L’Épopée de Wazzebu Pierre Villeneuve
L’épopée de Wazzebu
Š Pierre Villeneuve, 2013
Pierre ViLLeneuVe
L’épopée de Wazzebu
ingworld « Bip Bip Bip » Ça y est l’heure était venue… il n’avait pas beaucoup dormi cette nuit, il avait vu défiler presque toutes les heures et pourtant il était impatient. Son premier jour de travail commençait dans un peu plus d’une heure, mais avant il lui faudrait se doucher et s’habiller en costume-cravate comme le dress code l’exigeait. il lui faudrait aussi penser à relire les documents qu’on lui avait donnés pendant son petit-déjeuner. Puis le temps de partir au travail arriverait assez vite. il essaya de réfléchir à ses futurs collègues de travail, et même à la manière dont il se présenterait, peut être trouverait-il quelqu’un qui aimait comme lui regarder ce nouveau sport à base de football et de stratégie… « Bip Bip Bip Bip » Allez ce n’est pas en se passant en revue dans sa tête les différentes manières dont la journée pouvait 7
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tourner qu’il serait prêt à l’heure ! Le voilà debout. D’un geste mainte fois répété au cours de ses huit ans dans son appartement strasbourgeois, il appuya plusieurs fois sur l’écran clignotant intégré au mur et le regarda plusieurs minutes, intégrant plusieurs informations. Puis le lit fut alors aspiré par le plafond, mais vite remplacé par une planche sans pied sortie du sol et qui restait là en suspension comme par magie. il sourit, il connaissait les principes physiques mis en jeu pour la bonne raison qu’il avait eu à les démontrer lors d’un de ses examens de fin d’année. il installa son petit-déjeuner sur cette table où il avait passé tant d’heure à réviser ces huit dernières années. Après un petit-déjeuner léger : café, pain beurré et jus d’orange afin de ne pas risquer d’être indisposé le premier jour de son travail – le stress lui donnait facilement des maux de ventre – il repensa à son entrée dans cette fameuse entreprise ingworld. une vraie opportunité qu’il avait réussi à décrocher après pas mal de travail acharné. il arrêta rapidement ses réflexions et parti sous la douche. en moins de vingt minutes – il ne lui en restait qu’une trentaine – il était propre et habillé. Après deux longues minutes à scruter le miroir à la recherche du petit défaut il sortit de sa salle de bain, s’arrêta devant l’écran qu’il avait consulté à son réveil. il le détacha d’une pression sur le mur, tapa une série de lettre et s’avança vers une porte tout ce qu’il y a de 8
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plus traditionnel. Cependant une fois la porte ouverte, un mur… Wazzebu appuya de nouveau sur son écran et une lumière grise envahie le mur. un néophyte n’y verrait qu’une sorte de liquide recouvrant un mur, lui savait et attendait d’en apprendre plus. Sans aucune peur il avança et traversa le mur… … La seconde suivante il se trouvait dans le hall d’ingworld. La pièce était relativement grande, il se souvenait être venu il y a quelques mois lors des différents entretiens de pré-embauche. Les trois transporteurs, dont l’un par lequel il venait d’arriver, faisaient face à trois autres distant de quelques dizaines de mètres. Sur sa gauche des portes d’entrée vitrées s’intégrant dans un véritable mur transparent mangeant même une partie du toit. La luminosité était parfaite mais les portes étaient rarement utilisées… Sur sa droite un attroupement de jeunes et d’hommes en costume s’était formé, il s’y dirigea avec une certaine appréhension. Probablement les autres nouveaux embauchés, il savait qu’aujourd’hui ils étaient nombreux à commencer. un peu comme une rentrée des classes, l’idée le fit sourire. un homme en costume noir, cheveux court avec les tempes poivre et sel comptait les hommes et femmes en costumes et attendait patiemment. Suite à l’arrivée de deux autres personnes après Wazzebu il prit la parole : « Bonjour à vous tous, je me présente, 9
