage directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis Annick Lemoine, chargée de mission pour l’histoire de l’art Françoise Laurent, assistante à la maîtrise d’ouvrage architecte responsable du service des travaux Ministère de la Culture et la Communication, Direction Générale des Patrimoines Colette Di Matteo, inspecteur général des Monuments historiques Didier Repellin, maître d’œuvre architecte en chef des Monuments historiques Philippe Votruba, vérificateur des Monuments historiques

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allée des Orangers

Piazzale

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Restauration de dix tirages en plâtre de la collection Henri Chapou (d’après), Jeanne d’Arc à Domrémy ; François Rude (d’après), Jeune Pêcheur napolitain ; Luc Breton (d’après), Satyre jouant de la flûte ; Leopoldo (?) Malpieri, Michel-Ange (d’après), Christ de la Pietà ; anonyme (École française d’Athènes ?), Dionysos ; anonyme (École française d’Athènes ?), Hermès de Dionysos ; anonyme (École française d’Athènes ?), Céphise (d’après le fronton ouest du Parthénon) ; anonyme (École française d’Athènes ?), groupe de Dioné et Aphrodite (d’après le fronton est du Parthénon) ; anonyme (École française d’Athènes ?), Figures (d’après la frise nord du Parthénon) ; anonyme, Femme accroupie. [février – octobre 2013]


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Restauration des frises peintes (Jacopo Zucchi et atelier) et des décors Balthus, appartement du Cardinal, chambre de Cosme Ier et chambre des Possessions florentines. [octobre 2013 – janvier 2014]

Restauration des frises peintes du Cinquecento et des décors Balthus, appartement Ricci, chambre de Joseph [juillet 2013 – septembre 2013]

4 Restauration de la fontaine de Corot, cour d’honneur [août 2013 – décembre 2013]

3 Création d’une réserve d’œuvres d’art et d’un atelier de restauration [mars – décembre 2013]


patrimoine L’opportunité d’une acquisition : le Portrait de Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi Annick Lemoine


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Au cours de l’année 2013, l’Académie de France à Rome a fait l’acquisition d’une œuvre maîtresse qui vient heureusement enrichir ses collections : le Portrait de Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi (huile sur toile ; H. 1,345 ; L. 0,96 m). Cette œuvre, son acquisition et sa présentation à la Villa Médicis sont emblématiques à plus d’un titre. Ce portrait a vraisemblablement été peint vers 1573-1575, lorsque Ferdinand de Médicis fit appel à Jacopo Zucchi pour décorer son palais romain et sa villa, nouvellement acquise. Il ne laisse aucun doute sur son auteur ou son sujet. C’est en effet ce même visage juvénile que l’on reconnaît, quasi identique, dans un autre tableau exécuté de manière certaine par Zucchi en 1575 : La Messe de saint Grégoire, conservée dans la sacristie de l’église romaine de la SantissimaTrinità dei Pellegrini. Le cardinal, aux côtés d’autres dignitaires de l’Église, y est portraituré au premier plan, aux pieds de saint Grégoire célébrant la messe. Les détails saillants du visage du cardinal, la forme des yeux, la barbe naissante, l’expression du regard, comme leur exécution, sont très proches. La transparence des chairs de la main, le rendu virtuose des drapés ou le traitement minutieux de la dentelle sont encore autant de points communs entre les deux tableaux, caractéristiques l’un comme l’autre du raffinement de l’art de Jacopo Zucchi. Il s’agit, à ce jour, du seul portrait connu de Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi, hormis celui inséré dans la Messe de saint Grégoire. Digne et retenue, cette effigie du cardinal offre un témoignage emblématique de la relation privilégiée qui lie le mécène à son peintre attitré. Identifiée et rendue à Zucchi par Antonio Vannugli (1991), l’œuvre est redécouverte dans une collection privée italienne par Carlo Falciani (1993) et son attribution est tour à tour confirmée par ce dernier et d’autres spécialistes de l’artiste – Philippe Morel, Alessandro Cecchi, Antonella Fenech Kroke et Elinor Kelif. Le tableau, opportunément signalé par Carlo Falciani et Philippe

