Rêves illustrés et porcelaines - Tome 2

Catherine Geoffray

Rêves Illustrés et Porcelaines -2-

RĂŞves illustrĂŠs et Porcelaines -2-

ISBN : 978-2-36673-089-0 © Catherine Geoffray, Rêves illustrés et Porcelaines -2-, 2015

CATHERINE GEOFFRAY

Rêves illustrés et Porcelaines -2-

du 12-04-14 au 18-09-14 Ce livre est le deuxième tome d’un journal de création commencé au mois de Janvier 2014 où sont juxtaposés des récits de rêves illustrés et des petites sculptures en porcelaine réalisées en parallèle.

Le premier tome allait de Janvier à Avril, celui-ci s’étend d’Avril à Septembre. Menée depuis un an, cette expérience s’est construite au fil du temps comme un dispositif de création. Durant cette période, la confrontation entre ces différentes créations a instauré un dialogue sans qu’aucun lien entre elles ne soit explicite. Quelque chose se déroule qui va puiser dans l’inconscient des images émergées des rêves, tandis que parallèlement, se modèlent des formes sans image préconçue, ni projet, à partir de petits blocs de terre que les mains façonnent. Surgissent alors des formes ou préformes plus ou moins hétérogènes où se dessinent des familles organiques, végétales ou minérales que la matière blanche commune de la porcelaine relie entre elles selon une logique interne ineffable. Une façon d’interroger les frontières osmotiques du vivant qu’il soit humain, animal ou végétal.

12-04-14

La plage des « vieilles » à l’ile d’Yeu, par temps couvert : peu de gens sur la plage et encore moins de baigneurs. J’ai posé mes affaires près de l’eau à côté d’un couple qui habite dans notre passage à Paris. Lui, on l’appelle le milicien avec son crâne rasé et son air pervers. En réalité, il n’est pas si méchant. J’hésite à me baigner : j’ai peur d’avoir froid. Je me trempe les pieds dans l’eau qui s’avère être à la même température que l’extérieur. Une petite fille me regarde. Elle veut se baigner avec moi. Elle est sous la surveillance de sa grand-mère assise un peu plus loin. J’entre dans l’eau en la tenant par la main. La mer monte et risque de recouvrir mes affaires sous le regard indifférent du couple. Je me précipite pour les retirer à temps. A ce moment-là, j’aperçois un mur d’eau gigantesque qui vient du bout de la plage du côté des falaises et se dirige vers nous en menaçant de nous engloutir tous. Je cours le plus vite possible en tenant la petite fille dans les bras serrée contre moi. Je nous imagine déjà emportées ensemble, broyées par les eaux. J’ai peur de la lâcher dans le tumulte des eaux et même si je parviens à la tenir, qu’elle n’arrive pas à retenir suffisamment sa respiration et qu’elle se noie. Mais rien ne se passe….La vague n’est pas réelle : elle est juste projetée sur un écran géant adossé à la falaise.

Sur le départ, j’attends avec mon compagnon de passer la douane à l’aéroport. Je n’arrête pas de laisser tomber mes papiers ou mes affaires. Le douanier m’invite à passer derrière le comptoir pour me prendre en photo. Je me retrouve allongée dans un lit très large, à côté d’une grosse femme noire qui attend son tour comme moi pour être photographiée. Lascive, elle se colle à moi et je suis obligée de la remettre à sa place. Le douanier commence par moi.

J’essaie de prendre une expression naturelle, sérieuse et neutre comme pour les photos d’identité officielles. Mais il tarde à prendre la photo et je sens mon naturel fondre sous son regard. Je finis par lui demander ce qui ne va pas et mon visage s’anime alors et bouge dans tous les sens. C’est le moment que choisit le photographe pour appuyer sur le déclencheur.

14-04-14

Debout dans ma véranda, je regarde par les fenêtres, le jardin.

J’aperçois un très jeune couple allongé l’un sur l’autre au milieu de mes plates bandes. Ils sont âgés d’à peine une douzaine d’années et déjà ils essaient de faire l’amour. Le petit sexe encore imberbe du jeune garçon peine à pénétrer celui de sa jeune partenaire. Ensemble, ils glissent sur le sol au milieu des fleurs. Je suis émue par le désir et l’amour qui émanent de ce couple si jeune et encore si peu expérimenté. Un homme s’approche alors d’eux pour souffler délicatement à l’oreille du garçon des conseils sur la manière de s’y prendre et de protéger leurs rapports.

