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Anaïs Duvert

L.A.M

théâtre





L.A.M


© Anaïs Duvert, 2014.


Ana誰s Duvert

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Note : Les deux personnages ne sont pas identifiables par des noms. Un personnage se nomme comme ceci (– –) et un autre comme ceci (–).



– J’ai mal là – – Où ? Et pourquoi d’ailleurs ? – Là. C’est parce que. – – Ah, oui. Moi aussi, parfois. – Mais, c’est vrai, je t’assure. Et puis pas que là. Toi aussi ? – – Vrai. Moi aussi. Pourquoi, je ne sais pas. Mais que là, par contre. – Merde, alors. Je ne comprends pas. – – Tu ne comprends pas quoi  ? Pourquoi, peut-être tu as mal tout le temps. – Pourquoi pas que là. – – Ah, oui. Il faut chercher et creuser. – C’est étrange comme sensation. Tu as mal là, toi ? – – Pas vraiment. – Alors, de quoi il s’agit ? – – L’intuition. – Pas pour moi.

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– – Il faut faire une trêve. – Je comprends pas pourquoi je suis le seul à avoir mal tout le temps c’est ça. – – Tout le monde a mal. – De quel mal on parle ? Merde – – On parle d’un mal qui passe, qui s’en va, c’est pas ça ? – Je peux te montrer ? – – Ah, oui. Si tu veux. – Voilà, alors. En gros, en bien gros. C’est un peu comme si une vague de douleur éphémère passait dans mon cerveau me poussait alors à me sentir tomber sur le sol sans pouvoir remonter alors que c’est sûr que je peux remonter il n’y a pas de problèmes normalement c’est pas possible de se sentir partir alors que le cœur bat tranquillement non ça non mais ensuite c’est encore plus étrange c’est comme si je ne pouvais rien faire alors je gigote mes mains comme ça je sers les poings mon sang coule dans mes veines mais impossible vraiment de me sentir vraiment vivant alors je continue et puis je marche parce qu’il n’y a rien de mieux et puis quand il y a les gens autour c’est encore pire c’est encore plus venimeux comme attaque alors que je dis que c’est éphémère quand la douleur s’installe la douleur la


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mauvaise je ne peux pas trop la chasser alors un jour j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit qu’il ne fallait pas chasser la douleur mais l’accueillir pour mieux la comprendre autant te dire que je ne la comprends toujours pas c’est comme si les sensations dans mon corps se décuplaient y’en a pas une pour rattraper les autres elles courent toutes partout pas possible de les attraper, mais je me demande toujours ce qu’est une sensation si elle est mauvaise ou bonne et puis paf je me demande aussi si les autres me regardent souffrir de l’intérieur si ils arrivent à percevoir ma douleur toute entière s’ils se posent des questions sur moi quand mes yeux regardent mon corps de l’intérieur c’est bizarre mais c’est encore plus bizarre quand c’est moi qui les regarde alors qu’ils ne me regardent pas c’est une nouvelle sensation c’est pas pire qu’avant mais j’ai conscience que je vis alors je m’accroche mais il me faut partir du regard que j’attends pas puisque je veux pas qu’on me regarde souffrir je souffre d’un mal qui n’existe que pour moi ce n’est pas une maladie enfin si peut-être c’est tout comme mais le traitement est dans ma tête pas autre part je suis fou tu penses ? – – Non. – Merci alors. – – De rien.

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– Ça y est, tu as mal comme moi c’est ça – – Pas vraiment. – Alors tu penses que je suis fou – – Non. – Tout à l’heure tu disais qu’il fallait chercher et creuser mais quoi – – Juste ton mal. – C’est lui qui me cherche et me creuse – – Alors fais une trêve. – Mais ce n’est pas moi qui dois faire une trêve c’est le mal invisible c’est la douleur sibylline qui doit faire une trêve après avoir cherché et creusé en moi c’est comme si j’étais creux maintenant comme s’il n’y avait plus rien à trouver – – Cherche encore. – Non je crois que de chercher encore ça va me perdre encore plus que je ne le suis déjà perdu je sens que je suis perdu mais pourtant pas du tout regarde moi regarde moi bien si ce n’est pas la vie qui me fait parler alors c’est que tu entends ma voix n’est-ce pas ce n’est pas le problème non enfin si ça l’est laisse-moi t’expliquer encore un peu ce que je pense c’est que plus on creuse plus on cherche plus on se sent mal et sans défense c’est ça le truc à saisir on dit souvent qu’il faut faire un travail sur soi mais j’ai pas besoin de faire un travail sur moi quand on dit ça c’est un


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peu comme si on se connaissait pas assez c’est débile je me connais je suis moi je sais de quoi je suis atteint ou peut-être que non finalement le mot c’est le mot qu’il faut trouver tu parlais d’intuition mais l’intuition le mal intuitif c’est qu’il te dit qu’il arrive moi il me prend comme ça c’est injuste je ne l’attends pas je ne l’appelle pas je ne lui dis rien c’est lui qui vient me chercher c’est lui qui vient me creuser tu sais c’est pas facile de transpirer d’être un peu arrêté dans sa démarche alors que le corps et la tête veulent avancer c’est comme si c’était une folie ingérable mais pas de la démence je crois pas en être là mais je ressens ces picotements affreux ces palpitations malignes ces gouttes qui coulent partout ces changements de température de mon corps c’est qui ? Qui donc fait ça ? – – Toi, peut-être. Tu as peut-être un don. – Tu plaisantes j’espère c’est pour me faire rire et pour me faire oublier que tu dis ça j’ai pas envie de rire enfin si j’ai envie mais j’y arrive pas tu sais si demain on me fait passer un scanner un IRM un PETSCAN c’est pas drôle d’accord mais je suis sûr que je rigolerai car je sais qu’on va rien me trouver bah oui c’est évident si j’étais malade vraiment malade à l’agonie ça se verrait je serais tout vert ou tout jaune ou alors j’aurais mal dans le tronc principal je parle de la colonne ou alors j’arriverais

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