Elie-Georges Berreby - Romans

Elie-Georges

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Elie-Georges BĂŠrreby

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Sommaire

Une Valse algérienne

L’Enfant pied-noir

La Honte à la figure

Le Retour de l’homme de Nazareth

Le Singe du prophète

Commandant Zéro - La guérilla en Amérique centrale

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Une valse algĂŠrienne

Alors, ma toute belle, Je dévorerai ton âme De sanglots sans fin…

Kateb YACINE

Première partie

I

1963 Le ciel crache une pluie furieuse. Le soleil boude mon retour. Les averses, ça arrive à Alger, mais elles ne durent pas. Cette saucée semble s’installer. Pas le moindre bout de ciel bleu.

Le taxi fonce dans une brume insolite. Et le chauffeur ne cesse de tchatcher. C’est comme ça depuis l’aéroport. Mon silence ne le dissuade pas. S’il pouvait se taire et me laisser redécouvrir ma ville !

On longe enfin la mer. Le port semble endormi. Avant d’être chassé d’Alger, tous les jours, je descendais à la jetée pour nager. J’étais sûr de retrouver Marcel et Mouloud. Ce rituel faisait partie de notre ordinaire. Rien ne m’a consolé d’exister comme la mer. L’ivresse de vivre, je l’ai connue dans les vagues qui venaient se fracasser contre les blocs de béton.

Le chauffeur m’a demandé : — Tu reviens pour de bon ?

C’était une question si directe que je me suis senti obligé de lui répondre : — Va savoir...

Il devient de plus en plus curieux : — Pourquoi es-tu parti ?

J’ai pris mon temps avant de lui révéler : — J’ai été viré.

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J’ai eu droit à un silence respectueux. Pour mon chauffeur, j’avais été de leur côté. Allais-je lui dire que j’avais surtout accompagné les rêves de Mouloud ? Avec l’Indépendance, le soleil se lèverait sur un monde fraternel.

Quand la Rébellion a éclaté, je n’avais pas quinze ans. J’étais stupéfait par le nombre de soldats qui débarquaient de la Métropole. La noria des paquebots était constante. Envahis, nous étions. Où on allait comme ça ? À Alger, on ne pouvait plus faire un pas sans se heurter à des groupes de troufions ébahis. À Paris, des gouvernements abusés mandataient des officiers zélés pour une pacification douteuse. L’utopie d’une Algérie qui resterait française était soigneusement entretenue. Les affrontements dans les bleds, les quotidiens s’y habituaient. Ils en parlaient de moins en moins. Nous apprenions brièvement que l’armée avait tué dix ou quinze terroristes. Pourquoi s’attarder sur quelques escarmouches ? Sûr et certain, l’ordre allait être rapidement rétabli. Venus des Ardennes ou de Dordogne, des gouverneurs affirmaient que la Rébellion vivait « son dernier quart d’heure ». Comme l’Alsace et la Lorraine, l’Algérie faisait partie de la France. Dans le même temps, Mouloud me disait des poèmes qui chantaient l’indépendance.

Sept ans, il a duré le dernier quart d’heure. Sept ans d’une constante chasse à l’homme. Et ça tombait des deux côtés. Des carnages discrets.

Seuls les attentats à Alger provoquaient une émotion étonnée. Et la vie reprenait son cours. Nous foncions dans le mur sans changer de vitesse.

L’inconscience des ainés me stupéfiait. L’armée allait anéantir les « terroristes » et tout rentrerait dans l’ordre. Quel ordre ? La presse locale encourageait tous les aveuglements. Les Français lucides étaient vus comme des traîtres. Nul besoin d’aider les rebelles pour devenir suspect. Quant à ceux qui s’engageaient aux côtés des fellaghas, ils risquaient la guillotine.

Au lieu d’aller tout droit, mon chauffeur s’est brusquement engagé dans une rue qui monte vers les belles artères. Avec la pluie, les néons éclairent des rues désertées. C’est alors qu’il s’est mis à me parler de son fils : « Bouzid, il a quitté le collège pour jouer à la guerre. Après trois ans, il est devenu lieutenant. Et pour finir, la prison. Dans sa cellule,

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il s’est retrouvé avec un docteur et un professeur. Avec ces hommes instruits, intellectuel il est devenu. Ils lui ont farci la tête avec “les lendemains qui chantent”. Quand Bouzid s’est évadé, il parlait comme un maître d’école. Ce petit con, il a son permis, mais mon taxi, il ne veut pas le conduire. La vérité, Bouzid, il n’était pas fait pour la guerre.

