ZINOVIEW / CENDRARS. DEUX LÉGIONNAIRES DANS LA GRANDE GUERRE (extrait)

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Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’Exposition Zinoview – Cendrars : deux légionnaires dans la Grande Guerre. Regards croisés d’un peintre et d’un écrivain, présentée au musée de la Légion étrangère du 15 juin 2018 au 6 janvier 2019. Contributeurs au catalogue Patrick Carantino, légataire universel et spécialiste d’Alexandre Zinoview. Le commandant Yann Domenech de Cellès, conservateur du musée de la Légion étrangère Monsieur Thierry Jugan, collectionneur et consultant sur l’œuvre de Blaise Cendrars Lionel Rivière, Lieutenant de réserve Alexandre Sumpf, maître de conférences, Université de Strasbourg Laurent Tatu, professeur, Université de Franche-Comté, Besançon Musée de la Légion étrangère Le commandement de la Légion étrangère Le général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère Le colonel Thibault O’Mahony Colonel adjoint au général commandant la Légion étrangère Le lieutenant-colonel Jean-Philippe Bourban Chef de la division Rayonnement et Patrimoine L’équipe du musée de la Légion étrangère et du centre de documentation Le commandant Yann Domenech de Cellès, conservateur du musée de la Légion étrangère L’adjudant-chef Richard Nydrle, adjoint du conservateur Le capitaine Hugues Roy, chef du centre de documentation de la Légion étrangère Le major Fréderic Ambrosino, adjoint du chef du centre de documentation Le caporal-chef José Altur Le caporal-chef Pietr Bogdanov Le caporal-chef Lorent Csorba Le caporal-chef Jonathan Guilbert-Venuleth Le caporal-chef Jérémie Sehi Le caporal-chef Jan Sojka Le caporal Amrit Tappa Alexandre Audard Fanny Geoffray Laure Triolet Marie Zdyb

Commissariat d’exposition Le commandant Yann Domenech de Cellès, conservateur du musée de la Légion étrangère & Patrick Carantino, légataire universel et spécialiste d’Alexandre Zinoview Commissariat scientifique Anne Botella, consultante pour les archives relatives à Blaise Cendrars Patrick Carantino, légataire universel et spécialiste d’Alexandre Zinoview Thierry Jugan, collectionneur et consultant sur l’œuvre de Blaise Cendrars Alexandre Sumpf, maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Strasbourg Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coéditions : Véronique Balmelle Coordination éditoriale : Julie Pion Conception graphique : Marie Gastaut Contribution éditoriale : Julie Pion Fabrication : Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Scénographie L’atelier des charrons Mannequinage Raymond Guyader, spécialiste en uniformologie Service pédagogique Maryse Buffière de Lair, responsable du public scolaire Service communication de la Légion étrangère Capitaine Cédric Sabadotto Major Antonio Correia-Estradra Sergent-chef Benjamin Coureu Le musée de la Légion étrangère remercie pour leur soutien la direction des patrimoines de la mémoire et des archives, la Fondation du Crédit Agricole Alpes Provence, la Société des amis du musée de la Légion étrangère et le Foyer d’entraide de la Légion étrangère.

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Musée de la Légion étrangère, Aubagne, 2018

Dépôt légal : juin 2018 Imprimé en Union européenne

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ZINOVIEW CENDRARS DEUX LÉGIONNAIRES DANS LA GRANDE GUERRE

Regards croisés d’un peintre et d’un écrivain

Sous la direction de Patrick Carantino

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AVANT-PROPOS E

n ce centenaire de la Grande Guerre, le musée de la Légion étrangère s’honore de présenter le travail de deux artistes, le peintre Alexandre Zinoview et l’écrivain Blaise Cendrars, engagés volontaires dans la Légion dès août 1914. Blaise Cendrars fut un des signataires de l’appel du 1er août 1914 aux étrangers de France : « L’heure est grave [...]. Point de paroles, donc des actes [...]. Intellectuels, étudiants, ouvriers, hommes valides de toute sorte – nés ailleurs, domiciliés ici – qui avons trouvé en France la nourriture matérielle, groupons-nous en faisceau solide de volontés mises au service de la plus grande France. » Ils furent plus de 8 000, dont Alexandre Zinoview, à répondre à cet appel en août 1914 en s’engageant dans la Légion étrangère. Ces deux étrangers, résolus à défendre leur patrie d’adoption, sont aussi, par leur art, les témoins de tous leurs camarades légionnaires. En établissant un regard croisé entre leurs œuvres, en confrontant tableaux et récits, c’est bien de ces 30 000 étrangers engagés volontaires dans les rangs de la Légion étrangère pendant la Grande Guerre dont il est question et auxquels la Légion d’aujourd’hui veut rendre hommage. Ce musée de la Légion, rénové, est devenu en quelques années un pôle de culture et d’histoire incontournable. Sa vocation, outre d’être un sanctuaire légionnaire et d’offrir la mémoire glorieuse de son histoire, est aussi de parler de ses hommes, de la petite histoire au sens noble du terme. Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense, Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé N’est pas cet étranger devenu fils de France Non par le sang reçu mais par le sang versé ? Ces vers de Pascal Bonetti écrits en 1920 confirment la justesse du choix fait par le musée pour célébrer le centenaire de la victoire. La mise en valeur de ces témoignages singuliers, qui parlent des légionnaires plus que de la guerre, est un moyen d’offrir à un public de plus en plus nombreux un arrêt sur image sur une page de notre roman national, et d’illustrer par là même le récit glorieux de la Légion étrangère, sa mission et ses valeurs. Général de division Jean Maurin Commandant la Légion étrangère

