Vanessa Honnet
Tome 1
Insouciance
Tome 1: Adrian & Le誰na
Š Vanessa Honnet, Insouciance, 2014
Vanessa Honnet
Insouciance
Tome 1: Adrian & Le誰na
Petit lexique des phrases Italiennes utilisées dans ce tome 2
« Cazzo « putain « Cazo « connard « Mia bella « ma belle « Mia cara « ma chérie « Basta « assez ça suffit / stop « Vaffanculo « va te faire voir « Tesoro mio « Mon trésor « Sei tanto sexy « Tu es tellement sexy « Ti voglio bene « Je t’aime, je t’adore « Baciami « Donne-moi un baiser, embrasse-moi « Tu hai le labbra le piu morbide del mondo « Tu as les lèvres les plus douces du monde. « No, non smettere… » Non n’arrête pas…
« La force naît par la violence et meurt par la liberté » Léonard de Vinci
Prologue
Là où ma vie s’est achevée, là elle commencera. La violence ne mène à rien, sous cet obscur d’inachevé on lui donne bien des noms, bien des façons de la rendre sauvage, interdite… Le silence, cette sensation inquiétante, intimidante qui insuffle un autre sens à la vie, une infime lueur perse à travers les rideaux occultant. L’obscurité qui nous ramène à nos plus vieux cauchemars, à notre enfance. L’odeur est nauséabonde, de la suie, des effluves de vieux poisson peut-être. Une odeur d’herbe que je ne connais malheureusement que trop bien. La chaleur est pesante, lourde, si moite. Poignet à l’agonie, mes liens sont très serrés, mordants sur ma peau blessée, j’ai l’impression d’être nouée avec une chaîne large à gros maillons qui mord ma chair à chaque mouvement fait. Je me souviens avoir déjà été attachée ainsi par le passé, j’avais trouvé ça humiliant, c’était un peu le but surtout venant de lui. Suis-je attachée à un lit ? Au montant d’un radiateur ? Ce coup-ci je ne saurais dire. C’est stressant, intimidant je me sens flouée, punie, démunie, mal terriblement mal. Que m’est-il arrivé ? Que m’a-t-on donné ? Je ne me souviens de rien ce coup-ci… Je suis prise de vertiges tels que sur des montagnes russes puissance dix mille, je ferme les yeux plongeant la tête en arrière me cognant au mur de pierre. À présent je sais où je me trouve, c’est une pièce close dans l’abri antiatomique derrière notre domaine, à l’odeur il n’y a pas de doutes. Mon estomac se retourne je tente de maîtriser
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mon angoisse grandissante en inspirant longuement, ma respiration est saccadée, prise de soubresaut, vais-je tenir le coup ? Combien de temps vais-je encore rester punie ici ? Humiliée… Qu’ai-je fait ce coup-ci pour susciter autant de haine et de rancœur ? Que va-t-il faire de moi ? Tout un tas de questions se déchaîne, s’en est trop, personne ne devrait vivre ça. Quand je vois ce qu’il arrive aux femmes battues, à celles qui n’ont pas eu le cran de faire face et de prendre le taureau par les cornes, j’ai l’impression que ma vie se résume à une scène macabre que l’ont découvre les soirs au JT, à un roman de gare dont personne ne souhaiterait mener la vie. Et pourtant me voilà, je suis là et je l’ai déjà vécu tant de fois sans pour autant « prendre le taureau par les cornes » comme je me suis si souvent imaginé faire. Tant de soirées comme celle-ci où je me suis retrouvée ligotée, inconsciente, abattue, battue, enfermée quelque part pour plusieurs heures. J’ai dû à un moment donné prendre conscience, parce qu’il n’est jamais trop tard. Peut-être qu’après tout ma vie ne peut pas s’achever ainsi ! Je me suis éveillée parmi cet obscur brouillard de solitude et de haine, il fallait que ça cesse ! J’avais déjà tant de fois échappé de justesse à une mort certaine alors s’il peut parfois être trop tard et bien souvent c’est ce qu’attendent les femmes dans le même enfer que moi. Pas de courage, beaucoup de crainte, personne pour nous aider à faire face alors oui certainement parfois il serait plus simple de baisser les bras et d’ignorer jusqu’au prochain coup qui peut-être sera le dernier ! Là ou je rêve secrètement d’un amant doux et aimant, d’une main prête à me soutenir en cas d’échec et de tristesse, quelqu’un pour apaiser mes mots quand la maladie fait rage, quelque part je me prends à rêver que ce quelqu’un m’attend lui aussi et que tel un preux chevalier sous son armure il vienne mettre fin à ce cauchemar renaissant et un début à mon conte de fées pour le moment plus que mal barré !
