Cet ouvrage a été réalisé à l’occasion de l’exposition « Xavier Josso. Un artiste combattant dans la Grande Guerre », présentée au musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, du 25 mai au 29 septembre 2013.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, 2013 © Xavier Josso, 2013, pour ses œuvres
Crédit photographique, pour toutes les photographies reproduites dans le catalogue : Famille Josso et musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination éditoriale Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique Stéphane Cohen Contribution éditoriale Anne-Marie Valet Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
ISBN 978-2-7572-0670-6 Dépôt légal : avril 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)
Xavier Josso Un artiste combattant dans la Grande Guerre
Remerciements
Pour le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux
Nos remerciements les plus chaleureux s’adressent à la famille de Xavier Josso, sans qui ce catalogue et cette exposition n’auraient pu voir le jour : Bernard Herman et Anne Herman-Josso Yves Josso et Claire Josso-Collignon
Direction Michel Rouger Aurélie Perreten
Auteurs du catalogue Nicolas Beaupré Université Blaise-Pascal, Centre d’histoire « Espaces et Cultures » (Clermont-Ferrand). Membre de l’Institut universitaire de France et du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre
Johanne Berlemont Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux
Service de la Conservation Johanne Berlemont Avec la collaboration de Stéphanie Derynck, Yannick Marques, Anaïs Raynaud, Katerina Tzima Service des Publics Florence Caillet Avec la collaboration de Natacha Balançon, Nathalie David, Ingrid Gardelle, Jean-Christophe Graebling, Lyse Hautecœur, Sylvie Isidore, Stéphane Jonard, Pierre Lejeune, Marie Leterme, Mélanie Messant, Marina Sauco, Anne von Tschirschky, Émilie Zanovello
Bernard Herman Anne Herman-Josso Yves Josso
Service Technique et Sécurité Sébastien Saura Avec la collaboration de David Brechemier, Didier Coste, Laurence Deschatre, Giliane Grignon, Philippe Herpsont, Eddy Kramer, Philippe Ravin, Kévin Souverain
Philippe Vatin Docteur en histoire de l’art
Jean-Pierre Verney
Coordination et suivi éditorial pour le musée de la Grande Guerre Johanne Berlemont Rédaction des notices d’œuvres Yannick Marques, Anaïs Raynaud Restauration des œuvres Annaë Annenkoff Numérisation des œuvres Stéphanie Derynck
Service administratif Alexandre Dherbilly, Claudine Schuck
Le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux : un musée d’histoire et de société Le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux propose une nouvelle approche du premier conflit mondial (1914-1918), pour découvrir ses causes, son déroulement et son héritage sur notre monde contemporain, grâce à une collection unique en Europe et une muséographie innovante. Érigé sur le territoire historique de la première bataille de la Marne, le musée s’appuie sur cet épisode comme point d’entrée pour appréhender la Grande Guerre dans son ensemble. S’il est commun de dire que le XXe siècle commence avec la Première Guerre mondiale, le parcours de visite du musée traduit pour la première fois cette idée sur le plan muséographique. Cette approche novatrice fait du musée de la Grande Guerre avant tout un musée d’histoire et de société, témoin des bouleversements sociaux, techniques, militaires, géopolitiques du monde durant cette période décisive dans la compréhension de notre histoire contemporaine.
De nombreuses thématiques sont par ailleurs abordées : le rôle des femmes dans la Grande Guerre, les progrès nécessaires de la médecine, la présence des États-Unis… Une muséographie attractive a ainsi été mise en place grâce à la reconstitution d’un champ de bataille, à la présentation d’avions et de véhicules (char, taxi, camion pigeonnier…), en passant par les projections d’images, les bornes audiovisuelles et interactives. Le musée propose une visite adaptée à tous les publics qui utilise les nouvelles technologies et joue avec les sens du visiteur. Un parcours montrant les animaux dans la Grande Guerre est proposé au sein de l’exposition permanente pour les enfants à partir de huit ans. Le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux, une expérience à vivre, pour comprendre et se souvenir.
Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux rue Lazare-Ponticelli – 77100 Meaux – 01 60 32 14 18 www.museedelagrandeguerre.eu Et retrouvez toute l’actualité du musée sur sa page Facebook, sur Twitter et Pinterest.
Le Président de la communauté d’agglomération du Pays de Meaux
De la mémoire personnelle à la mémoire universelle…
Quand j’ai décidé, avec l’ensemble des élus du Pays de Meaux, le projet du musée de la Grande Guerre, c’est parce qu’à la fois nous détenions une collection unique en Europe permettant d’apporter un nouvel éclairage sur 14-18 et parce que nous nous devions, sur le territoire même de la bataille de la Marne, de participer à ce devoir de mémoire universelle, fondement des valeurs de notre République. Avec Monique Lambinet, Vice-Présidente de la communauté d’agglomération du Pays de Meaux en charge de la culture, il nous tenait à cœur de faire vivre ce musée à travers une programmation culturelle riche et intense, accessible au plus grand nombre. C’est le cas notamment par la politique d’expositions temporaires menée au musée qui consiste à élargir l’approche et la découverte du premier conflit mondial, en complément des trois mille mètres carrés de présentation des collections permanentes. Depuis son ouverture le 11 novembre 2011, ce nouveau musée d’histoire et de société ne cesse donc de s’ouvrir à toutes les générations et de nombreux visiteurs y trouvent une résonance avec leur propre histoire familiale. À l’instar de la famille Josso, dont le père, Xavier Josso, a connu durant la Première Guerre mondiale un parcours étonnant et singulier d’artiste combattant. Cet homme, qui a traversé près de cinq années de conflits, a saisi à travers son art du dessin des instants présents d’une force inouïe. Cet héritage, s’il n’est pas sans conséquence sur l’histoire personnelle de la famille, offre pour autant aux générations futures un témoignage extraordinaire de cette douloureuse page de l’Histoire mondiale. Je tiens donc ici à remercier pleinement la famille Josso pour sa démarche ; en faisant don au musée de l’ensemble de l’œuvre de Xavier Josso, ses enfants ont choisi de partager une intimité et de participer à leur niveau au devoir de mémoire qui nous anime tous. Et c’est à travers des expositions comme celle consacrée à Xavier Josso que le musée joue alors pleinement son rôle de lieu d’histoire et de transmission pour tous. Quel lieu en effet plus adapté et pertinent que le musée de la Grande Guerre pour mettre aujourd’hui en lumière l’ensemble des œuvres inédites de cet artiste unique – œuvre désormais à jamais inscrite dans le patrimoine français et qui, grâce au langage universel du dessin, parle à tout un chacun.
Xavier Josso en uniforme du 161e RI (détail) Photographie, 8,4 × 5,6 cm
Michel Rouger Directeur du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux
De la maison familiale aux murs du musée
Quelques mois avant l’ouverture du musée de la Grande Guerre, Anne et Yves, les enfants de Xavier Josso, accompagnés de leurs conjoints ont rencontré l’équipe du musée. Ce quatuor enthousiaste est venu avec l’œuvre dite « de guerre » de l’artiste, environ quatre cents dessins, ébauches, esquisses et croquis. Ils pensaient, à juste titre, qu’un musée sur la Première Guerre mondiale pouvait être l’endroit idéal pour faire découvrir ce travail au grand public. L’intérêt était là et le contact a été repris quelque temps après le 11 novembre 2011, afin de définir un projet de valorisation de cet ensemble. La démarche de protéger un patrimoine familial en le confiant à une institution est bien souvent une manière d’honorer la mémoire d’un aïeul, dans le cas présent d’un père, tout en faisant un acte de sauvegarde patrimonial. À ce titre, tous les dons ne sont pas complémentaires d’une collection existante, ni pertinents historiquement ou scientifiquement. C’est le caractère exceptionnel du don de la famille Josso qui a permis le présent ouvrage et l’exposition qui l’accompagne. C’est la rencontre entre cette famille et le musée de la Grande Guerre qui rend possible la découverte par le plus grand nombre de ce corpus cohérent d’œuvres qui aurait perdu toute sa force à être dispersé. Par ailleurs, le travail documentaire et historique réalisé par la famille sur cet ensemble offrait une véritable matière à raconter l’histoire de Xavier Josso, un artiste combattant au cœur de la Grande Guerre. Ses dessins à hauteur d’homme, camarades ou scènes de la vie quotidienne, avec son sens du détail qui fait mouche, font écho, de manière sensible, aux collections du musée et à son discours qui aborde le conflit à travers le vécu du soldat, quel qu’il soit. Autant de facteurs qui créent du sens pour que les œuvres de l’artiste quittent la maison familiale pour rejoindre les murs du musée. Afin de rendre possible ce voyage, l’équipe, en lien étroit avec la famille, a mené un inventaire détaillé du corpus, a restauré, numérisé et documenté chaque œuvre, puis a défini leurs conditions de conservation. Il n’est pas simple de laisser son patrimoine chargé de souvenirs aux mains d’autres personnes. Il faut accepter qu’il commence une nouvelle vie et qu’il soit révélé aux yeux de tous. Que soient ici remerciés Anne, Yves, Claire et Bernard pour la confiance accordée à l’équipe du musée dans sa capacité à comprendre, à gérer et à valoriser l’œuvre de Xavier Josso. Car au-delà de cette première exposition, le musée de la Grande Guerre a pour mission de faire connaître le travail de l’artiste par le prêt d’œuvres à d’autres musées, par la déclinaison de produits pour la boutique, voire par la création d’une exposition itinérante ou virtuelle. Xavier Josso est un témoin de la Grande Guerre, mais aussi un acteur de sa mémoire à travers son engagement d’après-guerre auprès des amicales d’anciens combattants. Aujourd’hui, la démarche de sa famille auprès du musée tend à rendre universelle son œuvre, car chacun des visiteurs pourra se l’approprier au regard de sa propre histoire familiale, faisant de Xavier Josso un passeur de mémoire.
