Studiolo 13 – 2016 directeur de la publication Muriel Mayette-Holtz, directrice de l’Académie de France à Rome rédacteur en chef Jérôme Delaplanche, chargé de mission pour l’histoire de l’art Revue créée par Olivier Bonfait, Professeur d’histoire de l’art, alors chargé de mission à l’Académie de France à Rome. comité scientifique Marisa Dalai Emiliani, Sybille Ebert-Schifferer, Catherine Goguel, Alvar González-Palacios, Yves Hersant, Bert W. Meijer, Claude Mignot, Anna Ottani Cavina, Sandra Pinto, Gérard Régnier, Pierre Rosenberg, Victor I. Stoichita, Henri Zerner comité de rédaction Claire Barbillon (Université Paris Ouest Nanterre), Marc Bayard (Mobilier National), Laurence Bertrand Dorléac (Sciences Po Paris), Olivier Bonfait (Université de Bourgogne), Maurice Brock (CESR, Université de Tours), Luisa Capodieci (Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne), Stefano Chiodi (Université Roma Tre), Elena Fumagalli (Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia), Sophie Harent (musée Bonnat, Bayonne), June Hargrove (University of Maryland), Michel Hochmann (EPHE, Paris), Dominique Jarrassé (Université de Bordeaux 3, École du Louvre), Fabrice Jesné (École française de Rome), Annick Lemoine (Université Rennes 2 et INHA), Christophe Leribault (Petit Palais – musée des Beaux- arts de la ville de Paris), François-René Martin (ENSBA, École du Louvre), Maria Grazia Messina (Università degli Studi di Firenze), Patrick Michel (Université
Charles de Gaulle – Lille 3), Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne), France Nerlich (Maître de conférences à Université de Tours), Pierre Pinon (CNRS), Rodolphe Rapetti (Service des musées de France), Patricia Rubin (Institute of Fine Arts, New York University), Tiziana Serena (Università degli studi di Firenze), Anne Spica (Université de Lorraine). secrétariat de rédaction Patrizia Celli, Cecilia Trombadori stagiaire Jean-Charles Pintori corrections Cecilia Trombadori traductions Daniela Corte, Marta Raponi [Ubris | Traduzione Revisione Redazione testi] conception graphique Francesco Armitti mise en page Olivier Husson réalisé à Rome par Consorzio Arti Grafiche Europa © Académie de France à Rome – Villa Médicis / Rome, 2016 viale Trinità dei Monti 1 – 00187 Rome, Italie tél. (0039) 066761245 © Somogy éditions d’art / Paris, 2016 57 rue de la Roquette – 75011 Paris – France tél. (0033) 14.80.57.010 / fax. (0033) 14.80.57.110 prix du numéro : 29 euros ISBN : 9-782757-212288 dépôt légal : décembre 2016 imprimé en Italie
2016 13
Studiolo
revue d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis
dossier Dépaysé / Spaesato 7
Muriel Mayette-Holtz directrice de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis Éditorial
10 Tamara Dominici Quentin Metsys e l’Italia: immagini di un viaggio 30 Gabrielle de Lassus Saint-Geniès Raphaël dépaysé par le siècle des Romantiques 46 Juliette Milbach L’Italie des peintres soviétiques : un déracinement temporel Teresa Leonor M. Vale 58 Uno scultore portoghese a Roma: José de Almeida (1708-1770) e l’Accademia di Portogallo nella prima metà del Settecento
dossier / champs libre 70 76 78
Lek & Sowat Adina Mocanu & Alexandra Sand Anne-Margot Ramstein & Laurent Bazin
varia
l’histoire de l’art à la Villa Médicis
86 Cécile Beuzelin Le sourire du Laocoon dans la Pala Pucci de Jacopo Pontormo
302
112 Adriano Amendola Ripensare Ottavio Leoni. I rapporti con gli Orsini e un nuovo ritratto in piccolo 130 Esther Theiler Valentin de Boulogne’s Portraits of Raffaello Menicucci: The Buffoon Count of Monte San Savino Rachel George 146 Organisation et mise en place de l’atelier de l’Accademia di San Luca de Rome au primo Seicento 166 Pascale Cugy Variations européennes autour des gravures de modes parisiennes. Commerce, copies et adaptations d’images d’habits sous le règne du Roi-Soleil
304 Patrimoine Les chantiers de restauration à la Villa Médicis, 2015 308 Sophie Kervran Le fonds graphique de l’Académie de France à Rome : une collection révélatrice de l’histoire de l’institution Lena-Maria Perfettini 316 Catalogue raisonné des tableaux de chevalet de la Villa Médicis, hors portraits de pensionnaires Patrizia Celli 358 L’Accademia di Francia e le conseguenze della Grande Guerra
380 Jean-Marc Hofman 184 Une collection de plâtres méconnue. Les moulages de sculpture du Moyen Âge français de la Villa Médicis
regards critiques
Le département d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome
381 382 385
pensionnaires historiens de l’art et restaurateurs 2015-2016 lauréats Daniel Arasse et André Chastel 2015 colloques 2015 publications 2015 386 388
biographies des auteurs résumés des articles
200 Bruno Chenique Géricault en Italie : libre arbitre et république du génie. Deux siècles de recherches (1816-2016) 236 Dominique Jarrassé Usage fasciste de l’art colonial et dénis d’histoire de l’art. Les Mostre d’arte coloniale (Rome 1931 et Naples 1934) 264 Myriam Metayer Art national ou art universel ? L’impérialisme des manuels et des synthèses publiés en Italie et en France : une relecture postcoloniale 284 Carmen Belmonte Biografia di un dipinto. La Battaglia di Dogali di Michele Cammarano tra retorica coloniale e sfortuna espositiva
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ĂŠditorial
Muriel Mayette-Holtz, directrice de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis
L’ambition suprême des résidences d’artistes est de proposer un abri temporaire à la création et bien entendu la possibilité d’un changement de perspective. Lorsque l’on parle de dépaysement, pense-t-on à celui des créateurs placés pour un temps « ailleurs » ou à celui du public qui accueille un artiste étranger venu lui parler un nouveau langage ? Est-ce le voyageur qui est dépaysé ou la ville qui héberge que l’on dépayse en la bouleversant ? Quand commence-t-il exactement ce voyage entrepris par le créateur ? Au début de la création, dès l’apprentissage d’un nouveau solfège, à la montée en avion, à l’arrivée dans un autre pays ? Ou bien est-ce seulement au retour que l’on peut mesurer, sentir un dépaysement... N’est-ce pas bien plus tard que ressurgissent les influences engrangées pendant le séjour, n’est-ce pas dans les retrouvailles de ses propres habitudes que le dépaysement s’opère vraiment ? Est-il mental ou bien réel, ce changement intime dû au voyage, qui nous repositionne différemment ? A-t-on vraiment besoin de se déplacer pour se laisser dépayser ? Est-ce un changement de climat, de langue, d’habitude ou la rencontre de nouveaux chefs-d’œuvre, de nouveaux maîtres qui opère le plus ? Bien entendu la réponse est tout à la fois, et l’influence des résidences se ressent dans le travail des artistes... Pourtant, il est bien difficile de savoir exactement ce qui a joué dans ce glissement progressif, dans cet enrichissement.
Les artistes ne cessent de chercher autre chose ou la même chose dite différemment ; ils sont en perpétuel mouvement et nous dépaysent nous offrant de nouvelles perspectives... Les spécialistes, les chercheurs en histoire de l’art sont les premiers observateurs de ce séisme provoqué par le déplacement, de ce séisme recherché, volontaire et subi en même temps. À l’occasion du nouveau festival « Viva Villa », qui réunit les artistes en résidence de Villa Kujoyama, Casa de Velasquez et Villa Médicis, nous avons pu repérer sensiblement l’influence des pays d’accueil dans le travail des créateurs... Et combien ces résidences, lieux de vie et de recherche, ont su stimuler la création artistique, en proposant le croisement des disciplines, le côtoiement des artistes, une mobilité au cœur des pays. Aborder cette question permet en premier lieu de montrer l’importance de ces maisons d’artistes et de répondre toujours à la question de leur utilité. La revue scientifique Studiolo fait de l’Académie de France à Rome un centre de recherche majeur et un observateur unique de l’évolution de la création contemporaine. Je remercie les historiens de l’art, tous les chercheurs qui contribuent à enrichir cette collection annuelle, aujourd’hui ouvrage de référence à dimension internationale. Les artistes ont besoin de ces écrivains de l’ombre, de ces spectateurs éclairés, pour partager avec le public et mettre en lumière la force de leur travail.
dossier Dépaysé / Spaesato
Tamara Dominici Quentin Metsys e l’Italia: immagini di un viaggio
Studiolo 13 / dossier / 11
“Nella prima metà del secolo xvi, intorno al 1510, l’arte fiamminga scopre l’Italia, e si lascia acculturare dall’arte italiana: è l’epoca dei così detti ’romanisti’”.1 Si è trattato di un processo piuttosto lento; d’altra parte, non vi erano molte possibilità di vedere nei Paesi Bassi le opere dei grandi artisti italiani, se escludiamo alcune eccezioni come quelle di Della Robbia nella chiesa di San Giacomo a Bruges, della statua di Michelangelo che due mercanti, i fratelli Mouscron, avevano donato alla chiesa della Vergine della stessa città, e di certe opere presenti a corte. Così sappiamo, per esempio, che nell’abbazia belga di Tongerlo si conservava dal 1545 una copia monumentale del Cenacolo di Leonardo. Grande importanza ha assunto, inoltre, l’arrivo dei cartoni di Raffaello per i dieci arazzi con scene tratte dagli Atti degli Apostoli, destinati a completare l’allestimento della Cappella Sistina, che furono portati a Bruxelles nel 1517 proprio per essere tessuti nella bottega di Pieter van Edingen.2 Il tempo impiegato per la realizzazione fu di due anni, ma al loro completamento nel 1519, come era consuetudine, i cartoni non furono più restituiti. La serie rendeva possibile non solo un contatto diretto con l’opera dell’artista urbinate, ma metteva anche i pittori nordici a confronto con una monumentalità ormai pienamente acquisita nell’area meridionale, grazie alla tecnica dell’affresco. Il successo degli arazzi di Raffaello portò inoltre a Bruxelles, nel 1520, il suo allievo Tommaso Vincidor, dai cui disegni vennero
1 Federico Zeri, Dietro l’immagine: conversazioni sull’arte di leggere l’arte, Milano, 1987, p. 249. 2 Pieter van Edingen (c. 1450-1522), conosciuto come Van Aelst, fu uno dei più importanti arazzieri dell’inizio del xvi secolo. Nessuna manifattura italiana veniva giudicata tecnicamente in grado di assolvere il compito di tessitura degli arazzi, mentre i laboratori fiamminghi offrivano garanzie di alta qualità e rapida esecuzione.
tratti sul posto dei cartoni: una collaborazione che naturalmente stimolò il gusto italianizzante.3 Di un gran numero di maestri nordici non sappiamo tuttora se si siano effettivamente recati in Italia o se abbiano piuttosto tratto ispirazione da stampe ottenute da modelli antichi o da opere di pittori italiani. Essi spesso arrivavano nella penisola richiamati dal classicismo e si dedicavano freneticamente a trarre copie dall’antico o prendere spunto dai ’classici’, Michelangelo e Raffaello. “Ma il loro stesso approccio al classicismo, che non poteva figurarsi come un ritorno alle fonti della loro stessa cultura ed era […] una deviazione quasi esotica, li condannava a scavalcare la dimensione rinascimentale e a porsi senz’altro quali manieristi. Si tratta, però, di una particolare forma di manierismo, che è appunto romanista e classicheggiante.” 4 Il centro verso cui sembrava orientarsi tutto questo potenziale artistico neerlandese cinquecentesco era Anversa, la più importante metropoli mercantile a nord delle Alpi. La città era sede di un fiorente mercato di pale d’altare intagliate che offriva notevole lavoro ai pittori. Si sviluppò così uno stile strettamente legato a questa specialità e gli artisti che lo praticavano vennero comunemente definiti ’manieristi d’Anversa’. L’uso di questo termine risulta tuttavia fuorviante, poiché si è soliti attribuirlo alla fase stilistica che seguì il Rinascimento italiano, con la quale invece il manierismo di Anversa non ha nulla a che vedere. In questo caso, infatti, manierismo è inteso come ’stile di Anversa’, uno stile che caratterizzò il mercato artistico fino alla metà del Cinquecento, in cui a primeggiare erano il gusto per la deformazione, 3 Si veda Paul Huvenne, “Il Cinquecento e lo ’stile nuovo’”, in Bert W. Mejier (a cura di), La pittura nei Paesi Bassi, Milano, 1997, vol. I, p. 147-157. 4 Caterina Limentani Virdis, Introduzione alla pittura neerlandese (1400-1675), Padova, 1978, p. 159.