Il voulait devenir médecin. Mais reprendre des études, il n’a pas le courage. » Nous contournons la place du Cheval et nous montons vers la rue aux arcades. À chaque carrefour, je vois des fantômes. Quand la voiture s’approche, ils s’évanouissent. Sous les arcades, je retrouve les commerces d’épices et de tissus bigarrés. Durant mon exil, j’ai recherché ces effluves. Ce quartier judéo-arabe a gardé son apparence. Ce sont les mêmes musiques égyptiennes qui inondent la rue. Je suis arrivé.

— Voilà, 15 rue de la Lyre. Je sais où tu vas.

— Combien je vous dois ?

— Et moi, combien je dois à ta grand-mère ? Si tu savais ce qu’elle a fait pour Bouzid ! Invite-moi à boire une anisette et nous serons quittes.

Ta grand-mère, c’est de l’or pur. Et l’or, il reste toujours de l’or. Dis-lui que c’est Tahar qui t’a amené. Elle ne connaît que moi.

Retrouver Grand-Mère, l’embrasser, c’est le bonheur. Quatre-vingts ans, mais un teint de jeune fille. Et des cheveux d’une blondeur scandinave. En blanchissant, ils ont pris la couleur des champs de blé du Sersou, juste avant la moisson. Ma fée maternelle paraît toujours aussi paisible. Un ouragan a secoué le pays mais Grand-Mère ne laisse pas paraître son désarroi.

Elle est lentement devenue sourde. Pour entendre, elle n’a jamais voulu d’appareil moderne. Si ce qu’on raconte l’intéresse, elle porte son grand cornet d’écaille à l’oreille et elle écoute. Quand ça ne l’intéresse pas, elle préfère retrouver son silence et ses livres. Elle a été la première femme professeure en Algérie. Durant quarante ans, elle a enseigné l’arabe classique au lycée de jeunes filles. Je lui dois mes études secondaires. Et beaucoup plus. C’est grâce à elle que j’ai pu passer mon bac avec un dix-huit en langue arabe.

Je l’ai interrogée : — Tahar, tu connais ?

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— Le taxi ? C’est lui qui t’a amené ? Il ne t’a pas parlé de Bouzid, son fils ?

— Oh si ! Il a surtout parlé de lui.

Grand-Mère a dit simplement : — Bouzid, s’il ne s’était pas réfugié chez nous, il aurait eu la vie dure.

Djamilah m’a embrassé.

— Devine ce qu’on t’a préparé !

Grand-Mère, son cornet tendu vers nous, sourit.

— Djamilah, le couscous poulet-mouton, maintenant, elle le prépare mieux que moi. Elle va se marier avec un cousin. Il a appris le métier de cuisinier à Paris. Ils ont signé pour l’ancien Coq Hardi, place du Cheval.

Djamilah enchérit : — Avec les Français qui ont tout laissé, mon fiancé a eu les murs pour le prix de la porte.

Réaliste, Djamilah. Comment ne pas penser à ceux qui sont partis avec deux valises, laissant ici leur vraie vie ? Qu’elle en profite est une amère consolation. Comme si elle m’avait deviné, elle se défend : — Joël, mon frère, tu ne nous vois pas comme des profiteurs, hein ?

Personne ne comprend pourquoi les Français sont partis. Ils n’étaient pas bien ici ? Comment on va faire sans eux ?

Djamilah n’a pas connu sa mère. Son ivrogne de père lui donnait plus de coups que de pain. Un jour, il a disparu en lui laissant l’adresse de Mme Périgord. Elle était si mignonne que Grand-Mère l’a adoptée.

Elle a pu manger à sa faim et aller à l’école. Elle a été instruite dans sa religion par nos voisines. Elle apprenait surtout des coutumes. Ces rudiments lui permettaient de garder son identité.

Je me tourne vers Grand-Mère : — Et toi, tu vas rester seule ?

— Tu es là maintenant. Et Djamilah n’oubliera jamais de venir m’embrasser.

Grand-Mère a toujours appelé la Rébellion et son cortège de drames « les Événements ». Durant des années, elle a accueilli et consolé des victimes des deux camps. Alors que notre ville, bleue et lumière, devenait une ville de sang et de pleurs, elle a continué à réunir ses fa-

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miliers. Venus anxieux, musulmans, juifs et chrétiens oubliaient pour un temps les drames qui secouaient le pays. Jusqu’au putsch des quatre généraux hostiles aux accords de paix. Une haine aveugle s’était alors emparée d’Alger. Il n’y avait plus d’innocent. Grand-Mère oriente son cornet vers moi : — Comment elle fait, ta mère, avec ses soi-disant rapatriés ?

— Dans l’ensemble, ça se passe bien.

