DYNAMIQUES DU RECYCLAGE SPONTANÉ Regards croisés sur les villes de Montevideo, et Paris au XIXe
Fernandez Lucía Projet Fin d’Etudes - men!on recherche Directeur d’étude: Patrick Thépot Responsable du Master «Aedifica"on-Grand territoires-Villes» Françoise Very Laboratoire des mé"ers de l’histoire de l’architecture École Na"onale Supérieure d’Architecture de Grenoble septembre 2010
Lucía Fernandez Projet de Fin d’Études - mention recherche École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble septembre 2010
DYNAMIQUES DU RECYCLAGE SPONTANÉ Regards croisés sur les villes de Montevideo, et Paris au XIXe
Directeur d’étude Patrick Thépot Responsable du Master «Aedification-Grand territoires-Villes» Françoise Very
Membres du Jury Bénédicte Chardon, architecte DPLG Guy Desgrandchamps, architecte MA TPCAU Catherine Maumi, architecte MA HCA HDR Pascal Rollet, architecte Prof. TPCAU Patrick Thépot, architecte MA TPCAU Françoise Very, architecte Prof. TPCAU Aysegül Cankat, architecte MA TPCAU France Laure Labeeuw, architecte DPLG Sophie Paviol, architecte MA HCA
1. INTRODUCTION
5
1.A. Remerciements
6
1.B. Préambule...9 années après
8
1.C. Méthode et démarche 1.C.1. L’expérience et la transversalité comme fondement de la réflexion 1.C.2. Recourir à l’histoire, pour reconstruire notre présent et repenser notre avenir 1.C.3. Les méthodes de transformation du déchet
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1.D. État de lieux: Gestion de déchets 1.D.1. Le phénomène des déchets et sa disparition transformation 1.D.2. Production des déchets comme enjeux mondiaux (et climatiques). 1.D.3. Le fonctionnement générique d’un système composé par deux dynamiques 1.D.4. Relation richesse-déchets et pauvreté-recyclage 1.D.5. Les populations redondantes d’une planète urbaine comme déchets humains
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1.E. Enjeux et problématiques 1.E.1. Les points de contact entre les deux dynamiques et la rupture des frontières urbaines 1.E.2. Modernisation du système de gestion de déchets 1.E.1. Tabula rasa-modernité et pauvreté
26
1.F. Positionnement possible: l’inversion du regard 1.F.1. Les déchets humains et l’auto-récupération de soi: autopoïèse et spontanéité territoriale.
36
2. LA VILLE DE MONTEVIDEO
44
48 2.A. À travers deux coupes historiques 2.A.1. Ville Territoire et Loi des Indes 2.A.2. L’application d’un modèle à un territoire: le cas de Montevideo 2.A.3. La Grande Guerre comme une configuration singulière 2.A.4. Le système de communications dans l’Uruguay de la Grande Guerre 58 2.B. À travers ces territoires spontanées 2.B.1. Croissance : contrôlée ou spontanée? 2.B.2. L´histoire et la caractérisation actuelle 2.B.3. Les chiffres, démographie et croissance 2.B.4. La configuration territoriale 2.B.5. Les deux villes dispersées: guerre réelle et guerres symboliques
3.
L’ ILLUSION DU CERCLE PARFAIT: LE RECYCLAGE SPONTANÉ
78
3.A. Présentation des dynamiques simultanées de gestion des déchets 84 3.A.1. Histoire de la dynamique spontanée de recyclage 3.A.2. Actualité du système dans la même ville 3.A.3. Les deux dynamiques en chiffres 3.A.4. La gestion de déchets et la crise des institutions face à la spontanéité. 3.A.5. Certains réponses spatiales au “problème de l’informel dans la gestion de déchets” 3.A.6. La spontanéité comme condition durable du système laisser fairelaisser passer 3.A.7. La Territorialité des dynamiques: le site de disposition finale de déchets et le travail associatif des ramasseurs à travers quatre coupes historiques 3.B. Externalités spatiales et territoriales du recyclage spontané 3.B.1. Cartographie des dynamiques du recyclage spontané 3.B.2. La ligne imaginaire du recyclage dans un quartier 3.B.3. L´abécédaire: trois exemples concrets en vingt-neuf lettres 3.B.4. Conclusions programmatiques 3.B.5. Construction d’une problématique
4.
LA RENCONTRE FORTUITE AVEC PARIS, IL Y A CENT QUARANTE ANS
114
140
143 4.A. Les espaces de malodeur 4.A.1. Présentation à travers Isidore Ducasse 4.A.2.La « zone de non droit », alimente tous les fantasmes 4.A.3. Le cycle du «dehors dedans» 4.A.4. Hétérotopies de déviation 4.A.5. «Les pauvres zoniers» 4.B. Le nez du roi 4.B.1. Les stratégies de la désodorisation: paver, drainer, ventiler, désentasser, désinfecter 4.B.2. Les ennemis de l’hygiène: les chiffonniers parisiens. 4.B.3. Les dynamiques spontanées du recyclage à la fin du XIX e à Paris 4.B.4. Les hétérochronies et les stratégies de modernisation 4.B.5. Des pistes de réflexion
158
5. PROTOCOLE D’INTERVENTION
176
5.A. La boite à outils 5.A.1. L’ écosophie comme outil de pensée projectuelle 5.A.2. La déconstruction programmatique comme stratégie du projet 5.A.3. Une autre rencontre avec les ramasseurs
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5.B. Les actions pour augmenter la performance du recyclage spontané 5.B.1. Récupérer La phyto-récupération et ces applications/possibilités L´exemple Juan Cacharpa et la décharge officielle 5.B.2. Étaler Possibilités selon surface disponible et type d’étalement. Zoom sur deux types d’étalement possibles et éventuel couverture 5.B.3. Couvrir exemples de types de couverture, matériaux et structures en bois 5.B.4. Stocker Augmentation direct du prix payé 5.B.5. Traiter Compostage en tas Bio-digesteurs
190
246 5.C. Vers une métamorphose 5.C.1. Le protocole comme dispositif en fonctionnement. 5.C.2. Agrégation, le dispositif dans un lieu spécifique. 5.C.3. Temporalités: protocole constructif en étapes progressives et avec engagement des usagers. 5.D. Scénarios: mise en réseaux prospectifs du protocole 5.D.1.. Utopiste 5.D.2. Fataliste 5.D.3. Ecotopiste
256
5.E. Système: le Protocole dans la ville à travers le scénario ecotopiste
264
5.F. Montopie: une ville de survie soutenable
266
6. BILAN 7. BIBLIOGRAPHIE 8. ANNEXES
272 274 279
1.
I N T RO D U C T I O N
1.A Remerciem ents 1.B Préam bule
1.D
1.F
1.C Méthode et Démarche
É tat d e l i e u x : G e st i o n d e d é c h et s E njeux et problém atiques Po s i t i o n n e m e nt p o s s i b l e : l ’ i nvers i o n d u rega rd
1.E
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
1.A
Rem erciem ents
Je voudrais remercier toute l’équipe du Master «Aedification-Grands territoires-Villes», Françoise Very et Patrick Thépot qui m’ont encouragée et suivie tout au long de l’élaboration de mon diplôme, Sophie Paviol et Catherine Maumi pour avoir animé mon parcours recherche, France Laure Labeeuw et Aysegül Cankat pour avoir partager leur regard architectural notamment dans notre premier semestre; et l’École d’Architecture de Grenoble pour m’avoir permis de réincorporer à l’architecture tout un parcours d’expérience . Je voudrais remercier mes parents, pour m’avoir fait confiance dans ma dérive depuis toutes ces années, à mes amis d’Uruguay pour avoir compris l’importance de finir mon diplôme, et à Thomas pour être toujours là... À tout ces amis qui m’ont aidée avec la difficile écriture du français, Jonhatan, Thomas, Yann, Valerie, Françoise, un très grand merci. Je tiens à remercier à Eduardo, Jorge, Lucia, Pablo, et tous mes amis et collegues de Montevideo pour m’avoir confié leurs données et fait partager leurs connaissances. Une reconnaissance à tous mes collègues de travail et chercheurs passionnés par le même sujet, avec lesquels j’ai partagé aussi des heures de réflexion et tous les membres de mon association WIEGO. Et surtout un grand merci à tous ces ramasseurs qui, au long de ma démarche, m’ont appris et qui m’apprendront encore tant de choses concernant le recyclage spontané qu’ils mettent en place dans plusieurs villes du monde, Montevideo, Bogota, La Serena, Porto Alegre, Natal, San Pablo, San Juan de Puerto Rico, Lima, Buenos Aires, Afrique du Sud, Ankara, Paris, Puna, Mumbai, Ahmedabad, Delhi, et tant d’autres.
6
Pour Abel, Eduardo, Nohra, Silvio, Exequiel, Alex, Severino, Dudu, Madalena, Mariny, Marcelo, Cristina, Mohamed, Baby, et tous ces milliards de ramasseurs qui trient les dÊchets de notre planète.
7
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
1.B
P réamb u le. ..9 années après
Les souvenirs sont des bouts de passé récupérés par la mémoire. Gérard Bertolini Ce mémoire est en fait le résultat d’une démarche personnelle très singulière, qui commence deux années après mon entrée à la Faculté d’Architecture d’ Uruguay. Depuis mes premiers cours suivis dans ce très accueillant établissement, qui demandait en moyenne douze années pour finir le diplôme d’architecte, j’avais l’impression que quelque chose me dérangeait et en même temps me poussait à continuer : les murs de l’académie étaient très épais, et cette épaisseur ne nous permettait pas, à l’époque, de regarder les choses qui se passent juste dehors, mais au contraire, nous laissaient très fidèles aux tendances architecturales contemporaines du monde entier, et notamment celles provenant d’Europe. Nous avons des étudiants qui connaissent en détail la dernière œuvre de Jean Nouvel, mais qui ne connaissent pas leur ville plus de trois kilomètres autour de leur quartier et de leur lieu d’études. J’avais toujours face à cette réalité, constaté pour moi mais aussi pour d’autres étudiants de la Faculté, une certaine résistance, surtout à croire que nous pouvions un jour construire de gigantesques bâtiments comme le faisaient les architectes «stars» que nous devions étudier à l’époque. Nous n’avions pas les moyens économiques ni culturels pour le faire, notre ville étant, après les années 50, inscrite dans des processus de contraction, et les investissements dans l’architecture de grande et moyenne échelle étant très rares, et centrés, surtout après les années 80, dans le marché spéculatif immobilier de notre expansion côtière vers l’est. Comment faire en sorte que cette réalité ne nous transforme pas alors en étudiants frustrés face à l’impossibilité d’appliquer tout ces connaissances très bien acquises? 8
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
On lui a appris à l’école, comment vivait l’habitant, non pas l’habitant spécifique, particulier, qui utilisera le bâtiment à construire, mais l’habitant moyen, celui qui n’existe pas!. Yona Friedman, 19781 Cette question et cette résistance aux modes d’enseignement européanisés fut créatrice d’un groupe d’étude et de discussion parmi ces étudiants qui croyaient en la réalité locale de notre ville. Montevideo mérite des analyses plus complexes et des échelles plus raisonnables que celles présentées dans nos revues d’architecture préférées. Nous avons commencé une démarche parallèle à celle établie pour notre système d’études, et peut être n’avons nous pas eu conscience de ce que cela apporterait à nos vies et à la longueur labyrinthique de notre carrière. J’ai eu dans cette démarche parallèle, toujours avec un pied entre les murs épais de l’académie et un pied dans ma passion pour la vie des rues de ma ville, des rencontres qui ont profondément changé, affecté, et enrichi ma vision de l’architecture comme telle. Celui qui allait marquer ces neuf dernières années de ma vie et, parallèlement, ma dérive académique est un ramasseur de déchets dans la banlieue ouest de Montevideo. C’est de l’espace du dehors que je voudrais parler maintenant. Michel Foucault, 1967 2
v photographie prise en 2003, rivière du quartier Casabo (L.Fernandez). 1 L’architecture de survie,une philosophie de la pauvreté. éd. De l’éclat, Paris, 2003, p.21 (1er édition 1978.) 2 Des Espaces Autres, Hétérotopies, Paris, 1967. 9
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
Nous avons à l’époque, en 2001, avec ce groupe d’étudiants d’architecture intéressés par ces espaces du dehors, produits sans architectes et à travers des processus spontanés, l’idée de mettre en place un atelier d’action urbaine. Nous avons donc réalisé une rencontre Latino-américaine d’étudiants d’ architecture, dans un quartier informel, l’un des plus grands et anciens établissements spontanés de la ville de Montevideo, le quartier de Casabo. Les conditions du quartier étaient pour nous très préoccupantes au niveau de la santé de l’environnement de ces habitants : la petite rivière qui le traverse est occupée dans toute sa longueur d’une épaisseur de petits logements faits à partir de la récupération des matériaux, là où habitent la grande majorité des ramasseurs de la zone. Ces derniers trient les déchets collectés dans leurs maisons, certains d’entre eux pratiquent l’élevage, et presque tous jettent dans l’eau qui coule derrière ces maisons, toutes sortes de débris : les déchets propres, les restes des déchets triés mais pas vendables au marché, leurs propres eaux usées, etc. La situation ressemble à celle de la grande majorité des bidonvilles dans le monde : des conditions de vie matérielle et existentielle précaires, apparemment instables, génératrices de situations environnementales, sociales et politiques conflictuelles et potentiellement risquées, le tout produit par une économie mondiale créatrice d’exclusion économique et territoriale, schéma en expansion exponentielle au cours des dernières décennies. L’atelier d’action urbaine proposé a eu lieu avec beaucoup d’enthousiasme, les défis à penser étaient multiples, et notre désir de bons élèves d’architecture d’améliorer les conditions du quartier a été suivi par tous les voisins et leur courage pour réfléchir aux possibles solutions. Un de ces voisins était un ramasseur de déchets et son travail consistait en la collecte, le tri, la vente et la récupération de ces derniers. Il a posé, pendant notre atelier urbain, une question qui, à travers sa simplicité et sa profondeur, fait partie de moi désormais: «Pourquoi ne pouvonsnous avoir, dans le quartier, un espace de travail, un toit, où nous rencontrerions les ramasseurs pour séparer nos déchets collectés, où la mairie pourrait nous débarrasser des restes qui ne sont pas récupérables, ainsi la rivière et nos maison ne seraient pas pollués à ce point?»
10
vphotographie prise en 2003, Lucia et Abel (G.Bustillo).
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
Ma rencontre avec Abel a été le déclencheur de ma passion de ces dernières années : les déchets et l’informel dans les villes, et notamment ces travailleurs qui ont comme matière première de leur travail notre propre déchets. Je ne me suis jamais débarrassé de sa simple question, et ma dérive de presque une décennie se ré-boucle et trouve sa question fondamentale à travers ce « projet de fin d’études»: Est-il possible de potentialiser le système de recyclage des déchets à travers de petites interventions spatiales qui améliorent leurs performances, réduisent les externalités spatiales et transforment les conditions de vie des personnes qui y travaillent?
Une fois de plus je sors de la ville et une fois de plus je me mets à arpenter des yeux et des jambes cette banlieue de Paris. Blaise Cendrars, 19493 Je reste toujours «fidèle à ma dérive» , et j’ai découvert un samedi matin Porte de Saint-Ouen, essayant de vendre tout sorte de restes de la ville de Paris, les biffins, qui ressemblent à ces ramasseurs des résidus de Montevideo. Cependant, il y avait une différence: ils vendent leurs produits récupérés des poubelles parisiennes directement aux habitants qui veulent s’acheter des objets pour leur donner une second vie, mais tout le reste des matériaux récupérables ne font pas partie de ces ventes. Je ai noté que les actuels biffins parisiens ne rentrent pas dans le système du recyclage de la ville comme ceux que je connais dans d’ autres pays du Sud. En m’interrogeant sur cette différence entre les deux réalités contemporaines, celles de la périphérie de Paris aujourd’hui (qui pourrait ressembler à d’ autres capitales du Nord), et celle de Montevideo (qui correspond à de nombreuses villes du Sud), j’ai trouvé dans l’histoire de la capitale française, particulièrement au début du siècle précédent, une infinité des ressemblances entre les deux dynamiques de recyclage et leurs conditions de travail dans une «organisation spontanée». Je voudrais vous faire partager dans les prochaines pages deux temporalités et deux géographies différentes, celle de Paris à la fin du XIXe et celle de Montevideo aujourd’hui et, à travers leur histoire, leur lien pour une même problématique: la rencontre entre la gestion des déchets et les territoires spontanés. 3 La Banlieu de Paris, Ed.Nöel 1983, Paris, p.11. (1er.ed.1949) Voir Annexes 11
v: photographie prise en 2005, table ronde interdisciplinaire, organisĂŠe par le collectif mientrastanto (“pendantcetempsâ€?) L.Fernandez. 12
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
1.C 1.C.1 .
Méthode et dém arche
L’expérience et la transve rsalité comme fo n d e m e nt d e la réflexio n le déchet nous impose une approche transversale des catégories sémantiques, symboliques, de la perception et de la représentation, des pratiques et des savoirs. En outre, la notion de déchet renvoie au double mouvement de l’existence humaine, celui d’un côté qui le voit «perdre», manquer, altérer, approcher ou approximer des seuils idéaux de perfection ou d’intégrité, faire éclater des valeurs absolues entre lesquelles rien ne saurait être en excès, celui d’un autre côté étant le mouvement de la régulation de ces déficits, la compensation des pertes subies, l’inscription de ces phénomènes dans un champ de ré-appropriation-relectureintégration. Cyrille Harpet, 19974
Comme nous l’avons déjà énoncé dans le prologue, ce sont quelques années de travail sur la même thématique du déchet. Des années d’interrogation et ré-interrogation sur une succession de problématiques associées aux déchets et à la spontanéité ont donné naissance à une expérience de transversalité disciplinaire5. En plus d’un expérience concrète avec les ramasseurs6, ces pages 4 Le déchet, une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance, dans J.P.Beauman, op.cit.p.191 5 Durant l’élaboration de ce projet de fin d’études, j’ai suivi un master d’Éthique et Développement Durable à la Faculté de Philosophie à Lyon III qui m’a permis d’enrichir et de réintégrer des concepts philosophiques dans le champ de discipline de l’architecture. 6 Depuis l’année 2008, je fais partie d’un réseaux en économie informel WIEGO, en tant que coordinatrice mondiale des ramasseurs. Donc depuis quelques années, je travaille avec plusieurs associations des ramasseurs d’Amérique Latine, Afrique du Sud 13
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
intègrent différents regards nous permettant de se ré-approprier notre sujet et de comprendre l’importance de devenir architecte. Notre regard d’architecte sur le territoire peut apporter une valeur ajoutée à la connaissance déjà acquise dans le domaine des déchets. Celui-ci déterminera principalement notre méthode utilisée dans tous les chapitres de ce mémoire. Une démarche philosophique nous aidera aussi à repenser la problématique, notamment au cours des chapitres d’introduction (1), de la rencontre avec Paris (4), et du développement d’une boîte à outils pour l’activité projectuelle (5). Ensuite, l’économie nous permettra de comprendre certains phénomènes relatifs aux dynamiques de spontanéité à partir d’une analyse spatiale mise en place dans le chapitre du recyclage spontané à Montevideo (3).
1.C.2.
Recourir à l’histoire, pour reconstruire notre présent et repenser notre avenir Ce projet de fin d’études a été réalisé au sein du Laboratoire Les Métiers de l’Histoire de l’Architecture, Edifices-Villes-Territoires de l’Ecole d’Architecture de Grenoble. Dans cet espace de travail et de réflexion, une analyse historique de la réalité de deux situations semblables est proposée. Celle-ci concerne deux villes géographiquement distantes, à deux époques distinctes, mais traversées par une même thématique. Cette mise en parallèle au moyen d’une boucle spatiotemporelle m’a encouragée à choisir la recherche historique comme la dernière des étapes de ma démarche, et comme outil fondamental pour mieux comprendre notre présent. Á partir d’un questionnement concret sur la situation actuelle, nous allons trouver dans l’histoire des outils supplémentaires pour l’élaboration de notre projet. L’histoire de Paris et de Montevideo au XIXe siècle, nous fournit des pistes de réflexion pour le présent et l’avenir de nos villes en matière des territoires spontanés et de gestion des déchets. Les chapitres 2 et 4 seront consacrés aux coupes historiques dans chacune des villes.
1.C.3.
Les méthodes de transformation du déchet
Si l’analyse multi-disciplinaire philosophique, historique, et économique nous donne de nombreuses raisons d’agir, c’est dans d’autres domaines que nous trouverons des réponses concrètes. Nous discuterons donc de l’apport de la biochimie sur la transformation des déchets, et la reconstitution paysagère des territoires dégradés. Différentes méthodes de traitement seront présentées lors du protocole d’intervention au chapitre 5, ainsi que leurs solutions spatiales.
14
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.F.1
1.D
1.D.1.
Etat d e lieu x: Gestion de déchets
L e p h én o mène des déchets et sa d isp arition dans la ville
v photographie prise en 2009, territoire spontané à Montevideo (L.Fernandez).
15
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.1.F.1
Le terme de « déchets, dérive sans doute de «déchoir» («déchiets» au XVe siècle), parce que, au cours du travail de fabrication, lors qu’on coupe une étoffe ou scie une planche, tombent des lambeaux de tissu (appelés justement des «chutes «) ou des copeaux de bois» François Dagognet7 La notion de déchets se réfère à quelque chose qui «tombe dans un état inférieur», dans une situation moins avantageuse, ou bien se dévie de son destin prédéterminé. Dans l’origine du mot, sa cause, était celle de la production des objets. Aujourd’hui la consommation excessive de ces objets les transforme en déchets à très court terme, des objets neufs qui deviennent vite non utilisables ou non utilisés car délaissés. Notre société de consommation est basée sur le déchet puisque pour consommer, il faut jeter. Et lorsque les modalités de production deviennent des moyens de fabrication de biens rapidement et facilement jetables, une montagne de déchets encombre chaque jour un peu plus les sociétés urbaines. Non seulement la population augmente vite et consomme plus, mais en plus les produits industriels, souvent « sur-emballés », ont une durée de vie moyenne qui diminue. Pour faire vivre une ville de la meilleure façon possible, les déchets deviennent de nouveaux défis en terme de ressources à gérer, tout comme l’étaient -et l’est encore- l’approvisionnement en eau et leur traitement depuis les premières cités. Toutes les méthodes sont bonnes pour éliminer les déchets de la vue des habitants: cacher, incinérer, enfouir... Le déchets sont vus comme un vrai problème à résoudre, c’est-à-dire, quelque chose qu’il faudrait éliminer. La gestion des déchets actuellement concerne les activités de collecte, de transport, de traitement, de réutilisation ou bien d’élimination des déchets, afin de réduire leurs effets sur la santé humaine, l’environnement, l’esthétique ou l’agrément local. Selon le type de ville et le budget disponible pour développer ces activités, elle choisira parmi les plus pertinentes et possibles de toutes ces tâches. Ainsi, dans les pays dits « sous-développés » ou en « voie de développement », les budgets municipaux sont assez restreints, et les options les plus fréquentes sont la collecte, le transport et « l’élimination » des déchets. Mais les défis environnementaux de notre époque sont (ainsi que les déchets), en augmentation exponentiel, et le seul fait d’essayer d’éliminer semble insuffisant.
7 Des détritus, des déchets, de l’abject, une philosophie écologique, éd. Le Plessis Robinson, 1997,p.62 16
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.1.F.1
Nous pouvons rappeler que à la fin du XIXe siècle, des villes comme Marseille en France ou Montevideo en Uruguay jetaient leurs déchets dans la mer8, tout comme la majorité des grandes villes côtières. Actuellement, grâce à la prise de conscience environnementale des années passées, nous essayons de réduire l’effet de ces déchets sur l’environnement à l’échelle de nos villes.
1.D.2.
Production des déchets comme enjeux mo n d iaux (et clim atiques).
En dépit de l’apparente prise de conscience dans la gestion des déchets dans la ville, à l’échelle planétaire nous sommes encore loin de trouver une solution durable. L’apparition d’une île formée entièrement de déchets plastiques, a mis en question toute l’humanité sous sa façon actuelle de consommer. Cette île découverte en 1997 par un océanographe, a fait l’effet d’une bombe dans les médias en 20079. D’une concentration de 334 000 déchets par km², sa taille est estimée 10 entre 700 000 km2 et 20 000 000 km2 (selon les sources). Mais des estimations plus récentes confirment que la plaque/île de déchets est en réalité constituée de deux zones inter-connectées, qui commencent à 500 milles nautiques de la côte de Californie et s’étend jusqu’aux abords de la côte japonaise. Ce nouveau territoire flottant de déchets produit par la consommation humaine est aujourd’hui constituée 3.5 millions de tonnes de déchets, dont 80% de matières plastiques non dégradables11.
xdessin
satelital des îles de déchets plastiques en 2008, Greenpeace (http://blog. buslain. com/?=229).
8 Selon Pottevin (1911), cité par Gérard Bertolini, Le marché des ordures, éd. L’Harmattan,Paris, 1990. p.113 9 Un “continent” gigantesque de déchets se formerait dans le Pacifique Nord, 2007 http://www.notreplanete.info/actualites/actu_1471_continent_dechets_pacifique_nord.php 10 http://fr.wikipedia.org/wiki/Plaque_de_d%C3%A9chets_du_Pacifique_nord 11 id.ibid. 17
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.1.F.1
La planète doit gérer environ 2 milliards des tonnes annuelles de résidus ménagers, pour une population équivalent à 6.5 milliards d’humains.12 Mais les estimations sont pour l’avenir assez préoccupantes. Si la population mondiale produisait autant déchets que les pays dit « développés » (580 kg par habitant par an, à la place de 310 kg dans les pays dit « sous-développés »13) nous pouvons arriver à une production de 4,6 milliards de tonnes dans l’année 2025, soit 46 milliards de m3.14 Cette production de déchets est déjà en augmentation de 3% depuis les dernières décennies15, ce qui signifie que nous produisons 60% plus des déchets que dans les années 80. Le volume annuel produit par la ville de New York en 1912, représentait déjà plus de trois fois celui de la pyramide de Ghiza.16 Les déchets contribuent non seulement à la partie visible de notre environnement, mais aussi aux activités qui produisent le phénomène invisible (mais sensible) du réchauffement climatique. Les gaz à effet de serre17 qui sont émis directement par les activités de traitement des déchets sont : - Le dioxyde de carbone (CO2), émis essentiellement lors de leur incinération. Près de la moitié du carbone dégagé lors de la combustion est issue de produits d’origine fossile (par exemple les plastiques). La collecte et le transport des déchets émettent également du CO2. - Le méthane (CH4), gaz 25 fois plus réchauffant que le CO2, issu de la dégradation des déchets organiques enfouis. - Le protoxyde d’azote (N2O), gaz 298 fois plus réchauffant que le CO2, produit en faible quantité par la combustion des déchets pendant l’incinération et par la dégradation des déchets organiques lors du compostage ou de leur épandage.18
Dans la ville de Montevideo, lieu principal de notre analyse et intervention du protocole, les émissions provenant des déchets atteignent 16%, contre 11% provenant de l’activité industrielle, 15% des commerces et services, 26% des transports et 22% qui trouvent origine de l’habitat19. Actuellement, Il existe un projet pour la ville de Dhaka, Bangladesh20, qui produit 130 tonnes de compost par jour. À travers cette activité de transformation des 12 UN HABITAT, p.13 13 Id.ibid. 14 id.ibid. 15 Id.ibid 16 Selon Schneider(1912), cité par Gérard Bertolini, op.cit., p.114 17 Composants gazeux qui absorbent le rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre, contribuant à l’effet de serre. L’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère terrestre est à l’origine du récent réchauffement climatique. 18 Réseau Action Climat-France (RAC-F), 2010. Association spécialisée sur le thème des changements climatiques, regroupe 14 associations nationales de défense de l’environnement, de la solidarité internationale, d’usagers de transport et d’alternatives énergétiques. Voir http://www.rac-f.org/DocuFixes/ GES_poubelle.pdf 19 IMM-PNUD- Inventario de gases de efecto invernadero para el Departamento de Montevideo. 2010 20 WasteConcern and World Wide Recycling, Financing Dhaka market composting with public-private partnerships and carbon credits, dans UN HABITAT, op.cit., p.121. 18
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F1.F.1
résidus organiques, l’équivalent de 15 600 tonnes des émissions de C0221 est diminué par an. Le projet se maintient par l’obtention de crédits de carbone, et il est pour le moment l’unique de sa taille financée par ce mécanisme. Une bonne gestion des déchets en ville n’est pas seulement un enjeu d’hygiène ou esthétique mais écologique au sens plus global du terme.
v
(http://www.tpefermeverticale.fr/pollution.html)
21 Il y a d’autres chiffres concernant la possible réduction des émissions de Co2 par les activités du compostage, comme celles de ISWA, 2009 (International Solid Waste Association) où 60 kg des émissions équivalents de CO2 seront réduit par le compostage de 1 tonne des déchets organiques. 19
1.A 1.B 1.C 1.C.1 1.C.2 1.C.3 1.D 1.D.1 1.D.2 1.D.3 1.D.4 1.D.5 1.E 1.E.1 1.E.2 1.E.3 1.F.1.F.1
1.D.3.
L e fo n c t io n n ement générique d’un système composé par deux dynamiques
Le système officiel de gestion de résidus fonctionne de manière à garantir la collecte et la disposition finale de déchets urbains ménagers. Si le système ne marche pas avec compétence, il devient un vrai problème politique pour les élus de la ville, attaqués en permanence par la presse locale clamant que «la ville est sale, la ville n’est pas propre» Pour cette raison, les investissements des pays possédant des budgets public assez restreints se concentrent dans les activités de collecte et de disposition finale. Le savoir faire est centralisé-concentré (tous les déchets, recyclables ou non, sont déposés dans un site de décharge contrôlé), et très peu de pays dit «en voie de développement» arrivent à investir ou adapter leur système à des contraintes écologiques liées à la récupération ou au recyclage de ces déchets. Cependant, il existe un tout autre système, qui fonctionne en même temps, connu comme le «secteur informel dans la gestion des déchets22», capable de répondre à ces contraintes écologiques et planétaires. Ce secteur est composé de ramasseurs, trieurs, et vendeurs qui recyclent tous les déchets récupérables que l’institution publique n’est pas en mesure d’intégrer dans une gestion officielle. Dans la plupart des cas, ces personnes ne sont pas payées pour leur service de collecte ou de récupération mais elles trouvent leur rémunération dans les échanges économiques du libre marché des produits recyclables. Ainsi, leur activité appartient au registre privé, celle du profit individuel, qui pourtant produit lui-même des répercussions dans la sphère publique: collecte de résidus et recyclage (réduction des déchets enterrés, prévoyance des matières vierges à partir du recyclage des résidus récupérables, diminution des gaz à effet de serre par la réduction dans la production du méthane) Ce secteur est devenu l’objet d’étude de ces dernières années, parmi des chercheurs spécialisés actuellement dans la matière (Wilson, Coad, Medina, Scheinberg, Dias, Samson, Iskander, Narayan, Berthier, Chaturvedi, Chikarmane, Bjerkli, et tant d’autres) dont la plupart deviennent des activistes pour l’inclusion du secteur informel dans la gestion de déchets de la ville. Ils proclament l’intégration dans une même ville de ces deux dynamiques, de ces deux façons de gérer les déchets urbains ménagers, en intégrant le secteur informel, soit sous sa forme d’existence soit par l’attribution de contrats de collectes rémunérées pour ces ramasseurs.
22 Pour son expression en anglais «the informal sector in solid waste management» 20
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Il faudrait ainsi intégrer au sein de la ville les deux secteurs dans un même système intégral, à travers une Gestion durable et intègre des déchets23 Le dernier rapport des Nations Unies sur la Gestion des Déchets dans les «villes du monde», s’affirme sur la nécessité d’améliorer le système dans les villes à bas revenus, dont la croissance de leur production de déchets nécessite d’adapter le système aux nouveaux défis environnementaux et climatiques. L’ONU a ainsi étudié plusieurs cas, qui permettent d’affirmer aujourd’hui que le secteur informel traite (collecte et récupère) des pourcentages de déchets élevés, dans certains cas même plus élevés que les infrastructures de recyclage existant dans les villes riches européennes. Pendant que Rotterdam récupère 30%24 de ses déchets ménagers recyclables, Caire récupère 66%25, grâce au travail mené par les Zabaleens (ramasseurs) de la ville. L’étonnant impact du système informel présage ainsi un scénario favorable quant à l’implantation de politiques urbaines, (défendu et proposé par les chercheurs mentionnés), qui intègrent ce système comme une évidente ressource efficace en matière de récupération et recyclage et réduction du budget public. Ces ramasseurs économisent ainsi aux municipalités environ 20 % des dépenses en matière de collecte et disposition finale.26 La proposition d’arriver à gérer de façon durable et inclusive les déchets, passe ainsi par une adéquation de ces dynamiques sociales et territoriales. L’étude de ces dynamiques spatiales et sociales nous permettrons de construire notre matière d’analyse. D’un système dit « informel » du fait de son fonctionnement sporadique (dispersé et décentralisé dans la ville), où chaque individu effectue son propre trajet de collecte dans les quartiers et zones riches de la ville à un système spontané où chacun ramène des matériaux à trier chez eux, pour les vendre auprès d’intermédiaire dans la chaîne du recyclage nous prenons conscience de l’intégrité de ce système et de la nécessité d’intégration de ce fonctionnement à l’échelle de la ville. Nous croyons ainsi que l’architecture peut contribuer à assimiler ces populations en toute intégrité urbaine sans pour autant démanteler cette organisation indéniablement efficace.
23 Pour ses initiales en anglais ISWM, inclusive solid waste management, concept développé dans les années 80 pour la ONG WASTE. Voir UN-HABITAT, op.cit.,p.23, p.27 24 UN HABITAT, op.cit. p.77 25 Id., ibid.,p.130. 26 Id., ibid.,, p.38 21
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1.D.4. Re l at io n
r ic h esse- d éc h et s
et
pauvreté-
rec ycl a ge Dans la récupération, il y a ceux qui, à la base, ramassent, et ceux qui, au sommet de l’édifice pyramidal, amassent. Une même marchandise change de main plusieurs fois, dans le cadre de chaînes ou filières de valeur croissante. Il faut suivre le filon. Gerard Bertolini27 Aujourd’hui les pays occidentaux envoient en Asie ou en Afrique des déchets au traitement jugé trop polluant et/ou trop peu rentable. Le cas des déchets électroniques (ordinateurs, téléphones portables…) est par exemple représentatif: leur volume augmente de façon exponentielle, leur durée d’utilisation diminue constamment, plusieurs des composants utilisés sont toxiques (cadmium, plomb, mercure), et sont envoyés en Chine, en Inde ou en Afrique du Sud28 pour être démantelés et «recyclés». Ceux qui s’occupent de faire le supposé «recyclage» dans ces pays du Sud, en charge de recevoir les déchets notamment électroniques, mettent en peril leur santé pour avoir des revenus qui leur permettent de survivre. Non seulement cette activité met en danger la santé des travailleurs, dont les conditions de travail
vphotographie à la décharge de Accra, Gana (F. Tofani, www.pristina.org/2010/02/01/lixo-digital/) 27 L’or et l’ordure, le déchet et l’argent, dans Le déchet, le rebut, le rien, sous dir. De Jean claude Beaune, éd. Champs Vallon, France, 1999, p.38 28 Déchets, le recyclage et les recycleurs, Le Monde Diplomatique,2006 (www.monde-diplomatique.fr/cartes/ atlas-dechets). 22
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demeurent inadaptées aux substances qu’ils manipulent, mais elle contamine l’air, les sols et les nappes phréatiques, parce que de toute évidence, ces pays pauvres en matière de budget public n’ont pas les moyens ou les politiques pour s’occuper de traiter les déchets provenant des pays riches. Si nous regardons de plus près, ces phénomènes d’échelle mondiale sont également présents dans la plupart des villes où les inégalités des revenus et la permanente instabilité des sources de travail sont aussi importantes. L’inégalité sociale permet au déchet de se transformer en matière première par certains habitants. Le Déchet devient ainsi Ressource pour une population qui n’a pas d’autres solutions pour survivre, ou choix d’activité selon des antécédents particuliers.29 notre siècle a appris à jeter les hommes comme les machines: il se donne aussi parfois les moyens de récupérer, de transformer ces restes. Jean Claude Beaune30 Dans un monde où le développement durable est de plus en plus important pour l’avenir de notre planète, ces villes dont 1%31 de leur population recycle environ 90% des résidus récupérables32 représentent une opportunité pour penser leur activité et leur fonctionnement spatial dans le territoire.
1.D.5. L es p o p u lat io n s red o n dantes d’un planète urbaine comme déchets humains Un grand nombre des résidents du monde, incapables de supporter la vitesse, sont tombés du véhicule en accélération-tandis qu’un plus grand nombre, même pas encore à l’intérieur, a échoué à se trouver dans la course, à le rattraper et à grimper. Zygmunt Bauman33 Pour le sociologue Bauman, le véhicule qui accéléré fonctionne comme une métaphore de notre démarche civilisatrice, depuis le début des temps modernes, ou chaque génération successive a eu ses naufrages perdus dans le vide social, comme des «dommages collatéraux» du progrès.34 29 Des antécédents pénitentiaires, des rejets scolaire, des problèmes avec l’alcool, en bref, des subjectivités multiples qui ne peuvent pas s’adapter aux actuelles normes de travail ou qui ne trouvent aucun travail dans les actuels conditionnes. 30 Le déchet, le rebut, le rien, op.cit.p.12 31 UN HABITAT, op.cit. 32 La chiffre corresponde à ces déchets qui sont potentiellement recyclables et non à la quantité totale produite. Dans le cas des chiffres de génération des déchets, le pourcentage de récupération fait par les ramasseurs oscille entre 30% et 80% (UN HABITAT, op.cit., 2010) 33 Vies Perdues: la modernité et ses exclus, Paris, 2004, p.33. 34 d.ibid. 23
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Ces gens qui «tombent» du véhicule du progrès, sont décrit par Bauman comme des populations «redondantes»35, c’est-à-dire, des êtres en surnombre, indésirables. Des êtres déchus de toute intégration sociale, des êtres délaissés au même titre que nos déchets que l’on cache. Ainsi, le champ sémantique de la redondance s’applique aux hommes tout comme à celui des déchets. Ces populations, qui représentent aujourd’hui des milliards de personnes dans le monde, représentent selon Bauman, les refus humains de notre modernité. Selon un rapport des Nations Unies paru en 2006, près d’un citadin sur trois habite déjà dans un bidonville, on estimait déjà en 1998, que 2.5 milliards de personnes vivent dans des conditions de pauvreté, pendant que les trois personnes les plus riches du monde ont une fortune supérieure au PIB total des 48 pays en développement les plus pauvres.36 La nouvelle plénitude de la planète signifie pour Bauman, une crise aiguë de l’industrie de débarras humains.37 Le rebut est le secret sombre et honteux de toute production, qui préférait le voir demeurer en secret.38 Si nos déchets finissent par être incinérés ou enterrés dans des sites de décharges contrôlés, que deviendront ces habitants victimes d’un rejet social? Quels territoires leur sont accessibles pour habiter en ville? Ces «pauvres urbains», doivent résoudre une équation complexe pour habiter. Ils essaient d’optimiser le coût du logement à travers la possibilité de construction et d’amélioration par apports successifs. Le bidonville permet un étalement des coûts dans le temps,39 une construction qui se développe au fur et à mesure avec des revenus instables. Les estimations de l’ONU en 2005, montrent que plus d’un milliard des personnes habitent dans des «bidonvilles», ce qui correspond à plus de 200 000 bidonvilles sur la planète40. Ce chiffre, correspond selon Mike Davis à la population mondiale au début du XIXe siècle41, et les estimations de l’observatoire de l’ONU prévoient qu’en 2020, dans seulement dix ans, la pauvreté urbaine pourrait atteindre 50% de la population urbaine totale42.
35 Id.ibid., p.28 36 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 1998. 37 Id.ibid.,p.19 38 Id.ibid.,p.56 39 Erhard Berner, Defending a Place in the City, 1997, p.236, cité par Mike Davis, op.cit., p.40 40 Mike Davis, Le pire des mondes possibles, de l’explosion urbaine au bidonville global, éd. La découverte, Paris, 2006, p.29. (1er.éd. Verso, NY, 2006) 41 Id.ibid., p.26 42 Eduardo Lopez Moreno, Slums of the world: the face of urban poverty in the New Millenium?, Nairobi, 2003, p.12; cité par Mike Davis, op.cit., p.156. 24
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Ces espaces appelés «bidonvilles», sont aujourd’hui les territoires qui hébergent une forme de décharge humaine43, résultat d’un système particulier de production de richesse et de rejets de restes, formalisation spatiale d’un échange collatéral. Des millions de travailleurs temporaires et paysans désespérés gravitent également aux bords des capitales mondiales, et la plupart d’entre eux, doivent inventer de nouvelles formes de survie urbaine. En l’absence de stabilité de travail, de revenus suffisants pour leur permettre d’habiter dans la ville, ceux-ci finissent par se produire eux-mêmes, par la création d’un nouveau travail, mais aussi de nouveaux espaces de vie, l’appropriation de nouveaux territoires dans la ville.
v Le bidonville Dharavi à Bombay (800 000 hab.) http://www.le-cartographe.net/index.php/dossiers-carto/monde/67-bidonvilles 43 Mike Davis, op.cit.,p.49. 25
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1.E.
E njeu x et p ro b lémat iq ues
1.E.1.
Le s poi nts de conta c t ent re les deux dynamiques et la rupture des frontières urbaines Les ramasseurs d’ordures sont les héros méconnus de la modernité. Jour après jour, ils rendent à nouveau visible la frontière entre normalité et pathologie, santé et maladie, le désirable et le repoussant, l’accepté et le rejeté, le «comme il faut» et le «comme il ne faut pas», l’intérieur et l’extérieur de l’univers humain. La ligne de démarcation nécessite leur diligence et leur vigilance constantes parce qu’elle est tout sauf une frontière naturelle: ni chaînes de montagnes s’enlevant jusqu’au ciel, ni mers insondables (…) ne séparent l’intérieur de l’extérieur. Zygmunt Bauman44
44 Vies Perdues, op.cit.,p.57. 26
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Les ramasseurs habitent le dehors de la “ville officielle”, vivant dans des bidonvilles qu’ils construisent et occupent eux-mêmes, où ils font le tri et le stockage des résidus valorisables. Ils jettent aussi ces rejets sans valeur dans l’actuel système du recyclage, centré sur la valorisation des emballages et d’autres types des déchets nommés comme «secs» (plastique, papier, métaux, verre, etc). Tout ceci conforme des territoires où la proximité avec les déchets fait partie de la quotidienneté, et pourtant, la distance avec les autres zones de la ville est nécessaire de sa permanence. Quand la distance n’existe plus, quand cette frontière devient invisible, nous trouvons des gens avec des charrettes à cheval, qui parcourent les espaces les plus riches de la ville, là où les résidus ont le plus de valeur. Ils fonctionnent ainsi comme des lignes de convergence qui apparaissent à «l’intérieur» de la ville, les déviations d’une pauvreté qui doit se trouver en «dehors du regard», mais qui sillonne les rues et l’espace urbain. Notre ville est formée par plusieurs types de personnes, et certaines parmi elles, sont tombées dans une autre dimension urbaine. Cette dimension les exclut d’une grand partie des services public, des infrastructures sanitaires, sans parler du regard d’autrui, du regard urbain. Comment regarder ce miroir de notre propre société ?
vci-dessus: “favela” à Sao Paulo, Brésil,http://quebecblogue.com/page/3/ xpage à gauche: ramasseur dans la rue principale à Montevideo, 2006, (N.Minetti) 27
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Du point de vue de l’architecte, résulte nécessaire d’identifier les points d’inflexion ou les pièces à connecter pour permettre aux parties, aujourd’hui exclues des bénéfices de l’urbanité, de dévenir ville. Ces différences marquées dans l’espace «urbain», génèrent diverses perceptions de la même ville, aussi bien comme des antagonismes et des tensions entre ces différents secteurs sociaux. Dans tout ce modèle d’exclusion qui génère des marges pour la grande majorité des habitantes, nous devons faire des transformations pour offrir des points de passage et de fédération entre ces deux mondes. Jorge Mario Jauregui45 Le travail mené par l’architecte Jauregui dans les favelas du Brésil, nous apporte une valeur importante : celle de travailler avec l’existence, pour intégrer dans une urbanité complexe les fractures sociales de notre ville contemporaine.
45 Présentation au colloque sur La Pensée Urbaine, Barrios fortificados, «Alphavilles», favelas, villas: segregación territorial y espacio compartido, Voir sur http://www.jauregui.arq.br/ 28
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vci-dessus:
photographies des projets urbains (avant et après) aux favelas de Rio de Janeiro, Brésil, Jorge Mario Jauregui (http://www.jauregui.arq.br/). xpage à gauche: schéma de pensée et travail mené par J.M.Jauregui (http://www.jauregui.arq.br/) 29
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1.E.2 .
M oder ni sati on du système de gest ion de
d é c h et s L’aspect technologique pour le traitement des déchets urbains ménagers, se présente depuis des siècles comme la méthode le plus développée. Les défis actuels en matière d’adaptation au nouvelles contraintes dues à leur augmentation exponentielle, et aussi à la conscience écologique/environnementale, nous mettent devant le paradigme actuel défendu par le dernière rapport de UNHABITAT : une modernisation de la gestion des déchets. Moderniser (def): adapter aux techniques présentes ou aux goûts actuels, adapter aux besoins de l’époque actuelle Moderniser (syn): actualiser, rajeunir, rénover.46 MODERNISER V. MISE À JOUR, MIEUX ADAPTER QUELQUE CHOSE AUX TECHNIQUES DE POINTE 47 Les définitions du terme nous ramènent à une conception «temporelle», c’est-à-dire, à «une mise à jour» de notre réalité périmée. Celle-ci se formalise dans certains pays par l’importation de modèles utilisés dans les pays «développés». Il y a dans Montevideo les mêmes poubelles et les mêmes camions de collecte qu’à Rome ou à Barcelone, et des propositions technologiques complexes de traitements (production d’énergie à partir des déchets, incinérateurs, etc) qui tentent de se développer partout dans le monde. C’est en l’absence de regard local et dans un désir institutionnel et politique de «rénover la ville», de montrer aux citoyens que «nous avons aussi des systèmes propres comme les meilleures capitales du monde» que dans la plupart des cas, les pays en développement choisissent la technologie comme une meilleure adaptation aux qualités de vie, sans prendre en considération un savoir-faire existant . Alors que la première vague d’incinérateurs avait des performances modestes en France, certaines sociétés présentèrent cette technologie comme la panacée universelle, nous dit Bertolini. Aujourd’hui, même après une centaine d’années d’incinérateurs français, des pays comme l’Inde produisent un pourcentage de déchets organiques compostables très élevés (et pourtant non combustibles) «modernisent» leur système en important ces technologies provenant de loin. Ces matériaux que le nouvel incinérateur brûle, sont depuis des années, des matières premières de ramassage recyclables par des dizaines de milliers de ramasseurs indiens. 46 http://fr.thefreedictionary.com/moderniser 47 http://dictionnaire.sensagent.com/moderniser/fr-fr 30
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Sommes-nous alors face à une vraie modernisation ou sont-ils en réalité des mimétismes technologiques48? Comment peut-on développer de vrais changements positifs pour l’ensemble de la ville, et non des mimétismes producteurs d’échecs encore plus grands que ceux que nous avons déjà, en l’absence d’une mise à jour de la ville?. Durant l’écriture de ce mémoire, un cas très particulier a eu lieu à Bogotá. Une démarche pour «moderniser» l’ancienne décharge de la capitale Colombienne a été mis en place pour lutter contre son débordement. L’État a fait appel à des entreprises pour mener des propositions de gestion, mais il leur demande d’intégrer l’activité effectuée par les ramasseurs et le service qu’ils rendent dans la ville. Le jour d’après la publication de cet appel d’offre par la Municipalité, la présidente de l’Association des Ramasseurs à Bogotá, a subi une agression et des menaces personnelles anonymes, la considérant dangereuse pour les intérêts des entreprises. Le problème n’est pas seulement urbain, où économique, mais aussi politique et idéologique, sinon éthique : « service public ou entreprise privée ? «Est-il admissible qu’un service public donne lieu à des profits pour l’entreprise concessionnaire? Se questionne Bertolini vingt ans avant ce succès colombien. De plus, est-il possible qu’un gros capital supplante le modèle de travail familiale mené par des milliards de personnes qui n’ont que ça pour survivre? Pouvons-nous adapter la réalité locale aux contraintes écologiques planétaires sans permetre aux géants transnationaux de tirer profit de notre déchets? Serait-il possible de «moderniser» un système sans nécessairement calquer les pays «développés»? L’architecture peut-elle inventer de nouveaux modes de gestion de déchets, pour une ville durable et intégratrice de plusieurs dynamiques? Dans une première temps notre réflexion acceptera une cohabitation de deux temps différents, de deux modèles de civilisation qui vivent ensemble d’une manière imbriquée, parfois en conflit, mais toujours dans le même espace. En suivant la notion de Jauregui, nous allons ensuite intégrer ces temporalités dans le domaine de la gestion des déchets, et comprendre ainsi que certaines pratiques traditionnelles, rurales, et loin d’être «hightech» ou «HQE 49», pourraient nous aider à trouver des solutions possibles.