Gabrielle de Lassus Saint-Geniès Raphaël dépaysé par le siècle des Romantiques
Studiolo 13 / dossier / 31
« Le parc de Stowe est célèbre pour ses fabriques : j’aime mieux ses ombrages. Le cicerone du lieu nous montra, dans une ravine noire, la copie d’un temple dont je devais admirer le modèle dans la brillante vallée du Céphise. De beaux tableaux de l’école italienne s’attristaient au fond de quelques chambres inhabitées, dont les volets étaient fermés : pauvre Raphaël prisonnier dans un château des vieux Bretons, loin du ciel de la Farnésine 1 ! » En exil en Angleterre, François-René de Chateaubriand visite le domaine de Stowe en 1799, en déplorant le triste dépaysement des tableaux de Raphaël grâce une habile métonymie : Raphaël en ses tableaux devient le prisonnier fictif de l’Angleterre et soupire après la lumière de son sol natal derrière les volets fermés d’Albion. Si l’artiste a l’occasion, lors de ses voyages, d’être dépaysé, l’œuvre d’art peut-elle être considérée comme telle ? Poser la question du dépaysement d’un matériau artistique, c’est lui reconnaître la possibilité d’une existence propre qui le conduit à être souvent déraciné de son lieu de création, séparé de son contexte original. C’est interroger l’autonomie de l’objet, la multiplicité de ses sens, ses glissements d’identité et sa vulnérabilité face aux ruptures spatio-temporelles. André Malraux le constatait dès les premières pages de son Musée imaginaire : « Et le musée supprime de presque tous les portraits [...], presque tous leurs modèles, en même temps qu’il arrache leur fonction aux œuvres d’art : il ne connaît plus ni palladium, ni saint, ni Christ, ni objet de vénération, de ressemblance, d’imagination, de décor, de possession ; mais des images des choses, différentes des choses mêmes, et triant de cette différence spécifique leur 1 François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe (Paris, 1849), 3 vol., Paris, 2001, vol. 1, p. 736.
raison d’être. Il est une confrontation de métamorphoses 2. » L’histoire des productions artistiques témoigne que l’œuvre d’art a bien souvent la vocation d’être dépaysée, d’être délocalisée matériellement de son périmètre de production ou de son emplacement primordial pour être relocalisée et conservée au sein d’un pays « autre » pour des raisons variées. Certains dépaysements sont consentis par l’artiste, d’autres sont le fruit des hasards, des ventes, des vols, des acquisitions et des translations de l’Histoire. Innombrables sont les œuvres d’art dépaysées depuis la Vénus de Milo jusqu’aux dessins de Picasso, qu’il s’agisse de la Victoire de Samothrace ou des Impressionnistes qui ornent les collections américaines. C’est souvent le cas pour la plupart d’entre elles. Parmi tous, l’exemple de Raphaël Sanzio (1483- 1520) apparaît particulièrement digne d’intérêt en raison de la ferveur élitiste et populaire qui a accompagné la diffusion de ses œuvres, plus spécialement durant la période de la fin du xviiie siècle et tout au long du xix e siècle en Europe. L’exposition sur Raphaël et l’art français (Grand-Palais, 1983-84) a offert un panorama très complet de l’influence de ce peintre en France, en évoquant aussi son impact dans les autres foyers artistiques européens tout en se concentrant sur les images de l’Hexagone 3. Or, la fortune critique de Raphaël est clairement perceptible dans des pays comme l’Angleterre et l’Allemagne au sein du territoire global de l’Europe à cette époque. Par exemple, Raphaël est questionné lors des débats artistiques sur les méthodes stylistiques à adopter pour 2 André Malraux, Le Musée imaginaire (Paris, 1965), Paris, 1996, p. 12. 3 Jacques Thuillier, Martine Vasselin, Jean-Pierre Cuzin (dir.), Raphaël et l’art français, cat. exp. (Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, 1983-1984), Paris, 1983, p. 11.
Juliette Milbach L’Italie des peintres soviétiques : un déracinement temporel
Studiolo 13 / dossier / 47
« Un certain matin de juin, je reçois un télégramme m’appelant immédiatement à Moscou pour régler la question d’un voyage à l’étranger. Je pars tout de suite, mais dans ma tête c’est le chaos [...]. Qu’il est difficile de décrire l’état nous nous trouvons lorsqu’il s’agit de quitter pour la première fois notre terre natale ! Avec quelle joie inquiète nous mettons dans notre valise tout ce sans quoi, au dire des gens qui y sont déjà allés, on ne peut vivre un seul jour en dehors de nos frontières. Bien sûr, un équipement soigné, puis des huiles et aquarelles, quelques cravates grises, des chemises non rayées etc. [...] Ensuite, fébrilement, nous nous lançons à la recherche, à travers tout Moscou, d’un dictionnaire russo-italien ou d’un manuel de conversation qu’il est indispensable de prendre avec soi. [...] Une pensée en chasse une autre : «Et voilà, je vais enfin te voir, magnifique Italie 1. » C’est par ces termes, jouant d’une langue volontairement simplifiée que le peintre soviétique Arkadiï Plastov 2 (1893-1972) présente le voyage qu’il entreprend avec quelques-uns de ses confrères à l’occasion de la XXVIIIe Biennale de Venise (1956). Si le discours de cet article, finalement non publié, apparaît assez convenu, il ne fait qu’annoncer quelques lignes beaucoup plus passionnées sur les œuvres que le peintre espère contempler dans les grands musées 1 Arkadij Plastov, « En Italie » [V Italii], manuscrit d’article avec corrections du rédacteur, 1957, Archives nationales d’art et de littérature, RGALI, fonds 2486, OP. 1. D. 382. 2 Arkadij Plastov étudie à Moscou jusqu’en 1917. Ensuite, il partage son temps entre son village de la Volga (Prisloniha) et la capitale où il participe à toutes les grandes expositions à partir des années 1930. Membre de l’Union des artistes soviétiques, il est académicien à partir de 1947.
italiens, au cours d’un parcours qui ne se limitera pas à Venise, mais s’étendra à Rome, Naples et Milan. Les déclarations, au travers des articles ou des lettres de nombreux artistes de l’Union soviétique, montrent combien l’Italie occupe une place importante. En outre, les références semblent plus libres car elles ne sont pas codifiées par le discours soviétique à la manière dont la parole officielle demande de s’inspirer des sources nationales du réalisme russe ou, à l’inverse, de se défendre de l’impressionnisme et de certains courants modernistes européens 3. En Russie, l’image d’une Italie emplie de ruines antiques, de musées, de paysages bucoliques hérite en premier lieu de la tradition académique. L’institution, créée à Saint-Pétersbourg en 1757, offrait à ses étudiants des bourses de longs séjours en Europe sans contrainte quant à la destination. Ceux-ci, dans la pratique, en particulier tout au long du xixe siècle, se limitaient alors surtout à la France et l’Italie 4. Au xixe siècle, les séjours italiens sont donc fréquents chez les peintres. Silvestre Chtchedrine (1791-1830) a été en Italie et en a ramené des peintures de ruine (Le Colisée, 1819) ainsi que des paysages plus libres et sauvages (Sorrente, 1828 – les deux à Galerie Tretiakov). Ces œuvres sont bien connues du public soviétique et reproduites en maints endroits dont la revue très largement diffusée Iskousstvo [l’Art]. Un autre exemple est le peintre d’histoire Vassiliï Sourikov (1848-1916) qui jouit d’une grande reconnaissance en URSS : l’Institut d’art le 3 Lorsque le réalisme socialiste se met en place la référence officielle est celle des racines nationales, on renvoie en particulier au réalisme russe du xixe siècle, en opposition à toutes références cosmopolites : les références françaises sont les premières bannies. 4 Pour l’étude des séjours russes en France dans la seconde moitié du xixe siècle, voir Tatiana Mojenok, Les peintres réalistes russes en France (1860-1900), Paris, 2003.
Teresa Leonor M. Vale Uno scultore portoghese a Roma: José de Almeida (1708-1770) e l’Accademia del Portogallo nella prima metà del Settecento
Studiolo 13 / dossier / 59
Lo scultore José de Almeida Lo scultore José de Almeida (1708-1770) si formò in seno all’Accademia del Portogallo a Roma dove furono presto riconosciute le sue capacità quando vinse il secondo premio della prima classe di scultura del Concorso Clementino del 1725, anno in cui il primo premio fu assegnato ex aequo a Pietro Bracci (1700- 1770) e Filippo della Valle (1698-1768). Non fu dunque a Roma che Almeida visse l’e sperienza dello spaesamento, come si potrebbe pensare, ma nel suo paese. In effetti, dopo il rientro da Roma, José de Almeida non ricevette da parte del re Giovanni V (1689-1750), detto il Magnanimo, e dalla corte, l’apprezzamento e le conseguenti committenze che ci si sarebbero potute aspettare, tenuto conto della sua formazione romana e delle sue qualità artistiche. E così Almeida, in assenza di una clientela capace di capire quello che aveva appreso a Roma, dovette accontentarsi di committenze minori, lasciando da parte il marmo per dedicarsi alla scultura in legno, producendo madonne e santi, ancora oggi conservati all’interno di diverse chiese di Lisbona. Almeida non era abbastanza romano per un re innamorato dell’arte e della cultura romana, ma lo era sicuramente troppo per la normale committenza portoghese dell’epoca. Abbiamo già avuto occasione di dedicare a José Almeida un libro e un saggio che aggiornava e completava parte delle informazioni raccolte fino a quel momento su questo artista, formatosi a Roma e rientrato in Portogallo nel 1728.1 In quest’articolo si 1 Si veda Teresa Leonor M. Vale, Um Português em Roma, Um Italiano em Lisboa. Os Escultores Setecentistas José de Almeida e João António Bellini, Lisbona, 2008 e Teresa Leonor M. Vale, “Ainda Um Português em Roma, Um Italiano em Lisboa. Novos contributos sobre as obras dos escultores José de Almeida e João António Bellini”, Arqueologia & História, 62-63, 2013, p. 163-173.
