TOULOUSE RENAISSANCE (extrait)

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CMJN

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition « Toulouse Renaissance », organisée par le musée des Augustins du 17 mars au 24Pantone septembre 2018 457 négatif et la bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, du 17 mars au 19 juin 2018.

avec le titre

positif

minimum

Ce catalogue a bénéficié du soutien de la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie.

1re de couverture : Nicolas Bachelier, Tête d’homme barbu (1532), musée des Augustins, Toulouse. 4e de couverture : Liénard de Lachieze et le Maître à la devise « Tout ce change », Annonciation, extrait du Missel de Jean de Foix (1492), Bibliothèque nationale de France, Paris. Rabat gauche : Antoine Olivier, La Cène, extrait de l’Antiphonaire de Philippe de Lévis (1533-1535), musée des Augustins, Toulouse. Rabat droit : Francesco Donella da Carpi et son atelier, décor de la voûte (1509-1512), cathédrale Sainte-Cécile, Albi.

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Musée des Augustins, Toulouse, 2018 ISBN : 978-2-7572-1360-5 Dépôt légal : mars 2018 Imprimé en Union européenne

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TOULOUSE

Renaissance

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COMITÉ D’HONNEUR M. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, président de Toulouse Métropole

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art

M. Francis Grass, adjoint au maire en charge de la Politique culturelle

R E S P O N S A B L E É D I TO R I A L E Mme Stéphanie Méséguer

M. Pierre Esplugas-Labatut, adjoint au maire en charge des Musées

C O O R D I NAT I O N E T S U I V I É D I TO R I A L Mme Sarah Houssin-Dreyfuss

C O M I T É S C I E N T I F I QU E S O U S L A D I R E C T I O N DE PASCAL JULIEN Mme Cécile Scailliérez, conservatrice en chef du Patrimoine, musée du Louvre, département des Peintures Mme Sophie Jugie, conservatrice générale du Patrimoine, musée du Louvre, directrice du département des Sculptures M. Thierry Crépin-Leblond, directeur du Musée national de la Renaissance, Écouen M. Claude Mignot, professeur d’histoire de l’art, université de la Sorbonne Paris-IV Mme Marion Boudon-Machuel, professeur d’histoire de l’art, université de Tours, Centre d’études supérieures de la Renaissance

D I R E C T E U R É D I TO R I A L M. Nicolas Neumann

C O N C E P T I O N G R A P H I QU E Mme Teddy Bélier C O N T R I BU T I O N É D I TO R I A L E Mme Karine Forest TRADUCTION de l’anglais vers le français du texte de Pamela H. Smith M. Jean-François Allain COÉDITIONS M. Jean-Louis Fraud F A B R I C AT I O N Mmes Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros INDEX Mme Lolita Wotin

M. Javier Ibañez-Fernández, professeur d’histoire de l’art, université de Saragosse Mme Pamela H. Smith, professeur d’histoire des sciences, Columbia University, New York C O M M I S S A R I AT D E L ’ E X P O S I T I O N Commissaire général : M. Axel Hémery, directeur du musée des Augustins Commissaire scientifique : M. Pascal Julien, professeur d’histoire de l’art à l’université Toulouse – Jean Jaurès Commissaire pour la bibliothèque d’Étude et du Patrimoine : Mme Magali Vène, directrice de la BEP Commissaire scientifique pour la bibliothèque d’Étude et du Patrimoine : Mme Aurélia Cohendy, doctorante COORDINATION ÉDITORIALE Mmes Geneviève Ponselle-Corbier et Virginie Granel Recherche iconographique : Mmes Sandrine Bonnet et Virginie Granel

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Remerciements

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De nombreux prêteurs institutionnels et privés ont accepté de se séparer d’œuvres de tout premier plan pendant la durée de l’exposition. Nous leur en sommes infiniment reconnaissants :

• Paris, musée du Louvre : M. Jean-Luc Martinez, Mme Sophie Jugie, M. Jannick Durand • Pau, Musée national du château : M. Paul Mironneau • Pennautier, château : M. et Mme de Lorgeril

• Bournazel, château de Bournazel : Mme Martine Harlin • Centre des monuments nationaux (château d’Assier) : Mme Delphine Christophe, Mme Pascale Thibault • Écouen, Musée national de la Renaissance : M. Thierry Crépin-Leblond • Gaillac, musée des Beaux-Arts : M. Bertrand de Viviès • Garidech, église : M. Ciercoles • Lyon, bibliothèque municipale : M. Pierre Guinard • Merville, château de Merville : M. Laurent de Beaumont • Montauban, médiathèque : Mme Ann-Sarah Laroche • Narbonne, musée d’Art et d’Histoire : Mme Laure Barthet • Paris, bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art : M. Éric de Chassey, Mme Anne-Élisabeth Buxtorf • Paris, Bibliothèque nationale de France : Mme Laurence Engel • Paris, Ensba : M. Jean-Marc Bustamante, Mme Emmanuelle Brugerolles

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• Pibrac, château de Pibrac : M. Guy Du Faur de Pibrac • Rodez, musée Fenaille : M. Aurélien Pierre • Saint-Lizier, trésor de la cathédrale : M. Étienne Dedieu • Saint-Lys, mairie : M. Serge Deuilhé • Toulouse, archives départementales de la Haute-Garonne : Mme Anne Goulet • Toulouse, archives municipales : M. Rémy Verdo • Toulouse, basilique Saint-Sernin : Mme Évelyne Ugaglia, M. l’abbé Vincent Gallois • Toulouse, bibliothèque de l’Arsenal : Mme Marielle Mouranche • Toulouse, bibliothèque d’Étude et du Patrimoine : Mme Magali Vène • Toulouse, cour d’appel : M. Guy de Franclieu • Toulouse, musée Paul-Dupuy : M. Francis Saint-Genez • Toulouse, Société archéologique du Midi de la France : M. Daniel Cazes • Villeneuve d’Aveyron, église : M. Pierre Costes

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Avant tout, nous tenons à saluer l’énergie bouillonnante et fédératrice du commissaire scientifique de l’exposition, Pascal Julien, sans qui ce projet n’aurait pas vu le jour. Il a œuvré à la tête d’une équipe de docteurs et doctorants qui ont défini avec talent l’approche inédite de l’exposition et ont rédigé une grande partie du catalogue : Aurélia Cohendy, Simon Colombo, Colin Debuiche, Sophie Fradier, Sarah Munoz, Mathilde Roy, Clémentine Souchaud, Juliette Souperbie, Alexandra Woolley. Tous les autres auteurs, universitaires, conservateurs du Patrimoine et restaurateurs ont apporté une contribution originale à ce catalogue, nous leur témoignons toute notre gratitude : Mmes et MM. Guy Ahlsell de Toulza, Nicole Andrieu, Patrick Arabeyre, Caroline de Barrau-Agudo, François Bordes, Francis Brumont, Serge Brunet, Philippe Canguilhem, Thierry CrépinLeblond, Jacques Dubois, Sophie Duhem, Jean-Charles Facchini, Catherine Gaich, Valérie Gaudard, Nelly Koenig, Isabelle Luciani, Xavier Pagazani, Véronique Picur, Charlotte Riou, Fabienne Sartre, Pamela H. Smith, Pierre-Jean Souriac, René Souriac, Pascale Thibault, Magali Vène, Thierry Verdier. La bibliothèque d’Étude et du Patrimoine de Toulouse a été le partenaire exigeant de notre exposition, réalisant en parallèle l’exposition « Quand la peinture était dans les livres (14601535) », collaborant à notre catalogue et nous assistant dans la présentation des livres. Nous remercions toute l’équipe et, particulièrement, Mmes Lidwine Harivel, directrice de la lecture publique, Magali Vène, conservatrice à la BEP et commissaire de l’exposition de la bibliothèque, Aurélia Cohendy, commissaire scientifique, Marie Mortier, responsable de la communication, Laurie Araguas, responsable du service des publics. Les conservateurs de la DRAC Occitanie ont joué un rôle déterminant dans l’organisation de cette exposition autour de M. Laurent Barrenechea, conservateur régional des monuments historiques d’Occitanie. Nous tenons à saluer le soutien indéfectible de Mmes Catherine Gaich, Ariane Dor et Valérie Gaudard. Les conservateurs du service Connaissance et Inventaire des patrimoines de la Région Occitanie ont été d’une aide précieuse autour de M. Roland Chabbert, conservateur du Patrimoine, notamment M. Maurice Scellès.

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Mme Pamela H. Smith nous a permis de diffuser ses recherches sur la fonte à Toulouse au XVIe siècle. Nous souhaitons remercier les collègues, chercheurs et historiens de l’art qui nous ont aidés dans nos recherches : Mmes et MM. François Avril, Alain de Beauregard, David Bougarit, Ghislaine Caperan, Sylvie Cazes, Dominique Cordellier, Jean-Paul Debuiche, Clotilde Deflassieux, Stéphanie Deschamps-Tan, Marie-Emmanuelle Desmoulins, Aurélie Devos, Monique Drieu, Frédéric Elsig, Guy de Felzins, Louise-Emmanuelle Friquart, Marylène Galibert, Françoise Gatouillat, Michel Hérold, Nick Humfrey, Lorraine Jacquot, Jérôme Kérambloch, Laure Krispin, Josèphe et Christophe de La Fage, Géraud de Lavedan, Jean-Claude Lepert, Guy-Michel Leproux, Maëva Méplain, Pierre-Thomas de Montval, Isabelle Pébay-Clottes, JeanFrançois Peyré, Pierre Rivière, Marc Smith, Jacques Troubet, Gérard Villeval, Bernard Voinchet, Nathalie Volle. Le mémoire de Nelly Koenig a été réalisé sous la direction de Christian Binet, restaurateur d’objets ethnographiques, grâce à l’encadrement d’Agnès Bos et Philippe Malgouyres, conservateurs au musée du Louvre, et d’Alexis Domjan, responsable de recherche appliquée et développement à la Haute École Arc de Neuchâtel. Cette étude a été rendue possible grâce aux personnes et institutions suivantes : musée du Louvre, Institut national du patrimoine, Haute École Arc de Neuchâtel, entreprise Zeintra (particulièrement Dominique Cerantola), Fondation pour les monuments historiques. Pour leur soutien déterminant, nous ne saurions assez remercier M. Francis Grass, adjoint au maire de Toulouse chargé de la Culture, et M. Pierre Esplugas-Labatut, adjoint au maire de Toulouse chargé des Musées ; Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, M. Laurent Roturier, directeur régional des Affaires culturelles de la Région Occitanie. Nos remerciements s’adressent également à M. François Lajuzan, directeur général des Affaires culturelles de la Ville de Toulouse, et à Mme Flore Collette, conseillère pour les musées à la direction régionale des Affaires culturelles de la Région Occitanie. C’est une tâche bien agréable que de remercier l’ensemble du personnel du musée associé à ce projet, tout particulièrement,

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Mme Geneviève Ponselle-Corbier, pour la coordination générale de l’exposition et de la communication ; Mme Charlotte Riou, conservatrice des sculptures pour sa connaissance de la sculpture de la fin du XVe siècle et le suivi des nombreuses restaurations ; Mme Caroline Berne, pour la régie des œuvres ; Mme Ghislaine Gemin, pour la communication, relations presse et réseaux sociaux, Mme Caroline Latour, pour le multimédia et le site Internet ; Mmes Aurélie Albajar, Émilie Micouleau, Claire Ponselle, Camille Lacroix, Jessica Rivière, Isabelle BâlonBarberis, Maia Cellura, Julie Dreyer et Anne-Sophie Tronconi, stagiaires, pour leurs actions vers les publics et la programmation culturelle autour de l’exposition ; Mmes Virginie Granel et Sandrine Bonnet, pour les demandes de prêts et les commandes d’images, Mme Audrey Fourcade puis Coralie Marie, pour la documentation ; Mme Florence Disson, conservatrice stagiaire de l’INP en stage au musée ; Mme Alexandra Dufourcau, M. Benoît Darolles et Mme Morgan Pennavaire, qui ont assumé la charge administrative et le suivi financier de l’exposition ; M. Tahar Boucif, pour le suivi des travaux ; Mmes Nouara Conte, Élisabeth Louer, Brenda Millot, Sabrina Ramou, MM. Christophe Bernet, Michel Carrière, Jean-Pierre Doumerc, Tony Evan, Mamadou Kanté, Nicolas Moulières, et les membres de l’équipe technique ; M. Mohamed Kesseiri, responsable de la sécurité ; Mme Cathy Vaquero, chargée du suivi administratif RH au musée, ainsi que les agents de la caisse, de l’accueil et de la surveillance et tous ceux qui ont collaboré, à un titre ou à un autre, à la réalisation de cette exposition au sein de la mairie de Toulouse et du Grand Toulouse, notamment, Mmes Marine Barelli, Assya Cazeaux, Marie-Pierre Chaumet-Sarkissian, Claire Dalzin, Fabienne Darasse, Leila El-Mellouki, Pascale Gourney, Claudine Jacquet, Magali Longour, Cathy Pedron,

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Laurence Rossignol, Élisabeth Ruffé, Mireille Serniguet, Évelyne Ugaglia, MM. Olivier Berthézène, Alain Bouzer, Nicolas Clarac et Francis Duranthon. Toute notre gratitude s’adresse aussi aux animatrices de la fédération Léo-Lagrange ; à Mmes Gabrielle Campana, Marie Deback-Rodes, Prissyla Deschaumet, Audrey Mompo et Marta Espinós Aguado, ainsi qu’à M. Christophe Martinez, enseignant détaché au musée. Les Amis du musée et sa présidente Mme Isabelle Saint-Pierre soutiennent l’action du musée depuis des années. Nous les en remercions chaleureusement. L’exposition a bénéficié du soutien de la société LP Promotion, dont nous saluons l’engagement. Nous englobons dans ces remerciements nos complices et partenaires culturels toulousains, Mme Noémie Robidas à l’isdaT ; M. Adrien Harmel à l’office de tourisme de Toulouse, Mme Nathalie Cournarie au lycée Saint-Sernin et ses élèves des classes préparatoires littéraires pour leurs médiations ainsi que l’ensembledes Sacqueboutiers de Toulouse et le conservatoire à rayonnement régional de Toulouse et son directeur M. Jean Dekyndt. Nous tenons enfin à saluer le travail de Mme Emmanuelle Sapet pour la scénographie, Mme Teddy Bélier pour le graphisme, M. Daniel Martin pour les photographies, Mme Emmanuelle Toubiana, Tambour Major, pour les relations avec la presse nationale, et l’ensemble de nos prestataires qui ont permis la réalisation de cette exposition.