48 Bertolini, op.cit.,p.106 49 Définitions de Haute technologie et Haute Qualité Environnemental, respectivement 31
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1.E.3 .
Ta bul a ra sa et pa uvreté
Le terrain plat est le terrain idéal (…) Une ville moderne vit de droite...constructions des immeubles, des égouts, des canalisations, des chaussées, des trottoirs, etc. La circulation exige la droite. La droite est saine aussi à l’âime des villes. La courbe est ruineuse, difficile et dangereuse; elle paralyse (…) La grand ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante, pour n’avoir plus été animée d’un esprit de géométrie. Le Corbusier, 192550 Les architectes de la modernité du XXe siècle, inscrits à un moment de croissance industrielle et de paradigme fordiste (travail, repos) ont pensé nos villes à partir de ce qu’elles pourraient devenir, et ont proposé des solutions utopiques ou bien révolutionnaires. Le discours « machinique » de transformer la notion de maison en une «machine à habiter» ou bien la transformation de la ville
50 Urbanisme, éd.Crès, 1925,p.160, p.10, p.24, cités par Françoise Choay, L’Urbanité, utopies et réalités, éd.du seuil,1965, p.245, 239,234. 32
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dans un zoning parfaitement délimité entre ses aires d’habitation, de travail, de déplacement, de loisir, à la manière d’une «machine de l’urbanité » représentaient les seules propositions possibles. Or notre époque de dispersion liée à la mutation du système de production - d’un modèle centralisateur basé sur la fabrique et la production, à un modèle délocalisé basé sur les échanges de flux immatériels - nous oblige à penser autrement et reconceptualiser les schémas appris de la modernité pour proposer une autre pensée architecturale conforme à notre époque. Tous les principes d’urbanisme moderne, basés sur la zonage entre les zones résidentielles, de travail, de mobilité, de loisir, de séparation des activités toxiques des habitations se sont complètement inversés dans ces zones autoconstruites par des habitants et que rassemblent des activités variées dans le même espace. Cette typologie territoire-bidonville, est considérée dans tous les cas comme un problème à résoudre, à éliminer, à éradiquer, mais dans aucun cas ils ne sont analysés ou étudiés dans le cadre de la contribution que ces habitants font dans la vie économique, sociale et environnementale de la ville. Ils deviennent ainsi une sorte de territoire parallèle aux nos déchets urbains. Il n’existait pas, à l’époque, dans ma ville de Montevideo, des analyses statistiques menées sur l’impact des activités économiques informel dans les bidonvilles sur l’économie formelle et le fonctionnement de la ville. Nous connaissons bien, par contre, les statistiques sur la violence et la peur générée par ces territoires, mais leurs contributions positives, nous ne le connaissons pas, de quoi vivent leurs habitants? Comment survivent-ils? Est-ce que tous ces habitants vivent en volant? (réponse commune lorsqu’on l’a demandé à quelques personnes) est-ce qu’il y aura des activités visant à renforcer?
x page à gauche:
Le corbusier, Plan Voisin (http://emergenturbanism.com/2009/03/23/the-journey-to-
emergence/)
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ci-dessus: à gauche, image satellite du territoire spontané “25 de Agosto”, 2003, Montevideo (www.imm.gub.uy). Centre, actuel situation du même site, maintenant “parc urbain” (www.googlemaps). À droite, quartier actuel des anciens habitants du “25 de Agosto” (www.googlemaps)
L’ architecture des nos jours continue d’une certaine façon dans l’esprit moderne, qui part de l’idée que le monde peut être transformé. L’esprit moderne naquit en même temps que l’idée que le «monde peut être changé». L’esprit moderne consiste à rejeter le monde tel qu’il a été jusque-là, et à prendre la résolution de le changer. La façon moderne d’être consiste en un changement obsessionnel et compulsif: dans la réfutation de ce qui «est simplement» au nom de ce qui pourrait être, et par le même témoignage, devrait prendre sa place.51 La référence implicite à l’idée de «révolutionner» l’existant, transformer même ses racines, éliminer ce qui était, pour ce qui devrait être, est celle que nous traversons aujourd’hui dans beaucoup de disciplines. Le cas des parcs urbains à la place des bidonvilles est peut-être le plus visible et nous le trouvons depuis quelques temps dans des villes variées comme le Paris d’Haussman où le Montevideo des Plans Urbains. La suite de l’analyse de Bauman consiste à considérer que l’objectif de la production des projets est alors d’ouvrir plusieurs espaces concernant le «bien», et moins ou aucun concernant «le mal». Le mal est entendu alors comme le rejet du progrès, et pour des projets de types d’habitats humains, les rejets deviennent les êtres humains. Il me semble qu’en tant qu’architectes, nous essayons de changer les choses qui ne sont pas «belles», ou même celles qui ne sont pas comme nous l’avions imaginé. Si l’architecture est comprise comme une discipline qui veut “changer la réalité existante”...Quelles sont les implications de ces “changements” quand la réalité est liée à des conditions de survie parfois extrêmes? Que trouve-t-on derrière cette nécessité de “réparer les problèmes”? Pour qui ces réalités deviennent-elles des problèmes? Peut-on essayer, en tant qu’architectes, de regarder la réalité autrement?
51 Zygmunt Bauman,op.cit.,p.49. 34
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1ère image, territoire spontané “Villa El Chancho” (village le porc) en 2005, image prise par L.Fernandez 2ème image, démolition du dit “village” en 2008, image prise par Jorge Meoni. 3ème image, actuelles maisons des anciens habitants de la Villa El chancho, image prise en 2010 par Jorge Meoni.
A ce propos, je vais parler de ces territoires de «mauvaise odeur», de ces parties des villes qui n’ont rien de « beau » lorsqu’on les regarde avec les mêmes lunettes que Le Corbusier (que nous avons tous quelque part en nous), sans la moindre intention de les parfumer, mais celle d’apprendre ce qui se passe à l’intérieur , ce qu’ils vivent, ce qu’ils font, et surtout, comment construisent-t-ils leurs territoires?
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1.F.
Pos i t i o n n e m e nt p o ssib le: L’ i nve rs i o n d u rega rd
Il faut avoir le courage de regarder avec admiration les villes rectilignes de l’Amérique. Si l’esthète est encore abstenu, le moraliste, par contre, peut s’y attarder plus longtemps qu’il ne paraît d’abord. Le Corbusier, 192552 ...découvrions d’autres richesses que celles affectées aux regards clairs et distincts, aux forces de l’argent et de la valeur...Un nouveau monde, à la lettre, une nouvelle Amérique: tout ce qui restait et qui n’était que le rien de ces restes après usage, après valeur, sans intérêt, hors circuit et toujours un peu misérables. Retrouver ce nouveau monde, c’est matérialiser le nôtre,c’est nous rematérialiser nous même. C’est d’abord apprendre à relire le nôtre, à le traduire dans d’autres signes, d’autres marques, selon d’autres codes que ceux qui nous ont éduqués et que les machines nous ont peu à peu confisqués. Jean Claude Beaune, 199753. ...tout est donc question d’interprétation, de regard, nous dit Catherine Maumi à propos de son article intitulé d’André Corboz «L’utilité d’un avocat du diable reste donc entière»54. Le sujet de l’article est centré sur la ville américaine au travers de la vision européenne, basé sur le fait que ces deux cultures différentes et leur façon de se regarder, comportent en elles des préjugés qui conditionne leur vision. L’analogie entre la notion de ville américaine pour un européen et celle des villes spontanées-bidonvilles pour les sud-américains, est plus proche que ce que nous pourrions imaginer. Il n’est pas facile pour ces habitants des villes 52 Urbanisme, op.cit.,p.10, cité par Françoise Choay, op.cit., p.240. 53 Le déchet, le rebut, le rien, éd. Champ Vallon, 1999, p.13 54 Pour une poétique du détour, Rencontre autour d’André Corboz, sous la direction de Catherine Maumi, Ed. De La Villette, Paris, 2010, p.47. 36
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provenant d’une histoire urbaine récente, basée sur la conception en damier réguliers et planifiés, de regarder ces territoires où, dans la plupart des cas, nous ne voyons rien de plus qu’informalité, chaos, contamination, et surtout, misère. Ce sentiment européen de négligence ou plutôt d’incompréhension des villes américaines que nous raconte Catherine Maumi à travers son article, trouve un équivalent actuel dans le regard de certaines villes du Sud sur ses propres territoires spontanés. Plus difficile encore que de les regarder autrement, reste l’idée de vouloir les défendre! Ils sont des espaces maudits, des zones où les habitants des villes ont peur de rentrer, des territoires créés par ces habitants privés de la chance de réussite sociale et économique que les sociétés capitalistes actuelles aspirent à avoir. Comment faire, par conséquent, pour les regarder avec un autre œil que celui de la peine et de la carence? La réponse que nous trouvons est avant tout, celle d’apprendre à les voir.
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ci-dessus: image du livre Mutations (http://www.actar.com). à gauche: Charles-Edouard Jeanneret (Le corbusier),(http://www.avizora.com/publicaciones/biografias/ textos/textos_l/0014_le_corbusier.htm). 37
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L’Asie surtout, mais aussi l’Amérique du sud et le Monde Arabe explosent, et ils sont obligés d’exploser dans une absence de pensée de notre part, la seule pensée que nous avons aujourd’hui est celui de la critique, normalement très dure pour ces pays en développement, mais ils sont évidement en train de prendre l’initiative pour définir le visage du monde dans les vingt années qui viennent. Rem Koolhaas, 2009 55 Nous avons face à nous des réalités complexes, qui produisent des phénomènes d’urbanisation que Rem Koolhaas appelle de façon générique celles de la «ville de la différence exacerbée». Cette notion de ville produit des territoires de concentration de richesse élevée, ainsi que des territoires où les rejets du système finissent par générer une façon de survie, à côté d’autres morceaux urbains. Toute cette fragmentation, ensemble et dispersée a la fois, forme nos villes-territoires d’aujourd’hui. Dans cette ville générique de la différence exacerbée, il y a des territoires qui ressemblent à un être génétiquement modifié, par rapport à notre génétique urbaine conventionnelle qui différencie urbain et rural. Le processus de mutation du code est producteur de nouvelles façons d’habiter, et nous devons créer face à elles de nouveaux outils pour les comprendre, donc fabriquer des lunettes adaptées pour pouvoir les voir.
và gauche, Michel Foucault et ces lunettes (http://www.casadellibro.com/libros/foucault-michel/ foucault32michel). À droite, territoire spontané à Montevideo (www.imm.gub.uy)
55 Intervention au Colloque International d’Architecture, Limites du chaos générique, Centre Pompidou, Octobre 2009 (http://metropoles.centrepompidou.fr/intervenant.php?id=16) 38
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Michel Foucault nous aide dans sa manière de dé-codifier le regard, en essayant toujours de réinventer et redécouvrir la réalité en l’expliquant autrement. Dans son livre «Herculine Barbin dite Alexina B» ils nous parle d’un être humain, qui n’était ni homme ni femme mais d’un autre genre, pour lequel notre seul mot pour le moment est hermaphrodite. Ces territoires qui ne sont, eux, ni ruraux ni urbains ni industriels mais un mélange des trois, où plusieurs pratiques de survie et d’utilisation du sol convergent dans le même espace, nous pouvons les considérer comme des hermaphrodites56, et, suivant la conception foucauldienne, ne pas le penser comme une maladie de difformité mais comme une mutation génétique à essayer de comprendre. Dans la planification territoriale comme dans l’analyse des changements, on s’est beaucoup reposé sur l’idée d’un monde immuable(...) Le paysage agraire a été bouleversé par le remembrement. Le territoire est donc neuf, extrêmement peu lisible et dans une large mesure innommable au sens strict.57 Ils sont connus comme des «bidonvilles», des «établissement informels» et nous allons les appeler des «territoires spontanées». Si la plupart de nos villes contemporaines correspondent à des multiplications des constructions spontanées, notre référence à ces territoires se restreint à ceux qui sont le produit d’un rejet spatial, économique et social de notre ville, et qui sont vus la plupart du temps de la même façon que la société a regardé Herculine à l’époque, avec mépris, peine, mais aussi avec une curiosité colossale pour comprendre qui est, et dans certain cas , quoi faire avec. Ce paysage hermaphrodite qui est en voie de devenir rapidement le paysage type du XXIe siècle, particulièrement dans les pays du Sud, présente d’un point de vue social, psychologique, économique, politique, et environnemental, de nombreuses défis pour les comprendre, et différentes possibilités de les regarder. La plupart d’entre eux, font référence à ces territoires spontanés comme de «vraies problématiques à résoudre», des «cancer à extirper des villes» et ils font partie d’une politique mondiale de lutte contre la pauvreté qui essaye d’améliorer les conditions de plus d’un tiers de la population mondiale. La culture nous a conditionnés à la propreté, elle aussi à la fois matérielle et morale (loin des ordures)58, et nous essayeront, par conséquent, de réhabiliter le déprécié59.
56 Term utilisé aussi par Mike Davis, op.cit., p.14. 57 Jean Michel Roux, Un territoire innommable, Poïèsis-architecture No. 6 «Urbanité, Ruralité», AERA, Toulouse, 1997,p. 67 58 François Dagognet, op.cit.,p.101,102. 59 Id., ibid.,p.102. 39
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Si certaines de ces réalités sont incontestables, dans un sens empirique (nous ne pouvons pas dire que ces habitants ont des conditions d’existence dignes pour n’importe quel être humain), c’est l’approche et la façon de les regarder qui nous rendent les questions différentes et, par conséquent, les réponses différentes qui sont liées. Nous avons du mal à croire qu’il y a des choses à apprendre des restes de nos villes, mais nous essayerons de faire des lectures du territoire par en bas, par en dessous60, dans l’espoir que cette façon de regarder nous apporte de nouvelles réalités architecturales mais aussi des richesses philosophiques. Les bidonvilles sont, d’un certain point de vue, “les ateliers de l’ avenir” pour un monde qui glisse vers une pauvreté généralisée (...) Les gens qui vivent dans ces conditions de pauvreté sont ceux qui inventent les nouvelles techniques de survie (… ) Le chômeur se transforme rapidement en “villageois urbain” et s’invente tôt ou tard une occupation marginale, utile à son village. De chômeur en bricoleur, de bricoleur en artisan, il n’y a qu’un pas et c’est un développement naturel. Les cours du bidon-village sont de petites surfaces réservées à la production de nourriture: plantes, animaux; chaque famille dispose alors de sa fermette (…) L’agriculture urbaine totalement négligée par l’urbanisme moderne des villes riches, peut renaître… Yona Friedman 61
vcroquis fait par Yona Friedman, 1968 (L’architecture de Survie, op.cit.)
Nous pouvons comprendre qu’il y a presque quarante ans, la pensée d’un architecte comme Yona Friedman, et l’espoir face à cette réalité avaient un optimisme et une vision positive qui, aussi naïve puisse-t-elle paraître, est révolutionnaire dans sa façon de comprendre ces mutations territoriales et économiques. Au lieu de penser à «comment extirper ces lieux qui ne sont pas propres, pour créer des espaces verts ou publics dans la ville» où bien, plus à la mode, «comment donner 60 Jean Claude Beaune, op.cit.,p.13 61 L’architecture de survie, op.cit., p.131, 183. 40
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à ces habitants des conditions matérielles comme les nôtres», c’est à dire, «améliorer ces conditions de vie», pouvons nous réfléchir autrement et potentialiser ce qui existe déjà? Ce sont des attitudes qui sont en train d’apparaître mais, pour transformer le mal en bien, nous devrons nous débarrasser du conditionnement que nous avons subi.62
1.F.1. L e s d éc h et s h u ma in s et l’auto-récupération d e s o i : a u to p o ïèse et sp o ntan éité.
Nous pouvons appeler ces formes de création des territoires en croissance comme autopoïétiques. Le terme autopoïèse vient du grec auto (soimême), et poïèsis (production, création) et a été développé par des biologistes chiliens Maturana et Varela. C’est un phénomène qui se caractérise par la propriété d’un système à se produire lui-même (et à se maintenir, à se définir luimême). L’autopoïese désigne le processus par lequel un système définit son état futur à partir des limitations précédentes. Un système auto-poïétique est un système organisé comme un réseau de processus de production de composants qui, par leurs transformations et leurs interactions, régénèrent continuellement le réseau qui les a produits, et constituent le système en tant que unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau»63. Ces habitants sans emploi «formel» mais producteurs de leur propre devenir économique, produisent de nouveaux territoires, sans architectes ni urbanistes. Ils concentrent normalement dans un même espace des fonctionnalités multiples (habitation+travail+loisir) et ces espaces sont localisés dans diverses zones de la ville qui permettent un usage du sol très varié: en proximité de rivières, en zones non constructibles, ou bien, sur n’importe quel site offrant une protection contre la flambée des prix du foncier en ville64. 62 Bauman, op.cit. 63 Humberto Maturana et Francesco Varela, Autopoiesis: the organization of living systems, its characterization and a model, dans Biosystems, 1974, p.187–196. 64 Jeremy Seabrook, In the cities of the South,1996, p.117, cité par Mike Davis, op.cit.,p.127 41
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Certains d’entre eux, s’occupent de récupérer des déchets de la ville et en même temps d’une récupération de sa condition de déchet sociaux. Ils seront mon sujet d’étude principale. Ils survivent à partir de la sur-consommation des habitants d’autres parties de la même ville, et ainsi le cercle apparaît parfaitement fermé. Ce qui est consommé en excès et qui alimente un système économique de la vitesse de flux, vitesse qui fait tomber des gens dans la redondance, il est au service de la survie de toute une partie du même système qui est délaissée, en créant ensemble des relations particulières dans notre ville contemporaine. Mon secteur d’analyse, d’étude et de proposition parmi ces différents rapports des déchets dans la ville, sera celui des dynamiques du recyclage non institutionnalisées. Dans tout système officiel ou formel, il existe des pratiques informelles, notamment dans les pays plus pauvres. Pour arriver ainsi à différencier les deux systèmes selon ces caractéristiques, nous avons choisi de les appeler «dynamiques officielles ou institutionnelles », et «dynamiques spontanées».
Spontaneum est cujus ratio est in agente. Leibniz Remplacer le terme «informel» par «spontané», représente pour nous un changement possible de regard sur une même problématique : celle de la gestion des déchets dans les villes du Sud. Dans son sens le plus général, la spontanéité s’oppose à l’inertie, et elle peut se définir comme le pouvoir que possède un être de modifier lui-même son état, indépendamment de toute cause extérieure65. vramasseur à Montevideo, 2008 (http://www.basurama.org)
65 Définition de spontanéité, disponible sur http://www.cosmovisions.com/spontaneite.htm 42
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La vie peut spontanément s’organiser pour donner l’existence à une forme de vie qui lui semble opportune.66 Selon la définition classique de Leibniz67, est spontané ce dont le principe est dans l’agent. Être doué de spontanéité, c’est être la source originelle d’actions ou de manifestations. Nous n’allons pas définir notre sujet d’analyse et de proposition de projet par rapport à un autre système qui présuppose du formel. Nous croyons simplement que sa définition elle-même, comporte en soi l’entendement et l’avenir de nos idées. Il faudrait pourtant penser son existence à partir sa potentialité et non de sa carence. Dans son texte intitulé De la nature du corps et de la force motrice, Leibniz introduit la possibilité d’une nouvelle pensée de la spontanéité, à travers son concept de puissance.68 Il y a une puissance primitive, qui ne s’exprime plus par une autre mais par soi, comme spontanéité . Par puissance, il faut entendre le principe de l’activité. L’être-en-puissance peut alors gagner une dignité nouvelle, en n’étant plus affecté d’un manque d’acte. La notion de puissance prend alors un sens nouveau, comme capacité absolue de création. ll me semble pertinent et opportun que l’architecture comme discipline créatrice, reste proche de ces forces inventives de la ville, qui ont tant à nous apprendre.
66 Définition de spontanéité, disponible sur http://www.universalis.fr/encyclopedie/spontaneite/ 67 Gottfried Wilhelm Leibniz (1646 -1716), est un philosophe, scientifique, mathématicien, diplomate, bibliothécaire et homme de loi allemand. Sa thèse la plus célèbre est celle de l’âme comme “ monade ” sans porte ni fenêtre, qui tire d’un sombre fond toutes ses perceptions claires. Cité par Deleuze, Le pli, Lebniz et le Baroque, éd de Minuit, 1988. 68 Centre d’études et rétorque, philosophie, et histoire des idées, Leçon de philosophie, LA PUISSANCE, Seconde partie, disponible sur http://cerphi.net/lec/puissance3.htm 43
Nous allons discuter de la ville de Montevideo à travers l’analyse de trois moments historiques choisis pour leur singularité territoriale: • sa formation et le modèle de Ville Territoire, • la «Guerre Grande» et sa configuration de ville, • la ville contemporaine et ses territoires spontanés. La méthode utilisée a été celle de la recherche des archives historiques à Montevideo (Laboratoire d'histoire de la Faculté d'Architecture) et de livres d'histoire de l'urbanisme et de l'architecture d'Uruguay, et, pour la dernière partie, la recherche documentaire dans plusieurs dépendances publiques comme le Programme d'intégration d'établissements Irréguliers et les archives collectées par le groupe d'étudiants pendant ce temps là.
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L A VILLE DE MONTEVIDEO
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coupes historiques L a v ille d e Mo ntevideo à travers ces territoires spontanées
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Uruguay • • • • • • • • • • •
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Surface 176 220 km² Densité 19 hab./km² Eau 1,5% Les descendants d'européens représentent 88% de la population. Arrivés d'Espagne ou d'Italie au XIXe siècle taux de natalité 14,44‰, espérance de vie élevée (75,92 ans) l'émigration (0,32 émigrants pour 1000 habitants), croissance de la population de 0,51%. 27,37% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté en 2006 taux de chômage approchant les 12%. La population est essentiellement urbaine (90,7%)
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v ci-dessus: vue panoramique du centre de Montevideo, http://www.skyscraperlife. com/city-versus-city/16936-montevideo-vsciudad-de-guatemala. x page à gauche, au-dessus: vue de la «rambla», avenue côtière à Pocitos, Montevideo,(http://es.wikipedia.org/wiki/ Archivo:Montevideo_Playa_Pocitos.JPG) xpage à gauche, au-dessous: image satellitale de Amérique du Sud (googlemaps) yci-dessous: image satellite de Montevideo, (googlemaps)
Montevideo • • • •
Surface 530 km² Densité 2500 hab/ km² Population 1 326 000 hab Son sol est traversé par de multiples cours d'eau qui se jettent dans la Baie de Montevideo
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L a v ille d e Mo ntev id eo à travers deux coupes historiques Le choix de ces deux coupes dans la planification de Montevideo est lié à la pensée architecturale et urbaine de l’époque. Pendant que l’un applique un modèle théorique d´ordre et d’autorité (1728), l’autre invente une manière de s´approprier la géographie selon ses qualités (1843). Pendant que l’un commence à partir d’un design établi et d’une idée précise et claire de ce qu’il cherche, l’autre profite de la situation pour concrétiser une stratégie à court ou moyen terme comme c’est le cas dans la lutte armée à cette époque historique, utilisant les qualités du site à sa convenance.
2.1
Ville Ter r ito ire et Loi des Indes
Dès 1574 on comptait environ 200 villes créées par les Espagnols en Amérique, dont la moitié en Amérique du Sud, et leur nombre ne cessa ensuite de croître.1 L’urbanisme colonial espagnol ne laisse rien au hasard, et en 1567, le Roi Philippe II promulguait ce qu’on pourrait appeler la «charte de l’urbanisation hispano-américaine». Montevideo a été une des villes les plus tardivement fondées par la Couronne Espagnole sur le continent Américain, à partir de 1728, comptant sur le premier plan dessiné par l’ingénieur Petrarca en 1724, où les fortifications de la ville ont commencé à être construites.2 Le modèle constitutif appliqué à cette époque, répondait à la dite “Lois des Indes”: un recueil législatif vaste et complexe compilé et édité en l’année 1681, sous les ordres de sa Majesté Carlos II d´Espagne. Celui-ci reprenait les ordonnances promulguées 130 années auparavant par sa Majesté Philippe II. Ce modèle répondait à une organisation intégrale du territoire à coloniser, impliquant le contrôle et l’ordre de ses nouveaux résidents de même que les habitants originaires de l’endroit à coloniser (indigènes), la production des terres, l’économie, le gouvernement, et tout ce qui concerne le bon fonctionnement de la ville à créer sous le domaine de la Couronne d´Espagne. En ce qui concerne l’aménagement du territoire, les Lois des Indes promouvaient la création des îlots du village, distribués par tirage au sort entre ses habitants. Ces îlots partent d´un noyau constitutif où se situent les organismes 1 Pierre Lavedan, Jeanne Hugueney et Philipe Henrat, L’urbanisme Hispano-américaine, L’urbanisme a l’époque moderne XVI-XVIII siècles, 1982, Arts et Métiers Graphiques, Paris. p. 247 2 Carmona Liliana, Montevideo: Proceso Planificador y Crecimientos, UdelaR, Uruguay, 1999, p.13. 48
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yinterprétation graphique des Lois des Indes pour la formation des villes territoires du gouvernement (le Conseil, l’Église, la Police, etc...) et qui entouraient la Place Centrale du village, laquelle ne pouvait pas être plus petite que deux cents pieds de large, et trois cents pieds de long.3 Les îlots seraient fortifiés, pour des raisons défensives, formant un intérieur peuplé et un extérieur immédiat à la muraille, interdit à la construction sur au moins trois cents pas en dehors de la muraille. Le plus souvent la forme de ces îlots est le carré, on s’approche alors d’un véritable damier. D’où l’idée de cette régularité, de cette géométrie est-elle venue aux espagnols?4. Selon Lavedan l’orthogonalité des îlots, pourrait avoir trois origines possibles: la première provenait de la ville de Santa Fe, proche de Granada et construite à l’époque du premier voyage réalisé par Cristophe Colomb. Sa forme exacte en rectangle et place centrale des armes, nous rappelle d’une certaine manière le damier hispano-américain. Il est important de remarquer que cette ville a été construite comme une ville militaire. On peut dire que quelle que soit l’explication possible, les racines se trouveraient, suivant la théorie de Lavedan, dans la Renaissance, où on se rappelle, par la pensée architecturale et politique de l’époque, que quelle que soit la création d´une ville, elle doit être soumise à un dessin préalable. Ce dessin pourrait être orthogonal ou «radieux» , et Philipe II a choisi seulement le quadrillage, comme l’ont fait les colonisateur romains à ce moment-là. La raison a été, dans les deux cas, selon Lavedan, la même: la facilité d’exécution.5 Cette méthode d´exécution relativement rapide, n´empêche pas la prévision d’une possible croissance de la population et l’expansion de la ville, laquelle a été considérée grâce à la terre de Terrains. Ce territoire devait contenir la dilatation possible de la ville, laissant assez de place pour que les gens puissent se distraire, et laisser sortir les bétails sans dommages. 6
3 Compendio de las Leyes de Indias, Tomo Segundo, Libro iiii, Título 7: De la población de las ciudades, villas, y pueblos. Lviiij, Ordenanza 112,113,114 y 115, 1681. 4 Lavedan, op.cit., p.248. 5 Pierre Lavedan, Jeanne Hugueney et Philipe Henrat, L’Urbanisme Hispanoamericain, L’Urbanisme a l’époque moderne XVI-XVIII siècles, Arts et Métiers Graphiques, Paris, 1982, p. 248. 6 Compendio de las leyes de Indias, Libro xiii, D. Felipe II ordenanza 129 de Poblaciones. 49
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Cella formait un anneau productif entourant le terrain et appartenant à chaque membre de la nouvelle ville. Suivant la même logique centrée à la Place Majeure, l’autre anneau entourant les pâturages s´appelait terres de «propios», lesquelles avaient contrairement aux premières, une administration et une propriété collective de la ville pour son propre usufruit, permettant le payement des frais des salaires et autres. Entre la terre de propres et les limites de la ville (Il est important de remarquer que la ville signifie aussi les terres pour le bétail et les cultures), les parcelles de plus grande taille se divisent entre un quart correspondant à qui a conquis la ville, et les trois autres quarts sont tirés au sort entre les habitants. Ces terres ont été pour quelques uns, des individus qui auront des belles maisons de campagne, et des constructions secondaires des grandes vacances au cours du temps de la Ville de Montevideo. Le plus remarquable à signaler, comme le suggère l’ordonnance suivante, et contrairement à ce qu’on pense actuellement, est que la priorité et de semer pour ensuite édifier: Lxv.
Ayant semé les habitants, commencent à édifier. Don Felipe II Ordonnance 132: Une fois établi et ensemencé le terrain, installé le bétail en quantité et bonne prévention, avec la grâce de Dieu notre Seigneur, nous pouvons espérer l’abondance des fournitures et commencer, avec beaucoup d´attention et diligence, à fonder et édifier des maisons de bonnes fondations et murs, et tous les autres outils et instruments qui sont convenables pour édifier avec brièveté et de tout côtés.
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ci-dessus: photographie du territoire spontané à Montevideo,2005 (L.Fernandez). wpage à gauche: photographie de la rivière traversant un territoire spontané habité par des ramasseurs, Montevideo, 2008 (L.Fernandez).
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Ce modèle constitutif complet fut appelé Ville Territoire, puisque la ville se projetait en un tout intégral qui devait considérer plusieurs problématiques. Tout d’abord, selon les caractéristiques précises de sa situation géographique l’endroit devait prendre en compte le contrôle politique et administratif de la ville, les prévisions de croisements pour des possibles expansions, ou bien encore sa zone défensive fortifiée. Mais aussi, il devait permettre aux habitants de posséder des terres pour produire et s’approvissioner eux-mêmes. Concernant le sujet de notre étude, l’article suivant tiré des Lois des Indes fait état du traitement des immondices produites par la ville, même avant le propre tracé de la Place Majeure : Lv. «Qui se procure fonder près des fleuves, et là des métiers qui causent des immondices» Ordonnances 122 et 123: Parce que cela sera plus convenable, les villages devront se construire près des fleuves navigables, afin d’y avoir un meilleur va-et-vient ainsi que du commerce maritime. Nous ordonnons que s’installent près du fleuve ou de la mer, si l’endroit le permet, les boucheries, les poissonneries, les tanneries et autres commerces qui causent des immondices et de mauvaises odeurs, ainsi la population subsistera avec plus de propreté et d’hygiène.7
Selon la pensée du XVII siècle, les lits d´eau nettoyaient les immondices produites par l’ industrie humaine et, nous allons voir dans le chapitre suivant comment fonctionnent les modèles des trois siècles avant le nôtre, cette fois-ci avec la problématique du nettoyage des immondices produites par notre propre consommation.
7 Id., ibid.
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Même si avoir «un dessin» de la ville était une requête préalable à sa constitution, (c´està-dire qu’elle devait se concevoir premièrement et avant le premier tracé de la Place Majeure), ces Lois des Indes se sont appliqué dans toutes les villes créé dans le continent américain de manière singulière. Dans le cas de Montevideo, étant une ville avec des intérêts militaires stratégiques de l’époque et étant donné sa baie privilégiée, elle s´est formée principalement comme une «ville port». La Place v ci-dessus: interprétation de l’application du modèle indien à la ville de Montevideo Majeure a été réalisée éloignée de la yci-dessous: plan anonyme de Montevideo, fin de XVIIIe siècle,(Carmona, op.cit) baie, contrairement à une ville jumelée comme Buenos Aires, ce qui lui confère un caractère tout à fait particulier. La muraille s´est placée de telle manière que la surface de la ville occupait une extrémité géographique entre le fleuve Rio de la Plata et sa baie. C´est pour cela que l’expansion de celle-ci pouvait se réaliser dans un seul sens, vers l’est. C´est là où s´est placée la ligne du terrain, laquelle a déterminé une zone d´expansion vingt fois plus grande que la ville fortifiée. La zone de propres et pâturage (productive) a été réalisée considérablement plus petite que celle destinée aux fermes, aux ranchs, aux lieux de loisirs et aux résidences secondaires.
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La Grande Guerre comme une configuration s i n g u l i è re Les particularités de cette partie de l’histoire de Montevideo, qui s´est déclenchée en 1839 et a eu son apogée entre 1843 et 1851, ont été multiples. Contrairement aux conflits préalables et ultérieurs, dont la principale occupation est la défense et l´attaque face aux ennemis “extérieurs” au territoire national, ce conflit interne, entre deux partis politiques de l’Uruguay, même agrémenté d’alliés extérieurs dans les deux cas, est intégré au long processus d’indépendance de l’Uruguay. Généralement, quand il s´agit de l’indépendance de l’Uruguay, on tient compte d’abord des luttes contre la domination coloniale des Espagnols, et ensuite contre les Lusitano-brésiliens plus tard. On oublie souvent la difficile et complexe lutte contre la domination de Buenos Aires, notre voisin d’en face. La période de la Grande Guerre commence avec la rébellion de 1836 du Général Fructuoso Rivera, soutenue par l’alliance anglo-française, contre le gouvernement du président Manuel Oribe, lui-même allié avec le dictateur argentin Juan Manuel de Rosas. Finalement, et après plusieurs batailles, le président a été déchu, et en 1839, un autre gouvernement s´installe dans la ville de Montevideo, dirigé par le parti rouge sous la coupe du Général Rivera. De son côté, le président élu, réclamant son pouvoir constitutionnel, s´installe dans la banlieue de Montevideo fortifiée, aménageant ainsi une nouvelle ville parallèle. Les conditions particulières de ce “camp assiégé” favorisent une originalité jamais vue dans l’histoire de Montevideo et dans aucune autre ville: on constitue une “ville dispersée, non compacte, et opposée conceptuellement à l’idée d’une unité fonctionnelle urbaine, encadrée dans les limites d´une zone urbaine définie territorialement.8 Le concept de ville conventionnelle implique la conjonction des activités dans une zone géographique délimitée, dans l’exploitation et l’usufruit des terres pour des objectifs divers. Dans le cas du champ assiégé, une ville dispersée se construit et subsiste pendant neuf ans avec une cohérence fonctionnelle et une administration propre, qui est définie à l’époque comme une ville, et dénommée par Altezor et Baracchini comme: une ville non compacte avec des fonctions dispersées dans un territoire étendu par excès9.
8 Baracchini H. y Altezor C., Historia Urbanistica y Edilicia de la Ciudad de Montevideo, Montevideo, 1971, p.80. 9 Id., ibid., p.81. 53
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La traditionnelle ville de Montevideo fortifiée, dénommée ville assiégée, parce qu’elle avait une ceinture périphérique retranchée qui lui empêchait de s’étendre pour des raisons militaires défensives, contenait toutes les fonctions nécessaires d´une ville, dépendante, pour se ravitailler de nourriture, principalement du port pendant cette période de Guerre: encerclée dans les limites étroites de son territoire immédiat, elle se connecte avec l’extérieur à travers la navigation, perdant le soutien économique productif de la campagne.10 C´est ainsi que l’ancienne ville augmente ses traits de ville portuaire et de commerce avec l’extérieur, perdant lentement ses caractéristiques originelles d´une “ville territoire” et d’une intégralité des fonctions productives. Entre cette ville fortifiée et assiégée et la ville dispersée assiégée, on trouvait une épaisseur formée par les deux lignes de tranchées, qui apparaissent dans le Plan de l’arpenteur Pedro Pico comme une ligne en avance de la Place et une ligne en avance de l’ennemi. Les conditions particulières de ce “camp assiégé” favorisent une originalité jamais vue dans l’histoire de Montevideo et peutêtre dans aucune autre ville: on constitue une “ville dispersée, non compacte, et opposé conceptuellement à l’idée d’une unité fonctionnelle urbaine, encadrée dans les limites d´une zone urbaine définie territorialement.11 Dans une ville qui doit faire avec ses fonctions séparées par des hectares de terrain inexploités, et potentiellement prédisposée à l’attaque des forces des villes assiégées, le système des communications entre ses noyaux est l’élément urbanistique intégrateur: ces quatre entités territoriales, unies linéairement 10 Barracchini H., Historia de las Comunicaciones en el Uruguay, éd. Instituto de. Historia de la Fac.de Arquitectura. Montevideo,1981,p.50. 11 Baracchini H. y Altezor C., Historia Urbanistica y Edilicia de la Ciudad de Montevideo, Montevideo, 1971, p.80. 54
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par le Chemin du Cardal et le Chemin des Propios, accomplissent des fonctions typiquement urbaines, de caractère complémentaire.12 L´analyse d´Altezor et de Baracchini considère que la caractéristique singulière de la ville dispersée pendant la période de la Grande Guerre est une conséquence des faits politiques et militaires de l´époque, mais sans partir d´une doctrine théorique urbanistique précédente. Elle répond simplement à des nécessités d´attaque d’une ville fortifiée avec un front côtier et une sortie portuaire, ville qui avait besoin d´avoir, en un faible temps de construction, tous ce qui est nécessaire pour subsister, attaquer, se défendre et vivre normalement. A partir de la “Paix d´ Octobre” de 1851 entre les deux villes, le fonctionnement du système des communications de la ville dispersée se détériore, puis celle-ci est intégrée à l’ancienne ville, initiant une nouvelle expansion. Le port de Buceo languit jusqu’à disparaitre, ce dernier étant actuellement un port de yachts et de voiliers privés. Les sept décennies suivant la Grande guerre ont été celles d´un énorme développement urbain à Montevideo. Les fractionnements de terres réalisés dans cette période, ont participé à l´intégration des “lointains” noyaux dispersés de la ville assiégée, utilisant pour ces nouveaux quartiers les tracés des mêmes chemins de base. La ville s´est agrandie de 333 hectares dans cette période, jusqu’à occuper un rayon de dix kilomètres13. Cette grande conurbation du début du XX siècle incorpore des quartiers à la place des anciens peuples de Cerro, Pueblo Victoria, Paso Molino, Cerrito et Union, ceux-ci étant les deux derniers produits originaires de la ville dispersée, intégrés aujourd’hui, avec le temps, à l’intérieur de la ville. Les deux interruptions historiques ont leur parallèle territorial, intéressantes pistes pour penser notre ville contemporaine: l’idée d´une ville territoire, qui organise la parcellisation et la distribution équitable des terres, indissociable de sa production de nourriture destinée à la consommation des habitants de la ville. Mais également l’idée d’une ville dispersée, qui avait réussi à avoir une autonomie fonctionnelle à travers le lien de ses parties décentralisées et périphériques parallèlement à une ville centralisée et fortifiée.
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gauche: interprétation graphique de l’itinéraire de «postes» et système de Communications en Uruguay, décembre 1858 (Barrachini,op.cit)
12 Barrachini, op.cit., p.82. 13 Lenzi, Arana, Bocchiardo, El Montevideo de la Expansion-1868-1915, éd. Banda Oriental, Montevideo,1986. 55
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Le transport terrestre, de l’Indépendance en 1825 jusqu’à la fin de la Grande guerre, ne compte pas de grands progrès technologiques, et sa forme principale est celle de la traction animale. Selon Baracchini, les caravanes de charrettes tirées par des attelages de bœufs, constituent une forme généralisée dans la communication entre divers points du territoire national. L´organisation en caravanes est une conséquence de l’insécurité de la campagne, résultat de l’absence d´une domination effective du territoire du gouvernement libéral, qui s´est établi dans les centres urbains plus importants». Un “entre-deux“ se formait dans cette campagne, où les gauchos14 solitaires ou bien regroupés, constituaient une menace pour le trajet des charrettes, et où les postes de chevaux et de diligences, se configuraient comme des endroits de refuge et de repos au milieu de l’“intempérie qui menace”. Le transport terrestre qui structure le reste du territoire national hors de Montevideo, est concevable selon Baracchini, comme une réponse naturelle de défense collective, pour un milieu rural hostile à toute activité économique ou sociale organisée.15 Il y a eu une exception à ces moyens de transport, qui a été le système de chasques16, composé de cavaliers militaires ou experts de l’endroit, qui reliaient les différents postes, afin de former une trame de communication par son simple et fréquent déplacement entre les points éloignés du territoire national. Ce système a réussi à créer en 1827, une série de chasqueros rémunérés, mais celui-ci a été tellement inefficace (le passage du militarisme au volontariat civil n´étant pas aussi simple qu’ils le supposaient) qu’en 1828, ils ont créé le premier contrat de postes de chevaux. Ce système avait un itinéraire basé dans la ville de Durazno, barycentre du territoire national, et comptait sur une complexe coordination des postes locales, comprenant dans l’ensemble une trame fonctionnelle facilement adaptable aux exigences économiques d´un milieu en évolution productive naissante.17 Le point de contact dans le territoire, l’équivalent d´un nœud d´un système en réseau, était les maisons des postes, où on échangeait des objets, on relayait les animaux de transport et les personnes à charge de celui-ci, des personnes spécialisées en divers métiers qui étaient nécessaires à son bon fonctionnement, ainsi qu’une administration de l’état pour garantir l’accomplissement des contrats. Le contrat se dressait entre une personne privée (entreprise de services et transport aujourd’hui) et la branche d’administration des courriers de l’État.
14 Le terme gaucho désigne en Argentine, Paraguay, en Uruguay et au sud du Brésil le peuple de gardiens de troupeaux de la pampa sud-américaine. L’étymologie de ce terme aurait pour origine la langue quechua”huacchu” (orphelin, solitaire), ou ducalo (gitan, bohémien espagnol). 15 Barracchini H., op.cit., p.38 16 Le “chasque” ou “chasqui” (mot quechua signifiant messager) était le nom donné au cavalier de la pampa qui transportait des messages et courriers aux autres régions. 17 Barracchini H., op.cit., p.40 56
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Le système, contrairement aux objectifs stratégiques et militaires du système de chasques, est maintenant centré sur la nécessité économique de transporter la richesse de la campagne vers la ville, de faire transiter la production rurale jusqu’à la ville portuaire de Montevideo pour sa consommation locale comme pour l’exportation. La circulation interne à l’État se résume ainsi à des intérêts privés de commercialisation de la production qui s’agglomèrent au même endroit, les maisons de postes. Ce système générait de nombreux conflits publics-privés entre les maîtres des postes (responsables auprès de l’État) et les dirigeants locaux, également avec l´Administration des Courriers. Ainsi, le système est semblable à celui du lien en réseau de petits noyaux dispersés, et, de ce fait, le Règlement Provisoire de janvier 1828 nécessitait, pour l’attribution de ce marché de transport, un minimum de trente chevaux de service et deux ou trois assistants (postillonnes18) pour chaque poste. Considérant que le contrat englobait tout le territoire national, le premier a été attribué à une entreprise qui comptait 300 postillonnes, 115 maitres de postes et 3500 chevaux. C´est-à-dire que la décentralisation territoriale et la dispersion fonctionnelle du réseau des transports s’inversait ensuite à travers un contrat, comprenant une clause spécifique, destiné à une entreprise «de grand capital d´inversion initiale» On imagine que la maison des postes devait compter avec une structure spatiale déterminée, cependant, il n’y avait aucun établissement intégré au système, et le Règlement général prévoyait ce qu’on appelle la “domestique irrépressible” destinée à la défense du système. Mais comment gérer les services non prévus initialement comme les endroits pour passer la nuit, les salles à manger, la distribution de courriers locaux, les endroits de rangement, les endroits de réparation des moyens de transport, etc.? Nous pouvons en conclure que la gestion interne des maisons de postes s’est construite de manière spontanée avec son coût propre, générant alors un nouveau service local ajouté à l’obligation de transport des personnes et des objets. Selon Baracchini, le contrat des postes de chevaux constituait une proposition d’aménagement du territoire au niveau national qui opérait comme une réponse à l’intention de relier différents points du pays, selon leur importance économique ou stratégique, des conditions valides pour n´importe quelle forme d´ État et n´importe quelle situation historique.19
xinterpretation
graphique de l’itineraire de «postes» et système de communications en Uruguay, decembre 1858 (Barrachini,op.cit)
18 Quelqu’un que sur un cheval, conduit les chevaux qui ont effectué tous les relais. 19 Barracchini H., op.cit., p.50 57 57
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L a v ille d e Mo ntev id eo à travers ses ter ri to i re s s p o ntan és
wà droite: plan anonyme de Montevideo, «Ciudad
Nueva», et son expansion, 1890 (Carmona, op.cit). page suivante: plan de la «Ciudad Novisima», Fernando Surroca, 1872 (Carmona, op.cit). En ligne rouge, ville originelle, en noir, «ville nouvelle», première expansion, et gris, limite de la ville «plus que nouvelle»
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2.B.1. Croissance : cont rôlée ou spontanée? La génération spontanée serait l’apparition d’un être vivant sans ascendant, sans parent. Au XIXe siècle cela prend aussi le nom de spontéparité, ou encore hétérogénie* Hétérogénie: hétéro, du grec ancien (étéros) «autre» et (gueneïa) «relatif à l’origine». Les micro-organismes, microbes et levures, semblaient être le produit évident d’une génération spontanée. Hors de cette compréhension animale de la génération spontanée, c’est penser que LA VIE PEUT SPONTANÉMENT S’ORGANISER POUR DONNER L’EXISTENCE À UNE FORME DE VIE QUI LUI SEMBLE OPPORTUNE. 20 Après la période de la Grande Guerre, que nous venons d’analyser, Montevideo a vécu plusieurs étapes et différents projets urbains . Ces derniers ont essayé de répondre aux situations existantes à partir des Projets Urbains et d´Ordonnances avec l’illusion que la discipline architecturale réussirait à mettre de l’ordre dans ce qui existait déjà, et qui s’était développé de manière non planifiée. La première expansion de Montevideo, antérieure à l’époque de la Grande Guerre, a dessiné une nouvelle structure en damier, à l’Est de l’existante, en marquant une nouvelle rue comme extension maximale des îlots de la ville-territoire originale. Les anciennes murailles ont été détruites et reconstruites plus loin, pour inclure les nouveaux lotissements, fondamentaux pour le maintien du nouvel État agrandi. La superficie de cette «Nouvelle Ville» est à peu près le double du damier d’origine.