Tireur Chauchat et guetteur dans la tranchée (détail) Sans date. Mine graphite et fusain, 62,8 × 47 cm
Sommaire
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Xavier Josso et la Grande Guerre Jean-Pierre Verney
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Xavier Josso Anne Herman-Josso, Yves Josso, Bernard Herman
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Mon père Yves Josso
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L’exemplarité de Xavier Josso Philippe Vatin
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La vie du poilu dessinée par Xavier Josso Johanne Berlemont
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L’occupation est une fête. Xavier Josso en Allemagne en 1919 Nicolas Beaupré
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Annexes Repères biographiques Bibliographie sélective
Entre Kölkheim et Wiesbaden (détail) 1919. Mine graphite et crayons de couleur, 21,5 × 13,5 cm
Dans le train en route pour Montbéliard (détail) 18 février 1918. Crayons de couleur, 10 × 17 cm
Jean-Pierre Verney
Xavier Josso et la Grande Guerre
Il va avoir vingt ans en 1914, il est talentueux et comme beaucoup il n’imagine aucunement la venue de la grande catastrophe qui va brutaliser l’aurore de ce XXe siècle. Il vient de suivre de brillantes études aux Arts-Déco, et devenir illustrateur lui semble la voie la plus pertinente pour exprimer ce qu’il ressent et ainsi pouvoir vivre de son art. Mais le destin va en décider autrement. De jeunes Serbes qui revolvérisent un archiduc à Sarajevo, un Empire austro-hongrois assuré du soutien de Guillaume II et qui rêve de donner une leçon à la petite Serbie, une Russie qui anticipe la crise, une France qui se doit d’être solidaire de ses alliés et une Angleterre qui garde le silence : ainsi, le 3 août, la grande parade peut commencer. Il en sera. Pour la famille Josso, la tragédie est presque immédiate. Joffre a lancé ses armées sur les frontières et de la Belgique à la Lorraine, et malgré les certitudes, cela tourne rapidement au désastre. Le bilan est effarant. Les pertes françaises sont de presque 25 000 morts par jour les 22, 23, 24 et 25 août 1914. C’est à ce moment, dans les Ardennes belges, à proximité du petit village de Rossignol, que le 22 août disparaît le frère aîné, Jean, un jeune officier saint-cyrien de vingt-six ans. La nouvelle n’est pas encore parvenue à la famille que, le 1er septembre, Xavier doit à son tour rejoindre la grande horde des hommes mobilisés. Rapidement instruit aux usages et aux contraintes de la condition militaire du fantassin, il arrive sur le front d’Argonne à la veille de Noël et découvre la première ligne dans un endroit particulièrement hostile, le bois de la Gruerie. Les journées sont courtes, harassantes, mortelles, mais pour l’artiste, simple soldat, la forêt hivernale est si belle qu’il ne peut s’empêcher de dessiner.
Guetteur de nuit (détail) Sans date. Aquarelle, crayon noir et encre violette, 13 × 10,5 cm
Et les sujets ne manquent pas. Il y a ceux qui le brutalisent, comme la découverte d’un village détruit, d’autres qui participent d’un quotidien tellement éloigné de celui du temps d’avant cette guerre, puis les camarades, ceux de son escouade. Sans oublier cette nature, cette belle nature qui résiste aux obus et qui ne veut pas s’effacer devant la folie des hommes. Car l’obscur bois de la Gruerie est un des sales endroits du front en ce début de l’année 1915. D’ailleurs, les dessins de cette époque que nous connaissons de Josso sont lugubres et sombres, comme l’étaient les ramures de cette forêt violemment outragée. Sa sensibilité artistique devait terriblement souffrir devant tant de violences faites aux hommes, aux bêtes et à la nature, mais le devoir est là, c’est un vaillant. Ainsi, le 1er mai, il est cité à l’ordre du régiment et est décoré de la croix de guerre, cette toute nouvelle distinction de bronze destinée aux braves. Mais il garde toujours dans sa poche un crayon et un petit carnet et, dès que la situation le permet, il croque, crayonne, ébauche, caricature des instant volés, sortes d’instantanés privilégiés par lui et escamotés à la grande histoire. À l’époque, cela pouvait ne paraître qu’un rien mais aujourd’hui cela devient une source de renseignements particulièrement utiles pour améliorer nos connaissances, nous aider à nous rapprocher un peu, un tout petit peu, des affres, des joies, des souffrances, des espoirs et du rude quotidien vécu tout au long de cette Grande Guerre par les combattants. Josso ne cherche pas à faire œuvre. Plus proche d’un photographe, il se plaît à saisir des visages, des gestes, des postures, des formes, des corps, mais aussi des objets guerriers, car la guerre continue. Devenu sous-officier, il se retrouve
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XAVIER JOSSO ET LA GRANDE GUERRE
Paysage enneigé près de Franchard 29 décembre 1917. Aquarelle, mine graphite et gouache blanche, 16 × 24 cm
Ruines à Vaux-lès-Palameix 5 juin 1918. Aquarelle, 16 × 24 cm
en Champagne et le 25 septembre 1915, avec l’espoir de réussir, il s’élance avec ses camarades à l’assaut des tranchées ennemies distantes de plusieurs centaines de mètres. Grièvement blessé, il écrira plus tard qu’il ne pouvait se résoudre à devenir un cadavre pourrissant entre les lignes. Sauvé par un camarade, il n’oubliera jamais cette fraternité née des tranchées, cette mâle camaraderie d’hommes partageant les mêmes tourments et les mêmes espérances. Mais la convalescence est longue, il ne retrouve le front, dans un nouveau régiment, qu’à la fin du mois de juillet 1916. À ce moment, Joffre, qui est encore le généralissime, vient de commencer sa puis-
sante offensive franco-britannique, celle qu’il croit décisive, et Josso se retrouve dans un secteur particulièrement défendu par les Allemands. De septembre à début décembre il combat, enlisé dans une éprouvante et bourbeuse bataille qui use et démoralise les hommes. Il va pleuvoir pendant quarante-cinq jours. Ensuite, sorte de sordide chemin de croix qui n’en finit pas, ce sera un autre lieu de misère, son régiment part pour le Chemin des Dames. La sinistre bataille commence le 16 avril et, après six longues et meurtrières semaines, son unité est enfin relevée. Mais les hommes sont épuisés, minés moralement par les bombardements et meurtris
XAVIER JOSSO ET LA GRANDE GUERRE
Maison en ruine à Ranzières 1918. Aquarelle et mine graphite, 16 × 24 cm Même si le sujet est dur, la palette de Josso se fait ici très vive, diminuant le tragique de cette architecture en ruine.
Vue de La Tête-des-Faux 14 juillet 1917. Aquarelle et mine graphite, 15,5 x 21 cm Cette vue d’un soldat guettant à La Tête-des-Faux, lieu-dit près du Bonhomme, reflète le calme relatif que Josso a ressenti lors de son séjour dans les Vosges et le plaisir qu’il a pris à y peindre des paysages de montagne bien différents des plaines du Nord.
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XAVIER JOSSO ET LA GRANDE GUERRE
Soldat guettant à La Tête-des-Faux 21 juillet 1917. Aquarelle, 16 × 13 cm Cette aquarelle illustre parfaitement la précision de Josso qui brosse non seulement une ambiance – celle d’un poste de guet en plein été – mais traduit avec beaucoup de minutie les nuances de la tranchée ou les détails de l’armement.
par les pertes. Ils se sont pourtant vaillamment conduits mais, comme tant d’autres, les compagnies sont affectées moralement. C’est à cette période que les refus d’obéissance et les mouvements de contestation se multiplient dans les armées françaises. Josso est même désigné pour commander un peloton d’exécution. Il saura s’opposer à l’ordre, mais il n’oubliera jamais cette période. Alors qu’il continue à dessiner, ses pratiques évoluent : la couleur est plus présente. Une boîte d’aquarelles est maintenant précieusement rangée dans ses affaires. Le bleu, le vert, le rouge chatoient. Les illustrations sont en couleurs, la corvée de soupe pétille, le petit poste en avant de la première ligne est presque printanier, les
hommes accoudés dans la tranchée prennent vie. Ici encore, nous avons plaisir à relever un détail, une posture, un objet, un décor. Mais nous ne sommes qu’au milieu de cette lourde année 1917, celle du doute et où beaucoup s’interrogent sur l’intérêt de poursuivre ce grand massacre. Josso s’interroge-t-il ? Ses correspondances ne le dévoilent pas et comme son régiment est déplacé dans un secteur des Vosges maintenant particulièrement calme, chacun va pouvoir, comme une sorte de convalescence, se ressourcer. Ici encore, la riche nature vosgienne va inspirer Josso et raviver son admiration pour les paysages et les scènes de la vie populaire. L’hiver est rude, le commandement, en prévision
XAVIER JOSSO ET LA GRANDE GUERRE
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Page du livre La Passagère avec croquis d’un couple sous la pluie Sans date. Imprimé et crayons de couleur, 11,5 × 11 cm La récupération de matériaux se fait sentir avec cette page de La Passagère où Josso recouvre le texte imprimé par son dessin, utilisant toute la surface de la feuille arrachée pour y développer son croquis.