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C

ette exposition est la première sur la Renaissance à Toulouse. Le professeur Pascal Julien et son équipe de docteurs et doctorants ont su apporter un regard nouveau sur cette période. L’exposition et le catalogue qui l’accompagne montrent la diversité de la création artistique dans notre ville et les liens entre art, humanisme et sciences. Ils sont le fruit d’un partenariat exemplaire entre le musée des Augustins, la bibliothèque d’Étude et du Patrimoine et l’université Toulouse – Jean Jaurès. L’exposition est ouverte sur les nombreux hôtels particuliers, témoins remarquables de la Renaissance dans la ville. Associée au label « Toulouse, Cité européenne de la science » en 2018, cette collaboration illustre l’énergie déployée par les acteurs toulousains pour valoriser les richesses de notre patrimoine. M. Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse, président de Toulouse Métropole

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Avant-propos

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I

l nous est agréable de présenter l’exposition « Toulouse Renaissance » et le catalogue qui l’accompagne comme une invitation du musée à un projet et à l’équipe qui le défend. Lorsque Pascal Julien a souhaité nous rencontrer il y a de cela cinq ans environ pour nous proposer cette exposition, nous avons compris que nous nous trouvions face à l’un des moments qui définissent le positionnement scientifique d’un établissement culturel dans son environnement et son territoire. L’exposition temporaire doit parfois être un laboratoire d’expérimentation sur des problématiques transversales de l’histoire de l’art ou permettre d’accueillir à titre exceptionnel un feu d’artifice visuel mais, à intervalles réguliers, elle doit aussi définir un socle de connaissances renouvelées sur ses collections sous une forme accessible à tous les publics. C’est incontestablement le cas ici. Les collections permanentes du musée sont bien au cœur du projet avec quelques-unes de ses têtes d’affiche tels les Prophètes et Sibylles de Saint-Sernin, les reliefs de la Dalbade de Bachelier ou Dame Tholose. Habituellement, le visiteur rencontre ces chefs-d’œuvre comme les fragments dispersés du livre ouvert du patrimoine toulousain. Dans le cadre de l’exposition, il est amené à comprendre les liens qui les unissent à des productions contemporaines locales et régionales. La profondeur des collections est également sollicitée avec de nombreuses œuvres en réserves restaurées et exposées pour la première fois. La restauration constitue d’ailleurs l’un des fils rouges du projet car c’est l’opportunité historique d’une programmation de travaux qui permet des présentations exceptionnelles comme celle du vitrail de la cathédrale d’Auch, de la tapisserie de la Naissance de saint Étienne et des stalles de la cathédrale Saint-Étienne, du buste reliquaire de Saint-Lizier, entre autres. Le parcours éducatif et les textes du catalogue sont axés sur cette thématique. Un autre angle d’approche inhabituel mais complémentaire de la restauration est abordé, celui des techniques artistiques avec, en point d’orgue, la réalisation par l’université de Columbia de fontes d’après un livre de recettes toulousain du XVIe siècle. L’ouvrage conservé à la BnF et les objets ainsi produits sont présentés dans l’exposition. Enfin, on ne peut oublier le riche environnement architectural si présent dans les rues de Toulouse. Les fragments d’architecture sont certes nombreux dans le catalogue et dans l’exposition ainsi que les traités et les planches de dessins mais on a également souhaité y proposer des liens avec les édifices les plus remarquables de la ville, qu’ils soient civils, religieux ou privés.

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Le catalogue est le fruit d’un travail collaboratif regroupant les meilleurs spécialistes de la période et du territoire. Il offre l’exemple d’un work in progress puisque Pascal Julien, commissaire scientifique de l’exposition, a assemblé ses étudiants de l’université Toulouse – Jean Jaurès, jeunes docteurs et doctorants, afin qu’ils nous communiquent presque en direct les fruits de leurs recherches. Tournant le dos à une vision traditionnelle, construite autour d’une civilisation du pastel et de l’omniprésence de la personnalité de Nicolas Bachelier, ces auteurs remettent l’histoire en perspective et proposent une nouvelle lecture d’un grand XVIe siècle. Les essais ne sont pas avares de documents inédits et de nouvelles attributions comme la découverte de l’identité du Maître de Philippe de Lévis que je ne dévoilerai pas ici, laissant au lecteur le soin de la trouver au détour du texte d’Aurélia Cohendy. L’ambition de cet ouvrage est grande : il s’agit de constituer le livre de référence incontournable sur l’art de la Renaissance à Toulouse. C’est pourquoi il a nécessité un travail de recherche iconographique qui vient compléter l’exhumation de sources littéraires et artistiques. Recoupant en partie les grandes sections de l’exposition, il pose le cadre historique, évoque un beau Moyen Âge finissant avant d’explorer l’essor d’une ville au sein de sa région. L’épanouissement d’un goût nouveau est étudié à partir de toutes les formes et objets d’art présents à Toulouse dépassant la prépondérance habituelle de la peinture et de la sculpture. La présence singulière de l’architecture, de la musique et de la poésie sont ainsi mises en valeur. Le temps des troubles est abordé dans ses dimensions artistiques parfois délaissées au profit d’une vision purement historique et pessimiste quant à la situation des arts. Ce n’est pas le cas ici où la spécificité et la richesse de la période sont réaffirmées. Comme mentionné plus haut, une section du catalogue intitulée « Restaurer la Renaissance » témoigne de la diversité des approches contemporaines face à ce patrimoine, entre reconstitution et respect absolu de la charte de Venise selon les cas. Peut-être dira-t-on un jour le Julien en parlant de ce gros catalogue ? En tout cas, il aura fait l’objet d’une belle aventure intellectuelle et éditoriale. C’est ici un livre de bonne foi, bien que l’on n’ait pas exigé de ses auteurs qu’ils s’y peignent « tout entier et tout nu ». Le lecteur en tirera profit, nous l’espérons, car le sujet n’en est ni frivole ni vain. Axel Hémery Directeur du musée des Augustins

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Auteurs Nicole Andrieu (N. A.), ancienne conservatrice des Antiquités

Valérie Gaudard, conservatrice en chef du Patrimoine, conservatrice

et Objets d’art de la Haute-Garonne, membre titulaire de la Société

régionale adjointe des monuments historiques pour le site de Toulouse.

archéologique du Midi de la France.

Pascal Julien (P. J.), professeur d’histoire de l’art moderne

Patrick Arabeyre (P. A.), professeur d’histoire du droit civil et du droit

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

canonique à l’École nationale des chartes.

Nelly Koenig, restauratrice de mobilier et objets en bois, diplômée

Caroline de Barrau-Agudo, maître de conférences d’histoire de l’art

de l’Institut national du patrimoine et de l’École nationale des chartes.

médiéval à l’université de Perpignan – Via Domitia.

Isabelle Luciani, maître de conférences en histoire moderne

François Bordes, inspecteur général à l’Inspection des Patrimoines,

à l’université d’Aix-Marseille.

chargé de mission au sein du collège archives de la direction générale

Sarah Munoz (S. M.), docteur en histoire de l’art moderne,

des Patrimoines.

ATER à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

Francis Brumont, professeur émérite d’histoire moderne

Xavier Pagazani (X. P.), docteur en histoire de l’art moderne,

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

chercheur au service régional du Patrimoine et de l’Inventaire

Serge Brunet, professeur d’histoire moderne à l’université

d’Aquitaine.

Paul Valéry – Montpellier.

Véronique Picur, conservation-restauration des œuvres sculptées

Philippe Canguilhem (P. C.), professeur en musicologie à l’université

et polychromées, master conservation-restauration des biens culturels.

Toulouse – Jean Jaurès.

Charlotte Riou, conservatrice des sculptures au musée des Augustins.

Aurélia Cohendy (A. C.), doctorante en histoire de l’art moderne

Fabienne Sartre, maître de conférences d’histoire de l’art moderne

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

à l’université Paul Valéry – Montpellier.

Simon Colombo (S. C.), étudiant en master II d’histoire de l’art

Pamela H. Smith, professeur d’histoire moderne et d’histoire

moderne à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

des sciences à l’université Columbia (New York), directrice du Center

Thierry Crépin-Leblond, conservateur général du Patrimoine,

for Science and Society à l’université Columbia (New York).

directeur du Musée national de la Renaissance.

Clémentine Souchaud (C. S.), chargée de recherches en histoire

Colin Debuiche (C. D.), docteur en histoire de l’art moderne, boursier

de l’art à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

postdoctoral de la Gerda Henkel Foundation pour le Making and

Juliette Souperbie (J. S.), doctorante en histoire de l’art moderne

Knowing Project (université Columbia).

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

Jacques Dubois, maître de conférences d’histoire de l’art médiéval

Pierre-Jean Souriac, maître de conférences en histoire moderne

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

à l’université Jean Moulin – Lyon III.

Sophie Duhem, maître de conférences d’histoire de l’art moderne

René Souriac, professeur émérite d’histoire moderne à l’université

à l’université Toulouse – Jean Jaurès.

Toulouse – Jean Jaurès.

Jean-Charles Facchini (J.-C. F.), directeur du pôle culturel

Pascale Thibault, administratrice des monuments nationaux,

à la mairie de Saint-Lys.

conservatrice du Patrimoine.

Sophie Fradier (S. F.), docteur en histoire de l’art moderne, chargée

Magali Vène, conservatrice du Patrimoine écrit de la bibliothèque

de mission projet Toulouse patrimoine mondial (Unesco) à la mairie

d’Étude et du Patrimoine, à la Ville de Toulouse.

de Toulouse.

Thierry Verdier (T. V.), professeur d’histoire de l’art moderne

Catherine Gaich, conservatrice des monuments historiques, chargée

à l’université Paul Valéry – Montpellier.

des Objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques.

Alexandra Woolley (A. W.), docteur en histoire de l’art moderne.

