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SERVICE JURIDIQUE
«Attention
Gravier!»
Dans le cadre des travaux pour la transformation d’une entrée/sortie d’autoroute, des camions, chargés de matériaux d’excavation, sortaient du chantier sur la chaussée routière. Le chantier était signalisé avec le signal «chantier», ainsi qu’avec une limitation de la vitesse maximale à 60 km/h. Le propriétaire d’une Porsche s’est plaint de la présence de gravier sur la route et du fait que sa Porsche, au passage, aurait véritablement été bombardée de gravier propulsé en l’air par le véhicule qui le précédait.
TEXTE: Richard Calame, avocat, service juridique Cadres de la Construction Suisse
Le dommage à la carrosserie était de plus de CHF 6'000.–. Basé sur l’article 58 du Code des obligations (responsabilité du propriétaire d’ouvrage), il a actionné la Confédération en dommages et intérêts, pour un montant de CHF 6'900.–. Selon la jurisprudence, pour juger si un ouvrage est affecté d’un vice de construction ou d’un défaut d’entretien, il faut se référer au but qui lui est assigné; un ouvrage est donc défectueux lorsqu’il n’offre pas une sécurité suffisante pour l’usage auquel il est destiné. Ces principes s’appliquent aussi aux routes. Comme tout autre ouvrage, les routes doivent être conçues et entretenues de manière à permettre aux usagers de les utiliser avec une sécurité suffisante. Il n’y a cependant pas lieu de poser, lorsqu’il s’agit d’une route, des exigences trop importantes; le réseau routier ne peut pas être entretenu de même manière qu’un bâtiment isolé. L’on ne peut pas demander au propriétaire de la route de la construire de manière à offrir le plus grand degré de sécurité pour le trafic possible. Il suffit que la route puisse être empruntée, en faisant preuve d’une diligence ordinaire, sans danger. Il incombe en première ligne aux usagers d’emprunter la route avec prudence, et d’adapter leur comportement aux condi-
tions routières. Il y a lieu d’apprécier en outre si l’élimination des défauts ou l’application de mesures de sécurité est techniquement possible, et si les coûts qui en résultent restent raisonnablement proportionnels à l’intérêt des usagers de la route et du but auquel doit répondre l’ouvrage en question. Ainsi, un obstacle sur la chaussée, qui ne peut pas être reconnu à temps par l’usager normalement attentif, doit pour le moins être signalé de manière suffisante s’il ne peut pas être éliminé en prenant des mesures raisonnables. En l’occurrence, après une procédure d’administration des preuves, le tribunal a retenu que la chaussée, au moment de l’incident, était partiellement souillée par des déblais de chantier sous forme de petits cailloux (graviers). De plus, il a retenu que la route avait été nettoyée plusieurs fois par jour, avec des brosses et de l’eau. Ce nettoyage était complété par un nettoyage hebdomadaire spécial avec utilisation d’un karcher à haute pression. Le tribunal a aussi retenu que le degré de salissement se situait dans les limites normales pour des chantiers, et que les usagers de la route devaient s’attendre à de tels obstacles. Le chantier avait aussi été suffisamment signalé. Dès lors, toutes les mesures auxquelles on pouvait s’attendre avaient été prises. Spécialement la mise en place d’une installation de lavage pour les roues de camions aurait été disproportionnée.
Bilan: le tronçon routier en question avait été régulièrement entretenu, et des mesures de sécurité qui auraient été au-delà de celles qui avaient été prises auraient été disproportionnées. En conséquence, la demande a été rejetée, et les frais de la cause, de CHF 2'500.–, mis à charge du propriétaire de la Porsche. Cour suprême du Canton de Berne, arrêt du 21.01.2020 (ZK 19 190)
RICHARD CALAME, Avocat
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