20 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Génération_spontanée, acces 03/2010 59
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Quelques années plus tard au cours de l’année 1878, une nouvelle ligne, l’actuel Boulevard Artigas, a été créée comme limite à la croissance de la «Plus-que-nouvelle Ville21 ». A cette époque le Gouvernement croyait tracer une limite officielle à l’urbanité de Montevideo, afin d’encadrer l’apparition spontanée de quartiers en dehors de la « Nouvelle Ville » pendant la Grande Guerre. L’inclusion des anciens tissus d’urbanité créés pendant l’époque de Guerre et plusieurs années après, a motivé la tracé de cette ligne, suffisamment loin pour les inclure dans la nouvelle ville. Elle laisse cependant les principaux établissements comme L’Union (ancienne ville Restauration) en dehors du nouveau tracé et n‘empêche pas les nouvelles expansions éventuelles. Pendant cette période, d’une quarantaine d’années depuis la fin de la Grande Guerre, la population de Montevideo a quadruplé, passant ainsi de 34 000 à environ 120 000 habitants22. Cette explosion démographique peut expliquer le manque de planification de son expansion, les autorités de l’époque étant plus concentrées sur la situation du cœur de la ville. Les villes européennes faisaient référence, notamment le modèle français,qui organisait la construction en fonction des interventions hiérarchisées. Nous pouvons dire que ces deux planifications urbaines ont les mêmes stratégies: déplacer la limite antérieure de la ville pour une nouvelle limite artificielle, et se donner l’illusion de la maîtrise. La première planification (la Nouvelle Ville) était due à la nécessité de l’expansion de la ville, alors que la deuxième (la Plus-que-nouvelle Ville) essayait d’instaurer l’ordre là où la Grande Guerre avait fait deux villes simultanées. Depuis la première expansion de Montevideo, «ville planifié et ville réelle»23 coexistent et leur rapport ressemble à celui du chat et de la souris l’un cherchant toujours à rattraper l’autre. mais le chat n’est pas bien malin et il ne pense pas à renverser la situation et à faire des prospectives futures en accord avec la vaste et complexe réalité.
21 En espagnol: “Novisima”. 22 Carmona Liliana, op.cit., p.67. 23 termes utilisés par Carmona, op.cit. 60
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“De manière spontanée, mais avec une certaine organisation, le quartier commençait à se donner...” Entretien à la Commission d’établissements du CCZ24 1225 Un peu plus de la moitié (56%) des établissement irréguliers réalisés à Montevideo, sont des habitations qui se développent de manière spontanée, à l’aide un processus que nous appelons de “au fur et à mesure”26. Une famille commence à occuper la terre, puis de manière individuelle d’autres s’établissent, et l’addition de ces habitations forme l’établissement au fil du temps.27 On considère l’hypothèse selon laquelle ce type d´habitations spontanées forment dans le territoire un tissu de chemins sinueux non-quadrillé et une organisation particulière, contrairement aux habitations qui se sont développées avec une organisation préalable. Nous pouvons dire que même si la précarité de logement par rapport aux matériels de construction et les inexistantes infrastructures urbaines dans ces cas, est la même, l´action de planifier préalablement, de raconter avec une idée plus grande qui se façonne en peu de jours d´occupation massive par un groupe de personnes avec une connaissance préalable, répond à la duplication du modèle de la renaissance de compter avec une design à exécuter. Si bien que dans beaucoup de cas ce dessin en papier n’existe pas, il répond à des intentions politiques partidaires, où les acteurs politiques jouent le rôle des architectes urbanistes: Pratiquement le 80% des occupations organisées, se registrent à partir de la sortie démocratique, une période dans laquelle les mouvements sociales historiques se trouvaient désarticulés, donc aussi ses endroits de revendication. La nouvelle situation a permis d’établir des réseaux de contact avec les représentants de partis politiques, se constituant de certaine forme dans un mouvement social qui transportait les requêtes d’un secteur de la population.28 Il apparaît que la croissance de la ville a répondu à des besoins privés de spéculateurs avec des intérêts économiques ainsi que des acteurs idéologiques avec une intention politique, et non pas à une planification officielle avancée, qui prévoyait les possibles expansions et croissances, à travers des scénarios prospectifs sur les futurs possibles de la ville. Nous observons que la majorité de la ville telle que nous la connaissons aujourd’hui a été durant une période un territoire de croissance irrégulier, qui, dans un moment historique déterminé, s´ intègre à la ville “formelle” et devient un tout composé par des parties hétérogènes. Les établissements aujourd’hui appelés irréguliers comptent des degrés de consolidation importants, en place dans la plupart des cas depuis plus de trente ans, et il a été prouvé que le niveau de pauvreté (revenu économique par foyer) diminue en fonction de la consolidation du bâtiment.29 24 Centre Communal Zonal, c’est l’équivalente d’une division administrative décentralisée, en accord avec la Municipalité. Montevideo a été divisé en 18 zones communales, C.C.Z. 25 MVOTMA-PIAI, Caracterizacion fisica y social de los asentamientos irregulares y sus entornos, Seccion II, Departamento de Montevideo, 2008, Uruguay. p.62 26 L’expression en espagnol corresponde à celle d’un goût, d’un processus équivalent à un robinet qui laisse de l’eau couler petit à petit. Pour trouver le mot «gouttement» assez incompréhensible, nous allons choisi de le nommer «au fur et à mesure» 27 MVOTMA-PIAI, Caracterizacion fisica y social de los asentamientos irregulares y sus entornos, Seccion II, Departamento de Montevideo, 2008, p.62. 28 Id., ibid.,p.64. 29 Id.,ibid.,p.67. 61
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Cependant, pour les intégrer à la ville existante, nous considérons nécessaire la génération des mêmes infrastructures basiques que l’on trouve dans tout le reste de la zone urbaine de la ville: assainissement par tuyaux et réseaux de pompage, illumination et eau qui proviennent du même réseau urbain, logements de matériels similaires à ceux du reste de la ville (blocs, briques, et d´autres pierres de maçonnerie). Le processus pourrait s´appeler de “démocratisation” des conditions urbaines des habitants de la ville. Nous pouvons nous demander si nous avons tous besoin de la même réponse et du même type d’habitat (sans même considérer le coût très élevé que cela implique au niveau économique) ou bien s’ il y a des nécessités différentes et des réponses, qu’ils travaillent à partir de la différence comme un concept et comme potentialité. On appellera donc de manière générique des territoires «spontanés», à ceux que par la différence de leurs bâtiments et infrastructures avec le reste de la ville, sont dénommés actuellement des “établissements irréguliers”.
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L ´ h i sto ire et la cara c tér is ation actuelle
Le premier registre graphique sur lequel on peut s’appuyer pour étudier ce qu’on appelle “Cantegriles” en Uruguay ou bien taudis dans sa traduction française, c´est le film du même nom daté de 1958 et réalisé par Alberto Miller. Dans ce film, on peut découvrir des images sur la vie dans la périphérie montevidéenne de l’époque, lieu au caractère extrêmement précaire et où s’exercent des activités de type rural. On découvre également la vie d’habitants de la campagne uruguayenne venus dans la capitale pour tenter leur chance se rapprocher des lumières de la ville. Selon une analyse réalisée par le collectif d´investigation architectural «Pendant ce temps», des registres des années 50 nous montrent que la mairie de Montevideo s´occupait des situations d´extrême pauvreté à l’aide de programmes d’“Éradication des Taudis”. Ces derniers ont été basés sur la construction des logements minimum, ou bien de logements d´urgence. Le Service de Habitations de la Mairie de l’époque qui était en charge de ces problèmes, a réalisé une évaluation critique de la dispersion des efforts en la matière, et proposé la concentration comme réponse au travers d´“unités d’habitation”. Ces unités étaient considérées à l’époque comme “l’expression plus avancée de la technique urbanistique en matière d’ensembles d´organisation de logements”30 et «elles étaient pensées pour donner une solution à ceux qui seront dix 31établissements enregistrés jusque´à la date». On peut remarquer que, concernant le logement social, l’Uruguay de l´époque n´était pas loin de se qui ce pratiquait dans le reste du monde, principalement en Europe et aux États Unis. Cependant, «la conséquente démolition des grands ensembles n´a pas eu l´air de prévenir le futur possible de ces unités d’habitation». L’architecture moderne est morte à Saint Louis, Missouri, pendant le mois de juillet 1972, où une des unités construites par Pruitt-Igoe a eu son coup de grâce final en étant détruite avec la dynamite. Jeff Byles32 30 Collectif Pendantcetemps, 2005, Memoria del Consejo Departamental de Montevideo, 1955-1960, Montevideo 1960. 31 MVOTMA-PIAI, op.cit., p.60. 32 There goes the ghetto, dans Rubble, Unearthing the history of demolition, Harmony Books, USA, 2005. 62
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Ce même bâtiment avait été loué dans l’Architectural Forum en 1951 comme un triomphe de la «chirurgie des bidonvilles» qui permettrait de sauver non seulement les gens, mais aussi de l’argent, de la misère des vieilles maisons habitées par des rats ». 33 Nous n’avons pas, à la petite échelle montevidéenne, des King Kongs du logement public34, mais il existe le Casavalle, haut de presque trente étages de moins que ce bâtiment du Missouri. Ce dernier, considéré aujourd’hui comme une des zones les plus conflictuelles de Montevideo, a été construit au début des années 60 pour répondre à la politique de “réduction massive de la population marginale”. Pendant les années suivantes, période du coup d´État réalisé par les militaires, qui ont été au pouvoir entre 1973 et 1985, on n’enregistre aucune politique d´État «d’éradication de la pauvreté». Cependant, une libéralisation du prix des locations a produit une migration interne dans le département, en raison des prix élevés du marché immobilier, ce qui a eu pour effet de générer une v photographie du quartier «Casavalle», 2008 croissance importante du nombre (www.larepublica.com.uy) des établissements irréguliers. Nous trouvons environ quatre-vingts nouvelles implantations irrégulières lors de l’ouverture démocratique en 1985.35 Dans les années 1950, l’Argentine avait la plus grande classe moyenne sur le continent, et le voisin uruguayen avait un taux d’alphabétisation de 95 pour cent et a offert des soins de santé gratuits pour tous les citoyens (...)En Uruguay, les militaires ont organisé un coup d’État en 1973 et l’année suivante, le pays a décidé de suivre la voie de l’École de Chicago ...vers la réforme du système fiscal de l’Uruguay et de la politique commerciale. Les effets sur la société antérieurement égalitaire de l’Uruguay ont été immédiats: les salaires réels ont chuté de 28 pour cent, et des hordes de ramasseurs de déchets apparurent pour la première fois dans les rues de Montevideo ... Naomi Klein 36 Noami Klein, dans son livre “La Stratégie du choc”, démontre que, pendant que les dictatures en Amérique Latine refoulaient la sédition “communiste” en centralisant leurs actions dans une lutte de type politique, les intérêts économiques de libéralisation et de vente des biens de l’État se trouvaient au second plan, derrière la dure répression militaire dans la p.196. (traduction de l’auteur). 33 Id., ibid.,p.197 34 Id., ibid. 35 MVOTMA-PIAI, op.cit., p.61. 36 The Shock Doctrine, The Rise of Disaster Capitalism, USA, 2007. p.64 et p.87. (traduction de l’auteur). 63
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région. De ce fait, à cette époque, la chute de l’emploi, la très forte baisse des salaires, ainsi que l’endettement de l’État, ont construit des bases instables pour la migration interne de nouveaux habitants d´établissements spontanés et la déstabilisation structurelle des emplois anciennement indéterminés. En réponse à la situation de précarité montante , la Mairie montévidéenne a mis en place le Plan 40 semaines, construction de logements sur 2 à 4 étages, qui regroupaient des petites chambres. Trois ans plus tard, suite à une nouvelle ouverture démocratique, fut créé le Plan Aquiles Lanza, générant des bâtiments semblables. Contrairement à l’expérience des grands ensembles à caractère social qui a eu lieu en France, les unités d’habitation Casavalle, 40 Semanas ou Aquiles Lanza existent encore et n’ont été ni démolies, ni reconstruites. Elles forment des zones d’établissement spontanés périphériques, considérées dans leur ensemble comme effrayantes pour la société “du dehors” et avec honte pour ceux qui y habitent: “En réalité, ceux de Cuarenta Semanas ne disent pas Cuarenta Semanas, ils disent: je suis de Jardines de Behering”37 D’après les recherches du Collectif «Pendant ce temps», la période de l’éradication a fait place à la “Régularisation d’ Établissements”. Ce changement provient d’un décret du conseil du Département de 1989, où l’on proposait la régularisation juridique-domanial des 7 quartiers (sept «zones problèmes» de pauvreté urbaine à Montevideo) Ces sept quartiers sont un produit de diverses politiques en matière de l’État dans les années suivantes, au sujet des établissements spontanés. Ce processus d´“intégration” est aujourd’hui, vingt ans après, fini grâce à l’intervention du Programme officiel Actuel chargé de ce thème. Ces territoires s´appellent Cerro Norte (qui regroupe 3 des quartiers originels) et Las Higueritas. Suivant la chronologie des différentes étapes, la Régularisation d’établissements trouve son apport le plus probant dans la création du Portefeuille de Terres pour le logement, à travers un décret de 1990, où l’on attribuait des terres d’établissement selon le décret suivant: La régularisation d´un établissement est le processus, d’aspect domanial ou urbaniste, qui vise à ajuster les droits de ses habitants et améliorer leur qualité de vie, au travers d’actions administratives, matérielles, constructives et/ou socio-culturelles. Neuf établissements spontanés ont été sélectionnés dans ce Portefeuille de Terres entre 1992 et 1994, et, actuellement sous la responsabilité du Programme Officiel de l´État. Quinze établissements spontanés sont rentrés dans le Portefeuille de Terres en 1997. Un est actuellement dans un processus de pré- investissement (Isla de Gaspar), un autre est en processus de projet exécutif 38 (Nuestros Hijos), quatre sont en processus de consultation Asociacion Civil Esperanza, Nuevo Colon, Campichuelo, Mahilos), trois sont en phase de travaux de construction (Sebastopol, Barrios Unidos, 17 metros), un est «en attente» 39 (San Antonio y) et finalement un seul sur quinze a vu ses travaux terminés (Nuevo Colman). 37 MVOTMA-PIAI, op.cit., p.75. 38 Comme n’importe quel ouvre architectonique ou urbanistique, le projet exécutif prend compte des ajustements du projet original, selon changements du site ou ajustements qu’ont a lieu par rapport au projet original. L’étape d’avant c’est celle de tendre, et celui d’après de travaux. 39 C’est un appel d’ouvrage à des entreprises privés, pour prendre en charge des travaux qui devant être réalisés en matière d’assainissement, de la construction de l’infrastructure urbaine, de logement, et tout ce qui concerne la chargé de projet. 64
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Barrio Nuevo Uruguay, Las Tres Gracias, Las Amapolas et Rodolfo Ricon sont dans des états inconnus. Parallèlement à ce processus de Régularisation mené par la mairie de Montevideo avec son Portefeuille de Terres, apparaît, pendant l´année 1995, sous l’égide de l’aménagement du Territoire et Environnement, branche du Ministère du Logement, la “Commission de Normalisation des Établissements Irréguliers”. Cette Commission avait également comme devoir la régularisation de ces territoires spontanés, mais son nom connotait en plus l’intention de “normaliser” ces endroits de la ville. Alors que l’on observait, durant la deuxième moitié des années 80, une augmentation de 50 nouveaux territoires spontanés, la première moitié des années 90 a vu l’émergence de 80 nouveaux territoires du même type. La croissance accélérée qui a eu lieu dans les années 90, trouve une répartition territoriale bien précise puisque plus de la moitié des établissements irréguliers créés dans cette période se trouvent dans la zone ouest de la ville, tandis que la région avait une croissance plus posée (25% d´entre eux existaient déjà en 1977, avec une pointe plus importante pendant la fin des années 90 et la première moitié des années 2000).40 Cette Commission a pris en charge dix établissements. En 2004, le Ministère crée le “Programme d’Intégration Urbaine”, et annule ainsi cette Commission de Normalisation. 41 Préalablement, la Présidence de la République, à travers un organisme Central de Planification, a crée en 1998, le Programme d’ Intégration des Établissements Irréguliers (PIAI), toujours actif aujourd’hui. Ce programme réussit à coordonner les territoires antérieurement dissociés entre les Mairies et les Ministères, coordonnant ainsi les actions réalisées de manière uniforme. Les objectifs du Programme sont d´améliorer la qualité de vie des résidents des établissements irréguliers d’Uruguay, promouvant l’intégration physique et sociale de l’environnement urbain. Basés sur des paramètres préventifs, ses objectifs de réduction future de l’accroissement du problème cherchent aussi à améliorer la centralisation et la coordination des politiques gouvernementales, dirigées vers une réduction de la pauvreté urbaine. Le programme a vu l’apparition de nouveaux établissements, non-étudiés dans les programmes passés, et qui correspondent soit à des anciens territoires qui ont changé de nom, soit à de nouveaux territoires formés après 2004. Le budget central de ce Programme provient de prêts de la Banque Interamericaine de Développements, laquelle a fourni un budget de 92.400.000 USD en 1998, et, dix ans plus tard, 70.000.000 USD ont été débloqués pour l’amélioration des établissements informels, mais aussi pour éviter la formation des nouveaux territoires dans des zones urbaines d’Uruguay42. Ce prêt fait partie d´une ligne de crédit conditionnelle de 300 000 000 USD pour améliorer le quartier en général, attribué aussi par la B.I.D.
Le système complexe d´intégration de ces territoires implique de nombreuses étapes (portefeuille de consultation, projet exécutif, en atteint, travaux, post-travaux, etc) ce qui explique le temps considérable (5 à 20 ans) que prend le processus « d’intégration à la ville ». 40 MVOTMA-PIAI, op.cit., p.61. 41 Collectif “pendantcetempsla”, 2005; Memoria del Consejo Departamental de Montevideo, 1955-1960, Montevideo 1960. 42 Voir www.piai.gub.uy, accès le 05/04/10 65
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Même si la nomenclature change avec les différentes périodes gouvernementales et paradigmatiques (différentes manières de faire et de penser la ville), nous comprenons que, de manière générale, la pensée architecturale et urbaine qui traverse toutes les étapes des actions mentionnées, est similaire sur un point: les territoires spontanés, appelés taudis, bidonvilles, établissements irréguliers ou informels, sont vus en tous les cas comme un problème à solutionner, éliminer, éradiquer. Mais en aucun cas les contributions économiques et environnementales que produisent ces habitants, ne sont analysées comme une donnée importante du système.
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v nouvelles maisons construites par le Programme PIAI, aux anciens habitants du territoire spontané «25 de Agosto» (voir p.40), photographie pris par Pablo Bueno, 2004.
Est-il possible d’imaginer des dispositifs, agissants au fil du temps, qui déclenchent des transformations préalables à une éventuelle “intégration” formelle de la ville? Peut-on intégrer des territoires sans les transformer en tissus quadrillés, suivant encore aujourd’hui le modèle de colonisation espagnole? Qu’est-ce qu’implique l’intégration à la ville? Serait-ce d’avoir des rues pavées, munies de systèmes d’assainissement et éventuellement de logements améliorés? Est-ce une condition suffisante? Est-ce «mieux que rien» ou est-ce une dépense démesurée d’un État endetté?
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2.B.3. Les chiffres, démographie et croissance Le Programme PIAI a confié en 2008 une étude intégrale sur la situation des établissements Irréguliers à Montevideo, étude pionnière dans ce domaine. L’enquête nous donne des chiffres actualisés, à savoir qu’à Montevideo existent 1379 hectares occupés par des territoires spontanés, 70% d´entre eux se trouvant sur sol urbain, le reste étant sur sol rural ou potentiellement urbanisable. Ces hectares se divisent en 413 territoires qui correspondent à un nombre d´établissements irréguliers (terme employé aujourd’hui en Uruguay) et n’implique pas de surface minimale. Ainsi nous pouvons trouver des établissements très petits (600m²), comme de très grandes surfaces de territoire occupées spontanément. Dans ces territoires habitent 145.196 personnes, à savoir 11% de la population de Montevideo, mais ce qui est intéressant, c´est que plus de la moitié ont moins de 18 ans (53,8%), c’est à dire 31,2% des mineurs de tout Montevideo43. Considérant le vieillissement de la population de Montevideo et son faible indice de natalité, nous pouvons conclure que les nouvelles générations se forment dans ces territoires spontanés de la ville, ce qui nous laisse imaginer de nouveaux panoramas et scénarios dans un futur proche. Selon l´ Institut de statistique, il y avait 2.500 habitations en 1984 dans les établissements irréguliers, et, en 1998, ce chiffre s’est vu multiplié par 2 (30.000 logements, 7 % du total de Montevideo). Le dernier recensement de logements irréguliers de la Mairie de Montevideo, en 2002, fait état de 124.824 personnes réparties en 29.919 logements situés dans des territoires spontanés. Le programme PIAI travaille actuellement sur 45 des 413 établissements au total, ce qui bénéficie à 19 039 personnes. En ce qui concerne les 63 noyaux appelés “Aires d´Intervention”, le Programme travaille sur 35% des établissements, c´est à dire 70 145 personnes. Si on en revient à l’analyse selon les plans de l’État, englobant les divers regards et approches existants sur ce sujet, il apparaît que 52% de ces territoires ne peuvent actuellement être inclus dans ce Programme. Autrement dit, l’État n’a, pour l’instant, pas de solution pour 214 établissements irréguliers, soit 53567 personnes. Les motifs invoqués sont divers : tout d’abord le sol occupé par ces habitants (des normes et des critères urbanistiques) comme par exemple les territoires qui se trouvent sur le sol rural affecté par un projet urbain non-résidentiel, les zones environnementales protégées, les zones inondables, terrains privés selon les critères de management du PIAI ; mais encore les conditions sanitaires environnementales des habitants, et le danger que cela constituerait d’intégrer un territoire dans cet état. C´est le cas par exemple des établissements situés dans des dépotoirs, décharges, ou autres zones avec des déchets. Quelles peuvent être les stratégies d´action dans ces territoires, qui restent en dehors des zones d´action institutionnelle du planning officiel? On peut dès lors considérer ces territoires comme zone d´opportunité pour penser et agir à partir d´un autre type d´ architecture, à partir d´un autre urbanisme. Cela permettrait de penser de nouveau les problèmes de la ville contemporaine, tenant compte que l’État fait tout son possible en fonction de son temps, ses restrictions et ses intentions politiques, réussissant à s´occuper de la moitié de ces territoires, abandonnant l’autre moitié face a sa propre autopoïèse. 43 Enquete de l’Institute National de Statistique, 1994. 67
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ter ri to ri a l e La
rivière "de la plata"
2.B.4. configuration
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Comment les zones non aedificandi se produisent elle même de façon spontanée? Nous allons d’abord les écouter, pour ensuite regarder sa formation territoriale de plus près.
montevideo que l'on croit avoir
2.B.2 décharge municipel des résidus ménagers
2.B.1 et limites administratives-juridiques...
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zones protégés naturel
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rural,
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Un territoire composé par des usages du sol: “urbain
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departament de"San Jose"
départment de "Canelones"
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2.A.3 2.A.4 2.B 2.B.1 2.B.2 2.B.3 montevideo et le non planifie
2.A.2 413 territoires spontanées 1379 ha 10% de la population de la ville 33 % des mineurs de la ville
Une surface existante avec:
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(Cerro I) Cno. Cibils y La Boyada 1400 habitants
wà
droite: territoire spontané en mode «planifié», occupé pendant une ou deux nuits. Le tracé reste en damier et «l’urbanisation» se produit normalement «sur place».
Nord 1 wà droite:
un autre cas de mode «planifié», occupé en 2003, où on observe le même type de damier. Dans ce territoire en particulier, nous avons fait avec le collectif «pendantcetemps» tout un relevé des maisons construites sur le terrain, ainsi que diverses photographies prises sur les usages du sol productif (potagers familiaux).
Cno.Repe o y Ruta Nº8 1200
yci-dessous, troisème cas en mode planifié, cette fois occupé pendant la période de dictature, sur les bords de la route d’accès à la ville.
24 de Junio Ouest 3 Cno. Cibils y Acceso a Ruta 1 4485 habitants
Maracana
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Cerro 13 \ Estrella del Cerro Pasaje Ar gas Sur, Sierra Leona, Cont. Charcas 2180 habitants
Casabo v ci-dessus: un des territoires spontanés les plus grands et anciens de la ville, le quartier Casabo. Nous avons fait, avec le collectif déjà mentionné, un relevé morphologique du site pour donner une idée à la Mairie du nombre d’habitants et maisons existants dans le quartier. L’occupation s’est faite au fur et à mesure pendant plusieurs décennies c’est pour cela que le tracé ne correspond pas à celui du damier. Le quartier voisin correspond à une zone de bas revenus, les terrains n’ont pas de valeur significative, ce qui a permis une expansion territoriale de façon irrégulière. y ci-dessous: dans cet autre cas, situé au cœur du quartier le plus riche de la ville, la croissance du territoire spontané se forme à l’intérieur, par augmentation progressive de sa densité. Aquiles Lanza occupe une zone non aedificandi, comme celle des bords de rivières. Pour le cas de Casabo, la dernière occupation se produit elle aussi aux marges des petites rivières qui traversent le quartier. Est 2 Berhing entre Bv.Batlle y Ordoñez y Gral Máximo Santos 492 habitants
Aquiles Lanza 71
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droite: territoire spontané en face du site de la décharge. Ses habitants se consacrent au triage et à la récupération des résidus. Leur terrain ressemble à celui d’une petite décharge (il n’y a pas d’enlèvement des ordures, même si des camions passent tout les jours dans la rue jouxtant cellui-ci). Le tracé irrégulier dans le territoire est assez particulier, il ressemble à des racines, à des rhizomes.
yci-dessous: situation semblable, avec une configuration territoriale similaire. Les habitants de cet autre territoire spontané, se consacrent à l’extraction de terre pour la vendre au floriculteurs de la rue d’en face (voir plus dans le chapitre 3)
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Cno. Felipe Cardozo y Cochabamba 129 habitants
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Cno. Gral Servando Gomez al final Est-1 237 habitants
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Psje.D hasta Alaska y J. Castro, hacia A. Pantanoso, 568 habitants
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Cantera del Zorro xci-dessus:
territoire spontané très ancien (1964), occupé par des ramasseurs. Il est situé au fond d’une rue de la peripherie ouest de la ville dans un cul-de-sac bordé par une des principales rivières (Pantanoso). Comme pour la plupart des territoires spontanés de Montevideo, la présence de l’eau représente une constante pour l’habitat des ramasseurs.
y ci-dessous: la Cantera de los presos, ancienne décharge sauvage de la ville, est devenue un territoire spontané habité par des ramasseurs et d’autres types de travailleurs intégré dans son quartier. Pendant un des mes premiers ateliers d’architecture, nous avons proposé un projet de ré-aménagement du quartier, ce qui nous a permis de comprendre certaines problématiques socio-économiques qui rendent la zone assez particulière. Actuellement il est un des derniers territoires spontanés qui reste dans une zone centrale de Montevideo.
Sud 1 Larravide entre Azara e Isla De Gaspar 871 habitants
cantera de los presos -Isla de Gaspar
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SUITE À L’ÉCOUTE ATTENTIVE PENDANT PLUSIEURS PARCOURS ET ACTIVITÉS MENÉS DANS LES TERRITOIRES SPONTANÉS, NOUS POUVONS ENFIN IDENTIFIER CERTAINES SITUATIONS PARTICULIÈRES. CHAQUE ZONE DE LA VILLE À SES PROPRES PROBLÉMATIQUES ET POTENTIALITÉS, ET NOUS N’ALLONS PAS TRAVAILLER SUR TOUS CES TERRITOIRES, MAIS LES DISPOSITIFS D’ACTIONS POSSIBLES SONT ÉNONCÉS. PARMI LES PROBLÉMATIQUES CONSTATÉES, NOUS AVONS CHOISI COMME MATIÈRE D’ANALYSE FONDAMENTALE DE CETTE MÉMOIRE LES CONFLITS SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX DANS LA VILLE QUI NOUS PERMETTRONS DE RÉFLÉCHIR À DES ACTIONS SUR LES DYNAMIQUES DE RECYCLAGE SPONTANÉ.
Majeur concentra on des t.s par quar er + zone de la ville avec le plus de violence interne et sensa on d’ isolement = DISPOSITIFS SOCIAUX LIEUX FEDERATEURS!
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je récupère tout, les choses que je ne peux pas vendre au depôt (intermédiaire) je les vends chez moi, comme si c’etait un marché! Tous les voisins me connaissent, ça fait des années que j’habite ici, donc si ils ont besoin de quelque chose, ils viennent ici avant d’acheter ailleurs.
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Quand nous n’avons plus d’argent, c’est normalement à la fin de l´année, pendant la période des fêtes où les anniversaires de nos fils, quand nos cochons sont vendus à des intermédiaires qui les revendent ensuite au marché officiel. Même si la préfecture ne veut pas qu’ils existent, elle finit d’une façon ou d’une autre à les manger...
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popula on la plus pauvre + très faibles revenus par famille + l’élevage des cochons = DISPOSITIFS ECONOMIQUES ESPACES PRODUCTIFS!
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Ce n’est pas difficile pour nous de faire notre potager. C’est une façon d’avoir quelque chose à manger quand nous n’avons rien d’autre pour acheter. Nous avons des salades, des pommes de terre, des épinards, mais nos voisins d’en face, eux, ils ont plus de fruits que nous ; parfois, nous partageons et c’est bien sympa pour tous!
les canards, vous savez, ils sont comme les cochons mais pas tellement sales, nous pouvons les vendre au marché sans problème, et en plus ils ne mangent pas des ordures comme les autres sinon des restes de repas que nous récupérons. On avait marre de s’occuper des cochons, nous avons donc récemment changé d’animaux , mais nos voisins d‘à côté, continuent à élever des cochons...
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probléma que sanitaire et environnementale de proximité à la décharge officielle = DISPOSITIF ENVIRONNEMENTAUX RESTAURATION PAYSAGERE!
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Ces gens sales qui viennent tous les jours avec ces charrettes en cheval, c’est inadmissible pour nous qu’ ils prennent nos déchets comme ça, sans autorisation, comme si nous ne payons pas nos impôts à la Mairie pour avoir un système propre!
Majeur concentra on de richesse + zone de la ville plus dense + incomprehension du travail mené par les ramasseurs + intolerance ou bien refoulement = DISPOSITIFS de COMMUNICATION!
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2.B.5.
L e s d eu x v illes d isp ersées: guerre réelle et gue rre s sy m b oliq u es Dans le Montevideo de 1840, la nécessité d´attaquer une ville a généré la construction d´une nouvelle ville, en doublant celle qui existait déjà en termes de fonctions basiques, et générant une relation entre les deux par une guerre de siège, avec des lignes de tranchées définies. La nouvelle ville construite à partir de cette situation de guerre, et située à l’est de la ligne d’avance, a utilisé la géographie non-urbaine, sans damier et avec de faibles constructions existantes, en s’appropriant ce territoire presque vierge, à travers une vision pragmatique, non-planifié selon un plan urbain conventionnel. Cette ville dispersée a généré un tracé de chemins connecteurs de ses parties désagrégées, lequel a été intégré, comme ses noyaux peuplés, à l’expansion de la ville à la fin de la guerre, et les routes et chemins ont aujourd’hui donné leur nom aux rues principales de la ville. Deux villes, originalement ennemies de guerre, se transforment à travers le temps en une seule ville, avec une trame qui s´étend et embrasse le tracé existant anciennement assiégé. Dans le Montevideo des quatre dernières décennies, une nouvelle ville s’est formée dans les territoires vacants, certains à travers des infiltrations dans le tissu, comme des occupations interstitielles dans des zones qui ne peuvent pas être édifiées à cause du planning officiel, et d´autres générant une expansion de la ville en étendant les limites de la périphérie montévidéenne. La manière d’occuper les territoires disponibles se fait à l’inverse de celle des assiégeants de deux siècles auparavant, qui faisaient avec une vaste zone libre. Aujourd’hui, les producteurs des territoires spontanés utilisent les creux que la ville leur laisse, souvent rendus invisibles par cette dernière. La stratégie de survie qui les rassemble revient à utiliser tout ce qui est à disposition sans, à priori aucun plan conventionnel tout en ayant la nécessité d’avoir une distance raisonnable au centre-ville existant, dans un cas pour l’attaquer, dans l’autre pour interagir avec elle de manières diverses. La formation générée dans le territoire est, dans les deux cas, une série de noyaux peuplés dispersés, qui forment, dans le cas de la grande guerre, une ville dispersée, ayant toutes les fonctions correspondantes à une ville, et, dans le cas actuel, une ville dispersée de territoires spontanés, qui fonctionne d’une certaine manière avec autonomie comme le faisait son ancêtre pendant la grande guerre. Aujourd’hui, plusieurs habitants de ces territoires ne connaissent ni le centre de la ville, ni la mer. Nous pouvons supposer que, même si elle n´est pas formelle, il y a une barrière symbolique entre la ville formelle du centre et la côte Est et la ville dispersée de la périphérie Ouest, Nord et Est. Peut-on forcer l’hypothèse que la barrière symbolique entre la ville “formelle”et la ville “spontanée”, observable aujourd’hui entre la zone côtière au Sud de la ville et la “périphérie” Nord et Ouest, devient une ligne de tranchée?
Comment pourraient s’articuler ces territoires spontanés dispersés à travers des liens non seulement physiques mais aussi économiques, sociaux et environnementaux?
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2.B.5
rivière "de la plata"
2.B.1 2.B.2 2.B.3 2.B.4 montevideo et sa croissance métropolitaine
2.B résidus collectés et empilés dans 3 décharges
2.A.4
510 territoires spontanées
2.A.3
une “ville cotière” (urbaine)
2.A.2
Un territoire existant avec:
Cité de "La côte"
2.A.1
départment de "San Jose"
2.A
départment de "Canelones" nees" es es
2. 2.B.5
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A A.1 A.1.1
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A.1.2 A.1.3 A.2 A.2.1. A.2.2 A.2.3 A.2.4 A.3 A.3.1 A.3.2 A.3.3 A.3.4
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L’ I L LUS IO N DU CE RCL E PA RFAIT: LE R ECYCLAGE SPONTANÉ
3.A P ré sentat io n d es d y n amiques sim ultanés de 3.B
géstion des déchets E x te rn alisat io n s sp at ia les et terriotriales du recyclage spontané 79
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V photographies dans le territoire spontané «Joaquin de la Sagra» et lieu de travail de la Coopérative «Juan Cacharpa», 2010 (L.Fernandez)
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Introduction du chapitre: Comme dans la plupart des pays du Sud, des milliards de travailleurs survivent grâce à différents types d’emplois dits «informels» et que nous avons conceptualisé comme «spontanés». Une de ces catégories d’habitants s’occupe de la collecte, du tri, de la récupération et de la vente des résidus solides urbains. Ils le font de manière individuelle ou familiale, ce qui rend le système spontané plutôt dispersé dans plusieurs points de la ville, et, par conséquent, très difficile à gérer et contrôler : les ramasseurs habitent dans différents territoires spontanés, éparpillés partout dans la ville, et chaque individu /charrette fait son trajet particulier et ramène les matériaux à trier à domicile. Dans le cas de Montevideo, il existe une dynamique officielle et municipale, de gestion de résidus, dite «formelle», qui fonctionne de manière centralisée et concentrée : tous les déchets, recyclables ou non, sont déposés sur le même site de décharge contrôlé, et il répond, malheureusement dans la plupart des cas, à des modèles de développement importé des pays développés (il y a dans Montevideo les mêmes poubelles et les mêmes camions de collecte qu’à Rome ou à Barcelone). Dans un monde où le développement durable des villes est de plus en plus important pour l’avenir de notre planète, découvrir une ville comme celle de Montevideo, où 1% de sa population s’occupe de façon spontanée du recyclage de presque 90% des résidus recyclés, apparaît comme une opportunité d’analyser cette activité, son rapport avec le système complet de gestion, et son fonctionnement spatial dans le territoire.
A travers l’analyse des deux dynamiques parallèles et confluents de gestion de déchet dans la ville de Montevideo, nous voulons expliquer, dans un premier temps, la modernisation récente du système officiel de collecte, le fonctionnement dispersé des dynamiques du recyclage, et les réponses institutionnelles tentées face à “l’informalité” des ramasseurs. Nous allons commencer par territorialiser l’analyse, à travers quatre coupes historiques récentes sur le site de la décharge et sur les différentes modalités de travail spontané. Dans un deuxième temps, nous allons aborder les externalités spatiales et territoriales du recyclage, d’abord à travers la dé-construction d’une carte territoriale du recyclage dans la région métropolitaine, pour explorer ensuite le fonctionnement d’une «ligne imaginaire» du recyclage dans un quartier, et comment fonctionnent les rapports entre les acteurs du réseau. 82
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A l’aide d’un abécédaire en images, et en surface utilisé pour le développement des activités du triage dans trois sites différents, nous finirons par décanter l’analyse de tout le chapitre dans le but d’élaborer une programmation spatiale, qui permettrait de construire une problématique architecturale à résoudre dans l’étape suivante. Les questionnements qui traversent ces prochaines pages proviennent de la nécessité de comprendre un système complexe où les composantes sont, dans la plupart de cas, en conflit permanent, mais arrivent à vivre ensemble dans la même ville. Nous essayerons de comprendre l’importance des territoires spontanés dans les dynamiques du recyclage et les contributions des ramasseurs au dit système.
Méthode: Pour ce chapitre, la méthode utilisée est celle de ma vraie démarche personnelle en suivant «le filon» de la chaîne invisible du recyclage dans la ville de Montevideo. Elle a commencé «officiellement» à partir d’une recherche interdisciplinaire menée en 2004 sur le sujet de l’inclusion des ramasseurs dans la gestion des déchets à Montevideo, pour devenir ensuite des collaborations multiples avec des associations de ramasseurs de plusieurs pays, mais aussi des consultations avec la filière des recycleurs de plastique à Montevideo et de la zone métropolitaine. L’élaboration des rapports récents sur la gestion de déchets et l’informalité à Montevideo (notamment le Plan Directeur pour l’Aire Métropolitaine), ainsi que de récentes notes journalistiques parues dans les médias, ont aidé à quantifier les informations confirmées, dans certains cas, grâce à des consultations personnelles sur place avec les ramasseurs. Ces informations, dont une partie provient de la base de données et photographies personnelles (enrichie avec celles des amis travaillant dans le même secteur), nous a servi pour l’élaboration de «l’abécédaire» et pour l’explication de la «ligne imaginaire» du recyclage. Le concept des externalités spatiales est basé sur l’analyse des photos aériennes d’une partie de la ville à travers plusieurs époques. Des comparaisons ont aussi été faites entre les images aériennes et celles réalisées sur place. Pour expliquer le fonctionnement des dynamiques de recyclage spontané dans la ville, nous nous sommes basés sur les informations donnés par CEMPRE (Compromis des Entreprises pour le Recyclage) et sur la base de données personnelle enrichie de consultations ponctuelles. L’analyse du fonctionnement du recyclage spontané dans un quartier a été possible grâce à la collaboration d’un ami ramasseur avec qui nous avons parcouru son trajet de travail d’une journée type.
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3.A
P ré sentat io n d es d y n amiques simultanés de ge st i o n d e s d éc h et s
3.A.1.
H i sto ire d e la d y n a miq u e spontanée de rec ycl a ge
Il existe des antécédents des activités de recyclage à Montevideo depuis 1842, où Alberto Castellanos fait référence à un magasin local de «chiffonniers»1. Puis, à partir de 1883, on trouve des références relatives au recyclage du verre, des chiffons et métaux dans l’ancien site de disposition finale des déchets à Buceo (aux alentours de l’ancien port de la «ville dispersée», où aujourd’hui nous trouvons un cimetière qui existait déjà à l’époque). Et au milieu de toute cette immondice, comme maîtres absolus de ces pestilentiels domaines, des centaines de porcs, gros, orgueilleux d’être les seigneurs d’autant de cochonnerie, à laquelle ils se consacraient et fouillaient avec leurs museaux prolongés, comme se plaisant à remuer la pourriture. Et avec les porcs, des hommes, fouillant comme les porcs entre les ordures, se disputant avec ceux-ci les restes. Rien n’est gaspillé là, tout se trie et se stocke séparément : ici les os, là les verres, là-bas les chiffons, plus loin les conserves, là-bas les cuirs, le tout trié parmi les ordures que la ville lance quotidiennement comme de l’inutile et du gaspillage. Sanson Carrasco, 18832 1 MIDES (Ministére de Developpement Social), Tirando del Carro, 2006,p.54. Voir en www.presidencia.gub. uy/_web/noticias/2007/01/PUCTirando_Carro.pdf 2 La Basura, Cronicas Montevideanas. Voir sur http://www.montevideanos.com/cronicas.htm#nota42 84
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V photographie d’un ramasseur à Montevideo, 2006 (Miguel Fascioli).
Il n’y a pas de références pendant le début du XX siècle, mais on commence à trouver des activités de recyclage après les années 50 (connues comme «l’époque d’or d’Uruguay» ou elle était nommée «Suisse d’Amérique») notamment avec le film «Cantegriles» (bidonvilles en français), où l’on peut observer les activités rurales en milieu urbain se mélanger avec celles de la récupération des déchets. La plupart des ramasseurs étaient postés sur les décharges sauvages, générées dans la ville après 1965, mais aussi sur le site de disposition principal et officiel de la ville. 85
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J’avais 13 ans quand j’ai commencé à travailler en tant que ramasseur à la «Cantera de los Presos», avec les grand parents d’Eduardo, et Machado. «Chocolo», ramasseur ,56 ans.3 Pendant la dictature, l’entrée sur site de disposition final de résidu était interdite et les ramasseurs ont commencé à travailler dans la rue, le nombre des charriots parcourant la ville augmentant énormément. 4 Aujourd’hui, quand un étranger arrive à Montevideo, l’une des premières choses qui lui attire fortement l’attention est la quantité de charrettes à cheval qui parcourent les rues de la ville, ces mêmes rues inscrites dans des itinéraires touristiques. Certains d’entre eux se posent des questions sur ces véhicules «d’une autre époque» ou sur l’origine d’une activité étonnante, celle de la collecte des déchets d’autrui à l’intérieur de quelques containers modernes provenant d’Europe, dispersés sur les trottoirs de la ville. Pour un habitant de Montevideo, cette réalité est si quotidienne qu’elle 3 Entretien fait dans le hall d’accueil d’un tour d’appartements dans le quartier le plus dense et riche de Montevideo. Chocolo travaille là-bas quand il ne prend pas son charriot à cheval pour aller collecter les matériaux récupérables de ses «clients» dans le même quartier! Le nom auquel il fait référence, Eduardo, est celui d’un actuel ramasseur très connu à Montevideo, avec lequel nous avons fait la plus grande partie de la recherche sur place, et le site «Cantera de los Presos» était une ancienne décharge non officielle dans la zone sud-est de la ville, qui reste toujours un territoire spontané habité par les ramasseurs. 4 Certains disent que il n’y avait pas de ramasseurs des rues avant la dictature, mais cela reste une information qu’il faudrait vérifier dans de prochaines recherches. 86
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en devient invisible, comme cela arrive avec n’importe quel évènement qui se répète d’une manière permanente dans nos vies. Pour pouvoir comprendre les deux dynamiques qui vivent ensemble dans cette ville, conformant un seule système de gestion, il faut les regarder avec des yeux d’étranger, et en même temps avec un regard d’autochtone.
3.A.2. Actualité des deux dynamiques dans la même ville Quand nous remplissions le sac des ordures à l’intérieur de notre maison avant 2003, nous devions les placer dans un récipient à l’intérieur de notre bâtiment, afin que le concierge les ramène à la rue quand le camion collecteur de ces déchets passait. Pour le cas des maisons individuelles, on devait, préférablement pendant la nuit ou bien tôt le matin, disposer son sac de restes dans des petits récipients placés sur les trottoirs de chaque demeure, et à une hauteur telle que les chiens ou d’autres animaux n’y avaient pas accès. Vci-dessus: photographie d’un ramasseur Dans le dit système, les chariots à cheval, et son dispositif d’ouverture du container les personnes en bicyclette ou à pied, qui ( htt p : / / w w w. b b c . c o . u k / m u n d o /a m e r i c a _ parcouraient les rues à la recherche de latina/2009/04/090405_0551_uruguay_basura_ déchets récupérables, pouvaient, d’une cartoneros_gm.shtml xà gauche: container dans un rue de Montevideo manière relativement simple, récolter 2010 (L.Fernandez) ces sacs et les porter à l’abri des regards, pour extraire ce qui était récupérable et commercialisable. Les camions passaient ensuite en ramassant ce qui restait sur le parcours préalable de ces milliers de personnes (à l’époque environ 60005), les travailleurs municipaux courant derrière le camion de chaque côté de la rue pour mettre les sacs dans la benne du camion. Pendant la même année, une étude sur l’industrie des matériaux recyclables dans la ville, ainsi qu’un Plan Directeur de Déchets pour l’Aire Métropolitaine, étaient élaborés. Parallèlement aux dites élaborations de caractère technique et politique , la Mairie
de Montevideo a décidé, à priori à la suite d’une offre à caractère privé et économique, de transformer le système de récolte de déchets par le
moderne et plus propre du monde»
«plus
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5 Le numéro exact correspond à celle du Premier Recensement Obligatoire de Ramasseurs, fait par la Mairie de Montevideo en 2002. Le nombre total était de 5.312, donc on peut estimer qu’un an plus tard, leur nombre a augmenté. 6 Citation du fonctionnaire municipal Ing. Piña, dans plusieurs journaux à l’époque du changement du système.
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Ce système fonctionne avec des containers bien plus grands que les anciens récipients, permettant la récolte de 3m3 de résidus, dotés d’un dispositif de fermeture et placés en permanence sur les trottoirs de la ville. Ces containers sont partagés par plusieurs voisins. L’anonymat de ce qu’on rejette restait nouveau pour les habitants de Montevideo, ainsi que le fait de pouvoir déposer ces déchets à n’importe quel moment de la journée et de la semaine. Les camions collecteurs ont modifié leurs jours et horaires de passage (maintenant 3 fois par semaine le matin), laissant plus de temps disponible à l’extraction des matériaux commercialisables. Les ordures s’accumulent dans les rues, à l’intérieur de ces containers, attendant la nouvelle flotte de camions Mercedes Benz, conduits par un chauffeur muni d’un levier de commande qui permet la levée latérale des containers, ainsi qu’une deuxième personne qui balaie (ou vérifie qu’il n’y a personne à l’intérieur du container). Les containers, d’origine italienne, ont été achetés et implantés lentement dans différentes zones de la ville, arrivant aujourd’hui à couvrir le 80% du territoire de Montevideo au nombre de 7500.7 Dès lors, le nombre de ramasseurs, qui travaillent à la collecte et récupération-vente de résidus, est passé de 5312 en 2005 (recensement officiel) à près de 10 000 aujourd’hui8. De l’ancienne méthode simple de récupération des sacs sur la voie publique, ces derniers se glissent maintenant à l’intérieur des containers de 2400 et 3200 wà droite: photographie d’un ramasseur en sortant d’un litres de capacité, tout en plaçant un dispositif container (http://apostoladodelaoracion.blogspot.com/) empêchant la fermeture complète du couvercle.