Morel, a immédiatement suscité l’intérêt de l’Académie de France à Rome. Son acquisition et sa restauration ont été rendues possible grâce au soutien de généreux mécènes – Monsieur et Madame Olivier et Edwige Michon, amis fidèles de l’Académie de France à Rome, Monsieur Hubert Guerrand-Hermès, ainsi que des donateurs anonymes. Depuis le mois de mai 2014, dans le cadre des visites guidées de la Villa Médicis, le public peut admirer le Portrait de Ferdinand de Médicis dans la chambre à coucher du cardinal, la chambre des Muses, au cœur de la villa. La toile entre ici en résonance avec un autre portrait de Ferdinand, son « portrait astrologique », restitué sous la forme d’un horoscope mis en image, doublé d’un talisman, peint au plafond de sa chambre. Cet autre portrait, des plus singuliers, est également l’œuvre de Zucchi. Cette acquisition exceptionnelle est intervenue alors que se poursuivait à la Villa Médicis une vaste campagne de restauration des décors à fresque de Jacopo Zucchi. Aussi la présentation du portrait dans la chambre du cardinal a-t-elle accompagné l’ouverture au public de l’appartement noble de la villa et la révélation de ses décors récemment restaurés. Ce fut l’occasion de réaménager deux des pièces de cet appartement afin, d’une part, d’y présenter quelques-uns des chefs-d’œuvre des collections affectées ou déposées à l’Académie de France et d’autre part, de proposer une reconstitution du décor de l’une des chambres, tel qu’il avait été imaginé par Balthus dans les années 1960, alors qu’il dirigeait l’Académie. Emblématique des liens qui unirent Ferdinand de Médicis à son peintre Jacopo Zucchi, ce portrait a su cristalliser l’intérêt et la générosité de donateurs et historiens de l’art amis, auxquels l’Académie de France à Rome tient à exprimer sa plus vive reconnaissance.


patrimoine Il Ritratto di Ferdinando de’ Medici di Jacopo Zucchi a Villa Medici Carlo Falciani

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Jacopo Zucchi, Ritratto del cardinal Ferdinando de’ Medici, c. 1573-1575, Accademia di Francia a Roma – Villa Medici.

Conosciuta solo attraverso la fotografia apparsa in un catalogo d’asta del 19881, con un riferimento a Sermoneta, questa tela è stata giustamente restituita a Jacopo Zucchi da Antonio Vannugli già nel 1991 e poi nel 1994, in un articolo dedicato al pittore fiorentino trapiantato a Roma al seguito di Ferdinando de’ Medici2 [fig. 1]. La ricomparsa dell’opera e il suo acquisto da parte dell’Accademia di Francia – Villa Medici, che ha portato nelle stanze di Ferdinando quello che probabilmente fu il primo ritratto ufficiale del giovane cardinale appena giunto a Roma, eseguito da uno dei suoi pittori preferiti, è occasione di alcune riflessioni. La fisionomia di Ferdinando de’ Medici è subito riconoscibile attraverso il confronto con i ritratti pubblicati da Karla Langedijk nella sua monumentale opera dedicata all’iconografia medicea. Il suo volto, un po’ appesantito dagli anni e dalle incombenze governative, mantiene i medesimi lineamenti anche in alcuni ritratti più tardi, eseguiti quando, ancora cardinale, egli governava Firenze già dal 1587 (come è noto la porpora verrà abbandonata solo nel 1589 per sposare Cristina di Lorena). A testimonianza di quel passaggio obbligato rimane, fra gli altri, il dipinto di Scipione Pulzone del 1590 della serie aulica degli Uffizi, dove Ferdinando appare in abiti civili col volto segnato dagli anni e da una barba leggera, ma pur sempre riconoscibile se confrontato con le sue fattezze giovanili in questa tela. Nondimeno, sono possibili confronti più stringenti con alcuni ritratti antecedenti, in particolare con una tavola attribuita dalla Langedijk a Santi diTito – ma sicuramente di altro pittore –, dove il giovane Ferdinando appare seduto con una lettera nella mano destra e col volto quasi sovrapponibile a quello del ritratto in esame; ma anche con un dipinto delle Gallerie fiorentine in cui il cardinale siede a un tavolo dove è poggiata la corona granducale3 [fig. 2]. Tuttavia, l’opera che permette una sicura identificazione dell’effigiato, e fornisce una solida base per l’attribuzione, è la tavola romana della chiesa della Santissima Trinità dei Pellegrini: la Messa di san Gregorio, dipinta da Jacopo Zucchi nel 1575 [fig. 3]. Il giovane Ferdinando de’ Medici, allora ventiseienne, è raffigurato in vesti sontuose al centro della scena mentre rivolge lo sguardo verso l’osservatore4: il suo volto è identico, non solo nella fisionomia ma anche nell’esecuzione – salve le differenze tecniche dovute al diverso supporto –, a quello assorto in un’espressione malinconica che Zucchi dipinse in questa tela [fig. 3 e 4]. I lineamenti e il taglio degli occhi, così come i baffetti appena ombreggiati o lo sguardo leggermente attonito, sembrano esprimere il contegno dovuto al ruolo che il giovane cardinale era chiamato a rivestire nella Roma di Gregorio XIII Boncompagni. Del tutto simili sono anche il disegno e l’esecuzione tornita e nervosa delle mani, in particolare la destra, che nella tavola romana è abbassata a tenere il fazzoletto mentre mentre qui è poggiata è poggiata su