« Le passé je l’emmerde ! L’avenir je le prends ! « (Note à moi-même)
1. Figari Corse Terminal
« Toutes les violences ont un lendemain » Victor Hugo (philosophe prose) Ça y est l’inquiétude pointe, la panique totale, c’est le moment, mon angoisse resurgit je m’enfonce dans ce long couloir bondé de monde (couloir de la mort ? D’une nouvelle identité ? Une nouvelle vie ? Non impossible rien ne pourra jamais me changer ni même une fausse identité je suis moi en vie et lâche, lâche de n’avoir été capable de mettre fin à ces années de violence, d’en finir avec cette souffrance lancinante qui me ronge.) Je songe à mon passé celui que j’ai difficilement traversé et maintes fois essayé d’oublier. Qui suis-je ? Personne… J’envoie un SOS, c’est écrit sur mon front, personne ne peut rater un regard rongé par la peine et le désastre, je suis juste un petit bout de femme qui tente de survivre. Je regarde autour de moi mon sac à main sous le bras sans nul autre bagage, la voix féminine dans les haut-parleurs attire mon attention et me dirige tant bien que mal à travers les halls de l’aéroport croisant au passage toutes sortes d’expressions si peu familières pour moi. Trahissant toutes sortes d’émotions, amour, joie, bonheur, beaucoup l’excitation. Et qu’en était-il de moi ? J’étais à peut prêt toutes les émotions opposées réunies, une vraie bombe à retardement prête à exploser, je prends une grande inspiration, m’excusant alors que je viens de rentrer dans une vieille dame qui
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scrutait minutieusement un dépliant devant ses yeux sur les agences de voyages. – Madame ! j’opine simplement renvoyant un chaleureux sourire à cette hôtesse impeccablement vêtue et coiffée, elle pourrait être modèle dans les magazines ou égérie des marques les plus prestigieuses. Je passe devant elle et traverse le couloir. Siège en première, classe affaire, je suis gênée je ne me sens pas à ma place, je m’installe nerveuse, intimidée, l’air est sec, ce qui m’attend l’est encore plus je m’envole pour Los Angeles plus précisément Venice, rejoindre Camille ma meilleure amie, femme étonnante, une perle qui a eu trente ans le mois dernier, une amie comme on en trouve plus, une espèce rare en voie d’extinction. Cam, ma Camille, nous avons grandi ensemble dans un petit village de Corse, elle a toujours été là pour moi, à la mort de mes parents alors que je n’avais que dix-sept ans, à mes nombreux voyages à travers différentes familles d’accueil, là ou mes autres prétendus amis ont fini par abandonner la pauvre petite orpheline à son triste sort, Camille elle a su m’épauler, nous étions inséparables. S’ensuivit le lycée, une époque difficile pour une adolescente vivant avec ses propres souvenirs de parents disparus dans les flammes de notre maison d’enfance, de ma vie partie en poussière avec tout ses souvenirs, l’objet de mon talent, l’ancien piano de vieux bois aux bougeoirs dorés appartenant à mes arrières arrières grands-parents, mes études prévues dans une prestigieuse école de musique, les nombreux albums photos de familles si petites soit-elle, c’était nous, trois pas un de plus, et en un brin de poussière j’ai fini seule, seule âme brisée suffoquant en plein milieu du salon de notre maison, seule survivante. Je revivais sans cesse cette période sous forme de cauchemars perpétuels. Les crises, les bagarres à l’école, les psychologues, puis sans états d’âme quand on fait n’importe quoi on le paye forcément un jour, moi j’ai arrêté mes études, je me suis retrouvée grâce à l’oncle de Cam à travailler dans les bureaux d’une petite agence de voyages, ce n’était pas suffisant financièrement alors à côté j’ai enchaîné les petits boulots, je voulais à tout prix quitter ma dernière famille d’accueil, Alberto et Louise, la quarantaine, un couple aux apparences trompeuses, lui