À gauche • Fresque à la gloire de la Légion étrangère, 1918

Collection Paris-musée de l’Armée Distr. RMN-Grand Palais/Émilie Cambier. © P. Carantino

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SOMMAIRE AVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 LA RENCONTRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Patrick Carantino LE LÉGIONNAIRE ZINOVIEW . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Alexandre Sumpf BLAISE CENDRARS SOLDAT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Laurent Tatu BLAISE CENDRARS ET LA GRANDE GUERRE OU L’EXPÉRIENCE DE L’INNOMMABLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Thierry Jugan L’ENGAGEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 PREMIERS MOIS AU FRONT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 VIVRE LA GUERRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 LE TEMPS POUR SOI DU COMBATTANT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 L’HOMME BRISÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 LA LÉGION DANS LA GRANDE GUERRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 DE NEW YORK À QUÉBEC. RÉCIT DE LA TOURNÉE DE LA LÉGION EN AMÉRIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Commandant Yann Domenech de Cellès LE RÔLE MÉMORABLE DE LA LÉGION DE 1914 À 1918 . . . . . . . . . . . . . . 125 Lieutenant® Lionel Rivière BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 À gauche • La Carte d’état-major (détail) Champagne, 1916 Gouache vernie sur papier 22 × 25 cm Collection Historial de la Grande Guerre © P. Carantino

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LA RENCONTRE L

e 29 juillet 1914, deux jours avant la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, le poète d’origine suisse Blaise Cendrars rédige un appel, qui paraît dans tous les journaux de Paris, sommant tous les étrangers amis de la France de s’engager pour la durée de la guerre. D’origine russe, Alexandre Zinoview est l’un de ces étrangers parisiens. La veille, son ami le peintre mexicain Diego Rivera lui écrivait d’Espagne : « Mon cher Zinoview, si vous ne vous trouvez pas sur le “sentier de la guerre”, venez ici [...], car vous ferez la belle, solide et durable peinture post-cubiste, mais naturaliste, organisée, qui survivra, très au-dessus d’eux, aux querelles des hommes. » Quand il reçoit cette lettre, Zinoview a déjà décidé : le 24 août 1914, l’artiste, âgé de 25 ans, est devenu soldat. Il traversera les quatre années de la guerre et son talent s’en trouvera grandi de la nécessité qu’il ressent d’exprimer la réalité tragique des hommes : la peur, le froid, l’attente, le désir, la désillusion, la souffrance. Loin des peintres de l’épopée militaire, loin des artistes de la révolte se complaisant dans l’horreur, Zinoview se pose en implacable témoin de ces hommes en quête d’une réponse à l’effroi qui les traverse. Ce regard d’artiste fait écho à l’interrogation de Blaise Cendrars : « Un poète le fusil engagé dans un créneau et qui n’écrivait pas et qui cherchait ses mots pour définir les choses qu’il voyait de l’au-delà venir affluer à son créneau et s’y inscrire comme sur un petit miroir ou écran portatif. J’en avais le souffle coupé. Un œil témoin ? Une prise de conscience accusatrice ? Un automate ? On n’est pas neutre ! » Un poète qui se fera écrivain et que les souvenirs de la guerre ne lâcheront plus. Ainsi, ces deux étrangers installés sur le sol de France et à ce titre, engagés dans la Légion étrangère, se retrouvent tous deux mobilisés en octobre 1915 sur le front de Champagne où leur destin va se croiser. À la ferme de Navarin, Alexandre Zinoview fait office d’ambulancier ; Blaise Cendrars, blessé, vient y chercher secours. Le dessin daté du 22 octobre 1915, qui campe l’arrivée au poste de soin de deux soldats, dont l’un qui tient son bras pendant en lambeaux, établit le probable face à face entre les deux artistes ; car cette image représente Blaise Cendrars arrivé ici quelques jours plus tôt. Bien que cette plausible entrevue entre les deux hommes n’ait pu être effectivement établie, cette composition est à la fois l’origine et le cœur du projet de ce livre : la rencontre de Miriam Cendrars avec l’œuvre d’Alexandre Zinoview.