Déjà installée en France, ma mère était devenue le recours de ses parents et de ses amis. J’étais encore coopérant au Sri Lanka, quand tout ce monde a débarqué : Tante Annette et sa smala, les Dubois et leurs jumelles, les Lopez et leurs fils, les Cohen avec leur sœur. Leur vie était restée à Alger. Dépouillés de tout, ils n’avaient qu’une adresse : Madame Barini, route du Var, ancien presbytère de Vallauris.

Ma mère, elle a fait face. La maison est grande avec, en plus, un grenier. C’est sous le toit que j’ai rejoint les ados qui dormaient sur des matelas de plage. Dès le lever, ils m’entraînaient vers la piscine municipale. Je préférais leur compagnie à celle de leurs parents. Eux rebondiraient. Les aînés avaient perdu leur bruyant bonheur de vivre. En Algérie, leur permanent déconnage était un code de bonne humeur.

Maintenant, les machines à rire de tout et de rien étaient cassées. Des zombies, je revoyais. Grand-Mère s’étonne : — Quand même, trente personnes. Et ta sœur ? Et ton frère ?

Ils étaient en vacances, chacun de son côté. Maman leur a dit de les prolonger, parce qu’il n’y avait plus de lit pour eux. En cinq ans, ils ont eu le temps d’oublier Alger. Les problèmes, c’est pour ceux qui arrivent. Ces déracinés n’étaient là que depuis quelques semaines.

Ma mère voulait leur laisser le temps de réaliser que l’Algérie de Papa était morte et qu’ils n’étaient attendus nulle part. Il y avait comme un mur entre eux et moi. Parce que je revenais d’ailleurs, ils me voyaient comme un touriste qui se promenait dans les avenues de leur malheur.

Je n’avais pas partagé leurs espoirs. C’est tout juste s’ils ne me rendaient pas responsable de leur exode. Trompés, meurtris, ils avaient quitté leur foyer et leur travail, cédant à une panique collective.

Dans la journée, ils erraient dans Vallauris, comme des gens qui auraient voulu être ailleurs. Trop brusquement exilés, ils ne se sen-

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taient plus exister. À table, je tentais de leur arracher un sourire. Mais les conversations étaient répétitives : — Des jours et des jours, nous avons attendu sur le port qu’on nous donne un ticket pour prendre le bateau. Dans la journée, on crevait de chaud. La nuit, on dormait sur le sol et on gelait.

— Si on nous avait dit qu’on n’était pas chez nous, on se serait préparés. On ne peut pas mettre toute sa vie dans deux valises.

Parce que j’ai décidé de retourner en Algérie, ils me regardaient avec suspicion. Antoine Lopez, qui a été de toutes les manifestations pour l’Algérie française, m’a dit : — Alors, tu es encore avec eux ? Ce pays, c’est nous qui l’avons construit. Et nous en sommes chassés comme des malfaiteurs.

Inutile de lui dire qu’une colonie, doit fatalement chercher à retrouver sa souveraineté. Comment tant de proches ont-ils pu s’aveugler ?

Pour Lopez, comme pour beaucoup d’autres, l’Algérie n’était pas une colonie. Il ne fallait pas confondre. Sous-directeur du port de pêche, il n’avait jamais fait de différence entre ses administrés musulmans et européens. Seule importait la qualité des poissons qu’ils rapportaient.

Il se retrouvait en France, assommé et démuni.

Si Grand-Mère a compris la nécessité de l’indépendance, elle vit mal la disparition de notre communauté. Tant de parents, tant d’amis sont partis. Le nouveau pouvoir n’est pas celui qu’elle attendait. Le gouvernement provisoire qui siégeait à Tunis a été balayé. J’étais ailleurs quand, dans le pays, tout a basculé. Nouveau débarqué, j’ai peine à comprendre ce qui s’est passé. Djamilah éloignée, Grand-Mère me confie : — Durant cette sale guerre, ton père s’est mal conduit. Officier de réserve, il a été obligé de revenir. Commandant un district dans les Aurès, il voyait des ennemis partout. Il a terrorisé une population jusque là paisible. On l’a retrouvé pendu par les pieds, amputé du nez, des oreilles et du sexe. Sa seule bonne idée, c’est d’avoir acheté une maison en France.

Grand-mère me parle d’un inconnu. Je n’avais pas cinq ans quand mon père s’est barré en France avec une danseuse. L’ennui, c’est qu’amoureux de sa secondaire, il nous a oubliés. Avec un toit en France et une pension de veuve de guerre, ma mère oubliait les mauvais jours.

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Libéré de mes devoirs de jeune chef de famille, j’avais choisi de rester à Alger. Grâce à Grand-mère, je pouvais enfin aller au lycée. Et le dimanche, retrouver Bab-El-Oued pour les matchs de foot.