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trempant plus ou moins dans certaines affaires douteuses. Ils m’ont fait rencontrer Lorenzo, fils d’un des dealers d’Alberto. J’ai d’abord été conquise par son côté Bad Boy il était plus âgé de deux ans de plus que moi avait de l’expérience, des amis aussi mauvais soient ils je n’étais plus seule, j’étais convoitée, nous étions jeunes, Camille n’a pas cessé d’être là pour moi pourtant elle avait une sainte horreur de mes nouveaux amis et détestait encore plus Lorenzo et ce qu’il faisait de moi, détestait mes prétendus parents, mais qui veut ! Dans ce petit village c’est à celui qui cri le plus fort, les autres n’ont qu’à se taire face aux nombreux trafics passant sous leur nez. Cam à survécu avec moi à cette période dérisoire de ma vie, plus de musique, plus de joie, plus que de la drogue, des armes cachées, de la trahison des bagarres, je me suis laissée entraînée, peu de temps après elle est partie, il y a quatre ans de ça maintenant que Camille a quitté notre belle Corse pour enrichir sa carrière de comédienne à Los Angeles où vivait déjà une partie de sa famille. Moi j’ai gardé la tête hors de l’eau et le contact avec elle, Lorenzo avait de plus en plus d’emprise sur moi alors que je le détestais de plus en plus lui et la vie qu’il m’avait donné. J’ai bien essayé de le quitter, et chaque fois il revenait plus méchant, plus violent, resserrant son emprise, son pouvoir autour de moi tel un étau, impossible de me défaire de la pression de mes « parents », j’ai tout lâché. À peine devenue femme et déjà obligée de démissionner de mon poste de rédactrice d’une agence de voyages pour devenir une petite chienne bien sage et bien dressée. Que dire de Lorenzo, il a ruiné ma vie, littéralement dilapidé mes sensations, ma joie de vivre, j’ai fini par croire tout ce qu’il me disait, fini par être persuadée de n’être qu’une coquille vide assouvissant les moindres désirs de son maître ! Ça fait cliché, mais quelle enflure quand j’y repense. Voilà ! Après avoir subi les années de démences de Lorenzo il m’avait fallu ce coup de trop pour me trouver le courage et la force de partir. J’étais mal, très mal, les bleus étant passés par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel pouvaient en attester. Ça faisait un moment que Camille me proposait son aide, elle connaissait cette enflure, sa famille, ses relations, et surtout mes soi-disant parents qui m’avaient poussé dans les bras de celui-ci sans vergogne. J’avais toujours refusé, trop inquiète, et puis finalement ce
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jour arriva, tel un petit soldat elle avait échafaudé un plan bien solide j’avais dû trouver le plus gros mensonge qui soit afin de sortir de cette forteresse qu’était ma nouvelle maison, Fabrizio le jardinier m’avait vu, mais j’avais réussi à l’embobiner à coup de petit mensonge. Sans pouvoir prendre d’affaires pour ne pas attirer les soupçons je m’étais rendu au village afin de retrouver la voiture que Camille avait fait venir et qui me conduirait à l’aéroport et loin de cette folie meurtrière. Je ne m’en étais pas trop mal sortie finalement. J’ai vingt-huit ans et ma vie commence maintenant, ici même, regardant une dernière fois l’île de beauté.