riferiranno pertanto solo quegli aspetti della sua biografia ritenuti utili all’approccio che si desidera fare al tema dello spaesamento. José de Almeida nacque a Lisbona il 18 Febbraio 1708 e, anche se l’importante biografo di artisti Cirilo Volkmar Machado (1748-1823), nella sua Collezione di Memorie, afferma che avesse legami famigliari “con molti e buoni artisti”,2 vi sono in realtà scarsissime informazioni riguardo le origini e i rapporti familiari di Almeida. Sappiamo che era figlio dell’intagliatore di legno João Vicente (e di sua moglie Francisca di Siqueira) e fratello dell’intagliatore e architetto della Casa Reale Vicente de Almeida (o Vicente Félix). José de Almeida era inoltre cognato di un altro intagliatore di legno importante a Lisbona, Silvestre Faria Lobo, che aveva sposato sua sorella Francisca das Chagas.3 Nel 1718, all’età di dieci anni, Almeida partì per Roma, dove rimase fino al 1728, studiando all’Accademia del Portogallo,4 dove ebbe come maestro Carlo Monaldi (1683-1760).5 Quest’ultimo fu tra gli scultori, attivi nell’ambiente romano della prima metà del Settecento, più apprezzati dalla corte portoghese e in particolare 2 “[...] aparentado com muitos e bons artistas”, Cirilo Volkmar Machado, Colecção de Memórias Relativas às Vidas dos Pintores e Escultores, Arquitectos e Gravadores Portuguezes e dos Estrangeiros que Estiverão em Portugal, J. M. Teixeira de Carvalho e Vergílio Correia (ed.), Coimbra, 1922 (1ª edizione, Lisbona, 1823), p. 205. 3 Per la data di nascita di Almeida si veda ANTT, Registos Paroquiais. Freguesia das Mercês. Baptismos, Microfilme 1032, fl. 130v.; per il matrimonio di Francisca das Chagas con Silvestre Faria Lobo: ANTT, Registos Paroquiais. Freguesia de Nossa Senhora da Encarnação. Casamentos, Livro C-9, pubblicato da Natália Brito Correia Guedes, O Palácio dos Senhores do Infantado em Queluz, Lisbona, 1971, p. 339, Doc. 118. 4 A. Ayres de Carvalho, D. João V e a Arte do Seu Tempo, 2 t., Lisbona, 1962, t. II, p. 299. 5 Athanasy Raczynski, Dictionnaire Historico-Artistique du Portugal, Parigi, 1847, p. 5.
varia
Cécile Beuzelin Le sourire du Laocoon dans la Pala Pucci de Jacopo Pontormo
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Jacopo Pontormo, Pala Pucci, 1518, Florence, San Michele Visdomini Laocoon, Ier siècle av. J.C., Vatican, Museo Pio Clementino
Studiolo 13 / varia / 87
À Aurélien et Yves, in memoriam En 1518, Jacopo Pontormo (1494-1557) peint pour le Florentin Francesco di Giovanni di Antonio Pucci (1437-1518) une pala destinée à orner sa chapelle funéraire dans l’église de San Michele Visdomini à Florence. Le commanditaire appartient à la riche et importante famille patricienne des Pucci. Il se consacre à la politique et mène une brillante carrière qui s’achève en 1517 avec l’obtention de l’une des plus hautes charges de la République de Florence, celle de Gonfaloniere di Giustizia. Les deux testaments et leur codicille, qu’il rédige entre janvier 1517 et juillet 1518, nous informent qu’après avoir hésité à établir sa chapelle funéraire dans l’église de la SS. Annunziata, il achète finalement à San Michele Visdomini, l’église paroissiale des Pucci, située en face du palais familial, une chapelle qu’il dédie à saint Joseph 1. La Pala Pucci [fig. 1] – l’une des premières œuvres autonomes de Pontormo – a depuis toujours été étudiée à travers le prisme de Léonard et du « léonardisme » toscan. La récente restauration permet de retrouver l’étonnant chromatisme de l’ensemble, ainsi que la lisibilité de nombreux détails qui n’ont jusqu’à 1 Sur la Pala Pucci, voir : Giorgio Vasari, Le vite dei più eccellenti pittori, scultori e architetti, vie de Jacopo Pontormo, Rome, 1997 (éd. or. Rome, 1991), p. 1013 ; Frederick Mortimer Clapp, Jacopo Carucci da Pontormo : his Life and Work, New Haven, 1916, p. 18-20, p. 125-128 ; Janet Cox-Rearick, The Drawings of Pontormo, 2 vol., Cambridge, 1964, vol. 1, p. 122-136, cat. 29-61 ; Kurt W. Forster, Pontormo : Monographie mit kritischen Katalog, Munich, 1966, p. 33-37 ; David Franklin, « A Document for Pontormo’s S. Michele Visdomini Altar- Piece », The Burlington Magazine, vol. 132, no 1048, 1990, p. 487-489 ; Philippe Costamagna, Pontormo, Milan, 1994, p. 33-36, notice 24, p. 132-137 ; Antonio Natali, « Testimoni della luce. La Madonna delle arpie e la Pala Pucci », in Antonio Natali, Carlo Falciani (dir.), Pontormo e Rosso Fiorentino. Divergenti vie della Maniera, cat. exp. (Florence, palais Strozzi, 8 mars-20 juillet 2014), Florence, 2014, p. 72-75, cat. II.2, p. 78 ; Antonio Natali, Carlo Falciani, Pontormo, Milan, 2015, p. 91-96.
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présent pas pu être étudiés. Elle replace l’œuvre de manière plus cohérente dans le début de carrière du peintre et invite à la penser en d’autres termes plastiques, en particulier à travers les liens qu’elle entretient avec la sculpture. Bien que l’organisation générale de la composition rappelle les Saintes Conversations de Fra’ Bartolomeo et la Madone des Harpies d’Andrea del Sarto (1517), il ne s’agit pas d’une Sainte Conversation traditionnelle. On constate en effet trois étrangetés. La première réside dans la place qu’occupe Jésus : il est tenu par Joseph, et non par la Vierge ; comme à son habitude, Pontormo se sert d’un simple « glissement » pour bouleverser un schème iconographique bien établi. La deuxième tient à la présence, sous les pieds de la Vierge, de quelques marches formant un petit escalier que la restauration a rendu à nouveau visible. La troisième réside dans la direction des regards. À l’exception de saint François d’Assise, aucun des personnages ne regarde l’Enfant, et cinq personnages
Adriano Amendola Ripensare Ottavio Leoni. I rapporti con gli Orsini e un nuovo ritratto in piccolo
Studiolo 13 / varia / 113
La pubblicazione dei cataloghi dei disegni di Ottavio Leoni (1578-1630) conservati presso l’Accademia La Colombaria di Firenze e il Kupferstichkabinett di Berlino ha riacceso l’attenzione degli studiosi sull’importanza dell’artista nel panorama romano e sull’influenza esercitata in quello europeo, offrendo nuovi spunti di riflessione sulla sua opera.1 Grande capacità tecnica e innata curiosità verso il prossimo furono le doti che resero Leoni uno dei più importanti ritrattisti della prima metà del diciassettesimo secolo, i cui modelli furono studiati da Antoon van Dyck e da Peter Paul Rubens,2 anche grazie alla loro traduzione in incisione fin dal 1599.3 Le carte d’archivio e i suoi disegni ci hanno tramandato il costante impegno negli anni dei pontificati di Paolo V Borghese (1605-1621) e Urbano VIII Barberini (1623-1644), fondamentali per la nascita del nuovo linguaggio barocco e del cosiddetto ritratto parlante.4 Proposito del presente articolo è quello di focalizzarne meglio i legami con gli esponenti della Casa Orsini e al contempo di porre 1 Piera Giovanna Tordella, Ottavio Leoni e la ritrattistica a disegno protobarocca, Firenze, 2011; Francesco Solinas (a cura di), Ottavio Leoni (1578-1630). Les portraits de Berlin, Roma, 2013. Si veda inoltre la recensione di Xavier F. Salomon, “Ottavio Leoni as a Portrait Draftsman”, Master Drawings, no 53, 2015, p. 385-387. 2 Bernardina Sani, Ottavio Leoni. La fatica virtuosa, Torino, 2005, p. 43-46; Piera Giovanna Tordella, “Ottavio Leoni secondo Van Dyck. Sul punto di stazione retrostante e l’Autoritratto con girasole”, Rivista d’arte, no 2, 2012, p. 297-311. 3 Loredana Lorizzo, “Nicolas van Aelst’s Will and a List of His Plates”, Print Quarterly, no 31, 2014, p. 14. 4 Si veda Sani, 2005, p. 38-43; Maria Cristina Terzaghi, “’Virtuosi illustri del suo tempo’. Novità e precisazioni per Ottavio Leoni, Caravaggio e i volti della Roma caravaggesca”, in Maria Cristina Terzaghi (a cura di), Caravaggio. Mecenati e pittori, catalogo della mostra (Caravaggio, Palazzo Gallavresi, 2010), Milano, 2010, p. 15-57; Tordella, 2011, p. 15-57; Yuri Primarosa, “Ottavio Leoni portraitiste de Paul V et du College des cardinaux Borghèse”, in Solinas (a cura di), Ottavio Leoni (1578-1630). Les portraits de Berlin, Roma, 2013, p. 55-71.
al centro dell’attenzione critica la poco nota produzione di ritratti di piccolo formato di Ottavio Leoni, presentando infine un nuovo dipinto su rame eseguito tra il 1608 e il 1612, che in questa sede, si propone di attribuire all’artista. Ottavio Leoni alla corte di Paolo Giordano II Orsini Per ripensare Ottavio Leoni occorre approfondire i rapporti con i mecenati,5 tra i quali spiccano gli Orsini, in particolare il duca Paolo Giordano II (1591- 1656), con cui l’artista ebbe sicuramente un legame privilegiato. É al contempo necessario prendere in considerazione il contesto di relazioni tra Leoni e gli altri artisti chiamati a corte dall’Orsini, ampliando così le prospettive critiche e inserendo il dialogo tra committente e pittore in un più ricco ambiente intellettuale, favorito dagli interessi poliedrici di Paolo Giordano II. Scrivendo la biografia dell’artista, Giovanni Baglione concludeva che non vi era “Principe, Principessa, Gentilhuomo, e Gentildonna, come anche persona privata, che da Ottavio stata ritratta non sia; & in casa, di mano del Cavaliere [Ottavio Leoni], non conservi qualche ritratto”: 6 gli Orsini non furono certo da meno. Quella per il ritratto nei modi di Leoni sembra essere stata per Paolo Giordano II una vera passione, in certa misura utile a celebrare una personalità, già nota per il suo alto rango durante il corso della vita, in un continuo ripetersi a richiamo della memoria del suo volto. Il caso dell’Orsini appare piuttosto 5 Si veda ad esempio Yuri Primarosa, “Statilio e Faustina Pacifici committenti e collezionisti di Ottavio Leoni”, in Francesca Parrilla (a cura di), Collezioni romane dal Quattrocento al Settecento: protagonisti e comprimari, Roma, 2014, p. 31-47. 6 Giovanni Baglione, Le vite de, pittori, scultori, architetti, ed intagliatori, dal pontificato di Gregorio XIII del 1572 fino a ̕tempi di papa Urbano VIII nel 1642, Roma, 1642, p. 321.