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Sommaire 19

Introduction PASCAL JULIEN

Une cité riche et puissante 25

Les glorifications du passé : Palladia Tolosa et antiquaires toulousains SARAH MUNOZ

34

Échanges et modernité : la peinture à Toulouse, de la fin du XVe siècle à l’aube du XVIe siècle AURÉLIA COHENDY

44

Entre Moyen Âge et Renaissance, la sculpture dans le Toulousain et l’Albigeois autour de 1500 : un patchwork méridional CHARLOTTE RIOU

55

Tradition versus modernité : l’architecture religieuse à Toulouse et ses artisans vers 1500 JACQUES DUBOIS

64

Les capitouls de la Renaissance FRANÇOIS BORDES

70

Toulouse, une ville universitaire au XVIe siècle PATRICK ARABEYRE

76

Marchands et bourgeois au XVIe siècle FRANCIS BRUMONT

82

Toulouse, une capitale méridionale SERGE BRUNET

Au cœur d’une région en effervescence 95

Les peintures murales de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi AURÉLIA COHENDY

100

Des peintures de lumière : les vitraux de la cathédrale d’Auch AURÉLIA COHENDY

106

Entre décor structurel et structure décorée : les portails de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch SOPHIE FRADIER

111

La cathédrale de Rodez : la production sculptée de la première Renaissance CAROLINE DE BARRAU-AGUDO

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114

Le château de Montal SARAH MUNOZ

119

Le château d’Assier en Quercy : un chaînon manquant de la Renaissance XAVIER PAGAZANI

124

Le château de Bournazel THIERRY VERDIER

129

Philippe de Lévis, évêque de Mirepoix (1466-1537) THIERRY CRÉPIN-LEBLOND

132

Le chœur sculpté de Saint-Bertrand-de-Comminges PASCAL JULIEN

Du goût nouveau à l’épanouissement classique 147

De l’ornement à la statuaire : la sculpture toulousaine des années 1510-1560 SARAH MUNOZ ET PASCAL JULIEN

162

Antoine Olivier et Bernard Nalot, maîtres des arts de la couleur AURÉLIA COHENDY

171

Savants en architecture (1520-1560) COLIN DEBUICHE

181

Imprimerie et humanisme à Toulouse : un élan partagé MAGALI VÈNE

191

L’objet livre dans les éditions toulousaines au XVIe siècle CLÉMENTINE SOUCHAUD

196

Les orfèvres toulousains : des artisans renommés NICOLE ANDRIEU

202

La musique à Toulouse à la Renaissance PHILIPPE CANGUILHEM

206

Les jeux Floraux ISABELLE LUCIANI

Troubles, exubérances et concorde 237

Une féconde architecture des temps de guerre, 1560-1590 COLIN DEBUICHE

244

Du prince de Navarre à Henri IV, portraits d’une ascension JULIETTE SOUPERBIE

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251

Catholiques et huguenots à Toulouse au XVIe siècle PIERRE-JEAN SOURIAC

257

Fondeurs, sculpteurs et menuisiers : des ateliers florissants, 1550-1620 PASCAL JULIEN

270

Des années 1570 à 1610 : les vertus d’une peinture symbolique PASCAL JULIEN, JULIETTE SOUPERBIE ET ALEXANDRA WOOLLEY

274

Toulouse 1600, une ville en chantier SOPHIE FRADIER

279

Dépeindre Toulouse, au XVIe siècle SOPHIE DUHEM

283

La salle des Illustres et la stature de Palladia Tolosa au XVIIe siècle FABIENNE SARTRE

288

Toulouse et le Comminges au XVIe siècle. Petite histoire d’une incompréhension momentanée : religion et monarchie en 1589 PIERRE-JEAN SOURIAC

Restaurer la Renaissance 309

Quel projet pour la conservation et la restauration des vitraux du XVIe siècle de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch ? CATHERINE GAICH

315

Restaurer la Renaissance : l’exemple du décor de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi VALÉRIE GAUDARD

320

Maurice Fenaille et la restauration de Montal PASCALE THIBAULT

324

Polychromies d’œuvres du XVIe siècle, musée des Augustins, Toulouse VÉRONIQUE PICUR

332

La restauration de trois stalles de chœur de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, conservées au musée du Louvre NELLY KOENIG

336

Le jardin du château de Bournazel THIERRY VERDIER

340

Des recettes et des secrets à l’expérience : le « Making and Knowing Project » PAMELA H. SMITH

344 358

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Bibliographie Index des noms de personnes

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TOULOUSE RENAISSANCE

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19

Introduction PASCAL JULIEN

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ne mouche. Une simple mouche, posée sur l’écorce d’un arbre, en marge d’une Adoration des Mages de 1535. Un détail qui n’a rien d’anodin, pour une œuvre représentative de ce que fut la Renaissance toulousaine : ambitieuse, érudite, rayonnante. Ambitieuse, ainsi que l’illustre cette démonstration de virtuosité ; érudite, comme cette référence à l’insecte que le jeune Giotto aurait si bien peint sur un tableau de Cimabue que celuici voulut vainement l’en chasser 1 ; rayonnante, à l’image de l’auteur de cette Adoration, Antoine Olivier, qui porta son art bien au-delà de la ville. L’identification de ce peintre, si longtemps souhaitée (cf. p. 162-170), rejoint en outre de nombreuses attributions, découvertes ou rectifications qui illustrent la démarche ayant présidé à la longue préparation de cette exposition, menée dans le cadre d’un projet universitaire avec l’apport de jeunes chercheurs fortement impliqués à travers des thèses récentes ou en cours. Ces investigations ont permis de remodeler des connaissances déjà riches, mais aussi d’aborder des domaines peu ou pas explorés, afin de proposer une synthèse et un éclairage renouvelés pour une grande capitale de province, observée sur le temps long de la Renaissance. Le goût nouveau, en effet, y connut des manifestations précoces dès les années 1490, s’y épanouit jusque dans les années 1560 et s’y enrichit de métamorphoses maniéristes qui perdurèrent jusque dans les années 1610-1620. Depuis quelques années, la Renaissance française a bénéficié de multiples expositions qui ont concerné son avènement, son épanouissement dans les châteaux et les cercles royaux, certains de ses artistes majeurs mais aussi des villes comme Tours, Lyon et désormais Langres. Au sein de cette floraison d’études, qui ont considérablement accru la compréhension de cette période et de ses acteurs, Toulouse se caractérise par son éloignement de la Cour et des grands axes de circulation vers l’Italie mais se distingue aussi par son rôle de foyer artistique majeur. Dans la logique de la capitale d’une province d’Ancien Régime, siège d’un immense archevêché, d’un parlement souverain et d’une université réputée, au centre d’une région aussi vaste que fertile, elle fut une ville puissante et opulente, dont ses voisines dépendaient politiquement, juridiquement et économiquement et où clercs, officiers et bourgeois stimulaient un artisanat de haute qualité. Les élites s’y formaient, les affaires s’y réglaient et les arts y étaient prospères et recherchés. Il ne s’agit pas, toutefois, de revendiquer une primauté oubliée pour cette cité languedocienne mais bien d’esquisser les phases et aspirations de son développement. Au même titre que d’autres centres périphériques de France, elle connut des successions et interactions d’apports esthétiques externes et d’évolutions internes, au diapason d’exigences spécifiques. L’essor des arts, qui y accompagna un profond élan humaniste, prit des dimensions symboliques, sociologiques et politiques particulières, en relation avec la prétention séculaire en un passé hors du commun. Urbs antiqua : c’est par ces mots qu’en 1556 – en s’appuyant sur de vénérables auteurs latins –

Ci-contre : Antoine Olivier, Adoration des Mages, extrait de l’Antiphonaire de Philippe de Lévis (1533-1535), musée des Augustins, Toulouse.

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1. Chastel 1986.

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2. Cat. exp. 2012, p. 21 ; Virassamynaïken 2015, p. 15. 3. Dans cette bibliographie, il faut souligner les noms de Jules de Lahondès (1830-1914), Ernest Roschach (1837-1909), Célestin Douais (1848-1915), Jules Chalande (1854-1930), Joseph de Malafosse (1855-1896), Jean Lestrade (18621944), Jean Contrasty (1865-1950), Henri Graillot (1868-1949), Raymond Corraze (1870-1947)… 4. Notamment, en dehors de celles des auteurs de ce catalogue, celles, individuelles ou collectives, de Bruno Tollon.

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Augier Ferrier débutait le poème liminaire de l’Histoire tolosaine d’Antoine Noguier, avant de vanter les mérites de cette ville qui « en talents l’emporte sur la savante Athènes et rivalise avec la grandeur romaine ». Pour lui, de même que pour ses contemporains, tels les capitouls disant siéger en un Capitole, ou les parlementaires se prenant pour des sénateurs, c’était précisément cet héritage glorieux que la « nouvelle génération » des lettrés, des connaisseurs et des artistes faisait alors fructifier. L’héritage de la fameuse Palladia Tolosa chantée par Martial, Ausone ou Sidoine Apollinaire, dont on se plut longuement à célébrer, entretenir ou utiliser le mythe. Privés de ruines, en dépit de ce passé illustre, les Toulousains cherchèrent l’inspiration dans une antiquité de papier, en se plaçant sous les auspices de la déesse des arts. Certes, on ne peut totalement délaisser d’autres mythes élaborés par l’historiographie pour glorifier la Renaissance locale, que ce soit celui du pastel, un « or bleu » qui aurait tout financé, celui de Nicolas Bachelier, ce « Michel-Ange toulousain » qui aurait tout construit et sculpté, ou encore « la ville rose » toute de brique élevée qui aurait remplacé une cité de masures, incendiée en 1463. Mais il exista bien une profonde ambition classique qui guida les arts dans la cité. Le goût « à l’antique » qui s’y développa dans ses diverses expressions, de ses prémices jusqu’au maniérisme le plus inventif, ne fut certes pas une spécificité locale, cependant il connut là une dimension singulière, notamment sur un plan civique. Le fait est particulièrement significatif pour cette ville, alors troisième de France, qui ne fut pas un reflet de cour « capitale inachevée » comme Tours, ou satellite de Paris et « cœur d’Europe », comme Lyon 2. Les liens avec la capitale du royaume y furent contrastés, les moyens fluctuants et les artistes, parfois, d’une autre envergure. Aussi est-il nécessaire de s’interroger, dans un cadre aussi singulier, sur les relations entre intentions, prétentions et moyens de les mener à bien. Cette Renaissance toulousaine est principalement connue pour la qualité de son architecture, perçue comme l’expression de l’essor économique de la région, durant les deux premiers tiers du XVIe siècle. En raison de nombreux édifices conservés, tels les prestigieux hôtels de Bernuy et d’Assézat, ce domaine de la construction et son « âge d’or » ont bénéficié des recherches d’historiens, de clercs érudits et de membres des sociétés savantes, de la fin du XIXe et du début du XXe siècle 3, qui ont nourri des études plus récentes 4. Ces multiples travaux ont constitué une base importante qui a toutefois profité de relectures nécessaires et qui a pu être étoffée pour nombre d’édifices et développée sur un temps plus long, à l’exemple – entre autres – des hôtels de Pins, du Vieux-Raisin, de Molinier, d’Astorg et Saint-Germain, de BoyssonCheverry, de Clary ou de Chalvet, tout autant que pour des architectes comme Louis Privat, les Bachelier père et fils, Dominique Bertin ou Pierre II Souffron… De même a pu être scruté l’ornement architectural, fondement de toute lecture et compréhension des monuments. Les autres arts avaient connu un essor et une diffusion régionale tout aussi prolifiques, cependant, en raison de pertes innombrables, de constructions légendaires ou d’un certain désintérêt, ils demeuraient en l’attente d’études approfondies. Des œuvres de qualité encore peu connues, revisitées ou inédites, invitent ainsi à découvrir la musique ou l’imprimerie, de même que la peinture et ses variations d’enluminures, de vitraux ou de tapisseries, ou encore la sculpture avec ses déclinaisons d’orfèvrerie, de fontes civiles et militaires ou de menuiseries. Surgissent alors des artistes méconnus, tels que Léonard de Lachieze, Bernard Nalot ou Jean Rancy, ainsi que bien des créations singulières, bustes reliquaires, fresques et tentures, statues en terre cuite ou polychromes, têtes d’apôtres naufragées, figures et bénitiers de marbres, tableaux énigmatiques,

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dessins de meubles exubérants, stalles sculptées de griffons, Mercure volant en bronze… Pour que le panorama soit aussi large que possible, outre les essais éclairant l’ensemble de cette Renaissance toulousaine et de sa région, aux notices des principales pièces exposées s’ajoutent des encarts présentant des monuments ou des œuvres in situ. Un tel parcours commence, avec « Une cité riche et puissante », par la présentation de Toulouse au début du XVIe siècle, dans ses composantes politiques, sociologiques, intellectuelles et économiques, tout en rappelant les permanences artistiques gothiques. Vient ensuite, « Au cœur d’une région en effervescence », la prise en compte de certains des chantiers les plus remarquables des cathédrales et châteaux de la région proche, afin de dresser le décor de la vaste fresque brossée sur plus d’un siècle, pour la capitale du Languedoc, « Du goût nouveau à l’épanouissement classique », jusque vers 1560, puis entre « Troubles, exubérances et concorde », jusqu’au début du XVIIe siècle. Tout au long de ce récit fragmenté, des essais historiques, pour certains larges pour d’autres précis voire décalés, visent à ne jamais dissocier le fait artistique de son contexte, pour une cité soumise à des pouvoirs civils, parlementaires et religieux avides d’apparat, au sein d’une région qui vécut une conflictuelle montée en puissance du protestantisme et des enjeux du trône. Enfin dans une section particulière, « Restaurer la Renaissance », est mise en lumière l’action actuelle des instances patrimoniales, le rôle des restaurateurs ou l’initiative privée dans la préservation mais aussi la valorisation de quelques œuvres phares. Au long de cette tapisserie bigarrée, sont esquissés les excès et attraits de cette « plaisante ville de Toulouse », dénoncée dès 1534 par l’humaniste Étienne Dolet comme « impitoyable, inculte, âpre et barbare », mais décrite à la fin du siècle par le savant Joseph Juste Scaliger comme « la plus belle ville de France », couverte de palais. Une ville de combats tout autant que de cocagne, de feu et de passions où, souvent, les artistes furent en mesure de sublimer émotions et ambitions : ainsi d’une mouche, venant en divertissement d’une Adoration des Mages ou encore d’une larme, perlant au creux de la joue d’un apôtre échevelé de douleur, en couverture de ce catalogue.