C’est par Mouloud, désemparé, que j’apprenais qu’en Kabylie et dans les Aurès, les combats entre l’armée française et les indépendantistes s’intensifiaient. Les ruraux, pris entre deux feux, vivaient dans la terreur. Adoptant la bonne vieille tactique, les rebelles vivaient parmi les populations. Pour les combattre, l’armée détruisait des villages.

Mouloud a brusquement disparu. C’est par sa mère que j’ai appris qu’il avait été envoyé dans le Sud, dans un camp d’internement.

Chanter l’indépendance était un délit.

Un dimanche sur deux, muni d’un couffin empli des friandises maternelles, je prenais l’autobus pour Djelfa. Un voyage monotone à travers des champs d’alfa. Jusqu’au jour où deux policiers ont surgi chez Grand-Mère et m’ont donné dix minutes pour préparer ma valise.

Je n’avais pas imaginé qu’aller voir un ami interné était un crime. Dans l’avion qui m’emmenait en France, j’ai voyagé avec d’autres Français suspects. L’un d’eux m’a demandé pourquoi on m’avait embarqué. J’attendais qu’on me le dise. C’est plus tard qu’on m’a décerné le titre de « porteur de valises ». Moi qui n’apportais que des couffins !

II

Yves Chapel a cinquante ans et il est déjà voûté. Son visage récapitule des années d’épreuves. Son combat pour l’égalité s’est transformé en débâcle. Il s’est exclamé : — Mais tu as encore grandi ! Tu es bien baraqué. Quel âge as-tu ?

— Vingt-deux ans.

— Ça lui ferait combien aujourd’hui ?

Il pensait à Marcel Rossi.

— Vingt-trois ans.

— Dieu sait si j’en ai vu. Mais ça...

Avec Marcel Rossi et Mouloud Saïdi, nous avions formé, durant notre enfance et au-delà, un trio inséparable. Nous en avons gagné des parties de foot ! Rossi, pour monter en première division, jouait en utilisant les papiers d’un frère aîné. Avec sa carrure, ça passait. Il était devenu le meilleur buteur du football algérois. C’est durant son premier match de championnat qu’un tueur avait mis fin à sa carrière et à sa vie. Dans un stade, lieu de communion, ce crime avait secoué la ville comme un blasphème.

Chapel m’a proposé : — Je vais te présenter à l’équipe. Ils sont en plein boulot. Nous ne ferons que passer. Tu reconnaîtras Amselleg et Cénac. Nous ont rejoints deux Oranais, journalistes chevronnés. Ils triment comme jamais.

Dans la salle de rédaction, Chapel crie à la cantonade :

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— Joël Barini est arrivé. Faites-lui l’amitié de faire comme s’il était là.

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J’ai serré des mains en vitesse. Deux visages inconnus : Delouze et Lagrange. Ni dans la salle de rédaction ni devant les téléscripteurs, nous ne nous sommes attardés. Chapel a annoncé : — Pour fêter l’arrivée de Joël, je vous invite tous à la maison. Nous mangerons ce que nous trouverons dans le frigo.

Amselleg a levé la tête : — On sait bien que Laure ne te laisse pas mourir de faim.

Dans le couloir, Chapel m’annonce : — Tu vas connaître Dinah Lofti. Elle descend de l’une de ces grandes familles arabes qui ont occupé l’Espagne durant des siècles.

Son père était le chef révéré de la confrérie soufie de Tlemcen. Un exemple de tolérance. Malheureusement, il est mort l’an dernier.

Dinah est aussi jeune que toi, mais elle a de l’avance. Elle a obtenu sa licence de lettres à la Sorbonne, tout en fréquentant une école de journalisme. Très active à Paris au service de la Rébellion. Pendant quatre ans, elle a doublé les fins limiers des Renseignements Généraux avec le sang-froid d’une professionnelle.

— À Paris, elle ne risquait pas grand-chose.

— Elle revenait chaque année de juin à octobre. Et pas pour faire de la broderie. Elle préférait les excursions dans les montagnes des Ksours.

Elle assurait les liaisons entre des maquis cernés par les légionnaires.

Tu n’as rien lu sur elle ? Elle a eu droit à plusieurs articles dans la presse parisienne. Pour l’essentiel, ils reprenaient les révélations de son chef Kader Djelloul, dans El Moudjahid. Tu veux lire ce papier ?

— Pourquoi pas ?

— Pour eux, Dinah, c’est Jeanne d’Arc sans le bûcher.

— Elle a entendu des voix du Ciel ?

— Tu le lui demanderas.

— Que fait-elle ici ?