Esther Theiler Valentin de Boulogne’s Portraits of Raffaello Menicucci – The Buffoon Count of Monte San Savino
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Valentin de Boulogne, Portrait of Raffaello Menicucci, c. 1628-30, Indianapolis, Indianapolis Museum of Art
An intriguing seventeenth century portrait by Valentin de Boulogne in the Indianapolis Museum of Art depicts a swarthy, middle-aged man who gestures towards a paper bearing a diagram of a tower and an inscription that reads Rocco del Conte.1 The Portrait of Raffaello Menicucci entered the collection of the Indianapolis Museum of Art in 1956 [fig. 1] . Prior to that it was listed in a 1937 catalogue where the painting was described as a Portrait des Baumeisters Menicucci or “Portrait of an architect”.2 A few years after its purchase by the then John Herron Art Institute, Creighton Gilbert paid tribute to the power of characterisation in this portrait and saw in it an example of the “citizen’s Baroque”.3 Erich Schleier, in 1965, established that the subject of the painting was the buffoon, Raffaello
1 For this image see Creighton Gilbert, “A Florentine Baroque Painting”, Bulletin of the Art Association of Indianapolis, Indiana, John Herron Art Institute, XLVII, no 4, 1960, p. 55-60; Erich Schleier, “The Menicucci Portrait Restudied”, Bulletin of the Herron Museum of Art, vol. LII, 1965, p. 78-86; Jean-Pierre Cuzin, “Pour Valentin”, Revue de l’Art, vol. 28, 1975, p. 53-61; Anthony Janson and A. Ian Fraser, 100 Masterpieces of Painting, Indianapolis Museum of Art, Indianapolis, 1980, p. 68-70; Luigi Ficacci (ed.), Claude Mellan, gli Anni Romani: un Incisore tra Vouet e Bernini, Roma, 1989, p. 214-215; Marina Mojana, Valentin de Boulogne, Milan, 1989, p. 126; Arnauld Brejon de Lavergnée, “Valentin de Boulogne Portraitiste”, Revue de l’Art, vol. 94, 1991, p. 66-68; Clovis Whitfield, “Portraiture: from the ’Simple Portrait’ to the ’Ressemblance Parlante”, in Beverley Louise Brown (ed.), The Genius of Rome, exh. cat. (London, Royal Academy of Arts, 2001; Rome, Palazzo Venezia), London, 2001, p. 162; Luigi Spezzaferro (ed.), Caravaggio e l’Europa: Il Movimento Caravaggesco Internazionale da Caravaggio a Mattia Preti, exh. cat. (Milano, Palazzo Reale 2005-2006; Vienna, Liechtenstein Museum 2006), Milan, 2005; cat. no IV. 10 and Tomaso Montanari, Andrea Bacchi, Beatrice Paolozzi Strozzi et alii (eds.), I Marmi Vivi, exh. cat. (Florence, Museo Nazionale del Bargello, 2009), Florence, 2009, p. 274- 276. 2 G.S. Lucas (ed.), Ausstellung Italienische Barockmalerei, exh. cat. (Vienna, Galerie Sanct Lucas, 1937), Vienna, 1937, p. 40, no 114. 3 Gilbert, 1960, p. 55.
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Menicucci.4 In 1975 Jean- Pierre Cuzin attributed the painting to Valentin de Boulogne, after finding an entry in Cardinal Mazarin’s 1661 inventory that listed a painting of the “Comte Mevicurcio” by Valentin with measurements closely resembling those of our image.5 Giovanni Vittorio Rossi intriguingly said that Menicucci was a buffoon well-known in Rome and the whole of Etruria who hailed from “Monte San Savino”.6 None of the above-named sources, however, were able to explain the sketch of the tower in Valentin’s painting, or to confirm Menicucci’s presence in the papal court in Rome. In this article I will reveal more about Menicucci’s career as a buffoon and his self-fashioning as an aristocrat. Archival material will attest to at least one early trip to Rome and a previously unpublished document will confirm his presence in the papal court. I will also contribute to current understanding of the provenance of the portrait. Monte San Savino is a small hill-top town 20 kilometres from Arezzo.7 The Menicucci were among the important families of the town and numbered priests, captains, gonfalonieri and even a bishop 4 Schleier, 1965, p. 81. The author noted that H. W. Singer, in his Allgemeiner Bildniskatalog of 1933, connected the Leoni engraving with that produced by Claude Mellan. He also found, in Pierre-Jean Mariette’s biography of Mellan, a description of this engraving as a “beau portrait de Raphael Menicucci, bouffon du pape Urbain VIII”, and an account of Menicucci in a seventeenth century biography, for which see Ianni Nicii Erythraei, Pinacotheca Imaginum Illustrium Doctrinae Vel Ingenii Laude Virorum Qui Auctore Superstite Diem Suum Obierunt, Leipzig, 1712, at note 7 below. 5 Cuzin, 1975, p. 54. 6 Erythraei, 1712, p. 296-300. Loosely translated as “Gallery of Illustrious men”, this collection of some 300 biographies in Latin of the famous and infamous of Rome by Giovanni Vittorio Rossi was published in 1643 under the pen name Ianni Nicii Erythraei. 7 See Renato Giulietti, Monte San Savino: Itinerari Storicoartistici, Monte San Savino, 2004.
Rachel George Organisation et mise en place de l’atelier de l’Accademia di San Luca de Rome au primo Seicento
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En 1593, sous l’impulsion des observations critiques de Grégoire XIII, l’« Università dei pittori et scultori di Roma » devenait l’« Accademia dei pittori et scultori di Roma » 1. Au vu de cette évolution, l’élaboration de règles pour établir une institution artistique publique solide s’est imposée rapidement. Une entreprise cependant complexe car il s’agissait de créer une institution de contrôle : mettre en place un centre de formation artistique de qualité, distinguer les artistes des artisans, réglementer les pratiques artistiques, contrôler la production artistique romaine, exercer des contrôles auprès des revendeurs de tableaux. Au fil des décennies, la publication de statuts a confirmé la constitution d’une réglementation pour l’ensemble de ces domaines. Comme nous l’avions signalé dans le passé 2, l’une des questions fondamentales est la réelle application de cette réglementation, notamment l’existence d’un atelier académique. La littérature artistique a retenue jusqu’ici l’Accademia di San Luca comme un lieu de débats théoriques, non de pratique artistique. Or, les nombreux documents découverts au cours de nos recherches ont permis de confirmer l’existence d’un atelier avant 1624 et de corriger les hypothèses exprimées sur son organisation.
florentin avait établi des « ordini da os ser varsi » 3, pu bliées en 1604 par le secrétaire académique Romano Alberti qui invitaient les académiciens à se rassembler tous les jours fériés et/ou les dimanches. Le rythme des séances de travail collectif reposait sur un programme qui imposait aux artistes de se rendre à la messe le matin, de se réunir ensuite autour de questions inhérentes à la profession d’artiste et à la théorie de l’art 4, puis « l’ora seguente », ou l’après-midi, de se concentrer sur la pratique artistique : « Appresso un’altra hora si spenderà nella pratica, et insegnare à dessignare à giovani, con il mostrar loro il modo, e buona via dello studio, et à questo effetto habbiamo già ordinati dodici Academici, che habbiano particolar cura, et carico un mese per uno in assistere questi giorni, e le feste principali à detti giovani 5. » L’exercice du dessin devait avoir lieu tous les jours de la semaine sous deux formes : une pratique collective et une pratique individuelle. Lors des réunions collectives les élèves devaient être encadrés par les assistants de l’atelier6 tandis que le censeur, élu
De Zuccari à 1604 : la stanza accademica La première tentative d’organisation de l’atelier académique avait été fixée par Federico Zuccari dès son élection à la tête de l’institution en 1593. Le peintre
4 Ibidem, p. 4. Les académiciens s’exprimaient à tour de rôle sous forme de conférences sur des thèmes théoriques tous les quinze jours devant la congrégation.
1 Sur cette évolution voir Isabella Salvagni, Da Universitas ad Accademia. La corporazione dei Pittori nella chiesa di San Luca a Roma. 1478 –1588, Saggi di storia dell’arte, vol. I, no 27, Rome, 2014. 2 Rachel George, « Un “modello di legno” à l’Académie de Saint-Luc de Rome », La Revue de l’Art, vol. 171, no 1, 2011, p. 31-38.
3 « Règles à observer », employé dans l’ouvrage de Romano Alberti, Origine, et progresso dell’Accademia del Disegno de’ Pittori, Scultori, e Architetti di Roma, Pavie, 1604.
5 Ibidem, p. 5 : « On consacrera une autre heure à la pratique, à enseigner le dessin aux jeunes gens, à leur montrer la manière et la bonne marche de cette étude, et à cet effet nous avons déjà retenu douze Académiciens qui auront le soin particulier et la charge, un mois chacun, d’assister ces jeunes gens ces jours-là et lors des principales fêtes ». Toutes les traductions de l’article sont de l’auteur. Soulignons que cette proposition d’organisation se calque sur le contenu de l’article XI des statuts florentins de 1563. 6 Rachel George, De la Théorie à la Praxis : réflexions sur les pratiques du dessin à l’Accademia di San Luca di Roma, de Federico Zuccari à Carlo Maratti, thèse de doctorat en cotutelle, École Pratique des Hautes Études/Università degli studi Roma 2
Pascale Cugy Variations européennes autour des gravures de mode parisiennes. Commerce, copies et adaptations d’images d’habits sous le règne du Roi-Soleil
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Anonyme d’après une composition de Jean Dieu de Saint- Jean, Femme de qualité en deshabillé d’été (publié par Jean Dieu de Saint-Jean), vers 1678, Amsterdam, Rijksmuseum
Le règne personnel de Louis XIV vit l’apparition d’un nouveau type d’images, produit à Paris aux alentours de la rue Saint-Jacques, consacré à la mode et mettant en avant son pouvoir favorablement distinctif. Furent produites des centaines de planches à la mise en page claire, de même format, présentant généralement un seul personnage en pied, corps et visage de trois quarts, de manière à déployer le plus possible la vision de son vêtement. Ces images mettaient en avant des habits, un mode de vie, tout autant qu’un phénomène général – celui de « la Mode 1 » – réputé s’être accéléré depuis le début du xvii e siècle et avoir permis à la France de dominer le monde, sous l’impulsion du plus grand monarque de tous les temps. Rapidement appelées « modes », ces images étaient censées refléter les changements dans la manière de se vêtir, en fonction des inventions des tailleurs et marchands, des nouveautés et des saisons ; leurs conventions formelles contaminèrent rapidement les autres estampes proposées par les graveurs et éditeurs de la rue Saint-Jacques, qui les appliquèrent à un grand nombre de catégories préexistantes, du portrait aux allégories, qui adoptèrent l’apparence et le canon des « personnes de qualité ». Ces gravures épousaient et reflétaient un discours qui faisait des Français les Européens les plus doués en matière d’apparence, même si leur formule se nourrissait en fait de multiples apports étrangers – notamment des suites du Lorrain Jacques Callot, des élégants personnages du Pragois installé en Angleterre Wenceslaus Hollar 2 ou des
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figures du Hollandais Romeyn de Hooghe – tout en revisitant la tradition des « livres d’habits » et « théâtres du monde » de la Renaissance 3. Ces images standardisées, dont des périodiques comme le Mercure galant firent la promotion, rencontrèrent un grand succès, si l’on en croit les multiples copies et déclinaisons qui en furent produites ainsi que la rapidité des différents éditeurs parisiens à s’en emparer et à développer les prototypes élaborés par Jean Dieu de Saint-Jean, qui représenta rapidement l’incarnation du « bon ton » en ce nouveau domaine artistique. À l’origine d’un assez faible nombre de planches, gravées d’après ses dessins par Nicolas Bazin, Frans Ertinger, François Galland ou Gérard-Jean-Baptiste Scotin, il fut suivi par des éditeurs bien plus productifs, comme les frères Nicolas Ier et Henri II Bonnart, Jean Mariette ou Nicolas Arnoult 4, qui amplifièrent son succès tout en étant parfois accusés de ne produire que de pâles imitations de ses inventions, où se trouvaient « l’exactitude de la mode », mais aussi « l’élegance du dessein jointe à un certain air de Noblesse 5 » [fig. 1] .