7 Supplément périodique «Que pasa» de «El Pais», 15/05/2010, accès 25/06/2010 www.elpais.com.uy/suple/ quepasa/10/05/15quepasa_488334.asp 8 Le chiffre officiel du Ministère de Développement Social est de 8.729 (MIDES, Tirando del Carro, 2006,p.20) mais le Syndicat des Ramasseurs considèrerait qu’il y en a le double, donc environ 16 000. Pour couper la poire en deux, tout en sachant qu’il existe certains ramasseurs qui collectent à pied (bolseros) qui n’ont pas participé au recensement, on considérerait le chiffre de 10 000 dans la ville de Montevideo. Cet chiffre correspond aussi au croisement exponentiel des dernières décennies: 3000 en 1990, 5312 en 2002, 7700 en 2004 et 8427 en 2008; selon les chiffres de la Mairie. 88
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Par conséquent, dans la plupart des cas, cette tâche est déléguée aux plus petits travailleurs (enfants, mineurs), seuls capables de pénétrer par la mince ouverture des containers. Certains utilisent des crochets pour extraire les sacs ou les matériaux qu’ils considèrent comme récupérables et commercialisables. Les déchets qui restent au fond du container sont pratiquement inaccessibles et, donc, inutilisables, devenant alors de vrais rebuts. La description précédente correspond à ce que nous pouvons appeler la «partie visible» du système de gestion de déchets urbains solides. Aux yeux de tous, une flotte de camions de récolte latérale, dernière technologie européenne, s’occupe du ramassage officiel des déchets, entraînant la réduction du personnel destiné à réaliser la même tâche auparavant. Dans le même temps, ces containers italiens, coûtant chacun 835 U$9, sont le lieu de collecte de milliers de personnes parcourant les rues jour et nuit. Ils peuvent ainsi se maintenir économiquement et permettre à toute une industrie de vivre à partir de cette récolte faite par les ramasseurs. Quelle est la pensée et la logique de ces deux dynamiques qui apparemment utilisent des technologies assez différentes? Pourquoi, pendant qu’une technologie importée d’Europe éloigne le plus rapidement et proprement possible tout ce qu’on jette, d’autres survivent à partir des résidus récupérés avec leur propre technologie et moyens spontanés? Je me suis passionnée à essayer de répondre à ces questions en parcourant ces endroits apparemment occultes, et qui appartiennent aux même système de gestion de déchets : celui financé par les habitants de la ville et traité par l’État par le biais de la municipalité, et celui auto-produit par d’autres habitants comme un travail rémunéré par la vente des dits matériaux à une chaîne d’intermédiaires qui chemine jusqu’à l’industrie du recyclage et de l’exportation.
9 Facture originale de OMB Brescia, trouvée sur le site internet de la Mairie, voir en annexe. 89
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SCHEMA DU RECYCLAGE SPONTANÉ À MONTEVIDEO, L’ILLUSION D’UN CERCLE PARFAIT
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Le recyclage est compris et défendu comme un système parfaitement fermé par la plupart des discours environnementaux actuels. Les matériaux qui sont produits au sein de notre société consommatrice sont récupérés et recyclés, pour être utilisés dans l’industrie formelle, productrice d’autres matériaux à consommer. Nous voulons montrer dans ce schéma, que le recyclage dans ces conditions spontanées, la plupart des cas réalisés sans communication ni coopération municipale ou citoyenne, donne l’illusion d’un cercle parfait.
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Ce qui est rejeté après le tri des ramasseurs dans leurs maisons est, dans la plupart de cas, non collecté et, donc, entraîne des pollutions diverses au sein de l’habit des ramasseur ainsi que dans les rivières de la ville. L’autre «déviation» dans ce cercle est au sujet des containers qui ont deux façons très différentes d’être vidés: l’une par des charriots faits main par des ramasseurs qui rentrent dedans pour récupérer certains matériaux, l’autre à l’aide de camions dernière génération et une technologie de collecte par système latéral, où le camion n’a besoin que d’un conducteur seulement pour le vider. 91
La Dynamique Municipal : • • •
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7.500 containers gris (résidus tout mélangés, et dans 80% de la Ville) 114 containers oranges (seulement des résidus «secs» et dans deux quartiers pour l'instant: Malvín et Centro)10 Le Directeur de la Propreté admet que «les habitants ramènent leurs sacs de déchets au container le plus proche de chez eux» donc le tri sélectif a du mal à se mettre en place..11 Le nouveau système d’origine italienne (OMB Brescia) a coûté 4.896.263 US$ en 2006 (en 2004 au début de son implantation, 3400 containers de 2,4 m3 et 3,2 m3 ont été achetés) Chaque habitant de Montevideo produit environ 900 g. de résidus par jour. 12 700 000 tonnes récoltées en 2009, et ramenées vers le site de la décharge principale de Montevideo, nécessitant 165 000 trajets de camions..13 Chaque tonne coûte, pour sa gestion à la décharge, environ 6 US$ 14 et, en 2009, on a recensé 70 000 tonnes de plus qu'en 2008. Il est estimé que, par jour, il y a 2000 tonnes des résidus ménagers urbains qui sont collectés à l'aide de 550 trajets de camions.15 Chaque tonne coûte 57,6 U$ , frais de collecte et de transport au site de la décharge, avec un trajet moyen de 10,5 km.16 Le budget municipal pour le traitement des déchets était de: US$ 23 millions: salaires des 1054 fonctionnaires en 2008 US$ 18,5 millions: dépenses de fonctionnement de la Division Propreté. US$ 5,9 millions: investissements dans le nouveau système TOTAL: US$ 47, 4 millions 40 tonnes des résidus organiques sont récupérés par jour dans une usine municipale de traitement et compostage («TRESOR»). Le coût de cet traitement est de 9U$ par m3.17
10 Deux chiffres provenant de http://www.montevideo.gub.uy/ciudadania/desarrollo-ambiental/limpieza/ contenedores/se-suman-contenedores-naranjas-al-sistema-de-r 11 Patricia Gamio «El Observador», paru le 21 mars 2009, disponible sur http://www.elobservador.com.uy/ elobse%20rvador%20/09/ed0903%2021/.../%2021te02 12 OPP, LKSUR, Plan Director de Residuos para el Aera Metropolitana, Anexo RSU, 2004 13 Conversation entre informateur sur place et fonctionnaire de la division Propreté. 14 OPP, LKSUR, op.cit., p.123. 15 http://www.elpais.com.uy/090402/pciuda-408467/ciudades/montevideo-con-la-basura-hasta-el-techo-y-sinacuerdo-por-usina 16 OPP, LKSUR, op.cit., p.267. Ce chiffre correspond à ceux fournis par une ONG mais on pourrait estimer que le système municipal coûte encore plus cher (du spécialement au bénéfices sociaux des employeurs) 17 OPP, LKSUR, p.117 92
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3.A.3. L e système en c h iffres
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La Dynamique Spontané :
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du recyclage est fait, dans l’aire métropolitaine de Montevideo, par des ramasseurs et ils recyclent environ: -papier et carton: 10% - cannettes, fer, aluminium: 2% - plastiques flexibles et rigides: 11% - chiffon: 2% - verre clair et de couleur: 3%. 52% des résidus de Montevideo sont collectés et triés par environ 10 000 ramasseurs, qui font la collecte sans rémunération, à vélo, à pieds ou en charrette à cheval.18 Ils peuvent prendre entre 44 et 73 kg en collecte à vélo, 258 kg à cheval et 84 kg à la main.19 Ils font le tri dans 4400 maisons dans les territoires spontanés de Montevideo.20 58% des résidus qu'ils collectent sont récupérables pour plusieurs utilisations (vente à l'industrie du recyclage, vente au marché, récupération par utilisation propre,etc). Environ 42% du matériel qu’ils collectent est inutilisé, et il est rejeté sur le site même des maisons ou aux alentours..21 La chiffre d'affaire de l'industrie du recyclage à Montevideo était de 12.723.500 U$ pour 118.903 T de matériaux recyclés22
18 Estimations selon Plan directeur 2004 et chiffres actuels augmenté du nombre de ramasseurs (2004 – 685 T collectés, 6638 ramasseurs) 19 OPP, LKSUR, op.cit., p.78 20 MIDES, op.cit., 2006, p.24. 21 OPP, LKSUR, op.cit., p.78. 22 Barrenechea, González, Croce, Estudio de Mercado: materiales reciclables de residuos solidos urbanos, 2003, p.3. 93
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$+ $composition des résidus
tri- séparation dans les maisons des ramasseurs
réjets
RESIDUS MÉNAGERS MÉLANGES
$ $$
$ traitement des réjets et/ou récuperation
traitement et stockage multi-matériaux
FER ALUMINIUM CUIVRE BRONZE PLOMB ZINC
23 Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, L ‘autre journal, n°1, mai 1990. Voir http:// 1libertaire.free.fr/DeleuzePostScriptum.html 94
cen tres (ré
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Nous pouvons comprendre le recyclage spontané en tant que ligne de chaîne, où chaque produit est envoyé vers une étape suivante correspondant à un processus spécifique de transformation en «non déchet», afin de lui donner une deuxième vie. Ce n’est plus un capitalisme pour la production, mais pour le produit, c’est-à-dire pour la vente ou pour le marché. Aussi est-il essentiellement dispersif, et l’usine a cédé la place à l’entreprise. Deleuze, 199023.
m spé une de tr cifi rati i te que on r , ex par tiaire . pl ven et ast te d sto iqu c e e m ka
PLASTIQUES VERRE CLAIR-V.CARAMEL-
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traitement et stockage specialisé par type de matérial
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traitement et stockage specialisé par type de matérial
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Comme une métaphore la disparition de l’ère ligne d’assemblage Comme side c’était la métaphore de fordiste, la disparicette on de l’ère fordiste, reste imaginaire, elle n’existe jamais ensemble, jamais dans le même ce e ligne d’assemblage reste imaginaire. Elle n’existe jamaisespace... dans Elle est coupéeleen plusieurs parties, chacune d’entre elles avec même espace. Elle est coupée en plusieurs pardes es,codifications chacune d’entre différents. elles avec Elle des forme codificaunons et des ges onsdans différentes, et des managements réseau complexe la ville, de formant un réseau complexe à l’echelle de économiques la ville avec descapitalistes. rapports plusieurs intermédiaires entretenant des rapports capitalis ques entre entre plusieurs par es et Nous sommeséconomiques face à la ligne de liaison des ces économies informelles cons tuantes. Nous sommes face à la ligne de liaison entre des formelles, entre la ville connue et la ville qui reste encore pour nous invisible. économies informelles et formelles, entre la ville connue et la ville qui reste encore pou nous invisible.... yci-dessous: (de gauche à droite) container à Montevideo (L.Fernandez), ramasseur (N.Minetti), maison d’Abel-
ramasseur, marché aux puces, élevage de porc, dépôt intermédiaire de plusieurs matériaux, dépôt de plastique (L.Fernandez), dépôt et stockage de plastique grande échelle, Bresil (mncr), dépôt de papier et carton, Chile
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3.A.4.
Le discours et les actions politiques liés à l a d i s p a ri t i o n d u p ro b lème o ù à la formalisation d e l ’ i nfo r m a l i té .
La pauvreté n’a pas non plus disparu. Il faut cacher ce qui apparaît comme «obscène»; en particulier, ceux qui ternissent les beaux quartiers sont chassés, comme on balaye la crotte sur le trottoir. G. Bertolini24 La croissante production de déchets dans les villes et les variantes de traitement possible, sont, depuis des années, les enjeux les plus politisés au moment des élections municipales. Depuis le mandat de Tabare Vazquez, Maire de Montevideo de 1990 à 1995, l’éradication des décharges sauvages (on pourrait dire aussi des dépotoirs éparpillés partout dans la ville) fait partie du discours pré-électoral, promettant aux citoyens que leur ville serait «plus propre dans l’avenir».
24 Bertolini, op.cit., p,44. 96
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x site de la décharge «officielle» à Montevideo, 2003 (Agustin Fernandez).
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Même si les décharges ont été supprimées au cours de plusieurs mandats municipaux, c’est plutôt leur déplacement dans des zones non visibles que l’on a pu observer. Dire que les décharges sauvages ont disparu est inexact puisqu’elles se sont transformées en territoires d’habitation et de travail pour les ramasseurs. Nous pouvons constater clairement ici le rapport qui existe actuellement entre la gestion de déchets et les territoires spontanés: les anciens dépotoirs sont devenus des zones d’accumulation des rejets, comme résultat du tri fait par les ramasseurs, qui habitent ces mêmes territoires comme une métaphore de leur condition de déchets humains que notre société offre comme possibilité. Pour être hors du système formel d’emploi, les ramasseurs sont, dans la plupart des cas, hors de la “ville officielle”, vivant dans ces territoires qu’ils construisent et occupent eux-même, mais qui surtout leur permettent de développer ces activités de triage, stockage et parfois élevage. Celle-ci entre en conflit quand l’apparent parallélisme entre ces parties de la ville et les zones formelles n’existe plus, et des lignes de convergence apparaissent dans les espaces les plus riches, là où les résidus ont le plus de valeur. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, les défis politiques au niveau de la gestion de déchets sont plutôt liés à la partie visible du système, c’est-à-dire la collecte faite spontanément par les ramasseurs dans les zones riches de la ville, à l’aide de moyens de transport qui ne correspondent pas aux «normes» du XXIe siècle. Qu’importe la famille politique, les autorités de droite ou de gauche ont le même discours pour donner des «réponses au problème des charrettes à cheval qui parcourent les rues de la ville»: leur interdire l’accès aux zones les plus denses (donc les quartiers où les meilleurs résidus récupérables sont produits) pour leur donner d’ autres solutions de travail ou bien amener les résidus ailleurs. «Les candidats à la Maire de Montevideo ne veulent plus de chariots» titrait une revue de presse pendant les élections de 201025 La liste de «solutions magiques» qui apparaissent à chaque fois quelques mois avant la date des élections municipales (donc une fois tous les 5 ans) est devenue interminable. Donner aux ramasseurs d’autres types de travaux a été la plus entendue dans les années 90 et début des années 2000. Les dernières élections, qui ont eu lieu en mai 2010, ont finalement apporté la solution de donner à ces ramasseurs des espaces de travail dans des «usines de traitement de déchets» ou bien de les incorporer au système municipal comme fonctionnaires rémunérés pour faire des activités de nettoyage. Depuis que les élus ont commencé leur mandat, ils commandent régulièrement des rapports d’informations et solutions auprès de consultants experts (nationaux ou étrangers), documents qui, pour la plupart d’entre eux, finissent dans des tiroirs avec d’autres dossiers du même acabit commandés depuis des décennies. 26 25 http://www.elpais.com.uy/100114/pnacio-465411/nacional/candidatos-a-imm-no-quieren-mas-carritos 26 Pour donner une idée de la quantité des recherches fait par la Mairie (IMM) et des autres consultants 98
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Le Plan Directeur des Résidus de l’Aire métropolitaine, pour citer le plus complet et le plus récent (2004 / 2005) d’entre eux, a mis en lumière une multitude de solutions possibles au «problème de l’informalité», notamment la construction des «usines de tri» et traitement des matériaux récupérables, où 783 postes de travail en 19 centres de tri et de récupération pourraient être créés dans toute l’aire métropolitaine. Ils estiment que ce n’est pas possible de faire du recyclage formel et dans de bonnes conditions pour tous les ramasseurs qui font déjà ce travail. Le Responsable, qui occupe une poste technique depuis 25 ans et qui travaille à la Direction de la Propreté de la Mairie, assure que «obtenir de la richesse à partir des ordures dans des conditions environnementalement correctes, aux plans de tri, et avec un personnel salarié, donne un solde économique négatif»27.Pour le Plan directeur, le coût de ces centres de tri était de 3.922.446 U$ (dont 3.413.064 correspondent à la main d’œuvre) et 70% de l’investissement correspondait aux prix du terrain. Le coût de construction pour chaque centre s’élève à l’époque à 56182 U$. 28 Pendant la recherche réalisée en 2004 pour l’incorporation des ramasseurs dans la ville de Montevideo, nous avons demandé à ce pontife si l’implantation d’un système de containers, qui fonctionne apparemment en Europe, avait un sens dans une ville où des milliers d’individus gagnent leur vie en récoltant ces déchets et en les introduisant dans l’industrie du recyclage. La réponse a été très claire: ce sujet des ramasseurs n’était pas un sujet d’ingénierie de récolte ou d’un système de traitement et gestion de déchets, mais c’était un sujet de type social, que devait être traité par la dépendance pertinente à l’intérieur de la même entité étatique (Mairie de Montevideo). Ils disent que, justement, pour créer de «vrais travaux» dans le système de recyclage, il faudrait employer seulement une petite proportion du secteur, sans oublier les investissements nécessaires, ce qui ne serait pas rentable (dans un sens économique.) Il n y avait pas clairement une approche du problème transversale et intégratrice de variables non seulement sociales, d’ingénieries, ou économiques, mais aussi environnementales, politiques, et bien sûr territoriales. L’institution faisait ce qu’elle pouvait avec ses propres limites et surtout avec le manque de communication interne entre les différentes services qui s’occupent du traitement des déchets.
privés: IMM- PNUD. 1986/ 1988. IMM - OPP -BID-. 1992. PDSM / IMM Unidad Central de Planificación. 1993/ IMM-PNUD. 1994. /IMM- PNUD. 1996/IMM-. 1998. Plan Montevideo./ IMM- PNUD. 2000. /IMM, BID 2002 / IMM-OSV. 2002. /IMM-GAM.2002. OPS-OMS-MVOTMA. 1996/ OPP-BID-OEA - 1990. 27 Entretiens fait en 2004 aux Directeur de la Propreté pour la dit Recherche sur la Gestion des résidus et l’integration des ramasseurs. 28 OPP -LKSUR, Plan Directeur, Tomo II, p.118 99
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Q u elq u es tentat ives d e réponse spatiales a u “ p ro b l è m e d e l ’ i nfo r m a l i té d a n s l a gest i o n d e déch et s ”
Pour essayer de faire finalement quelque chose en réponse au problème de «l’informalité dans la gestion des déchets», la Mairie de Montevideo a installé des «points verts» le long de la ville et six «ecopuntos». Il s’agit d’ espaces délimités où les ramasseurs peuvent réaliser leur tri sans salir d’autre installations de la ville. Les points verts sont des récipients destinés à recueillir les rejets avant que les ramasseurs ne reviennent chez eux (donc il est estimé qu’ils font le tri dans la charriote en plein déplacement) et, récemment, des petites cabines de garde du «point vert» ont été aménagées. Les «ecopuntos» ont été proposés par le «Plan d’action d’émergence» en 2003 comme solution à la question de l’assainissement de la ville29. En effet, les tuyaux d’assainissement étaient souvent bouchés par la quantité des plastiques et autres déchets mal disposés. Ce sont des espaces un peu plus sophistiqués que les «points verts», où, par exemple, des bacs à eau sont installés pour faire boire les chevaux. Il y a aussi de petites tables pour que les ramasseurs puissent faire du tri de façon individuelle ou en famille, ainsi que, comme dans les «points verts», une cabine de garde, munie de toutes les installations nécessaires au gardien (sanitaires, électricité, couverture, murs, etc). Mais «l’ecopunto» reste un lieu noncouvert et entièrement grillagé. 29 À travers plusieurs prêts de la Banque Inter-américaine de Développement, ils ont réussi à assainir presque toute la surface urbanisée de la ville de Montevideo. 100
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Ce qui rend les ramasseurs heureux, après de longues journées de travail intense, c’est le fait de ne pas avoir de patron direct (même si l’intermédiaire qui paye pour son matériel fait office, dans la plupart des cas, de «patron»). Le fait de pouvoir sortir quand ils veulent, de pouvoir rentrer chez eux quand ils en ont envie, c’est une des choses les plus importantes dans leur choix de travailler comme ramasseur. L’idée de rentrer dans une zone entourée de grilles et avec un contrôle municipal, pour un travail fait volontairement, n’est pas très compatible pour eux. Pour les ramasseurs, il n’y a pas de vrais et clairs avantages à utiliser ces zones, par contre, il y a des dispositifs de garde et de contrôle d’entrée, qui semble être à contre-courant de leur fonctionnement. Dans les «ecopuntos», le ramasseur doit parcourir toute la ville et, tout de suite, continuer sa journée de travail là-bas, sans repos et sans disposer des presses ou des outils sur place qui l’aiderait à modifier le traitement qu’il donne normalement aux résidus récupérables. Sans compter que, dans la plupart de cas, c’est en arrivant à la maison que les autres membres de la famille (notamment les femmes) s’occupent du tri et, ainsi, le «ramasseur collecteur» finit sa journée avec l’aide familiale. Le Ministère de Développement Social estime que moins de 10 % des ramasseurs ont été amenés à utiliser ces zones30, ce qui paraît évident si nous comprenons un peu les codes de travail qui s’appliquent dans le recyclage spontané. xpage à gauche et ci-dessus: photographies 30 Patricia Gamio «El Observador», paru le 21 mars 2009
prises d’un «ecopunto», 2005 (L.Fernandez)
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La s p onta néi té com m e cond it ion durable du systè me : la i s s er fa i re- l a i sser pa sser Selon des données de la Direction Nationale des Pompiers, jusqu’au 15 avril 2010, environ 910 containers ont dû être contrôlés suite à un déclenchement de feu. 31 En réponse à l’absence de dialogue actuelle, non seulement les ramasseurs n’utilisent pas les espaces proposés et construits par la Mairie, mais ils brûlent, en signe de contestation, les containers du nouveau système de collecte. D’un côté, il faut comprendre que la prétendue formalité des institutions n’est que présumée. Le seul fait de ne pas pouvoir contrôler ces propres systèmes proposés de gestion, où certains contrats privés vont choisir n’importe quel endroit pour aller déposer les déchets, ou encore la Mairie elle-même dans la décharge municipale, ce qui engendre des comportements informels, nous interroge sur le fait de les appeler «formels». On choisirait plutôt de les nommer des «pratiques institutionnelles». La Mairie de Montevideo a signé hier une résolution pour condamner à une amende de $ 161.700 $u (5882 €) l’entreprise «Sanfed» pour avoir déversé des déchets dans le domaine de la «Cantera del Zorro» (territoire spontané) sans l’habilitation correspondante. Le personnel du Service Central d’inspection a pris en flagrant délit un «camion de collecte spéciale» en train de renverser des déchets. Les faits se sont passés en mai 2009, mais l’intendance a pris hier la décision de sanctionner la firme en infraction.32 D’un autre côté, les dits systèmes informels du recyclage ne concernent pas seulement les habitants que nous voyons parcourir les rues de la ville, mais également toute une chaîne invisible et surtout dispersée dans toute la ville. Cette chaîne, hors du contrôle institutionnel, n’est pas ciblée par les discours préélectoraux dans leur tendance à proposer des «solutions magiques». Ce qui fait que tout ce système fonctionne depuis des années, c’est son informalité dans les deux sens, c’est le fait de «laisser faire-laisser passer»33. 31 Id.ibid. 32 Apparu le 04/05/2010 dans http://www3.elpais.com.uy/100504/pciuda-48234/ciudades/IMM-estimaque-recoleccion-sera-normal-desde-el-jueves 33 Idée selon laquelle la circulation des biens et des marchandises doit être libre et toute entrave à la circulation des richesses limite la croissance de l’économie. Cet adage fonde en réalité la pensée économique libérale qui fait confiance aux mécanismes spontanés du marché (voir http://barthes.enssib.fr/archives/scpo/ Presentations00-01/Hagen_laissezfaire.html, accès 20/07/2010) 102
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Ainsi, à la fin de la journée, 1% de la population collecte plus de la moitié des déchets produits par la ville, sans être rémunérée, mais plutôt dénigré. Par rapport à l’illusoire cercle du recyclage, il s’agit d’une chaîne qui est établie autour d’une ou deux grandes entreprises par rubrique des résidus traités, et quelques quantités des petits intermédiaires qui, dans beaucoup de cas, vivent dans les mêmes territoires que les ramasseurs. «Mais ils agissent comme succursales peu sérieuses des grandes entreprises»34 Ils sont en fait des externalités économiques éparpillées dans la ville qui permettent au recyclage comme tel de survivre, dans quelques cas avec des profits très considérables. Les économistes désignent par «externalité» ou «effet externe» le fait que l’activité de production ou de consommation d’un agent affecte le bien-être d’un autre sans qu’aucun des deux ne reçoive ou paye une compensation pour cet effet. Une externalité présente ainsi deux traits caractéristiques. D’une part, elle concerne un effet secondaire, une retombée extérieure d’une activité principale de production ou de consommation. D’autre part, l’interaction entre l’émetteur et le récepteur de cet effet ne s’accompagne d’aucune contrepartie marchande.Une externalité peut être positive ou négative selon que sa conséquence sur le bienêtre est favorable ou défavorable.35 Par exemple, dans la récupération des matériaux plastiques, les entreprises «apparemment formelles» qui recyclent, achètent ces matériaux à quelques intermédiaires, dont les «laveurs de plastiques», sont celles qui vendent leur produit le plus cher grâce à de meilleurs processus de traitement. Évidement, le fonctionnement de tous les petits intermédiaires qui vendent aux entreprises est inscrit dans «l’informalité» : ils ne payent pas l’eau pour laver les matériaux, ils les jettent n’importe où, et les entreprises dites formelles n’ont pas la responsabilité de ce qui se passe avant l’achat de la «matière première». Elles peuvent alors lui faire intégrer dans un dispositif de transformation qui leur permettent de les revendre bien plus cher. Dans cette informalité aux deux sens, le système peut générer un bénéfice jusqu’à 900 % entre le produit brut déniché par les ramasseurs et le produit recyclé par les industriels et exportateurs. Sachant cela, beaucoup de ramasseurs croient difficilement qu’en intégrant un système «formel» ils puissent gagner plus qu’aujourd’hui, ou même encore avoir toujours du travail.
34 Nicolas Minetti, Directeur du programme Uruguay Classifique, Ministère de Développement Social. 35 http://www.universalis.fr/encyclopedie/externalite-economie/ 103
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Les externalités économiques négatives génèrent des coûts globaux sous-estimés mais aussi des bénéfices sur-estimés, et le système s’alimente tout seul (et les externalités négatives avec !). Dans notre cas, le fait que les entreprises de recyclage, à la fin de la chaîne, arrivent à diminuer leurs coûts globaux, grâce évidement à toutes leurs conditions de travail, d’extraction de matériel, etc, au détriment de toutes les autres parties de la chaîne (ramasseurs, intermédiaires, etc), génère ce type de bénéfices assez importants (900% par exemple). Au delà des externalités économiques, ce que nous allons regarder de plus près sont les externalités spatiales (et environnementales). De telles situations peuvent être assez graves pour motiver ou non des interventions «externes», par exemple, dans notre cas, du secteur public de la gestion des déchets. L’action publique (qui a un coût elle aussi) pourrait empêcher la compensation d’externalités, mais les coûts d’intervention pourraient être, dans ce cas, trop élevés, et ainsi ruiner le bénéfice (économique) de l’intervention publique. Nous insistons sur le fait que le bénéfice environnemental et humain doit être mis en valeur plus encore que ce bénéfice économique omniprésent. En effet, si le système se formalise , nous pouvons croire que dans ces logiques du libre marche , il y a de fortes chances que les ramasseurs disparaissent : il ne rapporteraient pas assez de profits pour les entreprises en fin de chaîne (l’année dernière, pendant la «crise économique mondiale», les prix ont tous baissé, parce que la vente ultime de matériau recyclé ne créait pas le même profit que d’habitude). Des ramasseurs en Amérique latine ont annoncé des baisses de prix les plus extrêmes, avec le carton, le papier journal, le plastique, le fer et l’aluminium payés entre 25 et 50% moins cher. Les personnes interrogées ont noté que les matériaux avec le plus de valeur, ceux qui sont souvent exportés, étaient les matériaux qui avaient diminué le plus en valeur. Les métaux non ferreux ont été frappés très durement. 36
Si le système peut devenir, et être compris comme tel, d’utilité publique et surtout environnementale, et non pas seulement économique, nous pouvons penser que les conditions des acteurs du bout de la chaîne pourront être améliorées, permettant au recyclage spontané de devenir une pratique valorisée et reconnue par les citadins et surtout l’institution publique.
36 Etude fait par Villes Inclusives, WIEGO, No Cushion to Fall Back On, The Global Economic Crisis and Informal Workers Synthesis, Zoe Horn, 2009, http://www.inclusivecities.org/pdfs/GEC_Study.pdf 104
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L a Ter r ito r ialité d es deux dynam iques : l e s i te d e d isp o sit io n fin ale d e déchets et le travail associatif des ramasseurs à travers quatre coupes h i sto ri q u e s
les hommes comme les pommes, pourrissent quand on les entasse. Mirabeau, p.241
Nos déchets sont presque toujours producteurs de «mauvaises» odeurs et, par conséquent, destinés à être éloignés des maisons des contribuables, ou «bons» citoyens. Ainsi, à l’image de nos morts enterrés dans des cimetières, nos déchets quotidiens vont également vers des sites de disposition finale. Si bien qu’à la fin du XIXe, la décharge de Montevideo était placée just derrière le Cimetière de Buceo. La décharge municipale est placée actuellement plus à l’est de la ville, environ à 5 minutes d’une rue très fréquentée, et à 10 minutes d’un route. Dans ce lieu se déposent quotidiennement, selon des chiffres municipaux, environ 2000 tonnes de déchets, transportés par plus de 550 trajets de camions, «lesquelles produisant un nouveau paysage d’à peu près 1 300 000 mètres cube dans 80 hectares».37 . Pour minimiser les risques des conditions de travail des machines, mais aussi au vu de la proximité de l’aéroport national, la hauteur des ces nouvelles montagnes de déchets est limitée à un seuil précis. La Mairie a besoin de changer ces lieux de disposition quand la hauteur est estimée trop importante. La croissance en spirale a été la manière préconisée sur les 3 sites existants aujourd’hui : − Le site n°5, appelé ainsi car les 4 anciens sites ont été déplacés hors de notre zone d'étude, possède 13 mètres d'enfouissement de déchets souterrain. − Le site «n°6 et 7», décharge contrôlée née de la fusion de deux anciens sites. − Le site n°8, le plus récent (2002), site d'enfouissement sanitaire au périmètre limité, muni d'une membrane de polyuréthane noire destinée à protéger les nappes phréatiques sous le site.
Aucun de ces trois sites ne dispose de traitement de lixiviation ou de v photographie de la décharge à Montevideo, 37 OPP, LKSUR, p.124
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ci-dessus: carte de Montevideo avec les accès routiers principaux de la ville (Carmona, op.cit) et vue aérienne de la décharge (googlemaps)
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la putréfaction gazeuse due à l’empilage des déchets. Plusieurs tentatives de privatisation des sites, dont le but était de les moderniser par des techniques de traitement (biogaz par exemple), ont échoué devant les pressions syndicales des travailleurs de la Mairie et des ramasseurs, laissant la décharge comme un simple site d’empilement de tous les déchets ménagers de Montevideo. Des activités de tri sont réalisées à la décharge depuis la restauration démocratique en 1985 qui avait consenti à l’entrée des ramasseurs sur le site. Par contre, ces pratiques, même si elles sont «tolérées», restent inscrites dans le «laisser faire-laisser passer» des pratiques institutionnelles. Certains camions, surtout ceux que nous appelons «benne», doivent payer pour déposer des déchets dans la décharge, dans la mesure où ce ne sont pas ceux produits par les ménages mais par le secteur privé ou d’autres cas spéciaux. Une grand partie de ces camions ne rentre pas dans la décharge, et comme l’a bien dit la nouvelle Maire de Montevideo à la presse récemment, ils préfèrent déposer leurs déchets juste en face, où un territoire spontané habité par 129 ramasseurs s’est développé depuis des années à partir de la réception et récupération de ces matériaux provenant des camions «déviés». Les camions avec des déchets chimiques liquides optent, au lieu de payer le traitement approprié, pour le vidage dans les rivières qui entourent la décharge, sans que personne n’y fasse rien38 Finalement, il y aura ceux qui récupèrent des restes au milieu des déchets qui vont se décomposer chimiquement dans la décharge: des matériaux qui peuvent être vendus dans l’industrie du recyclage ou bien des matériaux qu’euxmême peuvent utiliser, donc, récupérer. Nous allons analyser, à l’aide des prochaines images, la récupération, sur le site de disposition finale, de ces matériaux à travers le travail des ramasseurs dans les alentours du site de la décharge, le tout articulé autour de 4 cartes correspondant à 4 temporalités progressives.
38 Constat personnel dans une de mes visites sur le site, année 2005 107
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2002- recyclage spontané dispersé Avant 2002, on dénombrait une centaine de ramasseurs qui travaillaient de façon individuelle ou en famille dans la décharge «n°6 et 7». A l’époque, ils devaient payer des prix d’entrée au gardien (quand cela leur était demandé), ou sinon, ils le faisaient le soir pour que personne ne les voie.39 Ils travaillent de façon complètement dispersée, chacun travaillant pour lui-même là où les camions venaient déposer les matériaux les plus riches. Des camions entiers remplis de chocolat, verres, nouveaux vêtements, ou autres types infinis de choses intéressantes, étaient déversés pour des raisons de salubrité puis extraits, séparés et récupérés par les ramasseurs, ce qui leur rappelle parfois de très bons souvenirs40.2002 fut l’année de création de l’Union syndicale des ramasseurs (UCRUS), suite aux répressions policières et menaces d’interdiction d’accès au site, qui revendiquait le droit à un lieu de travail spécifique pour la centaine de ramasseurs qui travaillaient dans la décharge.
39 Entretien avec des ramasseurs historiques dans la décharge, 2004. 40 Pendant les entretiens, ils racontent des histoires variées sur ces «camions trésors» qui jettent des choses très rares. Par exemple, un magasin de tapis persans avait fermé ses portes et décidé de se débarrasser dans la décharge de très beaux et très chers tapis orientaux. Parfois, ce sont les fonctionnaires municipaux euxmêmes qui les récupèrent. 108
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2003, 2004- recyclage spontané syndicalisé et concentré Les années qui suivirent la formation du syndicat furent le lieu de plusieurs rencontres entres les acteurs de la gestion des déchets. Finalement, la Mairie se décida à céder un site, une partie d’une rue entre l’ancienne décharge n°6 et 7 et la nouvelle en plein processus de construction à l’époque, le site d’enfouissement numéro 8. Dans cet espace, un nombre négocié de 30 camions (normalement remplis de matériaux riches pour la récupération) seraient déposés chaque jour pour être ramassés par l’union de UCRUS. Le fait d’avoir un regroupement a permis d’établir un certain nombre de «règles» de travail qui n’existaient pas avant dans le travail dispersé. Des horaires à respecter, l’interdiction de faire travailler les mineurs, l’usage de vêtements appropriés pendant le ramassage, étaient des règles édictées par le syndicat et donc respectées par tous. Tout au long de la rue cédée par la Mairie, plus d’une centaine de ramasseurs se rendaient tôt le matin pour ramasser, et, l’après-midi, des acheteurs venaient négocier ces matériaux récupérés le matin. Ceux qui ne voulaient pas vendre sur place ramenaient ces matériaux récupérables chez eux, à l’aide de charrettes à cheval, afin de les vendre aux intermédiaires voisins. Le seul fait d’avoir réussi à travailler dans une rue spécifique destinée aux ramasseurs était, à l’époque, une victoire politique et territoriale.
xpage à gauche: photographie du site de la décharge, 2004 (A.Fernandez) vci-dessus, à gauche: site de travail du syndicat des ramasseurs UCRUS,
2004 (A.Fernandez). À droite: camion acheteur des matériaux triés, 2004 (A.Fernandez)
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2005- recyclage spontané associatif et concentré Certains ramasseurs du syndicat ont participé, début 2005, à une conférence au Brésil, organisée par le «mouvement national des ramasseurs des résidus récupérables» (MNCR), avec plusieurs ramasseurs du continent sud-américain41. Ils se sont rendu compte que le fait d’avoir accès à une rue pour travailler et un nombre déterminé de camions n’étaient pas des conditions suffisantes. Ils ont remarqué qu’à quelques kilomètres de la frontière avec le Brésil, existaient de vrais espaces, petits, mais munis d’un toit, de murs, et surtout de matériaux pré-triés, qui arrivaient pour être traités par les ramasseurs associés. A leur retour à Montevideo, le besoin de changer leurs conditions de travail et leur façon de s’associer était très fort. Ils ont convaincu la Mairie de leur proposer un autre site de travail dans la décharge, mais cette fois-ci avec une plateforme de béton pour travailler et des installations sanitaires appropriées (cuisine, vestiaires et douches). La même quantité de camions arriverait dans ce nouveau site, mais par contre, l’emplacement était loin de l’arrivage des autres camions et ils n’avaient pas de moyens de contrôler que les meilleurs matériaux leur étaient destinés. Le nouveau site a été entouré par des grillages, ne permettant qu’une seule entrée et sortie des ramasseurs et des camions. La Mairie s’est investie dans la construction de la moitié de la plateforme bétonnée, la deuxième moitié fut construite par les ramasseurs sur la base du volontariat. Ce changement fut vécu comme une vraie réussite: Avec cette victoire, l’histoire commence à peine...Depuis quelques années, notre vie dépend de ce que la société refuse, et cela est notre gagne-pain et celui de nos familles. Notre objectif consiste à être reconnus comme des travailleurs et travailleuses et, comme tels, avoir les mêmes droits que ceux qui s’occupent d’autres tâches, métiers ou professions...Notre histoire est une histoire de sacrifice et de discrimination,..., mais malgré tout elle est aussi une histoire riche d’expériences et de victoires dans le quotidien » Eduardo Perez42
41 La 2eme conférence latino-américaine des ramasseurs a eu lieu à Sao Leopoldo en février 2005. Je me suis occupée de la coordination du voyage d’une trentaine de ramasseurs du syndicat uruguayen, certains techniciens d’appui, et notamment toutes les délégations en dehors du Brésil qui participaient à cette conférence (Chili, Colombie, Argentine et Uruguay) 42 Extrait du discours d’inauguration faite par Eduardo Perez, ramasseur, aout 2005. Accès 08/07/2010 http://uruguay.indymedia.org/news/2005/08/38167_comment.php#38212 110
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2006-2008- recyclage spontané associatif dispersé dans la ville Dans la décharge il y eut, pendant les années suivantes, des problématiques sociopolitiques très fortes qui ont été l’objet de l’assistance et du travail du syndicat. Par exemple, certains ramasseurs s’appropriaient les camions les mieux dotés, ne laissant pas les autres récupérer des matériaux de «son camion à lui». Des dynamiques d’exclusion parmi les plus exclus du système économique et du travail, ont généré de nouvelles forces et des esprits associatifs dans des groupes moins nombreux, et surtout bâtis sur des liens humains plus solidaires. D’autres associations, membres du syndicat crée en 2002, se sont développées au sein de la ville après 2005, arrivant au total de 8 à la fin de l’année 2007.43 L’intention était celle du travail associatif, mais la réalité restait plutôt celle de la demande permanente d’avoir un espace de travail, de meilleurs matériaux à ramasser, etc. Tous les principes de l’autopoïèse, de la capacité de création du travail où il n’existe pas d’autres possibilités, ne rentraient pas dans ce nouveau schéma de revendications à des institutions pertinentes. Ces années furent difficiles pour les négociations, parce qu’il n’y avait pas une entité institutionnelle claire pour aller demander ce dont les ramasseurs avaient besoin. Encore une fois, la Mairie n’avait pas de réponses au sujet du recyclage spontané dans la mesure où ce n’était pas lié à la gestion des déchets, mais plutôt à une question «sociale». Des cours donnés par l’institut des coopératives (CUDECOOP) 44 ainsi que certaines aides internationales45 ont contribué à cette relation de dépendance des agents externes envers le travail associatif. La plupart de ces coopératives ont disparu après un an voire moins, suite à des demandes sans succès, où bien après avoir choisi de travailler comme avant: individuellement ou en famille. .
C oop. LA LUC HA
6 pers mars 07
C oop. J UAN C AC HAR PA 12 pers
mai
2005
C oop. FELIPE CARDOSO 80 pers -mars
2007
C oops . B AÑADOS 36 pers -august 2007
xpage à gauche: 1ère image,
C oop. INDE P E NDE NC IA DE LA MUJ E R pers dec 2006 -
ramasseur uruguayen dans une coopérative brésilienne, 2005 (A.Fernandez). 2ème image, inauguration du nouveau site de travail du syndicat de ramasseurs UCRUS, 2005 (A.Fernandez). Ci à droite: carte de Montevideo avec relèvé des coopératives de ramasseurs existants en 2007 (L.Fernandez, E.Perez)
43 Fernandez, Perez, Recensement des Coopératives des Ramasseurs à Montevideo, rapport pour la fondation Avina, Montevideo, 2007. Voir aussi le film faite à partir de ce recensement des coopératives sur www. youtube.com/watch?v=YCQJMbJ6_HM 44 Confédération Uruguayenne des Entités Coopératives (traduction de l’auteur). 45 Pendant les années 2006 et 2007, CUDECOOP a donné des cours aux ramasseurs sur les principes et le fonctionnement des coopératives, une association des «Uruguayens au Canada» a donné une structure portante, pour faire le travail de tri dans une coopérative; et une autre association en Italie (Reorient) a octroyé des prêt pour l’achat d’un camion pour la collecte de la coopérative. La Fondation Avina (pour le développement durable en Amérique Latine) a réalisé aussi, durant ces années, un projet de renforcement du syndicat des ramasseurs. 111
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2008, 2009 – externalités spatiales du recyclage spontané Autour de la décharge il y avait environ 3 des 8 coopératives crées en 2005, 2006 et 2007. Deux de ces trois coopératives ont été placées hors du site de la décharge, mais elles fonctionnent avec des ramasseurs provenant du même site, avec un double travail (matin à la décharge et après-midi dans la coopérative). Le nombre de ramasseurs était plus adapté pour le travail associatif, et ces problématiques réduites. Ces coopératives ont vraiment fonctionné en tant que groupes de travail associés, où les déchets qui arrivaient étaient triés par tous et où les profits étaient distribués équitablement, ont commencé à avoir des affectations territoriales liées à leur travail de récupération des matériaux, et à la non-extraction de tout ce qui était laissé comme rejets ou détritus. Au fil des années, les rejets se sont accumulés, comme on le voit à la décharge, mais dans ce cas, au même endroit que le site de travail des associations. Après avoir soutenu l’idée et les intentions de se regrouper afin d’améliorer le travail, la réalité montre que les conditions environnementales étaient loin d’être acceptables, et les conditions de travail, loin d’être optimales. Cette nouvelle problématique nous amène à l’analyse centrale de ce mémoire, celle des externalisations spatiales du recyclage spontané. ANALYSE DU TYPE DE RECYCLAGE À TRAVERS QUATRE ÉPOQUES 540 circuits des camions municipaux (collecte de résidus et décharge finale) circuit - infiltrations des charettes à cheval et remorque à vélo (ramassage, recupération et vente) pérymètre du site de périmètre dépôt finaldu (n²site 8) de décharge déchets finale des déchets habitat spontané des ramasseurs de résidus (80 aprox) 3120 sites de travail rameurs desavec rési80, et 6 de dus 10 travaillent ramasseurs chaqu’un manière dispersée et non autoriséespatiales par la externalités Mairie liées à la proliferation des sites de recyclage usine de traitement des déchets hospitaliers écoulement des lixiviats implantation des industries
externalités spatiales du recyclage spontané 2008-2009- externalités spatiales2008-9 du recyclage spontané et dispersé
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3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5 540 circuits des camions municipaux (collecte de résidus et décharge finale) circuit - infiltrations des charettes à cheval et remorque à vélo (ramassage, recupération et vente) périmètre du site décharge finale des déchets habitat spontané des rammaseurs de résidus (80 aprox) 120 ramasseurs des résidus travaillent de manière dispersée et non autorisée par la Mairie
2002-recyclage spontané dispersé 2002 - recyclage spontané et dispersé 540 circuits des camions municipaux (collecte de résidus et décharge finale) circuit - infiltrations des charettes à cheval et remorque à vélo (ramassage, recupération et vente) pérymètre du nouveau périmètre du site site de dépôt final (n² décharge finale des 8) de déchets déchets habitat spontané des ramasseurs de résidus (80 aprox) 120 ramasseurs rameurs des rési120 dus travaillent de travaillent manière dispersée et et de manière concentrée non autorisée la autorisée par lapar Mairie Mairie30 camions par (avec jour pour eux)
2003-2004-recyclage spontané concentré 2003-4 recyclage spontané concentré
540 circuits des camions municipaux (collecte de résidus et décharge finale) circuit - infiltrations des charettes à cheval et remorque à vélo (ramassage, recupération et vente) pérymètre du nouveau périmètre du site site de dépôt final (n² décharge finale des 8) de déchets déchets habitat spontané des ramasseurs de résidus (80 aprox)
120 ramasseurs rameurs des rési120 dus travaillent de travaillent manière dispersée et et de manière concentrée non autorisée la autorisée par lapar Mairie Mairie30 camions par (avec jour pour eux) maintenant sur un surface en béton 2 eme dispositif de contrôle au site municipal écoulement des lixiviats
2005-recyclage spontané associatif 113 2003-4 recyclage spontané concentré
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3.B.
E x te r n a l i sat i on s sp atiale s et ter r ito r ia les d u re c yc l a ge sp ontan é Il existe plusieurs territoires spontanés dans lesquels certains ramasseurs s’investissent dans la déviation d’un pourcentage de ces déchets de leur destination finale. Comme ces activités sont exercées de manière non-officielle, et aussi dans l’épaisseur de l’illégalité de ces sites gérés par des lois internes, elles engendrent des situations ambiguës, où ceux qui sont engagés dans le tri et la vente de matériaux pour le recyclage doivent vivre au-dessus d’une montagne de restes nonrécupérables. Cette activité crée, par conséquent, de nouvelles problématiques, où, en essayant de faire du «bien» en récupérant nos déchets et en inventant de nouvelles alternatives à l’absence de travail, on produit, dans le même temps, de mauvais résultats amenés par le manque de communication «spontanéitéinstitutionalité» dans la gestion des déchets. L’apiculteur profite de la proximité de l’arboriculteur et obtient un miel de meilleure qualité qu’il pourra vendre à meilleur prix et cela gratuitement. L’arboriculteur ne sera pas payé pour le service indirect qu’il a rendu à l’apiculteur. Il s’agit dans ce cadre d’une externalité positive. Mais l’arboriculteur profite aussi gratuitement de la pollinisation de ses arbres, ce qui améliore son rendement sans faire recours à de coûteuses méthodes manuelles, et la pollinisation aléatoire des abeilles enrichit aussi la diversité génétique qui permet aux plantations de mieux résister à d’autres affections ou maladies. L’externalité est positive dans les deux sens. James Meade, 195246. Serait-ce possible que la ville de Montevideo dispose d’externalités positives dans son système de gestion de déchets, pour que l’institutionnel et le spontané fonctionnent comme l’apiculteur et l’arboriculteur? Pour arriver à mieux comprendre cette situation et ensuite donner de possibles réponses à travers un protocole d’intervention dans la ville, nous voulons apprendre ce qui se passe aujourd’hui au sein des dynamiques du recyclage spontané: quelle surface est actuellement utilisée pour le recyclage associatif ou familial? Quel est l’état des liens entre les différents acteurs du recyclage spontané dans un quartier de la ville? Comment peut-on comprendre ces dynamiques à l’échelle de
la ville-territoire de Montevideo?. 46 Économiste précurseur du terme externalités, citation dans http://fr.wikipedia.org/wiki/ Externalit%C3%A9, accès 10/07/2010 114
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A travers l’analyse de photos aériennes, mais surtout au fil de plusieurs parcours à pied, en voiture, ainsi qu’à l’aide de quelques centaines d’heures de conversations avec les ramasseurs de Montevideo, nous allons mettre en lumière ces différentes dynamiques dans les pages suivantes.
v
ci-dessus: territoire spontané dédié aux activités de recyclage des résidus, 2010 (L.Fernandez) 115
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C a r to g rap h ie d es d y n a m iques du re c yc la ge sp o ntan é d a ns la ville
12.6% Plastique 3.4% Verre 1.7% Textile 11% Métaux ferreux 0.3% Métaux non ferreux 13.2% Papier et Carton 0.3% Résidu toxic et dangereux 55.4% Organiques et légumes 0.5% Bois, élagage 0.9% Cuire, os, caoutchouc 5% Couches bébé & higiéniques 0.3% Débris & inerts 0.8% Matériaux composés 4.7% Autres (2004, LKSUR)
production de: salade, bette à carde et épinards pommes, pêches, poires, prunes citron, tomate, raisin
(2010, IMM)
253 kg collécté p/jour (3000 ramasseurs 44 kg (3500)
84 kg (2700) (2004, LKSUR)
1 huile 2 batèries 2 compostage 1 verre 7 coopératives 9 métaux 1 pneu 10 papier 26 plastique 8 résidus spéciaux 1 résidus organiques 10 entreprise fournisseur 1 autres (2010, CEMPRE et 2010, FERNANDEZ)
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Nous allons voir comment la liaison entre les territoires spontanés et les points-centres de recyclage de résidus de cette ligne imaginaire, fonctionne dans la ville de Montevideo; comment chaque morceau du territoire a des incidences différentes en lien avec la gestion spontanée des déchets, c’est-à-dire du recyclage.