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Les glorifications du passé : Palladia Tolosa et antiquaires toulousains SARAH MUNOZ

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ès le Moyen Âge, la célébration du passé antique de Toulouse nourrit une prétention qui trouva une remarquable expression dans les productions littéraires et artistiques de la Renaissance. Le bachelier en droit Antoine Noguier, dans son Histoire tolosaine commandée par les édiles et publiée en 1556, signalait ainsi, comme plusieurs historiens à propos de leur ville, la primauté de Toulouse sur Rome 1. En se fondant sur les auteurs l’ayant précédé, il insistait notamment sur les origines de la cité et sur ses vestiges. Utilisée à des fins politiques, la tradition antique servit d’abord le discours des capitouls et des élites qui réaffirmèrent ainsi leur fonction, leur noblesse et leurs privilèges 2. C’est ensuite à travers les arts et les lettres que fut développée une ambition classique fondée sur le mythe de la Palladia Tolosa, lequel devait susciter une activité antiquaire chère au XVIe siècle en France. Cette quête d’une grandeur passée s’exprima par des évocations « à l’antique » d’une cité dont les ruines étaient pourtant rares ou méconnues. Ces lacunes matérielles encouragèrent d’autant plus l’activité des collectionneurs : soucieux de glorifier la ville face à ses concurrentes languedociennes, les érudits et curieux toulousains s’employèrent à étudier les traces de l’ancienne cité et à constituer des collections. DE PALLAS À THOLOSE : UNE VILLE « À L’ANTIQUE »

Une célèbre épigramme de Martial, datée de 94 apr. J.-C. et adressée au notable romain Antonius Primus (Epigrammata, IX, 99), désignait Toulouse par les termes Palladia Tolosa, signe de la protection de Pallas Athéna, déesse des Sciences et des Lettres 3. Ce prestigieux adjectif, confirmé par Ausone et Sidoine Apollinaire, était alors l’affirmation d’un « génie du lieu » qui s’exprimait à travers la forme de la ville, ses institutions et ses monuments 4. Aussi, à la suite d’auteurs médiévaux, plusieurs érudits de la Renaissance s’employèrent-ils à magnifier la fondation et le passé antique de la ville, poussés en cela par les parlementaires, qui se voulaient héritiers du sénat romain, et par les capitouls, qui se disaient dignes de siéger dans un Capitole. En 1515, dans ses De Tholosanorum Gestis, puis en 1517, dans sa traduction française sous le titre des Gestes des Tholosains, Nicolas Bertrand affirmait ainsi que Toulouse fut « premiere que Romme 5 ». De la même façon, en prologue à son Histoire tolosaine de 1556, Antoine Noguier plaça un poème du médecin Auger Ferrier qui soulignait les enjeux humanistes de la protection de Pallas Athéna : « En talents, elle [Toulouse] l’emporte sur la savante Athènes et rivalise avec la [grandeur] romaine. Elle impose mesure aux vers et imite les doux sons de la flûte, héritage que la nouvelle génération a su tirer d’un long passé. En témoigne l’épithète de Palladienne qui lui fut donnée et qui mérita louange et gloire dans l’histoire 6. » Si l’expression a soulevé des débats liés à son caractère fantaisiste ou officiel 7, elle était comprise au XVIe siècle comme une certitude incitant au développement d’une culture savante. L’ancienneté de Toulouse, soulignée dans les textes, fut également glorifiée par la municipalité, les artistes et les commanditaires. La ville fut ainsi représentée à travers l’image d’une femme « à l’antique », comme sur la page de titre du deuxième Livre des Histoires de Toulouse, réalisée en

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1. Noguier 1556, p. 10-11. 2. Debuiche 2017. 3. Cazals 2005a ; Penin 2008, vol. I, p. 8. 4. Pailler 2002 ; Le Roux 2010 ; Dacosta Kaufmann 2013 ; Pailler 2016. 5. Bertrand 1517, p. 11. 6. Dauvois 2006, p. 7-8. 7. Pailler 2016.

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Fig. 1 - Charles Pingault, page de titre, Livre II des Annales (1535), archives municipales de Toulouse.

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Échanges et modernité : la peinture à Toulouse, de la fin du XVe siècle à l’aube du XVIe siècle AURÉLIA COHENDY

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1. Ce texte a bénéficié de précieux conseils de Magali Vène et Pascal Julien. 2. Corraze 1936b, p. 3-79 ; Corraze 1939a, p. 65-128 ; CassagnesBrouquet 2015, p. 224-227. 3. Toulouse, musée des Augustins, inv. 2004 1 302. 4. Sterling 1983, p. 139. 5. Chavignon 2006, p. 69. 6. Nous reportons la graphie de sa signature : ADHG, 3E11856, fo 8 (1520). 7. Lahondès 1898, p. 159-164 ; Corraze 1944a, p. 69. 8. AMT, 11Z457. 9. Vidal 1910, p. 327-328. 10. Gudiol et Alcolea I Blanchi 1986, p. 199-200 ; Avril 1989, p. 9-34 ; Lorentz 2005, p. 9-27. 11. Lorentz 2005, p. 9-27. 12. Corraze 1939b, p. 85. 13. Cohendy 2017, p. 16 (note 81). 14. Romano 1989, p. 35. 15. L’atelier de Papillon s’éteint avec la mort de son beau-fils Antoine Ferret (avant 1556) : ADHG, 3E2661, fo 20v-22. 16. Garant d’Antoine de Lonhy pour la location d’une maison en 1460 : ADHG, 3E4118, fo 30. Je remercie Guy-Michel Leproux pour son aide dans la lecture du document. 17. Douais 1900, p. 329-349, p. 465485 ; Corraze 1936, p. 3-79 ; Corraze 1939a, p. 65-128. 18. En 1466, Papillon illustra un litige opposant l’évêque d’Albi Jean Jouffroy et les échevins de la cité : Portal 1925, p. 225-226.

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ans la géographie de la peinture produite en France entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle, le foyer toulousain demeure l’une des grandes inconnues. Le Sud-Ouest ne possède en effet que de rares vestiges de panneaux peints mais, en dépit de ce constat, la lecture des archives révèle l’activité florissante des peintres de la ville. Conservées en plus grand nombre, les pages enluminées posent bien des problèmes d’attribution mais permettent de caractériser des manières, d’évaluer l’importance des échanges artistiques et d’apprécier l’apparition d’un goût nouveau 1. Durant la seconde moitié du XVe siècle, le développement d’un milieu parlementaire, universitaire et marchand à Toulouse ainsi que la présence de grands prélats dans la région favorisèrent la venue d’artistes étrangers 2. Ainsi la Crucifixion du parlement de Toulouse (vers 1460-1470) 3, tableau que Charles Sterling qualifia de « déconcertant, ni espagnol ni français 4 », témoigne tout autant des échanges artistiques entre les territoires languedociens et catalans que des apports d’origine flamande, introduits à Toulouse 5. Cette attractivité est illustrée par la carrière de plusieurs artistes, tel le peintre et verrier Pélegrin Frezon 6 réalisant plusieurs polyptyques pour des églises de la ville et de la région 7, mais également Guillaume Viguier, documenté jusqu’en 1474 sur le chantier de l’abbatiale Saint-Sernin 8, qui avait été chargé, une décennie plus tôt, de terminer un retable pour l’église de Baïxas en Roussillon 9. Le peintre, verrier et enlumineur bourguignon Antoine de Lonhy s’établit également à Toulouse de 1454 à 1461 tout en effectuant plusieurs séjours en Catalogne 10. Placé au service de l’archevêque Bernard de Rosier puis des capitouls pour lesquels il effectua des travaux d’enluminure et de vitrerie, Antoine de Lonhy introduisit dans la cité occitane le langage de l’Ars nova, tout en assimilant à son tour les données esthétiques de la peinture méridionale 11. Le rayonnement de sa manière sur la production picturale languedocienne fut particulièrement important. Tout comme son homologue Antoine de Lonhy, le peintre et verrier Guillaume Papillon, originaire de Pont-Saint-Esprit et documenté à Toulouse vers 1465 12, avait peut-être recherché dans cette cité un milieu moins concurrentiel. Mais à la différence du Bourguignon qui quitta la ville en 1461 13 pour achever sa carrière itinérante dans le Piémont 14, Papillon s’y installa jusqu’à sa mort, survenue avant 1505. Ayant formé une véritable dynastie de peintres documentés à Toulouse jusque dans les années 1550 15, il était étroitement lié au métier du livre puisque en épousant la fille du parcheminier Henri Clément 16, il était devenu le beau-frère de l’imprimeur Jean Grandjean. À l’instar des autres peintres et verriers œuvrant à Toulouse autour de 1500 17, Papillon répondit à diverses commandes émanant du clergé, du consulat ou de notables, pour des travaux de polychromie, de peintures murales, de peintures de bannières ou d’armoiries, mais également pour la production de documents graphiques fournis lors de procédures judiciaires 18. En marge de ces besognes d’estoffes – désignant la peinture décorative, souvent à caractère éphémère – que les peintres pratiquaient au quotidien, Papillon dirigeait l’un des plus importants ateliers

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Fig. 1 - Fragment d’un vitrail de saint André (v. 1510-1520), cathédrale Saint-Étienne, Toulouse.

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Entre Moyen Âge et Renaissance, la sculpture dans le Toulousain et l’Albigeois autour de 1500 : un patchwork méridional CHARLOTTE RIOU

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u premier abord, il existe une belle homogénéité dans la sculpture du Toulousain et de l’Albigeois autour de 1500 1, que les études pionnières de Marguerite de Bévotte, Jacques Bousquet et Gilbert Bou 2 ont permis de faire connaître et apprécier. Concernant la fin du XVe siècle, la plupart des chercheurs ont envisagé la naissance et le développement d’un courant stylistique local à partir de Notre-Dame de Grâce (fig. 1). Cette Vierge à l’Enfant (musée des Augustins, inv. Ra 788) au visage triangulaire animé par de grands yeux étirés vers les tempes, à l’expression douce et mélancolique, possède une silhouette juvénile et gracile, enveloppée de lourds et amples drapés travaillés de grands plis aux effets plastiques consommés, dans la suite des imagiers bourguignons. Datée des années 1460-1470, elle marquait la naissance d’un nouveau courant stylistique qui s’est ensuite exprimé dans de nombreuses œuvres jusque dans les années 1520. Cependant, ni son auteur, ni son commanditaire, ni sa provenance d’origine ne sont connus 3. Les sculptures qui lui sont apparentées, ainsi que les œuvres provenant de l’ancienne église des Récollets de Toulouse, ont déjà fait l’objet d’une recherche approfondie 4. Nous souhaiterions par conséquent évoquer des œuvres moins connues qui doivent être prises en compte pour une compréhension à la fois plus globale et plus nuancée de la production sculptée de cette époque, qu’elles témoignent d’un courant local nettement majoritaire ou bien d’échanges et d’apports extérieurs souvent négligés. Comme dans la plupart des provinces du royaume, cette époque a profité d’une stabilité politique et d’une prospérité économique favorables à l’organisation de grands chantiers architecturaux et à leur décor.

1. Sur les questions de terminologie et de chronologie, voir BrescBautier et al. 2010, introduction des commissaires de l’exposition G. Bresc-Bautier, Th. Crépin-Leblond, E. Taburet-Delahaye et M. Wolff ; Kavaler 2000 ; Chatenet et al. 2006 ; Le Pogam 2010. 2. Bévotte 1936 et 1982 ; Bou 1972 ; Bousquet 1968. 3. Riou 2005. 4. Riou 2011 ; Riou 2014.