des opérations à venir, oblige les hommes à de grandes et souvent lassantes périodes d’instruction, et, au printemps, c’est de nouveau la Somme. Les Allemands viennent de crever brutalement le front britannique et créer une profonde et dangereuse poche en direction de Paris. Cette offensive fulgurante oblige les Alliés à se donner enfin un commandement unique en la personne du général Foch. Ces périodes où les combats occupent entièrement les soldats sont peu propices pour l’artiste Josso et semblent ne pas l’inspirer, il n’y a pas dans son œuvre de dessins d’attaques et de faits d’armes. De même, son talent ne lui sert pas à dénoncer la guerre. Avec sobriété et réalisme, il campe ses compagnons d’infortune, il s’attendrit sur un visage, un paysage. En revanche, c’est avec beaucoup d’émotion que l’on découvre que, faute de papier, c’est une simple page arrachée dans un livre ou un feuillet ramassé dans la tourmente qui permet encore à l’artiste de témoigner d’instants rares et certainement importants pour lui. Et la guerre se poursuit. Les Allemands jettent leurs dernières forces dans les offensives de l’été 1918. Une deuxième bataille de la Marne ravive celle de 1914, mais, le 8 août, l’espoir change de camp : c’est pour Hindenburg le « jour de deuil de l’armée allemande ». À partir de cette date, les troupes alliées vont entamer une lente marche de reconquête vers le Rhin, et ce jusqu’à la 11e heure du 11e jour du 11e mois de l’année 1918. Pourtant Josso, nommé souslieutenant depuis la fin du mois d’août, ne peut participer en compagnie de ses camarades de régiment à la grande liesse qui déferle en ce jour tant espéré. Le 27 octobre, au cours d’une aventu-
reuse reconnaissance, il a été de nouveau blessé, et c’est à Paris, alité au Val-de-Grâce, qu’il apprend l’armistice. Mais l’armistice ne veut pas dire la paix et, après un repos convalescent, il rejoint son régiment qui participe de l’autre côté du Rhin à l’occupation de la Sarre. Cette période allemande, particulièrement évoquée dans ses dessins, nous permet aujourd’hui de découvrir des petits instantanés concernant un épisode quelque peu oublié de l’immédiat aprèsarmistice : cet étrange rapprochement imposé entre l’occupant et l’occupé, le vainqueur et le vaincu. Josso, encore profondément marqué par les 1 551 jours de guerre qui viennent de s’écouler, ne peut que s’imprégner et s’inspirer de cette vie très mondaine qui semble ronronner à Wiesbaden. Le 28 juin 1919, le traité de paix est signé à Versailles, un nouveau monde se dessine et, le 1er septembre 1919, Josso est rendu à la vie civile. Mais pour lui la page n’est pas entièrement tournée. Fidèlement, il va manifester jusqu'à sa disparition, en 1983, un profond et fraternel attachement à ses frères d’armes. Son œuvre de guerre, comme une sorte de carnets intimes, est restée confidentielle, il l’a réservée avec bienveillance à ceux qui, comme lui, ont connu l’inénarrable. Loin des allégories et des représentations héroïques, le fantassin Xavier Josso s’est contenté de témoigner à travers son art de ce qu’il a vu et rencontré durant cinq longues années, tout en avançant péniblement vers la victoire. Il faut remercier ses enfants d’avoir précieusement conservé les archives familiales et de les mettre, à la veille du centenaire de cette Grande Guerre, à la disposition du public.
Anne Herman-Josso, Yves Josso, Bernard Herman
Xavier Josso
UNE BIOGRAPHIE
Un environnement familial artistique Xavier Josso naît le 16 octobre 1894 au 6 de la rue Saint-Clément à Nantes dans une famille d’artistes où se comptent architectes, peintres et graveurs reconnus. En premier lieu son père, Clément Marie, architecte et bon aquarelliste, concepteur des plans du musée des Beaux-Arts de Nantes et qui, à l’époque, en entame la construction. Le grand-père paternel de Xavier, Adolphe Josso, capitaine au long cours, après avoir sillonné les mers, avait posé son sac de marin sur les quais de Nantes et était devenu armateur. Il avait épousé Justine Douillard, fille de Louis-Prudent Douillard, architecte. Deux frères de Justine, Lucien-Michel et Louis-François, étaient également architectes, tous deux deuxièmes prix de Rome. Un autre de ses frères, Alexis, était peintre portraitiste. Du côté maternel, Xavier Josso bénéficie également d’une ascendance artistique puisque sa mère, Marie Leroux, est fille de l’architecte Jean-Alfred Leroux, professeur à l’École des beaux-arts de Paris, lui-même fils de JeanMarie Leroux, graveur d’histoire, ancien élève de David. L’éventail artistique de la famille s’élargit encore : Jeanne, l’une des tantes maternelles de Xavier, a épousé le peintre Henri Pinta,
Xavier Josso dans son atelier (détail) 1922. Photographie, 11,6 × 8,4 cm
premier grand prix de Rome et ami de Debussy dont il a fait le portrait à la Villa Médicis. Une autre de ses tantes, Isabelle, est l’épouse du critique d’art André Mellerio, proche de nombreux peintres tel Odilon Redon, dont il contribue à asseoir la notoriété, ou Maurice Denis, dont la toile La Foire aux yeux bleus représente la famille Mellerio, André, sa femme et leurs enfants. André Mellerio que peint à nouveau Maurice Denis aux côtés, entre autres, de Vuillard, de Sérusier et de Ranson dans son célèbre Hommage à Cézanne, exécuté en 1900 dans l’atelier d’Ambroise Vollard. C’est donc au sein d’un véritable bouillon de culture pictural que s’est déroulée la jeunesse de Xavier Josso. Une fois la famille installée à Paris, 31, rue Bonaparte, à deux pas de Saint-Germain-des-Prés, « l’oncle Mellerio » passera souvent dans l’atelier de son neveu Xavier pour lui parler de façon intarissable de ses rencontres, de ses découvertes et de ses enthousiasmes picturaux et littéraires. Naissance d’une vocation Très tôt, Xavier éprouve le besoin de s’exprimer par le dessin et la peinture. Son premier paysage aquarellé qui a été conservé est daté de 1907, à Saint-Gildas-de-Rhuys (Loire-Atlantique), où la famille est en vacances. Il a douze ans. En 1910, il interrompt ses études secondaires et passe avec succès le concours d’entrée de l’École des beaux-arts de Paris mais n’en suivra pas les cours, la famille ayant dû quitter Paris pour des raisons financières :
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XAVIER JOSSO – UNE BIOGRAPHIE
Xavier Josso et deux camarades, première blessure
Xavier, Clément et Alain Josso à Fontainebleau
Photographie, 13,5 × 8,4 cm
1918. Photographie, 11,1 × 8,4 cm
« Les circonstances économiquement très critiques qui accablèrent notre famille en ces années 1910/1911, relate-t-il dans son journal, nous obligèrent à passer une quinzaine de mois à Pontchartrain et à Neauphle-le-Château, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. C’était la vraie campagne à cette époque. Au milieu des prés, des bois et des champs, plusieurs de mes frères et sœurs et moi-même vécûmes – en dépit de la gêne – une existence assez merveilleuse à certains égards. Je dessinais et aquarellais à cœur joie au contact direct et intime de la nature à toute heure du jour et même de la nuit. Ainsi se passa ma seizième année. » De retour à Paris, il sollicite une entrevue avec le vieux peintre paysagiste Henri Harpignies (il a quatre-vingt-treize ans en 1911), surnommé par Anatole France « le Michel-Ange des arbres et des campagnes paisibles », à qui il soumet ses premiers essais de paysages. Il en relatera plus tard les propos : « […] Je vais te dire ce que me disait Corot : quand tu t’arrêtes pour croquer un paysage, c’est que quelque chose t’a donné une émotion, une certaine envie de peindre […]. Si tu ne jouis pas toi-
même de l’équilibre et de l’harmonie du spectacle que la vie t’offre, je ne puis te l’apprendre. Mais en regardant tes dessins, j’ai vu que tu goûtais et sentais tout cela […] à charge, bien entendu, d’acquérir l’expérience par le travail […]. Il me montra alors quelques dessins sur papier Ingres bleuté, fusain ou crayon dont j’appréciai le charme. Il me dit qu’il les fixait en badigeonnant de fixatif le verso au pinceau (ce que je fis par la suite) […]. » Conforté dans sa vocation de peintre, Xavier Josso se présente au concours de l’École des arts décoratifs. Admis, il en suit la scolarité pendant trois ans. Déjà décidé à vivre de son art dans le domaine de l’illustration, il décroche à dix-neuf ans le deuxième prix du concours pour le projet de couverture du Bulletin officiel du Yacht Club de France. La Grande Guerre Puis, c’est la guerre : du 1er septembre 1914 au 1er septembre 1919, Xavier Josso est sous les drapeaux. Son père a également été mobilisé dès le début du conflit ; son jeune frère Alain le sera en février 1918 ;
XAVIER JOSSO – UNE BIOGRAPHIE
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Feuillets du carnet no 3 30 août 1919. Aquarelle et crayon, 13,5 × 21,5 cm Ces paysages aquarellés sont les dernières représentations sur le vif liées à la Première Guerre mondiale, alors que Josso séjourne à Suippes (Marne) en rentrant d’Allemagne.
