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33 Mellionnec : une église, 400 habitants et... une école de ciné
DOSSIER
MELLIONNEC : UNE ÉGLISE, 400 HABITANTS ET... UNE ÉCOLE DE CINÉ
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Devant son écran d’ordinateur, Lucile Coda visionne les images tournées la veille. On y voit une agricultrice, parcourant champs et chemins où elle guide son troupeau de vaches. « C’est Nathalie, une éleveuse de la commune, indique la réalisatrice de 27 ans qui depuis quatre jours l’accompagne dans son quotidien à la ferme. Dans nos échanges, la question de la transmission est souvent revenue : celle de ses parents envers elle, et aujourd’hui elle avec son fils. Je pense me concentrer sur cet axe pour mon film. » Comme Lucile, trois autres documentaristes sont présentes en cette semaine de mai à Mellionnec, au sud des Côtes d’Armor. Elles vont aller à la rencontre d’habitants de ce village pour réaliser une série de portraits. Une résidence artistique initiée par Ty Films, association spécialisée dans le cinéma documentaire qui, depuis 2007, ressuscite ce bourg de 400 âmes. « J’imagine que ta première question, ça va être : “mais qu’est-ce que vous foutez ici ?!” », attaque d’emblée Jean-Jacques Rault, 59 ans, le directeur de l’asso, avant de dérouler : « Je suis originaire du coin. Je suis un ancien paysan qui a changé de métier à l’âge de 42 ans. Je n’étais pas vraiment cinéphile, mais j’ai eu envie de devenir réalisateur. » Un cursus universitaire sur le tard et une révélation pour Jean-Jacques. « J’y ai découvert le documentaire de création. Une manière très personnelle de découvrir et de raconter le monde qui m’a tout de suite plu. Contrairement aux documentaires journalistiques, il y a là une part d’intime. » Après un premier film réalisé en 2005, le bonhomme revient donc sur ses terres avec la volonté de poursuivre sa carrière de cinéaste, mais pas que. « Avec des copains, on crée l’association Ty Films avant de lancer en 2007 le festival “Les Rencontres du film documentaire”. Une première édition qui a tout de suite bien fonctionné. C’est là qu’on s’est dit que ce serait bien de faire des choses toute l’année. » Lieu de résidence avec l’installation d’une “maison des artistes”, formations à destination des cinéastes professionnels, accueil d’étudiants en partenariat avec l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), ateliers pour le jeune public… Des actions qui depuis plus de dix ans ont contribué à dynamiser Mellionnec : la commune a arrêté de perdre des habitants, l’école maternelle et primaire a vu ses effectifs passer de 25 à 40, le fournil bio compte désormais huit boulangers (!), une librairie s’est même ouverte il y a près de trois ans… « Faire venir du monde tout au long de l’année et attirer une nouvelle population, cela rejaillit forcément sur le bourg, se félicite le boss de l’asso qui compte aujourd’hui 11 salariés. Cela crée des synergies pour le développement du territoire. Quand des étudiants ou des réalisateurs viennent ici par exemple, il faut bien les loger. Alors, on loue des gîtes, des chambres chez l’habitant… Nous avons calculé que cela représente 1 000 nuitées par an. D’où le projet actuellement en cours de réhabiliter une auberge. » Un besoin d’hébergement qui, à partir de septembre 2022, va s’intensifier avec le lancement de Skol Doc, une école de ciné que Ty Films est en train de construire. « En plus des parcours déjà en place, on aimerait créer un diplôme de cinéma documentaire. On va essayer de décentraliser la fac, l’idée étant que tous les étudiants (entre 40 et 50) s’installent ici pendant deux ans, le temps de leur cursus », développe son directeur. De quoi renforcer la singularité de Mellionnec :
HABITANTS ET... UNE ÉCOLE DE CINÉ
Photos : Bikini quel autre bled de 400 habitants peut se vanter d’avoir une école de ciné ? « Et du coup, renréchit Jean-Jacques, la commune sera également dotée d’une salle de cinéma de 80 places puisque toutes les séances seront ouvertes au public et aux habitants. » Parmi ceux-ci, on comptera sans doute Aurélien, l’un des boulangers du village. À l’instar de Nathalie, ce garçon fait lui aussi l’objet d’un portrait qui sera diffusé lors de la prochaine édition du festival. « Ce qui m’a intéressé chez Aurélien, c’est son approche de la vie. Il la prend comme elle vient », éclaire Sabrina Daniel-Calonne qui, depuis près d’une semaine, le suit quotidiennement. Si cette réalisatrice de 39 ans a déjà réalisé deux courts métrages, ce film tourné à Mellionnec confirme son béguin pour le documentaire. « Un genre où on ne peut rien manipuler. Tu dois réussir à construire une relation de confiance avec ton sujet. C’est l’histoire d’une rencontre. Ce qui rend chaque film singulier. »