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Les œuvres conservées tant à Toulouse qu’à Albi, et produites dans cette région, appartiennent à un même foyer artistique où les échanges ont été constants. Dans la cité toulousaine, des jalons essentiels manquent à notre connaissance du paysage artistique autour de 1500. Ainsi, contrairement à ses voisines Albi et Rodez, nous ignorons presque tout du mécénat des archevêques ou des chanoines de Toulouse et le nombre d’œuvres qu’il est possible de mettre en relation avec la cathédrale toulousaine reste faible. La Mise au tombeau du musée des Augustins (inv. Ra 406 A-F fig. 2), datée vers 1500, constitue l’une des rares exceptions connues. Les décors sculptés ornant des portails monumentaux sont également peu fréquents. Citons le portail de l’église Saint-Nicolas de Toulouse lui aussi vers 1500 et le portail de L’Adoration des mages du porche de la cathédrale de Lavaur dû à l’évêque Pierre de Rosier (ou de Rousergue, 1500-1514). Neveu de l’archevêque de Toulouse du même nom, P. de Rosier fut évincé du siège toulousain au profit de Pierre de Lion, frère du sénéchal de Toulouse, et reçut en compensation l’évêché de Lavaur. Par l’organisation et le traitement de leurs drapés, les vêtements de la Vierge vauréenne citent presque in extenso ceux de Notre-Dame de Grâce, tout

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Fig. 1 - Nostre Dame de Grasse (v. 1460-1470), musée des Augustins, Toulouse.

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Les capitouls de la Renaissance FRANÇOIS BORDES

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a fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle constituent à coup sûr, dans l’histoire de l’institution capitulaire toulousaine et du gouvernement de la ville, une période essentielle qui fait passer la cité du Moyen Âge à la période moderne. Toulouse va notamment connaître, dans les années 1519-1529, d’une part une réforme draconienne de son fonctionnement administratif, et de l’autre une série de « grands travaux » déterminants. La première a pour effet la reprise en main des archives, sous l’égide de son premier véritable garde, Jean Balard, et la mise en œuvre d’une profonde réforme de l’administration municipale, à laquelle s’attaque un autre des grands serviteurs de la ville, greffier de la chancellerie, Pierre Salamonis. Il devenait en effet nécessaire qu’elle se dote d’outils plus efficaces de gestion et fonctionne de manière plus rigoureuse. Les principales décisions concernent la tenue des registres de délibérations et l’instauration d’un véritable contrôle des comptes municipaux. De nouvelles fonctions sont également créées, comme les « réveilleurs » ou les revendeurs jurés, et l’on organise la « famille du guet » pour la sécurité de la ville. Cette politique de réforme administrative se double d’un programme de grands travaux, ou du moins de la réalisation d’équipements répondant à des nécessités nouvelles. Tout d’abord, dans l’année 1518-1519, le chantier des « escoles » ou « estudes » que la ville s’était vu contrainte d’édifier par un arrêt du parlement. En 1527-1528, c’est un collège des arts, le premier véritable collège municipal, que les édiles décident d’édifier sous le nom de « collège Saint-Exupère », près de ceux de Périgord et de l’Esquile. Ils achètent également une maison pour loger les maîtres qui y enseignent et organisent leur recrutement. Mais ce sont surtout les troubles occasionnés par la guerre avec « l’Espagnol » qui les entraînent, à partir des années 1520, dans une série de travaux défensifs : ils redressent ainsi les fortifications de Saint-Cyprien, relèvent le bastion du Bazacle et les murailles qui l’entourent et font abattre les maisons construites sur les lices. Cette même préoccupation sécuritaire touche la maison commune. C’est en 1525 qu’y débute une série de chantiers qui se poursuivront pendant un demi-siècle. On y élève des tours, des murailles et des portes monumentales, mais sans plan d’ensemble et sans coordination véritable. On construit en particulier la fameuse « tour des archieux », dont les travaux sont confiés aux meilleurs artisans de Toulouse, une tour destinée à abriter le bien alors le plus précieux pour les édiles : les archives de la ville. Un autre des grands chantiers de cette décennie concerna les ponts de la ville. L’année 15181519 voit tout d’abord l’achèvement du pont de Tounis, commencé quatre ans plus tôt et dont un feuillet du Livre des Annales nous a conservé l’aspect originel (fig. 1). Cette réalisation donne l’idée aux Toulousains de reprendre un projet né dans les premières années du XVIe siècle : celui d’édifier un nouveau grand pont traversant la Garonne. Celui-ci pourrait en effet continuer tout simplement celui de Tounis à partir de l’île du même nom. Un arrêt du parlement de janvier 1519 ordonna aux capitouls de s’atteler à la tâche, et une première arche de bois fut même construite pour en élever le premier pilier. Mais le projet n’alla pas plus loin et il fallut attendre les années 1540 pour que le fameux « pont de pierre » voie le jour. En attendant, on se préoccupe de réparer encore et toujours le pont de la Daurade, en particulier après les grandes inondations de 1522, 1523 et 1524.

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Fig. 1 - La construction du pont de Tounis, le pont de Montaudran et le poids commun, Livre I des Annales (1516-1517), archives municipales, Toulouse.

Enfin, advint également le projet d’un nouvel équipement collectif : celui de la fontaine (grifol en occitan) de la place Saint-Étienne qui, décidé en 1523, mit plus de vingt ans à se concrétiser, en 1549, grâce aux meilleurs maçons et sculpteurs toulousains (ill 26, p. 260). Toutes ces réformes, tous ces travaux ne purent cependant voir le jour que grâce à l’activité et à l’opiniâtreté des premiers magistrats de la ville. Ceux-ci, descendants des premiers consuls du temps des comtes de Toulouse, sont devenus dans le courant du XIVe siècle les « seigneurs du

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Toulouse, une ville universitaire au XVIe siècle PATRICK ARABEYRE

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ppelé à Toulouse à la création de l’université, le grammairien Jean de Garlande y révéla un tempérament intransigeant ainsi qu’un certain mépris pour les Toulousains. L’opposition de ceux-ci le contraignit à s’enfuir à la hâte, sur une barque, en 1232, et ses collègues le suivirent. L’université naissante de Toulouse connut alors une crise qui manqua de lui être fatale. On peut toutefois lire, dans son De triumphis Ecclesie, une lettre adressée à toutes les universités pour encourager ceux qui désireraient la rejoindre : à Toulouse, les maîtres enseignent avec plus de soin ; les livres interdits sont étudiés ; le droit civil est admis ; les médecins commentent Galien ; les conditions de travail sont excellentes ; la sécurité de l’endroit est assurée par le comte ; même le climat est tempéré… Surtout, c’est dans son Dictionarius que le même Jean de Garlande, dans une fameuse évocation de ses murs, énonce une première étymologie du nom de Toulouse, reprise par les historiographes des XVe et XVIe siècles. Contre une réalité alors moins reluisante, l’université s’auto-promeut, sert déjà l’idéologie particulariste. Nicolas Bertrand, dans un opuscule publié en 1515 sur les docteurs toulousains, qui traite à la fois des juristes et des théologiens célèbres, ne procède pas autrement. La théologie a la part belle avec une triple liste des docteurs des divers ordres mendiants, et pourtant la recréation de la faculté de théologie en 1360 a peu produit. La médecine n’est représentée curieusement que par un seul nom, celui de Raymond Sebond, l’auteur de la Theologia naturalis traduite par Montaigne, qui enseigna à Toulouse (sans doute la théologie) dans les années 1430. Le paragraphe consacré aux maîtres de la faculté des arts n’en fournit aucun. Mais vient le tour du droit : une douzaine de noms représente la discipline, qui est le fleuron de l’université aux XIVe et XVe siècles, des canonistes surtout, de Guillaume de Montlauzun à Bernard de Rosier. En 1500 encore, seul le droit la fait rayonner, le droit canonique davantage que le droit civil, et seuls les juristes ont des étudiants en nombre. Mais une université, ce n’est pas seulement ce que les maîtres en voient – ou en rêvent. C’est une institution, réglée pour l’essentiel par des statuts du XIVe siècle. Elle est administrée par les professeurs eux-mêmes, qui se succèdent dans les fonctions de recteur. Une forme d’autonomie qui consacre aussi, dans le règlement des études et par la collation des grades, le long chemin des études juridiques, aussi long que les études de théologie à Paris. Institution, l’université a rapport avec les autres institutions. Le chancelier de l’université est le chancelier de l’Église de Toulouse, mais sa tutelle, lointaine, n’est pas celle qu’exerce le chancelier de l’université de Paris, un Jean Gerson au XVe siècle par exemple. Surtout, l’université est dans la ville, elle y a ses locaux, ses collèges, ses étudiants la peuplent. De là découlent contraintes et désordres, qui ne peuvent qu’éveiller l’intérêt pas toujours bienveillant de la municipalité. Les collèges sont nombreux, il en a existé sans doute plus d’une quinzaine de séculiers au Moyen Âge. Ce sont aussi des institutions et en même temps des communautés, même s’ils n’abritaient qu’une minorité d’étudiants. Certains pourtant, à partir de la fin du XVe siècle, deviennent de véritables établissements d’enseignement. Leurs bâtiments ont marqué la ville et la marquent encore (bâtiments médiévaux du collège de Foix, bâtiments du XVIe siècle du collège Saint-Raymond ou du collège de l’Esquile, cf. p. 75).

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Fig. 1 - Registre des statuts des compagnons ou écoliers en chirurgie de l’université de Toulouse (1596), bibliothèque universitaire de l’Arsenal, Toulouse.

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Marchands et bourgeois au XVIe siècle FRANCIS BRUMONT

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e monde des marchands se caractérise par sa diversité et son hétérogénéité, mais ses membres présentent quelques caractéristiques communes qui permettent de les distinguer : en premier lieu, le fait de se livrer au commerce, en gros de préférence, car les détaillants ne sont généralement pas compris dans le monde des marchands. La base de la pyramide est constituée d’individus qui ne sont pas marchands à plein temps, paysans aisés qui achètent et revendent du grain, du vin, du bétail et que l’on appelle « marchands-laboureurs », artisans fournissant de la matière première – cuir, laine, pastel – et achetant le produit fini à leurs confrères moins bien nantis, transporteurs, charretiers ou bateliers, chargeant pour leur compte quelques tonneaux de vin ou balles de laine, un statut hybride de gens en voie d’ascension sociale, une ascension que l’expansion généralisée du siècle rend plus facile et désirable. Ce statut hybride, cette situation intermédiaire, caractérise d’ailleurs le groupe dans son ensemble : privilégiés par leur richesse, ou leur aisance, au-dessus du commun de leurs concitoyens, ils n’en sont pas moins des roturiers. Quitter cet état pour accéder aux ordres privilégiés est un des buts qu’ils poursuivent – et atteignent souvent – au cours de leur existence, pour eux ou pour leur descendance. Une mobilité sociale qui est le reflet et fréquemment la conséquence d’une mobilité géographique : le marchand est un forain ou un étranger qui, pour les besoins de sa profession, doit de plus beaucoup voyager. À Toulouse, au XVe siècle, voici les Boisson dont une branche provient de Rodez et continue à avoir des attaches en Rouergue ou, dès le début du siècle suivant, les Delpech originaires d’Alayrac près d’Espalion, d’où vinrent les Assézat : ce n’est pas par hasard si l’un de ces derniers, Noël, entra au service de Pierre Delpech et que lui et son frère Bernard épousèrent deux des filles de ce dernier. Les liens de voisinage sont presque aussi forts que les liens de parenté. D’autres marchands étaient originaires des provinces qui avaient des relations commerciales avec Toulouse, comme le Pays basque (Jean Cheverry), le Béarn ou la Bigorre. Il en allait de même dans les autres métropoles commerciales qui attiraient aussi de nombreux étrangers. Les Italiens étaient sans doute les plus puissants, membres de compagnies présentes dans tous les centres stratégiques du commerce et des finances internationales (Lyon, Anvers, Londres, etc.) tout en dépendant plus ou moins étroitement des maisons mères installées en Toscane, en Lombardie ou à Gênes. Ils étaient peu nombreux à Bordeaux ou Toulouse et s’intégraient généralement assez peu dans le milieu local. Ce n’était pas le cas des Espagnols, surtout Castillans et Basques, vite naturalisés, et qui s’alliaient avec les familles de la bourgeoisie et de la noblesse des villes où ils résidaient. Ils étaient particulièrement influents à Nantes et à Rouen, moins nombreux à Toulouse et Bordeaux, mais de qualité : Jean de Bernuy (fig. 1) et Pierre Lopez, grand-père de Montaigne, dans la capitale du Languedoc, et le cousin de ce dernier, Antoine Lopez de Villeneuve, un des marchands les plus influents de Bordeaux. Nantis d’une éducation de base, les futurs marchands devaient aller parfaire leur apprentissage, généralement hors de chez eux, chez un parent ou une connaissance, à l’étranger pour ceux qui désiraient se lancer dans le grand commerce international. Ils y apprennent la langue le cas échéant, les monnaies, les poids et mesures et le type de commerce de chaque place ; ils apprennent aussi les bases du métier, avec les connaissances pratiques : la tenue d’une correspondance et surtout

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UNE CITÉ RICHE ET PUISSANTE

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Fig. 1 - Portrait de Jean de Bernuy (1664), château de Merville.