15000 ha = zone de haute production de déchets ménagers
2000 T p/jour des déchets ménagers
estimatif selon Plan Directeur des Résidus (2004, LKSUR)
30000 “clients” (=habitants qui donnent des résidus aux ramasseurs)
chiffre estimé selon 17500 clients en 2003 (Gonzalez,Barrenechea,Croce) pour 5177 ramasseurs
montevideo, 52500 ha
expansion urbaine metropolitaine aprox. 70000 ha
22000
ha = zone de baise production de déchets ménagers (haute production de déchets chimiques, industriels et autres est supposé) disponibilité de sol pour certains
dispositifs
31000 ha = zone de haute production de déchets verts
1.360 producteurs/agriculteurs 60 000 habitants producteurs de déchets verts compostant C-carbone pour le Compost (2010, IMM)
2000 ha = zone de récuperation de déchets et faible collecte de rejets
500 territoires spontanés 1380
ha = 413 t.s en “Montevideo” (2010, PIAI-IMM) et 100 en “Canelones” (2010, id.)
5508 centres de tri familial dans les maisons des ramasseurs
(2006, MIDES)
4407 à Montevideo 1101 à Canelones-aire métropolitaine
700 T par jour collectés 400T par jour des matériaux collectés recuperés (2004,LKSUR)
(2004,id.)
150 centres de recyclage 79 localisés- base de données de CEMPRE, reste estimé selon recycleurs de plastique à partir d’une recherche personnelle en 2005 (26) contre nombre recensé par CEMPRE (13)
118.903 12 732 500 U$/an de chiffre d’affaires
T de matériaux recyclés (2003, Gonzalez,Barrenechea,Croce) (2003, id.)
dans l’industrie du recyclage (y compris exportation)
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3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
Pendant que certains territoires sont principalement des producteurs de déchets ménagers (carrés noirs), ou bien des producteurs des déchets «verts», c’est-à-dire avec des composantes organiques (carrés gris), d’autres, comme les T.S (carrés roses), s’occupent du traitement primaire de ces déchets produits dans les carrés noirs. Enfin, les «points couleurs» sur la carte correspondent aux sites recensés en charge de la transformation «industrielle» de ces matériaux ramassés et récupérés à la base de la chaîne par les ramasseurs (on estime que ce nombre est bien plus élevé mais nous n’avons pas les moyens pour l’instant de le vérifier)
Les liaisons entre ces différent morceaux de territoires sont complètement spontanées et s’appuient sur des raison humaines et économiques: «je vends mon matériau à l’acheteur qui me paye le plus et qui me traite le mieux, et non, comme vous pouvez croire, à celui qu’est le plus proche de ma maison. Je préfère faire quelques kilomètres de plus pour obtenir un meilleur prix et, surtout, pour respecter des années de relation amicales avec le même acheteur» Eduardo, ramasseur, conversation en mars 2010. 118
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Ce n’est pas toujours le cas pour ceux qui n’ont pas de moyen de transport à cheval ou à moteur, et qui préfèrent, après une longue journée ou semaine de travail, vendre à l’acheteur le plus proche (normalement dans le même T.S), même s’il pratique des prix plus bas comparés aux autres intermédiaires qui font partie de la «chaîne du recyclage». Ces liaisons sont inscrites dans des logiques dites de «laisser faire laisser passer», et ces rapports semblent être, pour une institution comme la Mairie de Montevideo, hors de tout contrôle possible (et désirable?)
1 huile 2 bateries 2 compostage 1 verre 7 coopératives 9 métaux 1 pneus 10 papier 26 plastique 8 résidus spéciaux 1 résidus organiques 10 entreprise fournisseur 1 autres 500 territoires spontanés zone de haute production de déchets ménagers zone de basse production de déchets zone de production ruraux-déchets verts
recyclage et couture territorial 119
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PARCOUR blanc- Eduardo (ramasseur) et sa voiture (fiat 147)
1a Collège et Lycée Privé Stella Maris
2a coopérative de ramasseurs Ucrus
2b 3acoopérative de ramasseurs Juan Cacharp
(point collecte- déjà trié) 1b Entreprise Sudy Lever (point collecte- déjà trié) 1c Entreprise Johnson & Johnson (point collecte -déjà trié) 1d et 1e coopérative d’habitation
(point collecte- déjà trié)
3.B.2. L a l i g ne ima g in a ire d u rec yclage
qua rt i e r
2c 3d territoire spontané Bañados de Carrasco
dans un
Pour mieux comprendre comment ces relations affectent les alentours d’un site de tri ou bien d’un groupe de ramasseurs, nous avons réalisé le parcours entre les acteurs d’un quartier particulier (celui des alentours de la décharge mais aussi un des quartiers les plus riches de la ville) en nous demandant comment cette ligne rentre en mouvement, en créant des réseaux complexes dans un quartier? Nous allons voir combien d’acteurs du recyclage habitent et/ou travaillent dans un morceau de territoire de1000 hectares. 120
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2c 3d
4c
3d 2a
1a
1b 2b3a
4a 4d
1e 4b
1c 1d
3b territoire spontané Aquiles Lanza
a (site de propositions)
3c 3b
4a dépôt matériaux recyclables-tri secondaire
PARCOUR blanc- Eduardo (ramasseur) et sa voiture (fiat 147)
(extraction de terre et tri)
3d relogement ex “Village Les Porcs” 3e territoire spontané à Canelones
1a Collège et Lycée Privé Stella Maris
vwphotographies prises pendant (point collectedéjà de trié)mars 2010 (L.Fernandez, le mois E.Perez)
1b Entreprise Sudy Lever
4b Dépôt spécifique de papier et carton
(un des plus grands de la ville)
2a coopérative de ramasseurs Ucrus
2b 3acoopérat
4c dépôt matériaux recyclables-tri secondaire 4d dépôt matériaux recyclables (externalité de 4b)
(point collecte- déjà trié) 121
1 E t
i
J h
&J h
Il y a un zoom à faire dans ce parcours, celui du T.S de «Bañados de Carrasco». Le nombre d’habitants actuellement, selon les chiffres du PIAI, s’élève à 237 personnes alors qu’en 2002, on en dénombrait seulement 9947, la plupart élevant des cochons (ramasseurs des résidus) et «extracteurs de terre». Cette dernière activité est très différente et particulière à ce territoire, choisi pour montrer dans notre parcours la ligne de recyclage. Le territoire est formé sur la zone des Marais de Carrasco, frappé d’une «protection naturelle». En théorie, il est interdit de construire quoi que ce soit sur ces terres, mais ces familles, non seulement l’habitent depuis des décennies, mais en plus pratiquent l’extraction de terres très riches du marais pour la vendre ensuite principalement aux exploitants de serres fruiticultrices, qui sont placées de l’autre coté de la rue.
47 Santandreu,Castro,Ronca, La cria de cerdos en asentamientos irregulares, 2002, p.20, Voir sur http://www. bvsde.paho.org/bvsacd/cd29/cria-cerdos.pdf
v interprétation graphique du système spontané de vente de terre. 122
+
+
+
+
DÉCONSTRUIRE POUR MIEUX COMPRENDRE, DISSOCIER POUR MIEUX INTÉGRER, REGARDER DE LOIN ET RÉGARDER DE TRÈS PRÊT. MAINTENANT... LA LOUPE
123
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
v ci-dessus: photographie d’une liste de prix pour l’achat des matériaux ferreux, 2010 (L.Fernandez) wà droite: vue aérienne de Montevideo (googlemaps) 124
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
3.B.3 L ´ ab éc éd aire: t ro is exemples en vingt-neuf l ett re s
Les manipulateurs de rebuts vont à rebours de cette idéalisation -celle d’une science de l’espace qui traitait des formes pures, lignes, angles, plans- et ils ont investi le monde concret et construit leurs alphabets et formes à partir de ses bribes et déchets. Examinons quelques-unes de ces pratiques. J.P. Mourey 48 Nous allons ensuite faire des zooms plus précis sur certains pratiques de travail primaire (tri fait par les ramasseurs) d’une façon familiale-individuelle, et associatif (petit groupe de 12 et grand groupe d’environ 80 ramasseurs). Pour mieux apprendre des surfaces utilisées par les activités du triage, du stockage, et arriver à construire une programmation spatiale du sujet, nous regarderons de plus près trois exemples différents à travers vingt-neuf images.
Z3-lettres U-Z
Z2-lettres M-T
Z1-lettres A-L
48 Le déchet, le rebut, le rien, op.cit., p.23 125
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
2003
2007
2010
v 126
ci-dessus: vue aĂŠrienne du site de la dĂŠcharge, 2003 et 2007 (www.imm.gub.uy) et 2010 (googlemaps)
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
2007 48m 30m
A
B
40m
C
G K
E
I
H
L
F
n+8
K
78m
80m
I
I
J K
n+6
I
n+5 n+4
28m
I
n+2
n +2
L 10m 20m
A-L- Lecture programmatique (2007) A - 364 m2
stockage du material trié dans les hottes
H- 320 m2
stockage de piles-batteries
B - 144 m2
parking et zone de vente
I - 480 m2
locaux municipaux
C - 10 m2
stockage des métaux
J- 615 m2
ancienne usine de tri
D - 65 m2
stockage de carton
K- 2400 m2
parking de vehicules
E - 470 m2
espace de travail d’association 2
F - 1067 m2
espace de travail d’association 1
G - 240 m2
service higièniques et espace de réunion
4000m2 de recyclage spontané (décharge, tri, stockage, vente, parking)
L- 980 m2
externalités spatiales: rebut ruisseau pollué
5815m2 de gestion municipal (vehicules, locaux, stockage batteries)
= 1095 m2 espaces couverts + 2720 m2 surface de travail + 2000m2 circulations 127
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
A
D
deux pages: photographies prises en fĂŠvrier 2009 (L.Fernandez).
128
B
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
E
G
F
H
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
C
J
129
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
2003
v 130
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
2007
ci-dessus: vue aĂŠrienne du site de la dĂŠcharge, 2003 et 2007 (www.imm.gub.uy) et 2010 (googlemaps)
2010 2010
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
M N Ñ M T
O Ñ
M
O
Ñ R Q P
S M
M - 5356 m2
externalites espatiales:rebut
N - 2400 m2
espace de travail association 1
Ñ - 210 m2
stockage du material trié dans les hottes
O - 208 m2
élevage porcs, poulets, canards, etc
P - 480 m2
maisons des ramasseurs
Q - 98 m2
espace de stockage et travail association 2
R - 18 m2
camion d’association 2
S -1900 m2
circulation (maisons et association)
T - 7425m2
terrain vague ruisseau pollué
10670m2 recyclage spontané 10m 20m
M-T- Lecture programmatique (2007)
131
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
M
O
deux pages: photographies prises en fĂŠvrier 2010, et 2005 (L.Fernandez). 132
R
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
P
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
T
N
Q
S
Ñ
133
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
U-Z
2010
2007 v ci-dessus: vue aĂŠrienne du quartier Casabo, 2010 (googlemaps), 2007 (www.imm.gub.uy) toutes les autres photographies, prises en 2003 et 2004 (L.Fernandez)
134
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
v
w u
3.9
20 Conti n
22
7.2
8
U
ria
X W
W
X
8 7.2
n Aust
U
v
8.4
uacio
V
U - 34 m2
stockage et vente-marché
V - 48 m2
maison du ramasseur et sa famille
W - 34 m2
stockage de métaux
X - 70 m2
tri, stockage, parking
Y - 36 m2
écurie et chambre annexé
Z - 10 m2
externalités spatiales: rebut
Y Z X
Pasaje de
l Lago
5
5m 10m
400m2 recyclage spontané
U-Z- Lecture programmatique (2007)
135
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
RS recyclage spontané = EC espaces couverts +ST surface de travail+CI circulations +ES externalités spatiales
4000 RS
= 315m2 EC +
2045m2 ST +
660m2 CI +
980 m2 ES
x 30 mélange/mixte
10670m2 RS = 578 m2 EC + 2836 m2 ST + 1900m2 CI + 5356 m2 ES
x2 mélange/mixte
400m2 RS
x1
= 84m2 EC
+ 138m2 ST
+ 168m2 CI
pre-tri/"séche"
De A à Z- Conclusions programmatiques et construction problématique
136
+
10m2 ES
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
3.B.4. Conclusions programmatiques Les espaces nommés «couverts», protégés par un toit, représentent dans tous les cas un pourcentage très bas par rapport aux surfaces totales: 7.8%, 5.4% et 21% respectivement (donc dans l’ordre suivant: Association nombreuse d’environ 80 ramasseurs de A à L, puis Association moyenne d’environ 12 ramasseurs de M à S, et enfin la maison d’un ramasseur, de T à Z). La surface de travail reste dans les trois cas assez importante, surtout dans les grandes associations: 51%, 26.5%, 34.5%. Cette surface correspond à des variables libres, non prédéterminées à priori, comme le nombre des camions, fluctuations dans la quantité de déchets, et, dans les cas des associations, ce chiffre est un peu plus important par rapport aux surfaces couvertes. La surface de circulation montre, dans le cas des associations, une importance non négligeable: 16.5%, 17.8%, mais la maison a besoin de plus d’espace de déplacement par rapport aux deux autres cas (42%) Les externalités spatiales offrent des variations entre les trois exemples assez étonnantes. Le premier zoom sur l’association qui a fait un accord avec la Mairie (A-L), montre, à l’époque de la lecture programmatique (2007), des externalités de 24.5%, avec 2 ans d’implantation de l’activité sur le site. Dans l’actualité (image aérienne de 2010) nous voyons que la présence des restes hors du site a presque complètement disparu. Dans le cas de la maison, il est remarquable de noter qu’à peine 2.5% est destiné à stocker les restes du triage. Le cas le plus préoccupant est sans doute celui de l’ association moyenne. Même s’il s’agit de la coopérative la plus «connue et populaire» de la ville, son pourcentage d’externalités spatiales était de 50% à l’époque de notre lecture programmatique. Actuellement, la photo aérienne montre des rétrécissements importants avec une réduction de presque la moitié de cette surface (donc 25%), mais après plusieurs vérifications sur place, nous avons constaté que la hauteur est en augmentation, avec environ 5 mètres des restes empilés aujourd’hui. 137
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B.5.
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
C o n str u c t io n d ’u n e p ro b lém atique
Le cas qui représente la plus petite surface et est le plus fréquent dans la ville de Montevideo reste celui des maisons, au nombre de 4000 environ. La lecture est faite sur un cas aux proportions quasi parfaites, avec une relation espace couvert- surface de travail de 1 : 1.5, des espaces libres pour faciliter la circulation, ainsi qu’une très basse externalité. La proximité de ces restes (ou résidus en processus de triage) sur le lieu d’habitation, de vie et de loisir des familles donne des résultats très négatifs pour des raisons sanitaires, environnementales, hygiéniques, et, bien sûr, psychologiques. Le cas des associations plus grande montre que les liaisons spontanéinstitutionnel produisent des bons résultats au niveau environnemental (rejets collectés, environnement de travail plus agréable) mais les espaces couverts restent toujours très bas, avec le même pourcentage que dans les autres exemples de spontanéité absolue (sans aucun contrat ou accord avec des institutions). Pour notre exemple le plus problématique, où la moitié de la surface est destinée à empiler des restes, nous croyons que le fait de recevoir des camionsbennes assez fréquemment49 (et évidement de façon illégale) est la cause principale de cette externalité, et que cette cause n’est pas liée directement au travail des ramasseurs de la coopérative, mais à leur voisinage. De tout façon, la coopérative a vu augmenter sa quantité de «clients» provenant du secteur privé et citoyen (voir précédent chapitre La ligne imaginaire …) mais le lien institutionnel reste insuffisant par rapport à son fonctionnement en tant que collecteurs/trieurs et récupérateurs des résidus, et ils doivent s’occuper de tout, gestion des restes inclus. Comment faire en sorte que La Mairie reste en accord/liaison institutionnelle avec les associations de ramasseurs en tant que fournisseurs d’un service de collecte, triage, et récupération des résidus? Serait-il possible de comprendre le «recyclage spontané» comme un service public d’utilités environnementales? Peut-on rendre positives ces externalités spatiales analysées et ces externalités économiques constatées en construisant un seul système mixte? Est-il envisageable que les citoyens séparent et trient à la maison leurs propres déchets pour que les milliers des ramasseurs puissent collecter port à port des résidus commercialisables ou récupérables dans l’optique de réduire les externalités chez eux? 49 Dans ma dernière visite sur le site, j’ai vu passer 4 camions-benne dans un période de 2 heures , qui déchargent surtout des déchets de bâtiments, donc, pas de résidus à trier mais plutôt à augmenter la hauteur et aider à compacter la petite montagne. 138
3
3.A 3.A.1 3.A.2 3.A.3 3.A.4 3.A.5 3.A.6 3.A.7
3.B 3.B.1 3.B.2 3.B.3 3.B.4 3.B.5
Une première possibilité est de permettre aux ramasseurs de collecter seulement les résidus secs et pré-triés par les habitants, et, en contrepartie, la Mairie les rémunèreraient pour ce service de collecte différentielle. Ils obtiendraient ensuite une rétribution supplémentaire de la vente et de la récupération de ces matériaux récupérables auprès du marché du recyclage. De ce fait, les institutions prendraient conscience des tonnes non-enterrées et recyclées grâce au travail gratuit des ramasseurs depuis plusieurs années. Les conditions actuelles du comportement citoyen à Montevideo à l’égard de ces déchets, ainsi que les réponses officielles de la Municipalité jusqu’à présent, sont très loin de cette première possibilité. Dans la mesure où c’est une réalité constatée dans plusieurs pays du Sud, où les ramasseurs associés signent des contrats de collecte «porte à porte» dans certains quartiers, nous croyons à l’idée de changements progressifs, et, ainsi, nous allons proposer d’autres réponses hypothétiquement plus réalisables. Partons du principe que le système reste en l’état, c’est-à-dire que les ramasseurs continuent à collecter presque la moitié des déchets de la ville (1000 T), la Mairie ne les paierai pas pour ce travail, mais en revanche, elle proposerait des traitements aux rejets (restes non commercialisables ni récupérables) que, en l’absence d’un pré-tri des citoyens à la maison, les ramasseurs continueraient à collecter. L’idée principale est celle de créer un nouveau marché, non de profit économique mais de transformation chimique des restes non commercialisables, qui permettrait de créer des transformations dans d’autres domaines (subjectives, conditions matérielles de vie, environnementales). Nous allons étudier ces possibilités de transformation chimique à travers des dispositifs spatiaux à cette fin, et, considérant que le problème est multidimensionnel et très complexe, d’autres réponses seront alors nécessaires.
139
140
4.
L A RE N CO N TRE FORTUITE AVEC PAR IS, IL Y A CENT QUAR ENTE ANS
4.A L es esp aces de “m alodeur ” 4.B Le nez du roi 141
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
uci-dessus: La Zone à Issy, 1913., photographie de presse, Agence Rol (www.gallica.fr). wà droite: Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont , photographie (http://www.insite.com.br/rodrigo/
people/lautreamont/) 142
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.A
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
L es esp aces de “m alodeur ”
4.A.1. Présentati on à travers Isidore Ducasse Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’un parapluie et d’une machine à coudre. Chant VI, Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, 1868. Isidore Ducasse, plus connu sous le nom de Comte de Lautréamont et qui a écrit les «Chants de Maldoror» en 1868, est né à Montevideo en 1846, puis a émigré à Paris en 1859 où il y est mort à l’âge de 24 ans, à son domicile du 7 rue du Faubourg, à Montmartre. Dans le Paris d’aujourd’hui, Montmartre, est associé à l’image de la Basilique du Sacré-Cœur. Cependant, le terme Faubourg signifie étymologiquement un quartier situé en dehors de l’enceinte d’une ville . Montmartre est un mot magique. C’est le cerveau et le cœur de Paris...mais c’est aussi son égout1 Les faubourgs d’ il y a 150 ans, font maintenant partie du paysage connu de tous les parisiens et des touristes qui visitent l’ancien «dehors» de la ville. Le passage du temps nous fait relativiser les frontières urbaines actuelles que l’on croit figées. Comment pouvons-nous imaginer l’avenir de nos villes, où les frontières entre intérieur et extérieur seront modifiées, et les rapports inclus-exclus en perpétuel mouvement au long de l’histoire? 1 M. Jean (ancien inspecteur général de la sûreté), Les bas-fonds du crime et de la prostitution, , Paris, 1899, p.158. 143
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
Nous allons découvrir l’histoire de la ville de Paris à travers une lecture par en bas de la fin du XIX siècle, et ces dynamiques de recyclage spontané comme nous l’avons vu à Montevideo. Cette période a été choisie car la documentation disponible est abondante lors des changements structurels importants. Cependant, on trouve des références au chiffonniers de Paris dès 1500 (cris de chiffonnier dans les rues parisiennes à l’epoque2) jusqu’à nos jours (Association des biffins Sauve qui Peut3) Les similarités sont assez surprenantes entre les deux situations, le temps ou le lieu n’ayant que très peu d’influence sur la réalité des travailleurs du recyclage spontané, les chiffonniers à Paris ou les ramasseurs à Montevideo. Comment fonctionne et où se trouve l’habitat de cette population de chiffonnier? Quelle rapport entre la nouvelle planification hausmanienne de la ville et les territoires spontanés? Quelles ont été les contributions du secteur spontané au maniement des déchets de la ville? Comment la ville parisienne at-lle considéré dans ses nouvelles modalités la gestion de déchets ? Quelles ont été les conséquences des changements survenus dans cette fin de siècle pour les chiffonniers et le recyclage ? «Voyez ce chiffonnier qui passe, courbé sur sa lanterne pâlotte; il y a en lui plus de cœur que dans tous ses pareils de l’omnibus. Il vient de ramasser l’enfant; soyez sûr qu’il le guérira, et ne l’abandonnera pas, comme ont fait ses parents» Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant II. 1868.
2 Connu comme « Le ..atalagueille » , cris de Paris, vers 1500, voir en Annexes. 3 Biffin, nombre actuel pour nommer les travailleurs qui recuperent des résidus des poubelles de Paris pour le vendre au marché de puces.
144
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
Méthode: Nous avons choisi cette époque en raison de ses ressemblances avec les dynamiques du recyclage spontané de la ville de Montevideo. A l’origine, nous avons trouvé que la quantité de chiffonniers qui parcourent les rues de Paris dans le XIX siècle, correspondait à celle de Montevideo actuellement. Cette mise en parallèle numérique et statistique est rendue possible grace à l’histoire comme outil de pensée et d’analyse. La comparaison entre ces deux géographies et temporalités nous est présentée comme un intéressant mécanisme épistémologique dans notre recherche sur le recyclage et la spontanéité. La figure d’Isidore Ducasse à travers sa célèbre phrase de la rencontre fortuite entre deux éléments assez distants (poétique principale du surréalisme) nous aidera à commencer notre analyse comparative entre les deux réalités, pour finir avec une étude plus profonde de la situation à Paris. Nous sommes remontés aux sources d’époque, notamment grâce à la Bibliothèque Nationale de France et son site virtuel Gallica, où plusieurs images et certains livres d’époque sont digitalisés et de libre accès. La première partie est focalisée sur les territoires spontanés de Paris, dans son enceinte et plus particulièrement en dehors des murailles, dans La Zone. Nous avons basé la recherche bibliographique dans plusieurs documents descriptifs d’époque (fondés sur des principes hygiénistes) et livres récents d’histoire sur la ville de Paris. Nous avons fait une liste de mentions aux villes de chiffonniers dans plusieurs bibliographies, que nous avons mis en ordre d’apparition ou référence historique. Celle-ci nous permet de construire une cartographie dynamique des déplacements de populations pauvres et surtout des chiffonniers, dans le Paris du XIXe et du début du XXe. Dans la deuxième partie, la bibliographie est plus focalisée sur la matière des chiffonniers et le système industriel de recyclage de Paris. La bibliographique est aussi mixte, entre documents d’époque qui prouvent l’importance du secteur spontané pour la gestion des déchets, et bibliographie récente sur le sujet. Pour quantifier et localiser les territoires mentionnés, nous avons suivi autant que possible la même logique que dans le chapitre précédent. 145
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
4.A.2. L a « zone de non dr oit » , alimente tous les fa nta sm e s» 4
Les premières années de la vie d’Isidore Ducasse, sont marquées par la Grande Guerre à Montevideo, où il y avait une ville «défensive» à l’intérieur des murailles et une ville à l’extérieur des murs, avec une base administrative sur la colline de Montevideo, et l’installation de différents quartiers satellites éloignés, formant ce que nous appelons «ville dispersée et décentralisée». La ville de Paris en ces mêmes années, avant la construction de la nouvelle muraille de Thiers (achevée en 1845 après 5 ans de travaux par 25 000 ouvriers) avait une configuration similaire: un vieux centre fortifié, et un anneau périphérique dispersé, constitué de plusieurs zones habitées, à une certaine distance l’une de l’autre. La construction de la nouvelle muraille de Thiers, a formé un nouveau Paris entouré par 33 kilomètres de muraille de 3,5 mètres d’épaisseur par 10 mètres de hauteur, et une pente continue (glacis) de 250 mètres de long, avec une fossé sec de 40 mètres, Le tout formant une zone «non aedificandi”5 pour des raisons défensives . Toutefois, cette nouvelle limite «épaisse», a donné lieu à toutes les activités imaginables qui n’avaient pas leur place dans la ville de «l’hygiène» (maisons closes, bars, salons de revente, élevage, tri des déchets, etc…)
146
4 Kamoun, V’le Cochon qui Déménage, Prélude Au Droit Au Logement, éd.Paris, 2000, p.24. 5 Id., ibid., p.22.
4
4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
xà gauche: Plan topographique des environs de Paris, Carte des fortifications de Paris 1842 (Cohen, Lortie.op.cit). vci-dessus: carte de Montevideo, 1846, Pedro Pico (Carmona, op.cit). Les deux cartes ont été signalisées avec ces territoires dispersés au “dehors” de la ville.
La population expulsée par Haussmann a trouvé dans cette épaisseur son espace de vie pendant 70 ans. Elle sera baptisée «La Zone» en référence à la zone défensive qu’elle représente, mais elle s’étend sur bien plus que ces 250 mètres d’épaisseur, et commence à former une étendue périphérique surtout dans les environs des portes de l’accès -sortie de la ville. Après la guerre de la Commune, l’occupation de la zone non aedificandi s’intensifie.[..] D’autres usages découlent du relâchement du contrôle social sur cette frange de l’agglomération où viennent échouer des populations doublement marginales, tels les biffins ou chiffonniers, qui occupent les lieux dits du “Maroc”, du “Bas Montoir” ou de la “Cité Blanchard“6 Ses habitants, les «Zoniers», ont soulevé les histoires les plus extraordinaires provenant principalement de la crainte des Parisiens vis-à-vis de l’extérieur des murailles. Cette crainte s’est perpétuée jusqu’à nous jours où le «zonard» représente le jeune des banlieues défavorisés. Cependant, La Zone a également fait l’objet de séduction et d’admiration pour les artistes, les penseurs et les écrivains comme Emile Zola, Blaise Cendrars, Victor Hugo ou bien Charles Baudelaire7. 6 Cohen, Lortie, Des fortifs au Périf - Paris, les seuils de la ville, Picard/Pavillon de l’Arsenal, 1992, p.66. Malheureusement l’adresse de ces villes n’est pas spécifique, ni sa source bibliographique. 7 Voir en Annexes.
147
4
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Le rêve d’une opulence soudaine transforme le décor de la banlieue en un fantastique social...nous dit B.Cendrars après ses parcours dans La Zone, au début du XX siècle. 8 Les constructions caractéristiques de la Zone sont donc celles que tolère justement la servitude : légères, précaires, voire carrément mobiles. L’occupation de la zone par ces assemblages de matériaux de fortune, plantés sur des petites parcelles, constitue un tissu de densité inégale, bordant un glacis et un talus plus systématiquement cultivés 9 “La Zone” en chiffres: 10 • 12132 constructions diverses • 6805 baraques en planches, • 3134 bâtiments légers, • 966 pavillons, • 932 édifices industriels ou commerciaux, • 295 maisons de rapports, • 37 600 habitants dans le recensement officiel, mais les estimations plus crédibles oscillent entre 50000 et 200000.
vci-dessus: photographies de la Porte de Choisy, zoniers du 13ème arr. 1913, Eugène Atget. (www.gallica.fr).
8 Voir Annexe, extrait de B. Cendrars, Sud, La Banlieue de Paris,éd. Denoël, 1983. (1er éd. 1949) 9 Lortie, op.cit., p.67 10 Louis Dausset, Rapport sur le déclassement total de l’enceinte fortifiée, 1912, cité par Cohen, Lortie, op.cit, et Madelaine Fernandez, La zone et les fortifs, éd. Le Temps de Cerises, 1983. 148
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L e c yc le d u « dehors-dedans»
La nouvelle muraille a délimité un nouveau «dehors» de la ville. De la même façon, elle a annexé également en 1860 les anciens «villages» de Montmartre, Belleville et La Villette, dans lesquels seulement un tiers des chiffonniers restèrent pendant quelques années de plus voisins de l’ancien quartier d’Isidore.11 En effet, deux tiers d’entre eux ont été expulsés vers les communes de Clichy, Vanves, Pantin et Saint-Ouen12, par les démolitions et la conséquente hausse des prix des terrains parisiens.13 Les prétextes pour délocaliser cette population, ont été soutenus par plusieurs «études sur l’hygiène», comme celle dirigée par le Dr Du Mesnil, ami proche du Baron Haussmann. Ainsi, après avoir décrit en détail les «terribles conditions sanitaires» dans lesquelles vivaient les gens «pauvres» (son dernier livre s’appelle «l’habitation du pauvre»14), ils ont été conduits à la périphérie de la ville, avec des promesses d’amélioration du logement et de la qualité de vie. Il faisait, avec d’autres collègues notamment médecins, ingénieurs ou bien commissaires, des visites sur des sites misérables de la ville de Paris. La plupart de ces cités insalubres étaient concentrées dans le XIII arrondissement et resteront debout jusqu’à la fin du XIX siècle. La Cité Jeanne d’Arc ou la Cité des Kroumirs ont été décrites parmi d’autres avec une précision assez étonnante par le dit Docteur et présentées ensuite à la Commission des logements insalubres pour leur “traitement” ultérieur, dans la plupart des cas leur exclusion de la ville intramuros. 15 . La Cité des Kroumirs16 existait entre la Place Pinel et la Rue Jenner, dans un terrain de 30 X 150 mètres, en pente vers la Rue Jenner et sans aucun écoulement d’eau. Au milieu du terrain il y avait un terre grasse, infectée par les détritus. Partout des ordures, ce qui lui vaut le nom «d’égout à ciel ouvert».17 11 Selon Alain Faure, en 1886 le Conseil d’hygiène avait attribué aux communes de banlieue les deux tiers de la population chiffonnière. Alain Faure, Classe malpropre, classe dangereuse ? Quelques remarques à propos des chiffonniers parisiens au 19e siècle et de leurs cités, 1977, p.9 12 Georges Renault, Les Rois du Ruisseau, Paris, 1900, p.18 13 Vers la fin du XIXe, le prix de location d’un chambre à Paris était de 3 fr par semaine, et celui d’un logement de 150 a 500 fr par mois. Pendant qu’un prix de location d’un terrain près des fortifications s’élève à 2 fr. par m2, dans la banlieue parisienne (Gentilly) le prix pour le même terrain était de 0.25 a 0.5 fr, et de 0.60 a 0.90 fr à Saint Ouen. 14 Du Mesnil, L’hygiène à Paris: L’habitation du Pauvre, éd. Bailère, Paris, 1890 15 En effet, c’est la Commission des logements insalubres de Paris qu’a commandé au Docteur Du Mesnil en 1877 un rapport sur cette question. Le travail a servi à la fin, pour changer les ordonnances de Police de 1832 (Voir Annexes) pour des ordonnances plus hygiénistes et modernes (1878 et 1883). Du Mesnil, op.cit., p.44. 16 Les Kroumirs sont une confédération de tribus originaires de la région montagneuse de Tunisie. On ne sait pas si le rapport entre la tribu et le nomme de la cité est lié a l’origine de ces habitants, mais de toute façon on sait que l’attribut reste t pour Du Mesnil péjoratif (id.,ibid.,p.121.) 17 Du Mesnil, op.cit., p.121. 149
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De la même manière que dans certains territoires spontanés à Montevideo (et partout dans le monde actuel) le terrain de cette cité a été loué par l’assistance publique à un locataire qui lui-même a distribué les lotissements à plusieurs autres qui lui payaient des prix assez élevés pour des conditions de vie difficile à supporter. Le groupe de Kroumirs a été rasé en 1882 (année du rapport fait par le Docteur Du Mesnil) et “aujourd’hui l’herbe pousse drue et verte sur les débris de cette cité”.18 En traversant l’ancien boulevard de la Gare (actuel boulevard Vincent Auriol) à quelques pas de la dite cité, rasée en 1882, nous allons trouver La cité Jeanne d’Arc, qui était connus comme une des plus terribles pour la santé de ses habitants. Elle comptait 2 immeubles, un sur la rue Jeanne d’Arc et l’autre sur la rue Nationale, avec environ 2000 habitants dans 1200 logements et 10 maisons. Cette cité a été construite en 1872 et le propriétaire du terrain a réussi à la garder jusqu’en 1884. L’épidémie de variole19 provoqua plusieurs morts en 1879 à cause des conditions affreuses de salubrité (excréments et ordures dans tous les espaces de vie de cette cité). Mais la cité resta intacte et il a fallu un arrêt du Conseil d’État pour retirer au propriétaire la gestion du terrain. Toujours dans les alentours de ces deux cités, on trouve la Rue Château des Rentiers, dont la caractéristique la plus remarquable était l’élevage de porcs en chambre. Le Dr Du Mesnil raconte avec jouissance que depuis son rapport fait à propos de cette cité, “justice a été faite et par un singulier contraste, sur une partie du terrain même occupé par les masures...s’élève aujourd’hui l’asile de nuit Municipal de la rue Château des Rentiers.”20 Il ne dit pas où sont ces habitants ou bien ces porcs en élevage. Nous pouvons constater que dans la plupart des cas, son but ultime était celui de l’amélioration hygiénique de la ville de Paris, surtout
vci dessus: photographies de la Cité Doré, 70, Bd de la Gare, 13ème arr. 1900, Eugène Atget (www.gallica.fr).
18 Id., ibid., p.138. 19 maladie infectieuse d’origine virale, très contagieuse et épidémique, où sa porte d’entrée est usuellement par les voies respiratoires. Le dernier cas connu était en Somalie en 1977. La variole est dite éradiquée. 20 Du Mesnil, op.cit., p.40. 150
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dans ces endroits où les alentours compromettaient les autres types d’habitations parisiennes. Après 1848, les chiffonniers errants formèrent des sociétés; ils louèrent des locaux afin d’y déposer en commun leur récolte de chaque jour, pour en avoir un meilleur prix en les vendant directement aux fabricants. Ces magasins, où ils couchent pour la plupart, ne tardent pas à devenir de véritables foyers d’infection qui empestent le quartier.21 Quand Du Mesnil explore avec son équipe d’ingénieurs et de commissaires la Rue Jonas, il trouve là “un malheureux et sa famille” et il affirme par la suite: “On ne saurait imaginer un groupement plus complet de périls et de nuisances. Nous allons en demander l’évacuation et la destruction. Quand l’obtiendrons-nous?” 22. Plusieurs cités ou “groupes des logements” portent la marque de l’insalubrité à travers la description des déchets (excréments humains, détritus de la ville). Mais on trouve sur certaines descriptions des références explicites à des habitants qui ramassent les déchets comme manière de survivre, les biffins ou chiffonniers.23 En plein 5e arrondissement, l’Hôtel des Lyonnais était ainsi décrit : ce qui reste du carrelage défierait l’effort de la pelle et du balai, car il y a là une couche résistante d’ordures superposées”. Au rez-de-chaussée, on trouve les chiffonniers qui vont occuper des chambres disponibles. À gauche en entrant, on descend deux marches, après quoi on peut se demander où l’on est: est-ce une cave, un cellier? Quelles sortes de choses remuent-on là dans cet espace étroit, obscur, plus froid que la rue même? Il y a là le père, la mère et l’enfant. Près et en dedans du seuil, c’est-à-dire à l’endroit où l’on y voit le plus clair, ils ont versé les chiffons de la nuit précédente. Le triage s’achève, on va porter la récolte chez le marchand en gros.24 Du Mesnil continue son infatigable parcours, et un autre endroit découvert est celui du Clos Macquart, dans le 19éme arrondissement. Après avoir fait son habituel récit, toujours appuyé sur son expression de «malheureux pauvres gens qu’on a trouvé» (mais le-leur avait-il vraiment demandé s’ils étaient malheureux?) Il est allé en 1890 regarder l’état de la cité au clos Macquart, où habitent 200 chiffonniers: «Les maisons construites ont été rasées, les habitants sont partis exercer leur industrie sur d’autres points de la ville ou de la banlieue». 21 Alexandre Privat d’Anglemont, Paris Inconnu, éd. Adolphe Delahays , Paris, 1861, p.60 22 Id., ibid., p.42. 23 Le nom chiffonnier, comme dans son équivalent contemporaine en Argentin «cartoneros», fait allusion au matériau principale de collecte et vente parmi ces habitants qui trouvent dans les déchets leur soutien économique (chiffon à Paris au XIX, carton à Buenos Aires au XX). Même s’ils font le ramassage de plusieurs autres matériaux, elle est leur principale ressource qui donne son nom au métier: chiffonnier. L’industrie du chiffon pendant tout le XIX était un source économique pour la France très importante. Le nombre de biffin vient de biffes, qui correspondait anciennement aux étoffes rayées, et puis aux chiffon. C’est le nom utilisé aujourd’hui pour les actuels chiffonniers (biffin) de Saint Ouen (voir Chapitre Bilan). 24 Du Mesnil, op.cit., p. 49. 151
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Quand l’ancien mur des Fermiers généraux est détruit en 1859, les limites territoriales de Paris sont repoussées au glacis de La Zone. Nous croyons que ce fait marqua profondément les déplacements vers ces fortifications qui devinrent non seulement une limite physique mais aussi une enceinte fiscale, raison de plus pour augmenter les prix fonciers de la Ville parisienne et laisser Du Mesnil et son équipe satisfaits. Il est clair que leur souci pour ces « pauvres misérables malheureux ennemis de l’hygiène» disparait une fois ceux-ci placés hors de la riche ville de Paris.
Sainte Marguerite
Rue Delambre
Montagne Saint Genevieve
Rue de Gobelins 1800 -1860
LOCALISATION DES CITÉS CHIFFONNIERS ET DES TERRITOIRES SPONTANÉS, PENDANT 1800 ET 1860 approximatif, voir annexes). PAGE DE DROITE W PENDANT 1860 ET 1890.
La réalité à la même époque dans La Zone, était celle de l’auto-construction à partir de déchets ou de la sous-location dans de nouvelles constructions à des prix aussi élevés que ceux généralement payés dans le 13éme ou 5éme arrondissement. La nouvelle réalité des «zoniers» n’est donc pas différente de celle qu’ils ont vecu à l’époque au 13éme arrondissement. La plus grande différence se trouve dans la construction et l’appropriation des espaces où la vie est misérable. Au centre de Paris, des propriétaires-locataires construisent des immeubles assez précaires et simples pour avoir des profits élevés dans la location aux plus pauvres de la ville
vci dessus: 1ère photographie à gauche, Ruelle de Gobelins, 2éme et 3éme, Poterne de Peupliers, 13èmearr. 1900, Eugène Atget. wà droite: 1ère Rue de l'Amiral Mouchez 1913, 2ème et 3ème, Butte aux Cailles, chiffonniers disparus vers 1900, Eugène Atget (www.gallica.fr). 152
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Dans La Zone, la spontanéité restait plus remarquable. Rien que du provisoire, mais qui dure, disait Kamoun dans son livre, en faisant référence au matériaux utilisés par les chiffonniers pour construire ses maisons de bric et de broc: la tôle, le bois, la pierre, les carreaux de plâtre, le papier goudronné et le carton... tous les matériaux sont utilisés!25 L’habitat de ces familles était initialement dispersé cité Maupit dans toute la ville et cité Trebert cité Valmy coexistait dans un Paris hétéroclite. Rapidement, Clos Macquart r rt le phénomène d’éloignement du centre de Paris s’est imposé. Dans les banlieues, des habitations compactes, fortement Cité des Mousquetaires ueeta i n d i v i d u a l i s é e s , 26 Hotel Lyonnais formèrent des villes Cité Kroumirs Cours des Miracles entières des chiffonniers, Cité Doré L’Ille aux singes e Citéé Jean d’Arc J Bld Auguste Blanqui ui comme celle de la Cité Rue Jonas J Rue Chateau de RenƟers Re BuƩe aux Cailles Saint Germain ou Cité Cité Mont-viso Foucault, place Clichy27. 1860 -1890 Cette dernière ville rappelle les logiques de spéculation du centre de Paris avec une propriétaire célèbre : Madame Foucault. Elle était surnommée La « femme en culotte», pour avoir enfreint les règles du temps en marchant en pantalon et chapeau par les rues de Paris. 28Elle a terminé sa vie avec sa petite fortune dans «la Zone» où elle louait à des chiffonniers leur lieux de vie et de tri des déchets collectés. Le loyer était payé chaque semaine à Madame Foucault.