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Alexandre Zinoview, dernier transit à Mailly, 1917

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LE LÉGIONNAIRE ZINOVIEW A

lexandre Zinoview, comme le désignent les autorités militaires françaises, a débuté et terminé la Première Guerre mondiale dans les rangs de la Légion. Il sert comme simple soldat sous cet uniforme d’août 1914 à juillet 1915, et de novembre 1917 à février 1919. Zinoview – comme il signe ses œuvres – a connu deux passages fort différents à la Légion. En 1914, il n’est qu’un Russe parmi d’autres qui apprend le rude métier de combattant, se fait à la discipline de fer de la Légion et en adopte rapidement les codes. En 1918, il navigue entre les hôpitaux de Lyon et de Nice, pas vraiment réformé mais semble-t-il épargné, crée de nombreuses œuvres picturales, participe à l’effort de guerre dans la cohorte des intellectuels investis dans la mobilisation culturelle et la philanthropie. Dans l’intervalle, il a participé à deux épopées singulières engageant des Russes sur le front de France : l’Ambulance russe (d’août 1915 à juin 1916) et le Corps expéditionnaire russe en France (de juin 1916 à novembre 1917). C’est dans le cadre de la première expérience que se situe la coïncidence de destin avec Cendrars, au mois d’octobre 1915 dans la zone de combat de Navarin. Engagé volontaire pour la durée de la guerre Rien ne prédestinait Zinoview, né en 1889 à Moscou, à combattre en France pendant la Grande Guerre. Arrivé début 1909 à Montparnasse pour développer une carrière de peintre prometteuse, il n’a pas fait son service militaire ; après la déclaration de guerre, le blocus des frontières l’empêche de rejoindre l’armée du tsar. Certains

de ses compatriotes en profitent pour se soustraire à la guerre qui s’embrase, et ne seront contraints de faire un choix qu’au printemps 1915. Mais Zinoview prend la décision radicale de s’engager. Il serait naïf d’y voir uniquement le résultat de l’« Appel aux étrangers vivant en France » du 29 juillet 1914 signé par le poète suisse Blaise Cendrars et le critique italien Riccioto Canudo. Certes, leurs accents lyriques, typiques de la période initiale du conflit, ont pu toucher ce jeune homme sensible. Mais ce choix individuel ressort surtout de circonstances personnelles : Zinoview s’est présenté seul le 24 août aux Invalides, trois jours à peine après que le gouvernement ait autorisé les étrangers à se porter volontaires. D’autres artistes, souvent russes, l’ont fait, mais il ne les fréquente pas. Ses deux amis les plus proches connaissent un destin contrasté : le peintre français Berthold Mann, né en 1881, est mobilisé et part rapidement pour le front ; le Mexicain Diego Rivera, lui, préfère peindre et s’en ouvre à Zinoview depuis les Baléares : « Si vous ne vous trouvez pas sur le “sentier de la guerre”, venez ici aux îles paradisiaques […] vous vous trouverez sur le sentier de la paix et de la gloire car vous en ferez la belle et solide peinture pas cubiste mais naturaliste organisée ». Ce serait « épatant », insiste-t-il, quoique le cours des événements le fait « se sentir par moments vaguement mufle de ne pas faire de futurisme actif ». La lettre, datée du 23 août 1914 mais reçue bien après, arrive trop tard. L’engagement sous les drapeaux du pays de la Liberté peut constituer un acte politique, mais à la différence 11