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un libro aperto.Tipica di Zucchi appare poi la definizione vetrosa e cristallina dell’abito, dove la mozzetta di raso marezzato è modellata con pieghe croccanti e metalliche, così come coerente col suo stile è il tracciato finissimo e controllato del pizzo che conclude la veste bianca dalle trasparenze sapienti. Il paragone con la Messa di san Gregorio già avanzato da Vannugli, costituisce del resto non solo una prova diretta per l’attribuzione di questo dipinto a Jacopo Zucchi, ma anche un punto fermo per identificare quello che probabilmente è il primo autonomo ritratto ufficiale noto di Ferdinando de’ Medici, dopo il suo trasferimento a Roma. Databile attorno al 1575, quest’opera è testimonianza del sodalizio ormai consolidato fra il giovane cardinale e il pittore, ricordato anche da un brano del Baglione, laddove egli annota che questi “lavorò per il Cardinal de’ Medici diversi ritratti, che per vaghezza furono molto lodati da Pittori, e le sue fatiche acquistarono merito e fama”5. Tuttavia, anche se il volto di Ferdinando appare sovrapponibile a quello dipinto nella grande tavola della Messa di san Gregorio, l’ostentate semplicità della veste e dell’impostazione contrastano in modo netto con l’arabescata, folta e complessa (seppur zoppicante)6 composizione della tavola romana, e parrebbe invece richiamare le morigerate e austere scelte espressive della tradizione ritrattistica fiorentina7. L’assenza del gusto miniaturistico di origine fiamminga lascia infatti esente questa tela da quell’esuberanza analitica dei particolari decorativi, che invece avvolge la Messa di san Gregorio di minutissimi decori, capaci di saturare la scena come un rampicante folto di foglie e volute, al pari delle opere di Zucchi successive alla metà degli anni settanta. La semplicità del ritratto vive invece di una composizione quasi paratattica, dove i pochi elementi paiono assumere una chiarezza espressiva del tutto in linea con la semplicità che alle arti chiedevano le conclusioni conciliari. D’altra parte la fedeltà di Ferdinando a quei princìpi, assieme a quella verso Filippo II, è nota, e non andrà qui sottolineata oltre, basterà ricordare come egli espose per l’annuale processione del Corpus Domini del 1578 l’effigie del re di Spagna sul portone di Villa Medici8. Una allusione diretta alla dignità imperiale che declinava, anche in forma politica, l’aspirazione a essere annoverato – pur essendo divenuto cardinale – fra i sovrani “cattolici”. Simili allusioni alla Spagna, esplicite in anni più tardi, potrebbero essere suggestivamente recuperate anche in questo ritratto dove Ferdinando, accanto al crocifisso, si staglia sul fondo scuro, che il restauro ha rivelato essere in parte una quinta formata da riquadri allusivi a un paramento di velluto o, forse, a un parato di cuoio alla moda spagnola. Una dialettica fra fede e aspirazioni dinastiche all’ombra di Filippo II, che segnerà l’intera carriera di Ferdinando. Oltre i possibili significati dell’opera sarà poi da sottolineare come tale esibita assenza di eccessi decorativi potrebbe far scalare la tela ai primi anni del


patrimoine Il progetto “Ritratti in movimento� Dario De Cesaris


1-2 Ritratti di borsisti nel deposito dell’Accademia

di Francia a Roma – Villa Medici.

