Puissant celui qui se sait aimé si haut

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Puissant Celui Qui se sait Aimé Si haut La Chagrâce





Puissant celui qui se sait aimĂŠ si haut


© Copyright photographie : Valerie Dray “Legless love”, issue de la série “The day I left”


La Chagrâce

Puissant celui qui se sait aimé si haut



Préambule

Elle s’était longtemps couchée tôt sur un petit oreiller rectangulaire. Il s’était longuement préparé à l’affrontement. Depuis qu’elle l’avait rencontré, son champ des possibles était devenu une immense étendue. Il avait, sans le savoir, ouvert les enclos et tracé ses propres chemins. Elle l’avait laissé faire, observant avec sérénité cet étranger qui prenait place. Elle aimait cet envahisseur et acceptait tendrement ses prises de pouvoir. Il la traversait de part en part, conquérant. Elle lui livrait quelques clés, pas toutes. Plus il se l’appropriait et plus elle se déployait, portée par son inspirante présence. Elle étendait grâce à lui, le territoire de ses pensées amoureuses en construisant méthodiquement, patiemment, des ponts entre chaque doute. Peu lui importait désormais de se construire un fort de certitudes, elle repoussait toujours plus loin son domaine en reliant terres fermes et marécages. Elle déambulait sur la toile fine de ses contradictions. Allant et venant, libre, vaste. Laissant les rivières déborder de leur lit,


imbibant sous l’herbe les terres ennemies, fertilisant toujours plus loin son empire. Elle régnait sur lui. Il régnait sur elle. Et en cela ils étaient parfaitement égaux. Elle lui offrait cet espace infini à conquérir. Elle se laissait prendre, mais restait à jamais inaccessible dans sa totalité. Elle avalait parfois ses vérités, mais se laissait le droit de les recracher. C’est ainsi qu’elle l’admirait le mieux : jaillissant à sa conquête. Lui, avait le goût artificiel de l’invincibilité.


À mon homme C’est seulement là, seule, haute, isolée du reste. Ne reste que toi hissant seins, cuisses, fesses. Puissant celui qui se sait aimé si haut.


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Hébétée d’amour comme si je m’étais violemment cognée la tête contre ta poitrine, sur le coin de ta bouche, pleine face dans ton Regard.


Puissant celui qui se sait aimé si haut

L’amour est dans le presque. C’est là, dans la faille, cette minuscule imperfection qui défigure à jamais ton visage idéalisé que naît quelque chose de vrai. C’est ici, dans cette vérité que tout commence. C’est un accident.

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J’enfile quelques mots par le chas de l’aiguille pour raccommoder tes coudes. J’enfile mes bas. J’enlève ton pull. Tu caresses le chat. Les mots regardent.


Puissant celui qui se sait aimé si haut

Le bain brûlant Le bouillon brûlant Le baiser pleine gorge et brûlant Attise nos cœurs brûlants Que la terre soit brûlée Jusqu’à l’épuisement Après nous, qu’il ne reste rien Brûle pourpoint Et la peur de tout perdre Et le poème hurlant Il n’y a pas de cœur prudent

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Ton silence me regarde Mes mots bondissent sur la table Entre les tasses Je trempe mes lèvres fauves Et renverse le lait hurlant


Puissant celui qui se sait aimé si haut

Heureuse nage, lent voyage à la rame Je me pose mouillée dans tes bras Ma tête dans ton cou que j’embrasse coulée Je disparais dans ton ombre de mage Halo brillant du reflet de l’arbre. Je me réveille au lever rasant D’où pointe sur l’eau ma destination. J’embarque mes parfums et mes épices. S’éloignent ainsi les anciens paysages, Volubilis en ruine et Fès silencieuse. J’avance bercée dans ton sillage Au rythme paisible d’une âme heureuse.

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Laissée au lit au milieu des ruines. Je nage, je voyage, seule, le long de nos rives. J’étire et prolonge le décor J’arrondis les angles Mes cheveux écumant sur les draps Les vagues souvenirs de nos corps J’enlace de nous cette idée Préface douce au lit laissée Je veille sur tes sommeils ici abandonnés


Puissant celui qui se sait aimé si haut

Immobile, allongée sur une mer d’huile, je te regarde te lever tôt. Ton corps se redresse et s’arrache aux draps que tu laisses. Quelques gouttes de sommeil coulent le long. Tu enfiles le rôle et le jour commence avec toi. Je t’amérique. 19

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Amériquer/a.me.  i.ke/verbe du 1er groupe Définition 1 : Aimer, Admirer, Aduler, Voir grand... (dérivé : Projeter d’y construire un nouveau territoire) Définition 2 : Considérer avec un étonnement mêlé de plaisir ce qui paraît immensément beau, comme une terre vierge à conquérir


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Après l’amour plein jour Plein lit, pleins draps, plein fouet Les soleils sont couchés


Puissant celui qui se sait aimé si haut

Chaque été, réapprendre à vivre nus ensemble. Sans draps, sans nuit. Plein jour dans tes yeux

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Traverser la forêt sous la pluie, protégée tendrement par les arbres, bercée par leur musical feuillage. L’errance rêveuse. Aventureuse. Je pénètre ce temps hors d’âge et j’y emmène ce personnage à qui je pense. C’est toi. Rien n’est étrange. Ici se mélangent l’odeur mouillée du bois et celle de nos draps. Mes pieds s’enfoncent, lourds, dans la terre. Partout : bosses, trous, mousse, branches. Sortir du bois éprouvée. Me réveiller à ton aube.


Puissant celui qui se sait aimé si haut

Tu ouvres les volets et la lumière se précipite sur toi, bondit sur ta peau et danse légère et frêle, réjouie de te retrouver, s’accroche à ton cou et se laisse glisser le long de ton dos. Je reste dans la pénombre des draps, ignorée du spectacle merveilleux du grand jour sur toi.

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À la lie du sommeil Les braises de nos baisers Je cherche du bout des doigts Dans les draps mêlés Nos sillages encore tièdes Là dans l’aine fiévreuse Ici à ton souffle brûlé


Puissant celui qui se sait aimé si haut

J’aime ces moments En queue de nuit Où tu quittes le lit Pour t’introduire Dans un rêve qui commence

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