Infinity Papillon

Karine Belli

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Il y a fort longtemps, vous vous en souviendrez

peut-être, s’épanouissait sur les hauteurs du village de Mison, un royaume appelé « Royaume des Azurés » ainsi nommé en raison de la couleur des papillons qui le peuplaient ; lorsqu’ils déployaient leurs ailes d’un bleu métallique incomparable, bordées d’une fine frange blanche, ils renvoyaient au ciel l’azur intense des jours ensoleillés, et les pâles nuages gonflés de pluie.

Leur Roi, affaibli par son grand âge, y régnait encore avec sagesse. Il n’avait qu’un fils, le Prince Argus, papillon fragile et loyal qui s’enivrait saison après saison d’une vie douce et insouciante. Toutefois une épouvantable sécheresse s’abattit sur le Royaume, décimant prairies luxuriantes et fleurs abondantes tout autour du château. Il fallut se rendre à l’évidence : la stérilité de la flore allait engendrer la famine et, à terme, l’extinction du royaume.

Le Roi n’avait jamais été confronté à pareille ru-

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desse climatique et ne savait comment gérer le danger qui menaçait son peuple. L’impuissance et la peur lui firent perdre toute raison ; il installa le despotisme là où jusqu’ici il n’y avait eu que calme et volupté.

Redoutant les colères irrationnelles de son père, le Prince Argus se réfugia sur la plus haute pointe du clocher de la chapelle Sainte Baume et pria jour et nuit sans plus se nourrir : il demanda à Dieu et à ses anges de l’aider à trouver une solution :

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— Notre vie est si courte, Mon Dieu, devonsnous aussi nous éteindre dans la souffrance ?... Que devrons-nous faire������������������������������������ ����������������������������������� si la pluie ne revenait jamais baigner nos prairies ? Implorait-il.

Soudain, le message divin arriva : — Argus, le temps est venu pour toi de partir en quête d’une prairie naturellement humectée sur laquelle déplacer votre royaume, sans quoi la famine anéantira les tiens, et tu n’y survivras pas non plus.

Ton devoir est d’assurer la pérennité de ton peuple.

Suis ton étoile, arme-toi de courage, garde ta foi, et vole.

Le Prince descendit se nourrir du nectar vitaminé de sa fleur favorite. Repu, il alla trouver son père,

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lui exposa les faits et lui fit part de son intention de partir tantôt… Le Roi ne voulut rien entendre prétextant que la flore exotique et le climat différent d’une terre inconnue leur seraient fatals. Il s’y opposa fermement et jura de faire tout ce qui serait en son pouvoir pour déjouer ses plans. Mais Argus n’entendit pas ses menaces.

Déterminé, notre prince des papillons profita de ce ciel serein et de cette brise légère pour se lancer hardiment dans l’aventure. L’ivresse des grands espaces le remplissait d’une énergie extraordinaire. Il virevoltait très haut vers le ciel avec une subtile légèreté puis redescendait en vrilles acrobatiques. Plus rien ne comptait tant que garantir le salut de son peuple.

Brusquement un orage éclata et transforma cette remarquable frénésie en une pénible progression : chaque goutte de pluie devenait un ennemi à éviter : il prit des risques inconsidérés mais ne se résigna pas. Hélas, même sa bravoure ne put rien contre le déchainement de la nature, et l’intrépide papillon, lourd et détrempé, s’effondra au pied d’un arbre.

— Snif ! Snif ! Comment vais-je faire ? Snif ! Je n’y arriverai jamais… Entendit-il tout près.

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