Il progetto nasce su impulso della Onlus Luigi De Cesaris, organizzazione no profit fondata nel 2012 per onorare la memoria di questo artista del restauro e della conservazione dei beni culturali scomparso in Egitto nel corso della propria attività, il cui appassionato impegno in Italia e all’estero ha restituito splendore ad opere di grande prestigio e rilevante valore storico e culturale. Con questa iniziativa la Onlus, impegnata a promuovere iniziative internazionali di formazione nelle aree del restauro e della conservazione del patrimonio culturale, ha voluto innanzitutto cementare la straordinaria relazione professionale che Luigi aveva costruito in molti anni con l’Accademia di Francia a Roma – Villa Medici. Assieme si è scelto di realizzare un’attività indirizzata al recupero della collezione dei ritratti dei pensionnaires dell’Accademia, ospitati a Roma dall’Accademia e da loro stessi prodotti nei secoli, che costituisce un corpus di grande interesse per la storia dell’arte e il passato di questa istituzione. Così è nato “Ritratti in movimento”, che si propone, appunto, di realizzare una campagna di conservazione e restauro della collezione, sulla base di un programma di formazione rivolto a giovani restauratori e studenti di conservazione francesi, ospitati in Italia. Per garantire il rigore scientifico al programma formativo sono stati coinvolti l’Istituto Superiore per la Conservazione e il Restauro, eccellenza nel settore della formazione e da sempre impegnata a fornire ai giovani adeguati strumenti di crescita professionale e l’Inp (l’Institut national du patrimoine francese). A dare ancora più forza all’idea si è poi aggiunto il patrocinio del Ministero degli Esteri. I giovani restauratori – selezionati attraverso un bando per uno stage della durata di 2 mesi – hanno così l’opportunità di lavorare su questa collezione nell’ambito di un programma di catalogazione, restauro e conservazione prestigioso dal punto di vista artistico e professionale e che consente di maturare un’esperienza di livello internazionale sotto la guida di esperti e professionisti di acclarata fama. Ogni attività è monitorata sotto il profilo tecnico-scientifico dall’ISCR, che pone a disposizione i propri laboratori, i docenti tutor e l’opportuno inquadramento metodologico. L’Accademia di Francia, oltre a mettere a disposizione la collezione, fornisce l’alloggio ai tirocinanti nelle proprie strutture mentre la Onlus Luigi De Cesaris coordina l’iniziativa, sostenendo le spese e il rimborso ai borsisti per la durata del progetto. Tra le opere restaurate fino ad oggi da Bénédicte Colly e Cristina Cojacaru Pingeot, giovani restauratori francesi: il ritratto di Jean Charles Rémond realizzato da Joseph Court – entrambi borsisti dell’Accademia di Francia a Roma nel 1821; l’autoritratto di Sébastien Norblin e il ritratto di Joseph Désiré Court realizzato da François Bouchot nel 1821.

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patrimoine Restauration des portraits de pensionnaires de la Villa Médicis Bénédicte Colly

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François Bouchot, Portrait de Joseph Désiré Court, huile sur toile, v. 1822-1826, Rome, Villa Médicis. Félix Barrias, Portrait de Pierre Nicolas Brisset, huile sur toile, 1847, Rome, Villa Médicis. Détail d’une déchirure. Amable-Paul Coutan, Portrait d’Étienne Jules Ramey, huile sur toile, 1821, Rome, Villa Médicis. Détail d’une marque de pièce collée au revers. Gustave Boulanger, Portrait de Jules Laurent Duprato, huile sur toile, 1851, Rome, Villa Médicis.

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Le projet « Ritratti in movimento: cultura, restauro e formazione tra Francia e Italia » a vu le jour au début de l’année 2013. Né de l’initiative de l’Onlus Luigi De Cesaris, fondée en hommage au grand restaurateur italien prématurément disparu, ce projet a pour objectif l’étude et la restauration des portraits de pensionnaires de la Villa Médicis, en collaboration avec l’Académie de France à Rome et l’Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro (ISCR). Afin de prolonger le dialogue culturel entre l’Italie et la France, cette vaste campagne est confiée à de jeunes restaurateurs français diplômés de l’Institut national du patrimoine (INP), sélectionnés sur entretien. Le projet de l’Onlus est d’attribuer chaque année une bourse de trois mois à l’un de ces jeunes diplômés, leur offrant ainsi l’opportunité de travailler à la Villa et d’enrichir leur formation au sein des ateliers de restauration de l’ISCR. C’est grâce à cette belle initiative que nous avons eu le privilège de séjourner trois mois à la Villa Médicis, d’avril à juin 2013, pour participer à la première phase du projet. La tradition des portraits La collection de portraits de pensionnaires de la Villa Médicis témoigne d’une ancienne tradition, qui remonterait au XVIIIe siècle. Il était en effet d’usage que les pensionnaires peintres représentent leurs camarades lors de leur séjour à l’Académie de France à Rome. Il ne s’agissait nullement d’un exercice obligatoire mais d’une coutume qui a perduré jusqu’à l’entre-deux-guerres, pour finalement s’éteindre progressivement. Les premiers portraits, réalisés alors que l’Académie était établie au palais Mancini, ont tous disparu. La collection compte aujourd’hui quatre cent soixante portraits, tous exécutés à la Villa Médicis entre 1807 et 1937. Les pensionnaires les plus célèbres, parmi lesquels on retrouve David, Henner et Berlioz, sont exposés dans la bibliothèque de l’Académie, tandis que le reste de la collection est conservé dans les réserves visitables récemment créées à la Villa. Les tableaux sont entreposés dans des armoires métalliques et classés par numéro d’inventaire. Depuis l’inventaire publié par Georges Brunel dans les années 19701, aucune campagne d’étude et de restauration n’a été menée sur la collection considérée dans son ensemble. Certains portraits ont été restaurés par des pensionnaires de l’Académie, mais indépendamment du reste de la collection. Le projet « Ritratti in movimento » permet enfin d’aborder ce vaste chantier. Campagne de constats d’état et création d’une base de données Ce projet a pour objectif, à terme, la restauration de l’ensemble de la collection. Pour cela, il est indispensable d’avoir une vision très précise de l’état de conservation de chacun des portraits afin de prévoir les interventions. Une