— Elle se prépare à prendre ma place. En attendant, que leur gouvernement te plaise ou pas, souviens-toi que nous sommes dans un État indépendant. Et que la France, c’est le passé. Pour revenir à Dinah, elle a été mariée, très jeune, à un cousin fellagha. Les légionnaires l’ont

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arrêté et elle n’a plus entendu parler de lui. Tu vois, c’est l’équilibre dans le malheur.

— Je présume qu’avec elle, il faut tourner sa langue quatorze fois avant d’en placer une.

Quand Chapel me présente Laure, son assistante, je comprends qu’elle est beaucoup plus que sa secrétaire. Laure Dutheil doit avoir quarante ans. J’ai droit à des paroles de sympathie. Elle prend un gros accent pied-noir : — Alors, les autres s’en vont et toi, tu reviens ? Mieux que tu oublies notre Bab-El-Oued. À la place, il y a un quartier qui lui ressemble.

Mais c’est pas le même.

Nous pénétrons enfin dans une petite pièce. Une brune jeune femme est assise devant une machine à écrire. Ses yeux noirs me poignardent.

Chapel annonce : — Dinah Lofti, notre secrétaire de rédaction. Émane d’elle un curieux parfum. Si poivré qu’il me trouble. Elle m’accueille avec un sourire glacé.

— Vous êtes Joël Barini ? Salam, salam.

Elle se sait diablement jolie et se protège par une sécheresse de ton qui ne laisse aucune place à des rapports cordiaux. Elle me regarde comme si elle voulait me dépecer. Laure Dutheil vient chercher Chapel : — Tu as le Patron en ligne. Dans ton bureau.

Chapel et Laure sortis, Dinah Lofti s’adresse à moi : — Pour vous mettre dans le bain, je vous donnerai des thèmes de reportages. Il paraît qu’au Sri Lanka, vous rédigiez le mensuel de l’Alliance Française. Ici, votre travail sera moins futile.

Elle ironise d’une voix acerbe : — Vous serez un spécialiste en tout. Vous parlez arabe. C’est un plus. À part Amselleg, au journal, aucun collègue ne parle notre langue.

Et agressive : — Pourtant, ils sont tous nés en Algérie. Bon. Faites court, facile à lire. Et n’essayez pas d’écrire n’importe quoi. Voici le numéro de téléphone de Paulo. C’est notre photographe. Il travaille aussi pour El Moudjahid et Alger Républicain. Faites en sorte qu’il nous donne les meilleures photos. Nous sommes un journal d’information, pas d’opposition. Vous verrez des choses qui vous blesseront. Ne jugez pas

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trop vite. Nous sommes tous des mutilés de guerre. Mais chez vous, Français et chez nous Algériens, ça ne saigne pas au même endroit.

Elle se tait un moment, puis m’assène : — Nous n’ignorons rien des exploits de votre père. Son régiment a terrorisé les Aurès.

— Je ne vois pas de qui vous me parlez. Je suis né orphelin.

Ma réponse la déconcerte. Bien qu’intriguée, elle reste réservée, impersonnelle. Ses longs séjours à Paris lui ont donné une assurance qui tranche avec le comportement de la plupart des femmes algériennes.

Elle m’agace et m’éblouit leur héroïne. Celle-ci n’est pas pucelle, mais c’est le genre forteresse imprenable. J’arrive, résolu à me faire une place dans ce journal et voilà que des yeux noirs commencent à m’agresser. Qu’est-ce qu’elle fait, cette hautaine beauté, dans ce minuscule bureau ? Son hostilité m’éprouve. Elle me voit comme un ennemi. Ça lui passera. Du gâchis, j’en ai eu ma part. J’ai été exclu avant les autres de mon paradis. Expédié par avion en France, menotté. J’avais rêvé d’une autre découverte de la métropole. Conduit directement dans une vaste prison. Fouillé, déchaussé, photographié, empreintes digitales. Amené chez un directeur qui lisait ma fiche perplexe : « Présumé complice ». Complice de quoi ? J’étais un détenu qui n’était suspecté d’aucun délit précis. N’empêche, le règlement étant le règlement, j’ai dû partager le sort commun. Pour le première fois de ma vie, j’étais privé de liberté. Plus de mer, plus de foot, plus de soleil.

Juhane Lofti m’observe, toujours hostile. Je la regarde me regarder sans dire mot. Perplexe, elle articule : — D’après Yves, vous avez été un ami du fils du Patron ?

— Renaud Blanchette était pour moi un frère.

— Comment l’avez-vous connu ?

— Il était le cousin d’un cousin des beaux quartiers. Les cousins de nos cousins étant nos cousins...