*** Je fouille nerveusement dans la poche de ma veste de tailleur à la recherche de mon portable, je l’en sors et l’allume au comble de l’angoisse, pas d’appel, aucun texto, je relâche enfin la pression j’ai réussi mon coup. Avant de l’éteindre, je relis une dernière fois la conversation avec Cam, celle que nous avions eue tôt ce matin. 18
« Ma chérie je sais que tu m’en veux… » « Un peu oui ! » « Tu m’as refusé le jet que je mettais à ta disposition donc te voilà en première c’est tout ! » « Je ne pourrais jamais assez te remercier. » « Oh arrête ne t’inquiète pas tu verras on veillera bien à ta sécurité ici, tu ne risqueras rien. Oublie ces derniers jours c’est du passé. » « J’essaie et s’ils me retrouvent ? » « Je sais ma belle, mais tu seras protégée ici. » « Je dois te laisser plus de batterie je viens d’entrer dans l’avion. Je t’embrasse, tellement hâte de retrouver ma best friend. » BIP. Bon il aura survécu à cette dernière nuit ultra mouvementée, je le fourrage dans mon sac, je me suis sentie au bord de la nausée toute la semaine, trop inquiète que quelqu’un tombe sur mon portable, sur mes plans, Lorenzo était fidèle à lui-même, con, prétentieux, horriblement blessant, je me rassurais en me disant que bientôt cet univers-là serait derrière moi. Je n’étais pas allée rendre visite à mes (faux) parents,
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depuis ce jour où ils m’ont emménagée chez Lorenzo s’en était fini, je leur en voulais. Comment des parents même adoptifs peuvent-ils laisser faire des choses pareilles ? Même pour de l’argent ! Je regarde les quelques magazines placés dans une pochette entre mon siège et celui à côté de moi évacuant mes idées noires et ne peux m’empêcher de scruter l’habitacle, l’avion est imposant bon c’est vrai c’est une première pour moi ! Il y a des hommes d’affaires, des couples heureux et amoureux, vacanciers aisés, je me détends enfin, ma liberté commence ici même. Dans quelques heures j’aurais retrouvé Camille, elle a dû changer depuis tout ce temps, qu’est devenue cette femme à présent ? Je regarde mon petit sac à main, portable, Lip Balm Dior, quelques sous, vraiment très peu il ne faudrait pas qu’il m’arrive des bricoles, ma carte verte pour le territoire américain valable 90 jours, lunettes, livre « Te Succomber » de Jasinda Wilder, passeport, brésilien. La seule chose que j’avais pu glisser discrètement dans mon sac à main. J’allais repartir de zéro. Mon iPod sur les oreilles avec la douce musique « Chasing Cars » je soupire et regarde par le hublot cette journée s’annonce la plus chaude de la saison et la plus belle de toute ma vie. Le Boing fait le plein de touristes et d’hommes d’affaires. J’étire mes jambes douloureuses. Ce que j’aimerais retirer mes bottes… la course jusqu’au centre-ville m’a épuisée, mais je m’en suis bien sortie puisque j’étais arrivée ici, j’avais bien évidement remercié le taxi qui avait été adorable avec moi. Pas le temps de regarder ailleurs qu’un homme vient s’installer sur le siège à côté du mien jetant un coup d’œil pour saluer cette personne, je l’inspecte et ce que je vois me laisse pantelante. Une imposante carrure, je ne peux pas m’empêcher de le détailler des pieds à la tête. Il est grand, large d’épaules, des cheveux châtain foncé coiffés ébouriffés comme s’il avait simplement passé une main dans ceux-ci négligemment. Je scrute les mains de l’individu posées de chaque côté des accoudoirs, imposant sa présence et lui donnant un air de PDG ultra viril et sexy en diable, galbé dans un costard chic et hors de prix taillé sur mesure, de grandes mains halées, je ravale quelques images folles survenant dans ma rêverie, ma libido me joue des tours et comment lui en vouloir après ces années merdiques !