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je suis Alain Droitt, codirecteur des ressources humaines. nous attendons aujourd’hui vingt-huit nouveaux embauchés. A première vue… oui vous êtes tous là. Veuillez me suivre nous allons commencer par une petite présentation de l’entreprise. » Après être passé devant l’immense bureau d’accueil et ses quatre magnifiques secrétaires qui firent tourner plus d’une tête, et après avoir traversé un couloir, monté d’un étage puis traversé encore un couloir, le codirecteur des ressources humaines s’arrêta et fit entrer tout le monde dans un amphithéâtre. il attendit que tous soient assis et pris la parole : « Bien je sais que vous êtes tous grand – sa voix était relayé par des enceintes disposées un peu partout dans la salle –, mais je vais quand même faire l’appel. Lorsque vous entendez votre nom, merci de dire présent et de passer votre passeport devant le lecteur devant vous. Si vous entendez des sirènes et que vous voyez entrer plusieurs hommes de la sécurité c’est que vous n’êtes pas qui vous prétendez être. » Des rires répondirent à ses propos. « ne rigolez pas trop, c’est déjà arrivé avant… Bon Jonathan Altreau ? – Présent monsieur. » un bip se fit entendre après la vérification de passeport, Alain Droitt vérifia quelques données sur son pupitre, hocha la tête et continua son appel. Wazzebu n’écouta guère et entama discrètement une discussion avec sa voisine rousse. il ne connaissait pas encore son prénom mais ne désespérait pas de l’obtenir. 10
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« … je te trouve déjà très intéressante, tu ne veux vraiment pas me dire ton prénom ? – D’abord le tien et ensuite je verrais. La rousse lança un sourire désarmant. – J’ai dit Wazzebu Pilvy ? Homme, vingt-huit ans, récemment diplômé de la prestigieuse iiSA, célibataire… Alain Droitt avait légèrement haussé la voix. – oui, pardon je suis là, présent ! » un rire bref passa dans les rangs de l’assemblé. notre Wazzebu se promis de ne plus être distrait… il valida son passeport et reporta son attention sur sa voisine. « iiSA hein ? eh bien, je suis Mélusine. enchantée. » elle refit son sourire charmeur. Bon il s’était fait remarquer mais avait obtenu le prénom de la jolie rousse. il écouta cependant la fin de l’appel en souriant lorsque Mélusine passa à son tour. « Donc il s’avère que les vingt-huit nouveaux embauchés sont bien vous. Félicitations. Passons aux choses sérieuses, combien de personnes sont venues aujourd’hui par ce qu’on appelle communément un transporteur ? » La quasi totalité des mains se levèrent. « oui vous habitez pour la grande majorité d’entre vous à des centaines de kilomètres. » D’un simple mouvement de main dans l’air, deux doigts repliés de la main droite et un bref mouve11
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ment du poignet, Alain Droitt lança une présentation sur le mur blanc devant les nouveaux embauchés. « en 2048 il a été prouvé que le procédé de déplacement de la matière, après des décennies de recherche, ayant pour base la déstructuration et la restructuration moléculaire, fonctionnait. en 2050 les plus grandes entreprises possédaient les premiers transporteurs pour les marchandises, oui je sais vous n’étiez pas encore née. D’ailleurs on devrait dire téléporteur et non pas transporteur mais comme la première entreprise à avoir commercialisé cette nouvelle technologie s’appelait Transporteur et Cie, le nom est resté. » un homme leva la main dans la salle : « Qu’est-ce qu’est devenu cette entreprise ? » Aïe, grosse lacune de la part du jeune homme en costume clair, ingworld a racheté cette entreprise il y avait maintenant plusieurs années. Ce rachat avait fait d’elle le leader mondial des téléporteurs civils et militaires… « Laissez-moi continuer et vous saurez tout, monsieur ? – Jacques Lebert, désolé. » Alain Droitt continua sa présentation, de gestes particuliers de la main il faisait apparaître ou disparaître les images, textes et vidéos nécessaires à ses explications. « C’est en 2064 qu’est née notre entreprise ingworld, créé par deux anciens ingénieurs de 12