campagne de constats d’état a donc été amorcée, chaque portrait devant faire l’objet d’un examen minutieux. Afin de regrouper et de classer les informations recueillies, une base de données a été créée avec le logiciel FileMaker Pro©. Cet outil permet d’organiser les informations d’un nombre défini d’entrées et d’isoler des données grâce au moteur de recherche intégré. Les constats ont été réalisés à partir de fiches techniques fournies par l’ISCR. Ces fiches ont été réduites à un système de cases à cocher et de menus déroulants pour accélérer l’entrée des données dans le logiciel et en faciliter ensuite la visualisation. On retrouve les rubriques habituelles d’un constat d’état : identification de l’œuvre (numéro d’inventaire, titre, auteur, date, technique, dimensions, localisation…), matériaux constitutifs du support et de la couche picturale, altérations du support et de la couche picturale, éventuelles interventions antérieures, propositions d’interventions, degré d’urgence des interventions. Cette dernière information est primordiale car, grâce au moteur de recherche de la base de données, il sera possible d’identifier les interventions les plus urgentes et donc de programmer la restauration des œuvres. Pour une meilleure identification, chaque portrait a été photographié en lumière naturelle, face et revers, et en lumière rasante. La photographie en lumière rasante est particulièrement intéressante pour la visualisation des altérations [fig. 1]. Durant cette première phase d’étude, environ un tiers de la collection a été examiné et inséré dans la base de données. À ce stade, il est possible de tirer les premières conclusions. La collection est très uniforme: les portraits étaient exécutés à l’huile, généralement sur toile, même si on note quelques exemples sur bois ou sur carton. Les dimensions varient peu et la composition est toujours basée sur le même principe : le sujet est présenté en buste, de trois quarts. L’état de conservation des portraits est très hétérogène mais on peut distinguer trois catégories : ceux qui n’ont jamais été restaurés, ceux qui ont été anciennement restaurés et ceux qui ont été récemment restaurés. Le premier cas est le plus fréquent. L’absence d’intervention se traduit généralement par un fort jaunissement du vernis, une déformation du support, des pertes de matière picturale. Certains sont également affectés par des déchirures de toile ou des soulèvements de couche picturale [fig. 2]. Leur restauration doit être prévue à court ou moyen terme. Les portraits anciennement restaurés ont reçu divers types d’interventions : pièces de toiles appliquées au revers pour consolider des déchirures, pose de mastics, réintégration de la couche picturale… Bien souvent, ces interventions sont à reprendre, soit parce qu’elles se sont altérées (repeints qui ont viré, oxydation du vernis), soit parce qu’elles contribuent à dégrader l’œuvre (pièces collées au revers qui marquent la


patrimoine Étude technique de la collection des tirages en plâtre de la Villa Médicis. Chronique d’une pensionnaire restauratrice Pascale Roumégoux

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Réserve des tirages, Villa Médicis.

Cet article rend compte d’un travail de recherche mené sur la collection des tirages1 en plâtre de la Villa Médicis au cours de douze mois de résidence2. Durant la première phase, cette étude s’est basée essentiellement sur l’observation de la matière, enrichie par l’expérience acquise lors d’interventions menées sur différentes collections de tirages de musées français3. La documentation technique est ensuite venue compléter et éclairer les constats visuels4. La bibliographie historique a également été consultée, plus rapidement faute de temps et en fin d’étude, afin de ne pas orienter et fausser l’observation. Ce travail en résidence, ayant pour but premier de faire progresser le regard analytique d’une restauratrice professionnelle, a également permis de constituer une base de données techniques5 qui vise à alimenter le champ des investigations menées sur cette collection6. Cependant, la pertinence d’un tel travail ne peut être reconnue que s’il est complété par une étude historique et stylistique approfondie. Cet article vise donc à transmettre les hypothèses élaborées au cours de l’étude technique afin de les confronter au regard critique des historiens de l’art.