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– Mes mains vous plaisent ? – Hein pardon ? Je blêmis. Une voix chaleureuse et avenante, rauque au possible comme s’il avait passé une nuit à chanter dans un concert de rock, je me demande ce que cette voix peut donner les matins au réveil chuchotant des mots doux aux oreilles de sa compagne… Tu t’ égares là ma vieille ! Je continue mon inspection, une mâchoire taillée dans le roc, des traits droits parfaits, des lèvres bien remplies, esquissant un magnifique sourire dévoilant une rangée de dents particulièrement blanches. Mes yeux remontent je suis incapable d’articuler alors que je tombe dans son regard, d’un vert profond. Cette voix chaude semble me sortir de ma rêverie, je tente un sourire malgré ma gêne grandissante, je l’ai dessapé des yeux sans vergogne et à présent c’est lui qui me détaille longuement d’un air approbateur, esquissant un sourire qui dessine une fossette. Dieu qu’ il est séduisant ! Ma conscience jusqu’à présent endormie se met à faire des acrobaties. Je suscite encore un peu d’intérêt, elle danse, fait une révérence, mon dieu que c’est bon. J’ai l’impression de m’éveiller d’un trop long sommeil. Je revis, enfin… Qu’est-ce qui me prend de le regarder comme ça… ? – P… pardon, veuillez m’excuser. Son sourire s’agrandit, son regard pétille, se moque-t-il de moi ? Je plisse les yeux comme pour essayer de déchiffrer son comportement il enchaîne d’un ton doucereux pas gêné pour un sou… – Je vous trouve charmante, je n’aurais pas pu rêver mieux comme compagnon de voyage ! Et toc il détourne le regard et plonge dans son siège me laissant au dépourvu rougissante et complètement à l’ouest, que vient-il de se passer ? Qu’est-ce qui lui prend à celui-là ? En même temps j’avoue que me retrouver là, en si bonne compagnie élargit ma joie de m’être enfin décidée à fuir. Cet homme est beau comme un dieu et je lui donnerais pas plus que quelques années de plus que moi. Liberté, liberté ! me répétais-je à moi même reposant ma tête au fond du siège. Merde alors ! Je regarde les passagers calés dans leurs sièges,
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suis-je la seule à avoir un voisin So Sexy ? Juste pour moi, pour plus de douze heures… Je jubile que c’est bon de pouvoir de nouveau poser les yeux sur quelqu’un sans risquer une raclée douloureuse… Voilà, finito, j’ai tout envoyé pété je suis fière de moi, de ma conscience réveillée, de mon courage, de ma libido enfin réveillée en présence du beau spécimen à mes côtés. Je m’apprête à être quelqu’un d’autre. Merci Camille, sans elle je n’aurais jamais tenté l’impossible, surtout sans argent. L’hôtesse passe nous saluer, enfin surtout mon voisin, en même temps on ne peut pas lui en vouloir, il ne lui prête guère attention et me sourit manipulant son portable hors de prix, tout dans son attitude me prouve qu’il fait plus vieux qu’il en a l’air. Je n’arrive pas à le déchiffrer, sans doute oserais-je lui poser la question s’il daigne m’adresser la parole durant le vol. – Bonjour, ma chérie ! Tu voyages léger dis-moi… Où comptais-tu te rendre comme ça ? Non non impossible. Cette voix, ces mots, je manque de m’étrangler je me sens tout à coup nauséeuse c’est impossible à mes yeux, pas maintenant ni plus jamais ! je n’ose relever le regard de peur d’affronter la réalité, non