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Toulouse, une capitale méridionale SERGE BRUNET

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l ’issue de la guerre de Cent Ans et du terrible incendie de 1463, Toulouse entre dans le « beau » XVIe siècle de la reconstruction et de l’humanisme. Cet âge d’or ravive la Palladia Tolosa. Il s’achève brutalement vers 1560, avec la crise du pastel et les guerres civiles et religieuses. Le retour à la paix ne sera pas accompagné par la prospérité, tant économique que démographique. Mais Toulouse n’en sera pas moins, une nouvelle fois, créative, profondément transformée, et rayonnante à l’aube du XVIIe siècle. L’ÂGE D’OR TOULOUSAIN OU LA VIE EN BLEU

En entrant dans la modernité, les quelque vingt mille Toulousains quittent subitement la vêture médiévale. Le visage de la cité se transforme radicalement avec cette brique ininflammable, ourlée de blond calcaire, qui donne naissance à la « ville rose ». C’est cette « plaisante ville [dont] ce sont des palais que ses maisons » (Joseph Juste Scaliger) (fig. 1).

Fig. 1 - Nicolas Bertrand, Opus de Tholosanorum Gestis… (1515), bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, Toulouse.

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UNE CITÉ RICHE ET PUISSANTE

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Fig. 2 - Sainte Lucie, saint Sébastien et les capitouls, extrait du Statut des tailleurs d’habits (1509), bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, Toulouse.

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Des peintures de lumière : les vitraux de la cathédrale d’Auch AURÉLIA COHENDY

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1. Ce texte a bénéficié des précieuses suggestions de Françoise Gatouillat. 2. AMT, CC654, fo 31 (Impôt du capitoulat de Saint-Étienne, 15041505). 3. Canéto 1876 ; Lagaeysse 1992, p. 115-122 ; Rollet 1997 ; Suau 2001, p. 133-168. 4. Suau 1992, p. 53-66 ; Hérold 2018.

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’après les sources écrites, le vitrail fut l’une des activités principales des peintres de Toulouse au début du XVIe siècle 1, dont l’art rayonna hors de l’enceinte de la cité, comme l’illustre la carrière de Guillaume Papillon, mort avant 1505 2. Si la production de cet art monumental fut importante, les marchés de vitreries des églises toulousaines ne renvoient qu’à des œuvres disparues. Les dix-huit verrières du chœur de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch, exécutées vers 1509 par l’atelier du peintre-verrier Arnaut de Moles, qui œuvra à Toulouse, ont fort heureusement été préservées des fléaux du temps. Achevé en 1513 sous l’archiépiscopat de François-Guillaume de Clermont-Lodève, neveu de Georges d’Amboise et ambassadeur de Louis XII, ce décor vitré constitue un jalon essentiel dans la peinture de la première Renaissance française, par son état de conservation exceptionnel, la virtuosité technique qui y est déployée et la modernité des choix formels mis en œuvre, qui confirment l’introduction précoce du goût renaissant en Midi toulousain. Les conditions de la création de cet ensemble demeurent cependant méconnues, malgré les innombrables études qui lui ont été consacrées depuis le milieu du XIXe siècle 3. Agencées dans les dix chapelles du chevet, les verrières développent un programme complexe et cohérent, fondé sur la concordance entre Ancien et Nouveau Testament. Les figures de prophètes, patriarches, apôtres et sibylles représentées au registre principal de chacune des fenêtres composent un cycle complété de petites scènes historiées et de figures disposées en prédelle ou dans les tympans. Les grands personnages, distribués dans chaque lancette dans un souci de lisibilité conforme à la tradition médiévale, prennent vie dans un cadre architectural monumental où l’esthétique du gothique flamboyant se marie à des ornements empruntés à l’Italie de la fin du Quattrocento (fig. 1 et 2). D’imposantes niches de style Renaissance, tantôt ouvertes, tantôt fermées par de riches tentures damassées, sont rehaussées de motifs à l’antique, tels que des grotesques, coquilles, profils en médaillon ou putti porteurs de guirlandes. Provenant de sarcophages romains, ce motiflà connut un vif succès dans la sculpture florentine du XVe siècle, à l’instar de la niche à coquille que l’auteur des verrières décline sous plusieurs formes. Cependant, si le répertoire italianisant domine, les éléments issus de l’art gothique n’ont pas disparu. L’artiste mêle avec virtuosité motifs flamboyants et à l’antique pour créer des compositions architecturales originales, comme l’illustre le vitrail de la deuxième chapelle nord (fig. 1). Dans cette verrière comme dans l’ensemble du décor, la permanence de motifs gothiques ainsi que le goût prononcé pour la variété et la profusion ornementale, ne doivent pas être perçus comme des archaïsmes mais plutôt comme le témoignage de préférences formelles, également sensibles dans d’autres œuvres de la région datant du premier quart du XVIe siècle, dont deux verrières de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne réalisées sous l’épiscopat de Pierre d’Auxillon († 1512) 4. Si l’auteur du décor auscitain reprend la formule fort ancienne des vitraux avec figures présentées dans des niches couronnées de dais, à la manière de statues, il renouvelle entièrement l’espace pictural par l’utilisation de la perspective. La conception spatiale de l’ensemble fait écho

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AU CŒUR D’UNE RÉGION EN EFFERVESCENCE

Fig. 1 - Arnaut de Moles, Noé, Ézéchiel, saint Pierre, sibylle Érythrée, baie 17 (v. 1509-1513), cathédrale Sainte-Marie, Auch.

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Fig. 2 - Arnaut de Moles, Prophète Élisée, saint Jude, sibylle de Delphes, prophète Aggée, baie 12 (v. 1509-1513), cathédrale Sainte-Marie, Auch.

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DU GOÛT NOUVEAU À L ’ É PA N O U I S S E M E N T CLASSIQUE

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De l’ornement à la statuaire : la sculpture toulousaine des années 1510-1560 SARAH MUNOZ ET PASCAL JULIEN

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oulouse, depuis l’Antiquité, a toujours connu une intense activité de sculpture. Au XVIe siècle, c’est donc sur un art particulièrement maîtrisé que s’infléchissent des traditions et se greffent des manières nouvelles, avant que s’affirment plus nettement des expressions propres. Des expressions qui furent riches et diverses et qui ne peuvent être résumées à un grand nom, ce dont a trop souvent témoigné l’historiographie produite depuis le XVIIe siècle. Cette sculpture doit être observée dans la diversité de ses formes et de ses acteurs, qu’il s’agisse de ronde-bosse ou de reliefs appliqués à l’architecture, répondant aux aspirations classiques qui s’exprimèrent dans la cité. ITINÉRANCES ET RÉCEPTIONS DE MODÈLES

Selon un principe perceptible dans la majorité des provinces françaises, l’introduction des nouvelles formes de la Renaissance se fit fréquemment par des acquisitions opérées directement auprès de maîtres le plus souvent italiens ou flamands qui concernèrent en premier lieu des motifs ornementaux 1. Provenant du chœur de l’église des Carmes de Carcassonne, l’épitaphe en marbre blanc de Pierre de Saint-André, président du parlement de Toulouse, fut ainsi commandée au sculpteur génois Girolamo Viscardi en 1508 2. Cette Pietà, mise en gloire par le vocabulaire nouveau de l’ornement italien à l’antique, fit connaître les motifs de l’arc de triomphe, de la voûte à caissons, des roses à l’antique, du pilastre orné, des accolades ou des gousses, tout en offrant également une exemplaire mise en application de la perspective linéaire (fig. 1). Son achat illustre les transferts de modèles suscités par les déplacements humains, ce Toulousain et conseiller de Louis XII ayant été nommé président à la cour de Gênes. De même, en Lauragais, l’église de Montgeard conserve un bénitier acheté à Pise en 1516 par un grand marchand pastelier (cf. p. 78), qui fit valoir un langage ornemental inédit taillé dans le marbre de Carrare et vint renouveler des acquisitions plus anciennes comme des albâtres anglais également présents dans cette église 3. Ces données formelles, qui purent connaître d’autres manifestations aujourd’hui perdues, s’ajoutèrent à la prise de connaissance de données picturales ornementales également précoces, comme les peintures de la cathédrale d’Albi. L’itinérance d’artisans provenant d’autres foyers ou d’États voisins, parfois à destination de la péninsule Ibérique, contribua également à la diffusion du goût nouveau 4. Si la clôture de chœur de Sainte-Cécile d’Albi, réalisée vers 1495-1510 5, présente encore une manière qui privilégie la noblesse des attitudes et la recherche d’un réalisme puissant, l’Ecce Homo en bois plus tardif conservé dans cet édifice illustre déjà la quête d’une inédite correction du corps (cat. p. 138). Ce fut également par le recours à des tailleurs de pierre étrangers à Toulouse que certains édifices religieux et hôtels particuliers furent enrichis d’ornements à l’antique. En 1518, Jean Dubois, « de Mons » en Hainaut, sculpta ainsi une porte de la crypte de l’abbatiale Saint-Sernin, dont le décor constitué de putti, d’êtres hybrides, de rinceaux et de candélabres est proche des décors des fenêtres, des portes et de la cheminée de la partie de l’hôtel du Vieux-Raisin construite pour l’avocat Bérenguier Maynier, vers 1515-1528 (cf. p. 156), ainsi que d’une triple baie provenant

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1. 2. 3. 4. 5.

Guillaume 2003, p. 144. Di Fabio, 2011. Julien 2002, p. 54-55. Julien 2011c, p. 64. Dubois 2017a.

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Fig. 1 - Girolamo Viscardi, Épitaphe de Pierre de Saint-André (1508), musée des Augustins, Toulouse.

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Antoine Olivier et Bernard Nalot, maîtres des arts de la couleur AURÉLIA COHENDY

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1. Zucker 1980-1984, t. 25, vol. 13, p. 195. 2. ADHG, 3E11999, fo 176 (mai 1530). Je remercie Colin Debuiche pour ce document : Debuiche 2016, vol. IV, p. 54. 3. Quelques rinceaux et putti sont encore visibles : Mesuret 1967, p. 202. 4. Frachon-Gielarek 1990, p. 99-101 ; Gatouillat et Hérold 2018. 5. Bayle 2005, p. 175. Sur les panneaux anciens de la cathédrale voir Gatouillat et Hérold 2018. Le registre inférieur de la baie est manquant. Une remise en état de cette verrière est prévue pour 2018. 6. Je remercie C. Debuiche de m’avoir signalé des occurrences avec des édifices languedociens datés de cette période. 7. Gatouillat et Hérold 2018. 8. Il réalise les vitraux de l’église de Dax, de la cathédrale de Mende et sans doute des chapelles basses de la cathédrale d’Albi : Corraze 1939a, p. 87-88 ; Dubois 2017a. 9. Gabaldo 1884, t. 51, p. 248. 10. Jacques Dubois (2017a) a proposé de rapprocher ce « maître Olivier » de la famille de peintres et verriers du même nom, dont les membres certifiés sont Georges Olivier et son fils Antoine. Contrairement aux affirmations émises par Raymond Corraze (1936, p. 678), aucun document ne permet de confirmer un lien de parenté entre ces derniers et les peintres Jean, Guillaume et Blaise Olivier. 11. Ibid., p. 678, 720. 12. Dubois 2017a, p. 89-103.