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BLAISE CENDRARS SOLDAT B

laise Cendrars, citoyen suisse, qui réside à Paris depuis l’été 1912, fait partie des étrangers qui désirent combattre pour la France. Dès la montée inéluctable vers la guerre, à la fin du mois de juillet 1914, il fait part de son désir de s’engager et appelle à une large mobilisation des étrangers en faveur de la France. L’appel est donc cosigné par le poète italien Ricciotto Canudo, qui a créé, en 1913, la revue Montjoie, où parurent des poèmes de Cendrars. Le texte, qui regroupe, outre Canudo et Cendrars, quinze signataires est publié dans plusieurs journaux dont Le Gaulois, Le Figaro et Le Temps du 2 août 1914. Il comporte une formule prémonitoire pour Blaise Cendrars, futur amputé de guerre du membre supérieur : « Des étrangers amis de la France, qui pendant leur séjour en France ont appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde patrie, sentent leur devoir impérieux de leur offrir leur bras. » Blaise Cendrars devient officiellement un soldat au début du mois de septembre 1914 : « Le 3 septembre, dès l’ouverture des bureaux, je fus reconnu “bon” et signai mon engagement aux Invalides1. » À Paris, le nombre important de volontaires étrangers oblige à former un régiment de marche supplémentaire, appelé « Régiment de marche du camp retranché de Paris », et qui prendra secondairement le nom de « 3e Régiment de marche du 1er Régiment étranger ». Cendrars appartient désormais

À gauche • Cendrars engagé volontaire

à ce régiment, où les étrangers les plus représentés sont les Russes, les Italiens, les Alsaciens, les Polonais et les Suisses. Le 24 novembre 1914, le régiment de Cendrars quitte enfin la caserne d’instruction de Rueil pour le front. La troupe part vers le nord de la France en direction de la Somme. Le départ est attendu avec impatience car la tension est devenue palpable dans les rangs. La première étape emmène le régiment vers Ecouen, dans le Val-d’Oise actuel. Après un long trajet à pied, le régiment de Cendrars reste stationné à Ignaucourt, du 5 au 8 décembre 1914, et pratique des exercices d’entraînement et des marches. Un hiver dans les marais de la Somme Le 9 décembre 1914, le bataillon de Cendrars quitte Ignaucourt pour Cappy avec pour objectif d’aller occuper les tranchées à proximité des marais de la Somme dans le secteur des villages de Frise, d’Eclusier et de Dompierre-en-Santerre2. Le régiment de Cendrars, désormais rattaché à la 28e Division d’infanterie, occupera cette zone durant l’hiver 1914-1915. Cendrars arrive dans ce secteur le 11 décembre 1914, alors que le système des tranchées est devenu l’unique champ de bataille des soldats. Le front est désormais fixé de manière continue sur plus de 700 kilomètres de la mer du Nord à la Suisse. Durant ce premier séjour dans les tranchées, du 11 au 13 décembre 1914, la compagnie de Cendrars occupe le secteur D de premières lignes à l’est du village d’Eclusier, entre la route reliant les villages de Cappy à Herbécourt et la Somme, qui comprenait en 17

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BLAISE CENDRARS ET LA GRANDE GUERRE OU L’EXPÉRIENCE DE L’INNOMMABLE A

vant que « Le rideau se déchire », que retentissent les canons, que « Tout pète, craque, tonne, tout à la 1 fois », Blaise Cendrars, citoyen suisse en rupture de ban, qui de rupture en rupture a rompu avec un pays trop sage, trop étriqué pour son sang bouillonnant, a couru, comme pour s’en départir, « dans la cage des méridiens2 », de la Russie à l’Amérique, et qui, pour en consommer la rupture, s’est fait « un nom nouveau3 » ; Blaise Cendrars, de braises et de cendres ardentes, pseudonyme foudroyant pour abjurer et réduire en cendre celui qu’il fut : ce Frédéric Louis Sauser né, en 1887, de Georges Sauser et de Marie-Louise Dorner ; Blaise Cendrars, tel le phénix ressuscité de ses cendres, en homme nouveau hante Paris depuis l’été 1912 (fig. 1 et 2). Pauvre Rastignac en mal de reconnaissance, il y vit d’expédients, balloté d’un lieu à l’autre, sans appui, sans ami. Pourtant, dans son guignon, il croise Emil Szittya, un jeune écrivain hongrois de sa connaissance. Et c’est avec lui et Marius Hanot, un autre compère, qu’il crée la revue franco-allemande Les Hommes nouveaux (fig. 3). Le premier numéro, et le seul paru, publie quatre textes de Cendrars. En attendant, il y en a un qu’il aimerait voir publié : « Les Pâques ». À l’été 1912, il a déposé le manuscrit au Mercure de France, à l’attention de Guillaume Apollinaire. Point de réponse. En octobre, le manuscrit lui est renvoyé. Aussi, décide-t-il de le faire paraître

Fig. 1 • Blaise Cendrars après son amputation

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Fig. 2 • Livret militaire du caporal Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars, homme de lettres.