Feuillet du carnet no 3 2 septembre 1919. Aquarelle, 13,5 × 21,5 cm Juste après Suippes, cette vue de Piriac renoue avec le goût des paysages bretons chers à Josso depuis son enfance, en écho à celui peint à Saint-Gildas-de-Rhuys quand il n’a que douze ans et à ceux du début de la guerre lorsqu’il fait ses classes à Guingamp.
son frère aîné, Jean, saint-cyrien, a gagné le front et a été tué dès les premiers jours de la guerre. Xavier continue néanmoins à dessiner et aquareller autant que le lui permet la vie militaire. Et dès sa démobilisation, dans la continuité il se remet à peindre avec ardeur. Sur le même carnet où le soldat Josso a réalisé un paysage de Suippes, dans la Marne, le 30 août 1919, le civil Josso exécute, sur la page suivante, un paysage de Piriac, en Bretagne, où il a rejoint sa famille en vacances, daté du 2 septembre. 1919-1939 : vie professionnelle artistique de Xavier Josso Revenu à Paris, Xavier Josso va pouvoir commencer à vivre de son talent. Il se lance dans le dessin publicitaire, l’illustration, devient affichiste et utilise parfois, pour égayer son travail, des paysages peints en Bretagne pour son plaisir, qui servent avec bonheur de fond à ses compositions. Ses projets et réalisations concernent des domaines aussi divers que le sport, l’automobile, la mode et le luxe,
le tourisme, la maison et le confort, les cartes de vœux, les menus… Sa production comporte également des catalogues, des calendriers, des agendas, des affiches de cinéma. Ses principaux donneurs d’ordre sont, entre autres, Hirvyl, l’Art Publicitaire, Durel et Donay, les Éditions Artistiques et Publicitaires, Brown Nelson, Banco Trading Company, Mauny. Pour son plaisir, lui qui fredonne sans cesse, il illustre de vieilles chansons françaises mais aussi des contes traditionnels. Il côtoie bon nombre d’illustrateurs de l’époque : Pierre Brissaud, AndréÉdouard Marty, Eddy Legrand et surtout Guy Arnoux, le plus proche de lui par son goût de la mer et de tout ce qui se rapporte à la vie des marins. De 1924 à 1939, il collabore en tant que maquettiste à la fabrication de jouets en bois réalisés par les établissements Rouvel, dont certains sont construits et peints par des mutilés de guerre (« Le Jouet des Invalides », créé en 1916).
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XAVIER JOSSO – UNE BIOGRAPHIE
Couverture pour le catalogue Le Jouet des Invalides 1927. Linogravure couleur et encre noire, 21,5 × 13,5 cm Le Jouet des Invalides est une marque déposée et une entreprise qui fait réaliser des jouets en bois par des mutilés de guerre. Josso crée pour eux des modèles de jouets.
En 1926, il devient professeur à l’École d’art et de publicité (École technique supérieure de dessin appliqué), où il enseignera régulièrement jusqu’en 1939. Là, grâce au cinéma et à « l’arrêt sur image », il apprend à ses élèves à saisir le mouvement au vol. Il les emmène au Louvre ainsi qu’au Jardin des Plantes pour y croquer les animaux sur le vif. Par ailleurs, il enseigne à l’académie Julian, rue du Dragon. À partir de 1929, il entame également une carrière de cartonnier de vitraux avec le maître verrier Jacques-Charles Champigneulle, qui a ses ateliers boulevard du Montparnasse, à Paris. Quarante-cinq réalisations ont pu être répertoriées qui habilleront des nefs d’églises et de chapelles, dont certaines sont toujours en place. Toutes ces activités ne l’empêchent pas de peindre pour son plaisir dès qu’il en a le loisir et de s’adonner à la pratique de la linogravure. « La gravure devient prétexte à une série de variations sur les rapports de couleurs ; le trait restant le même, c’est la couleur seule qui devient l’objet de la recherche ; l’atmosphère du sujet varie ainsi au gré de l’artiste et de son humeur », ainsi que le souligne Catherine Puget, conservateur du musée de Pont-Aven, en 2003 qui, à la suite
d’une première publication consacrée à Xavier Josso dans la revue Ar-men, a révélé ce peintre au grand public grâce à une importante exposition sur son œuvre bretonne. Cette technique de la linogravure servira à l’artiste à illustrer, entre autres, les bulletins des amicales d’anciens combattants. Sa vie familiale En 1933, Xavier Josso épouse Marie Murcier (1895-1966), professeur de mathématiques, dont il aura trois enfants, Jean-Marie (19351965), Anne (1936) et Yves (1938). Il habite désormais rue Blomet, dans le XVe arrondissement de Paris, mais conserve toutefois son atelier rue Bonaparte. Il y travaille et veille quotidiennement sur sa mère, devenue veuve en 1928. La rupture de la Seconde Guerre mondiale : interruption de sa carrière artistique. Une nouvelle vie professionnelle qui ne l’empêche pas de continuer à peindre Septembre 1939. C’est à nouveau la guerre. Xavier Josso, capitaine de réserve, a été rappelé en prémobilisation à Rochefort le
XAVIER JOSSO – UNE BIOGRAPHIE
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Xavier Josso et Marie Murcier le jour de leur mariage 1933. Photographie, 12 × 8,8 cm
29 août. En raison de ses blessures anciennes, et contre sa volonté, il est renvoyé dans ses foyers le 19 septembre et définitivement rayé des cadres le 2 janvier 1940. Mais si la guerre lui laisse du temps libre pour aquareller à sa guise, elle lui coupe dans le même temps les vivres. Toutes ses sources de revenus artistiques – publicités, jouets, vitraux (dont les commandes affluaient en 1939) – sont gelées. L’École d’art et de publicité a fermé ses portes. Sa carrière artistique professionnelle n’aura duré que vingt ans. Pour faire bouillir la marmite, lui, si épris de liberté et de travail solitaire, entre alors par la toute petite porte au ministère du Ravitaillement puis intègre, après la Libération, le ministère de l’Agriculture. Engagé en tant que « troisième commis », il gravit rapidement les échelons pour devenir directeur des industries alimentaires au ministère de l’Agriculture et attaché au cabinet du ministre. Grâce à ses grandes facilités rédactionnelles, à son esprit clair et subtil et à sa vaste culture, mais aussi grâce à son charme et sa bonne humeur, il convainc et séduit ses collègues et la hiérarchie administrative, s’étonnant lui-même de
prendre un réel plaisir au travail qui lui est confié. De la production de la betterave à sucre à celle de la pâte à papier, du vin sans alcool au rhum de Martinique en passant par le développement de la culture du riz en Camargue, tous les domaines sont bons pour occuper son intelligence et son besoin de création. Ses qualités professionnelles valent au haut fonctionnaire qu’il est devenu d’être élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur à titre civil, le 3 septembre 1952. Il termine cette seconde carrière professionnelle le 31 janvier 1961, date à laquelle il est mis à la retraite. Pendant toutes ces années et jusqu’à sa mort, Josso n’a cessé de dessiner et de peindre pour son plaisir personnel, au gré de ses séjours et de ses déplacements, ou pour les illustrations destinées aux livres et bulletins d’anciens combattants. Il meurt le 18 août 1983 à son domicile parisien dans sa quatre-vingt-neuvième année. Il laisse à la postérité plusieurs centaines d’œuvres, aquarelles, huiles, linogravures et dessins, dont certaines présentées ici sont un émouvant témoignage de la vie des poilus de la Grande Guerre.
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XAVIER JOSSO – LA GRANDE GUERRE
LA GRANDE GUERRE
Incorporation et classes Xavier Josso, de la classe 1914, est appelé sous les drapeaux le 1er septembre et incorporé le 4 à Guingamp au 161e régiment d’infanterie, régiment de l’Est dont le dépôt a été délocalisé dans les Côtes-du-Nord depuis le début de la guerre. Quelques jours plus tôt, le 22 août, son frère aîné, saint-cyrien de 26 ans, a été porté disparu à Rossignol, sur le front belge. Xavier fait ses classes jusqu’au 17 décembre 1914. Celles-ci terminées, ses camarades et lui sont envoyés en Argonne, où les combats font rage depuis la mi-septembre. Après avoir débarqué à DieuAncemont, où ils font connaissance, non sans quelques difficultés initiales de harnachement, avec l’équipement du fantassin en guerre – courroies de suspension des cartouchières et de la baïonnette, musette, bidon, gamelle, sac avec la couverture et la toile de tente… –, ils arrivent à Ippécourt le 19 décembre (1)*. Josso est affecté à la 3e compagnie, 1er bataillon, 80e brigade, 40e division (général Leconte), 32e corps d’armée. En cette fin d’année, les journées sont courtes mais le temps est long. Il fait nuit tôt et, par manque de bougies, on se couche à 5 heures de l’après-midi pour ne reprendre les activités qu’à 7 heures 30 le lendemain. Le 161e RI. La montée au front. L’Argonne Fin décembre, son régiment, le 161e, remplace le 155e RI à Osches, qu’il quitte le 5 janvier 1915 pour cantonner à Julvécourt. Le 9 janvier,
Vue de La Neuville-au-Pont Janvier 1915. Crayons de couleur, 13 × 10,5 cm La Neuville-au-Pont est un village de la Marne, près du front.