c’est impossible, comment ? Je m’y risque malgré tout je n’ai pas le choix je dois savoir. À cet instant tout mon monde s’écroule je sens l’enfer m’engloutir toute entière, il est là, Lorenzo est là debout près de nous, son regard va de l’un à l’autre trahissant sa mauvaise humeur, il a dû nous voir discuter, même un court instant, c’est trop pour lui ! Il serre les dents, sa mâchoire tressaute, je suis incapable de lui décrocher un mot même pas un « Qu’est-ce que tu fou là ? » Non rien je suis tétanisée, liquéfiée alors je compte mes battements de cœur. Peut-être que celui-ci va s’arrêter de battre et abréger ma vie ainsi que ma souffrance. Mon voisin nous regarde tour à tour perplexe, je remarque que son regard n’a plus rien de sexy et d’amical il arbore un masque impassible, dur et viril. Sans un mot, le regard possédé par le pire des enfers, Lorenzo va rejoindre son siège plus loin à deux rangs côté hublot. Nous n’aurions pas été dans cet avion il se serait jeté au coup de mon voisin, à savoir lequel des deux aurait gagné à en juger par l’air maussade du play-boy à mes côtés. Je compte jusqu’à cinq m’em-
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pêchant de me recourber en deux et de me cacher tête entre les jambes à tirer sur mes cheveux. C’est plus fort que moi, mais je respire, j’inspire j’expire longuement recouvrant un peu de sang-froid. Je veux sortir mon téléphone et vite prévenir Camille. À cet instant je me maudis, plus de batterie et l’avion sur le point de décoller : aucun retour en arrière possible, aucune échappatoire, je suis foutue. Porca puttana ! Me voilà à jurer tout haut comme le faisait maman faisant sursauter mon voisin de siège qui me regarde perplexe avec cette lueur d’inquiétude qui me transperce. Ah si tu savais Mr ! – Est-ce que tout va bien ? ? – Merci, ça va, c’est la première fois que je prends l’avion ! Et ce n’est pas un mensonge ! Je n’ai pas besoin de m’épancher sur le sujet je vais d’abord devoir m’en remettre à ma bonne étoile qui jusqu’à maintenant jouait l’inexistante et accepter le destin vers lequel je m’avance. Il est là, tel un prédateur prêt à se jeter à la gorge de sa proie, Lorenzo me foudroie d’un sourire narquois en coin. Je le déteste !!! Il n’y a plus de mots surtout après avoir goûté à ce court instant de liberté, la dernière fois que je me suis sentie tomber aussi bas c’était… Non je ne dois pas y penser ! C’était il y a dix ans, je crois qu’à cette époque-là moi aussi j’étais morte avec eux, j’errais quelque part entre terre et enfer à l’instar d’eux qui étaient au ciel. Un mouvement à mes côtés me fait sortir de ma torpeur je ressens les œillades soucieuses de mon voisin, ça me met mal à l’aise il faut que je me reprenne je n’ai pas besoin en plus de susciter la pitié d’autrui ! J’en reviens à Lorenzo assis plus loin, comment ? Mais comment ? Qui ? J’ai pourtant pris toutes les précautions. Sûrement ce foutu jardinier qui n’avait pas cru à ma supercherie j’imagine, je ne vois que cette explication il était le seul tôt ce matin à m’avoir vu sortir. J’allais me faire tuer ! Qu’allait-il se passer à la sortie de l’avion ? Je devrais tenter par tous les moyens de lui échapper. Il n’y a pas d’autres solutions c’est ma vie et mon avenir en jeu, j’ai trop perdu de temps. Je ne veux pas y retourner ! C’est impensable.