Fig. 3 • Les Hommes Nouveaux Paris, série III, n° 1, oct. 1912.

lui-même. C’est la première publication hors-série de la revue Les Hommes nouveaux. S’y retrouvent, mêlés à des textes tirés de ses carnets, les souvenirs de ce qu’il a vécu à New York, cette vie des pauvres comme lui, pauvre poète errant qui, au sein d’une ville inhumaine et mécanique, vit, à l’imitation du Christ, sa propre Passion. Les Pâques, qu’Apollinaire finira par reconnaître comme « meilleur poème présenté au Mercure durant ces dix dernières années4 », fait entrer de plain-pied le poète dans l’avant-garde parisienne. Il en rencontre en effet les principaux acteurs, parmi lesquels Sonia Delaunay avec qui le poète mettra au point cette extraordinaire prouesse simultanée : la Prose du Transsibérien et de la petite

Jehanne de France, qui paraitra en novembre 1913, aux Éditions des Hommes nouveaux. Là, plus aucun doute, la Prose ancre définitivement, s’il le fallait, le poète dans la modernité, celle d’un formidable poème épique, dans lequel le vers disparaît au profit de la transcription syncopée des sensations, qui nous fait traverser la Russie à bord du Transsibérien en compagnie de Blaise, le « si mauvais poète5 » et d’une petite prostituée, sainte tout à la fois, Jeanne, la petite Jehanne de France. C’est également une formidable aventure éditoriale, où le texte de Cendrars, imprimé en plusieurs couleurs, à l’aide d’une dizaine de corps et caractères différents, et les compositions colorées au pochoir de Sonia Delaunay se répondent en simultané sur un dépliant, à la chinoise, composé de quatre feuillets collés, qui, déployé, atteint une hauteur de 2 mètres, soit la hauteur de la tour Eiffel en mettant bout à bout les 150 exemplaires prévus. Las ! Il n’y en aura, en tout et pour tout, qu’une soixantaine de montés. Mais n’est-ce pas suffisant pour faire de ce livre l’un de ceux qui ont bouleversé l’histoire de l’édition, un incunable, comme d’aucuns disent, du XXe siècle ?

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L’ENGAGEMENT P

our Alexandre Zinoview et Blaise Cendrars, tous deux étrangers et participant à l’aventure artistique de l’avant-garde parisienne, s’engager volontairement dans le conflit est un choix courageux, radical, tant pour leur vie d’hommes que pour ce que deviendra leur art. Même si leur destinée de soldats, intégrés dès août 1914 dans la Légion étrangère, diverge – Cendrars blessé la quittera en 1915 alors que Zinoview y restera toute la durée de la guerre –, leurs expériences concordent et dialoguent dès le jour de leur engagement. « Je m’étais engagé... et j’étais prêt à aller jusqu’au bout de mon acte ». La formule de Cendrars s’applique également aux deux hommes et prend une double signification : celle d’être soldat et comme tel de se battre – tous deux seront décorés de la Croix de Guerre – et celle d’être témoin et d’engager dans cette œuvre toute l’acuité et la force de leur humanité. Mais c’est parce que ces deux hommes sont déjà munis d’un métier et d’une poétique propre que, traversés par la guerre, ils peuvent en rendre compte. Au regard de l’artiste, la guerre est d’abord un théâtre stupéfiant : « Cela tenait de l’opéra et de la prestidigitation », écrit Cendrars, et dans un des premiers dessins de Zinoview, un mage surplombe la mêlée des combattants. Pourtant, très vite, Zinoview évoque l’horreur du spectacle par une composition macabre : La mort soulève le rideau et Cendrars pousse un cri : « J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. » Zinoview campe le portrait de son légionnaire devant des ruines, dans la fureur enflammée d’un ciel déchiré. C’est à Navarin, en Champagne, que leur improbable rencontre se noue : Cendrars blessé et Zinoview mobilisé à l’Ambulance russe. Zinoview dépeint ostensiblement la scène de l’arrivée de Cendrars, le « bras droit tout ruisselant de sang, un bras droit sectionné au-dessus du coude » dans le dessin La main coupée, tandis que Cendrars, de façon détournée, évoque sa blessure et transforme sa propre souffrance en allégorie par le récit énigmatique et inquiétant d’une main tombée du ciel échouant à ses pieds, alors même qu’« il n’y avait pas eu un coup de canon de la matinée ».

