Eric Fayet Olivier Margerit
e r e P u a s n o l i e s u s e g f i Con San M
Confessions au père San Miguel Carnet de voyage de deux cadavres exquis
Š Eric Fayet et Olivier Margerit, 2012 ISBN : 978-2-36673-002-9
Confessions au père San Miguel Carnet de voyage de deux cadavres exquis
par Éric Fayet et Olivier Margerit
« Ceux qui partent sur les traces de Rimbaud devront effectuer le voyage retour à cloche-pied. » Éric Chevillard, L’Œuvre posthume de Thomas Pilaster « Faites gaffe, ce coup-ci, il y a des noyaux dans les olives ! » Catherine Grand, Salade grecque
I- Autopista
*** L’autopista était blanche de monde et il pleurait des chiens. *** Le serpent silencieux marchait sur la pelade d’acier, la carcasse se dressait pour embrasser le ciel. *** Dans la boue mordorée s’étreignaient des chaleurs d’absolu, pendant que la mère océane s’ébrouait au soleil. *** Le jaguar anthracite poursuivait les moteurs empressés. ***
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*** Jamais l’antilope, salée, bleue, poudreuse ne perdait l’allégresse disparue. *** Partir n’est pas osciller : la brûlante illusion niche dans l’itinéraire. *** Derrière la peau luisante des habitacles s’esquissait l’arrogante solitude. ***
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II- Pas si loin… d’ailleurs
*** Une volée d’hirondelles, le vieux clocher tressaille. Les souvenirs take away se consomment sur place. *** Il reste au fond des yeux le cœur de ce soleil s’enfonçant dans la baie, où coule un sang taurin qui peuple la marée. ***
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*** Sentiment rassurant d’un territoire connu, aux sourires évidents d’une chaleur essentielle. Sur les carreaux du ciel dansent les os. *** Mais derrière chaque balise peut surgir l’aventure. Le lâcher-prise électrise la volupté des instants vacants. ***
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III- Plage arrière
*** En ce temps-là, le tumulte lascif s’enhardissait vaguement dans la dune turgescente. *** Le sable reflétait l’appel de la cagole : elle s’étendait. En soirée, sa figuration s’immergeait dans l’usine d’écume qui s’enlisait en elle. ***
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*** Viandes échouées au bord de l’eau… salée. Depuis que les enfants les amarrent à des larmes de nylon, les cerfs-volants ont mal aux bois. Épaves de corps abimés. La conchyliculture néglige les coquilles creuses serties de chair humaine. Tristesse de notre inhumaine condition. La mouette jette son boomerang dans l’azur impassible : point de retour possible. Dans ce concentré d’Europe s’abîme la dernière once d’humilité des peuples du nord, conquérants sans vergogne d’un sud souffrant, totalement complice de sa destinée. Saline et sablonneuse floraison d’un charnier sans victime : après la bataille se dénudent les squelettes. La mer, elle, berce et redonne à l’ensemble un souffle de vie. Là cuit et se délave la peau tendue des nymphes. Au loin s’écoute l’Espoir. *** 20
*** Pourquoi les châteaux s’envolent-il dans les strings spongieux ? *** Le grain malicieux pulvérise le drapeau de la palme. *** Lorsque la folie égratigne le parasol au niveau de la côte, la pouliche mange la bretelle de l’horizon. *** Le pare-brise lorgne, sur l’ancre des serviettes, la femelle immaculée que les nuages ensablent dans le roulis sirupeux. ***
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*** Le vent velléitaire vilipende la véliplanchiste aux petits seins rebondis derrière la voile endolorie. *** Les cadavres exquis aux sourires édentés se regardent déçus de leur promiscuité. *** S’étendre dans le liquide sympathique. Laisser agir le doux mouvement maritime. S’abandonner. N’être plus. Oublier ses sens. Mourir au monde. ***
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