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Plutôt me laisser engloutir par les profondeurs obscures de l’océan. Je sais déjà ce qui m’attend si je le suis docilement… Il y a pas plus de trois mois, une querelle a éclaté entre lui et un de ses collaborateurs mafieux si je peux me permettre de pousser jusqu’à ce terme, je n’en ai pas compris davantage, mais Lorenzo avait été tellement enragé qu’il s’était jeté sur moi à peine de retour au domaine, son regard avait quelque chose d’effrayant pourtant je n’en étais pas à mon premier combat avec lui, mais cette fois-ci c’était différent il abordait un masque tellement dur qu’il m’avait semblé inhumain. Il m’avait rouée de coups me laissant presque pour morte. C’est son bras droit qui par pitié avait fait venir le médecin de village qu’ils connaissaient tous très bien puisque c’est celui-là même qui soignait les quelques blessures par balle qu’il avait pu y avoir quand les affaires tournaient mal entre escrocs. J’étais tellement mal, incapable de bouger, incapable de verser une seule larme, paralysée par la puissance avec laquelle il m’avait malmenée, littéralement en état de choc je ne sentais plus mes blessures, juste mon âme fendue en deux. J’ai compris par la suite qu’il s’était agi de moi et d’argent que mon beau père lui devait parce que ça ne lui avait pas suffi de me vendre ! un échange houleux qui avait été négocié au dernier moment et Lorenzo s’était fait roulé. J’avais passé presque trois semaines cachée au domaine tellement j’avais souffert sous ses coups. Il m’avait cassé plusieurs côtes, ma lèvre avait été fendue, mon arcade sourcilière nécessitait trois points de suture et le pire dans tout ça c’est que dans ce petit village tout le monde craignait Lorenzo et ses associés tous plus sauvages les uns que les autres. Le médecin était venu uniquement me faire des soins et recoudre mon arcade sans sourciller comme si voir une femme battue à sang était normal à ses yeux. Voilà qui faisait la loi ici, dans ce petit village de Corse, j’ai toujours espéré que les stups finiraient par tomber sur eux, je me disais qu’ils devaient forcément être surveillés et qu’ils attendaient seulement le bon moment pour intervenir et les coffrer, mais ce moment n’est jamais arrivé ! Une autre fois il m’avait mise sur les devants pendant un échange de drogue, je n’en savais pas plus, je devais juste refourguer un paquet et récupérer son argent, là encore rien ne s’était passé comme prévu. Je
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m’étais retrouvée en plein milieu d’échange de tirs, j’avais été touchée au bras, la balle n’avait fait que me frôler, mais le traumatisme que ça avait engendré était bel et bien là. J’ai pris conscience que je méritais mieux que ça ! Mieux que d’être au service d’escrocs que même les flics craignaient. La voix de l’hôtesse me sort de mon cauchemar, je me rends alors compte que je rêvassais depuis plusieurs minutes j’avais les mains qui tremblaient, je tente de ravaler un sanglot d’effroi en repensant à ce que j’ai traversé ces quelques dernières années et me ressaisis rencontrant par inadvertance le regard vert profond du bel adonis à mes côtés, il me gratifie d’un regard pénétrant, j’espère alors que je n’ai rien dit pendant ma rêverie cauchemardesque. L’hôtesse annonce de ne pas quitter nos sièges blablabla, je n’ose plus regarder en avant deux sièges plus loin, je n’ose plus regarder juste à côté de moi… Le pauvre petit agneau pris au piège du loup et du dragon ! Finalement mon voisin s’est installé confortablement et il ne pose plus de questions, je me dis alors qu’il se peut que j’aie rêvé ce regard, j’ai eu l’impression un instant qu’il allait revêtir sa cape et se jeter à la gorge de Lorenzo ! Il faut que j’arrête dans mes délires… Une femme qui a des problèmes n’a rien d’intéressant, à quoi bon lancer un appel au secours… Quelle vie de merde ! Je m’enfonce un peu plus dans mon siège trouvant une position confortable, ça s’annonce compliqué je suis pleine de courbatures, pleine de bleus plus ou moins récents plus ou moins colorés. Par chance je n’ai rien sur les jambes, juste ma peau satinée par le soleil. Je regarde par le hublot en me disant que je quitte cette Île de beauté pourtant tellement belle. J’aurais pu avoir une tout autre vie, une vie comme Camille, une vie de joie et d’amour, de surprises et de réussite, j’étais destinée à un bel avenir, je composais de magnifiques mélodies au piano en un rien de temps, j’avais littéralement tout perdu, sauf ma meilleure amie… Je dois réfléchir, ça ne peut pas finir comme ça, goûter à une liberté qui m’est aussitôt enlevée je ne peux pas l’accepter, plus maintenant !
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Mes talons me mordent les pieds, c’est affreux, j’aimerais les enlever, mais mon voisin risque de ne pas être du même avis même s’il semble lorgner constamment sur mes cuisses nues, je grogne en silence, mes chevilles semblent gonflées, j’ai vraiment pris la fuite dans tous les sens du terme. Plus de douze heures de vol dans cet enfer prise au piège, Lorenzo doit être en train de jubiler, je sais d’avance que rien ne se passera comme prévu !