— Autant que vous le sachiez : le Patron ne vous aime pas. Je ne sais pas de quoi son fils est mort, mais il vous tient pour responsable de...

Elle commence à me les briser. Je l’interromps : — J’ai tué Renaud avec un poignard maltais. Crime passionnel.

J’étais jaloux : il voulait épouser sa jument.

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Elle me regarde, ses beaux yeux exorbités. Chapel, de retour, a entendu mes dernières paroles.

— Joël, tu peux vivre sans délirer ? Ici, la blague est vue comme une survivance de la colonisation. Le fils Blanchette est mort du typhus. Sa grande passion était l’équitation. Ce type de typhus est transmis par des puces qui vont aussi bien sur les rats que sur les chevaux. Le Patron s’acharne à croire que son héritier a contracté sa maladie au cours d’un match de foot entre gosses que son fils et Joël avaient organisé. Or aucun cas de typhus n’a été enregistré parmi les spectateurs du match.

Par contre, il y a eu six cas mortels à Birmandreis, où les Blanchette résidaient.

Chapel m’entraîne dans son bureau : — J’ai dû argumenter tout un après-midi pour que le Patron ne remette pas en question ton embauche. Tu n’as rien à te reprocher.

Laisse ce vieux rapace avec ses idées fixes. Sais-tu qu’il est devenu aveugle ? C’est à peine s’il distingue des ombres.

J’ai sursauté.

— Il m’avait dit un jour que son fils c’était ses yeux.

— Eh bien il les a perdus. Ne prends pas Blanchette pour un bienfaiteur. Ce qu’il investit dans notre journal, il l’amortit au centuple avec le gouvernement. Il a vu venir l’indépendance. Et tout en planquant ses avoirs en Europe, il soutenait la Rébellion. Il en récolte aujourd’hui les bénéfices.

— Comment travaille-t-il s’il est aveugle ?

— Toutes ses affaires, il les traite par téléphone. Son carnet d’adresses couvre la planète. C’est son fonds de commerce. Le Pouvoir se sert de lui et il se sert du Pouvoir. Bon, passons à ton job. Dinah a dû te dire que nous avons besoin d’un reporter à tout faire. Tu sautes plusieurs étapes.

— À moins qu’elle me scie les jarrets.

— Tu es inquiet ?

— Toujours.

— Dinah Lofti, comment tu la vois ?

— Comme une belle peau de vache.

— Je te conseille de ne pas t’aventurer dans son pré. C’est la femme la plus courtisée d’Alger. Tradition soufie oblige, elle décourage tous

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ses prétendants. Et ça fait du monde ! Elle n’épousera qu’un fidèle de sa secte.

Un bureau m’a été assigné dans la salle de rédaction. Seuls Chapel, Laure et Dinah Lofti ont droit à des pièces particulières. Je commence demain. Mon ultime après-midi de loisir, je le consacre à flâner dans ma ville. Parcours familier entre la placette de mon enfance et chez Grand-Mère au-dessous de la Casbah. À Bab-El-Oued, beaucoup de magasins sont fermés. Les grilles rouillent, les couleurs ternissent. Le carrefour des Trois Horloges, naguère si animé, s’est désertifié. Il est vrai qu’une pluie crissante assombrit les lieux. Quand ça tombe, les Algérois restent chez eux.

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Ce sont des amours mystérieuses celles qui nous relient à un quartier. Si j’en crois le poète soufi Dîn Rûmî, ce sont les seules amours durables : Quitter la vie et le monde n’est pas difficile.

Le difficile, c’est de quitter son propre quartier.

Où est-elle la placette de mon enfance ? Le spectacle de Bab-ElOued me blesse comme une injustice. Je marche dans ses rues, comme si je suivais un convoi mortuaire.

Pas un camarade n’est là. Pourtant, aucun d’eux n’a rejoint les activistes de l’Algérie française. Dans l’Algérie indépendante, il y aurait toujours le foot, la mer, les randonnées. Où sont-ils maintenant ? Je m’assieds sur un banc. Et je les entends comme s’ils étaient présents : — Trois buts ils ont pris, ces enfoirés !

— Atso ! Surtout n’en casse pas une.

— Envoie-le chez sa mère ; — Fais-moi confiance.

— Laisse la France comme elle est.

Retombe un silence implacable. Passant isolé, je suis le seul à savoir que, sous ce quartier, un autre quartier existe, enfoui. Je me laisse caresser par un soleil qui ne s’éteint jamais. C’était hier. Un mur invisible m’en interdit l’accès. Je ne pensais pas que la page serait aussi lourde à tourner. Je ne pensais pas que tant de visages familiers disparaîtraient. C’est mon enfance qui meurt une seconde fois.