La collection de l’Académie de France à Rome La collection de la Villa Médicis se compose de trois cent soixante-dix-neuf tirages7, majoritairement des reproductions d’œuvres antiques dont les originaux sont aujourd’hui dispersés dans les grands musées d’Italie et d’autres pays [fig. 1]. Une quinzaine de tirages d’époque médiévale, importés de France et principalement tirés au XXe siècle8, complètent ce corpus antique. Dès la création de l’Académie, ces œuvres en plâtre représentent pour les pensionnaires lauréats du Prix de Rome un support de travail essentiel, notamment pour la réalisation de copies en pierre d’après l’antique, comme l’attestent les nombreuses traces de compas ou de mise aux points observées à la surface des tirages. Ils servent également aux pensionnaires peintres de supports d’étude, ou peuvent être intégrés dans leurs compositions picturales. Cette collection est également riche de quelques tirages, originaux ou non, illustrant les travaux de création des pensionnaires sculpteurs durant leur séjour à Rome. Supports de l’étude technique : les informations révélées par la matière L’étude des données techniques superficielles s’appuie notamment sur l’examen du profil des coutures, vestiges du procédé de moulage. Ces traces en faible relief matérialisent la jonction des différentes pièces constitutives du moule9, également appelé le creux. Le profil de ces coutures, leur localisation, leur nombre sont autant d’éléments informatifs permettant d’appréhender le procédé de moulage utilisé : moule à creux perdu, moule à bon creux, estampage à la terre10, etc. Malheureusement, ces informations ne sont plus toujours lisibles à la surface des œuvres. En effet, plus

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d’une trentaine de tirages de la Villa ont été poncés ou enduits d’un épais badigeon dissimulant les informations superficielles. Une dizaine d’autres, exposés de longues années à l’extérieur, offrent une surface souvent trop dissolue pour pouvoir révéler le moindre indice technique. Enfin, sur plus de quatre-vingt-dix tirages, les coutures ont été réparées partiellement ou totalement, c’est-à-dire retravaillées à l’outil afin de les rendre invisibles. Les conclusions de l’étude technique de ces œuvres deviennent donc plus hasardeuses voire impossibles. L’observation des coutures permet également de définir la présence de surmoulages ou surtirages, c’està-dire d’épreuves moulées sur des tirages en plâtre et non directement sur l’original. En résulte l’apparition d’un double réseau de coutures, généralement parallèle, l’un issu du premier tirage et l’autre de la dernière prise d’empreinte. Nous avons pu observer un double réseau sur plus de quarante œuvres de la collection dont six reliefs de la colonneTrajane datés du XIXe siècle11. Ces observations prouvent combien il est complexe de définir l’origine exacte d’un tirage en plâtre, d’autant qu’il faut toujours considérer que le premier réseau de coutures a pu être réparé avant la prise d’empreinte, troublant l’information. Certains doubles réseaux nous ont cependant permis d’établir des liens au sein même de la collection. Ainsi le Jeune homme tenant un rouleau (inv. NIP0076)12 est un surtirage réalisé d’après le relief inv. NIP0340. De même, la Fille de Niobé (inv. NIP0091) a été moulée sur le tirage inv. NIP0094. Un doute demeure pour le surtirage de l’Athéna Albani (inv. NIP0129), qui pourrait avoir été réalisé d’après le tirage inv. NIP00160. Cependant l’illisibilité du réseau de ce dernier limite les comparaisons. La même prudence s’impose concernant l’Écorché de Houdon (inv. NIP0319), surtirage issu d’un moule à pièces en plâtre. Celui-ci semble avoir été moulé d’après une autre épreuve en plâtre, non identifiée13, dont une couture large et retravaillée à l’outil est visible sur le tronc de soutien. Ceci permet de comprendre à quel point cette collection était avant tout un outil de travail, vivant, évolutif, et qu’elle fut moulée et remoulée selon les besoins des pensionnaires. En témoignent les incisions plus ou moins franches et plus ou moins nombreuses observées sur plus de quatre-vingt-dix tirages. Ces incisions sont les traces laissées par les couteaux des mouleurs qui réalisaient des prises d’empreinte sur les tirages existants, multipliant les modèles, créant les surtirages évoqués plus haut. La confection de moules à pièces nécessitait l’usage d’un couteau pour la mise en forme des multiples pièces en plâtre, outil vraisemblablement responsable de ces dégâts superficiels. En revanche, il semble qu’il était d’usage d’employer des outils en bois pour la réalisation des pièces d’estampage à la terre, ce qui avait pour avantage d’épargner l’intégrité de la surface des modèles. D’autres traces nous informent sur une autre pratique courante des pensionnaires: la réalisation de copies en pierre d’après les modèles de plâtre. Des clous en bronze ou des points d’ancrage, utilisés dans le procédé


patrimoine À propos de l’Hercule de Coustou à Versailles : découverte d’un plâtre inédit à Rome Alexandre Maral, Pascale Roumégoux

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Nicolas Coustou, Hercule Commode, marbre, château de Versailles, rampe nord du parterre de Latone.