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Les Meules à Guingamp Automne 1914. Aquarelle et mine graphite, 30,5 × 24,5 cm Ses classes à Guingamp à l’automne 1914 laissent à Josso quelques moments de liberté qu’il passe à peindre à l’aquarelle. * Les références en bleu renvoient à des témoignages issus des sources suivantes : X. J. : Xavier Josso 161/361 : Bulletin de l’Association des anciens combattants des 161e et 361e régiments d’infanterie 155/355 : Bulletin de l’Association des anciens combattants des 155e et 355e régiments d’infanterie
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De la “boîte aux souvenirs” [Josso] fait sortir un renfort de cette jeune classe arrivant de Guingamp à Ippécourt à la mi-décembre 1914. Ces ‘’bleus” n’ont touché leur équipement qu’au départ et au débarquement à Dieu-Ancemont […]. Il faut leur laisser le temps de s’habituer un peu… Pendant la marche on chante Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite… mais voilà qu’on entend des coups de fusil, des sonneries de clairon… les oreilles se tendent mais on se rassure car les gradés n’ont pas l’air inquiet, il doit s’agir d’exercices… Enfin on arrive à Ippécourt […]. Notre vie d’entraînement ne diffère guère de celle que nous menions dans les alentours de Guingamp où nous couchions dans la paille des granges […] et mangions avec la gamelle entre les genoux […] il n’y eut pas de difficultés pour nous adapter aux rythmes du régiment du front. » X. J. 161/361 no 125 p. 5-6 et no 136 p. 12
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Journal d’Anne-Marie Josso 19 février 1915. Encre sur papier, 21,9 × 17,4 cm « Lundi on est venu annoncer de la mairie que Jean avait été tué le 22 août. Je crois que c’est d’après la carte de Brissont que le chefeldt [sic] a dû prévenir Rochefort. Je crois fermement que c’est une erreur. »
il gagne Les Islettes, Futeau et La Neuville-au-Pont. Le 12, il est à la ferme de la Renarde, près de Vienne-le-Château. Toute cette période a été utilisée à poursuivre l’instruction, notamment à apprendre le maniement des engins de tranchée. La 3e compagnie passe sa dernière nuit à l’arrière, du 13 au 14, à Moiremont (2), avant d’entrer le lendemain dans la forêt d’Argonne où elle croise une colonne de soldats descendant des premières lignes, transformés par la boue en véritables blocs d’argile. Le 14 janvier 1915, le soldat Josso découvre pour la première fois l’univers des tranchées dans le bois de la Gruerie (3) – de la « Tuerie » comme le rebaptiseront plus tard les combattants. Ce qui le marque avant tout lors de ces premiers jours, c’est le froid et l’humidité qui gèlent les pieds, mais aussi la beauté de la forêt d’Argonne. Le 17, son bataillon gagne le secteur de Bagatelle, La Fontaine-aux-Charmes (4), puis retourne à la Gruerie. C’est là qu’il participe à ses premiers combats, lors de l’attaque allemande qui débute le 29 janvier, et voit tomber des camarades, dont son chef de section le sous-lieutenant Robert Grosselin tué à son côté. Sa
compagnie est notamment engagée contre les hommes du lieutenant Erwin Rommel, le futur « Renard du désert ». Il est nommé caporal le 3 février. Jusqu’au 2 mai, il participe à tous les combats de la division au bois de la Gruerie (5), à Bagatelle et au Four-de-Paris, soit vingt-deux jours au total, compte tenu des relèves. Le 1er mai, le caporal Josso est cité à l’ordre du régiment – « caporal grenadier à la 3e Cie venu volontairement combattre avec la Cie voisine attaquée. A lutté et confectionné des barrages sous une grêle de bombes et de pétards. Monté sur le parapet, a continué la lutte à coups de fusil » – et sera décoré de la croix de guerre avec palme de bronze, décoration nouvellement créée pour récompenser les actes de bravoure individuels. Elle lui sera remise en juillet, à vingt mètres des tranchées allemandes, par son commandant de compagnie le capitaine de Chasteigner. Ces trois premiers mois de contact direct avec la guerre sont pour Josso – et ses camarades – particulièrement éprouvants car, s’ils ont réussi à repousser tous les assauts allemands, c’est au prix de très nombreux morts et blessés. Et pour beaucoup de ceux qui sont restés indemnes, des pieds gelés et des
XAVIER JOSSO – LA GRANDE GUERRE
Vue de Moiremont Janvier 1915. Mine graphite, 17,5 × 11,5 cm La vue paisible du clocher de Moiremont contraste avec l’enfer de l’Argonne qui attend Josso et ses camarades au terme de leur période d’instruction.
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À Moiremont, la 3e est logée dans une très vaste grange […]. Après la soupe, une fois la nuit tombée, chacun va organiser dans son coin de paille son nid pour la nuit […] le silence peu à peu s’établit… Alors […] une voix s’élève chantant le refrain d’une berceuse : Ferme tes jolis yeux – car les heures sont brèves – au pays merveilleux – au beau pays du rêve – ferme tes jolis yeux car tout n’est que mensonge – le bonheur n’est qu’un songe […]. De toute cette masse d’hommes ensevelie sous la paille, des voix se sont unies à celle du chanteur […] sorte de cantique nostalgique […] le chant doucement s’éteint… C’était la prière du soir de tous ces jeunes hommes qui, dès le lendemain matin, allaient affronter la mort dans cette terrible forêt d’Argonne où leur lutte allait durer sept mois. » X. J. 161/361, no 136, p. 14
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Plan type de la tranchée de section Sans date. Mine graphite et encre noire, 15,5 × 20 cm
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Il ne pouvait être question à l’heure H du jour J, de faire partir l’attaque de plus d’une centaine de mètres ! Et c’est déjà beaucoup… Alors cet éloignement nous imposait toutes les nuits un gros travail de pelles et de pioches devant nos premières lignes et tous les jours, chargés de nos armes et de nos outils, nous empruntions le boyau qui joignait Saint-Hilaire-le-Grand au sud du camp de Châlons (ce qui faisait quelques kilomètres) où nous campions […]. Ce creusement des “parallèles”, ce n’était pas du “gâteau”, …/…
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Croquis d’une tranchée Sans date. Mine graphite et crayon noir, 12 × 15,5 cm Ce croquis témoigne de la forte impression que font les tranchées sur Josso, qui découvre en Argonne des hommes couverts de boue et des boyaux sans fin au milieu de paysages dévastés.
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…/… soit que l’on fasse partie de la patrouille de protection, couchés dans l’herbe entre les travailleurs et la ligne allemande dont nous approchions chaque nuit un peu plus, davantage repérables par les fusées et projecteurs ennemis […]. Enfin la dernière “parallèle” fut creusée (trop peu profonde à mon idée) celle dont nous allions prendre le départ pour l’assaut final. » X. J. 161/361, no 137, p. 8
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Vue de La Fontaine-aux-Charmes à la Gruerie Avril 1915. Mine graphite, 18 × 11 cm L’Argonne est une région vallonnée d’étangs et de forêts, située au sud du massif des Ardennes. Josso a beaucoup dessiné et croqué sur le vif à l’occasion de ses deux campagnes dans la région.
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Le “Boyau de la mort”. [Sa] partie couverte (qui n’était pas très longue) ouvrait sur un petit ponceau fait de troncs de sapins accolés qui enjambait le ruisseau de la Fontaine-aux-Charmes. Ce ponceau était garni d’une muraille de sacs de terre qui nous protégeait à peu près des vues de l’ennemi. De l’autre côté du ruisseau le boyau se prolongeait en tranchée. […] l’eau de la Fontaine-aux-Charmes coulait claire et limpide ; j’y plongeai mon quart mais tout en buvant, je m’aperçus qu’un soldat allemand, tué apparemment au cours de la dernière attaque, était allongé dans le ruisseau dont l’eau le couvrait entièrement. J’avais rempli mon quart en amont du cadavre et avais trouvé l’eau très bonne… mais je n’eus pas envie d’en déguster à nouveau… » X. J. 161/361, no 136, p. 17
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La Gruerie Sans date. Linogravure couleur, 28 × 24 cm La version en couleurs conserve le trait épais de la linographie donnant à l’œuvre une tension dramatique et y ajoute le dynamisme d’une palette vive, sans demi-tons.