1998, p. 110-115. Réalisées entre 1641 et 1644, ces planches accompagnées de quatrains à tonalité érotique constitueraient le seul exemple, pour la première moitié du xvii e siècle, de planches produites en Angleterre et vendues en France, par le biais de François Langlois, dit Ciartres, l’un des plus grands marchands de la période. 3 Sur ces ouvrages, voir Odile Blanc, « Images du monde et portraits d’habits : les recueils de costumes à la Renaissance », Bulletin du bibliophile, 1995, no 2, p. 221-261.
1 À ce sujet, en attendant l’ouvrage qu’il prépare, voir William Ray, « Fashion as Concept and Ethic in SeventeenthCentury France », in Kathryn Norberg, Sandra Rosenbaum (dir.), Fashion Prints in the Age of Louis XIV : Interpreting the Art of Elegance, actes de colloque (Los Angeles, LACMA, 2005), Lubbock, 2014, p. 91-115.
4 Sur ces graveurs et éditeurs, voir Pierre Casselle, Marianne Grivel, Corinne Le Bitouzé et alii, Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, 1987, p. 32, 58-60 et 229-230.
2 Voir Antony Griffiths (dir.), The Print in Stuart Britain : 1603-1689, cat. exp. (Londres, British Museum, 1998), Londres,
5 [s. n.], « Modes », Mercure galant, septembre 1693, p. 201-202.
Jean-Marc Hofman Une collection de plâtres méconnue. Les moulages de sculptures du Moyen Âge français de la Villa Médicis
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Vue d’une partie de la collection de moulages de sculptures médiévales dans les réserves de la Villa Médicis Portrait d’Albert Besnard (1849-1934), vers 1913, Bain News Service, Library of Congress, Washington D.C.
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Il existe dans les collections de la Villa Médicis un ensemble de moulages de sculptures du Moyen Âge français dont l’histoire est insuffisamment connue [doc. 1] . Ils ont pour origine une exposition de propagande patriotique et artistique organisée lors la première guerre mondiale. L’idée de cette manifestation revient au peintre Albert Besnard (1849- 1934) [fig. 1-2] , nommé directeur de la Villa Médicis en 1913, en remplacement de Charles Émile Auguste Durand dit Carolus-Duran (1837-1917), un an après son élection en tant que membre de l’Académie des Beaux-arts, à l’Institut de France. Albert Besnard est familier des lieux ; il y a été pensionnaire de 1875 à 1878. Il s’établit dans la Ville éternelle en juin 1913 avec son épouse, Charlotte Besnard (1854-1931). Sculpteur comme son père, Gabriel Vital Dubray (1813-1892), elle est aussi la petite-fille de Pellegrin Antoine Cecconi (1789-1869), l’un des premiers mouleurs figuristes originaires de la province de Lucques à s’établir à Paris. Au cours du premier conflit mondial, la mobilisation de la majeure partie des pensionnaires influe sur l’activité de la Villa 1. Un projet d’exposition de propagande à la Villa Médicis Le 18 mai 1918, le secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-arts, le compositeur Charles Widor (1844-1937), dévoile à ses confrères le contenu d’une lettre d’Albert Besnard dans laquelle il propose de prendre « l’initiative d’une exposition à Rome de moulages pris sur les plus beaux monuments de l’art gothique en notre pays, exposition qui serait fort propre à faire connaître à nos alliés la valeur des chefs-d’œuvre
1 Albert Besnard, Sous le ciel de Rome, introduction de Marcel Prévost, Paris, 1925. Voir Patrizia Celli, L’Accademia di Francia nella Grande Guerra : storia di un microcosmo, Studiolo, no 12, 2015, p. 322-339.
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détruits ou menacés par la barbarie de nos ennemis 2 ». Dans sa correspondance, Albert Besnard constate en effet que « l’art gothique français n’est bien connu à Rome que de quelques érudits, et des rares artistes qui ont voyagé en France, de sorte que tout en criant contre le vandalisme ennemi, on ne se rend pas bien compte de la valeur de ce qu’il a détruit. La vue directe de ces belles choses, dont quelques-unes ont péri ou sont encore en danger, donnerait plus que toutes les 2 Paris, Archives de l’Académie des Beaux-arts, Institut de France, 2E24, fol. 8, séance du 18 mai 1918.
regards critiques
Bruno Chenique Géricault en Italie : libre arbitre et république du génie. Deux siècles de recherches (1816- 2016)
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L’homme qui traversa les Alpes, fin septembre, début octobre 1816, pour, « en terre sacrée [ce sont ses mots , n. d. a.] », aller parfaire son éducation artistique était tout juste âgé de vingt-cinq ans. Élève de Carle Vernet (1758-1836) et de Pierre Guérin (1774-1833), Théodore Géricault (1791-1824) avait brillamment débuté au Salon de 1812 et présenté son Cuirassier blessé, quittant le feu au Salon de 1814 (inauguré le 5 novembre). Il avait quitté le corps des Mousquetaires gris du Roi (il y passa dix-sept mois 1) et venait de rater, une nouvelle fois, les premières épreuves éliminatoires du Prix de Rome (mars 1816). Au mieux de sa forme physique et intellectuelle, il entreprenait à ses frais un périple italien qui devait durer deux ans 2. Longtemps l’histoire de l’art, faute de documents de première main (archives, autographes, témoignages), ne sut que dire sur ce séjour que l’artiste réduisit volontairement de moitié en partant précipitamment de Rome, fin septembre 1817. En 1841, date du premier essai biographique sur Géricault, Batissier ne mentionnait que cinq lettres : quatre l’étaient sur un mode fragmentaire et deux seulement concernaient le périple italien 3. Vingt-six ans Avertissement : nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation des documents originaux. 1 Bruno Chenique, « Géricault, le Salon de 1814 et les semaines saintes d’un mousquetaire républicain », actes du colloque La provocation une dimension de l’art contemporain (xix e-xx e siècle) (Institut d’Art et d’archéologie, 2-3 février 2001), Éric Darragon (dir.), avec la collaboration de Marianne Jakobi, Paris, 2004, p. 65-86. 2 Maurice Tourneux, « Particularités intimes sur la vie et l’œuvre de Géricault (minute de la lettre de Théodore Lebrun à Louis Batissier, Versailles, 6 avril 1836) », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’art français, 1912, p. 59. 3 Louis Batissier, « Géricault », tiré à part de la Revue du dix-neuvième siècle, Rouen, s. d. [1841], p. 8, 13-14 et 16. Suite aux remarques de Denise Aimé-Azam, Mazeppa. Géricault et son temps, préface de Pierre Dubaut, Paris, 1956, la fameuse lettre commençant par « Maintenant, j’erre et je m’égare toujours »
plus tard, en 1867-1868, Clément publiait treize lettres. Une quatorzième, avouera-t-il, lui avait échappé, celle où Géricault, arrivé depuis peu à Rome, évoquait « ses impressions » devant la Sixtine de Michel- Ange. En 1987, Germain Bazin en recensait deux fois plus, soit trente-trois lettres. En 1998, pour notre part, nous en comptions quarante-huit 4. Un chiffre qui, fort heureusement, ne cesse d’augmenter (mais il est vrai toujours très lentement). De cette carence est sans doute née une certaine forme de discours que l’on est désormais en droit, rétrospectivement, de juger quelque peu délirant. Une tradition, tenace, voudrait en effet que Géricault, en Italie, n’ait connu que tristesse, solitude et ennui. Batissier est à l’origine de cette légende noire : « Loin de ses amis, étranger dans ces grandes cités italiennes, souvent il s’ennuyait à mourir », il souffrait de « peines de cœur 5 ». Batissier n’accorda donc aucune importance à ce séjour (sans doute trop « classique » à ses yeux) et de conclure : « Il travailla peu. » Pour Charles Blanc, toujours en 1842, l’Italie et ses fresques altérées par « la fumée des cierges » avaient tué, en Géricault, le coloriste rubénien 6. En 1843, Thoré s’engouffra dans la brèche : « [...] à Rome, il reste trois mois sans laisser entrer personne dans sa chambre, et sans faire
doit certainement être datée du retour en France (Bruno Chenique, « Schnetz et Géricault, deux révolutionnaires en terre sacrée », in Laurence Chesneau-Dupin (dir.), Jean- Victor Schnetz, 1787-1870. Couleurs d’Italie, cat. exp. (Flers, musée du château, 1er juillet-15 octobre [prolongée jusqu’au 6 novembre]), Cabourg, 2000, p. 33-34. 4 Bruno Chenique, Les cercles politiques de Géricault (1791-1824), thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne, Jean-Claude Lebensztejn (dir.), 2 vol., 1998, vol. 2, p. 481-584. 5 Batissier, 1841, p. 7. 6 Charles Blanc, « Études sur les peintres français. Géricault », Le National, dimanche 28 août 1842, p. 1-2 ; mardi 30 août 1842, p. 2.
