Clartés d’ombre Anne Gary
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Clartés d’ombre
Clartés d’ombre par Anne Gary
Saint-Germain-des-Prés Rue de l’Abbaye doucement protégée par Saint-Germain-des-Prés les passants flânent entre galeries d’art et boutiques de mode Les toits de Paris les terrasses anciennes au pied du clocher médiéval s’adossent, intemporels Les ogives romanes voûtes en berceau et pierre ancestrale sont modestes et magnifiques : c’est le vieux Paris des intellectuels et des poètes où on aime s’attabler aux bistrots ensoleillés… 13 janvier 2011
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Printemps 2011 Les années passent. Le printemps revient. Et, toujours émerveillé après les froidures difficiles, le poète trace les jours de ses mots qui subliment l’atroce et le néant… Floraisons de couleurs soleil doux de mars font un tableau délicieux pour qui reconnaît la renaissance du monde malgré les événements de l’actualité le Japon et la Libye… Debout, nous nous devons de dire les choses intérieures contre les injustices des hommes iniques et méprisants souvent irresponsables… Le poète fait son chemin toujours réinventé tendre est l’aube quand le merle chante. Il est des saisons privilégiées, et tout ce qui éclot est promesse d’à venir envers et contre tout : car un bonheur vaut mille morts…
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La plume de l’oiseau et les signes sur l’écran volent de même les instants précieux et nous revivons avec le ciel dont la bleuïté réjouit accueillant les branchages fleuris des cerisiers et des magnolias. 31 mars 2011
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Poésie du jour Le jour arrive à terme gris et actif et le merle chante le soir après le poème de l’aube… Il est des instants, on ignore pourquoi, qui valent des millénaires, plus précieux que soi-même car oublieux des maux… L’hôpital de jour, entre Yves, Déborah et Céline m’apporte la présence vivante de l’humain et des différences qui se parlent… J’y réalise des œuvres, des rencontres et des visions émues tant chaque jour mon lot existentiel se précise en Beauté… Profond, profond, profond est le temps des plénitudes pour hier et pour demain. Il y a des confidents des écoutes bienveillantes, des êtres sensibles contre l’ignorance et l’inculture facteurs des troubles du monde…
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Les loquelas de Loyola sont des petites traces au quotidien, des humeurs, des micro-événements, comme ma vie, dont les choses minuscules, deviennent immenses et splendides à travers mon regard poète… 31 mars 2011, 19 heures
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Aube Il est des jours, ô nuit, toi la nuit qui porte conseil, qui aiment à dire, murmurer à l’oreille de l’aube, les choses du cœur et de l’esprit… Mélomane et poète, l’épiderme sensible, moins écorché qu’autrefois, reprend le rythme des vers salvateurs. Non plus je, mais il ou nous, pour appréhender le monde, sommes les porteurs d’à venir par le poème. Toi, ami et confident, comme les lunes éternelles, déesses du souvenir tu donnes à découvrir l’intériorité de l’être. Et dedans, dehors, dialoguent entre le texte et la parole, soufflés par les dieux intermittents…
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Parfois, triste, on chante une mélancolie ou une rechute très brève ; mais souvent, depuis quelques temps, l’extérieur se fait précieux pour enrichir l’instant. Cela s’écrit : une trace du moment, une sensation, un émoi, vers l’autre partageant l’expérience toujours renouvelée… 1er avril 2011, 5 heures 30
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Fumée Les volutes bleues montent, dansantes, vers le plafond. Le petit cigare, odorant, âcre, vanillé, met son parfum épais dans la pièce enfumée. Le poète aspire ce bout chaleureux, se réfugie dans cette ambiance de confiance et de goût, cette douceur, ancestrale et dangereuse. Il fume ce feu qui le rassure, compagnie et antidépresseur… Le paquet de cigarette à portée de main, le briquet à sa poche, sont pour lui l’habitude bienfaisante et mortelle. Le poème est habité de ces gestes qui datent de la nuit des temps… Il rejoint ses ancêtres, le poète il fume le calumet de la paix il offre ses mots et ses exhalaisons chaudes, visuelles, au monde, réceptacle de ses paroles et de son expiration lente. Le souffle rauque, les lèvres adoucies, la bouche aux saveurs de nicotine font remonter à minuit les désirs et les saveurs du jour…
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La cigarette est son amie de toujours. Chez soi, dans les chambres félines, on peut percevoir les odeurs et la mouvance de la fumée… 7 avril 2011, 2 heures du matin
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Soleil Bienheureux, il profite du printemps ensoleillé, regardant par la fenêtre les chats qui se dorent sur le toit brûlant. La journée, belle, riche de rencontres, où Yves écoute, bienveillant et actif, s’écoule plutôt bonne. Le clavier rapide accueille les doigts du poète, ce poète féminin qui est moi… Le passé, devenu aujourd’hui, s’est mué, de la folie, à quelque chose de l’ordre du bonheur : en tous cas une certaine sérénité… La saison des fleurs est salvatrice après les hivers rudes et dépressifs… Poème : une joie écrite spontanément creuse l’instant pour faire de la pensée des signes sur la feuille. Les mots aimés, musique, posent du sens sur la portée du présent.