25 Kamoun, op.cit., p. 22. 26 Alain Faure, op.cit., p.9. 27 Id., ibid., p.12 28 Joseph Barberet, Le Travail en France, Monographies Professionnelles, Chiffonniers, Paris, 1886, p.95. 153
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4.A.4. Hétéro topies de déviation 100 ans après, Michel Foucault dans son «espaces autres», a évoqué à travers son premier principe de l’hétérotopie, celles qu’il appelle des hétérotopies de crise «: dans les sociétés dites « primitives» , existent des lieux privilégiés, ou sacrés, ou interdits, réservés aux individus qui se trouvent, par rapport à la société, et au milieu humain à l’intérieur duquel ils vivent, en état de crise. Les adolescents, les femmes à l’époque des règles, les femmes en couches, les vieillards, etc. Cependant, Foucault disait que ces hétérotopies de crise dans les sociétés anciennes étaient en état de disparition, pour être supplantées par des «hétérotopies de déviation», c’est-à-dire, les espaces où placer les individus dont le comportement est dévié par rapport à la moyenne ou à la norme de l’époque. Les exemples que Foucault nous a proposés il y a 43 ans, ont été ceux de la clinique psychiatrique, les prisons, et même des maisons pour les personnes âgées. Nous nous permettrons d’ajouter comme hétérotopies de déviation du nouveau siècle, et en l’honneur de Madame Foucault, ces territoires spontanés : les bidonvilles, les taudis, les favelas, les villes misère, etc., où les gens, voués à vivre des restes de la ville, en sont les principaux protagonistes. Dans le Paris d’Isidore, les chiffonniers faisaient depuis déjà longtemps leur collecte de résidus laissés sur les trottoirs de la ville, et ils déviaient ces restes de leur destinée toute tracée. Comme dans le Montevideo actuel, ils permettent la vie de toute une industrie locale de recyclage, à partir de ces matériaux récupérables qu’ils ramassaient chaque jour et chaque nuit à Paris. Nous pouvons dire que les externalités spatiales qui sont constatées dans le chapitre précédent, correspondent à de nouvelles hétérotopies de déviation, où le parcours des déchets fonctionnent comme la métaphore du trajet de vie de ses protagonistes, les ramasseurs actuels à Montevideo ou les biffins d’antan à Paris. x à gauche: Triage dans la Cité La Femme en culotte, ilustration, 1903 (L.Paulian, op.cit). w à droite: Les Pauvres Gens, expulsions des zoniers, ilustration, Le Petit Journal Ilustré, 1919 (Cohen, Lortie, op.cit) 154
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« L es pauvres zoniers»
...l’aménagement urbain vise toujours à maximiser tout à la fois les profits privés et le contrôle social. L’ampleur de déplacements de populations qui ont lieu actuellement est gigantesque: chaque année, dans le tiers monde, plusieurs centaines de milliers, voire des millions de pauvres, locataires légaux comme squatters clandestins, sont expulsés de leur quartier de résidence. Ce processus fait que les urbains pauvres sont des espèces des nomades, des résidents en transit, en état de déménagement perpétuel. Mike Davis, 200629 En 1919, la Ville de Paris commence son processus de démolition du mur d’enceinte de Thiers, qui durera une dizaine d’années.Plusieurs projets se sont présentés et ont été discutés à l’époque, où l’urbanisme avait ses principaux enjeux dans la «parquisation», la nécessité d’instaurer des «poumons verts» à une ville qui était, à l’époque, en train de nous donner certaines pistes actuelles (notamment sa croissance démographique et l’incapacité d’instaurer une planification de précaution). Après la guerre pour l’hygiène de Haussman, comme moyen de justifier en partie les actions d’expulsion des plus pauvres de la ville, la tendance était alors aux parcs, nouveaux leitmotivs de déplacement de toute cette population loin de l’esthétique des espaces verts. Ainsi, c’est l’heure pour les «pauvres zoniers» de laisser place à une nouvelle décision urbanistique. La vaste zone non-aedificandi est finalement remplacée par les boulevards des Maréchaux, la ceinture de logements d’habitation à loyer modéré, et en partie par la «ceinture verte» de Paris où s’élèvent des équipements sportifs. Comme dans la plupart des extirpations des territoires spontanés du centre de la Ville de Montevideo, le projet d’instaurer places publiques ou parcs urbains est toujours en vigueur. Encore une fois, la ville s’étale, agrandit sa surface planifiée et urbanisée, et, en même temps, éloigne tous ceux qui ne sont pas digne de l’habiter, qui n’ont pas les moyens ou qui ne sont pas assez « propres». Nous pouvons nous demander d’où provient cette association presque directe entre pauvreté et saleté ou bien pauvreté et «criminalité»? 29 Le pire des mondes possibles, op.cit., p.104 155
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saint ouen cité Maupit
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Porte d’Ivry
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ci-dessus: à gauche, Porte d'Asnières, Cité Trébert; chiffonniers, 1913. à droite, dessus: Porte d'Ivry, 20ème arr. (Boulevard Masséna) 1912. Les trois restants, Porte de Montreuil, zoniers x à gauche, au dessus: Porte d'Asnières, Cité Valmy chiffonniers. Au centre, Porte d'Italie, zoniers, 13ème arr, 1912. Au dessous: Porte d'Ivry, zoniers, 13ème arr, 1912. Tout les photographies ont été prises par Atget Eugène (www.gallica.fr). 157
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L e n ez d u ro i
Le roi Philippe Auguste, celui qui a ordonné la construction de la première fortification de Paris, ne pouvait pas sortir à sa fenêtre du Château Royal, à cause de la mauvaise odeur qui se trouvait dans les rues en 1185. Ainsi, le souverain a ordonné de paver les rues de la ville, qui étaient en réalité constamment couverte de toutes sortes de déchets, d’articles périssables, d’excréments, etc.30 Il ne suffisait pas de paver les rues, et, ainsi, au XIV siècle, la voirie de Paris était toujours aussi pitoyable: la moindre averse inondait les maisons, la chaussée était encombrée de détritus, d’infects ruisseaux compromettaient la santé publique. Les rois de France, incommodés en leurs hôtels à Saint Pol et des Tournelles, étaient en démêlés constants avec la Municipalité de Paris ; Louis XII, François 1er et Henri II tentèrent vainement d’ obtenir l’éloignement de l’égout Saint Catherine ; ce voisinage insalubre détermina même le roi François 1er à échanger sa terre de Chante loup contre l’emplacement actuel des Tuileries. Paul Strauss,1890.31 En conséquence, 400 ans après la décision du roi Philippe Auguste, le roi Henri II ordonna la construction des premiers égouts de Paris, qui furent construits sous Charles VI dans la Rue Montmartre en 1605.32 Ainsi le nez du roi d’abord, puis la pression politique contre le gouvernement de la ville, ont été des éléments déclencheurs des constructions des nouvelles infrastructures urbaines, le plus souvent invisibles aux yeux des citoyens, tels que des routes, drainant les effluents liquides et les matériaux solides dont la ville doit se débarrasser pour préserver la bonne santé de ses habitants. L’ordonnance la plus remarquable, et le prélude pour la gestion des déchets urbains, fut faite quelques années auparavant du dit égout. En novembre 1539, François 1er constate dans son édit la situation parisienne et interdit par la suite de: jeter ès rues et places de la dite ville et faubourgs d’icelle, ordures, carrées, infections, ni eaux quelles soient, et de retenir longuement ès dites maisons, urines, eaux croupies ou corrompues; ainsi enjoignons de les porter et de les vider promptement au ruisseau, et après, jeter un seau d’eau nette pour leur donner cours. (Art.4)33 La liste des interdictions continua avec notamment l’obligation de construction de fosses à retraits dans les maisons, hostellerie ou demeures (art.21), l’élevage de n’importe quels animaux hors la dite ville et faubourgs: fassent mener et porter les dits pourceaux, truies, cochons, oisons, pigeons ... nourrir hors la dite ville et faubourgs d’icelle, sur peine de confiscation des choses dessus dites, et de punition corporelle (art.29). Nous pourrions dire que cet édit est applicable encore aujourd’hui dans plusieurs villes, spécialement du Sud, où la vie de la lointaine campagne se voit reproduite à l’intérieur des limites urbaines. Il ne suffit pas d’éloigner nos déchets, mais aussi les animaux et toute sorte d’objet vivant ou inerte producteur de mauvais odeurs. Heureusement les plantes et les fleurs ne sont pas dégoûtantes, sinon trouveraient-elles sûrement leur place hors des villes et faubourgs. 30 Girard, 1923:8, cité en Gerard Bertolini, op.cit., p.20 31 Paris Ignoré,éd. Librairies Imprimerie Paris, 1890, p.96. 32 Id., ibid. 33 Dominique Laporte, Histoire de la Merde, éd. Christian Bourgois, France, 2003, p.11. (1er éd.1978) 158
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L e s st r até gie s de la dé sodorisation: paver, d ra i n e r, v e nt ile r, dé se ntasse r, désinfecter
Non seulement le Roi détermina les nouvelles démarches pour un drainage des excréments solides et liquides de la ville, mais c’est surtout son nez qui déclencha les actions d’hygienisation, mais aussi des stratégies que Corbin appelle de désodorisation.34 Nous trouvons l’invention de la question urbaine et son fonctionnement comme ville machine dans ces actions dites de désodorisation qui traiterait la ville comme toilette topographique35. La première action, celle de paver les chemins de circulation, créer des trottoirs praticables pour les piétons, c’est d’abord pour Corbin un isolement de la souillure du sol et de la putridité des nappes phréatiques. Le fait de rendre plus facile la circulation des véhicules et de l’eau pour le lavage des rues, possède comme contrepartie une interruption de l’infiltration, un retardement du lessivage des sols par la pluie qui empêcherait le renouvellement des eaux souterraines et donc l’élimination de l’infection passée.36 Raison suffisante pour pratiquer une deuxième action, le drainage (nettoyer, laver, mais ensuite, drainer). L’essentiel est d’assurer l’écoulement, l’évacuation de l’immondice37. Les constructions de canalisations pour expulser l’immondice de la ville vont commencer au début du XVIIIe38 pour devenir, à la fin du siècle, sujet à concours pour faire le nettoyage des rues de Paris. L’enfermement et l’évacuation de l’ordure serait l’objet d’inspiration de la conséquente privatisation du déchet, si bien que ce qui avait commencé après l’édit de 1539 ne se serait établi comme modalité courante qu’à la fin du XIXe. La ventilation se présente toujours comme le fil conducteur des stratégies hygiénistes. Elle n’était pas seulement objet de discours pour le Baron Haussmann et le Docteur Du Mesnil, mais elle remonte à des idées assez impensables de nos jours comme faire exploser l’air puant. A l’image du Baron qui a fait «exploser» la surface parisienne pour arriver à réaliser son plan, Corbin nous parle de vraies explosions de canons «purifiants», où les fumigations aromatiques seraient renforcées par le soufre ou bien la poudre à canon, projets alors envisagés par certains pour la purification des airs du marais.39 Le feu, lui, persiste comme moyen préférentiel pour désinfecter les lieux pleins d’excréments et de cadavres depuis le XIVe, où ils ont brûlés, par exemple, un quartier entier de Bordeaux pour le purifier. Mais les chimistes de la fin du XVIIIe cherchèrent à vaincre la mauvaise odeur, le pouvoir asphyxiant et le risque morbide tous ensemble!.40 En 1773, suite à une puanteur insupportable provenant des caves remplies de corps inhumés dans l’Église 34 Dans son livre Le Miasme et la jonquille, L’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe -XIXe siècles, Corbin fait une analyse exhaustive de toutes les actions qui ont lieu au XVIIIe et au XIXe à Paris en matière de réduction ou élimination des odeurs (de là son sous-titre L’odorat et l’imaginaire social). Il considère pourtant que les stratégies hygiénistes du XIXe et XXe siècle font partie en vérité d’une long processus qui démarre dans les siècles précédents. Aux effets de notre sujet d’étude principal (les déchets dans la ville) nous considérons son analyse comme très pertinent. 35 Jean Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, p.945, en Alain Corbin,p.133 36 Alain Corbin, Le miasme et la jonquille: L’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe -XIXe siècles, éd. Flammarion, Paris, 2008, p.135. (1er.éd. Aubier Montaigne, 1982) 37 Id., ibid., p.135. 38 Assainissement de Ferney, ordonné par Voltaire en 1760, drainage des marais de Rochefort, commandés par Voyer en 1781. Corbin, op.cit., p.137. 39 Corbin, op.cit., p.144. 40 Id., ibid., p.152. 159
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Saint Étienne à Dijon, un chimiste trouva la solution, qui inaugura ce que Corbin appelle la révolution olfactive : six livres de sel et deux litres d’acide sulfurique concentré auraient produit un succès tel qu’il n’y eut plus de vestige de mauvaise odeurs au lendemain de leur application. Le désentassement est décrit par Corbin à travers les espaces représentatifs du «public», comme l’hôpital ou la prison. Ils vont fonctionner comme des laboratoires pour le «désentassement humain» qui deviendrait un but ultime justifiant la mise à distance des corps. Dans notre regard sur la ville, ça serait le rejet hors murs de tous métiers responsables de mauvaises odeurs et producteurs de pratiques antihygiéniques. Nous allons trouver dans l’action directe de défaire le tas d’ordures dans la rue, une incorporation de la même action stratégique de désentassement analysée par Corbin, mais dans la gestion du déchet urbain. François 1er avait proposé, dans son édit de 1539, une discipline concernant le domaine «privé» du déchet, mais la proposition ne sera pas entérinée, et les ordures continueront à s’entasser dans les rues de Paris. Le 11 septembre 1870, un arrêté est signé, remettant à l’ordre du jour l’usage de boîtes à ordures et, surtout, leur temps de présence dans les rues. Il obligeait les habitants de la ville à disposer leurs ordures non pas le soir comme auparavant, mais le matin devant leur porte et dans des récipients particuliers. L’objectif était de limiter la présence d’immondices dans les rues, de désentasser les anciennes montagnes de détritus, pour proposer un système efficient d’enlèvement public autorisé et commandé par la Préfecture de Paris. Selon un rapport écrit par le Dr Bouchardot, membre de la Commission d’hygiène publique établie en 187541, cet arrêté de 1870 se généralisa dans les dix arrondissements excentrés, mais avec certains problèmes. Le système ne plaisait pas aux ouvriers quittant leurs maisons de bon matin (avant le passage du tombereau de l’enlèvement) ainsi qu’aux habitants de rues étroites dans lesquelles les voitures du nettoiement ne pénétraient pas facilement42. Ce Docteur a proposé dans son rapport des solutions qui inspirèrent, sept ans plus tard, le Préfet Poubelle et son arrêt du 24 novembre 188343. Dans la fameuse ordonnance toujours en vigueur en France, il est interdit de placer les déchets dans la rue à n’importe quel moment de la journée, et, il est obligatoire de les entasser dans des récipients normalisés et parfaitement décrits par le Préfet dans son article 344 , afin qu’ils soient prêts au moment précis de passage du tombereau. Les deux faits plus remarquables sont la propriété de ces déchets (chaque récipient doit comporter le nom de l’immeuble détaillé) et l’importance fondamentale dans le nouveau système du rôle du concierge (art.2). Le concierge prends alors, en quelque sorte, le rôle des chiffonniers, ennemis de l’hygiène. Pour désentasser ce qui était avant dans la rue, on entasse les déchets dans des 41 Selon Barberet , la Commission a était créée suite à la préoccupation par les dépôt des ordures dans la rue depuis le soir jusqu’au lendemain matin. Barberet, op.cit., p.65. 42 Rapport présenté par M.le Dr Bouchardat au nom de la sous-commission du chiffonnage, le 7 octobre 1876. Barberet, op.cit., p.68. 43 Voir arrêté complet en annexes. 44 Chaque récipient aura une capacité de 40 litres au minimum, et de 120 litres au maximum. Il ne pèsera pas à vide plus de 15 kilogrammes. S’il est de forme circulaire, il n aura pas plus de 0,55 m. de diamètre ; s’il est de forme rectangulaire ou elliptique, il n aura pas plus de 0,50 m. de largeur ni de 0,80 m. de longueur. En aucun cas, la hauteur ne dépassera la plus petite des deux dimensions horizontales. Art.3, Voir Annexes. 160
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récipients privés, enfermés à la maison jusqu’au passage du tombereau. Dans ce système, des campagnards ou des chiffonniers passent de porte en porte pour enlever les ordures ménagères des parisiens sans être rémunérés pour ce luxueux service45. L’arrêt Poubelle représente alors l’avenir de la plupart des systèmes de gestion des déchets pratiqués dans nos villes. Alors que les autorités contemplent la réalisation de ces tâches importantes et minutieusement planifiées, à savoir la collecte, la disposition finale, ou bien l’éloignement le plus rapide possible des déchets de la ville, les habitants paient des taxes toujours plus chères, particulièrement après la modernisation technologique du système de collecte.
4.B.2.
L es en n emis d e l’hyg iène: les chif fonniers p a ri s i e n s L’article numéro 7 de l’arrêt Poubelle, interdit aux chiffonniers de vider les récipients sur la voie publique, ou bien de faire tomber à l’extérieur une partie quelconque de leur contenu, pour y chercher ce qui peut convenir à leur industrie. Ce dernier s’est transformé en une des dernières atteintes contre les chiffonniers de Paris, qui a notamment commencé au tout début du XVIIIe avec une autre ordonnance du 10 juin 170146. La démarche de nettoyage de la ville, qui a vu le jour avec le nez du roi au XIIe siècle, fait naître les premières plaintes de bourgeois et de propriétaires de la rue NeuveSaint Martin. Elles sont envoyées au commissaire au Chastelet de Paris, parce que plusieurs chiffonniers et autres démeurantes en ladite-rue, cul de sac d’icelle et ses environs, se mettent à faire du trafic de chiens, pour la nourriture desquels ils font provisions de chair de chevaux qui infectent le quartier. Le conseiller du Roi réitérait l’interdiction de sortir de leurs maisons à minuit parce que le fait d’amasser des chiffons donne lieu à la plus grande partie de vols . La punition serait de trois cens livres d’amende et punition corporelle. L’histoire nous dit que cette ordonnance n’a pas vraiment fonctionné, et nous retrouverons au siècle suivant et des le XVIIe siècle, une vrai industrie des chiffonniers à Paris. L’hygiène ne consiste pas-comme on le croit- à fuir le mal (l’infect, le purulent) ou à déclarer la guerre à la saleté: on soigne souvent le mal par le mal (vaccination). Et celui qui est accoutumé à l’agression, quelle qu’elle soit, la tolère et y échappe. Gare à celui qui se préserve trop ou se met à l’abri! Ne sera t-il pas le plus démuni?47 Malgré tous les laboratoires développés par les stratégies de désodorisation, les experts en hygiène n’ont pas investi le sujet de la pauvreté et des chiffonniers jusqu’à la fin du XVIII. Selon Corbin, nous sommes face à un glissement tactique48, qui s’opère de l’espace public vers l’espace privé. Avant, nous étions occupés par l’assainissement des rues, le nettoyage de la ville, la ventilation des malades dans les hôpitaux et les prisons, le désentassement des morts et des ordures. Maintenant, il est temps pour les docteurs et les spécialistes en hygiène de s’occuper des secrétions de la misère. 45 Renault, op.cit. 46 Voir Annexes, Ordonnance de Voyer d’Argenson, dans Barberet, op.cit., p.60. 47 François Dagognet, Des détritus, des déchets, de l’abject, op.cit., p. 205 48 Corbin, op.cit., p.209. 161
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La salubrité de la Ville, considérée comme la «somme des habitations privées», devient dès lors le projet de souligner la fétidité des classes laborieuses et de mettre l’accent sur le risque d’infection, entretenant la terreur justificatrice dans laquelle la bourgeoisie se complaît.49 La nouvelle stratégie hygiéniste de Corbin assimile la désinfection à la soumission, tout en essayant de rendre le prolétaire inodore. Après le rapport du choléra de 1832, les médecins et sociologues en viennent à détecter qu’il existe une espèce de population qui favorise l’épidémie, il s’agit de la pauvreté misérable de la ville. Dans ce classement, on met en exergue beaucoup de petits métiers considérés à l’époque comme très puants, comme celui de «femmes publiques» (ou prostituées), ou des clochards vagabonds appelés aussi hommes-fumiers par rapport à leur hygiène personnelle totalement délaissée. Mais le métier qui deviendra l’archétype de la puanteur,50 est celui du chiffonnier. Il concentre les odeurs de la misère, et s’en imprègne; sa puanteur acquiert valeur de symbole (…) il est installé sur le fumier des autres. Tout ce que les bourgeois parisiens rejetaient leur était rendu comme dans un miroir par ces milliers de chiffonniers. Le refoulement engage un retour du refoulé51 nous dit Laporte, et cela pourrait expliquer les dix sept rapports au conseil de Salubrité pendant l’année 182252 au sujet des chiffonniers.53 Évacuer tout à la fois, l’ordure et le vagabond: les puanteurs de l’immondice et l’infection sociale 54 Six ans plus tard, une autre ordonnance apparaît à ce sujet, mais cette fois-ci avec un lien très étroit avec la Police. Les chiffonniers sont tolérés dans la ville à condition qu’ils servent d’indicateur à la police. Comme ils sont toujours dehors, le jour et la nuit, ils peuvent ainsi rendre service dans certains cas particuliers.55 La finalité de cette ordonnance serait de donner aux chiffonniers parisiens une récompense, une médaille, et ainsi avoir un contrôle sur leur nombre (art.1). Pour certains, c’est un début de reconnaissance du métier de chiffonnier, pour la première fois identifié et autorisé. Cela entre aussi dans le projet des utilitaristes réformateurs de la fin du XVIII, où les prisonniers, les mendiants, les sans-abri et les personnes âgées, ont été obligés de collecter les déchets et nettoyer la saleté logée dans les rues de Paris, comme paiement de leur dette à la société.
49 Id., ibid., p.210-211. 50 Id., ibid., p.214. 51 La primauté du visible dans le champ de l’esthétique ne peut guère cependant se constituer que sur fond d’arrière cuisine. Ce qui sent trouble la vue. Mais ce qui, du senti, est retranché au champ du visible, voué au registre du caché, du débarras, loin de simplement disparaître, s’effacer, est appelé à s’inscrire positivement dans une économie du visible. Laporte, op.cit., p.53. 52 Corbin, op.cit., p.214. 53 Bien plus loin encore, la trentaine des sentences et ordonnances visant interdictions aux chiffonniers entre 1698 et 1730. Voir Article de Boudriot Pierre-Denis, Essai sur l’ordure en milieu urbain à l’époque préindustrielle. Boues, immondices et gadoue à Paris au XVIIIe siècle,1988, p. 265. Disponible en http://ideas. repec.org/a/prs/hiseco/hes_0752-5702_1986_num_5_4_2346.html 54 Corbin, op.cit. 55 Nous trouvons dans certaines bibliographies d’époque des histoires d’espionnage fait par des ramasseurs à propos des demandes provenant de la Police. (Renault) 162
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Autant l’utilitarisme à l’époque paraît assez évident, l’ordonnance interdit certains aspects esthétiques, comme le fait de ne pas pouvoir se promener avec un autre chiffonnier ou avec un chien (art.7) mais ils ont le droit de se déplacer dans tout Paris sans aucun problème, grâce à leur médaille. Selon Corbin, les acteurs locaux de l’époque acceptaient sans aucun problème moral l’utilisation de ces « déchets sociaux » dans le processus de collecte et de traitement. Cette période d’austérité dans cette communauté va prendre fin lorsque le Conseil Municipal et sa Commission d’hygiène vont demander un rapport au Dr Bouchardat et au Dr Du Mesnil, qui vont parcourir les quartiers pauvres de Paris. L’épidémie de choléra de 1885 va installer à nouveau la peur de la population parisienne face à la misère , donnant aux autorités une autre raison pour éloigner les chiffonniers du centre vers la Zone, laquelle se transformera dans les années suivantes en lieu exclusif d’habitation des chiffonniers.
vau dessus: interprétation graphique du changement de système de collecte des résidus, après Poubelle à Paris, et après l’instalation des containers à Montevideo. xexpulsion récente des Roms à Montreuil, 15 août 2010 (www. liberation.fr) 163
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4.B.3. L e s d yn amiq u es sp o nta n ées du recyclage à l a fi n d u X I X e à Par is
L’apparition de la Chambre Syndicale des chiffonniers, suite à l’arrêt Poubelle, nous donne une nouvelle dimension du système spontané de recyclage. Les dangers que les chiffonniers côtoyaient étaient évidents, et plusieurs rencontres furent organisées entre le Syndicat et la Préfecture Parisienne pour essayer de discuter des solutions possibles. Des chiffres concernant tout le monde chiffonnier apparaissent alors pour la première fois. Le Syndicat va faire appel, pour défendre ce métier, à toutes les familles qui vivent grâce au ramassage et tri des ordures ménagères. C’est la raison pour laquelle nous observons des décalages importants entre les chiffres officiels (7050) et ceux présentés par les chiffonniers (41000) 56. Nous pensons que, comme en Uruguay, les chiffonniers introduisent la dimension familiale du métier dans leur chiffres. L’État, pour sa part, centre ses enquêtes sur l’individu chiffonnier qui est visible dans les rues parisiennes. Cette interprétation nous oblige à utiliser le nombre des chiffonniers individuels (comme nous l’avons fait pour le cas de Montevideo) mais tout en considérant que, derrière le collecteurramasseur, il y a toute une famille qui s’occupe des autres activités concernant le tri et la vente des résidus. Ainsi nous pouvons dire qu’il y avait, en 1884, environ 7050 chiffonniers selon le recensement officiel57 , qui concerne un total de 4100058 personnes vivants des déchets de la ville parisienne. Ces chiffonniers faisaient la collecte à l’aide de divers moyens de transport aux caractéristiques assez différentes. Le chiffonnier placier trouve son semblable dans l’actuel ramasseur à charrette à cheval dans Montevideo. Il collecte les résidus des habitants en des endroits spécifiques (d’où son nom) et à travers un système de clients particuliers qui rend stable ses revenus grâce aux services rendu aux citoyens. Cela le place dans une certaine catégorie supérieure, les habitants lui donnent leurs déchets et il a une charrette à traction animale qui lui permet de travailler été comme hiver. Il parcourt tous les étages des logements parisiens correspondant à sa « place » avec la complicité du concierge, qui préfère laisser faire les chiffonnier plutôt que de travailler lui même. Le chiffonnier coureur, ou son équivalent uruguayen de ramasseur « à pied», travaille moins en hiver qu’en été, raison pour laquelle il es difficile d’arriver à réaliser un pourcentage concernant chaque type de chiffonnier. Il fait la 56 Voir en Annexes, Table des chiffres et bibliographiques, élaboration de l’auteur. 57 M. Alphand, directeur de travaux de Paris, 1884, cité par Barberet, op.cit., p.82. 58 Commission d’enquête sur la hygiène, Bulletin Officiel 1886, cité par Barberet, op.cit., p.84. 164
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collecte des déchets laissés dans la rue et, pour cette raison, il est le plus touché par les dernières ordonnances. Entre ces deux types de chiffonniers, on arrive au chiffre de 4950 en 1903, qui collectent 91440 T de déchets par an (19440T pour les coureurs et 72000 T pour les placiers)59. Mais si nous considérons les chiiffres précédents parus en 1884, ils collectent, avant l’arrêt Poubelle, 130200 T des déchets parisiens. Ils ne sont jamais payés pour leur travail de collecte, mais la vente au maître chiffonnier des matériaux collectés et pré-triés leur rapportait environ 2fr.50 par jour et par personne dans le cas des chiffonniers placiers et 1fr.50 par personne pour les chiffonniers coureurs. Le rapport avec le maître chiffonnier est semblable dans les deux villes et les deux temporalités. Il s’agit toujours d’un rapport très complexe : le maître chiffonnier réalise des profits assez importants à partir du travail de collecte des chiffonniers (dans le cas parisien environ 30% de profit pour le chiffon et 50% pour les os60) et, dans le même temps, il leur prête de l’argent, les loge dans certains cas chez lui (dans sa cité) et ils tissent ainsi un lien employeur-employé assez particulier. Le chiffonnier n’a pas de salaire fixe, ni de garanties particulières, mais le maître chiffonnier contrôle «ses ramasseurs» et sait combien et quand ses matériaux récupérables rentrent dans son atelier pour être triés une seconde fois. Nous arrivons au chiffre de 70 000 fr. par jour pour ce qui est du revenu des chiffonniers61, et presque 5 millions de francs par an pour toute l’industrie du recyclage et de la récupération62. 85% des matériaux qui rentraient dans l’industrie du recyclage provenaient du travail de ramassage et de triage effectué à l’origine par les chiffonniers parisiens. «Un chef de famille avec sa femme et ses trois enfants gagnait 10 Frs par jour, soit 2 Frs par personne en moyenne. Depuis qu’on ne peut plus vider les ordures sur la voie publique, 50 % des détritus utilisables que recueillaient les chiffonniers sont perdus pour l’industrie française. Et au lieu de 2 Frs par jour, les chiffonniers gagnent à peine 1 Fr...Voilà la crise que nous subissons.»63 Cette crise, conséquence de l’arrêt du Préfet Poubelle, n’est pas seulement économique, mais elle est aussi territoriale pour les chiffonniers. Pour moderniser le système de collecte et pour le privatiser au profit d’entreprises spécialisées, les chiffonniers ont commencé à être déplacés, non seulement de 59 Office du Travail, L’industrie du chiffon, Paris Imprimerie Nationale, 1903, p.17 60 Id., ibid. 61 M. Potin, maître chiffonnier, 1884, cité dans Barberet, op.cit., p.70. 62 Office du Travail, op.cit., p.70. 63 Extrait de la déclaration de M. Potin, maître chiffonnier, à la Commission dite des 44 (Commission parlementaire), le 11 mars 1884; cité par Barberet op.cit., p.70, et p.73 (voir en Annexes version complète) 165
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leurs maisons, pour les raisons invoquées précédemment, mais aussi de leur territoire de travail. La ville toute entière, et particulièrement là où nous trouvons le plus de résidus récupérables, à savoir dans les zones les plus riches de Paris, appartiennent désormais à l’entreprise qui a signé avec l’État un contrat de collecte et de disposition des déchets Art.21- Tous les produits contenus dans les récipients, déposés par les riverains ou projetés illicitement sur la voie publique, appartiendront à l’entrepreneur qui tirera tel parti qu’il jugera convenable, soit en les transportant au dehors pour être livrés à l’agriculteur, soit en les transformant dans des usines par voie de crémation ou par tout autre procédé...64 RECYCLAGE SPONTANÉ À PARIS AU XIXE SIÈCLE: UN CERCLE PARFAIT?
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64 Extrait du Cahier de charges de l’entreprise pour l’enlèvement de boues et ordures ménagères et résidus du balayage de Paris, du 1891 au 1899; cité par Office du Travail, op.cit., p.73. 166
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L’avenir d’une gestion «moderne» de traitement de déchets trouve ses prémices dans cet article de la fin du XIXe. La plupart des villes dites «en voie de développement» aujourd’hui, sont devant la même problématique entre «laisser faire» l’entrepreneur et le rémunérer pour l’enlèvement et le traitement de ces résidus, ou travailler à partir des dynamiques spontanées existantes et des collectes bénévoles, recyclage et récupération des résidus. «Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir un espace de travail où nous rencontrerions les ramasseurs pour séparer nos déchets collectés, où la mairie pourrait nous débarrasser des restes qui ne sont pas récupérables... ? « Parfois, les questions les plus simples et les plus empreintes de «bon sens» sont celles auxquelles on a le plus de mal à répondre.
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Paris en 1895: 580 mille T d’ordures ménagères produites p/an produit par 2.4 millions d’habitants La Préfecture paye 2.07 millions de francs pour l’enlevement 91440 T sont enlevées par les chiffonniers 600 mil francs économisés (mais rien payé)
zone d’expansion de la ville
en 1885 la parcourren: 2820 chiffonniers placiers (charette à cheval) collectent 40kg p/jour, revenu total p/jour 2francs 50c 1480 chiffonniers coureurs, 24kg p/jour, 1francs 50c 1903 chiffonniers gadouilleurs 820 chiffonniers chineurs
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= 7050 chiffonniers 137 dépôts (maître chiffonnier) La Zone (habitation et travail (tri) des chiffonniers) 12132 constructions diverses 6805 baraques en planches, 3134 bâtiments légers, 966 pavillons, 932 édifices industriels ou commerciaux, 295 maisons de rapports 97 dépôts (maitre chiffonnier)
37 600 habitants (estimation de 200mille) zone non aedificandi et extension peripherique lieu de recyclage, recupération de:
chiffons, verre, os, cheveux, bouchons et éponges, croûtes de pain, papier et carton, bouts de cigarres, boites à sardines, or et argent, graisse d’égout, peaux de lapin, et divers (huitres, escargots, bretelles, élastiques, bottines,etc)
4 900 000 fr d’affaire p/an 85 % du matériel trié provenant de chiffoniers zone de gadoues et crémation (carrés noir)
(depuis 1896 à Saint-Ouen, Romainville, Issy et Vitry) lieu de travail des 1903 chiffonniers gadouiers Valeur théorique dans la gadoue parisienne =
5 millions fr.
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terres agricoles qui produisent des fruits et légumes avec l’engrais des gadoeus, pour vendre au Marché des Halles
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w à gauche: Le nouvel appareil pour l’enlèvement des ordures ménagers (L . Paulhian,op. cit., pag 17) w à droite: un âne tirant une charrette attaché à un lampadaire dans la rue Royale, Paris, photographie de presse, Agence Rol (www.gallica.fr). w à gauche: chiffonnier,
© Paul Géniaux / Musée Carnavalet / Roger-Viollet (http://www.mheu.org/fr/ chiffonniers/t) w milieu: chiffonnier chineur, pag 33 (L . Paulhian,op.cit., pag 33) w droite: chiffonnier placier (idem, pag 29)
v3ème ligne d’images, à gauche: cité Foucault (L . Paulhian,op.cit., pag .57). Au centre, Porte d’Italie, à droite, Porte d’Asnières (Atget Eugène, www.gallica.fr). v2 ème ligne, à gauche: Triage du verre cassé chez M. Verdier (L . Paulhian,op.cit., pag .99), à droite, pesage et vente des chiffons (idem, p.61) w: La Banlieue de Paris, R.Doisneau, Cendrars, op.cit)
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RECONSTITUTION DE LA CARTE DE PARIS À PARTIR DES DONNÉS PRÉCEDEMENT ÉTUDIÉES
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L e s h étéro c h ro n ies et le s stratégies de mo d e rn i s at i o n Dans son quatrième principe des Hétérotopies, Foucault nous parlait des découpages du temps, des hétérotopies qui se mettent à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel et qu’il appelle des hétérochronies. Du grec hétéro = différent et chronos= temps, les hétérochronies désignent un décalage dans le temps65. C’est un concept utilisé par les sciences naturelles pour analyser le développement des organismes: une hétérochronie est un mécanisme très général, théorique, qui désigne un décalage dans le temps des agencements spatiaux et temporels entre éléments (organes, processus...)66 Les modifications de la durée et de la vitesse du développement d’un organisme, sont la conséquence de la mutation de certains gènes du développement.67 Cet organisme serait, pour nous, la ville, et particulièrement son processus de gestion des déchets. Actuellement, en plein XXIe siècle, les voitures à cheval, utilisées comme moyen de transport par les ramasseurs de Montevideo, sont pour nous comme une hétérochronie de développement, qui comporte une décélération par rapport à son «temps», un anachronisme par rapport à ces camions Mercedes Benz qui collectent automatiquement les bennes de déchets. C’est comme si deux temps se trouvaient dans le même espace, et leur rencontre produit des réactions assez divergentes. Le Chiffonnier avait toutes les caractéristiques d’un sauvage moderne, il trouvait au milieu de la civilisation urbaine, les instincts et le mode de vie de nos ancêtres les prédateurs.68
vImage extraite du film Mon Oncle, où un ramasseur placier
arrive à la moderne usine de recyclage parisienne (Jaques Tati, 1958).
65 Voir définition de hétérochronie dans www.merriam-webster.com/ 66 Voir http://pst.chez-alice.fr/heteroch.htm 67 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9t%C3%A9rochronie 68 Alain Faure, op.cit., p.6. 172
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4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
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Il n’y a pas seulement son «instinct» de prédateur-collecteur69, qui trouve son gagne-pain dans les déchets de la ville et qui les ramène chez lui pour que sa femme et ses enfants s’occupent de la suite du processus. Il y a aussi son moyen de transport, outil conventionnel dans l’ère pré-fordiste comme celui de la charrette à cheval, qui se présente de nos jours comme la constatation d’une illusion du progrès technique et économique de notre époque. Illusion d’ailleurs d’un développement homogène et unificateur qui resterait jusque aux années quatre vingt-dix comme le paradigme pour toutes les villes dites «sous-développés». Cette type d’hétérochronie construit par la présence des ramasseurs, est appelée par les biologistes des pædomorphoses70, ou «sous-développement», c’est-à-dire, au lieu d’augmenter les performances de leurs équivalents, ils restent au dessous de la norme attendue par l’époque. Pour les politiciens, mais aussi pour la grande majorité des habitants urbains, cet «au-dessous» se manifeste comme la «honte de la pauvreté»: comment arrivons-nous à avoir autant de pauvres dans notre ville en plein XXI siècle? Le parallèle de ces stratégies d’hygiènisation du XIX siècle peut se faire avec les stratégies actuelles de modernisation du système de gestion de déchets, qui cherchent à améliorer cette gestion sans regarder ou sans inclure l’existante spontanéité. Ces actions sont parfaitement achevées dans le cadre d’autres stratégies, celles du développement, qui essayent, surtout depuis la fin du XX siècle, de lutter contre la pauvreté. Ce n’est plus tant entre villes et campagnes, ni même entre pays du Nord et pays du Sud que les contradictions entre opulence et dénuement ont atteint leur climax: c’est entre ville et ville, entre quartier et quartier, entre cités HLM et zones résidentielles. Parce que la pauvreté n’est plus confinée à une aire géographique, n’est plus l’exclusivité de nations entières, de régions ou de départements(...) La pauvreté s’est rapprochée du Centre. C’est qu’elle n’est plus l’apanage de la Périphérie. C’est qu’elle est devenue elle-même le Centre.71 Dans le Montevideo actuel, même si les territoires spontanés où habitent les ramasseurs ne se trouvent pas assez proche de la côte-centre de la ville, ces milliers de ramasseurs avec leurs charrettes à cheval ou à la main réussissent à déplacer la pauvreté au centre, là ou les déchets déposés dans la rue ont le plus de valeur. Ici réside l’astuce et le problème principal des ramasseurs actuels de Montevideo ou des chiffonniers parisiens, dans le fait que leur déplacement libre partout dans la ville nous rappelle que nous sommes très loin d’une vraie démocratie ou d’un vrai développement. 69 Nos plus anciens ancêtres ne pouvaient se nourrir que grâce aux animaux qu’ils chassaient ou pêchaient, en y ajoutant quelques végétaux qu’ils cueillaient. Normalement, l’homme prédateur était en charge de la «collecte» chasse des animaux, et la femme de sa préparation. Le nom prédateur vient du latin praedatorem, de praeda proie. Notre chiffonnier a comme proie les déchets de la ville. 70 Changement qui implique la conservation de caractères juvéniles par l’adulte. Voir www.merriam-webster. com/ 71 François de Bernard, La Pauvreté durable, Ed. du Félin, Paris, 2002, p.110,111 173
Nous ne pouvons pas dire que le métier de chiffonnier a complètement disparu après l’arrêt Poubelle, mais l’industrie qui se trouvait derrière le travail de ces milliers de chiffonniers s’est modifiée tout au long du XXe siècle, pendant que ces travailleurs chiffonniers se sont transformés et éloignés de plus en plus du centre parisien. Nous trouvons des images d’époque jusqu’à la fin de la démolition des murailles limitant la Zone, où il y avait toujours des chiffonniers dans Paris, ainsi que dans des nouveaux centres de broyage et d’incinération particulièrement performants à l’époque. Que conclure de ces recherches qui nous font découvrir que ces pauvres habitants du Paris de la deuxième moitié du XIXe siècle sont expulsés pour des raisons d’hygiène, mais se retrouvent finalement dans les mêmes conditions de vie quelques kilomètres plus loin?
«ce métier, vieux comme le monde, serait-il éternel? et si demain la Terre éclatait dans sa ronde, on pourrait voir alors, sur les débris d’un monde, surgir un chiffonnier pour glaner les morceaux» écrit Antoine Farge, récupérateurpoète nantais72.
v1ère Image, extraite du film muet La Zone, avec un ramasseur chez lui triant des résidus collectés dans le centre de Paris (Georges Lacombe, les filmes de charles Dulli, Paris, 1928, 24’). v2ème image, extraite du film Wall-E, nom du dernière habitant de la planète Terre, un robot qui s’occupe de nétoyer (ramasser et compacter) tous les déchets de la civilization disparue (Andrew Stanton, Walt Disney Pictures, États Unis, 2008, 98’). 72 cité par G. Bertolini, op.cit., p.45. 174
Nous pouvons identifier une espèce de fil rouge à travers l’histoire de ces deux villes, Paris et Montevideo, même avec un décalage d’une centaine d’années. Le point commun se trouve à propos de ces déplacements de la population la plus pauvre, avec des leitmotiv sous-jacents différents dans les deux cas, mais avec un désir primaire d’éradiquer tout ce qui semble «gras», «sale», «désagréable», «dangereux». Nous trouvons presque les mêmes raisons et toujours les mêmes réponses. Les discours actuels s’engagent dans une logique de «réduction de la pauvreté». Peut-être qu’un siècle après, l’association de la «putréfaction» avec la «pauvreté» n’est pas si loin que nous le croyons. Il faut essayer de comprendre ce qui arrive, apprendre à voir au-delà des odeurs désagréables que nous trouverons dans notre démarche. À qui ou à quoi sert le déplacement de populations entières qui ont réussi à construire et habiter à leur manière, en vivant et travaillant d’une manière spontanée? A qui servent réellement ces actuelles stratégies de «réduction de pauvreté» ou les anciennes «d’hygiènisation» de la ville» ? Pourrions nous penser à travers des principes intégrateurs, en s’appuyant toujours sur ce qui existe, en récupérant ces territoires qui présentent un vrai danger pour ceux qui y vivent et un lieu secondaire pour ceux qui s’y promènent rarement? Les actions actuelles du développement durable peuvent-elles proposer d’autres réponses que celles de l’éloignement et de la négation de nos «restes-déchets» et nos «restes-humains»?
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4
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4.A 4.A.1 4.A.2 4.A.3 4.A.4 4.A.5
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
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5.
4.B. 4.B.1 4.B.2 4.B.3 4.B.4
P ROTO CO L E D ’ I N T E RV E N T I O N
5.A Co n st r u c t io n d e notre boîte à outils 5.B
5.E
projectuelle L e s a ct io n s p o u r a u g menter la perform ance du recyclage spontané Vers une métam orphose Scénarios: utopiste, fataliste, ecotopiste Système: le protocole dans la ville à travers le scénario ecotopiste Montopie : u n e v ille d e Sur vie Soutenable
5.D
5.C
5.F
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5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.A
Co n st r u c t io n d e n o tre boîte à outils
deux pages: photographie prise en février 2010, dans un site de travail des ramasseurs, à proximité de la Coopérative Juan Cacharpa (L.Fernandez). 178
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.A.1.
L’ é cosophie comme outil de pensée projectuelle
eco du grecque oïkos: maison, bien domestique, habitat, milieu naturel. sophia: connaissance, savoir, sagesse. L’étymologie du mot ecosophie1 comme la «sagesse de l’habiter». Il faudrait une recomposition des pratiques sociales et individuelles que je range selon trois rubriques complémentaires: l’écologie sociale, l’écologie mentale et l’écologie environnementale, et sous l’égide éthico-esthétique d’une ecosophie (…) Il conviendrait d’appréhender le monde à travers les trois verres interchangeables que constituent nos trois points de vue écologiques Félix Guattari, 19892
1 L’écosophie est un concept forgé par le philosophe Arne Næss en 1960, mais il était le philosophe et psychanalyste français Félix Guattari qui a développe et enrichi la notion d’ écosophie trente ans après, dans son ouvrage Les trois écologies. 2 Les trois écologies, ed. Galilée, Paris, 1989, p.31,33. 179
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Le concept d’écosophie développé par Félix Guattari, nous aide à mieux saisir les enjeux et les problématiques que nous avons menés pendant toute la démarche de ce mémoire. Sous sa pensée résident les caractéristiques d’une forme de compréhension, qui nous permet développer des outils et éléments de réponses pour une pensée projectuelle. Félix Guattari décrit les trois écologies comme : l’écologie environnementale (rapports à la nature et à l’environnement), l’écologie sociale (rapports aux réalités économiques et sociales) et l’écologie mentale, pour les rapports à la production de notre subjectivité (re-invention des rapports sujet-corps) Ainsi L’écosophie ne repose pas seulement sur le fait d’«essayer de solutionner une partie du problème», qu’il soit économique ou environnemental, mais elle repose sur notre capacité à changer notre pensée disciplinaire sur une problématique complexe et multidimensionnelle. Le concept d’ écosophie, fonctionne pour nous alors comme une boîte à outils, qui nous aide à mieux comprendre tous les facteurs qui sont en jeu dans la problématique du déchet et la spontanéité dans le territoire. Il faut commencer à voir la ville comme une réalité qui ne correspond plus à un ensemble de formes architecturales. La ville n’est pas un ensemble qui réponde à des fonctions définies: «La forme de la ville, la structure de passage, ses boulevards, rues, ne correspondent pas a l’idée de connexion même, qui se produit aujourd’hui a travers l’internet et les flux immatériels».3 Nous sommes face à des changements profonds, et nos réponses doivent être assez pertinentes . Si la pensée écologiste nous a appris l’importance de regarder ces «externalités», négatives ou bien positives (que nous avons nommé des «externalités» spatiales dans notre recherche), il nous faut néanmoins explorer les externalités subjectives, c’est-à-dire les mentalités, notre changement de comportement disciplinaire. Dans notre cas, il s’agira de construire un autre regard architectural. La création est le sens de la vie, et l’«écosophie guatarienne» non pas conservatrice mais constructive, envisage de produire des milieux vivables et vivants (…) L’écosophie est à l’instar des dispositifs qu’elle décrit et promeut en «rhizome», un ensemble de plateaux plus qu’une arborescence ordonnée. S’il s’agit de faire passer quelque-chose entre les disciplines scientifiques et techniques diverses, l’écosophie s’efforce aussi de répondre à un problème concret auquel est confrontée une écologie politique émergente.4 3 Branzi Andrea, Intervention au Colloque International d’Architecture, L’écosophie de l’urbain, Centre Pompidou, Octobre 2009. Voir http://metropoles.centrepompidou.fr/intervenant.php?id=6 accès 20/07/2010 4 Valérie Marange, Écosophie ou barbarie, soigner la vie anormale des gens normaux, 2000. voir 180
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Notre problématique réelle et complexe est celle d’une intégration de la spontanéité dans la gestion des déchets, et l’incorporation des populations en charge de collecter et recycler nos résidus. La politique de la ville lui montre le dos, et le projet «écosophique» les voit comme des petites machines efficaces, comme des monades puissantes5, qui montrent une certaine vitalité des territoires et de la société, que nous désirons un jour pouvoir restaurer. Nous voudrions essayer de penser la construction d’un nouveau paradigme d’habitabilité dans les villes, qui cherche a trouver des actions d’intégration de sujets avec des logiques d’adaptabilité et de survie extrême, à l’intérieur d’une ville qui essaie au travers de ses pratiques d’urbanisme académique (toujours inscrit dans des logiques modernes ou bien hygiénistes) de les expulser «loin et dehors». L’écosophie est une philosophe de l’entre, mais aussi du «et», de la disjonction non exclusive6, raison par lequel nous devons faire appel à des pratiques de transformation progressive, additionnée à cet existence constatée. Comment recomposer ces rapports déchets-consommation, sale-propre, dans lesquels nous sommes pris en otages depuis des centaines d’années, tout en essayant de valoriser et réhabiliter le déprécié7? Pour répondre à cette question, nous ne pouvons pas regarder nos déchets comme un «mal», comme quelque chose à éliminer le plus rapidement possible. Nous devons comprendre que ce sont les rapports entre nous (sujet) et nos déchets (objet rejeté) qui nous permettront des possibilités de transformation. la consistance éthique du projet n’est elle jamais séparée de la question, non pas du pouvoir, mais de la puissance, de l’efficacité.8 Le premier changement à proposer c’est justement celui de regarder la puissance et l’efficacité de cette spontanéité, en charge d’une grande partie de nos déchets urbains, et d’observer sans pour autant penser «ce qui devrait être mis à sa place». L’existence d’un système efficace spontané qui non seulement collecte mais additionne diverses possibilités de transformation des déchets récupérables semble d’une pertinence décisive pour notre époque. C’est grace à cette prémisse que nous pouvons regarder les choses autrement, et proposer des actions en concordance, qui modifient justement les rapports avec nos déchets (matériels et aussi humains) dans notre société hyper-consommatrice. http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=3679 5 Au sens qui lui donne Leibniz au concept de «monades», comme substances simples, capables d’action et de perception, conforment un système nouveau en «harmonie universelle». 6 Marange, op.cit., 2000. 7 Francois Dagognet, op.cit., p.102 8 Marange, op.cit., 2000. 181
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Nous n’allons pas suivre la voie hygiéniste, pour laquelle tout ce qui n’est pas propre, mérite l’éradication absolue. Nous n’allons pas non plus suivre le chemin moderne, qui serait de changer tout ce qui ne correspond pas à notre époque. Mais nous préférons développer une pensée concernée par l’échelle planétaire et invisible de notre matérialité. Une condition primordiale pour aboutir à la promotion d’une nouvelle conscience planétaire réside donc dans notre capacité collective à faire ré émerger des systèmes de valeurs échappant au laminage moral, psychologique et social auquel procède la valorisation capitaliste uniquement axée sur le profit économique. La joie de vivre, la solidarité, la compassion à l’égard d’autrui sont des sentiments en voie de disparition qu’il convient de protéger, de vivifier, de ré impulser dans de nouvelles voies. Felix Guattari9. L’idée de créer une autre voie, un processus plutôt qu’un «projet fini», s’inscrit dans un processus de longue durée autour des déchets dans les villes avec les personnes qui s’occupent spontanément des matériaux recyclables mais pas uniquement centré sur celles-ci. Nous devons nous intéresser aux échelles multiples, celles des comportements, du raffermissement aux processus locaux d’organisation de ramasseurs, et bien sûr, des réponses architecturales en accord avec cette réalité d’échelles variables. A l’heure actuel il y a une architecture masculine qui apparaît très clairement dans les infrastructures, et on essaie d’avoir une empreinte écologique moindre, on essaie de protéger, de sauvegarder notre planète, et je dois dire qu’il y a une certaine hystérie autour de tout ça, du point vue de l’architecture. Même si je participe au quotidien à tous ces débats, je suis convaincu que ces nouvelles techniques de base sont en train de se développer très vite10. Nous allons baser notre proposition spécialement sur les technologies les plus simples et les moins coûteuses que nous pouvons trouver sur place. Notre idée n’est pas celle de suivre le filon d’une haute qualité environnementale au niveau des matériaux utilisés ou systèmes constructifs, mais plutôt celle d’une «haute intégration de plusieurs rapports écologiques» et qui correspondent à des réalités très particulières dans la gestion des déchets: une économie de moyen capable de faire des choses avec très peu. Cette proposition de «Haute Intégration de Rapports Écologiques» n’est jamais complète ou finie, mais elle a plusieurs possibilités d’application selon des variables externes qu’il faut considérer comme telles. Ainsi devons-nous décortiquer l’ensemble de ces variables qui gravitent autour de notre sujet pour en tirer une ou plusieurs stratégies du projet. 9 Pour une re-fondation des pratiques sociales, Le Monde Diplomatique, 1992. Voir http://1libertaire.free. fr/guattari1.html accès 18/07/2010 10 Adriaan Geuze, Intervention au Colloque L’écosophie de l’urbain. Voir http://metropoles.centrepompidou. fr/intervenant.php?id=7 accèes 20/07/2010 182
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.A.2. L a dé const r uc t ion pr ogrammatique comme
straté gie du projet
Le terme de déconstruction , qui appartient au champ philosophique (Heidegger comme son précurseur principal, et Derrida comme le mentor de l’usage actuel du terme), nous semble pertinent et intéressant puisqu’il ne se veut ni une méthode, ni un système philosophique, mais plutôt comme une pratique. Une pratique de critique, productive d’un espace qui s’ouvre aux réflexions et aux transformations, permettant de construire un nouvel espace de pensée. Cette pratique a été utilisée en architecture comme outil de composition architecturale, surtout pendant les années quatre-vingt dix, par Zaha Hadid, Frank Guery, Daniel Libeskind, et Coop Himmelblau et a donné lieu au mouvement connu sous le nom de «déconstructivisme». Ce sont les architectes P. Eisenmen et Bertrand Tschumi qui vont aller plus loin que le sens matériel, que le sens constructif, pour nous donner des pistes de réflexions théoriques, utilisant la déconstruction comme un vrai outil de pensée architecturale. xà gauche:
image aérienne du Musée Juif, Berlin, Daniel Libeskind xà gauche: Computer Science and Artificial Intelligence, Laboratoire du MIT, Boston, Frank Guery
xà gauche:
Cinema UFA, Dresden Allemagne,Coop Himmelblau xà droite: station funiculaire à Innsbruk, Zaha Hadid (David Levene)
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5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
«L’architecture n’est pas matérialisation des formes, mais matérialisation des idées. Une forme de connaissance et non une connaissance de la forme », Bertrand Tschumi11
Nous retiendrons des idées/concepts fondamentaux menés par l’architecte Bernard Tschumi dans l’architecture contemporaine. Premièrement nous nous intéresserons à ce qu’il nomme le principe de déconstruction/ reconstruction12, qui nous semble approprié quant à l’analyse critique de la problématique de la gestion des déchets et la spontanéité dans la ville, pour ensuite essayer de reconstruire notre matière d’analyse.