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Transporteur et Cie en désaccord avec la direction que prenait l’entreprise. en 2058 il était devenu banal de se déplacer par Téléporteurs, mais ingworld n’est pas entrée en concurrence avec celle qui lui avait permis d’exister, elle a développé sa propre technologie mais pour les militaires… Traditionnellement il faut un portail de départ et un portail de réception, cependant ingworld a créé une version militaire qui n’a pas besoin de portail de réception… » Alain Droitt attendit que la nouvelle fasse son petit effet dans l’assemblée… et lança une petite vidéo filmée caméra sur l’épaule par l’une des premières équipes militaires ayant testé un de ces téléporteurs. « et oui, mais cela n’est pas sans risque, un portail de réception permet de s’assurer que personne ou qu’aucun objet ne se trouve à l’endroit où la restructuration moléculaire se passe. Mais difficile d’aller installer un portail chez son ennemi… ingworld a vendu ses téléporteurs à tous les pays sans distinction, après l’arme de dissuasion atomique relativement peu discrète, les téléporteurs militaires donnaient l’avantage de la discrétion. Plusieurs pays sont entrés en guerre et encore plus ont vu leur régime politique renversé mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui… Par la suite ingworld s’est développé dans le domaine civil, proposant des téléporteurs beaucoup moins cher que ceux de Transporteur 13
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et Cie mais limité en distance de transport… Ce fut un coup de maître, pourquoi acheter un téléporteur qui pouvait vous faire le tour de la Terre alors que vous vous en servez seulement pour aller au travail ? Les ventes dépassèrent toutes les prévisions et en 2073 ingworld racheta Transporteur et Cie. Pour la petite histoire, toutes les compagnies aériennes n’ayant pas encore sombré furent elles aussi rachetées afin d’y placer des téléporteurs longues distance pour les vacances des usagers. Les dates suivantes sont connues de tous alors je vais passer rapidement. 2077 premier portail posé sur la lune et à partir de là en 2079 Mars. encore une anecdote, le vaisseau autonome qui a amené les portails a été réalisé par l’une de nos filiales, avec une propulsion qui découle de nos téléporteurs. » Le discours continua encore une bonne heure expliquant les aspects administratifs de l’entreprise et le fonctionnement interne. Là aussi des photos et vidéo présentèrent les différents points d’intérêt comme la cantine, la position des téléporteurs de secours… « Bien je vais maintenant entrer dans le vif du sujet, j’ai détaillé plusieurs aspects de notre entreprise : téléporteurs personnels, industriels, militaires, applications de cette technologie au transport d’information, à des moyens de propulsion moderne… et vous avez été tous recrutés afin d’entrer dans notre département militaire. C’est d’ailleurs 14
pour cela que vous avez eu le droit à cette présentation, la connaissance de ces informations, non connues du grand public, sont extrêmement sensibles. Plusieurs projets vous attendent, vous trouverez sur la table en sortant un dossier à votre nom, n’en prenez pas un qui ne vous appartient pas, ils sont sécurisés et ne s’ouvrent qu’avec la bonne empreinte digitale. A l’intérieur le nom de votre tuteur pour vos premiers mois chez nous et le moyen de le contacter et de le rejoindre, vous y trouverez aussi en quelques mots le projet sur lequel vous allez travailler. Chacun d’entre vous intégrera une équipe dynamique et un projet excitant, cependant je vous rappelle que lors de la signature de votre contrat d’embauche vous avez tous accepté une clause de confidentialité, gardez vos dossiers précieusement et à l’abri. Bien j’en ai fini et la matinée touche à sa fin, veuillez récupérer vos dossiers et bonne continuation dans notre belle entreprise. Si vous avez des questions, votre maître de stage, ou très certainement votre tuteur sera ravi d’y répondre. n’oubliez pas, chacun d’entre vous est attendu à quatorze heures pile sur le lieu indiqué sur son dossier. » « Bip Bip Bip » Bon sang il serait grand temps de changer la sonnerie de son réveil… lors de ses études il avait choisi la plus stridente afin d’être sûr de se lever. Mais maintenant qu’il faisait de vraies nuits de huit heures il pouvait en choisir une plus mélodieuse. 15