Dominique Jarrassé Usage fasciste de l’art colonial et dénis d’histoire de l’art. Les Mostre d’arte coloniale (Rome 1931 et Naples 1934)
Studiolo 13 / regards critiques / 237
Un art problématique L’art colonial, comme tout art officiel, mais plus encore du fait de son intégration à un programme politique qui vise à créer une culture en vue de légitimer l’expansionnisme européen, repose sur un système donnant la priorité à des objectifs qui n’ont rien d’artistique. Art commandité, il se développe grâce à des bourses de voyage et se diffuse à travers des réseaux et cadres institutionnels, expositions temporaires et musée. De ce fait, l’art colonial, par définition au service du politique, est susceptible d’une double approche. Il doit être envisagé comme système de production de discours et d’objets qui ne peuvent être seulement qualifiés d’œuvres d’art, aussi la seule histoire de l’art ne saurait en rendre compte. Il fonctionne aussi comme système de construction et de légitimation de catégories destinées à « naturaliser » des représentations largement racialisées. Sur ce plan, il n’est pas certain que la catégorie arte coloniale 1, au cœur de notre étude, ait été une réussite, le pouvoir italien l’ayant promue comme aucun autre État au début des années 1930, pour l’abandonner comme appellation générique dès 1940. Cela justifie la concentration de cette étude sur deux expositions instituées sous ce nom à Rome en 1931 et à Naples en 1934, à l’exclusion des sections coloniales qui ont pu exister dans les précédentes expositions universelles, 1 Rappelons que cette appellation n’est fonctionnelle qu’en italien et en français, car arte colonial et colonial art sont déjà confisqués comme catégories historiques pour désigner en espagnol l’art essentiellement latino-américain avant les indépendances, et en anglais l’art nord-américain avant 1776, mais englobe encore le xix e siècle pour l’Australie par exemple... De ce fait, arte coloniale, comme « art colonial », ne désigne pas seulement l’art d’une période et de territoires colonisés (comme en espagnol et en anglais) mais un art affecté à un objectif colonialiste. Cela n’exclut pas que l’art colonial ancien ait eu des visées colonialistes, contribué aux discriminations induites par la notion et surtout se soit articulé avec force avec celle d’ « art indigène », mais les modalités de fonctionnement sont profondément différentes.
internationales ou nationales 2 et même de la très importante Prima Mostra Triennale delle Terre italiane d’Oltremare, montée à Naples en 1940 3 dans un esprit foncièrement différent : cela établit une périodisation courte qui permet néanmoins d’approfondir les enjeux d’une notion complexe. Dès lors y a-t-il intérêt, voire légitimité, à étudier de telles expositions ? Si elles ne l’ont quasiment jamais été 4, n’est-ce pas que les historiens de l’art auraient perçu l’inanité des artistes convoqués et les historiens le caractère artificiel d’expositions ne permettant pas une approche de la réception réelle de cette propagande ? Car, pour reprendre les mots 2 Par exemple à Turin en 1898, 1911 et 1928, Milan en 1906, Gênes en 1914... 3 Qui assure une continuité avec les précédentes uniquement dans sa section artistique, dont rendent compte deux catalogues : Sergio Ortolani, Bruno Molajoli, Felice De Filippis (dir.), Le Terre d’Oltremare e l’arte italiana dal quattrocento all’ottocento, Naples, 1940 ; Ugo Ortona (dir.), Le Terre d’Oltremare e l’Arte italiana contemporanea, Naples, 1941. Le découpage est traditionnel, le premier à valeur rétrospective, porte sur l’orientalisme jusqu’à la fin du xix e siècle en mettant l’accent sur les relations historiques avec l’Orient et quelques artistes voyageurs comme Michele Cammarano, Alberto Pasini ou Cesare Biseo ; le second « – che viene raccolta accanto alla retrospettiva dell’Ottocento – mira principalmente a spingere gli artisti italiani verso il richiamo del mondo coloniale, che, in ogni epoca, ha suscitato entusiasmi e generato opere d’arte pregevolissime ». À noter que les arts indigènes seront dès lors confinés dans les pavillons des différentes colonies. La fascisation du discours se perçoit dans les variantes, car les organisateurs recyclent leurs textes : dans le guide de l’exposition, p. 169, Ugo Ortona modifie la fin de la phrase : « [...] a spingere gli artisti italiani verso il fascismo del mondo coloniale. » 4 Ainsi un ouvrage comme Nicola Labanca (dir.), L’Africa in vetrina. Storie di musei e di esposizioni coloniali in Italia, Trévise, 1992, n’y fait pas référence, sans ignorer en revanche la Triennale. Une exception, mais justement émanant d’une historienne « non-italienne », la thèse d’histoire de Nadia Vargaftig, Des empires en carton : les expositions coloniales au Portugal et en Italie (1918-1940), thèse, Paris VII, André Gueslin (dir.), 2011.
Myriam Metayer Art national ou art universel ? L’impérialisme des manuels et des synthèses publiés en Italie et en France : une relecture postcoloniale
Studiolo 13 / regards critiques / 265
En 1986, dans l’étude qu’il consacre à l’histoire de l’histoire de l’art, Germain Bazin constate « l’ab sence d’ouverture sur l’universel 1 » des travaux menés par ses homologues italiens, ajoutant : « D’une façon générale, alors que des étrangers de tous pays abordent l’étude de l’Italie, les historiens d’art de la péninsule ne portent pas leurs travaux sur d’autres sujets que ceux offerts par leur pays 2. » La bibliographie italienne, en particulier les études généralistes, confirme les propos de l’historien de l’art. La fin du xix e siècle et le début du xx e siècle ont vu se développer, partout en Europe, la rédaction et la publication de grandes synthèses d’histoire de l’art. Sur le modèle inauguré par Franz Kugler en Allemagne 3, André Michel préface en 1905 le premier tome d’Histoire de l’art depuis les premiers Cet article fait suite à la deuxième session du colloque Relectures postcoloniales des échanges artistiques et culturels entre Europe et Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) xviii e-xxi e siècles. Ancrage et déterritorialisation des artistes : réécrire l’histoire, (Académie de France à Rome – Villa Médicis, 9-10 avril 2015). Il s’agit d’une version étendue de notre communication : Maghreb et grand récit. De la pérennité du colonialisme dans les manuels et les synthèses d’histoire de l’art en Italie et en France (1945-1970). 1 Germain Bazin, Histoire de l’histoire de l’art. De Vasari à nos jours, Paris, 1986, p. 437. 2 Ibidem. 3 Ce sont les Allemands qui les premiers ont tenté des synthèses d’histoire de l’art – synthèses qui étaient par ailleurs définies comme des manuels (Handbücher). Franz Kugler publie Handbuch der Kunstgeschichte en 1842 et l’année suivante Karl Schnaase fait éditer Geschichte der bildenden Künste. Anton Springer entreprend en 1855 la rédaction de Manuel d’histoire de l’art (Handbuch der Kunstgeschichte, Stuttgart), 5 vol., suivi, en 1900, de L’histoire de l’art de tous les temps et de tous les lieux (Geschichte der Kunst aller Zeiten und Wölker) par Karl Woermann.
temps chrétiens jusqu’à nos jours 4. Dix-sept volumes suivront jusqu’en 1928. Par son ampleur et son ambition, Storia dell’arte italiana, projet éditorial initié par Adolfo Venturi 5 et dont le premier tome est publié en 1901, s’inscrit dans l’héritage des synthèses éditées en Allemagne au cours du siècle précédent. Mais là où ses homologues allemands et français ambitionnent le récit d’une histoire de l’art non limitée à l’art national, le projet d’Adolfo Venturi concentre son champ d’étude sur l’art produit dans la péninsule italienne à partir de l’époque paléochrétienne. Des histoires générales de l’art sont néanmoins publiées au cours de la même période 6. C’est le cas de Storia dell’arte, en 1903, dans la préface de laquelle Giulio Natali insiste sur l’importance de considérer les arts et les lettres « en fonction de leurs rapports à la civilisation universelle 7 ». Publié en un volume, un tel ouvrage, dont le format relève bien plutôt de l’abrégé, répond alors aux besoins éditoriaux nécessités par les premières tentatives d’enseignement de l’histoire de l’art dans les scuole medie et superiori, en particulier les lycées classiques. En 1923, la réforme « Gentile » en officialise l’apprentissage. Dès cette date, les programmes scolaires et les manuels qui en découlent privilégient l’étude de l’art italien 8. Le contexte de l’Italie fasciste, au sein duquel cette nouvelle discipline scolaire
4 André Michel, Histoire de l’art depuis les premiers temps chrétiens jusqu’à nos jours, 18 t., Paris, 1905-1928. 5 Adolfo Venturi, Storia dell’arte italiana, 12 t., 25 vol., Milan, 1901-1940. 6 Giulio Natali, Eugenio Vitelli, Storia dell’arte, Turin, 1903 ; Giuseppe Lipparini, Storia dell’arte, Florence, 1902. 7 Natali, Vitelli, 1903, préface, p. 9 (« Ma ora si comincia a comprendere che conviene considerare e le lettere e le arti nelle loro attinenze con la universale civiltà »). 8 Le premier programme d’enseignement de l’histoire de l’art est publié avec le décret R.D. n. 2345 du 14 octobre 1923.
Carmen Belmonte Biografia di un dipinto. La Battaglia di Dogali di Michele Cammarano tra retorica coloniale e sfortuna espositiva
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I contenuti di questo articolo sono stati presentati in occasione del convegno Relectures postcoloniales des échanges artistiques et culturels entre Europe et Maghreb (Algérie, France, Italie, Maroc et Tunisie) xviii e-xxi e siècles, 2 e session “Ancrage et déterritorialisation des artistes: réécrire l’histoire”, 9-10 aprile 2015, Académie de France à Rome – Villa Médicis e anticipano alcuni risultati della tesi di dottorato Arte e Colonialismo in Italia tra Otto e Novecento, Università degli studi di Udine, Udine, 2017. Per la ricerca in corso non è stato possibile avvalersi del prezioso patrimonio archivistico, bibliografico, fotografico e museale posseduto dall’Istituto Italiano per l’Africa e l’Oriente, chiuso al pubblico a partire dal novembre 2011.