Le deuxième concept retenu, la matérialisation de nos idées, plutôt que la matérialisation des formes; nous permettra de dégager les concepts inhérents à la problématique et enfin, la dernière partie repose sur la déconstruction programmatique.13 Notre rôle comme architectes, semble être de nos jours, d’arriver à penser la complexité de la ville où nous intervenons, en attaquant ces diverses variables. Variables spatiales et physiques (liées aux conditions de travail), mais également l’incorporation d’autres enjeux, telle que la transversalité des composants économiques, sociaux, environnementaux et philosophiques, régit sous le concept d’écosophie. 11 Cité par Gilles de Bure, dans Bernard Tschumi, Editions Norma, Paris, 2008 12 Jacques Derrida, à propos de Bernard Tschumi, Point de folie-maintenant l’architecture, 1986. Voir http:// www.jacquesderrida.com.ar/frances/tschumi.htm 13 Derrida, op.cit. 184
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
xpage de gauche: à gauche, mémorial à l’holocauste Juifs, Berlin, Peter Eisenman, 2005.
À droite, Parc de la Villette, Paris, Follies and Galleries Isometrics, Bertrand Tschumi, 1986. principe de superposition utilisé par Bertrand Tschummi pour le concours du Parc de La villete, 1983 à droite: exploration axonometrics pour le Musée de la Nouvelle Acropolis, Bernard Tschumi Architects,2001
vci-dessus, à gauche:
Pour ces raisons, nous préférons parler d’un protocole d’intervention, plutôt que d’un projet d’architecture. Notre protocole dissocie plusieurs actions constituantes, en les étudiant une par une, et génère plusieurs matérialisations de chacune. Ensuite nous reconstruisons ces actions pour parvenir à produire une métamorphose du système actuel de gestion de déchets, à travers des dispositifs de transformation des déchets dans la ville. Enfin, nous allons disloquer ces dispositifs dans le territoire, pour reconstituer une autre ville à Montevideo. Nous allons développer un protocole d’intervention, qui veut rendre possible la ré-constitution du système actuel de gestion des déchets par la proposition de dispositifs d’amélioration du recyclage spontané.
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5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.A.3. Une autre rencontre avec les ramasseurs Après avoir découvert les externalités spatiales qui nous permettent de construire une nouvelle problématique, il était pertinent d’aller partager les résultats de cette analyse auprès des acteurs principaux des dynamiques du recyclage spontané que sont les ramasseurs. Nous allons rencontrer les membres de l’association Juan Cacharpa, en mars 2010, et nous avons discuté sur les résultats de la recherche fait pour ce mémoire, notamment sur les externalités spatiales de leur lieu de travail et d’habitation.
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5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Ils ont été rassurés du fait que ce projet de fin d’études soit développé en France et non en Uruguay. Selon eux, si la mairie de Montevideo avait accès a ces images, elle pourrait facilement arrêter leur travail dans le site actuel à cause de l’impact visuel de la surface de déchets non recyclables accumulés sur son territoire. Face à ce constat, la réaction des ramasseurs a été celle de suggérer une couverture pour mieux travailler et un bon lieu de stockage pour pouvoir augmenter les prix de vente des matériaux: «avec ça on règle le problème, c’est sûr». Les deux actions proposées règlent évidement une partie du problème, elles permettent de répondre aux conditions de travail et à la revalorisation économique. Pourtant les rejets du triage, restaient non traités. Comment faire alors pour respecter cette demande (naturellement justifiable) et incorporer toutes les autres variables, réparatrices de l’environnement dégradé et contaminé en prévention d’autres problèmes dans l’avenir? Nous allons proposer en conséquence une série d’actions, un protocole intégral d’intervention, qui peut s’appliquer dans les territoires où la problématique de récupération de déchets et la spontanéité le requièrent.
Nous tendons de plus en plus vers le monde pauvre des bidonvilles, et mon instinct me pousse non pas à essayer d’éviter cette situation, mais plutôt à préparer les esprits à y faire face… Construire moins, mais apprendre à habiter autrement. Yona Friedman14
x photographies prises pendant l’explication de l’analyse sur les externalités
spatiales aux ramasseurs de la cooperative Juan Cacharpa, 15 mars 2010 (Jorge Meoni)
14 L’architecture de survie, op.cit. 187
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
wschéma à suivre pour la comprehension des étapes parmi le
protocole d’intervention (les numèros correspondent aux actions menées, et les lettres aux quantités de possibilités que nous allons aborder)
Le protocole se déroule à travers 5 actions, chacune d’elles avec des possibilités variables d’intervention. Nous allons développer plusieurs d’entre elles, en expliquant ces étapes constructives, la plupart avec des temporalités progressives et diverses. Dès le début, les usagers participent à sa concrétisation en s’appropriant au fur et à mesure du processus de conception d’une métamorphose de leur lieu de travail et des nouveaux rapports sociaux existants avec les déchets. Le protocole sera décliné à plusieurs échelles et dans des domaines d’application divers. Nous verrons au début des dispositifs spatiaux, selon différents types de terrains combinant différents fonctionnements. Nous essayerons de concevoir des hypothèses constructives, basées sur des possibilités et contraintes économiques, selon lesquelles nous choisirons un dispositif le plus convenable. L’objectif étant de produire des métamorphoses territoriales et spatiales a partir de ce protocole, de proposer un panel de possibilités, notamment sur le site de la coopérative Juan Cacharpa. La multiplicité des dispositifs pourrait se développer schématiquement dans la ville, en relation avec la gestion municipale des déchets, le comportement citoyen, les différents acteurs et la surface disponible. Ainsi, différents scénarios à l’échelle métropolitaine seront pensés en prospective, imaginant la ville de Montevideo et le fonctionnement du protocole comme dispositif qui permettra de composer a partir de la dispersion. Enfin, nous observerons de plus près «Montopie» une nouvelle ville de survie soutenable fonctionnant selon le mode opératoire d’une écotopie à Montevideo.
188
stratégie d’acƟon
5. Traiter
4. Stocker
3. Couvrir
2.Étaler
1.Récupérer
intervenƟons diverses
C. biodigesteurs
B. élevage de cochons
A. compostage
C. eaux usées
B. matériaux uniques
A. plusieurs matériaux
C. bois
B. béton
A. métallique
C. sous-niveau
B. mécanique
A. ramblayage
B. phyto-technologies
A. réhabilita on
disposiƟf- mis en oeuvre
jardin potager
biodigesteur
ferme pour animaux
couverture de travail
tas
bassins
canalisa ons
container
structure portante
fermetures latérales spontanées
prévision de végeta on
toit-couverture
structure portante
planchers
fonda ons
nivella on du sol
traitement des lixiviats
traitement de terrain pollué
prospecƟf
ecotopiste
fataliste
utopiste
foncƟonnement général possible
transports et inves ssements
contraintes municipales:
surface disponible: terrains
acteurs: ramasseurs
variables: composi on des residus ménagers
hypothèse: systeme de disposi on des déchets
Montopie, une ville de survie soutenable
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.F MONTOPIE
5.E SYSTEME
5.D SCENARIOS
5.C TEMPORALITES
POSSIBILITES
5.B
ACTIONS
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5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5. B.
L e s a ct io n s p o u r a u g menter la perform ance du re cycl a ge sp o nta n é
Les actions principales de «couvrir» et «stocker», proposées par les ramasseurs, s’intègrent à d’autres variables. L’ensemble de ces actions crée des dispositifs de gestion de déchets qui fonctionnent dans des logiques dispersées dans la ville, et surtout spontanés. Les actions serton détaillées une par une, dans les subchapitres suivants 5.B.1 à 5.B.5.
camion qui décharge des résidus mélangés.
des ramasseurs extraient les matériaux récuperables, sans aucune protection “humaine” ni spatiale.
l’histoire se répète, mais cette fois les résidus sont déchargés sur les restes laissés par les ramasseurs après le triage.
le site de travail devient une “décharge” proprement dit, donc pour proposer des possibilités d’amélioration, il faut commencer pour nettoyer le terrain, pour récuperer la terre!
utiliser la végetation (aquatique et plantes terrestres) pour décontaminer et assainir le sol ou les eaux souterraines polluées par les déchets decomposés.
190
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
après récupération de la terre grâce à la pytorestauration,comment faire pour changer le système et prévenir le retour du problème?
Il faudrait étaler le système de triage-ramassage, pour creer un mouvement de passage des résidus qui permmetrait de collecter les réfus.
Après l’étalement, la protection face aux alias climatiques devient nécessaire. Une couverture comme les ramasseurs l’ont déjà proposé fait partie du protocole.
Les matériaux récuperés pour être vendu ensuite, pourraient être regroupés dans un même espace, stockés ensemble pour arriver a les vendre à meilleur prix!
Tous les restes ne sont pas des détritus. Il y a parmis eux, des grandes quantités des restes organiques qui pourraient être traités grâce aux techniques de chimique organique.
191
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
v vue aérienne d’une ancienne décharge publique au Lake Calumet, Chicago Illinois, aujourd’hui transformé en Harborside International Golf Course (Alex Mc Lean, OVER, Visions aériennes de l’American Way of Life: une absurdité écologique, éd.La Découverte, Paris, 2008. 192
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.B.1
Ré c u p érer l’env iro n n ement et restaurer le paysage
Comme pour les (autres) déchets, les aspects économiques et écologiques renouvellent les considérations premières en termes d’hygiène publique, qui de plus se conjuguent avec des considérations urbanistiques, architecturales, et d’esthétique : le cimetière — comme la décharge — devient paysage.15
Comme nous l’avons vu dans le chapitre concernant le recyclage spontané à Montevideo, nous pouvons constater que le problème majeur lié au traitement actuel du recyclage est dû au fait que les refus, les rejets, ces matériaux que ne trouvent pas d’usages postérieurs, restent au-dessous des surfaces de circulation et de ramassage. Cela ne provoque pas seulement des problèmes visibles, mais nettement des contaminations invisibles à travers des lixiviations des déchets empilés et affectés par la pluie et l’absence de tri sélectif. Tout type de déchet finit par se décomposer à côté d’autres résidus récupérables et de possibles déchets dangereux, qui contaminent le sol et les rivières voisines par l’absence de traitement de ces effluents. Les deux premières actions de notre protocole d’intervention, correspondent-elles à cette problématique et à une possible réponse pour améliorer la situation actuelle. Nous allons regarder certains exemples de traitement des lixiviats dans différents types de décharges, et nous proposerons des exemples de phyto-restauration, qui permettent par de simples et non coûteux moyens, une récupération des surfaces contaminées. Cette technique n’est pas une action rapide et «magique» mais plutôt un investissement à long terme qui doit être mis en fonctionnement le plus rapidement possible. C’est la première action à développer pour le protocole d’intervention.
15 Bertolini, op.cit., p.173 . 193
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Le principe général de réhabilitation de décharges consiste en un isolement des déchets par rapport au milieu extérieur et en une maîtrise des effluents liquides et gazeux. vci dessus: vue aérienne de l’ancienne décharge de Gavà, Catalogne, actuellement transformé en Parc El
Garraf, à travers une dépolution et restauration paysagère par les architectes E.Battle,J.Roig et la paysagiste T.Gali-Izard, 2008 (Revue Ecologik, no07, fevrier 2009). yci dessous: Centre de Stockage des Déchets Ultimes (CSDU) de Weitbruch, qui traite 24 m3 de lixiviats par jour (http://www.smitom.com/2droite1.htm)
194
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
La réhabilitation se traduit par : un ré-profilage du site «en dôme», avec une pente d’au de moins de 3%, et ce afin de favoriser le ruissellement des eaux pluviales en surface, - la mise en place d’une couche de fermeture faite de limon argileux ou de terre argileuse, visant à limiter les infiltrations d’eau, et donc les transferts de pollution vers le milieu naturel, - le creusement d’un fossé périphérique ceinturant le site et destiné à recevoir les eaux de ruissellement et à les évacuer vers le réseau hydrographique, - la mise en place d’une couche de finition en terre végétale destinée à favoriser la re-végétalisation. Néanmoins des travaux plus complexes doivent dans (certains cas) être réalisés, notamment pour les décharges en impact fort sur l’environnement: d’endiguement du site, mise en place de parois de drainage visant à détourner les nappes souterraines, consolidation du front de décharge, traitement des lixiviats, traitement du biogaz. Systèmes de captage et de traitement du lixiviats Avant d’être déchargé dans l’environnement, les lixiviats passent par diverses étapes de pré traitement, de traitement et de polissage afin d’atteindre une qualité conforme ou supérieure à la réglementation environnementale. Maintenant dans la décharge de Montevideo, les lixiviats coulent sans traitement en direction de la rivière la plus proche.
vci-dessus: schèma explicant la réhabilitation de décharges par traitement de lixiviats (http://www. rehabilitation-tougas.fr/index.php?page=1&page=3) et système de traitement de lixiviats (http://www. trivalis.fr/_pages/Page_4_9_3.asp
195
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
v Parc du chemin de l’île à Nanterre, où le système d’arrosage qui trouve sa source dans la Seine, est dépollué grâce aux jardins filtrants. Le bassins sont plantés de végetaux aquatiques qui absorbent les charges polluantes. Maitre d’ouvrage : EPA Seine-Arche, Maitre d’œuvre : Acanthe, assisté par Phytorestaure/Site et Concept pour les jardins filtrants (Revue Ecologik, no07, fevrier 2009). 196
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
L e s p hy to - te c h n o l o g i e s et c e s a p p l i cati o n s / p ossi b i l i té s La phyto-rémédiation utilise la végétation (aquatique et plantes vertes terrestres) associée aux microorganismes pour dégrader et décontaminer des sols ou eaux souterraines contaminées par des polluants organiques et/ou inorganiques. Il y a plusieurs types de recomposition et récupération paysagère et naturelle par des plantes qui tolèrent des métaux lourds ou d’autre types de contaminants, en les absorbant. La phyto-stabilisation consiste à re-végétaliser les sols pollués au moyen de plantes tolérantes aux métaux lourds. Le couvert végétal ainsi formé pourrait limiter la propagation de la pollution par érosion éolienne, ruissellement ou lessivage. Les plantes auraient en effet une action mécanique (parties aériennes et racinaires), et chimique (réduction des métaux grâce à des substances provenant des racines). Dans ce contexte, l’utilisation d’arbres est particulièrement intéressante puisque leur système racinaire peut-être profond et dense, et l’évapo-transpiration est très efficace, ce qui limite d’autant plus le lessivage et le ruissellement16. Si bien les processus de dépuration et de récupération paysagère par phyto-dégradation, extraction ou phyto-stabilisation prendraient beaucoup de temps (estimé d’entre 8 mois à 3 ans17) mais c’est l’idée de travailler in situ qui rend notre propos assez pertinent. Elle offre aussi des alternatives rentables avec des techniques conventionnelles de rémédiation, par des applications superficielles et amendements nutritifs qui travaillent sous la surface visible.18 Fondés sur une combinaison d’écosystèmes qui associent une série 16 Schnoor, Phytoremediation of Soil and Groundwater, 2002. Voir http://clu-in.org/download/remed/epa_540_s01_500.pdf 17 O’Niell, Nzengung, In-Situ Bioremediation and Phytoremediation of Contaminated Soils and Water: Three Case Studies, 2004. Voir http://cabdirect.org/ 18 Id., ibid. 197
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Récolte de la biomasse polluée.
petite riviére Peu ou pas de translocation des polluants dans les parties aériennes de l’espèce végétale choisie.
Translocation des polluants dans les parties aériennes de l’espèce choisie. Absorption et séquestration des polluants dans les racines.
Réduction du lessivage et de l’absorption des polluants par les plantes. PHYTOSTABILISATION
Les amendements permettent la séquestration des polluants dans le sol et facilitent le développement des végétaux
Absorption des polluants par les racines. PHYTOEXTRACTION Dégradation ou trasformation des polluants organiques par les microorganismes rhizosphériques PHYTODEGRADATION
Pb2+ et Cr3+
PHYTO RÉCUPERATION: UN CYCLE D’ÉPURATION À TRAVERS PLUSIEURS TYPES DE VÉGETATION
de supports plantés (filtres à roseaux, bassins, forêt plantés, forêt naturelles de végétaux supérieurs, de micro- organismes et de divers substrats) les jardins filtrants pour les boues urbaines ou les sols contaminés s’appuient sur les multiples actions de la rhizosphère (aération, déshydratation, fixation des métaux lourds et désinfection)19. Ils utilisent ainsi les capacités des végétaux, des micro-organismes associés comme des alternatives écologiques et économiques à l’enfouissement ou à l’incinération.
198
19 Voir http://www.phytorestore.com/
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci dessus: photographies prises du Parc Chemin, île-petite rivière, août 2006. 1ère séquence, la petite rivière allant vers les jardins familiaux , 2ème séquence, avec les bassins aux Nymphea, aux Nelumbo et aux Equisetum, 3éme séquence avec les Phragmites, les typha, les Hippuris (http://www. marcanterra-bois-plantes.com).
199
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
DÉCHARGE OFFICIELLE ET CES ALENTOURS
3 4 6 5
1
2
PROPOSITION “D’AMÉNAGEMENT” 200
zone de phytorécuperation (2) zone de réhabilitation de décharges (officiel et spontanées) (1) traitement du lixiviats (3-pré traitement, 4-bassins filtrants hermetiques, 5-traitement depolluant, 6 dépuration finale) lixiviats dans son étal actuel (non traités) image du terrain phytorestauré, pris du site de la cooperative J.Cacharpa
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
6
4
vci dessus: épuration des eaux par pytorécuperation, Lagunage de vci Harnes (http://www.communaupole-lenslievin.fr/lagunage.html)
dessus: traitement d’eaux usées à faible consommation energétique, utilise des procédés naturels, Devil’sLake, Dakota du Nord (Alex Mc Lean, op.cit)
ANALYSE ET PROPOSITION POUR LES ALENTOURS DE LA DÉCHARGE OFFICIELLE ET LE SITE DE LA COOPERATIVE JUAN CACHARPA PAGE SUIVANTE
201
LE SITE DE LA COOPERATIVE JUAN CACHARPA FEV.2010, L.FERNANDEZ végétation rivière petite rivière 1
percolations souterraines
4m
percolations souterraines
5m 35000 m3
accumulation de rejets
accumulation de rejets
LECTURE DU SITE dépollution des sols ou des eaux souterraines
Les plantes hyperaccumulatrices dépollution des eaux
Peuplier
PHYTO PROPOSITIONS
RÉCUPERATION DU PAYSAGE
202
Astragalus bisulcatus
ci-dessus: am Jardins filtrant Grand Marais à Am
percolation souterraine
extension contamination
riviére 2
Réhabilitation de décharges: épuration des lessivats Rhizofiltration Extraction des polluants en milieu aqueux
ménagement ts pour miens
Spartine
de traiter
Aménagement de noues plantées et de Jardins filtrants pour traiter les lessivats d'une décharge,
noues plantées les lessivats d’une
et de décharge,
203
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.B.2
Etaler
L’étalement dépend de notre surface disponible pour travailler, mais aussi de moyens économiques et humains disponibles. Nous avons étudié des variables par rapport à certains cas possibles des terrains, où nous pourrions développer des étalements mécaniques (ex. tapis roulant), par remblayage (ex. avec des déchets de construction), où bien par différence de niveau (existant ou à créer). Plusieurs cas constatés utilisent des moyens techniques pour étaler la façon de travailler, avec une structure métallique placée à l’intérieur d’un espace fermé. Nous préférerons penser que l’étalement pourrait se développer d’une façon matérielle, constructive, et non attaché à des réponses strictement technologiques, qui la rendent dans la plupart des cas assez chère, et par conséquent difficile à justifier. L’espace proprement dit pourrait-il devenir étalé, et permettrait- il de rendre plus digne la façon de travailler?
204
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci dessus: séquences d’images prises au site de la décharge de Montevideo, camion qui décharge et ramasseuse qui récupere (Agustin Fernandez, 2004) xà gauche: plusieurs images de technologies de tri, à gauche, lieu de travail d’une coopérative de Buenos Aires (L.Fernandez,2005). Centre et droite, tapis roulant pour trié et machine trouvés en internet.
205
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
plaƞorm de décharge
table de tri
services personel container de stockage
entre des residus
rejets à traiter
rue
1
206
entrée et sor e: 17m étalement par remblayage! (table de tri)
30x17(m)
NOUS ALLONS ÉTUDIER CERTAINES POSSIBILITÉS SELON LA SURFACE DISPONIBLE TYPE DE TERRAIN ET L’ESPACE D’ÉTALEMENT À UTILISER PAR REMBLAYAGE, PAR TAPIS ROULANT, OU BIEN PAR DIFFÉRENCE DE NIVEAU .
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
table de tri
container de stockage
rue
containers de stockage
rue
plaƞorm de décharge
entre des residus
5
10
20
rejets à traiter
2
entrée et sor e: 30 m étalement mécanique! (tapis roulant)
17x30(m)
Variable 1 et 2: terrain disponible avec 1 seul accès-sor e et possibilité d’un container de stockage et de services pour les travailleurs (ves aires, douches)
Possibilités selon surface disponible et type d'étalement 207
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
rejets
stockage tapis roulant- tri
plaƞorm de décharge
entrée des residus services perso
3
terrain passant étalement mécanique! (tapis roulant) stockage et services! (deux containers)
36x13(m)
208
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
stockage de plasƟque
stockage papier
services perso
table de tri
rejets
plaƞorm de décharge
entrée des residus
4
étalement par remblayage! (table de tri) stockage par matériaux et services! (quatre containers)
53x13(m)
Variable 3 et 4: terrain disponible avec 2 accès-sor es et container de stockage et services
209
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
entrée des residus
plaƞorm de décharge
stockage
rejets
table de tri
5
entrée et sor e 18m table de tri (et stockage à travers un monte-charge!) sor des rejets par enlèvement mécanique (camion special)
27x18(m)
210
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
6
terrain passant 10m table de tri sor des rejets simple (même niveau)
10x30(m)
Variable 5 et 6: terrain avec différence de niveau, étalement par dénivellement
211
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
rejets
services personel plaƞorm de décharge
tapis roulant- tri
stockage
stockage
212
Variable 7: terrain passant a même nivel étalement par remblayage + tapis roulant = stockage par différence de niveau
entrée de résidus
48x10(m)
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.B.3
Couvrir
Types de couverture, de matériaux et structure en bois Pour proposer un type de structure qui permettrait de couvrir la surface étalée pour travailler, nous allons choisir des variables assez simples pour réduire les contraintes de terrain et focaliser le travail sur le type de structure à utiliser. Des 7 dernières variables étudiées en premier, nous resterons seulement avec les variables 3 et 4 (terrain avec 2 accès et sorties) pour montrer les différents types de construction du toit-couverture. Le premier cas à dessiner serait celui d’un étalement par remblayage avec une structure en béton (matériau que nous croyons le plus accessible et économique pour la construction en Uruguay). Après des renseignements budgétaires à Montevideo et des références bibliographiques sur la construction en bois, le système de charpente bois s’est avéré plus économique et sera retenu. De nombreuses interfaces sont envisageables à partir des objets récupérés ou recyclés pour la construction. Par nécessité de penser sa reproduction dans d’autres terrains de la ville avec un vitesse d’exécution importante (voir chapitre métamorphose et référence à l’acupuncture), j’ai choisi des modèles conventionnels, permettant d’intégrer des matériaux recyclés (exemple: plaques ondulés ou tissus de couverture à partir de plastique recyclé pour les toits). v Paper Theater, Ámsterdam, 2003, Arq.Shigeru Ban (http:// mas.lignuferum.info/)
213
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
214
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
RÉINTERPRETATION PRIMAIRE POUR LES ACTIONS D’ÉTALER ET COUVRIR PLAN, COUPE ET AXONOMETRIQUE
xà gauche, 1ère, pavillion à Alabama, 2007, Rural_Studio_Architecture (http://www.cadc.auburn.edu/ruralstudio). 2ème, couverture pour des maisons faites en tissus recyclables, Paraguay (©Rolex Awards/Jess Hoffman). 3ème et 4ème, couverture et détail de plaque recyclé, Argentine (http://www.aacporcinos. com.ar/articulos/reci_chap.html). 215
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
toit 64 plaques ondulée recyclées (1.1 x 2.9m) récipient pour organiques 140 m2 béton armé (plateforme sur le remblayage)
récipient pour réjets pilier fondations
130 m2 pierre décharge des camions
50 m2 grillage-protection
déchets construction pour remblayage
130 m2 béton armé 70 m2 grillage-haie lavable poutres triangulares coloré 2X (17X1X.6 metres) (sol travail) 10 m2 béton armé lavable (table tri) 16 solives .10 x .30 x 7.2 entonnoir (43 m2 de tole pliée)
PROPOSITION CONSTRUCTIVE 2.A ETALEMENT par remblayage 3.A COUVERTURE sur structure mixte (poteaux en béton - poutres metaliques - structure du toit en bois) 216
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
...après avoir reçu un budget éstimatif pour la proposition antèrieur assez éléve (d’environ 50 000 €) nous avont fait une recherche sur des types de construction en bois, pour proposer une nouvelle alternative de couverture
xà gauche et ci-dessus: détails constructif
sur differents bâtiments en bois (H. Gotz, Dieter Hoor, Karl Mohler et Julius Natterer, Construire en bois, vol.1 et 2, éd. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 1993)
EXPLORATION COMPARATIVE PRIMAIRE SUR LE TYPE DE STRUCTURE
217
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
A
radio
102m2 surface pierre-béton sur remblayage
A
140m2 béton armé (plateforme décharge-sur le remblayage)
50
B
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
A
o-décharge de camion ou charette
entonnoir métalique
10m2 béton lavable 130m2 béton armé lavable (table de tri) (surface de travail)
70m2 grillage-haie
45m2 collecte de restes (à traiter)
PLAN DE STRUCTURE
A
B
0 m2 grillage de protection
PLAN DE FONCTIONNEMENT
COUPE AͳA
A-A
2.A tri primaire associatif 2.A étalement par remblayage 3.A couverture de travail en béton+tôle ondulée 219
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
couverture plaque ondulée (64 plaques 1.1 x 2.9m en plastique recyclées) 8 solives en bois (14/18 cm x 8m 2 poutres triangulées (17m) 18m evacuation d'eau pluviales 65m2 grillage (pour liseron-haie) 4 poteaux en béton, (40cm x 4.9 hateur) 22m2 grillage dalle de fondation (mauvais sol-déchets empilés)
COUPE 2.A:B-BAͳA,
CORRESPONDANTE AU PLANS PRÉCEDENTS
ANALYSE SUR LE TYPE DE STRUCTURE EN BOIS À UTILISER 17
1
diagonale en tubes en acier 38mm membrures bois collé-lamellé 3.8
possibilités diverses 17
1.5
DÉTAILS SUR LES POSSIBILITÉS DE POUTRES TRIANGULARES POUR CHAQUE COUPE
220
poutre triangulé type DSB entièrement en bois (diagonales taillées et collées)
3.3
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
couverture légère en tissu plastique membrure sup. 5/12 cm membrure inf. 5/10 cm diagonales 5/6 cm assemblage(connecteurs à clous pressés) traverses 5/10cm x 2.7m poutre triangulée en bois, (possibilité de construction artisanal) 40m evacuation d'eau pluviales 16m2 grillage (pour liseron) 16 poteaux en bois, (15cm diamétre x 4.7 hateur) 24m2 grillage pied de poteau sur socle de béton (profile métalique T) dalle de fondation (mauvais sol-déchets empilés)
COUPE 2.B: B-BBͳB
CORRESPONDANT AUX PLANS DE LA PAGE SUIVANTE ΈÉTALEMENT PAR TAPIS ROULANTEΉ
8.4 .7
poutre triangulé type DSB entièrement en bois (diagonales taillées et collées)
4.1
possibilités diverses 8.4 .1.2
3.6
poutre monopente entièrement en bois
221
B
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
A radio-dĂŠcharge de camion ou charette 162 m2 arrivage de rĂŠsidus
entonnoir mĂŠtalique
13m2 tapis roulant
183m2 surface de travail/tri
B
A
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
A 98.7 m2 collecte de restes (à traiter)
collecte d'eau de pluie
hottes (résidus déjà trié)
PLAN DE STRUCTURE
pour composté ou biodigerer
A
récipients pour rejets
pour la décharge
PLAN DE FONCTIONNEMENT
A-A
COUPE AͳA
2.B tri primaire associatif 2.B étalement mécanique 3.B couverture de travail bois-envelope spontané 3.C espace associatif et services 223
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.B.4
S to c ke r
Augmentation directe du prix payé Le seule fait de pouvoir vendre les matériaux déjà triés en quantités plus importantes que la collecte faite par un seul ramasseur, est une condition indispensable ainsi que nécessaire pour arriver à améliorer le prix de vente. Comme dans n’importe quel marché, il n’est pas pareil de vendre 5 kg ou 500 kg; dans le cas de la vente de résidus recyclables, la relation prix-quantité est directement proportionnelle. Si les ramasseurs vendent 500 kg de papier à la place de 5 kg, ils vont gagner bien plus (à Paris au XIX siècle, le prix augmentait entre 20 a 40 %20et à Montevideo aujourd’hui il peut augmenter jusque à 200%21. L’idée de réutiliser des vieux containers, ou bien de construire des toitsenveloppes assez simples, semble pertinent pour arriver à améliorer les revenus des travailleurs ramasseurs.
20 Office du Travail, op.cit., p.70. 21 Conversations avec les ramasseurs, le valeur corresponde seulement au fait de stocker et vendre en plusieurs quantités. Pour les autres manipulations faites aux matériaux avant de vendre à l’industrie, le prix peut augmente de 900% (Minetti, 2008) 224
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci-dessus à gauche: Musée Nomade, Shigeru Ban, 2003 (© Ashes and Snow). à droite, petit arc de tromphe, Bâle, 1983, Luc Deleu (Luc Deleu, Postfuturismus?, éd.Den Gulden engel, 1987) xà gauche, séquence dessus: 1ère image, hottes de stockage au site de travail des ramasseurs UCRUS (A.Fernandez, 2005) 2ème idem (N.Minetti, 2006) 3èmeimage, lieu de stockage de la Coop.J.Cacharpa (L.Fernandez, 2008). Séquence dessous: 1ère et 2ème images, stockage industriel au Brésil, 3ème image, dépot au Chili (E.Estay, 2009). 225
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
RÉINTERPRETATION PRIMAIRE POUR L’ACTION DE STOCKER COUPE, AXONOMETRIQUE, PLAN, ET COUPE
226
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
TOIT plaque ondulée recyclée
OUTILS bascule presse à balles
FERMETURES SPONTANES (tôle et plaques récupérées) POTEAUX bois, diam .10cm
PLATEFORM béton armé simple
ARRIVAGE des materiaux pré-tri
GRILLAGE SEPARATEUR entre les matériaux (papier, ferreux, plastiques, verre)
PROPOSITION CONSTRUCTIVE 4.A STOCKAGE plusieurs matériaux
4.A STOCKAGE - fonc onnement
227
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.B.5 Tra i ter Le traitement de ces résidus organiques, qui sont aujourd’hui refusés par le système de recyclage spontané qui ne trouve pas un marché spécifique pour les valoriser, devraient s’inscrire dans un nouveau marché à créer. Cette nouvelle valorisation possible, pourrait faire partie intégrante dans la course des réductions de gaz à effet de serre par la diminution considérable des résidus enterrés, et par voie de conséquence l’abaissement de production de gaz méthane. Le méthane est un hydrocarbure de formule brute CH4, également connu pour être environ vingt fois plus nocif pour le changement climatique que le principal gaz, le CO2. Le méthane est le principal constituant du biogaz issu de la fermentation (putréfaction) de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. Il est fabriqué par des bactéries qui vivent dans des milieux anaérobiques (c’est-à-dire sans oxygène). Le biogaz produit dans la décomposition des déchets organiques par exemple, pourrait être (bien davantage) récupéré et valorisé sous forme d’électricité, de chaleur ou comme carburant d’automobile. Nous avons deux possibilités donc de réduction des effets de ce gaz, et en même temps réduire les externalités spatiales produits en l’absence d’un nouveau marché qui valorise les résidus organiques. Deux solutions possibles seront proposées pour ce protocole, une productrice d’énergie par mode anaérobiques (bio digesteur) et une autre avec dégradation aérobique (compost). Les technologies à utiliser sont actuellement les plus simples et les plus économiques, et nous rappellent leurs origines rurales d’une simplicité formidable. Il existe aujourd’hui des infinités de types de biodigesteurs et composteurs dans le milieu rural mais la ville, toujours urbaine et moderne, essaye de construire et proposer des «solutions magiques» à grande échelle et à partir d’innovations technologies coûteuses. Nous resterons dans le cadre de la sobriété rurale, pour tenter de rendre à la ville de nouveaux rapports, de plus en plus oubliés, avec la terre. 228
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci dessus: vue aérienne des rangées de compost (sur une trentaine d’hectaires municipal) à Chicago Illinois, Harborview Landscape Waste Processing (Alex Mc Lean, op.cit) 229
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci dessus: 1ère, 2ème et 3ème images de compost à échelle familial (structure en bois
ou bien polyéthilène). 4ème image, compost échelle moyenne en Équateur (image prise par Myriam Herrera, 2007). Dernière image, production de lombriculture.
230
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Le compostage Le compostage est une opération qui consiste à dégrader, dans des conditions contrôlées, des déchets organiques en présence de l’oxygène, qui permettraient aux organismes vivants d’absorber des substances organiques pour les transformer en un sol riche, d’une certaine façon, pour les faire revenir à la terre comme si on fermait le cercle magique de la production-consommation-récupération. Deux phénomènes se succèdent dans un processus de compostage. Le premier s’agit essentiellement de la décomposition de la matière organique fraîche à haute température sous l’action de bactéries; le deuxième, par une dégradation moins soutenue, qui transformerait le compost frais en un compost mûr, riche en humus. 30% des déchets dans les pays industrialisés pourront se transformer en compost, et plus de la moitié des résidus du pays du sud sont potentiellement compostables.22 Son problème principal est lié à l’espace qu’il représente. Pour composter nous avons besoin d’une surface importante, vu que son processus de transformation dure environ 5 à 6 mois. L’autre contrainte est son absence de marché de vente dans les milieux urbains. La terre produite par le compost est très riche, donc elle peut devenir utile pour une possible agriculture urbaine ou bien pour être vendu à la campagne. Actuellement, le marché de crédits de carbone, qui essaye de réduire les émissions de gaz à effet de serre à travers des compensations économiques, a approuvé deux méthodologies possibles pour faire du compost et recevoir en revanche des paiements encadrés dans la logique du marché de carbone. Il existe un projet au Bangladesh, où 130 tonnes de résidus compostés par jour réduisent 156 000 T de CO2 par an, et diminuent 52195 m3 des matières disposés dans la décharge23. Cette technologie correspond à une grande échelle de traitement, mais il existe une autre méthodologie approuvée, la AMSIIIF (sans exemples actuels) qui admettrait les projets de compost de petite et moyenne échelle.
22 Pour toutes les informations liées au compostage voir http://www.blueplanetsmart.net/quebec/ composting/ratio.htm et http://www.environnement-namur.be/infra/pdf/compostage_individuel.pdf (accès 12/03/2010) 23 UNHABITAT, Solid Waste Management in the World Cities, éd. Earthscan, UK, 2010, p.121 231
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Le compostage en tas Processus de compostage Préparation de la matière Le mélange : au départ il faut disposer de matières organiques fermentescibles de bonne qualité : matières variées et équilibrées, sans polluants. Il importe donc de bien mélanger. Le broyage : il faut ensuite broyer les matières grossières afin d’augmenter la surface d’attaque par les microorganismes, mais pas trop finement pour assurer une bonne aération (particules de 1-2 cm). Le compost est mis en contact directement avec le sol. On donnera au tas les dimensions suivantes : 1 à 1,50 m de large, et 0,8 à 1 m de hauteur au minimum et 1m75 au maximum. Les côtés seront inclinés. La longueur n’a pas d’importance, toutefois le tas aura un volume minimum de 2 à 3m³. Une fois que le tas a atteint la hauteur souhaitée, il faut le couvrir d’une enveloppe laissant passer l’air. La couverture peut être réalisée avec de la paille, des branchages, une toile de jute ou un autre matériau (ex. : compost grossier) Le processus a une durée de 6 mois minimum La fréquence de retournement est variable, toutefois on essaiera d’effectuer un premier retournement après 1 à 3 semaines, et ensuite, moins fréquemment (toutes les trois à six semaines). Si la température ne monte pas ou si des odeurs désagréables apparaissent, c’est que l’air est déjà manquant : il faut aérer le tas . On veillera à réaliser un minimum de 3 retournements (idéalement 5-7) et on a besoin d’environ 5 à 6 mois minimum pour arriver à notre compost. outils nécessaires pour bien composter : -une brouette pour le transport des matières premières. - Une fourche, une pelle ou tout autre instrument pour les manipulations du compost (mise en place et retournements). Avant d’utiliser le compost, il pourra être utile de le tamiser, car souvent, les déchets les plus grossiers ne sont pas totalement décomposés. Un tamis peut facilement être confectionné en fixant un treillis à mailles fines (1cm x1cm) sur un cadre en bois. 232
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Les activateurs de compostage sont pour la plupart constitués de composts préparés spécialement et ayant une activité intense. Ces composts sont séchés, réduits en poudre et mélangés à du mycélium de champignons et à des éléments nutritifs destinés à nourrir les micro-organismes.
ARRIVAGE Matériaux riches en azote (N) · déchets de cuisine · · tontes de pelouse · fumier et fientes · végétaux frais · Matériaux riches en carbone (C) · paille · sciure et copeaux de bois · branchages secs · feuilles mortes
OUTILS -brouettes . - fourche, pelle - tamiser,
TRAITEMENT capteur de lixiviats TAS bassins de décantation Le compost est mis fosse filtrant en contact directement avec le RETOURNEMENT sol. après 1-3 semaines, et ensuite, toutes les trois à six semaines 5 mois pour arriver à notre compost.
PREPARATION proportion approximative de carbone-azote (C/N) conseillée pour un bon compostage est de 30:1
PROPOSITION CONSTRUCTIVE ET FONCTIONNEMENT 5.A COMPOSTAGE en tas
5.A COMPOSTAGE EN TAS - fonc onnement 233
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
proportion approximative de carbone-azote (C/N) conseillée pour un bon compostage est de 30:1, donc 30 parties de carbones par 1 partie d’azote- trois parties de « bruns » pour 1 part de « vert ». En pratique, il faudra veiller à mélanger à volume égal, une part de matériaux riches en carbone à une part de matériaux riches en azote. Matériaux riches en azote (N) · déchets de cuisine · · tontes de pelouse · fumier et fientes · végétaux frais · Matériaux riches en carbone (C) · paille · sciure et copeaux de bois · branchages secs · feuilles mortes Rm= n1*R1+ n2*R2 n1+n2 Rm= Rapport C/N du mélange R1= Rapport C/N du composant 1 N1= Quantité du composant 1 R2= Rapport C/N du composant 2 N2= Quantité du composant 2
234
Rapport C/N des matériaux à composter¹ Urine 0.8 Purin 2-3 Sang séché 3 Lisier de porc 5-7 Matières fécales 6-10 Matières végétales vertes 7 Poudre d’os 8 Lisier de bovins 8-13 Humus, terre noire 10 Vieux compost de fumier 10 Fumier frais de poule 10 Résidus de curage des fossés 10-15 Boues d’épuration domestique 11 Déchets de cuisine 12-20 Gazon 12-25 Déchets de légumes 13 Déchets de brasserie 15 Fanes de légumineuses 15 Luzerne 16-20 Marc de café 20 Fumier de bovins 20 Herbe 20 Déchets de jardin 20-60 Fanes de pommes de terre 25 Fumier de cheval 25 Aiguilles de pin 30 Tourbe noire 30 Ordures domestiques 30-40 Tourbe brune ou blonde 30-50 Feuillages 30-60 Résidus de culture de champignons 40 Paille de légumineuses 40-50 Feuilles mortes 45 Paille d’avoine 50-60 Paille de seigle 65 Paille de millet 70 Paille de blé 70-150 Écorce 100-130 Bois de taille 100-150 Sciure fraîche 100-500 Sciure en voie de décomposition 200
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
RÉINTERPRETATION PRIMAIRE POUR L’ACTION DE TRAITER COMPOSTER PLAN, COUPE ET AXONOMETRIQUE,
235
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F A A
COUPE AͳA
FAÇADE
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
PLAN , STOCKAGE ET COMPOSTAGE
PLAN D’ÉVACUATION DE PLUVIALES ET TRAITEMENT D’EAU
4. STOCKAGE + 5.TRAITEMENT DE REJETS 4.A STOCKAGE PRIMAIRE PAR TYPE DE MATERIAUX 5.A COMPOSTAGE EN TAS 237
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Les bio-digesteurs Les bio-digesteurs ont été essentiellement considérés comme un moyen de produire du gaz combustible à partir des déchets organiques. Mais vu la problématique des ressources naturelles, ils doivent être considérés de nos jours sous un angle beaucoup plus large et complexe, particulièrement avec le rôle potentiel qu’ils jouent dans le recyclage des résidus (jusqu’à présent sans rentrer dans l’industrie du recyclage) et qui réduit pour sa part la dépendance des engrais minéraux en facilitant donc la pratique de l’agriculture biologique. En outre, la conception et la construction de bio-digesteurs peuvent encore être améliorées et nécessitent d’être davantage développées pour réduire les coûts d’installation et améliorer l’efficacité de la transformation des produits auxiliaires en biogaz et engrais. 24 Existent plusieurs types et échelles (et bien sûr technologies) possibles pour la bio digestion, mais nous avons choisi l’un des plus petits et simples: le biodigesteur tubulaire en polyéthylène. Ce procédé est plutôt utilisé par les populations rurales en raison de son faible coût d’installation et de production de gaz. Il pourrait être utilisable dans les zones urbaines (spécialement celles que nous avons appelle «hermaphrodites», qui ne correspondent ni au sens rural ni au sens strict d’urbain). Le biodigesteur est spécialement recommandable pour ces territoires car l’élevage de cochons est une pratique fréquente et mérite des traitements additionnels de toutes ces matières en dégradation (lisier, fumier,etc).
24 Preston, Les Biodigesteurs dans les systèmes de production écologiques. Voir http://latinoamerica.leisa. info/index.php?url=article-details.tpl&p[_id]=80710 238
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci-dessus: 1ère ligne, biodigesteurs dans une communauté indienne, biodigesteur en polyéthilène noir. 2ème ligne, préparation du fumier avec de l’eau. Dernière image, biodigesteur model chinois (sous-sol). http:// biodigestores.org/ 239
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Critères de construction par des besoins environnementaux Production de fumier par jour et par 100 kg d’animal 25 Cochons 4kg (donc 5 cochons de 70kg chacun produisent 14 kg de fumier par jour) Bovins 8 Lapin 3kg Cheval 7kg (donc 1 cheval de 300 kg produis 21 kg de fumier par jour) Homme 0,4 kg p/personne enfant 0,2 kg p/enfant Production de biogaz (litre par jour et par kilo de fumier) Cochon- 51 litres (donc si j’ai 5 cochons je produit 714 litres par jour de biogaz= 5 heures de cuisine) ou bien 7 heure de lumière avec des lampes d’éclairage 6 m de long de biodigesteur par 0.7 de longer Production d’engrais p/jour: 80 litres Temps de rétention: 37.5 jours Temps moyenne pour commencer à fonctionner: 1 mois Température de travail: 20ºC 90€ coût estimé Biodigesteurs d’assainissement de toilettes familiales avec protection solaire: Famille de 2 adultes et 4 enfant 1.4 kg de fèces et 15.6 litres d’eau -chasse d’eauProduction de biogaz par jour: 75 litres (0.5 heures de douche chaud) Production d’engrais-usage limité-17 litres 5 m de long par 0.50m de longer et 50€ de coût estimé
25 Jose Marti Herrero, Biodigestores familiares: Guía de diseño y manual de instalación. GTZEnergía. Bolivia, 2008, p.34-45 (http://www. upc.edu/grecdh/pdf/2008_JMH_Guia_ biodigestores.pdf) 240
RÉINTERPRETATION PRIMAIRE POUR L’ACTION DE TRAITER BIODIGÉRER PLAN, COUPE ET AXONOMETRIQUE,
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
vci-dessus: préparation et instalation d’un biodigesteur en tube de polyéthilène, dans une communauté rural en Bolivie (J.M.Herrero, GTZ, op.cit)
241
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Matériaux nécessaires: tuyau plastique pour conduire le gaz tuyau métallique dans l’installation du système à la cuisine tube en polyéthylène (300 microns, couleur noire fumée) tente solaire (serre p/protection) Chapeaux de paille ou de sable au fond de la tranchée sacs en plastique ou vieux aux parois de la tranchée La laine d’acier pour la soupape de sécurité fixation de l’entrée et la sortie des tuyaux Coût approximatif 100 €
CROQUIS 3D BIODIGESTEUR EN MODE LINEAL PLAN, COUPE ET AXONOMETRIQUE
242
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
CROQUIS 3D BIODIGESTEUR EN MODE “ESCARGOT” AXONOMETRIES 243
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
bassin collecteur d’eau pluie boite à mélange (fumier+eau) entreposage de fumier écoulement de fumier par gravité serre de protection solaire et regulation de temperature
70 m2 élevage de cochons (plein air) et 55m2 couverts
sortie du gaz et valvule arrivage et préparation des résidus organiques pour alimenter les cochons
grille de protection et haie 50m2 d’élevage de cochons (sous toit)
augmentateur de temps de rétention pour améliorer l’engrais
50 m2 de jardin potager/arbres fruitiers
PLAN BIODIGESTEUR PROPOSÉ
5.B ELEVAGE COCHONS + 5.C BIODIGESTEURS dimensionnement de notre proposition ex: environ 12 cochons = 50kg p/jour fumier cochons avec 3 fois d’eau = 190 litres produits 2700 litres de biogaz p/jour et 300 litres d’engrais (approxime) notre matériaux principal (rouleau plastique industriel facilement accessible au marché) a des mesures fixés: longueur du rouleau (m) Radio (m) diamètre(m) 1 0.32 0.64 1.25 0.40 0.80 1.50 0.48 0.96 1.75 0.56 1.12 2
244
0.64
1.28
Volume Total= Volume Gaz +Volume Liquide Le volume du liquide est le résultat de la multiplication des temps de rétention par la charge p/jour a température de 15 degrés (le temps de rétention reste de 45 jours). VL=190 X 45=8550 l VG= 2850 l VT= 11400 - 11.4 m3 V cylindre = pi x r2 x L 11.4=3.1416 X(40.96) x L L=8.9 L — = entre 5 et 10 (idéel 7) d 8.9/1.28=6.9m !
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
1.2 .8
COUPE A A
9.3 1.5
.8
.6 1.0
1.2 .8
COUPE C C
COUPE B B 1.2
.8
245
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
246
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.C
Vers u n e métamorphose
La «révolution» est tabula rasa et rupture. La métamorphose, cependant, sont ensemble à la fois l’idée d’une transformation radicale, comme une continuation de l’identité1. Edgar Morin, 2009
1 Edgar Morin, Peter Sloterdijk, État d’Urgence, entretien paru dans Citoyen K, France, Octobre 2009
247
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.C.1.
Le protocole comme dispositif en fonctionnement
Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments. Michel Foucault, 1975
La recomposition de nos actions menées par le protocole, nous permettent de regarder son potentiel de gestion et de transformation possible dans l’actuel système. Combien de tonnes pourrait -il traiter? Combien de ramasseurs pourraitil employer? Combien de ces tonnes seraient transformées? Combien d’émissions de CO2 seraient diminuées?