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[…] dernière relève de la Gruerie (11 ou 12 août 1915) : à un tournant de route, le Commandant Buisson arrête son 1er bataillon du 161e RI et lui fait présenter les armes à ce terrible secteur qui va de la route de Binarville à Saint-Hubert et au Mortier où tant de nobles camarades sont tombés depuis la mi-janvier, au cours de sept mois de combats incessants… » X. J. 155/355, no 236, p. 23
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Portrait de Guimerch’ Juillet 1915. Mine graphite et crayons de couleur, 11 × 16,5 cm Ce portrait d’un camarade se reposant témoigne de la fatigue qui accable Josso et ses compagnons à la Gruerie, alors qu’ils sont obligés de repousser sans cesse les attaques.
infections diverses, comme Josso qui, à plusieurs reprises, doit être adressé à « l’ambulance ». Le 5 mai 1915, son régiment est renvoyé à l’arrière pour un mois près de Servon, où il reconstitue ses effectifs et organise le secteur. Dans les lettres à sa famille – à laquelle il écrit très fréquemment, et plus particulièrement lorsqu’il est dans les tranchées où il dispose paradoxalement de plus de temps libre –, Josso n’évoque plus que les arbres, les vallons, les ruisseaux, les nuages… et, accessoirement, le motif de sa citation… Le 9 juin, le 161e RI va occuper Le Fourde-Paris (6), qu’il tient jusqu’au 10 août, sous des bombardements incessants mais où les combats au sol sont moins violents qu’à la Gruerie (7). Le 23 juillet, Josso a été nommé sergent. La Champagne. Première blessure Le 10 août, le régiment quitte l’Argonne, où les hommes ont fait connaissance avec les nouveaux moyens de la guerre moderne :
mines, grenades, pétards, mortiers de tranchée, lance-flammes… et les gaz, mais aussi le casque métallique qui remplace le képi, qui n’assurait aucune protection, et la nouvelle tenue « bleu horizon » moins repérable par l’ennemi que les pantalons garance de 1914. Ils gagnent la Champagne où le terrain présente au moins l’avantage d’être moins boueux que celui qui leur a rendu la vie si difficile les mois précédents. Partis de Sainte-Menehould, ils débarquent à Épernay et gagnent Aigny pour préparer la nouvelle offensive de Champagne voulue par le général Joffre, qui se révélera aussi infructueuse que la précédente quelques mois plus tôt. Le 24 septembre, tondus dans l’éventualité de blessures à la tête, carré de toile blanche cousu au dos des capotes pour permettre à l’artillerie de les situer plus facilement, mais avec le ferme espoir et « la joie de frapper un grand coup ! » (lettre de Xavier Josso du 24 septembre), ils montent dans les tranchées de départ et, après
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Le Four-de-Paris 16 juin 1915. Mine graphite, 16,5 × 11 cm Le Four-de-Paris est un hameau situé dans une vallée de l’Argonne.
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Nous remontons en ligne à l’est de nos anciens secteurs de la Gruerie et la lutte change un peu de caractère (bien que Marie-Thérèse et Saint-Hubert ne soient pas extrêmement différents de Bagatelle) et quand dans les trous qui nous servaient d’abris nous essayons de dormir un peu, un vieil instinct, dans notre demi-sommeil note les éclatements de grenades vers Saint-Hubert et s’efforce d’évaluer s’il va falloir y aller… Dans la partie droite de notre secteur, aux approches du Four-de-Paris, l’éloignement qui sépare les lignes permet à l’ennemi de nous arroser de puissantes torpilles – les “minen” – dont l’effroyable force d’éclatement soumet le corps humain à une très pénible épreuve… mais la résistance humaine est vraiment surprenante ! » X. J. 161/361, no 136, p. 21
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Neuvry de garde au ravin du Mortier près de la Gruerie
Guimerch’ au poste d’écoute du ravin du Mortier
1915. Mine graphite et crayons de couleur, 16 × 11 cm
1915. Mine graphite, 16,5 × 11 cm
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Dans un rapport du 19 juillet 1915, le général Sarrail, commandant la IIIe Armée, met l’accent sur le caractère très particulier de la guerre en Argonne, très meurtrière puisque entre le 8 janvier et le 20 juillet 1915, les pertes sont de 1200 officiers et 82000 hommes, soit plus de la moitié de l’effectif de l’Armée. Après avoir noté la supériorité des moyens matériels ennemis et décrit les effets produits par les obus asphyxiants utilisés par l’ennemi, le général précise : “le moral de nos troupes est soumis à rude épreuve par les procédés employés par les Allemands […] cette lutte en Argonne est terrifiante parce qu’elle ne cesse jamais, ni de jour, ni de nuit. Depuis le 8 janvier, date à laquelle j’ai pris le commandement de l’Argonne, je n’ai vraiment pas connu une journée calme bien que mes comptes rendus téléphoniques aient souvent employé ce terme, mais tout est relatif, le calme n’existe pas en Argonne”. » X. J. 155/355, no 252, p. 24
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Deux Soldats du 161e RI Sans date. Mine graphite et pierre noire, 28 × 22 cm Tout au long de la guerre, Josso crayonnera des silhouettes de soldats anonymes, témoignant d’une attention aux détails, canne, pipe, képi ou casque Adrian, qui donne à chaque croquis sa singularité.
trois jours de préparation d’artillerie, se lancent à l’attaque le 25 septembre, 1er bataillon en tête : « Il faisait jour quand nous arrivâmes en ligne. Notre artillerie était déchaînée et sa puissance nous donnait vraiment bon espoir… Comment pouvait-on tenir sous un tel déluge de fer, sous de telles explosions ? Nous en arrivions à plaindre nos voisins d’en face ! […]. » « Peu après, nous étions dans notre parallèle et, accoudés à ce parapet que nous allions franchir à l’heure H (9h.15), nous contemplions le pilonnage des lignes adverses. Le Capitaine de Chasteigner vint visiter sa compagnie avant le grand départ disant quelques mots affectueux à chacun. Il s’arrêta près du sous-lieutenant SAGE auprès de qui je me tenais, et il me dit – pour m’encourager sans doute – qu’en descendant de l’attaque je serais nommé souslieutenant (cette nomination ne vint qu’en 1918). Le capitaine
rejoignit sa place et, peu après, fit circuler sa montre pour que chacun règle la sienne à la même heure. » « Les minutes s’écoulent… 9h.15 ! Toute la ligne se hisse sur le bled et part à grandes enjambées vers les tranchées allemandes. Le Capitaine s’est élancé à l’assaut le 1er de la Compagnie – peut-être un peu en avance sur l’heure H, me semble-t-il – je vois le caporalfourrier qui court à toute vitesse ainsi que beaucoup d’autres soucieux d’atteindre les entonnoirs avant que tous les Boches ne soient sortis de leurs abris, mais ceux-ci ont fait vite et le torse sorti de leur parapet, ils nous visent soigneusement au fusil […] et je vois nos hommes tombés dans une dernière culbute. » « Notre section arrive dans le réseau des barbelés qui semble à peu près intact étant caché dans une dépression qui le dissimulait aux artilleurs. »
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Soldat de face
Fusil sur l’épaule
Sans date. Crayons de couleur et encre noire, 22 × 8 cm
Sans date. Aquarelle, 16 × 11 cm
Au cours de l’hiver 1914, l’Intendance fournit des nouvelles tenues. Les pantalons garance sont remplacés par des culottes en velours ou en drap de couleurs diverses ; sous les rabats, les nouvelles capotes bleu horizon.
Au cours de l’été 1915, les soldats sont dotés d’un casque en métal, appelé casque Adrian. Il complète la nouvelle tenue en drap bleu horizon.
« Le lieutenant Sage et moi, qui sommes assez grands, nous enjambons les barbelés, un trou d’obus nous accueille. Nous nous y planquons et faisons le coup de feu sur nos adversaires. Un rapide coup d’œil sur la section me navre : quelques hommes essaient de franchir le réseau en rampant, d’autres qui ont essayé d’enjamber, sont tombés pliés en deux sur le réseau et ont été tués dans cette position. Toute la compagnie me paraît aussi mal lotie que ma section. Sage et moi, nous continuons à tirer. Tout à coup mon fusil m’échappe, une balle vient de m’atteindre et j’ai du sang plein la bouche. Je veux prévenir Sage mais il semble que la balle qui m’a blessé l’a d’abord traversé, il est tombé en avant, mort. Un si chic type ! Nous nous entendions à merveille… Je perds beaucoup de sang et j’ai de plus en plus de mal à respirer. Je lève un peu la tête et je vois, sur notre gauche, les cavaliers qui essaient de progresser mais ils tombent tous sous les balles d’une mitrailleuse. »
« À ce moment une balle m’atteint à la tête, déchirant mon casque… Je suis bien sonné, et je ne bouge plus… et j’ai de plus en plus de mal à respirer. Routier, qui est dans un trou derrière moi, me dit qu’il est blessé (une balle dans le bras) et me demande comment je me sens. Je lui réponds : “Tu seras gentil de dire à mes parents que je suis mort en bon chrétien…” Je ne peux rien ajouter, réservant le peu qui me reste de forces pour essayer de survivre, car malgré mon extrême faiblesse, je ne puis me résigner à admettre que je vais devenir un de ces cadavres qui restent à pourrir entre les lignes… » « Le soir venu, Routier, je ne sais comment, arrive à me charger sur son dos et, marchant à quatre pattes, il m’emmène jusqu’à la parallèle d’où nous sommes partis ce matin. Il m’y assoit sur le sol et part se faire panser et prévenir les brancardiers. […] » « La nuit fut dure pour les blessés, n’en doutez pas ! Quand le jour fut revenu, j’entendis la voix de Cantrelle, un brancardier de la 3e,
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Ambulance et brancardiers Sans date. Encre bleue, 12 × 21 cm Les ambulances désignent à l’origine les postes de secours sur le front où étaient donnés les premiers soins. Josso y passe avant même d’être grièvement blessé en 1915, essentiellement pour soigner ses membres gelés par le froid de l’Argonne.