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Michele Cammarano, La battaglia di Dogali, olio su tela, 1888-1896, Roma, Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea
“Da Ras Mudur a Roma”. Con queste precise informazioni topografiche giustapposte alla propria firma il pittore Michele Cammarano comprovava l’eccezionalità della Battaglia di Dogali 1 [fig. 1] , il dipinto ideato ed eseguito in Eritrea e portato a termine a Roma, dove fece il suo ingresso nella Galleria Nazionale d’Arte Moderna. L’ampia tela rappresenta il primo scontro tra italiani e abissini, avvenuto il 26 gennaio del 1887 in prossimità del colle di Dogali, in Eritrea. Sul campo di battaglia persero la vita all’incirca cinquecento soldati italiani, aggrediti da migliaia di guerrieri abissini capeggiati da Ras Alula, generale del negus Johannes IV d’Etiopia, intervenuto a difendere l’entroterra dall’incursione italiana. Quando il dipinto fu finalmente pronto per essere esposto, una più grave sconfitta aveva da poco segnato l’Italia: il 1 marzo 1896, più di cinquemila soldati italiani erano morti nella battaglia di Adua, in Etiopia. Negli anni dell’espansione coloniale europea, contraddicendo le vigenti gerarchie razziali connesse a una visione teleologica della storia e della civiltà, per la prima volta uno Stato africano trionfava su una potenza occidentale, ponendo fine a una guerra di conquista. L’evento, decisivo per la costruzione identitaria dell’E tiopia moderna e traumatico per la nazione italiana, da poco unificata, scatenò forti complessi di inferiorità e un violento desiderio di vendetta che, quarant’anni dopo, furono impugnati da Mussolini in occasione della Guerra d’Etiopia.2
1 (445 × 748 cm), firmato in basso a destra: “Michele Cammarano da ras Mudur a Roma, 1896”, riportato in Stefano Susinno, La pittura storica e letteraria dell’800 italiano dai depositi della Galleria Nazionale di Arte moderna, Roma, 1976, p. 40, scheda no 54. 2 Angelo Del Boca (a cura di), Adua. Le ragioni di una sconfitta, atti del convegno (Piacenza, Istituto Storico della Resistenza, 1996), Roma, 1997; Raymond Anthony Jonas, The Battle of Adwa. African Victory in the Age of Empire,
Studiolo 13 / regards critiques / 285
La storia del dipinto di Cammarano, la sua commissione ed esecuzione, i suoi spostamenti, si intersecano e talvolta sono assoggettati agli esiti incerti delle politiche coloniali italiane, dall’epoca liberale al fascismo fino al lungo processo di rimozione del passato coloniale. Indagare la genesi dell’opera permette di individuare le strategie visive della propaganda coloniale, volte all’elaborazione di narrazioni capaci di lenire l’imbarazzo della sconfitta; ricostruirne la biografia culturale,3 nell’alternarsi di esposizioni e isolamento, consente di connettere la sua risemantizzazione nei diversi contesti espositivi alle tappe cruciali della storia coloniale italiana. È la lettera di commissione del dipinto al pittore a documentare l’incipit della sua storia: “[...] Ho risoluto di dare alla S.V. per la somma di lire 12.000 la commissione di un quadro di grandi dimensioni, il quale raffiguri il glorioso fatto di Dogali e ricordi nella Galleria Nazionale l’eroica virtù dei soldati italiani. Sono persuaso che la sua ispirazione patriottica, unita al valore del suo pennello, faranno sì che la tela parli al cuore della nostra gioventù [...]”.4
Cambridge, 2011; Christopher Alan Bayly, The Birth of the Modern World, 1780-1914: Global Connections and Comparisons, Malden, 2004. 3 Si vedano: Igor Kopytoff, “The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process”, in The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Arjun Appadurai (a cura di), Cambridge-New York, 1986, p. 64-91; G. Ulrich Grossmann, Petra Krutisch(ed.), The Challenge of the Object, atti del 33° convegno dell’International Committee of the History of Art (Norimberga, Germanisches Nationalmuseum, 15-20 luglio 2012), Norimberga, 2012; Gerhard Wolf, Kathrin Müller (a cura di), Bild, Ding, Kunst, Berlin, 2015. 4 Lettera di Paolo Boselli a Michele Cammarano, 11 marzo 1888, riportato in Michele Biancale, Michele Cammarano, Milano-Roma, 1936, p. 84, nota 47.
l’histoire de l’art à la Villa Médicis
Le Département d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome
Studiolo 13 / l’histoire de l’art à la Villa Médicis / 303
L’Académie de France à Rome est fondée en 1666 sur l’initiative de Jean-Baptiste Colbert. Elle avait pour mission d’origine l’accueil de jeunes peintres, sculpteurs et architectes afin de leur permettre de compléter leur formation au contact des vestiges antiques et des chefs d’œuvre de l’Italie. D’abord établie dans une modeste maison proche de Sant’Onofrio sur les pentes du Janicule, l’Académie déménage au palais Caffarelli (1673), puis au palais Capranica (1684) avant de s’installer au palais Mancini (1725) où elle connaît des heures fastueuses. Supprimée à la suite des événements contre-révolutionnaires de 1793, l’Académie est rétablie en 1795 par le Directoire mais ne peut retourner au Palais Mancini qui a été mis à sac. Elle ne retrouve un nouveau siège que quelques années plus tard lorsqu’elle s’installe en 1803 à la Villa Médicis. L’École des Beaux-arts de Paris organise alors tous les ans un concours, le « Prix de Rome », destiné à sélectionner les futurs pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Les disciplines représentées sont la peinture, la sculpture, l’architecture, la gravure en médailles, la gravure en taille-douce et la composition musicale. Les pensionnaires logent à la Villa Médicis et adressent chaque année des « envois » à Paris soumis au jugement des membres de l’Institut de France. En dépit de quelques modifications, ce système se maintient dans ses grandes lignes jusqu’en 1968. Lors du directorat de Balthus (1961-1977), un décret promulgué en 1970 sous l’impulsion d’André Malraux change profondément le statut de l’Académie et le système de recrutement des pensionnaires. L’Académie dépend alors du Ministère des affaires culturelles. Le système du Prix de Rome est remplacé par un recrutement sur concours. Progressivement, l’éventail des disciplines s’élargit pour représenter toutes les formes de la création artistique et littéraire (architecture, design, métiers d’art, arts plastiques, photographie, composition musicale, littérature, écriture de scénario cinématographique, mise en scène, scénographie, chorégraphie) mais aussi sur l’initiative d’André Chastel, les disciplines qui étudient la création artistique (histoire de l’art et restauration). Participant aux échanges culturels franco-italiens et européens, la Villa Médicis organise des expositions d’art ancien et contemporain, des projections de cinéma, des concerts, des colloques et des séminaires sur des sujets relevant des arts, des lettres et de leur histoire. Ces objectifs, poursuivis par Muriel Mayette-Holtz (directrice depuis septembre 2015), ont également été au cœur des actions de Jean Leymarie (1977-1984), Jean-Marie Drot (1985-1994), Jean-Pierre Angrémy (1994-1997), Bruno Racine (1997-2002), Richard Peduzzi (2002-2008), Frédéric Mitterrand (2008-2009) et Éric de Chassey (2009-2015). Le département d’histoire de l’art, créée avec la réforme de 1970, est dirigé par un chargé de mission pour l’histoire de l’art (Georges Brunel, 1973-1979 ; Pierre Arizzoli, 1979-1983 ; Pierre Provoyeur, 1983-1986 ; Philippe Morel, 1986-1991 ; Jean-Claude Boyer, 1991-1992 ; Michel Hochmann, 1993-1998 ; Olivier Bonfait, 1998- 2004 ; Marc Bayard, 2004-2010 ; Annick Lemoine, 2010-2015 ; Jérôme Delaplanche, à partir de juillet 2015). Le département publie Studiolo, la revue d’histoire de l’art de l’Académie, dont le comité de rédaction sélectionne chaque année des articles pour le dossier thématique ou les varia. En lien avec d’autres centres de recherche français, italiens et étrangers, il développe différents programmes d’études sur l’histoire de l’art européen de la Renaissance à nos jours. Il organise également des colloques qui sont régulièrement publiés par l’Académie dans sa « Collection d’histoire de l’art ». Le Département encadre les pensionnaires historiens de l’art et restaurateurs ainsi que les lauréats Daniel Arasse (doctorants sélectionnés en partenariat avec l’École française de Rome) et les lauréats André Chastel (chercheurs post-doctorat sélectionnés en partenariat avec l’Institut National d’Histoire de l’Art). Le département est également responsable de la conservation, de l’étude et de la valorisation des collections d’œuvres d’art de l’Académie. président du Conseil d’administration : Thierry Tuot directrice : Muriel Mayette-Holtz chargé de mission pour l’histoire de l’art : Jérôme Delaplanche assistante chargée des colloques et des publications : Patrizia Celli assistante chargée du patrimoine et des archives : Alessandra Gariazzo assistante chargée de la documentation scientifique : Lena-Maria Perfettini
Les chantiers de restauration à la Villa Médicis, 2015
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Carrés Allée des orangers 3
Piazzale
Jardin des citronniers 2 1
Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sur l’ensemble de ces opérations Académie de France à Rome – Villa Médicis, propriétaire Éric de Chassey – Muriel Mayette Holtz, maîtres d’ouvrage directeur et directrice successifs de l’Académie de France à Rome Annick Lemoine – Jérôme Delaplanche chargés de mission successifs pour l’histoire de l’art Françoise Laurent, assistante à la maîtrise d’ouvrage architecte responsable du service des travaux Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Générale des Patrimoines Olivier Poisson, inspecteur Général des Monuments Historiques Pierre-Antoine Gatier, maître d’œuvre, architecte en chef des Monuments Historiques Philippe Votruba, vérificateur des Monuments Historiques
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Restauration des décors peints réalisés par le peintre Balthus dans les salons de l’aile sud du niveau 3 de la Villa : Salon de musique, Cafétéria, Salon des pensionnaires [janvier 2015-janvier 2016]
Après restauration
Avant restauration
Après restauration
Avant restauration
Le fonds graphique de l’Académie de France à Rome : une collection révélatrice de l’histoire de l’institution Sophie Kervran
Studiolo 13 / l’histoire de l’art à la Villa Médicis / 309
Meubles, tapisseries, instruments de musique, moulages, peintures... Le patrimoine de l’Académie de France à Rome est riche d’une histoire ayant débuté en 1666. Son fonds graphique n’a pas encore bénéficié de toute la lumière qu’il mérite, bien que certaines études aient été menées sur des pans importants de cette collection, notamment sur le fonds musical 1 ou encore sur les dessins de l’architecte Alfred-Nicolas Normand 2. Reste une centaine de dessins, connus quelquefois des historiens de l’art, mais au final peu étudiés, qui ont donc fait l’ob jet en 2013, dans le cadre de la mission patrimoniale de l’Académie de France à Rome, d’un inventaire 3 avec attribution d’un numéro, rédaction d’une fiche numérique et constitution d’un dossier d’œuvre. Il est sans doute difficile de parler d’une collection graphique cohérente, entre un fonds hérité du musée éphémère de la Villa Médicis de 1933, le legs de Nadia Boulanger en 1980 ou encore les caricatures de Paul Flandrin acquises en 1998. Néanmoins, une approche même succincte de ce fonds donne des clés pour mieux comprendre les ressorts de l’histoire d’une institution qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.
Un fonds graphique héritier du musée de la Villa Médicis de 1933 Parmi la centaine de dessins, objet de cette étude, une vingtaine témoigne de l’histoire du musée « éphémère » de la Villa Médicis. Dans les années 1930, Denys Puech, directeur très actif de l’Académie de France à Rome de 1921 à 1933, souhaite ardemment constituer un musée au sein de la Villa et pour ce faire, multiplie les demandes afin d’enrichir les collections de l’AFR : « J’organise à la Villa Médicis un musée de peinture, sculpture, architecture et gravure où figureront des œuvres des meilleurs artistes, anciens pensionnaires qui ont passé quelques années de leur jeunesse à Rome pour y étudier les grands maîtres de l’art italien. Le Gouvernement français, la Ville de Paris, les artistes eux-mêmes ou leurs familles m’envoient les œuvres pour être exposées dans ce musée qui sera public et gratuit 4 . » Dans un article très documenté 5, Christophe Leribault a décrit cette aventure sans lendemain. Son analyse du catalogue de l’ancien musée de la Villa Médicis ouvert au public en 1933 6 éclaire la provenance de beaucoup d’œuvres
4 Archives de l’Académie de France, Lettre du 9 mai 1931, citée par Christophe Leribault, « Le musée perdu de la Villa Médicis », in Claire Chevrolet, Jean Guillemain, Annick Lemoine et alii (dir.), L’Académie de France à Rome aux xix e et xx e siècles. Entre tradition, modernité et création, actes de colloque (Académie de France à Rome, Villa Médicis, 25- 27 septembre 1997), no 2, Rome, 2002, p. 141. 1 Alexandre Dratwicki, Cécile Gallon, « Le fonds musical précieux de la bibliothèque de l’Académie de France à Rome », Studiolo, no 9, 2012, p. 336-343. 2 Pierre Pinon, Marie-Amélie Bernard, « Le fonds Alfred- Nicolas Normand à la Villa Médicis. L’Italie d’Alfred- Nicolas Normand », Studiolo, no 7, 2009, p. 271-281. 3 Une mission de deux mois a été réalisée en 2013, durant un stage dans le cadre de la formation initiale des conservateurs français à l’Institut national du patrimoine.