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Je grimpe le large escalier pour retrouver l’avenue. Mais là aussi, le peuplement nouveau me fuit. Dans chaque rue, nous avions un parent, un ami, une connaissance. Les ont supplantés d’autres personnes qui m’accueillent avec innocence : « Je te jure sur la tête de mes enfants, au prix coûtant je te le donne ». Non merci, ce n’est pas ce que je cherche.

J’aperçois à son balcon Mme Narboni, la mère des chats. Je me précipite vers son premier étage. Heureuse de me voir, Mme Narboni.

— Joël, mon fils, comment c’était la Chine ?

Elle m’embrasse avec une insistante affection. Ma visite la rassure.

Tous ses voisins sont partis. Quand je lui demande si elle s’entend bien avec les nouveaux venus, elle me dit : « Ils sont gentils ». Tous les jours les uns ou les autres lui apportent une assiette de leur repas. Elle n’a qu’un souci : le nombre croissant de chats errants qui, sous sa fenêtre, attendent d’elle leur poisson quotidien. Et au marché, le prix des sardines ne cesse d’augmenter. « Pour les chats, la vie devient dure ».

J’ai gagné le centre-ville. Dans les belles boutiques, j’observe de nouveaux visages. Je n’imaginais pas des changements aussi radicaux.

Les poèmes de Mouloud n’ont rien à voir avec ce que je découvre.

Trouverai-je ma place dans ce pays exsangue ? Pour une minorité de bénéficiaires, que d’hommes au regard vide ! La tristesse s’est abattue sur ma ville.

Dans la soirée, j’ai grimpé dans les ruelles enchevêtrées de la Casbah.

Il faut être algérois pour ne pas se perdre dans ces venelles qui tournent sur elles-mêmes. Ici, rien n’a changé. Les Européens n’habitaient pas ces mamelons. J’ai hésité à m’arrêter chez l’Accordéoniste. Je l’avais connu avant la Rébellion au Cercle Victor Hugo. Avec Mouloud, nous nous réjouissions de voir rassemblés de jeunes artistes européens et musulmans. Nous assistions à des récitals de poésie, des lectures-spectacles et des concerts dont l’Accordéoniste était la vedette. Comment ce musicien avait-il pu devenir l’un des responsables des attentats d’Alger ? Le plasticage de l’Automatic, le bistrot préféré des étudiants, était resté dans les mémoires.

C’est l’Accordéoniste qui m’a ouvert la porte, étonné et réjoui : — Joël ! Je savais que tu étais revenu.

Son épouse nous a apporté un plateau avec du thé et elle a disparu.

Nous buvions en silence quand il m’a demandé :

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— Tu m’en veux ?

Je ne réponds pas. Depuis mon enfance, j’habite le silence. Fallait-il lui dire que le carnage de l’Automatic avait été dur à encaisser ? Une vingtaine de victimes et parmi les tués, Guy Darmon, l’infatigable animateur du Cercle Victor Hugo. L’Accordéoniste m’a deviné : — J’obéissais aux ordres. Quand j’ai lu dans l’Écho d’Alger que Guy Darmon était parmi les victimes, j’ai pleuré. Et j’ai refusé toutes les missions. Nous nous reverrons ?

— Probablement.

En tournicotant, je suis parvenu sur les hauteurs de la Casbah. Les vieilles putes aux visages bouffis étaient toujours là. Elles m’ont jeté un regard indifférent.

III

Le même soir, j’avais rendez-vous avec Mouloud au Café du Square.

Je le retrouve comme si nous nous étions quittés hier. Son visage fin et tourmenté révèle une nouvelle maturité. À l’école, au lycée, dans son camp d’internement, je l’ai toujours connu en état de poésie. J’ai souvent été le premier à qui il osait lire ses chants d’espoir et de justice.

Il m’a fait pénétrer dans le monde magique des mots qui vont au-delà des mots. Libéré de son camp d’internement à l’indépendance, il a découvert ce que sa famille lui avait caché : des proches disparus et sa sœur aînée, violée par des légionnaires, devenue folle. Le malheur avait frappé indistinctement. Je croyais le retrouver seul. Il était avec trois hommes qu’il m’a aussitôt présentés. Il m’a fait asseoir près de lui.

— Mouloud nous a dit tout ce que vous avez fait pour lui. Et le prix que vous avez payé.

C’est Kader Djelloul, un prof » de l’Université. Un regard acéré.