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rion C’est mon étoile Elle a la forme d’une main C’est ma main montée au ciel Durant toute la guerre je voyais Orion par un créneau Quand les Zeppelins venaient bombarder Paris ils venaient toujours d’Orion Aujourd’hui je l’ai au-dessus de ma tête Le grand mât perce la paume de cette main qui doit souffrir Comme ma main coupée me fait souffrir percée qu’elle est par un dard continuel Poème « Orion », Au cœur du monde, Feuilles de route

Les mains qui parlent

Champagne, 1916 Dessin à l’encre aquarellé sur papier 16 × 15 cm Collection P. Carantino

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L’ENGAGEMENT

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PREMIERS MOIS AU FRONT C

ette étape retrace l’initiation de la jeune recrue confrontée à une réalité nouvelle, celle imposée par l’implacable et monstrueuse sangsue : la guerre. « On est puceau de l’horreur comme on l’est de la volupté » dira Céline dans Voyage au bout de la nuit. C’est bien de la perte de virginité du jeune soldat dont il s’agit, celle d’un homme soudain traversé par un conflit qui, de jour comme de nuit, occupe, habite, envahit, tous les interstices de son corps et de son esprit.

« Attendre. Guetter, patienter », traverser « la nuit si angoissante sur la ligne de front », « sous la voûte des obus », savoir que « cela se précise » et puis vient la première attaque, L’Heure H, titre du dessin de Zinoview. Ainsi, note Cendrars, « En trois mois les horreurs de la guerre avaient déjà marqué bon nombre d’adolescents » et le conseil de l’adjudant – « N’en fais pas plus qu’on te le demande si tu tiens à sortir vivant de cette guerre » – a certainement déjà perdu de son sens. Quand Zinoview dessine le premier mort au képi rouge enterré au surplomb de la tranchée, la réalité tragique, saisie au premier degré, vibre à fleur de peau. L’engagé sait maintenant ce qu’exige de lui le métier d’homme de guerre.

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PREMIERS MOIS AU FRONT

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ttendre. Guetter. Patienter. Ne pas perdre son sang-froid. Attendre que l’ennemi se révèle. Pas un bruit ne venait du petit ouvrage d’en face. Et comme le temps s’écoulait lentement et passait sans même l’écho d’un train ou du roulement sourd du ravitaillement perdu loin derrière les lignes comme on le perçoit souvent la nuit, un brouillard s’éleva du sol, étouffant tout, et j’avais l’impression que la machinerie de la guerre était à l’arrêt et que la suite ne dépendait plus que de nous deux, qui étions là, à l’affût. La main coupée, « Faire un prisonnier »

La sentinelle

Cire et pigments à l’huile, vernis sur bois 28 × 24 cm Collection Historial de la Grande Guerre © P. Carantino

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PREMIERS MOIS AU FRONT

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VIVRE LA GUERRE V

ivre la guerre décline le catalogue des épreuves que les hommes ont à affronter, les durs devoirs du soldat pris dans la matérialité d’un conflit qui s’éternise en une guerre de position. Sur un front qu’on tente de temps en temps de rompre, même pendant l’accalmie, le roulement de la guerre n’en demeure pas moins présent, comme « le bercement de l’océan ». La guerre, c’est le va-et-vient sans cesse des « longues nuits d’étape », les marches sous la pluie, l’âpreté du froid, du gel, l’appréhension et la terreur des gaz, et les hommes soufflés par les obus. Dans un paysage devenu apocalyptique, l’homme épuisé scrute son destin inscrit dans le creux de sa main, « la ligne de chance » qui le maintiendra peut-être vivant.

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uit particulièrement maudite, entre cent autres pareilles, nuit d’étape forcée, sans arrêt, sans pause, sans cantonnement au bout. Personne ne sait où l’on va. On déménage sans rien déménager, trimballant partout le lourd fardeau kilométrique et ses jambes lasses de soldat. La main coupée

La nuit d’étape

Champagne, 1916 Dessin à l’encre aquarellé et verni 19 × 17 cm Collection P. Carantino

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ZINOVIEW/CENDRARS

LE TEMPS POUR SOI DU COMBATTANT L

es moments d’assauts ne sont qu’une parcelle de l’immensité de la guerre et le temps pour soi du combattant forme un entre-deux pendant lequel la vie s’escrime à retrouver ses droits. La première image invoquée est donc celle du Printemps, comme un fil ténu de l’espérance. Aux bruits de la guerre, l’homme tente d’opposer la gaîté du chant, et trompe l’ennui au son des mélodies nostalgiques de l’accordéon.

De façon tenace, l’attente au front exacerbe les frustrations. Le besoin de tendresse d’abord que l’on s’évertue à verbaliser sur un bout de papier d’une écriture serrée, guettant fiévreusement le courrier de retour. Le désir du féminin habite les rêveries, comme l’offensive de la chair hante la nuit du soldat. Le mage de Zinoview réapparaît au milieu des visions charnelles, comme venu poser l’impérieuse question pour chaque homme du sens de sa vie. Mais la réalité du quotidien est souvent plus triviale, le besoin de boire, de s’enivrer pour s’abstraire à l’angoisse. Et parce qu’on s’écrit beaucoup entre soldats, il y a les nouvelles des copains blessés partis en convalescence ou devenus inaptes. Vient enfin le temps de la permission : « On était heureux d’être là » dit Cendrars – alors que le regard du permissionnaire dessiné par Zinoview, porte l’effroi de se sentir exclu des plaisirs insouciants de l’arrière et de subir la cruelle solitude du soldat séparé de ses camarades de combat.