5 Voir Leribault, 2002, p. 135-148. 6 L’étude du fonds graphique provenant du musée de la Villa Médicis a également été aidée par l’existence d’un supplément au catalogue de la Villa Médicis. Il s’agit de cinq feuillets manuscrits insérés dans un volume du catalogue conservé aux archives et dont le statut serait à mieux définir. Les fiches d’inventaire cartonnées établies en 1983 par Philippe Morel, pensionnaire entre 1983 et 1985 puis chargé de mission pour l’histoire de l’art entre 1986 et 1991, sont également de précieuses aides, tout comme la retranscription
Catalogue raisonnĂŠ des tableaux de chevalet de la Villa MĂŠdicis, hors portraits de pensionnaires Lena-Maria Perfettini
Studiolo 13 / l’histoire de l’art à la Villa Médicis / 317
Les œuvres produites par les artistes pen sionnaires durant leur séjour à l’Académie de France à Rome étaient régulièrement envoyées à Paris. Au cours des xvii e et xviii e siècles, ces envois de Rome ont servi à décorer les demeures royales, tandis qu’au xix e siècle, elles ont enrichi les collections de l’École nationale supérieure des Beaux-arts et d’autres institutions françaises. Si, dès l’origine, l’Académie de France à Rome est avant tout un centre d’étude, de copie, de création et d’exposition, elle n’est pas un lieu de conservation, raison pour laquelle sa collection de peintures et de sculptures est aujourd’hui réduite. Elle conserve aujourd’hui une collection de 498 œuvres peintes. Numériquement, la partie la plus importante de la collection est l’ensemble formé par les portraits de pensionnaires, avec 460 numéros. Ces portraits ont déjà fait l’objet d’une publication en 1979 1. Les trente-huit autres tableaux de chevalet ont fait l’objet de plusieurs inventaires. Un premier « Inventaire des Objets Mobiliers (Objets et mobilier anciens) » rédigé entre novembre 1980 et mai 1983, mentionne six tableaux [Inventaire, 1980-1983]. Dans la seconde moitié des années 1980, un inventaire de la collection de peintures a été constitué, sur fiches mobiles, par Philippe Morel [Inventaire Morel] ; une partie des tableaux se retrouve dans une liste établie vers 2000 par Olivier Bonfait, lors d’un projet de déplacement des œuvres se trouvant dans le département d’histoire de l’art [Inventaire Bonfait, 2000]. Certains tableaux ont par ailleurs été étudiés par Christophe Leribault lors de son intervention au
1 Georges Brunel, Isabelle Chave, Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome, nouvelle série, vol. II, Directorat de Suvée, 1795-1807, t. I, Rome, 1984, p. 161- 276.
colloque 1797-1997. Deux siècles d’histoire à l’Académie de France à Rome. L’artiste, ses créations et les institutions 2, puis dans son article 3 sur le « musée perdu » de la Villa Médicis de 1933. Les trente-huit tableaux de notre corpus sont conservés au sein de la Villa Médicis dans les appartements historiques, dans les bureaux du département d’histoire de l’art et dans le local des archives. Vingt d’entre eux ont été identifiés comme l’œuvre de pensionnaires de l’Académie durant leur séjour à Rome ou leur carrière postérieure, tandis que cinq autres, non réalisés par des pensionnaires, peuvent être rattachés à l’histoire de la Villa Médicis ou à des figures majeures qui ont fréquenté l’Académie. Enfin, certaines œuvres anonymes, en majorité des copies d’après des maitres anciens, pourraient être le travail de pensionnaires. Nous proposons ainsi d’attribuer les deux copies d’après Raphaël, Rencontre entre Léon I er le Grand et Attila et Héliodore chassé du temple, respectivement à Henri de Favannes et Pierre de Saint- Yves. Ces tableaux, évoqués en 1709 dans l’in ventaire du Palazzo Capranica, pourraient être les copies que ces deux artistes ont réalisées, dans les années 1697-1699, dans les Chambres de Raphaël au Vatican. Grâce à une inscription sur le châssis de la copie de l’Allégorie de la Justice d’après Raphaël,
2 Académie de France à Rome – Villa Médicis, 25- 27 septembre 1997. 3 Christophe Leribault, « Le musée perdu de la Villa Médicis », Claire Chevrolet, Jean Guillemain, Annick Lemoine et alii (dir.), L’Académie de France à Rome aux xix e et xx e siècles. Entre tradition, modernité et création, actes de colloque (Académie de France à Rome – Villa Médicis, 1997), no 2, Rome, 2002, p. 135-148.
L’Accademia di Francia e le conseguenze della Grande Guerra Patrizia Celli
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“Albert Besnard, l’illustre Direttore di Villa Medici, il meraviglioso pittore, nel gruppo dei suoi pensionnaires, tra i quali le signorine Heuvelmans e Boulanger ”. Roma madre d’artisti: la Francia a Villa Medici: la mostra dei “Prix de Rome” in La Tribuna Illustrata, Anno XXII, n. 22, 31 maggio-7 giugno 1914, p. 340 (fot. Veccia). Nella foto si possono riconoscere, nella fila in basso partendo da sinistra: Gallon, Heuvelmans, Boulanger, Dupas, Girodon, non identificato. Nella fila in alto sempre partendo da sinistra si riconoscono, Lejeune, il direttore Besnard, probabilmente Girette, due borsisti non identificati, Foucault, Martial, Mirland, Séassal, Delvincourt e non identificato. Manca Paray (come da indicazione di Jean Cabon, nipote di Paray). Tra quelli non identificati ci sono sicuramente Piel, Bénard, Maillart e Grégoire.
Studiolo 13 / l’histoire de l’art à la Villa Médicis / 359
Allo scoppio della Grande Guerra, quattordici dei diciassette borsisti presenti a Villa Medici e il segretario generale erano partiti per il fronte. Tuttavia, durante le ostilità l’Accademia di Francia non è mai stata chiusa, come mostrano d’altronde la corrispondenza amministrativa del direttore Albert Besnard conservata in archivio; quella di Amalia Mattioli Trasi, la sola impiegata in ufficio; la continua corrispondenza con il segretario generale Paul- Armande Girette al fronte, probabilmente in [fig. 1] , e la presenza del personale di servizio1. Un ulteriore conferma è data dal ritrovamento di una lettera in cui si legge che l’Accademia di Francia non ha mai chiuso le sue porte, che il direttore è presente, mentre il segretario generale è al fronte, così come dodici dei borsisti. Per tutti, anche per quelli non mobilizzati, si parla di sospensione della borsa. 2
1 L’articolo è da considerarsi compendio a quanto pubblicato nello scorso numero di Studiolo. Si veda Patrizia Celli, “L’Accademia di Francia nella Grande Guerra: storia di un microcosmo”, Studiolo, no 12, 2015, p. 322-339. Si veda anche appendice no 1 in questo articolo, p. 377. 2 Si veda AN, f. 21, NC 858. Fondo non classificato (NC: non coté), lettera di risposta del Ministro de l’Instruction Publique e des Beaux-arts alla domanda n. 655 del deputato Jean Locquin del 4 febbraio 1915 (lettera non datata, successiva a quest’ultima e antecedente al gennaio del 1916). Nel documento si legge che il borsista riformato (Jacques Debat-Ponsan) e le due donne (Lili Boulanger e Lucienne Heuvelmans) che avevano lasciato Roma allo scoppio della guerra, erano stati autorizzati a non tornare a Villa Medici e che la loro borsa era sospesa (si veda AFR, cartone 191, f. 15, il sottosegretario di Stato a A. Besnard, 30 gennaio 1915). Si ricorda che le due donne saranno autorizzate, così come Louis Lejeune, la cui borsa è terminata invece il 31 dicembre 1914, a tornare a Roma tra il gennaio e il febbraio del 1916 (AFR, cartone 122, f. 12, 13 e 21). Nel documento si parla di sedici borsisti di cui dodici mobilizzati, uno è borsista di quarto anno che ha terminato il soggiorno (può trattarsi solo di Lejeune, in quanto Dupas e Piel l’avrebbero terminato dopo la guerra, due donne e uno riformato. Al momento dell’entrata in guerra i borsisti erano diciassette: manca all’appello Marc Grégoire morto da poco (29 ottobre 1914).
Non soltanto l’attività istituzionale non viene interrotta ma neanche quella artistica. A testimonianza di quest’ultima, solo per fare alcuni esempi, si potrebbero citare il busto di Besnard di Louis Lejeune 3, diversi ritratti realizzati in quel periodo dal direttore, come quelli del Papa Benedetto XV, del cardinale Désiré Mercier e dei reali del Belgio 4 ma anche la scrittura di partiture da parte di Lili Boulanger.5 A questi si deve aggiungere il busto di quest’ultima, realizzato da Lucienne Heuvelmans, la prima borsista donna, negli ultimi mesi di soggiorno a Villa Medici dell’amica.6 Tale busto è stato
3 Il busto è a mio avviso databile tra il maggio del 1917 e la fine del 1918. Besnard motiva infatti al sottosegretario di stato il 26 marzo 1917 (si veda AFR, cartone 192, f. 54) la richiesta di acconto di 600 franchi, necessari a Lejeune (viaggio a Carrara e acquisto di un pezzo di marmo di prima qualità); credo fosse necessario almeno un mese, se non di più, per l’accordo, il viaggio, l’acquisto e il ritorno a Roma. Il 21 febbraio 1919 (si veda AFR, cartone 193, f. 37) il direttore scrisse al Ministro spiegando il motivo per il quale non era stato ancora attribuito al busto un numero di inventario. La parola “ancora” fa supporre che fosse finito da tempo e quindi a restringere il lasso temporale di realizzazione. Si veda, Celli, 2015, p. 327- 329. 4 Albert Besnard, Sous le ciel de Rome. Souvenirs, Parigi, 1925, p. 210-218 ; p. 253-259 e p. 265-287 ; Daria Guarnati, “La Villa Médicis pendant la guerre”, in La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, n. 3, mars 1918, p. 298-299. 5 A titolo di esempio si veda la minuta di Radure nel cielo, Bibliothèque Nationale de France, dipartimento di musica, inv. Ms. 19438 che corrisponde perfettamente all’invio previsto per il primo anno e esposto nella mostra all’Accademia di Francia a Roma – Villa Medici, 350 anni di creatività. Gli artisti dell’Accademia di Francia a Roma da Luigi XIV ai giorni nostri, a cura di Jérôme Delaplanche, 13 ottobre 2016-15 gennaio 2017. 6 Ci sono almeno due foto di questo busto datato 1916, la prima che ritrae l’autrice accanto alla sua opera pubblicata in Jérôme Spycket, À la recherche de Lili Boulager, Parigi, 2004, p. 199 e la seconda che ritrae invece Nadia Boulanger accanto al busto della sorella in Alexandra Laederich, Nadia Boulanger et Lili Boulanger, Lione, 2007, p. 248. Nella didascalia di quest’ultima foto si legge “Rome, 1916. Archives FINELB”; si veda anche Daria Guarnati, 1918, p. 301.