Le chant d’un oiseau inconnu me réveille dans la nuit pourtant encore noire.

Dans un groupe de thérapie, je me rends compte que je n’ai plus rien à faire là. Je me lève pour les quitter. La thérapeute tente alors de me culpabiliser en mettant en avant les problèmes de mon fils aîné. Écœurée par ce coup bas, je m’en vais. Dans une sorte d’antichambre, à côté, je tombe sur une amie que je n’ai pas vue depuis un long moment. Assise sur un lit, en compagnie d’autres femmes, elle évoque ses problèmes conjugaux en manipulant des boîtes en carton, qu’elle colle l’une contre l’autre pour montrer qu’elles ne s’emboîtent plus ensemble. Elle évoque ensuite le suicide de son fils aîné et je suis sous le choc de cette nouvelle. Elle en parle si calmement que c’en est étrange. J’éprouve soudain pour elle un élan de tendresse et lui caresse doucement la cuisse. Elle porte un pantalon de pyjama à petits carreaux Vichy bleu pâle, en tissu léger et fripé, identique au mien. J’aimerais lui apporter un peu de réconfort. Mais il est temps pour moi de partir.

15-04-14

Dans une anse rocheuse au bord de la mer, nous nous baignons entre amis. L’eau est tiède mais la mer est infestée de méduses aux longs filaments urticants qui flottent entre deux eaux. Sans cesse, il faut surveiller où l’on nage pour les éviter à tout prix et la baignade qui promettait d’être délicieuse s’avère périlleuse et tendue. Pourtant je n’arrive pas à renoncer à cette eau si bonne. Nous repérons un petit coin à l’abri : une sorte de fosse encerclée de rochers abrupts qui filtrent les méduses et leurs tentacules.

La mise à l’eau paraît difficile jusqu’à ce que j’aie l’idée de me retourner et de me laisser glisser sur le ventre le long de la paroi lisse rocheuse. La fosse est profonde et l’eau transparente. Je me sens revigorée et l’aiguillon du danger proche renforce encore et pimente le plaisir de la baignade.

16-04-14 Dans une salle, un groupe pratique des gestes dans le but d’une sorte de prise de conscience du corps par le mouvement, sous les indications précises d’une animatrice.

Celle-ci nous demande de nous propulser en avant uniquement à partir d’une impulsion de la jambe arrière. Cela donne une marche par à-coups. J’attrape tout de suite le geste et évolue avec tant d’aisance que la femme me montre en exemple.

Un autre exercice consiste à tirer à plusieurs sur un très long câble auquel est attaché un lourd traîneau. Je prends la tête de la cordée loin devant mes coéquipiers. Le câble me scie les mains. Il faut pourtant maintenir la tension pour qu’il reste tendu et que le traîneau soit halé. En me retournant, je vois qu’on m’a rajouté un petit traîneau placé entre mes coéquipiers et moi, chargé de denrées. Un enfant réclame du sucre. Je crois en apercevoir sur mon traîneau mais c’est en réalité un bloc de glace en train de fondre.

Tout cela est très lourd et j’ai l’impression que je suis la seule à tirer et que les autres tirent au flanc. Je m’arc-boute sur le câble de toutes mes forces grignotant centimètre par centimètre la distance qui nous sépare de l’arrivée : une petite salle sur le seuil de laquelle nous attend l’animatrice.

17-04-14 Des gens campent face à la plage au bord de la route qui les sépare de la mer. Un long ruban d’asphalte au milieu de nulle part. Il ne devait plus y avoir de place au camping et, ici, c’est gratuit. Installés en grappes sur leurs serviettes, au pied de leurs camping-cars ou de leurs tentes, ils parlent et font des mots fléchés.

A l’ile d’Yeu, une fête devait avoir lieu. A cet effet, cent cinquante chaises ont été disposées sur la terrasse. Mais il faut partir, l’heure du bateau approche. Ma cousine s’apprête à prendre un taxi.

Elle nous laisse sa voiture qu’elle a fait passer sur le bac. Ça ne m’arrange pas. Déjà encombrée par toutes ces chaises inutiles, je n’ai pas envie de me charger d’une voiture en plus. « Il n’y a pas de place dans mon garage, elle va rester dehors » lui dis-je. Mais le taxi est là, ce n’est plus le moment de discuter, il faut partir.