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Dans le temps des confidences le jour est riche de l’esprit comblé. Mais ce siècle saigne dans d’autres contrées même en mon pays la douleur sévit. Ma phrase combat les libertés assassinées et mon espérance va, avec toutes les luttes et les courages vers plus d’équité, de respect des droits humains… 8 avril 2011, 18 heures
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Silence Le silence est intérieur. Dehors, les enfants jouent, les oiseaux chantent. Dedans, derrière ce visage aux cernes bleus, il n’y a pas de bruit, soudain plus de parole. Ce peu d’effusion, ce trouble de ne rien dire, sont une sorte de solitude, qu’on attendait plus. C’est brutal et nu : le vide opère sa douleur, malgré le printemps. Tension, doute, lucides et tremblants, taisent le dialogue, alors on l’écrit, exorcisme. La rue est ensoleillée. Mais l’esprit, muet de mots saccadés par un cœur trop rapide, se heurtent à l’abandon. Personne, une absence, un départ d’ici et maintenant : je ne suis plus là pour glorifier la saison.
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C’est brusque et brûlant ; la fluidité de penser se meurt, frissons d’inquiétude, anxiété maladive. Pour vous, je pose mes maux sur la feuille et j’espère mercredi partager mon mal-être. 9 avril 2011, midi 30
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Petit matin Les veilles ensoleillées avec la sœur et les passants dans la rue animée vers les brocantes du boulevard Voltaire furent douces au cœur… Achetant un carnet de croquis et un nouveau Livre d’Or je fus contente de ma journée malgré une anxiété à midi solitaire. Ma sœur souffre de ce que je peux dire et cela m’a troublée car je publie mon poème où je parle d’elle sans égard pour sa tendresse. Je m’en suis voulu et je le regrette mais en même temps c’est moi qui ai pensé cela et mon texte fait partie de ma vie et de mon recueil… C’est le petit matin ce dimanche d’avril. La nuit m’a consolée et j’ai trié mes fringues : j’en ai plein de quoi tenir des années… 20
Le monde est ainsi fait que tout n’est toujours pas rose ; il y a des moments plus difficiles et les fins de semaine en font partie. J’aime le lundi, le commencement des activités avec des gens que j’aime. Voilà pour ce poème. 10 avril 2011, 7 heures
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Insomnie Sommeil, sommeil, songes, bras de Morphée, nuit calme et reposée le poète y aspire, dans ses peines sans dormir… Il reste stupide, allongé, fatigué, inapte à toute action, mais sans sombrer dans le salvateur écho du rêve. La nuit, silencieuse, entre une heure et sept heures, s’écoule, interminable, à seulement espérer s’assoupir, la tête sur l’oreiller auprès du chat qui ronronne. On se lève, on attend, il n’y a personne que l’esprit habité et le matin peuplé tarde à venir. Il fait frais en ces nuits d’avril, la couette réchauffe après les chaleurs presqu’estivales. Frisquet, minuit nous accueille sans prévenir. Le cœur lascif, nerveux, est refusé au repos, Les minutes, les demi-heures, les éternités, passent lentement, à s’impatienter, alangui, trop épuisé pour agir, et pas assez pour s’ensommeiller. Le jour se lève peu à peu, vers six heures et demie. Le merle chante, le ciel est gris, l’instant tragique ne parvient plus à s’éveiller, maintenant que la nuit est passée… 13 avril 2011 , 6 h 45
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Soirée Ils furent ensemble les trois sœurs et le père chez le poète accueillant : petit dîner estival en avril sous un soleil prometteur le temps est beau, la parole bienveillante, et l’on oublie les textes du passé. On se retrouve, ceux qui portent leur cœur dans la main révoltée, à évoquer la politique et les métiers de chacun… L’ainée est convaincue, comme les deux autres, qu’il faut changer les choses et le poète croie qu’on ne peut le faire qu’en bouleversant l’ordre des mots du poème. Pour que le monde évolue on doit lire, et lire, et lire, et certains estiment nécessaire la présence d’un despote éclairé, car le peuple est stupide…
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Le père est un peu absent, il entend mal et il reste dans son coin… C’est maintenant un vieux monsieur, âgé et fatigué… La mère n’est plus, on se souvient, on repense au passé, mais on ne se torture pas, car elle dort pour toujours, apaisée auprès des anges… Croître, croire, créer, écrire, peindre, aimer je sais cela, fragile mais puissant. avril 2011, 5 h 30 du matin
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