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« Bip Bip Bip Bip » oui, c’est bon… il n’avait rendez-vous que dans une heure et demie ce qui lui laissait largement le temps de se préparer et de relire son dossier. Hier il avait rencontré son tuteur, Sébastien Puget, un homme d’environ 70 ans. extrêmement sûr de lui mais incroyablement intelligent à en croire ses collaborateurs et au vu de ce qu’il avait pu lire sur lui. il était apparemment l’investigateur de la version militaire des téléporteurs. Les algorithmes, ses algorithmes, qui ont permis cette avancée étaient probablement les plus protégés au monde, et puis de toute manière il ne devait avoir qu’une poignée de cerveau capable de les comprendre. il ne pouvait pas croire à la chance qu’il avait de travailler avec lui, enfin même si c’était un peu intimidant. D’après ce qu’il avait eu comme information, aujourd’hui était un grand jour pour l’équipe Puget. une batterie de tests préparée depuis des mois, probablement sur un nouveau type de téléporteur, allait commencer et il y aurait sa place. Allez, il était plus que temps d’aller gagner sa pitance, il avait déjà repéré des petites améliorations pour son appartement dans lesquels il pourrait dépenser ses premiers salaires. il passa rapidement devant son miroir, bon il avait l’air d’un jeune cadre dynamique, le sourire que lui renvoyais le miroir était motivant. il prit sa console de synchronisation, fit disparaître sa table, éteignit plusieurs lumières 16
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et commença à taper une adresse en regardant le dossier qu’il avait obtenu la veille. Sébastien Puget avait un portail de transporteur dans son propre laboratoire, rentrer son adresse ne prendrait que quelques secondes… Wazzebu arriva juste en face d’un homme de son âge, il ne savait pas quoi dire et resta coi. « Tiens salut le petit nouveau, je suis Timéo Meunier, pas de blague hein ? Timéo était le prénom de mon arrière-grand-père. Avant toi c’était moi le petit dernier… » un homme poussant un immense chariot passa relativement près de nos deux hommes. « Hey, tu le fais exprès ! Tu sais Wazzebu, je peux te tutoyer ? Bien… un chariot de ce genre peut supporter jusqu’à dix tonnes et un seul homme peut le piloter d’un doigt grâce à des améliorations robotiques, donc je soupçonne Périk, son conducteur, de l’avoir fait exprès, hein Périk ? – Salut, j’suis Périk Telmien. ravi de te rencontrer, j’me grouille sinon l’chef va m’botter l’cul. – Heu bonjour, fut les seuls mots que Wazzebu réussit à prononcer. – Bon Wazzebu, suis moi, on va voir le roi Puget et après on a une journée chargée. Ah oui au fait je suis ton tuteur, pour te servir. » Timéo esquissa une révérence. Wazzebu le suivi docilement à travers le bâtiment. il salua plusieurs personne, pris un café puis posa 17
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la question qui le taraudait depuis que Timéo s’était présenté comme son tuteur : « Je croyais que c’était Sébastien Puget mon tuteur ? – Sur le papier seulement, dans la réalité c’est moi qui te montre où sont les toilettes. » il éclata de rire à sa propre blague. il entraÏna alors Wazzebu dans un vrai dédale, puis ils tournèrent rapidement à gauche, traversèrent un open space avec trois bureaux et se retrouvèrent dans un petit amphithéâtre. environ une vingtaine de places en arc de cercle faisaient face à une petite estrade en bois. « Viens on va dire bonjour au boss. » ils s’avancèrent vers le roi Puget. « Bonjour monsieur, je suis… – Wazzebu, oui je sais c’est moi qui vous ai choisi. Bien asseyez-vous et écoutez attentivement. » ne voulant pas faire de vague Wazzebu suivi les ordres et s’assit sans un mot. il déroula ensuite son cahier électronique afin de prendre des notes. une quinzaine de personnes étaient présentes, Timéo à sa droite qui souriait à pleine dent comme un enfant et le fameux Périk qui avait presque failli le tuer il y a quelques instants. Apparemment ils étaient les plus jeunes de l’équipe, il aurait l’occasion dans les mois à venir de connaitre le nom et les spécialités de la dizaine d’inconnus autour de lui.
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