Au sein de la collection des plâtres de l’Académie de France à Rome, une statue d’Hercule a été tout récemment identifiée comme étant probablement une épreuve préparatoire à la version en marbre sculptée par Nicolas Coustou pour Versailles entre 1683 et 1686. Cette découverte est l’occasion de revenir sur l’histoire d’une œuvre relativement atypique, mais aussi d’attirer l’attention sur l’ensemble conservé à la Villa Médicis, qui vient de faire l’objet d’un traitement en conservation. Nicolas Coustou à Rome En 1679, Colbert écrivit au directeur de l’Académie de France à Rome pour lui demander « un mémoire de tout ce qu’il y a de beau à Rome en statues, bustes, vases antiques et tableaux, en marquant en marge ceux que vous avez desjà fait copier et ceux qui restent encore à faire copier, ou en peinture ou en sculpture1 ». Cette demande était liée à la mission, déjà relativement ancienne, de parfaire la formation des artistes pensionnaires du roi au contact des chefs-d’œuvre de l’art romain. Dans le domaine de la sculpture, il s’agissait désormais aussi d’orner les résidences royales d’œuvres illustres, copiées de l’antique et acheminées depuis Rome à la faveur de la paix retrouvée. Rendu officiel en 1682, le choix de Versailles comme résidence pérenne du souverain, de la cour et du gouvernement s’accompagna d’une vaste campagne de peuplement sculpté des jardins, notamment en œuvres antiques, réputées telles ou encore copiées de l’antique2. Le rappel de la grandeur passée était un véritable enjeu de pouvoir : pour Louis XIV comme pour les souverains de son temps, l’antique était susceptible d’exprimer la richesse et la puissance, mais aussi de soutenir une légitimité politique qui s’ancrait alors dans la civilisation gréco-romaine. Nicolas Coustou fit partie de ces contingents de sculpteurs pensionnaires du roi, envoyés à Rome avec pour mission, entre autres, d’exécuter dans le marbre des copies d’œuvres antiques pour Versailles3. Né à Lyon en 1658, élève de son oncle maternel Antoine Coysevox à Paris à partir de 1676, il remporta le Grand Prix en 1682. Il partit l’année suivante pour Rome, où il demeura jusqu’en 1686. Durant son séjour au Palazzo Caffarelli puis, après juillet 1685, au Palazzo Capranica, sièges successifs de l’Académie de France à Rome, il commença par modeler en terre une version réduite, datée d’octobre 1683, du Gladiateur Borghèse, dont l’original antique était alors abrité à la Villa Borghèse4. Son principal travail de pensionnaire consista à copier la statue dite de l’Hercule Commode. L’Hercule Commode Depuis sa découverte en 1507 dans le quartier du Campo dei Fiori, la statue antique de l’Hercule Commode – réplique du IIe siècle de notre ère d’un original lysippéen