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n dehors de l’enluminure de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle, les témoignages strictement toulousains de l’introduction du goût renaissant dans les arts de la couleur ne subsistent qu’à partir des années 1530. Le premier d’entre eux semble être celui de la chapelle Sainte-Ursule de l’église conventuelle des Augustins, dont les parois portent encore la trace d’un décor de rinceaux peints en grisaille sur fond bleu, avec masques, putti et autres figures hybrides tirées d’un modèle gravé de Giovanni Antonio Da Brescia 1. Portant les millésimes de 1529-1530, cette œuvre atteste de l’adoption, en peinture, du nouveau langage classique qui se diffusa à Toulouse dans l’espace ecclésial mais aussi privé : en témoigne un paiement adressé en 1530 au peintre et verrier François Godoffre pour la peinture de « médailles » destinées à l’embellissement d’une chambre de l’hôtel de Bernuy 2. À l’instar de ce décor aujourd’hui perdu, confirmant l’attrait des élites toulousaines pour l’esthétique nouvelle, les peintures murales, retables, tapisseries et verrières historiées qui ornèrent autrefois les églises de la cité ont disparu dans leur grande majorité. Si l’on discerne encore l’existence d’un cycle peint dans la chapelle axiale de l’église du couvent des Dominicains, réédifiée en 1527 par le maçon Michel Colin 3, les verrières d’autres chapelles, renouvelées à partir de 1512, sont de nos jours réduites à l’état de fragments épars (cf. p. 35-36) 4. La cathédrale Saint-Étienne, de même, possédait au XVIe siècle un programme de verrières à personnages, encore visibles sous la forme de débris dans la rose ouest, et de manière à peu près homogène dans la fenêtre axiale d’une des chapelles nord. S’y trouvent une Déposition de Croix et une Vierge de Pitié, accompagnées des saints Roch et Sébastien, sur deux registres séparés par un entablement à l’antique, flanqué de chapiteaux d’inspiration ionique et surmonté de putti, pots à feu et niche à coquille (fig. 1) 5. D’un dessin puissant et d’une facture délicate, ces œuvres (vers 1530) montrent des personnages expressifs aux silhouettes robustes, comme la Vierge douloureuse, bouche entrouverte, dont le visage est baigné de larmes. La typologie ornementale de ce vitrail, que l’on peut rapprocher des créations architecturales régionales des années 1530-1535 6, contraste fortement avec l’architecture hybride employée auparavant dans les verrières de la cathédrale d’Auch par Arnaut de Moles, qui travailla à Toulouse, et dans d’autres œuvres de la région datant du premier quart du XVIe siècle, dont les décors vitrés des églises de Gimont (v. 1520) et de Simorre (v. 1525) 7. Les sources confirment l’activité des peintres-verriers toulousains dans les territoires limitrophes : outre Guillaume Papillon, opérant sur plusieurs chantiers languedociens à la fin du XVe siècle 8, on peut citer le marché des vitraux du château épiscopal de Philippe de Lévis, évêque de Mirepoix, passé avant 1510 à un certain « maistre Olivier, le verrier de Tholose 9 », très certainement Georges Olivier, peintre-verrier originaire de Millau 10, auquel les frères mineurs de l’église conventuelle des Cordeliers de Toulouse s’étaient adressés en 1485 pour des vitraux d’un montant de 100 livres tournois 11. À l’occasion des nombreux réaménagements entrepris dans les édifices dont il avait la charge 12, Philippe de Lévis († 1537) fit appel aux artistes les plus talentueux, pour certains issus du milieu

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Fig. 1 - Descente de Croix, déploration sur le Christ mort, saint Roch, et saint Sébastien, baie 15 (v. 1530), cathédrale Saint-Étienne, Toulouse.

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L’objet livre dans les éditions toulousaines au XVIe siècle CLÉMENTINE SOUCHAUD

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e XVIe siècle à Toulouse voit la parution d’ouvrages de référence dans le contexte de la pensée nouvelle, riches en textes et en illustrations. Cette ville, où l’imprimerie apparaît dès 1476, est la troisième du royaume à disposer d’ateliers typographiques. En 1510, naît un Syndicat des libraires regroupant les libraires, imprimeurs, relieurs, enlumineurs et doreurs, tous métiers qui donnent naissance à ce nouvel objet d’expression et de diffusion des savoirs : le livre. Quelques-uns de ces ouvrages illustrent plusieurs des évolutions formelles de cet objet. Les livres, résultat d’une composition complexe, tant extérieure qu’intérieure, ont une structure relativement similaire et une enveloppe qui peut revêtir diverses apparences. Cette structure, qui s’était constituée dans le domaine des ouvrages manuscrits, se fixe partout au début du siècle avec l’abandon du bois pour les plats et une technique de maintien des cahiers cousus entre eux. L’ampleur de l’édition imprimée allant en s’intensifiant, on assiste à un phénomène de standardisation avec la quantité croissante des objets. La qualité des cuirs, leur éventuelle polychromie, le travail des dos avec ou sans nerfs, des plats repoussés à froid ou ornés de dorures, l’élégance des titres ou encore la somptuosité des blasons sont de multiples éléments qui viennent décorer l’épiderme des ouvrages pour enrichir leur aspect. Cette démarche d’embellissement, cependant, ne concerne pas que l’apparence de l’objet, elle concerne également son corps intérieur. Le texte, qui devient le principal support de la culture, se trouve lui aussi porté par des ambitions esthétiques. Si on ne conserve pas, pour Toulouse, de reliures de haute qualité comme pour Paris ou Lyon, bien des éditions firent l’objet d’un soin tout particulier dans leur composition. Alors que survivent encore des livres manuscrits de qualité, tel le De Recollectio privilegiorum (cat. p. 230), certaines de leurs caractéristiques sont reprises dans des ouvrages imprimés de prestige, tel l’Opus de tholosanorum gestis de Nicolas Bertrand, écrit à la gloire de Toulouse, de ses édiles et de son parlement. Publié en 1515 en latin, réédité en 1517 puis en 1555 en français, il se démarque par le soin de son langage et sa maîtrise typographique, avec d’élégantes mises en pages en diminution, de petites lettrines variées, richement ornées de motifs végétaux et de scènes historiées, et des vignettes dont l’une représente l’auteur lui-même, assis devant un lutrin pour consulter ses écrits. S’y trouvent également deux xylographies en pleine page. L’une, en page de titre, évoque la distinction de la ville qui abrite le « second » parlement de France, fondé en 1443 : elle représente une séance de la cour avec un lit de justice, en présence du roi. Raffinement supplémentaire, le texte se déploie au sein d’un encart dans une polychromie rouge et noire (fig. 1). L’autre, en fin de volume, représente la plus ancienne vue connue de la Civitas Tholosa, avec ses monuments principaux (pont de la Daurade, Jacobins, Saint-Sernin, etc.), un tailleur de pierre et un maçon qui édifient les murailles de brique de la cité en présence de son fondateur mythique, le roi Tholus : non seulement l’image illustre le lieu de la narration, Toulouse, mais elle propose aussi de visualiser un élément essentiel du récit historique (fig. 1, p. 82). L’ouvrage est composé d’une typographie gothique (traits raides, épais et brisés), qui disparaît peu à peu en France dans le courant des années 1530 pour laisser place à la romaine (traits

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TOULOUSE RENAISSANCE

Fig. 1 - Nicolas Bertrand, Séance solennelle au parlement, Opus de tholosanorum gestis (1515), bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, Toulouse.

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T R O U B L E S, EXUBÉRANCES ET CONCORDE

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TOULOUSE RENAISSANCE

Du prince de Navarre à Henri IV, portraits d’une ascension JULIETTE SOUPERBIE

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a relation qu’entretint Henri IV avec le midi de la France est à la fois singulière et multiple, avec des liens qui furent tant conflictuels que privilégiés. Outre de nombreuses sources textuelles, un grand nombre d’œuvres présentant ses traits en attestent, pour certaines conservées dans la région.

1. Babelon 1982. 2. De Waele 2006.

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« Il est l’homme du Sud-Ouest », a pu expliquer son biographe Jean-Pierre Babelon, le définissant comme ayant été « avant tout un prince pyrénéen 1 ». Il est en effet béarnais et le Musée national du château de Pau, où il vit le jour le 13 décembre 1553, est le lieu qui conserve à ce jour la plus grande collection de ses portraits. Ces œuvres, acquises au fil du temps, permettent de suivre son parcours. Ainsi, après avoir passé son enfance entre le pays d’Albret et la cour de France, a-t-il probablement vingt ans à peine lorsqu’il est peint avec beaucoup de simplicité en tout jeune Henri roy de Navarre (fig. 1). Pas un élément symbolique n’est représenté, aucune mise en scène n’est déployée. Ce jeune homme à la peau pâle et aux joues rougissantes, apprêté avec une certaine préciosité, vient de rallier le catholicisme et fait alors partie du cercle des proches du duc d’Alençon, futur Henri III, avec lequel il fait même le siège de La Rochelle, en 1573. Souverain d’un royaume réduit, ce jeune prince montre un visage gracile qui n’augure guère d’une grande détermination. Pourtant celle-ci croît avec les épreuves et d’autres tableaux illustrent les enjeux et les effets de son parcours. La toile de Jacob Bunel Henri IV en Mars en est une preuve éloquente, elle qui offre le portrait le plus magistral que l’on ait gardé de ce prince de Béarn, honni et pourchassé, et pourtant devenu roi de France en triomphant de tous (cat. p. 296). Empereur trônant, il assied désormais son pouvoir sur les armes de ses ennemis, à la manière d’un Auguste foulant des trophées. Il est là dans le triomphe comme dans la revanche : il piétine les armes des ligueurs vaincus comme Charles IX s’était fait représenter, écrasant les corps mutilés des huguenots assassinés lors de la Saint-Barthélemy. La création de cette image et la gestuelle qui lui fut prêtée sont en effet à mettre en lien avec le combat qu’il dut mener avec détermination pour faire reconnaître ses droits et son autorité. Cette lutte fut particulièrement âpre à Toulouse, car si les villes catholiques eurent du mal à lui faire allégeance, celle-là fut la plus obstinée de toutes. La cité constituait en effet l’un des points d’appui essentiels de la Ligue, soutenue par le roi d’Espagne Philippe V. Lorsque Henri III de Navarre devint roi de France, les Joyeuse – chefs de la Ligue languedocienne – s’opposèrent à lui, retranchés dans la région et plus particulièrement dans sa capitale. Ils rejetaient le pouvoir de ce roi qui restait à leurs yeux un huguenot, malgré sa conversion au catholicisme en 1594. Ils mirent deux ans à le reconnaître officiellement comme souverain mais encore des années plus tard, la cité « fixait l’attention de tous 2 ». Les habitants de ce bastion du militantisme catholique n’avaient pas hésité à mettre en scène leur opposition : le parlement, en effet, avait condamné Henri de Navarre à mort par contumace et fait réaliser une effigie pour simuler son exécution en place publique, où celle-ci

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Fig. 1 - Portrait de Henri III de Navarre (v. 1575), Musée national du château de Pau, Pau.

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Catholiques et huguenots à Toulouse au XVIe siècle PIERRE-JEAN SOURIAC

À

la fin de l’année 1571, le greffier du parlement de Toulouse, Jean Burnet, ouvrait un nouveau registre des arrêts civils de la cour par une initiale historiée qui résume la situation dramatique qu’il vivait à cette date (fig. 1) 1. La guerre d’abord est figurée par deux soldats se faisant face l’épée à la main, un cavalier armé à la légère tel un reître jouant de la trompette pour sonner une charge, des chevaliers lourdement équipés tels des hommes d’armes de compagnies d’ordonnance prêts à engager le combat. Les guerres de Religion, commencées en 1562, avaient déjà à trois reprises ravagé les provinces du royaume jusqu’en 1570. Pour le greffier toulousain, la situation de paix dans laquelle il se trouvait semblait bien précaire. Mais son dessin dépasse le simple constat du conflit et propose une analyse de la situation. Au pied de l’initiale, un homme est en train de se faire poignarder alors que derrière lui un autre le met en joue. Brigandage, agression, l’allusion à la guerre civile est flagrante par l’insécurité dans laquelle la ville et sa province étaient plongées. L’analyse ne s’arrête pas là : elle se dote d’une épaisseur historique par les symboles qui chargent ce faisceau de feuilles d’acanthe. Au sommet, les armes de France soutenues par deux angelots sont frappées du croissant de lune d’Henri II, blason et croissant auxquels font écho les cordelières de veuve et les couronnes mortuaires qui ornent la lettre dans sa partie centrale. Les deux chevaliers rappellent alors le tournoi funeste du 30 juin 1559, qui entraîna la mort d’Henri II et l’arrivée sur le trône de rois jeunes et inexpérimentés. Cette initiale historiée, à la fois naïve et précise, lourde et encombrée, est le constat désabusé d’un homme de plume qui fait remonter les malheurs de son temps à la mort tragique d’un souverain, dix ans en arrière. La dimension religieuse naît de la citation du psaume 57, en bas de la page : « Le juste se réjouira en voyant la vengeance que Dieu prendra des impies, et il lavera ses mains dans le sang du pécheur. » Pour un Toulousain de 1571, l’impie, c’est le protestant, le calviniste hérétique dont la ville tente de se purger depuis dix ans. Si la guerre est une affaire d’hommes et d’armes, son explication se trouve dans un affrontement religieux qui voit s’opposer la vérité contre le blasphème, le catholique contre le protestant, le fidèle serviteur du roi très chrétien contre le séditieux hérétique. Protestants et catholiques toulousains vécurent ainsi dans un rapport passionnel et sanglant ces temps troublés du XVIe siècle. La capitale languedocienne joua un rôle central dans la diffusion de la Réforme dès la première moitié du siècle. Elle joua aussi un rôle déterminant dans la répression du calvinisme et l’affirmation de la réformation catholique qui advint en ses murs dans les dernières décennies du siècle.