Il a joué un rôle essentiel à Paris, pendant la Rébellion. Il me regarde comme une curiosité. Étrange de me retrouver, dès le premier soir, avec un haut responsable du Front. Je me sens comme un acteur qui joue une pièce dans laquelle il n’a pas été distribué. Mouloud évoque : — Ma mère n’a jamais eu l’autorisation de venir me voir. Les officiers français n’étaient pas tombés de la dernière pluie. Ils connaissaient le rôle de mon père en Kabylie. Les visites de Joël, avec des nouvelles des miens et des colis de gâteaux, ont été, pendant des années, mon seul lien avec la famille. Et puis, ils l’ont arrêté, transféré en France. En prison.

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Elie-Georges Bérreby

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— Comment as-tu obtenu le permis de visite ? m’a demandé un autre.

C’est Amran Bakri, artiste peintre et nouveau directeur de l’École Nationale des Beaux-Arts. Un visage jovial.

— Ma grand-mère a toujours eu beaucoup d’amis. C’est le commissaire de police de son arrondissement qui a apporté sa caution.

Kader Djelloul me précise : — Les pages d’histoire qui s’écrivent te paraîtront parfois insupportables. Pense à la Révolution Française qui a dévoré ses enfants. Sois patient.

Mouloud intervient : — L’indépendance est légitime. Mais où sont nos leaders historiques ?

Je l’écoute, surpris. Mouloud me montre d’emblée, devant ses amis, qu’il se démarque de leur gouvernement. Kader Djelloul est plus prudent. Il me dit avec le sourire indulgent d’un aîné : — C’est ce qu’on appelle l’impatience de la jeunesse. Il nous faut, avant tout, reconstruire notre identité.

Le troisième homme écoute en silence. C’est Malek Tayabi. Mouloud me souffle : — Cinq années de prison pour délit d’opinion. Jamais jugé, bien sûr.

Je me souviens d’avoir lu au Sri Lanka des articles de cet écrivain.

Comment ses « papiers » sortaient de prison et parvenaient à Paris ?

Mystère. Cet homme discret était un polémiste qui n’avait cessé de dénoncer les injustices coloniales. Démocrate laïque, il redoutait déjà l’amalgame de la religion et de la politique.

Soudain, devant mes yeux, Dinah Lofti. Et son parfum pervers. Elle est aussi surprise que moi. Elle arrose la tablée de son Salam, Salam.

Elle ne serre aucune main. Je la regarde, déconcerté. Elle soutient mon regard. Elle s’assied près de Kader et demande en me désignant : — Vous connaissez ce garçon ?

Mouloud réplique vivement : — Joël est un ami sûr. Et il l’a prouvé.

Elle ne s’attendait pas à une déclaration aussi péremptoire. Kader Djelloul ajoute:

Une valse algérienne

— Dinah, Joël Barini est ici chez lui. Et il peut compter sur nous tous.

C’en est trop. Les grands yeux noirs de Dinah Lofti m’assassinent.

Ma présence au sein de son groupe d’amis l’exaspère. Mouloud s’amuse.

Malek Tayabi me gratifie d’un mince sourire. Elle répond à Kader : — Joël Barini est le fils du capitaine Barini, qui a terrorisé les Aurès.

C’est Chapel qui nous a imposé ce jeune homme. Il devra faire ses preuves.

Le jeune homme s’est levé. Elle a envie de me mordre. Moi aussi.

Mais pas de la même façon.

— Mouloud, je t’appelle demain. Madame et Messieurs, bonsoir !

Je suis parti sans un regard pour Dinah Lofti. Mouloud m’a suivi et nous avons traversé le boulevard pour marcher sur le trottoir qui surplombe le port. Mouloud m’a dit : — J’espérais que tu dînerais avec nous.

— J’arrive. Je n’ai encore rien vu, rien dit. Mais pour Dinah Lofti, je suis le fils d’un tortionnaire.

— Elle ne sait rien sur toi. Elle ne sait pas que tu n’as pas connu ton père. Elle ignore surtout ce que tu as fait pour moi et le prix que tu as payé.

— Mouloud, tu ne me dois rien. À ma place, tu aurais fait la même chose.

— Nous sommes en plein malentendu. Dinah est une femme formidable.

— Je te la laisse.

— Kader Djelloul est mon cousin. Pendant la guerre d’indépendance, il était en France, avec une couverture de prof de philo dans un collège catholique. En fait, il coordonnait les moyens logistiques de notre action. Dès 1958, son principal agent de liaison a été Dinah.

— Oui, je sais. Les James Bond des Renseignements Généraux devaient succomber à son charme.

— Ils n’étaient pas les seuls. Mais elle vient d’une famille aux traditions rigoureuses.

— Tous ascètes ? Comment font-ils pour se reproduire ? Je souhaite beaucoup de plaisir à son futur élu. Si j’ai bien compris, toi aussi, tu t’es cassé le nez ?

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