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du IVe siècle avant notre ère – était l’un des fleurons de la collection pontificale5. Présentée dans la cour du Belvédère jusqu’en 1797, date de son transfert à Paris, elle figure depuis 1816 dans la Sala Rotonda, son socle antérieur étant occupé par le Persée de Canova. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la statue passa pour représenter l’empereur Commode sous les traits d’Hercule. Outre le prestige attaché à l’œuvre en raison de son appartenance, la figure d’Hercule, symbole de force surhumaine, constitue une image du pouvoir. Avant d’être copiée pour Louis XIV, la statue fut reproduite en bronze, notamment pour François Ier et pour Charles Ier d’Angleterre6. L’association traditionnelle du souverain français à Hercule fut ravivée, en quelque sorte, par l’accrochage, en 1682, des quatre tableaux de l’Histoire d’Hercule de Guido Reni dans le salon d’Apollon à Versailles7 : cette dernière pièce devint au même moment une salle du trône permanente, la seule de toutes les résidences royales françaises8. Faisant allusion au premier des douze exploits ou travaux du héros, l’œuvre antique montre Hercule armé d’une massue taillée de ses propres mains et portant, sur les épaules, la dépouille du lion de Némée – le monstre qu’il a vaincu. L’œuvre antique comporte aussi la figure d’un enfant, curieusement porté par Hercule sur son bras gauche ; jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, cet enfant passait pour être Hylas, que le héros avait enlevé après avoir tué son père, le roi des Dryopes, un peuple inhospitalier9. En quelque sorte, la statue antique offrait une vision synthétique de la vie d’Hercule, tout en constituant un symbole politique auquel l’empereur Commode était identifié. En décembre 1684, le directeur de l’Académie de France à Rome, Charles Errard, rédigea un inventaire général des œuvres et des biens de l’institution10. Destiné à son successeur, Matthieu La Teulière, ce précieux document recense deux statues en plâtre, « moulées sur l’antique » et susceptibles de correspondre à l’Hercule Commode : « l’empereur Comode », conservé dans l’atelier de la Via della Lungara, et, au palais de l’Académie, « l’Herculle-Comode de Bellevédère », placé sur un piédestal en bois. Coustou semble s’être mis assez tôt à son travail de copiste. Le même inventaire de 1684 mentionne, «parmi les figures de marbre blanc que les eslèves copient présentement après l’antique, lesquelles sont fort advancée et réhussissent très belles», le fait que «le sieur Costou copie de marbre la figure de l’empereur Comode». « Un autre Hercule Commode » Le premier biographe de Coustou, Cousin de Contamine, devait mentionner « la belle statue de l’empereur Commode sous la figure d’Hercule, qui est placée dans les jardins de Versailles. Cette statue a six pieds et demi de proportion. M. Coustou, qui n’admiroit que le vrai beau sans prévention pour le tems, pour le pays ni






dossier Penser le faux Jacqueline Lichtenstein Introduction. Penser le faux Ilaria Andreoli “Pensare il falso” : un percorso critico-bibliografico Henry Keazor Aesthetics Versus Knowledge? A Re-Examination of Alfred Lessing’s “What is Wrong with a Forgery?” Pascal Griener The Conflict of the Faculties. The Human Eye Versus Scientific Experience (Nineteenth and Twentieth Centuries) Gabriella Prisco Due mostre e il progetto di un museo sul falso. Una storia tra Francia e Italia (1930-1955) Géraldine Albers Vrai-ment-faux. Le restaurateur et les faussaires Un falso Rinascimento? Elisabetta Sambo 1. Michele Lazzaroni (1863-1934), tra contraffazione e restauro Loredana Lorizzo 2. Il barone Michele Lazzaroni e la scultura Edward Grasman An Indispensable Eye for Art: Vitale Bloch Carole Halimi Le tableau vivant : un « genre faux en soi » ? Diderot, Klossowski, Ontani champ libre Penser le faux par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome Géraldine Kosiak / Agnès Chekroun / Simon de Dreuille varia Emmanuel Lurin Paysages, documents ou vedute ? Les vues gravées d’Étienne Dupérac et leurs fonctions à Rome au XVIe siècle Matthieu Somon Des bienfaits des séjours romains : la Pietà de Charles Le Brun pour le chancelier Séguier Daniela del Pesco Luigi XIV e il cardinale Flavio Chigi: i segreti di un arazzo Sandra Bazin-Henry Des miroirs peints italiens aux trumeaux de glace à la française : querelle de modèles dans les palais romains

débats Jean-Philippe Garric Milan comme métaphore. Les cultures architecturales sous l’Empire entre la France et l’Italie : universalisme et polarités Marie-Anne Dupuy-Vachey 1985-2015 – La redécouverte d’Aubin-Louis Millin informations L’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, 2013 patrimoine L’Académie de France à Rome enrichit ses collections Annick Lemoine L’opportunité d’une nouvelle acquisition : le Portrait de Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi Carlo Falciani Il Ritratto di Ferdinando de’ Medici di Jacopo Zucchi a Villa Medici La collection des portraits de pensionnaires : étude et restauration Dario De Cesaris Il progetto “Ritratti in movimento” Bénédicte Colly Restauration des portraits de pensionnaires de la Villa Médicis La collection des tirages en plâtre : étude et restauration Pascale Roumégoux Étude technique de la collection des tirages en plâtre de la Villa Médicis. Chronique d’une pensionnaire restauratrice Alexandre Maral, Pascale Roumégoux À propos de l’Hercule de Coustou à Versailles : découverte d’un plâtre inédit à Rome pensionnaires historiens de l’art et restaurateurs / lauréats Daniel Arasse et André Chastel / expositions / colloques, journées d’étude, ateliers de recherche et dialogues d’art contemporain / publications

ISBN 978-2-7572-08311 ISSN 1635-0871 29 € 312 pages / 210 illustrations


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