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Saint-Hilaire-le-Grand se trouve au nord du camp de Châlons. Pour l’atteindre […] il faut traverser le camp dans d’interminables boyaux orientés sud-nord. Les boyaux portent des noms de victoires napoléoniennes : Wagram, Essling, ou de généraux : Eblé, Exelmans, etc. Ils ont chacun plusieurs kilomètres de long et sont creusés en zig-zag à angles obtus pour éviter l’enfilade et assez larges pour permettre d’y passer avec un brancard sur voiturette […] le boyau d’Essling […] fait plus de sept cents changements de direction […] » Soldat Colbeaux, La Sainte-Biffe, p. 153
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Soldat de trois quarts
Soldat enrhumé dans la tranchée
Sans date. Aquarelle et encre noire, 21,5 × 10 cm
Sans date. Mine graphite et crayons de couleur, 22 × 16 cm
Josso illustre ici l’idée du soldat confiant, fleur au fusil au début de la guerre, portant son uniforme hérité de la guerre de 1870.
L’uniforme, avec la capote gris de fer bleuté, le képi et le pantalon garance est celui du soldat français au début du conflit. Les soldats français sont alors vêtus et équipés d’effets peu pratiques et peu discrets, contrairement à ceux des Anglais et des Allemands.
qui disait à ses compagnons : “Ah, le pauvre Josso, il est mort…” J’eus la force de lui répondre : “Non, Cantrelle, je ne suis pas mort.” Ils me mirent sur leur brancard et m’emmenèrent au poste de secours du 1er Bataillon où notre toubib, le docteur Humbert (de Reims), pansa mes blessures en s’étonnant de voir le trou d’entrée de la balle mais pas de trou de sortie. C’est qu’effectivement, ayant usé sa force en traversant la robuste musculature du S/Lieutenant Sage, elle s’était arrêtée dans un recoin de mon poumon droit où elle dort bien sagement depuis 66 ans sans m’avoir empêché de terminer la guerre de 14-18… puisque ma dernière blessure (encore par balle) date de fin octobre 1918. » « À Saint-Hilaire-le-Grand, une auto-ambulance (8) nous charge à quatre blessés et, par une route cahotante pleine de trous d’obus, nous emmène au sud du camp de Châlons (à Bouy je crois). Là, après extraction de deux éclats d’obus, qui se sont
enfoncés dans mon épaule gauche au cours de la nuit, je suis hissé dans un train sanitaire qui me dépose à Grenoble […] [où il est hospitalisé jusqu’au 25 novembre] » (X. J., Bulletin de l’Amicale des anciens combattants du 161e, 361e et 161e RIF no 137.) De ces blessures il conserve, outre cette balle dans le poumon, une surdité définitive de l’oreille droite et, pendant plusieurs semaines, des troubles visuels qui inquiètent le jeune peintre qui ne peut plus dessiner qu’avec peine. Convalescence Resté en convalescence à Grenoble jusqu’au 5 décembre, il obtient ensuite un congé dans sa famille à Fontainebleau où son père, également mobilisé (à 61 ans), a été nommé à la chefferie du génie
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Paysage près de Plouaret Juillet 1916. Aquarelle, 16 × 18 cm À la date du 16 juillet 1916, Anne-Marie Josso écrit dans son journal à propos de Xavier : « il trouve honteux de moisir dans son dépôt et il craint qu’il ne lui poussse dessus “des petits champignons”, il est donc de nouveau à Plouaret ».
depuis le 1er juin 1915. Revenant de temps à autre à Paris où sa famille continue à vivre en alternant les séjours à Fontainebleau et dans la capitale, Xavier Josso y retrouve une atmosphère de guerre créée par les alertes aux raids aériens des zeppelins venant par la vallée de la Marne et les éclatements des bombes qu’ils lâchent sur la ville – vingt-six morts et une trentaine de blessés le 29 janvier 1916 à Ménilmontant (Journal d’Anne-Marie Josso [1884-1972], aînée de la fratrie). Ayant bénéficié d’une prolongation de convalescence qu’il ne souhaitait pas, estimant qu’elle fait de lui un « embusqué », il ne retourne au dépôt du 161e à Guingamp que le 6 mars. Il y est maintenu jusqu’au 17 juillet 1916. Si l’ambiance et les fonctions de « police militaire » qui lui sont attribuées lui pèsent, il s’enchante des paysages qu’il se promet de revenir peindre après la guerre, écritil à sa famille.
Le 355e RI. La Somme Le 17 juillet, il est muté au 155e régiment d’infanterie et passé au 355e RI (56e division), qu’il rejoint le 22 juillet, dans le secteur de Sillery, près de Reims, où il est affecté au 5e bataillon. Avant le départ, c’est à nouveau le rituel de l’équipement : « Je cherche un casque à ma tête. Ils sont tous trop petits, je commence à désespérer quand j’en trouve un délaissé qui m’enfonce presque jusqu’aux épaules ! adopté – je suis payé pour savoir qu’un grand casque est préférable à un petit – Puis la culotte de velours côtelé bleu, la veste, la capote, les chaussures de guerre et celles de repos, le calot, les plaques d’identité, le sac, le fusil, les courroies, l’équipement, le linge, des chaussettes, un superbe chandail, des bandes etc. la boîte avec le masque et les lunettes, j’en passe et des meilleures. Et tout ça en petits morceaux, cartouchières d’un
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Croquis d’une casemate Sans date. Mine graphite, 15,5 × 20 cm La casemate, abri fortifié à l’aide de terre et de rondins, offre un confort appréciable en comparaison des tranchées embourbées de l’Argonne.
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Carte de correspondance avec paysage au clocher 9 août 1916. Mine graphite et crayons de couleur, 11 × 19 cm Les paysages plus cléments de la Somme donnent à Josso l’occasion de peindre des vues pittoresques de petits villages.
côté, courroies de l’autre, tous objets séparés et à reconstituer. » (Lettre du 20 juillet 1916.) Jusqu’au début du mois de septembre, il renoue avec la vie des tranchées mais celles-ci sont plus « confortables » que celles qu’il avait connues avant d’être blessé en 1915 : caillebotis au sol, abris efficaces, protection par barbelés… Qui plus est, la campagne est belle et les contacts avec l’ennemi, qui circule à découvert à faible distance, sont quasi nuls. Si ce retour au front n’a rien d’enchanteur, il se déroule de façon paisible. Mais cela ne dure pas. Le 3 septembre, le régiment gagne par la route le camp de Ville-en-Tardenois près de Fismes pour une période d’entraînement intensif qui dure jusqu’au 23. Le 24 septembre, son régiment quitte la Marne et atteint la Picardie, à Longueau près d’Amiens, pour participer à la bataille de la Somme qui dure depuis le 1er juillet. Le 27, il rejoint, en camion, le bois Billon, près de Maricourt, où il bivouaque. Le 28 septembre, le 355e relève le 33e RI
au nord de Combles, dans un paysage de ruines, et s’empare le 29 de la zone entre Frégicourt et Morval. Le 30, relevé par le 360e RI, il est rassemblé dans des trous d’obus aux abords des ruines de la ferme Falfemont, près de Maurepas. Il y est maintenu jusqu’au 5 octobre en attendant de monter en première ligne à travers le bois de Leuze et le bois Bouleau sous les « marmitages » et d’entrer à son tour dans l’enfer des combats mais aussi, à nouveau, dans celui de la boue et de la pluie. L’heure n’est plus aux tranchées bien aménagées de l’été mais à des trous d’obus dans lesquels on patauge, reliés par des boyaux où il faut se déplacer courbé sous les bombardements. Jusqu’au 9 octobre où arrive l’ordre de relève, les bataillons du 355e se livrent, dans le vacarme étourdissant des tirs d’artillerie, à des assauts et à des replis permettant de gagner quelques centaines de mètres mais au cours desquels les pertes sont lourdes. Le 10, ils quittent le front et sont transportés en camion à Hanvoille, près de Gournay en Normandie, pour une période de repos. Le 19, Josso est affecté à la 19e compagnie. Le 23 octobre, les
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Cinq soldats en marche Sans date. Mine graphite, encre noire et gouache blanche, 11 × 27 cm
Soldats à l’assaut Sans date. Mine graphite, crayons de couleur et encre brune, 12 × 18 cm Si les scènes de combats sont rares dans l’œuvre de Josso, elles n’en restent pas moins violentes, comme cette vision d’un soldat les mains ensanglantées tombant sur des barbelés.