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’odeur des femmes montait jusqu’à nous. C’était le printemps. Il n’y avait pas tout à fait un an que nous étions soldats, nous, les plus vieux, et déjà nous avions appris à désespérer de tout, nous les survivants. Environ deux cents hommes avaient déjà défilé dans mon escouade. Je ne croyais plus à rien. Mais qu’il me semblait bon… vivre ! La main coupée, « L'offensive du printemps »

Fantasme

Champagne, 1916 Gouache sur papier 22 × 21 cm Collection Historial de la Grande Guerre © P. Carantino

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u « regard hâve » à la « poitrine creusée » et aux « bras décharnés », les images et les textes en un long crescendo évoquent l’appréhension paralysante de « la peur », l’angoissante prémonition par le soldat de sa mort prochaine, jusqu’aux cris de Van Lees « qui duraient encore, alors que le corps volatilisé depuis un moment n’existait déjà plus ». « Le sang qui pissait, le froid qui me gagnait et la peur soudaine, la frousse intense de crever là, sur mon brancard ». Cette fois Cendrars parle de sa propre souffrance. Blessé, évacué, puis amputé, mais vivant. Les images de Zinoview et les textes de Cendrars atteignent ici une force évocatrice bouleversante, faisant de leur témoignage un réquisitoire intemporel, qui rend hommage à tous les hommes saisis et inexorablement meurtris par la guerre.

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N

om de Dieu, qu’est-ce qui avait bien pu m’arriver ? J’allais mourir. Je ne souffrais pas. Le sommet du crâne me brûlait. Mon cerveau était en feu. Je voyais rouge. Mais cela me poissait les paupières et je ne pouvais pas ouvrir les yeux […]. Oui, j’étais bien mort ou tout au moins en train de crever pour de bon, lentement, sûrement, et je tournais de l’œil quand une douleur fulgurante m’a fait revenir à moi. C’était ce bondieu d’obus qui m’a emporté la jambe qui m’avait déterré et envoyé dinguer à cent mètres. Alors, je me suis mis à gueuler. Oh, veine ! Ma voix sortait et l’on est venu me ramasser. La main coupée, « Garnero »

La souffrance

Crayon et aquarellé sur papier 27 × 22 cm Collection P. Carantino

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LA LÉGION DANS LA GRANDE GUERRE

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LA LÉGION DANS LA GRANDE GUERRE

La Carte d’état-major

Champagne, 1916 Gouache vernie sur papier 22 × 25 cm Collection Historial de la Grande Guerre © P. Carantino

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DE NEW YORK À QUÉBEC RÉCIT DE LA TOURNÉE DE LA LÉGION EN AMÉRIQUE

«I

l faut jeter dans la balance notre or, nos navires, notre sang » avait proclamé le président Wilson. L’entrée en guerre des États-Unis ayant été décidée par le Congrès le 6 avril 1917, dès le 24 fut lancé le premier appel à la générosité du peuple américain pour financer l’effort de guerre en Europe. Les deux premiers emprunts passèrent relativement inaperçus et les sommes collectées furent modestes, inférieures à celles espérées. C’est pourquoi lors du troisième emprunt, le Department of State eut l’idée de faire venir de valeureux soldats français. Ce fut un détachement de chasseurs alpins que l’on désigna pour cette mission. Les « diables bleus », avec leur coiffe si singulière, débarquèrent à New York le 1er mai 1918 et reçurent les ovations joyeuses d’une foule en liesse (fig. 1). Le résultat fut un réel succès, quatre milliards de dollars au lieu de trois escomptés. L’effort de guerre américain s’intensifia et les contingents arrivèrent désormais en Europe. Aussi, la décision fut prise d’organiser un quatrième Liberty Loan avec comme objectif la levée de plus de 6 milliards de dollars, soit 30 milliards de francs (fig. 2). Pour mener à bien cette quatrième opération de collecte, les autorités militaires françaises décidèrent d’envoyer aux États-Unis l’unité de ses plus valeureux soldats, ceux de la Légion étrangère. Deux documents nous ont permis de reconstituer l’aventure américaine de la Légion étrangère : tout d’abord, la lecture du compte rendu officiel de cette mission, le rapport À gauche en haut, fig. 1 • Défilé du détachement de

la Légion étrangère à la Nouvelle-Orléans.