À l’aube du XVIe siècle, Toulouse vivait à l’heure d’un catholicisme angoissé, où les interrogations sur le salut voisinaient les critiques d’un clergé pas toujours à la hauteur des attentes des fidèles. Cette fièvre religieuse se lit dans les foules qui suivirent le franciscain Thomas Illyricus lors de son passage dans la ville de décembre 1518 à mai 1519 (fig. 2) 2. Ce prédicateur aurait alors harangué plusieurs milliers de Toulousains place Saint-Georges. Le discours était simple : il appelait à la repentance en prévision du retour imminent du Christ sur Terre.

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1. Roschach 1904, p. 411 ; Souriac 2008. 2. Péligry 2014, p. 4-17.

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Fig. 1 - Registre d’arrêts du parlement de Toulouse. Violences des guerres de Religion (1572), archives départementales de la Haute-Garonne, Toulouse.

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Fondeurs, sculpteurs et menuisiers : des ateliers florissants, 1550-1620 PASCAL JULIEN

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omme partout dans le royaume, alors que les métiers demeuraient fortement structurés et encadrés, à Toulouse les sculpteurs ne firent plus partie d’une profession réglée passé le premier tiers du siècle. Ils continuèrent librement à s’impliquer dans divers ateliers et chantiers où ils se spécialisaient dans la pierre, le bois ou le métal, certains faisant même preuve de talents multiples en la matière. Le rayonnement du foyer artistique de la ville, qui s’amplifia au cours du XVIe siècle, persista, outre l’architecture, dans d’autres métiers avec lesquels ils collaboraient, comme ceux de la fonte, ou avec lesquels ils étaient apparentés, telle la menuiserie, des domaines qui connurent un succès croissant jusqu’à l’aube du XVIIe siècle et qui demeurent pourtant peu étudiés alors qu’ils donnèrent lieu, bien souvent, à la réalisation d’œuvres majeures. DE DAME THOLOSE AU MERCURE VOLANT : UNE EXCEPTIONNELLE MAÎTRISE DE LA FONTE

De récentes recherches ont mis au jour l’importance d’une activité méconnue à Toulouse, celle des arts de la fonte, qui toucha divers métiers et atteignit une très haute technicité, au point d’oser se mesurer avec la statuaire de grand format 1. Sculpteurs et orfèvres furent toujours étroitement liés, que ce soit pour fournir des modèles de fonte ou d’estampage ou bien pour partager des compétences techniques, jusqu’entre les plus grands maîtres : lorsque Jean Rancy modela les figures et reliefs de la châsse de saint Georges, pour Jacques Rogles et Jean Diversoire, ces artisans toulousains travaillaient alors pour le roi et la reine de Navarre. De tels liens issus de la taille ou du modelage, comme le montre le buste de saint Lizier (fig. 4, p. 199), contribuèrent certainement au succès durable de l’orfèvrerie toulousaine au-delà du Languedoc. Toutefois, l’art de la fonte ne se limita pas à ce seul métier, et ce pour plusieurs raisons. Comme en d’autres villes de France, on battait monnaie dans la capitale du Languedoc (fig. 1), et ces frappes étaient dirigées par des orfèvres, spécifiquement recrutés à cet effet. Ils eurent également, au cours du XVIe siècle et par la suite, à fabriquer des médailles, à l’effigie des souverains notamment. Si cette production demeure méconnue, elle rend compte d’une grande expertise dans la fonte à la cire et au sable et de collaborations avec des sculpteurs qui varièrent selon l’étendue des compétences de chacun mais que l’on retrouve avec les fondeurs de grande et petite fonte. Ces liens-là se développèrent de manière inédite et spectaculaire en fonction d’une autre particularité toulousaine, moins partagée que son hôtel des Monnaies : son arsenal. Lorsque Claude Pelhot fondit la Dame Tholose de Rancy, « la estatue de fonte en forme de femme pour faire girouette à la tour des archives », en 1550 (cat. p. 218), il procéda à sa coulée dans les forges de la ville, situées alors dans l’enclos du couvent des Cordeliers 2. Toulouse en effet, « potens armis et milite praestens » comme l’écrivit Augier Ferrier, avait le privilège de gérer un imposant arsenal pour lequel elle faisait réaliser des armes et canons de tous calibres par des artilleurs attitrés, qui œuvraient aussi pour des villes et villages alentour, comme ce fut le cas pour le fauconneau de Saint-Lys, en 1589 (cat. p. 300). Le passage à la fonte de statues s’inscrivit dans

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1. Références détaillées de cette partie dans Beauregard et Julien 2014, p. 39-55. 2. Tollon 1999 ; Peyrusse et Tollon 2005 ; Bresc-Bautier 2008 ; Julien 2009b.

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Fig. 5 - Bernard Py (fondeur), Mercure volant (1623), musĂŠe des Augustins, Toulouse.

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La salle des Illustres et la stature de Palladia Tolosa au XVIIe siècle FABIENNE SARTRE

« Toulouse est une de ces villes privilégiées et choisies du ciel : elle produira toujours des lumières à la France, des Catons, des Sulpices et des Cicérons François : Elle sera juste et catholique, sçavante et palladienne jusques à la fin du monde 1. »

D

ans les années 1670 Toulouse fut animée par une remarquable campagne d’aménagements publics. Remarquable par son ampleur et ses visées, ce programme devait consacrer la grandeur de la cité ancienne et moderne, à travers des valeurs intrinsèques et immuables dont le pouvoir édilitaire était le garant. Au cœur de ce projet de rénovation, le décor de la salle des Illustres occupa une place tout à fait centrale : premier acte d’un vaste dessein, il est aussi exceptionnel par son sens, la diligence avec laquelle il fut mené et sa pérennité – en dépit de sa transformation radicale. Le décor de la galerie ressortait d’un projet singulièrement ambitieux et déterminé, qui fut élaboré sur des décennies et plus particulièrement porté par des figures telles que Germain Lafaille (1616-1711), syndic de la ville et capitoul, le premier président au parlement Gaspard de Fieubet (1622-1686) ainsi que Jean-Pierre Rivalz (1625-1706), peintre et architecte officiel de la ville. Au premier étage de la maison commune furent établis de nouveaux aménagements destinés à glorifier par les arts l’ancestrale valeur de la cité : le décor de la salle des Hommes Illustres témoignait du rayonnement des vertus individuelles modelées en terre palladienne, tandis que la transformation de la Galerie Septentrionale renforçait l’hommage peint et sculpté rendu aux figures historiques et allégoriques associées à la ville. À partir de 1684, le programme fut complété par le salon des jeux Floraux, consacré aux lettres, et la Galerie Méridionale dont le cycle de peintures racontait les actions fondatrices autant que collectives de la cité. À ces remaniements intérieurs furent associées des démarches longues et complexes afin de réorganiser et rénover l’espace urbain dans lequel les pouvoirs édilitaire et monarchique devaient s’imposer. Une place royale fut programmée devant l’hôtel de ville, entraînant du même coup, dès 1676, le projet de rénovation de la façade, repris en 1739 2. À compter de 1674, les bustes de trente figures illustres empruntées à l’histoire de la cité depuis l’Antiquité furent disposés dans la galerie occidentale de l’édifice communal. Les effigies en terre cuite peinte à l’imitation du marbre blanc, furent disposées en hauteur sur trois parois de la salle, dans des niches enrichies d’ornements sculptés et peints. L’allégeance de la cité à l’autorité royale, autant que la légitimité du pouvoir exécutif de Toulouse, s’exprimait par la présence d’un buste en terre cuite de Louis XIV (musée des Augustins) au-dessus duquel furent disposés les portraits des rois Théodoricus I et II, ainsi que ceux de deux comtes de Toulouse, Bertrand et Raymond de Saint-Gilles. Enduit d’une couleur de bronze, le buste du monarque était inséré dans une niche supportée par une console à l’effigie d’Hercule et encadrée d’embellissements en stuc, parmi lesquels des trophées militaires et des heaumes en relief exaltaient la renommée du roi guerrier 3. Le mur opposé était réservé aux quatre figures antiques de rhéteurs et sénateur, tandis que, face

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1. J.-L. Guez de Balzac, Œuvres diverses, 1664, Amsterdam, D. Elzevier, p. 389, cité dans la préface de Lafaille 1687-1701, t. I, 1687. 2. Prin et Tollon 1997. 3. La peinture qui recouvrait les bustes a trompé J.-A. Piganiol de La Force (et d’autres après lui) qui évoque « les bustes en marbre de trente hommes des plus illustres dans les armes, ou dans les lettres » (1753, t. II, p. 30). Le décor originel de la galerie fut détruit à partir de 1882 : les bustes ont été dispersés entre la salle Henri-Martin, la salle des délibérations du conseil municipal et la nouvelle galerie des Hommes Illustres, des copies sont installées sur le palier du premier étage, d’autres enfin sont conservés au musée des Augustins. Le décor de la salle est visible sur une photographie ancienne (musée du Vieux-Toulouse) ainsi qu’une lithographie de Soulié (musée PaulDupuy). Éclache, Péligry et Penent 1990, p. 186-187.

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Fig. 2 - Marc Arcis, Marcus Antonius Primus (entre 1674 et 1677), musée des Augustins, Toulouse.

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Polychromies d’œuvres du XVIe siècle, musée des Augustins, Toulouse VÉRONIQUE PICUR

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’exposition « Toulouse Renaissance » du musée des Augustins a initié l’étude et la restauration d’un certain nombre d’œuvres exposées ou conservées en réserve. Le croisement des sources bibliographiques avec l’examen technique et des analyses effectuées par le laboratoire CIRAM livre des informations complémentaires sur un patrimoine toulousain inégalement étudié. Trois œuvres, dont deux ensembles de fragments, sont abordées : des fragments de deux retables attribués à Nicolas Bachelier et un buste d’empereur à l’antique. Les retables de Nicolas Bachelier ont fait l’objet de nombreuses publications depuis le XVIIe siècle. Cet article propose un certain nombre de remarques qui pourront à l’avenir être approfondies par des analyses complémentaires. RETABLE DE LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE

1. 2. 3. 4. 5. 6.

Julien 2011c. Ibid. Loirette 1926. Lucas 1805. Loirette 1926. Conservé au musée du Vieux-Toulouse, inv. 86.3.1. 7. Loirette 1926.

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Nicolas Bachelier signe en janvier 1532 un marché pour l’édification d’un retable destiné à orner la chapelle paroissiale de la cathédrale Saint-Étienne. Deux peintres toulousains, Jean Delpech et Pierre Girard, sont présents, le peintre Antoine Ferret valide ultérieurement le projet 1. Le retable conçu sur deux portiques était dédié à la Vierge, le premier niveau mettait en scène une Dormition, le second, une Assomption2. L’ensemble mesurait 9 mètres de hauteur. Un troisième niveau est mis en place au XVIIe siècle. Le retable est détruit en mars 1794 : « les statues furent brisées et les morceaux dispersés 3. » Le musée des Augustins possède plusieurs têtes masculines, la plupart cassées au niveau du cou, traditionnellement attribuées à la Dormition. Deux d’entre elles figurent dans le catalogue de Jean-Paul Lucas de 1805 4. L’ensemble de ces pièces a été rattaché au retable par comparaison stylistique avec une description de Bernard Dupuy du Grez publiée en 1699 5 et un lavis daté de 1791 de l’architecte Bénazet, représentant une vue de l’intérieur de la cathédrale 6. L’étude qui suit a été menée sur cinq de ces œuvres qui sont des fragments d’apôtres : les têtes d’hommes barbus RA 847 BIS A, C et D, l’apôtre tenant un livre RA 848, et la tête imberbe adossée à un fût de colonne cannelée RA 849 (fig. 1, 2, 3, 4 et 5). Un état de conservation a été transmis par Gabriel Loirette 7 qui écrit à propos de l’apôtre tenant un livre : « Il y a un peu partout, mais surtout sur la figure, des traces de couleur assez épaisses » ; ces restes colorés sont constatés sur toutes les autres têtes : « les restes de peinture […] indiquent des couleurs d’une tonalité plutôt effacée […] Les visages étaient brunis et l’ensemble n’avait rien de criard, ni de fade. » Depuis, les conditions de conservation et les interventions de restauration ont modifié l’état de préservation. La tête imberbe a séjourné dans le cloître, sa surface est altérée, l’épiderme transformé et dissimulé par des dépôts sombres, type « croûtes noires », caractéristiques des pollutions urbaines dues aux transformations industrielles, progressivement apparues à partir du XIXe siècle. La pierre des autres têtes est bien conservée, en revanche il reste très peu de polychromie, le visage de l’apôtre tenant un livre est devenu blanc, les restes constatés au début du XXe siècle ont disparu. La salissure de la pierre des autres fragments était superficielle, les

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R E STA U R E R L A R E N A I S S A N C E

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Fig. 1 - Nicolas Bachelier, Tête d’homme barbu (1532), musée des Augustins, Toulouse, RA 847 BIS C.

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