Joueurs de cartes Sans date. Pierre noire, 15,5 × 20 cm
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Une rivière de l’Aisne 26 janvier 1917. Pierre noire et blanc de plomb, 14 × 22 cm Fin janvier, c’est dans un paysage enneigé que Josso retrouve son régiment en marche vers Chavonne.
camions ramènent les hommes dans la Somme près de Cappy, puis le régiment va occuper le secteur du bois des « Berlingots » (Berlinval), dit de « Nul-s’y-frotte », dans une zone marécageuse à côté de Clérysur-Somme. Jusqu’à début décembre, les bataillons se succèdent en première ligne dans une boue toujours plus collante et tenace (« on marine dans la boue pour la Patrie », écrit Xavier Josso) sous des avalanches de torpilles à ailettes surnommées les « tourterelles ». Durant quarante-cinq jours la pluie a été incessante et les hommes sont, par endroits, dans l’eau jusqu’au ventre, subissant régulièrement de dangereux glissements de terrain risquant de les ensevelir à tout moment. Ces conditions de vie (de survie) minent le moral, plus encore que les combats et le feu du ciel. Début décembre, le régiment est retiré des premières lignes et placé en soutien un peu à l’arrière du front, au camp Suzanne. Fin décembre, le 355e quitte la Somme pour regagner le camp de Villeen-Tardenois. Xavier Josso, quant à lui, bénéficie d’une permission de quelques jours chez les siens à Paris. Il retrouve une ville soumise aux restrictions alimentaires qui font monter les prix, où les magasins ne s’éclairent plus qu’à la bougie (et où, pour les mêmes raisons d’économies d’éclairage, les messes de minuit sont supprimées dans toutes les églises à Noël…). Du front, il leur a rapporté… des poux, ces fameux « totos » ! L’Aisne Le 6 janvier 1917, ce n’est pas sans un certain « cafard » qu’il rejoint son régiment. En janvier 1917, le 355e RI quitte la 56e division d’infanterie pour être affecté à la 127e du 6e corps d’armée. Le 11 janvier, à l’issue d’une période de cantonnement où se succèdent manœuvres et entraînements, le 355e remonte en ligne vers l’Aisne, après avoir effectué sept jours de marche. Le 5e bataillon, celui de Josso, est
affecté à la rive sud, en face de Chavonne, où les tranchées allemandes bordent la rive. Si le secteur est relativement calme, notamment celui du 5e bataillon, une nouvelle épreuve attend les soldats : un froid polaire. Tout est gelé, le vin transformé en glace est distribué dans des toiles de tente une fois les tonneaux ouverts à la hache… De Paris les lettres rapportent que la navigation sur la Seine est interrompue par le gel empêchant le ravitaillement en charbon, ce qui, associé aux sévères restrictions en gaz, plonge les Parisiens dans une froidure aussi difficile à supporter que celle endurée par les soldats. Chez les Josso, on vit dans des pièces où la température ne dépasse pas 4 degrés… Début février, le régiment est envoyé en repos jusqu’au 8 mars à Crouy-sur-Ourcq, entre Meaux et Villers-Cotterêts, puis regagne à pied les rives de l’Aisne pour relever, le 11, le 329e RI près de SerchesVenizel, à l’est de Soissons. Les hommes y retrouvent des tranchées bien aménagées et là encore le secteur est calme. Mais, le 18 mars, les 5e et 6e bataillons doivent quitter leur confort relatif pour gagner la rive nord de l’Aisne abandonnée par les Allemands. Le 20, le commandement français déclenche une offensive qui va durer jusqu’au 28 mars. Le 5e bataillon, engagé dans la plaine entre l’Aisne et le pied des coteaux, face à une forte résistance allemande, occupe le village de Sainte-Marguerite dès le 20 mars au soir. Missy-sur-Aisne et Chivres sont prises. Le Chemin des Dames Le 28 mars 1917, le régiment est relevé et envoyé à l’arrière dans la région de Septmonts où il séjourne jusqu’au 6 avril, date de son retour dans les tranchées, le 5e bataillon étant ramené sur la rive nord de l’Aisne, dans le secteur de Soupir. La guerre reprend ses droits : c’est, à partir du 16 avril, l’offensive du Chemin des Dames,
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Dans le donjon de Septmonts 1er avril 1917. Aquarelle et crayons de couleur, 12 × 10 cm Le temps passé à Septmonts offre à Josso la possibilité de dessiner près du château, comme en témoigne ce croquis de la salle sous la chapelle du donjon.
Casemate du Mont-Sapin 14 avril 1917. Encre violette, 17,5 × 10,5 cm Le Mont-Sapin est un lieu-dit près de Soupir, un village situé sur le Chemin des Dames.
route de crête entre la vallée de l’Ailette au nord et celle de l’Aisne au sud, offensive voulue par le nouveau généralissime Robert Nivelle, à laquelle participe en première ligne le 355e et qui va entraîner la mort de plus de 30 000 soldats français au cours des deux premiers jours. Quatre jours plus tôt, Josso a été cité à l’ordre des Armées : « Jeune sous-officier d’une magnifique bravoure s’aidant d’une vive fusillade et de rafales de fusils mitrailleurs, a réussi, dans un vigoureux assaut, avec sa seule demi-section, à mettre une demi-compagnie ennemie en déroute après l’avoir délogée de la position qu’elle
occupait », et a reçu la médaille militaire (ce qui lui vaudra explicitement d’être désigné peu après pour commander un peloton d’exécution d’un soldat d’un autre régiment condamné à mort pour « abandon de poste devant l’ennemi ». Il refusera cette « distinction », proposant de rendre immédiatement sa décoration – qui lui sera conservée malgré ce refus d’obéissance). Participant aux combats en première ligne, hormis une courte interruption du 21 au 30 avril où il est placé à l’arrière à Vasseny, le 355e n’est relevé du Chemin des Dames que le 23 mai 1917. Il s’y est illustré, entre
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À l’assaut ! Avril 1917. Crayons de couleur et encre violette, 13 × 9 cm À la date du 16 avril 1917, le Journal de marche et d’opérations de la 127e division d’infanterie à laquelle appartient le 355e RI indique : « Attaque générale à 6 heures. Il faut d’abord gagner la crête Crinon-Cour-Soupir. Le point essentiel à enlever est le Mont-Sapin au centre. »
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Vue de Vasseny 29 avril 1917. Encre violette, 10,5 × 17,5 cm
Carte de correspondance avec vue de l’église de Vasseny 23 avril 1917. Encre violette, 14 × 9 cm À partir du 21 avril, le 355e RI est retiré du front pour être transporté en Seine-et-Marne et passe par Vasseny, commune au sud de l’Aisne. Josso y croque l’église ainsi que le village.
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Soldat endormi à Crouy-sur-Ourcq Mai 1917 Encre violette, 10 × 17,5 cm Ce soldat endormi au milieu des herbes folles profite d’un repos mérité après la terrible période que les hommes du 355e RI ont passée au Chemin des Dames.
Soldat au fanion 11 mai 1918. Aquarelle, crayon noir et gouache, 17,5 × 10 cm Cette œuvre de 1918, un an après le Chemin des Dames, montre un poilu portant fièrement au bout de son fusil le fanion de sa compagnie, peut-être la 19e du 355e RI, la compagnie de Josso.
autres, à Chavonne, La Carrière-des-Grinons, le Mont-Sapin, les fermes Hameret et de Maison Rouge, les villages de Vailly, Jouy, Aizy. La 19e compagnie, celle de Josso, y gagne son fanion en raison de sa conduite dans le secteur des fermes Hameret et du Panthéon, fanion dont Xavier Josso sera le dernier dépositaire. Lors de sa relève, le 355e, en ligne depuis près de quarante jours, qui a participé à des combats acharnés ayant entraîné des pertes importantes et subi des bombardements incessants, est, en ce printemps pourri par la pluie, à bout de forces et sujet à une crise du moral, bien qu’il ait réussi à
porter ses lignes jusqu’aux abords du fort de La Malmaison, fait de nombreux prisonniers et capturé à l’ennemi des armes lourdes et d’importants dépôts de vivres et de munitions. Les hommes ressentent douloureusement l’inutilité et la vanité de ce type d’offensive. C’est donc sans regret qu’ils quittent ce Chemin des Dames si mal nommé pour aller souffler quelque jours à l’arrière à Berzy-le-Sec et Missy-aux-Bois jusqu’au 25 mai, puis en cantonnement à Chouysur-Ourcq du 26 au 28. Le 28, enfin, ils sont transportés à La Chapelle-Rablats, en Seine-et-Marne.
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Paysage du Bonhomme Octobre 1917. Aquarelle et mine graphite, 17,5 × 22 cm Pour Josso, l’arrivée dans les Vosges est l’occasion de peindre des paysages de montagne, d’autant plus que les combats y sont bien moins violents qu’en Picardie.
La Petite Ferme du col du Bonhomme vue de nuit 25 septembre 1917. Aquarelle et mine graphite, 20 × 29 cm Le col du Bonhomme, près de Gérardmer, est un passage très fréquenté et par là même un des lieux stratégiques des Vosges.
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La Verse, la nuit 1917. Aquarelle et encre noire, 16 × 12,5 cm Dans le secteur du Bonhomme, les combats sont moins fréquents que dans l’Argonne ou en Champagne. Josso y dessine des paysages et des hommes qui attendent, scrutant la nuit pour essayer d’y trouver l’ennemi.
La Verse 1917. Aquarelle, mine graphite et encre violette, 15 x 9 cm La Verse est un lieu-dit situé dans les hauteurs, près du col du Bonhomme.