248
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
8 T de matériaux recyclables traités par jour
1 camion avec résidus “verts”
+
15 travailleurs
4 travailleurs
6 travailleurs
8T
=
6T
17 T de résidus triés/ par jour
40 T des
15 T de réjets à envoyer à la décharge par semaine
= 25 travailleurs groupés
dans une association de recycleurs de résidus
620T T dedecompost compost vendu par traitées parsemaine jour
matériaux recyclables vendu par vendent/ semaine
CROQUIS (3D) DES ACTIONS D’ÉTALER, COUVRIR, STOCKER ET TRAITER, EN FONCTIONNEMENT ASSEMBLÉ EN RÉSEAU
249
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.C.2.
Agrégation, le dispositif dans un lieu spécifique.
Il n’y a plus de pages blanches. Il faut toujours faire avec ce qui existe. Ce n’est pas négatif, bien au contraire. Le tout est de regarder, de comprendre, et d’accepter que la vie c’est le mouvement26. Lacaton & Vassal, 2008 Les architectes contemporains Lacaton et Vassal résistent à des propositions visant à démolir les logements modernes dans la banlieue parisienne (principalement habitée par des populations migrantes, mais aussi ceux des citoyens pauvres français) et en retour ils nous proposent de faire un «plus+», d’ajouter. Leur position est avant tout une position éthique, où ce qui est en jeu, c’est le coût de la démolition et la reconstruction (caché sous la poussière des explosions de la tabula rasa) et la promesse d’une amélioration dans d’autres logements, qui modifie la forme et l’apparence, mais la population reste la même, avec les mêmes moyens de subsistance précaires, et en plus avec une dépense de l’État d’un million de budget, qui nourrit non seulement les collègues architectes français, mais tous les appareils bureaucratiques. Le paradigme de l’intégration des «territoires spontanés» à la ville de Montevideo, considère nécessaire la génération de la même infrastructure de base à disposition du reste de la zone urbaine: tuyaux d’assainissement des réseaux de pompage, éclairage et eau de même réseau, des matériaux de construction similaires à ceux du reste de la ville (blocs, briques, ou d’autres maçonneries). Le processus pourrait être appelé de «démocratisation des conditions matérielles d’existence» des habitants de la ville. Nous devrions peut-être nous demander si nous avons tous besoin de la même réponse et 26 Citation dans Druot, Lacaton & Vassal, PLUS, Les grands ensembles de logements, éd. Gilli, 2007 250
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
La métamorphose peut apparaître quand la solution est invisible, impossible au sein du système existant et excède les moyens de sa logique, quand il y a à la fois manque et excès, c’est alors que l’impossible devient possible. Edgar Morin1
1 La méthode, 6.éthique,
xVue
aérienne du site de la coopérative J.Cacharpa actuellement (www.googlemaps). xpage à gauche: Logement sociaux, Mulhouse, ©Lacaton & Vassal.
du même type d’habitat (sans prendre en compte le coût énorme que cela implique pour l’État) ou s’il y a des besoins différents à aborder et des réponses pourtant différentes à donner, qui travaillent à partir de «la différence» comme concept et comme potentialité. De la même manière que ces architectes français très à la mode pour notre bienaimé Montevideo, nous devons accepter le défi de l’agrégation, et promouvoir des schémas de résistance aux propositions de tabula rasa ou d’intégration «infra-structurelle» des territoires spontanées, au travers d’une attitude éthique et politique qui potentialise ces espaces où les gens vivent sans doute, d’une autre façon que celle prévue. Pouvons nous penser à des dispositifs qui agissent dans le temps, mais qui activent d’éventuels changements avant l’«intégration» formelle à la ville? Ces dispositifs peuvent être pensés à partir d’une logique non pas hygiéniste, ni moderne, ni moraliste, mais qui apprenne des délaissés et qui propose une nouvelle éthique pour rendre possible d’autres façons d’habiter la ville.
éd.duSeuil,2004,p.228 251
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
champ contaminé
petite rivière polluée
5 mètres d' hauteur de rejets
entrée de camions
élevage de cochons
percolation des lixiviats
lieu de travail et réunion des rammass terrain de football habitat spontané de 27 maisons
habitat conventionnel
LECTURE DE LA SITUATION ACTUELLE
20m 50m
252
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
jardins filtrants spartine (rhizofiltration) bassin hermétique filtrant (bacteries depolluantes) peuplieur de saule
zone de manoeuvre des camions et charettes phytostabilisation amendement phosphate (mélange qui bloque la pollution) 3.A.1 compostage en tas haie 1.A.1+1.A.2 tri primaire sous couverture 2.A.1 stockage des materiaux recyclables
entré des camions et charettes avec résidus 3.B.3 arbres fruitiers et cultures diverses 3.B.1+3.B.2 élevage des cochons et production de biogas et engrais
compost en tas- échelle familiale arbres et haie pour limiter la zone sportive de zone phytorestauration arbres fruitiers -échelle familiale élevage cochons et biogas- échelle familiale ancien terrain de football amélioré
jeux pour enfants
PROPOSITIONS D’INTÉGRATION DU DISPOSITIF 1/1250 SUR LE SITE 20m
50m
253
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
254
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
VUE PANORAMIQUE, FEV2010 L.FERNANDEZ
DISPOSITIF EN ACTION SUR LE SITE
255
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.C.3.
Te m p o ralités: protocole constructif en étap e s p ro g ressives et avec en gagement des us a ge rs (pour On commence par le traitement du terrain pollué, après la dénivellation du sol pour la construction des structures portantes et des fondations, tout en plantant des végétations nécessaires pour prévoir le confort des travailleurs.
FERMETURES SPONTANÉES Les fermetures latérales ne sont pas prévues, mais il est souhaitable que des murs verts (haies, glycines, etc) se développent. La prévision des plantations est prévue dès le début de l’intervention, et la possibilité de fermer entre les poteaux reste indispensable dans le cas de vents forts.
256
aujourd’hui
nov 2010 oct 2010 jusq’à 2020
janv 2010
jui 2011 jusq’à dec avr 2011 mars 2011 mars 2011
STRUCTURE ET VÉGÉTATION La structure portante pourrait être en différents matériaux, mais nous proposons l’utilisation du bois après avoir fait des recherches budgétaires sur place. Trois types différents de poutres en bois sont proposés à partir de références bibliographiques spécialisées. La couverture protectrice du climat (soleil et pluie) se construit au fur et à mesure 0.déchets selon les disponibilités, 1.phytorécupera on en proposant des plaques 2.remblayage ondulées de plastique 3.fonda ons&surface recyclé, où bien des tissus 4.disposi f de passage plus léger quand la pente du 5.structure toit permet une évacuation 6.toit-couverture de l’eau rapide. 7.fermetures verts&spontanés
protocole construc f: récuperer+étaler+couvrir (0-préexistance, 7-dernière interven on)
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
métamorphose fermetures spontanés (tôle ondulé et autres matériaux recuperés) plus de surface d’arrivage des materiaux à composter ou stocker
augmentation de suface compostable (vente au marché volontaire de "crédits carbone")
services (vestiaire, douches) salle de réunion de l’association
élevage de cochons et production d’energie (biodigesteur) et engrais (jardin fruitier)
7200 T des émissions de CO2 réduits p/an
CROQUIS 3D DES ACTIONS ASSEMBLÉ EN RÉSEAU MÉTAMORPHOSÉ
257
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.D.S cé n a ri o s: mise en réseau x p rospectifs du protocole
5.D.1.
Utopiste
La pensée de la plupart des écologistes des années précédentes mais aussi récentes, reste toujours très «idéologisée», dans le sens qu’elle propose des idées en s’opposant à la réalité actuelle qu’ils considèrent comme insoutenable. Ainsi par exemple, l’idée de parler des circuits propres de collecte de résidus ou bien de zéro déchet, est plutôt défendable dans le domaine intellectuel, mais son application reste un vrai défi par la plupart des villes aujourd’hui, presque incompréhensible pour une partie de la population ou pour des décideurs politiques. D’autres personnes croient au progrès dans son sens réversible, c’està-dire, tout temps passé était mieux donc il faut renverser la situation en allant en marche arrière. Par exemple on ne cesse d’entendre parler dans les discours politiques de réactivation industrielle qui donnerait des sources d’emploi à tous ces chômeurs, bien que la crise mondiale en 2009 a laissé sans espoir ceux qui croient toujours à cette possibilité de réactivation industrielle.
UTOPISTE
réduction des déchets!
INTERPRÉTATION GRAPHIQUE POUR UN SCÉNARIO UTOPISTE
258
+
réactivation industriel local
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Dans le cas précis du Rio de La Plata, ce fut la crise vécue en 2001 à Buenos Aires, qui a laissé des milliers de travailleurs dans la rue. Après l’année 2002, le nombre de ramasseurs à Montevideo, a augmenté de 160% et l’indice de chômage a atteint 17%27. Toutes ces personnes, écologistes radicaux avec de très bonnes intentions, ou bien politiciens ou habitants progressistes, sont enfermées dans un scénario utopiste. Nous devons réduire les déchets parce que notre mode de consommation DOIT changer, réactiver l’ industrie parce que il N’EST PAS pas possible d’avoir autant de chômeurs dans les pays (ou bien sans emploi ni chômage comme la plupart des cas du Sud). Si ce scénario particulier devient réalité, le recyclage spontané pourrait devenir inexistant, ou non reconnu officiellement, et les territoires spontanés se verraient réduits tout comme le traitement des déchets.
=
pas de recyclage spontané
reduction des T.S due au travail salarie et stable site de decharge final amélioré (traitement final)
27 Pellegrino, Vigorito, La crisis de 2002, Instituto de economia, Montevideo, 2005. Voir http://www.iecon. ccee.edu.uy/publicaciones/DT03-05.pdf accès 22/08/2010 259
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.D.2.
Fataliste
La réalité de la plupart des villes nous montre aujourd’hui un autre scénario, plutôt fataliste. Nos déchets sont en augmentation exponentielle depuis les vingt dernières années, il n y a pas de réduction visée dans le futur immédiat et non plus à moyen terme (toute une industrie entière de production de choses et technologies jetables est en jeu!). A ce constat on additionne le fait que la gestion des déchets devient de plus en plus complexe, et ainsi très chère, raison pour laquelle les municipalités/gouvernements du monde entier font appel à des amis entrepreneurs (en réalité ça fonctionne plutôt à l’invers: des entreprises vont offrir des solutions magiques aux décideurs politiques pour arriver à avoir une ville «propre et clean»). Ces entreprises du secteur privé, savent bien que derrière les déchets, il y a tout une industrie de profit très avantageuse pour celles qui sont en haut de la chaîne de récupération, dont l’équation semble parfaite: toucher de l’argent pour collecter les résidus dans les villes, avec des camions propres de dernière technologie, et toucher après encore pour s’occuper de les faire disparaître (si c’est possible dans des entreprises aussi profitables comme les usines d’incinération, ou décharges contrôlées, par eux-mêmes!).
FATALISTE
$ + augmentation de déchets
INTERPRÉTATION GRAPHIQUE POUR UN SCÉNARIO FATALISTE
260
privatisation au profit des tonnes
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Tel scénario se répète partout dans le monde, et son interférence avec la dynamique spontanée (qui existait depuis longtemps avant la mis en fonctionnement de ces nouvelles entreprises offrant un panel de services) commence à voir ses revenus diminuer et instaure une vraie guerre pour les déchets, comme nous l’avons déjà constaté dans le cas parisien du XIX siècle. Ces types de modèle de gestion viennent dans la plupart des cas de la main des autres «packs de propreté» qui produisent l’éloignement de la pauvreté des centres urbains riches (qui font partie aussi de ces «déchets à disposer»). Dans notre réalité -scénario fataliste, nous remarquons l’éloignement des territoires spontanés, mais aussi leur augmentation. La paupérisation mondiale augmente, le pauvre ne peut pas payer son loyer, le nombre des gens expulsés dans les bidonvilles périphériques augmente aussi, et l’incapacité de garantir un revenu si modeste qu’il soit mais suffisamment stable à partir de la récupération des résidus, pourrait générer de vraies guerres urbaines (s’ils arrêtent de toucher de l’argent que vont faire t-ils?)
+ decharges sauvages disperses
=
2 multinationaux qui collectent et exportent “leur” résidus
guerre pour les déchets
augmentation des T.S , éloignement du centre ville et concentration du recyclage
261
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
5.D.3. Ecotopiste Le troisième scénario possible, est celui que nous avons appelé ecotopiste, qui pense à la Terre comme son but ultime et qui contemple plusieurs variables écologiques à la fois. A la place de croire que nos déchets vont magiquement disparaître, nous partons de la base que la séparation-tri de déchets à la maison devient une pratique solidaire et extensive. De la même façon qu’en 1539 les résidus de la ville de Paris doivent être trié à la maison entre liquides (urines, eaux croupies) et solides (tout le reste de choses pensables à l’époque, animaux morts, restes des aliments, excrétas, etc), semble logique, nécessaire et surtout pertinent que les habitants d’aujourd’hui pourraient trier les choses parfois inutiles qu’ils achètent, et devenir de «bons consommateurs». Cette séparation devrait être triple, une partie des déchets organiques (tous les restes de cuisine par exemple), d’une autre les déchets secs potentiellement recyclables (tout ce qui rentrerait dans le circuit industriel du recyclage) et enfin, ces déchets appelés ultimes dont leur deuxième vie paraît impossible avec nos moyens actuels de transformation. Les deux premiers types de résidus, seront donné «de la main à la main» aux ramasseurs qui passeront chaque jour chez les
ECOTOPISTE "secs" (potentiellement recyclables)
"humides" (organiques)
+
"rejets" (irrécupérables) séparation aà la maison
INTERPRÉTATION GRAPHIQUE POUR UN SCÉNARIO ECOTOPISTE
262
collecte mixte (camions pour les rejets, charettes pour les résidus)
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
habitants avec le système de porte à porte. Le ramasseur après un regard rapide initial, prend tout ce qui est récupérable, mais laisse de côté tout ce qu’un camion pourrait collecter chez les habitants un fois par semaine. Notre résultat souhaitable avec les dispositifs proposés dans notre protocole d’intervention, serait un recyclage spontané qui deviendrait lui aussi efficient plus que soutenable. Les ramasseurs récupèrent ainsi tout ce qu’on leur donne, pour trier, vendre, composter ou bio-digérer, ou bien réutiliser pour eux même toute sorte de meubles, vêtements, technologies etc. En bref, nous proposons pour Montevideo, ce que la ville de Paris a perdue après la fin du XIXe siècle. Ce scénario propose une métamorphose des conditions actuelles trouvées dans les territoires spontanés, où ses habitants continuent à s’occuper du traitement des résidus, mais dont la façon de travailler sérait reconnue auprès des habitants, avec respect et gratitude. La reconnaissance des institutions publiques se matérialiserait par une rétribution économique sur la collecte effectuée (par le secteur anciennement spontané mais actuellement reconnu, et sur l’environnement par la quantité des matières premières sauvées et la réduction de gaz à effet de serre. y g
résidus recyclables (à trier et vendre!!) résidus organiques (à composter!)
=
centres de traitement des restes irrécuperables
parcours camion-noir, collecte des rejets décharge supprimé
récipient collecteur des excréments (à biodigérer!)
recyclage spontané éfficient et soutenable!
parcours carrioles-rouge collecte des matériaux récyclables “port à port”
é metamorphose des certains T.S en centres soutenables de traitement des résidus et tissage de l'articulation dispersé entre eux
263
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
Nous allons développer ce troisième scénario à travers son fonctionnement systémique à partir de possibilités d’intervention que nous avons vues précédemment. Selon le type de déchets collectés, (nous partons sur la base du triage sélectif à la maison non automatique), selon le type d’acteur/ramasseur et le terrain disponible pour travailler, le résultat varie entre plusieurs combinaisons possibles d’intervention:
VARIABLES
Système: le Protocole dans la ville à travers le scénario ecotopiste
HYPOTHESES
5.E.
disposition
mélange/mixte
existant, container unique ligne
actuelle
composition résidus
+
une
intervention
pre-tri/"secs"
Exemple 1: container mixte – résidus mélangés – famille ramasseuse qui récupère les résidus – travail chez eux – bio-digesteur proposé + transport des rejets par la municipalité vers la décharge. Exemple 2: double container – résidus séparés – petite association de ramasseurs qui s’occupe de la collecte- travail dans un grand terrain – étalement par remblayage, stockage et compost des organiques comme traitement proposés – déchets verts transportés au site, vente de matériaux à l’industrie du recyclage et investissements en outils comme contraintes municipales. 264
double container habitants qui séparent chez eux
petit "humides" (organiques)
"rejets" (irrécupérables)
appui mutuel récupération de confiance (en soi et en l'autre) collecte “main à main” où “port à port”
association
surface disponible
CONTRAINTES
acteurs
POSSIBILITES
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
interventions
municipales 5.E système
=
famille
maison
5.C
biodigesteur
5.A
compostage
4.A
stockage
2.C
tri sous niveau
transports des réjets vers la décharge officielle
transports des déchets verts provenant de la zone rurale ou autre
petit terrain association incorporation a l'industrie du recyclage
grand terrain charrete
2.A
étalement par ramblayage
balance presse
elevateur
investissement en traitement
n moyenne consolidée
2.B
étalement par tapis roulant 265
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
zone de production rural (compostant C pour compost)
+
zone de tri selectif
ménager dans 3 compostants: 800 T p/jour des résidus recyclables 1000 T p/jour des résidus organiques 200 Tp/jour des restes irrécuperables
+
60 60 dispositif tri collectif - intégrales (17 T p/jour) 4500
dispositif tri familial à la maison des ramasseurs
+
20 dispositif traitement - compostage, échelle moyenne, (20 T p/jour) 200 dispositif traitement - élevage cochons et biodigesteurs (12 cochons chacun)
5.F. M o nto p i e : u ne v ille d e S u r v ie S o u tenable 266
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
1800 T
par jour collectés
par les ramasseurs
1000 T traitées aux centres de tri 800 T traitées à la maison
40000
citadins participants
à la collecte "port à port"
18000 ha de sol agricole amélieoré par le compost
(echange gratuit: compostant C par compost)
700 T matériaux vendu à l’industrie +
500 T résidus compostés +
(400 echelle moyenne et 100 familiale) +
300 T pour alimentation des animaux =
1500 T
par jour des matériaux
triés-récuperés
800 ha de compostage +
20 ha de biodigesteurs =
800 T p/jour transformés =
96000 deCO CO2 960 000 TTdes desémissions émisions de 2 réduits! réduits par an!
267
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
«Nous savons que la planification est un processus. Même s’il est bon, il n’obtient pas de transformations immédiates. Presque toujours c’est une étincelle qui initie une action et la conséquente propagation de cette action. C’est ce que je nomme “bonne acupuncture”. Dans l’acupuncture, l’important consiste en ce que la piqûre doit être rapide. Il n’est pas concevable dans l’acupuncture que l’aiguille s’introduisse avec des pressions lentes et douloureuses. L’acupuncture exige rapidité et précision.» Jaime Lerner1
PLAN D’UNE AUTRE MONTEVIDEO EN MODE ÉCOTOPIQUE
1 Acupuntura Urbana, éd. Record, Rio de Janeiro, 2003. 268
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
10500
postes de travail integrés
et reconnus par le système de géstion de déchets +
400
400
dispositif de tri, traitement,
dispositif de tri,et traitement, récuperation recyclage
+ récuperation et recyclage
+
210 000 T de matériaux recyclés p/an
210 000 + T +
de matériaux recyclés p/an
25 000 000 U$/an
de chiffre d’affaires estimé
25 000 000 U$/an =
de chiffre d’affaires une ville estimé de survie soutenable! =
une ville de survie soutenable!
LÉGENDE
3 huile
8 bateries
60 compostage
5 verre
60 coopératives
18 métaux
6 pneus
20 papier
35 plastique
14 résidus spéciaux
10 entreprise fournisser
1 autres
240 biodigesteurs
En réponse aux actions étudiées précédemment, notre protocole d’intervention aurait comme strategie une acupuncture urbaine. Celle-ci aurait lieu dans la ville de Montevideo à travers des centaines de «piqûres» aux caractéristiques différentes.
269
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
RÉCUPERER!
Montopie fonctionne par dislocation générale, comme alternative à la concentration de l’actuel système de gestion de déchets, qui ne considère pas justement la réalité dispersée de tous ces lieux actuels de traitement de résidus comme les territoires spontanées où les ramasseurs habitent.
+ SE SOLIDARISER!
+
ÉTALER COUVRIR!
STOCKER!
Montopie nous parle d’une survie à travers laquelle l’homme transforme les choses existantes. Nous, les architectes, devons réinventer notre discipline en tant qu’architecture de survie.
+ COMPOSTER! =
BIO DIGÉRER!
270
Montopie est soutenable. Elle a re-conceptualisé son rapport à la nature, pour des notions plus intégrales qu’une idée seulement «esthétique» ou environnementale. La nature dans Montopie n’est pas liée a la couleur verte des parcs sans usage, mais elle préfère la couleur marron de la terre.
5 5.A 5.A.1 5.A.2 5.A.3 5.B 5.B.1 5.B.2 5.B.3 5.B.4 5.B.5 5.C 5.C.1 5.C.2 5.C.3 5.D 5.D.1 5.D.2 5.D.3 5.E 5.F
271
6.
BILAN
Si les villes territoires de l’avenir arrivent à gérer leur déchets d’une manière durable, où tout se transforme et est récupéré le plus possible, en produisant d’autres types d’emploi nécessaire pour notre présent et surtout notre futur, nous pourrons être en face d’un nouveau paradigme, celui d’une survie soutenable. Paradigme applicable aujourd’hui là où les transformations visent à inclure le secteur spontané dans la gestion de la ville mise en place. Est-ce que nous sommes pourtant prêts en tant qu’architectes, urbanistes ou gestionnaires publics, à gérer un système aussi complexe que dispersé? Pourrons-nous composer à partir d’une dispersion territoriale assez provocatrice, tout en intégrant ces habitants qui survivent grace à nos déchets? Quel type de réseaux doit apparaître dans la ville? Le comportement continuellement auto-organisé et autopoïetic du réseaux... L’action de réseau est l’effort sans garantie de succès et l’effort pour réaliser la simultanéité de création des conditions qui le facilitent. L’auto-organisation de pratiques créatives est basée sur une temporalité dans laquelle la forme est une question de production de relations. Ici, la production urbaine rencontre l’articulation contemporaine de pratiques artistiques (…) Une architecture qui est devenue fluide et qui supporte les articulations spontanées différentes des espaces de possibilité sans interpréter leur instabilité fondamentale comme un manque. Les formes provisoires de participation culturelle se forment dans la convergence des réseaux (…) Les réseaux constituent des alliances d’action attractives non parce qu’ils forment une structure de puissance fermée, mais parce qu’ils promettent la possibilité d’une transformation (…) La transformation est ainsi revendiquée comme un lieu de résistance. .28 28 Peter Mörtenböck & Helge Mooshammer, Networked Cultures, Parallel Architectures and the Politics of Space, éd Nai, Rotterdam, 2008, p.22,23. (traduction de l’auteur) 272
Les réponses concernant le travail en réseaux, resteront pour l’avenir, mais les défis que la question contient en matière de travail intégrateur d’une dislocation spatiale dans la ville, restent toujours pertinentes au vue de son passé mais aussi de son présent:
«Avant la privatisation du système, nous réussissions à collecter beaucoup de matériaux et à vivre de leur vente. Maintenant avec la nouvelle entreprise, nos revenus ont diminué à cause des nouvelles poubelles pour trier les matériaux, que l’entreprise a amené de loin et nous interdit d’approcher. Nous n’avons plus accès à ces matériaux donc nous touchons moins d’argent, et en plus ces matériaux finissent dans des décharges et ils ne sont pas recyclés».Mohammad Nazir, ramasseur à Delhi, 201029.
29 Extrait du film Counterbalance, Chintan-Witness,US/Inde, 2009.
«Nous on est des biffins, on récupère la marchandise, soit des choses de la poubelle ou soit de la marchandise que les personnes nous donnent, pour notre bien personnel ou pour essayer de les revendre au marché le weekend, samedi dimanche et puis le lundi, pour essayer de survivre. On a créé cette association «Sauve qui Peut» pour parler avec l’autorité publique et les habitants, pour essayer d’avoir une place et puis qu’on rentre dans la légalité». Mohamed Zouari, biffin à Paris, 201030.
30 Extrait du film Pour un marché sociale de la récupération, Paris, 2008, http://www. dailymotion.com/video/x4d145_biffins_ news. Pour plus de renseignements sur l’association de biffins à Paris, voir http:// biffins.canalblog.com/ 273
7.
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FILMS ET VIDEOS Counterbalance, Chintan/Witness, US/Inde, 15’ 2009. Pour un marché sociale de la récupération, Paris, 10’ 2008. La Zone, Georges Lacombe, les filmes de charles Dulli, Paris, 24’ 1928. Wall-E, Andrew Stanton, Walt Disney Pictures, États Unies, 98’ 2008. Mon Oncle, Jaques Tati, 120’ 1958.
278
8.
ANNEXES
ANNEXE I Liste des Cités Chiffonniers et territoires spontanés, ordonnée selon leur période approximatif d’existance à Paris
1840-1860
Montagne Saint Genevieve,12éme arrondissement -A. Faure p.8, Privat d'Anglemont, p.53 Saint Marceau , Renault, p.25 Rue Delambre (derrière Luxembourg) - Victor Meunier, 1855, Renault p.22 Rue Saint Marguerite (place Bastille), citations de 1853 en Renault, p.25, Dumesnil p.141
1860-1890
CLICHY: Cité Germain ou Petit Mazas , Barberet p.96 Cité Foucault Renault p.25, Paulian p.55, Barberet p.95 MONTMARTRE: Cité Maupit , 224 rue marcadet, Alexis Forel , 1885, A.Faure, annexe 1 Fournier, Conseil d'hygiène, 1886, A.Faure p.11 Malbert, id. AUTRES: Clos Macquart , 79 rue Secrétan, XIX arr, Renault p.22, Dumesnil, p.155 Cité des Vaches , Rue de la Révolte -Barberet p.96 Cité Doré, Place Pinel et Bd de la Gare , Barberet p.96, Dumesnil p. Rue Château Rentiers et Rue Jonas, Dumesnil, p.37 Cité Jean d'Arc, Rue Nationale et Bd de la Gare, Dumesnil p.99 Cité Kroumirs, entre Rue Jenner et Place Pinel, Dumesnil p.119 Hotel Lyonnais ou Cité Biffin, Rue Lyonnais entre Rue Bertholet et Rue Loucine - Dumesnil p.45
1890-1929
Cité Mont-Viso , Rue Baudricourt , Renault p.57 Cité Thibeaux, Rue Letort, Renault p.52-53 Cite Millet, Av Michelet, Renault, p.27-59 L'Ille aux Singes, 15éme arr, article de 1908, Faure p.11 Cité des Mousquetaires, 15éme arr, id. Cour des Miracles, 15éme arr, id. Butte aux Cailles, Renault, p.18 Bld Auguste Blanqui, photographies de E. Atget, 1898-1927. Cité Valmy, Porte d'Asnieres, id. Cité Trebert, id. Porte de Montreuil id. Porte d'Italie id. Ruelle de Gobelins, E. Atget et Renault, p.18 Porte d'Ivry, E. Atget Saint Ouen, Marché au puces, Renault, p.49 et divers 279
ANNEXE II TABLEAU DES CHIFFRES SUR LA DYNAMIQUE DU RECYCLAGE SPONTANÉ DE PARIS. ÉLABORATION À PARTIR DE SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES DIVERSES.
GENERATION COLLECTE COUT
CHIFFONNIERS TYPES, UBICATION, REVENUES
50 000 fr p.jour (jetés) 522 000 T p/an déchets enlevés (1885) 2075100 francs payés 18 000 000 p/an 91440 T enlevés par chiffonniers rammmasseurs = 600000 fr p/an economises! 580 000 T p/an en 1895 2400000 habitants 240 kg/hab/an* 655472 T p/an en 1902
20 000 chiffonniers
MAITRES CHIF.
INDUSTRIE DE RECYCLAGE, RECUPERATION ET GADOEUS
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
280
4950 chiffonniers en 1903 2000 placiers 1060 coureurs 1350 gadouillers 72000 T/an collectes par placiers 19440 T/an par coureurs
3% 5e 25% 13e 30% 14-15e 15% 18e 9%-19e 18% 20e paris 47,8 banlieu 52.2
100 maitres à paris et banlieu 135 depots paris -97 extra murs Marché detaillé par jour: 75000 kg de chiffon 15000 kg de verre blanc 90000 kg d’os 25 fr. les 100kg de graisse des os 45000 kg papier et carton 5fr. la livre de cheveux 1fr. les 1000 bouchons 6 litres de lait avec croûtes de pain pour les chevaux 6 fr. la salle de café concert pour les boutes de cigarres 3fr. les 100 kg pour les boites à sardines 500 000 kg d’engrais à partir de la graisse d’egout peaux de lapin divers (huitres, escargots, , bretelles, élastiques, bottines,etc) Paulian, 1910, p.6, 86,101,112,115,138, 145,151,156,161,175,182,220
4 900 000 fr p/an 85% provenant de chiffoniers
Entrepreneurs vendant la gadoue entre 0fr75 à 1fr50 p/T sur wagon, plus prix de transport (2fr 50 à 3fr p/T) = 3fr25 à 4fr 50 le T de gadoue prix de terres à 25 km de Paris doublée en 15 ans (de terre sablonneuse à terre de culture merci au gadoues) Valeur théorique dans la gadoue parisienne = 5 millions francs p/an Office du Travail, 1903, p.17, 69,70,75 * les estimations à l’époque donnent la moyene
de 1 kg de production de déchets p/personne, donc le total doiv être 864000. La différence de tout manière entre cet chiffre et l’estimé de recollection par les chiffonniers donne une “saldo negativo” de 250 000 T
1 3
41000 chiffonniers en 1887 (15 000 chiffonniers placiers collecten 40 kg p/j et gagnent 2fr 40 c) (20000 chiffonniers coureurs (1fr 50c p/j) (6000 chiffonniers de nuit 1 fr p/j
100 000 fr p/an 36 millions p/an
Renault,p.2 1900
71400 fr p/an
25 millions p/an
35000 chifonniers, gagnent 2fr (p/ personne p/ jour) 70 000 fr p.jour de revenutotal 25 millions p/an
165 maitres
360 maitres chiffonniers
40 000 chiffonniers
500 000 person total dans l’industrie
Chambre syndicale M. Potin,chiffonnier, 1884, Commission d’enquete sur la Barberet, 1887, p.70 hygiene, 1886, Bulletin officiel des chiffonniers, 1886 Barberet, 1887, p.78 Barberet, 1887, p.84
10 000 médailles donnésaux chiffonniers entre 1828 et 1870 5248 chiffonniers dans Paris et 1802 dans la Zone (4000 placiers 2000 courreurs) = 7050 chiffonniers en 1848
Marché de vente de: os papier chiffons cuivre boite sardine verre blanc, cristal ou couleur
M Alphand, directeur de travau de paris, prefecture, 1884 Barberet 1887, p.82
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ANNEXE III ORDONNANCE 1828 (CITÉ PAR JOSEPH BARBERET LE TRAVAIL EN FRANCE : MONOGRAPHIES PROFESSIONNELLES, CHIFFONNIERS, P. 98-99) Art. 1er- tout chiffonnier sera porteur d’une médaille délivrée par la préfecture de police, sur la présentation d’une certificat délivré par le commissaire de police du quartier de celui qui en fera la demande signé par deux témoins patentés. Art.2 - Ces médailles seront d’un modèle uniforme. Sur une face sera gravée un numéro d’ordre, avec le nom en toutes lettres et les initiales des prénoms, ainsi que le millésime de l’année qu’elle aura été délivrée. Sur le revers de la médaille seront gravés la taille, l’âge, et le signalement du titulaire. Si cette médaille venait à être perdue, il en sera délivre une autre portant la mention: duplicata. Le coût de la médaille est de 1fr. 10c. Art.3 - Cette médaille devra être apparente, ainsi qu’une plaque en tôle portant le numéro de ladite médaille et qui devra être placée sur le mannequin. Art.4 - Les chiffonniers devront être porteurs d’une petit balai pour relever les ordures, lorsqu’ils auront fouillé dans un tas, afin que la voie publique soit toujours en état de propreté. Art.5 - Ils ne devront dans aucun cas stationner sur la voie publique, ni y déposer quoi que ce soit qui puisse gêner la circulation Art.6-La nuit ils devront être porteurs d’une lanterne, sur laquelle sera reproduit sur un abat-jour, le numéro de leur médaille. Ils devront être rentrés à 11 heures du soir, ou tout au moins leur lanterne devra être éteinte. Art.7 – Ils ne devront, sous aucun prétexte, marcher deux ensemble, ni être accompagnés d’un chien. Art.8 – Ils devront présenter leur médaille à tout réquisition des agents de la force publique. Art.9 – Ils ont le droit de circuler dans toutes les rues, quelles qu’elles soient, sans distinction, et dans toutes les communes du ressort de la préfecture de police. Art. 10- Tout chiffonnier qui cessera d’exercer sera tenu de déposer sa médaille à la préfecture de police; il lui en sera donné un reçu, et lorsqu’il voudra refaire le métier, sa médaille lui sera remise en échange de son reçu. ANNEXE IV ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES. ARRÊT DU PRÉFET POUBELLE, 1884 Le Préfet de la Seine, Vu les règlements sur la police de la voirie de Paris, notamment les lettres patentes du mois de septembre 1608 ; Vu les lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791 ; Vu la loi du 28 pluviôse an VIII et le décret du 10 octobre 1859 ; Vu l arrêté du Gouvernement en date du 11 septembre 1870 interdisant les dépôts d ordures ménagères sur la voie publique, ledit arrêté renouvelé par ceux du 14 juin 1871 et du 4 juin 1875 ; Considérant que la mise en pratique des dispositions prescrites par l arrêté susvisé du 11 septembre 1870, en ce qui concerne le dépôt et l enlèvement des résidus de ménage, démontre qu’il y avait inconvénient à laisser chaque habitant ou locataire déposer un récipient contenant les ordures ménagères ; Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d’obliger le propriétaire de chaque immeuble à mettre à la disposition de ses locataires un ou plusieurs récipients communs qui seront déposés le matin, à la première heure, à la porte de la maison pour recevoir les résidus de ménage 282
de tous les locataires et qui seront remisés, aussitôt après le passage des tombereaux d’enlèvement ; Considérant que le mode de chargement par un cabestan sur les voitures exige que les récipients aient des dimensions déterminées ; Arrête : Article premier. Il est complètement interdit de projeter sur la voie publique, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, les résidus quelconques de ménage ou les produits de balayage provenant de l’intérieur des propriétés privées ou des établissements publics. Article 2. A partir du 15 janvier 1884, le propriétaire de tout immeuble habité sera tenu de faire déposer chaque matin, soit extérieurement, sur le trottoir, le long de la façade, soit intérieurement, près de la porte d’entrée, en un point parfaitement visible et accessible, un ou plusieurs récipients communs de capacité suffisante pour contenir les résidus de ménage de tous les locataires ou habitants. Le dépôt de ces récipients devra être effectué avant le passage du tombereau d’enlèvement des ordures ménagères, enlèvement qui doit commencer à six heures et demie du matin pour être terminé à huit heures en été (c est-à-dire du 1er avril au 30 septembre) et commencer à sept heures pour être terminé à neuf heures en hiver (c est-à-dire du 1er octobre au 31 mars). Les récipients doivent être remisés à l’intérieur de l’immeuble un quart de heure au plus après le passage du tombereau d’enlèvement. Le concierge, s’il en existe un dans l’immeuble, sera personnellement tenu d’assurer cette double manœuvre, sans préjudice de la responsabilité civile du propriétaire. Article 3. Les récipients communs, quels qu’en soient le mode de construction et la forme, devront satisfaire aux conditions suivantes : Chaque récipient aura une capacité de 40 litres au minimum, et de 120 litres au maximum. Il ne pèsera pas à vide plus de 15 kilogrammes. S il est de forme circulaire, il n aura pas plus de 0,55 m. de diamètre ; s il est de forme rectangulaire ou elliptique, il n aura pas plus de 0,50 m. de largeur ni de 0,80 m. de longueur. En aucun cas, la hauteur ne dépassera la plus petite des deux dimensions horizontales. Les récipients seront munis de deux anses ou poignées à leur partie supérieure. Ils devront être peints ou galvanisés et porter, sur une de leurs faces latérales, l’indication du nom de la rue et du numéro de l’immeuble en caractères apparents. Ils devront être constamment maintenus en bon état d’entretien et de propreté, tant intérieurement que extérieurement, de manière à ne répandre aucune mauvaise odeur à vide. Article 4. Sous réserve des exceptions prévues ci-après aux articles 5 et 6, il est interdit aux habitants de verser leurs résidus de ménage ailleurs que dans les récipients communs affectés à l’immeuble. Ils ne devront effectuer ce versement que le matin avant le passage du tombereau d enlèvement. Si le récipient commun vient à faire défaut ou se trouve accidentellement insuffisant, ils devront, soit laisser leurs récipients particuliers à la place ou auprès du récipient commun, soit attendre le passage du tombereau pour y verser directement le contenu de ces récipients particuliers. Article 5. Il est interdit de verser dans les récipients communs les détritus qui font partie de l’une des deux catégories suivantes et que les particuliers sont tenus de faire enlever à leurs frais, savoir : 1° Les terres, gravois, décombres et débris de toute nature provenant de l’exécution de travaux quelconques ou de l’entretien des cours et jardins. 2° Les résidus et déchets de toute nature provenant de l’exercice de commerces ou industries quelconques. Sont seules exceptées de cette interdiction les ordures ménagères proprement dites des établissements de consommation. 283
Article 6. Il est également interdit de verser dans les récipients communs les objets suivants dont l’administration assure l’enlèvement, mais qui doivent être déposés dans des récipients spéciaux à côté des récipients communs, savoir : 1° Les débris de vaisselle, verre, poterie, etc. , provenant des ménages. 2° Les coquilles d huîtres. Article 7. Il est interdit aux chiffonniers de vider les récipients sur la voie publique ou de faire tomber à l’extérieur une partie quelconque de leur contenu, pour y chercher ce qui peut convenir à leur industrie. Article 8. Toutes les prescriptions du présent arrêté seront applicables aux immeubles situés dans des voies non classées, ou dans des cours, passages, impasses et autres espaces intérieurs ayant le caractère de propriétés privées. Dans ces différents cas, les récipients communs devront être déposés au débouché de ces voies privées ou espaces intérieurs sur la voie publique. Article 9. Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées par des procès-verbaux et poursuivies conformément aux lois. Les procès-verbaux pour infractions concernant le dépôt et le remisage des récipients communs seront dressés à la fois contre le concierge et le propriétaire de l’immeuble, ou seulement contre le concierge ou le gardien, s il s agit d un immeuble appartenant à l’État, au Département ou à la commune. Article 10. Sont abrogés les arrêtés des 11 septembre, 14 juin 1871 et 4 juin 1875. Article 11. M. le Directeur des Travaux est chargé de l’exécution du présent arrêté qui sera inséré au Recueil des actes administratifs et publié, par voie d affiches, dans toute l’étendue de la ville de Paris. Fait à Paris, le 24 novembre 1883. E. POUBELLE. Arrêté publié dans le Bulletin Municipal Officiel de la Ville de Paris le 22 décembre 1883. ANNEXE V EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DE M. POTIN, MAÎTRE CHIFFONNIER, À LA COMMISSION DITE DES 44 (COMMISSION PARLEMENTAIRE), LE 11 MARS 1884. (CITÉ PAR JOSEPH BARBERET LE TRAVAIL EN FRANCE : MONOGRAPHIES PROFESSIONNELLES, CHIFFONNIERS, P.70, ET P.73) Avant l’arrêté (Poubelle, 1884), un chef de famille avec sa femme et ses trois enfants gagnait 10 Frs par jour, soit 2 Frs par personne en moyenne. Depuis qu’on ne peut plus vider les ordures sur la voie publique, 50 % des détritus utilisables que recueillaient les chiffonniers sont perdus pour l’industrie française. Et au lieu de 2 Frs par jour, les chiffonniers gagnent à peine 1 Fr. Je suis marchand de chiffons! J’employais, avant l’arrêté, six hommes et un certain nombre de femmes. J’achetais en moyenne pour 500 Frs par jour de détritus; depuis, je n’en achète plus que pour 140 ou 150 Frs; au lieu de six hommes, je n’en emploie plus que trois, et sur dix ou douze femmes, j’ai été obligé d’en renvoyer la moitié. Or ces hommes et ces femmes, qui ne peuvent plus travailler chez moi, ne trouvent pas plus d’ouvrage chez mes confrères, ils sont sur le pavé de Paris, il leur est impossible de s’employer. Il est évident que ces femmes ne peuvent guère aller faire de la couture ou de la lingerie. Voilà la crise que nous subissons. Le préfet nous a dit: «Je ne veut pas supprimer le chiffonnage, et la preuve c’est qu’il 284
a un ou deux chiffonniers sur chaque voiture». Mais ces un ou deux chiffonniers n’ont pas le temps, quelle que soit leur bonne volonté, de trier et d’enlever des tombereaux à ordures tout les détritus utilisables dans l’industrie qu’ils contiennent. Il en résulte que 5O% au moins des détritus sont totalement perdus (…) Il y a dans un tombereau d’ordures :ménagers ramassés à Paris de quoi faire vivre 50 à 60 personnes. Si 4 seulement sont admises à y fouiller, elles sont seules à en bénéficier. Les 46 autres chôment. (…) Dans les étoffes avec lesquelles on fabrique même les vêtements de luxe, il entre 20 ou 25% de vieux lainages, de vieux mérinos effiloches auxquels on ajoute 75% de laine neuve. Ces mérinos, séjournant dans la boite aux ordures, subissent une dépréciation. La chaleur les corrompt, les détériore, et ils n’ont plus le corps aussi ferme.
ANNEXE VI EXTRAIT DE CAHIER DE CHARGES DE L’ENTREPRISE POU L’ENLÈVEMENT DE BOUES ET ORDURES MÉNAGERS ET RÉSIDUS DU BALAYAGE DE PARIS, DU 1891 AU 1899 (CITÉ PAR OFFICE DU TRAVAIL, L’INDUSTRIE DU CHIFFON À PARIS, IMPRIMERIE NATIONALE, 1903, P.73) Art.21- Tout les produits contenant dans les récipients déposés par les riverains ou projetés illicitement sur la voie publique, appartiendront l’entrepreneur qui tirera tel parti qu’il jugera convenable, soit en les transportant au dehors pour être livrés à l’agriculteur, soit en les transformant dans des usines par voie de crémation ou par tout autre procédé... Art.25- L’entrepreneur aura toujours le droit de poursuivre les auteurs d’enlèvements illicites qui s’opéraient à son détriment à l’exception des chiffonniers dont le droit de recherche et de prélèvement soit dans les récipients avant le passage de tombereaux, soit dans les tombereaux eux mêmes lorsqu’ils sont autorisés à monter pour aider au chargement, demeure expressément réservé... (cité par Office du Travail, L’industrie du chiffon à Paris, Imprimerie nationale, 1903, p.74) Malgré la concurrence des autres sortes d’engrais, le rôle joué dans l’agriculture pour l’emploi des gadoues a été remarquable; grâce à elles, on a pu principalement aux environs de Paris, mettre en valeur des terres de mauvais qualité. C’est ainsi qu’à environ 25 kilométrés de Paris, le prix de location de terrains de culture à terre sablonneuse a doublé en quinze ans. En 1901, à la suite des travaux d’épandage qui apportaient de l(humidité a un sol que en manquait, le prix de locations annuelles a varié de 100 à 150fr par hectare. La population indigène qui d’abord, avait cultivé pour subvenir à son propre entretiens a pu grâce à l’emploi de gadoues, engrais peut couteaux, se livrer à la culture maraichère intensive en vue de livraisons au marché des halles à Paris. On a du faire appel à la main d’œuvre d’ouvriers étrangers. Alors que antérieurement un père de famille aide de trois jeunes pouvait cultiver 40 hectares; il ne peut aujourd’hui avec le même nombre de bras en cultiver que 8, sinon il doit prendre des aides. ANNEXE VII BLAISE CENDRARS Cette illusion n’est plus possible aujourd’hui que ces groupes HBM font le tour de Paris. Peut-on imaginer quelque chose de plus désespérant que ces logements de deux pièces, 285
trois pièces entassés les uns sur les autres jusqu’au septième étage à raison de deux, trois douzaines de portes par palier dans des couloirs interminables, ces paquets de grands immeubles en redans construits avec un matériau préfabriqué qui ressemble à du carton-pâté ou à du papier mâché (j’entends bien du papier hygiénique mâché après usage), ces îlots où plus rien n’est français, sauf la voix des bandes de gosses rivaux qui se chamaillent le soir au fond des cours, les petits bébés qui crient toute la nuit, faisant les dents, ayant les vers, et ce sont leurs pleurs inextinguibles qui percent cloisons et façades et, le matin, à l’heure de la radio, les ménagères qui agonisent de balcon à balcon en secouant leur literie, des mégères qui se crêpent le chignon au marché. Il y a encore le bruit des poubelles qui est bien de chez nous, sinon on se croirait en Tchécoslovaquie tant tout cela est rationalisé d’une façon primaire» ANNEXE VIII EMILE ZOLA, LE VENTRE DE PARIS. 1873. Pages 1 et 2. (...) Au milieu du grand silence, et dans le désert de l’avenue, les voitures de maraîchers montaient vers Paris, avec les cahots rythmés de leurs roues, dont les échos battaient les façades des maisons, endormies aux deux bords, derrière les lignes confuses des ormes. Un tombereau de choux et un tombereau de pois, au pont de Neuilly, s’étaient joints aux huit voitures de navets et de carottes qui descendaient de Nanterre; et les chevaux allaient tout seuls, la tête basse, de leur allure continue et paresseuse, que la montée ralentissait encore. (...) Et, sur la route, sur les routes voisines, en avant et en arrière, des ronflements lointains de charrois annonçaient des convois pareils, tout un arrivage traversant les ténèbres et le gros sommeil de deux heures du matin, berçant la ville noire du bruit de cette nourriture qui passait. (...) Page 271 : (...) En arrivant à Nanterre, la voiture prit à gauche, entra dans une ruelle étroite, longea des murailles et vint s’arrêter tout au fond d’une impasse. C’était au bout du monde, comme disait la maraîchère. Il fallut décharger les feuilles de choux. Claude et Florent ne voulurent pas que le garçon jardinier, occupé à planter des salades, se dérangeât. Ils s’armèrent chacun d’une fourche pour jeter le tas dans le trou au fumier. Cela les amusa. Claude avait une amitié pour le fumier. Les épluchures des légumes, les boues des Halles, les ordures tombées de cette table gigantesque, restaient vivantes, revenaient où les légumes avaient poussé, pour tenir chaud à d’autres générations de choux, de navets, de carottes. Elles repoussaient en fruits superbes, elles retournaient s’étaler sur le carreau. Paris pourrissait tout, rendait tout à la terre qui, sans jamais se lasser, réparait, la mort. - Tenez, dit Claude en donnant son dernier coup de fourche, voilà un trognon de choux que je reconnais. C’est au moins la dixième lois qu’il pousse dans ce coin, là-bas près de l’abricotier. Ce mot fit rire Florent. (…) ANNEXE IX LE ..ATALAGUEILLE, CRIS DE PARIS, VERS 1500. J’achepte vieur fer : vieur drapeaur Aussi la mesnagere sage En ramassant petis lambeaur Fait tout servir a son mesnage. 286
xÉditorial La Propia Cartonera, élaboration de la couverture du mémoire (L.Fernandez) http://lapropiacartonera.blogspot.com/
xMarcelo et une partie de sa famille xEduardo et Jorge yEduardo et Lucia, parcours en la Fiat 147, Montevideo, mars 2010.
ANNEXE X
Images prises à Montevideo, mars 2010. 287