On reconnait Zinoview sur le deuxième rang de la première colonne. À gauche en bas, fig. 2 • Lancement du 4e Liberty Loan à

la Nouvelle-Orléans.

On aperçoit Zinoview à gauche du drapeau du 1er Régiment étranger.

Fig. 3 • Le capitaine Chastenet de Géry à la NouvelleOrléans, le 23 octobre 1918.

du capitaine Chastenet de Géry qui consigne avec précisions le déroulé des événements et constitue la trame de notre propos (fig. 3). Puis, la traduction récente des écrits du carnet d’Alexandre Zinoview, qui en relatant les étapes parcourues lors du voyage aux États-Unis, établit le baromètre au quotidien de l’état d’âme du légionnaire et livre ses sentiments avec force et vérité. Le 19 août 1917, à la demande du président du Conseil, le général Cottez, directeur de l’Infanterie, annonce la mobilisation de la Légion : « J’ai décidé, à la demande de M. Tardieu, commissaire Général aux affaires de guerre franco-américaine, que deux détachements de Légion étrangère seraient envoyés aux États-Unis pour concourir à la campagne de publicité du prochain Liberty Loan. » Cette mission est préparée à la hâte. Pour former ce détachement, le commandement fait appel au 1er Régiment étranger de Sidi-Bel-Abbès, au 2e Régiment étranger de Saïda et au dépôt du Régiment de marche de la Légion étrangère de Lyon, dans lequel se trouve Zinoview depuis sa réintégration dans la Légion étrangère. Il y 117

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LE RÔLE MÉMORABLE DE LA LÉGION DE 1914 À 1918 E

ntre le 21 août 1914 et le 1er avril 1915, plus de 25 000 étrangers se portent volontaires. Le 3 août 1914, la Légion étrangère fut autorisée à pourvoir à l’engagement de ces volontaires pour la durée de la guerre, auxquels viendront s’amalgamer des unités prélevées en Afrique du Nord, mais aussi d’anciens légionnaires. Originellement, deux régiments furent constitués : le 2e Régiment de marche du 1er Régiment étranger et le 2e Régiment de marche du 2e Régiment étranger, respectivement intégrés à la Division marocaine et à la 32e Division d’infanterie puis envoyés à l’instruction au Camp de Mailly sur les départements de l’Aube et de la Marne. C’est en janvier 1915 qu’ils acquièrent l’apprentissage du feu. Devant l’afflux de volontaires, est créé le 4 septembre 1914 « le Régiment de marche de la Légion étrangère du camp retranché de Paris », qui prendra par la suite l’appellation de 3e Régiment de marche du 1er Régiment étranger, rattaché à la 56e brigade. Enfin, le 5 novembre 1914, le 4e Régiment de marche du 1er Régiment étranger fut constitué par plusieurs Italiens, leur pays étant resté neutre. Ce fut notamment le cas de Lazare Ponticelli, arrivé en France à l’âge de 9 ans, qui mentit sur son âge – 17 ans – afin de pouvoir s’engager. Ces Garibaldiens, emprunts de romantisme, furent placés sous le commandement du lieutenant-colonel Guiseppe Garibaldi dit Peppino, fils du « héros des deux mondes ». Au final, ce sont donc quatre régiments de la Légion qui furent constitués à la fin de l’année 1914, et progressivement engagés contre les Allemands. Page de gauche • Projet d’affiche pour la Légion étrangère. Dépôt de Lyon 1918 © P. Carantino

La Légion au combat Ce serait une véritable gageure que de vouloir présenter l’ensemble des engagements de la Légion. Certains cependant, notamment en raison de leur dimension sacrificielle, sont entrés de plain-pied dans le grand geste de la Légion étrangère. Ce fut particulièrement le cas de l’éphémère 4e Régiment de marche du 1er Régiment étranger qui fut utilisé comme unité d’assaut dans le bois de Bolante en Argonne, de la fin du mois de décembre 1914 à janvier 1915. Il perdit en quelques jours un grand nombre des siens et fut dissous le 5 mars 1915, quelques semaines avant l’entrée en guerre de l’Italie au côté des Alliés. Les autres régiments de la Légion connurent également le prix du sang. Ce fut notamment le cas du 2e Régiment de marche du 1er Régiment étranger qui se vit engagé à Neuville-Saint-Vaast puis dans les rudes combats du ravin de Souchez en Artois, au printemps 1915. Son drapeau reconstitué fut décoré

Prisonniers allemands Champagne, 1915

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