inti ansa
Au pied du mur
SĂŠrie sans titre (acrylique sur bois) 35x35, 2015
inti ansa Au pied du mur
Française née à Mexico en 1978. Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, je me consacre à l’expression artistique depuis plus de 18 ans. En dehors de mes toiles, j’ai illustré plusieurs livres pour enfants, des jeux de société et depuis 3 ans, je développe mon travail hors de mon atelier principalement lors de mes voyages en Amérique Latine, où la peinture murale est très présente. Me confrontant aux différents matériaux urbains, utilisant la force du corps comme prolongement du pinceau. Un terrain sans cadre aux limites infinies. Mes voyages m’ont permis de collaborer avec des artistes locaux et dans une fusion plastique, échanger nos cultures respectives. J’ai eu l’occasion de participer au projet de la “Tour Paris 13”, de peindre au Chili, Argentine ainsi que dans certains endroits insolites en Bolivie. La peinture me permet de révéler un univers onirique. J’utilise des images retranscrites avec précision, des objets sortis de leur contexte. Je veux voyager hors de mes repères et créer une confusion poétique qui me plonge dans notre dualité. Toujours accompagnée, entourée et contrôlée par des dentelles, des fleurs et des accessoires où se rencontrent nos peurs et nos espoirs de l’innocence infantile. Je peins le reflet d’un état intérieur qui prend forme à mesure qu’on le réalise.
sur le mur La vie m’attrape Je m’accroche Aux appâts
SĂŠrie sans titre (acrylique sur bois) 35x35, 2015
Ketchup Souffle de vie, instant partagé, boule fertile d’un mouvement arraché. De la terre au bitume jaillissant à mes pieds, rouge hémoglobine, ne fut pas monnayée. Sans échange de billets, la tomate en purée, beauté ronde et flétrie fut ainsi oubliée.
L’étreinte Noir, en pénombre, les yeux mi-clos Une main sur son dos, en caresses infinies La coupe d’une forme aux courbes ondulantes Enlace en silence leurs corps assoupis. Ils devinent et dessinent, enivrant, émouvant Le temps d’un repos où leurs chairs affaiblies Salueraient de ses rides à leurs vies accomplies. Noir en pénombre, les yeux mi-clos L’amour en ivresse Leurs âmes pour promesse.
Quand passe l’oiseau Dans les eaux du lagon Martyre le poisson Parsème le sillon Savait que mourir Servait à nourrir… Assis sur son pont A la recherche d’un thon Attendit patiemment Entendit soudainement Le cri d’un oiseau… Il mordit à l’hameçon.
Poèmes par Claudy Photographies par Naara Bahler et Inti Ansa
Confidences D’abord il y a le stylo qui trimbale les pensées… on hésite… on réfléchit… puis par hasard on surprend un mot… joli, alors on lui offre une famille, l’habille ainsi de poésie et soudain, la phrase s’en va tomber sur une rime qui va exalter notre imagination. Par fierté, on peut se relire pour mieux revivre son émotion. Ou bien, transportée par la plume, au fil de l’encre, on peut déverser toute une sensation de monotonie, d’espoir, ou de passion. Les mots échangent alors la vérité pour un peu de beauté. Les sentiments s’épuisent dans la volupté, Mais ce n’est que l’instant qui s’est paré d’éternité. Oui, la plume nous trahit quand on écrit sur tout ce qui nous habite. Les mots, les mots sont trop faciles, La sincérité en devient si fragile. Ce serait si simple de ne rien dire, D’attendre pour savoir, Peut-être n’écrire que cela.
Claudys et coquelicot J’ai oublié qui je suis… il y a longtemps, je suis arrivée dans un grand jardin… j’ai beaucoup marché et je me suis beaucoup cherchée… beaucoup de gens marchaient et se cherchaient aussi, alors j’ai appris à m’appeler Claudy. Très vite ce jardin de terre, de ciel, de soleil s’effaça sous la fumée, le plâtre et l’électricité. Et dressée dans son impassible fierté, une immense horloge criait son tic-tac au rythme des pas qui prenaient sa cadence. Chaque aiguille qui tombait dessinait une ride sur leurs visages… le temps passait. J’ai entendu l’horloge mais je n’ai pas voulu l’écouter. Je continuai inlassablement à errer vers d’autres horizons. Peut-être ce fut à cause de ce premier frisson, cette première espérance que j’avais nommé coquelicot. Pendant toute cette longue marche, je n’avais cessé de le rechercher et vouloir le retrouver. Puis, un jour, perdue et tant fatiguée, je me mis à pleurer. C’est alors que je baissai les yeux et que soudain il apparut. Lui, mon coquelicot, il était là, tout à côté de moi, tout fragile mais encore si rayonnant. Il était là et depuis tout ce temps, il m’attendait. Alors apaisée, je me suis reposée près de lui et je me suis endormie.
La nuit avait dû être très longue car lorsque je me suis réveillée mon coquelicot avait disparu. Il ne me restait rien de lui que la beauté de sa solitude, la grandeur de son espoir et la fragilité de sa vie. Tandis que le tic-tac de l’horloge résonnait de plus en plus et abrutissait les foules, mon esprit encore embaumé d’amour s’élevait dans un monde inconnu. Le jardin était devenu un théâtre… le fric, le sexe, la frime avec un tas de metteurs en scène. Les gens avaient caché leurs visages sous des masques, changé leurs sourires en grimaces et remplacé leurs âmes par des ordinateurs. Et dans cette cohue, moi, je me sentais seule, très seule. Mon cœur baignait encore dans le rouge écarlate de l’amour. Je ressemblais étrangement à mon coquelicot qui, du haut de sa tige, offrirait ses pétales de sang à une autre réalité qui voudrait bien le cueillir. Un jour, peut-être… quelque chose, Une autre vie à découvrir Un autre monde à parcourir Une autre façon de servir.
Stop ! Silence Partir dans un petit coin De verdure et de parfum. S’asseoir sur la mousse Et puis attendre… Attendre de sentir la feuille, l’arbre, le ciel, Le soleil et le spectacle tout entier, Nous pénétrer. Écouter s’élever l’appel langoureux Du vide sacré. Sentir le néant Nous transpercer. Puis, tout à coup, s’éclater Entre le trop petit et le trop grand, Et le temps d’un spasme, Devenir Dieu.
Avant de se relever, Méditer, méditer longtemps… Pour repartir Avec la volonté De ne cesser D’être Dieu.
Quand je serai enfant Quand je serai enfant, j’achèterai un gros ballon, rond, tout rond, Et le lancerai vers le ciel, pour qu’il s’envole haut, très haut Quand je serai enfant, j’irai cueillir des fleurs des champs Pour les offrir à ma maman et qu’elle m’embrasse tendrement Quand je serai enfant, j’achèterai plein de bonbons, tout plein, Que je donnerai à mes copains pour qu’ils m’aiment bien, très bien Quand je serai enfant, je m’échapperai tous les soirs, et très loin, Je me roulerai dans la boue avec de beaux habits Pour qu’ils deviennent gris tout gris. Je regarderai les étoiles et me sentirai bien, très bien. Aussi quand je serai enfant, je n’écouterai personne, Encore moins mes parents, n’irai pas à l’école, Ne me laverai pas les dents, je ferai tout comme les hommes Et puis, quand je serai enfant, Je dirai merde aux grands.
Baradero 2013, Argentine